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Intervention de Michel Mercier

Réunion du 18 janvier 2011 à 15h00
Garde à vue — Discussion d'un projet de loi

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Le projet prend en compte les exigences issues du Conseil constitutionnel et de la plus récente jurisprudence de la Cour de cassation quant aux motivations in concreto qui doivent justifier les mesures dérogatoires, notamment pour ce qui concerne le report de l'assistance d'un avocat. Pour les premièresvingt-quatre heures, ce report sera conditionné à l'autorisation du procureur ; ensuite, seul le juge des libertés et de la détention pourra le maintenir jusqu'à la quarante-huitième heure, voire plus si cela s'impose.

Au-delà du contenu de la garde à vue, le débat s'est focalisé sur le contrôle de la mise en oeuvre de la garde à vue.

Les changements dans le contenu de la garde à vue tels que je viens de les présenter constituent une avancée notable en matière de respect des libertés et des droits fondamentaux. Néanmoins, eu égard tant à l'interprétation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme par la Cour du Strasbourg qu'aux positions du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, la question qu'il importe de traiter dans un tel projet de loi est celle du contrôle de la garde à vue. Le débat a surtout porté sur le rôle du procureur de la République en sa qualité de magistrat.

Je rappellerai la position de la Cour de Strasbourg et celle du Conseil constitutionnel avant d'expliquer pourquoi le Gouvernement s'est fondé sur l'une et sur l'autre. En ce qui concerne la Cour de Strasbourg, j'aimerais indiquer à votre assemblée que je me suis appuyé pour ma démonstration sur les très remarquables réquisitions que le procureur général Marc Robert a prononcées devant la chambre criminelle de la Cour de cassation le 15 décembre 2010. La Cour de Strasbourg applique la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et, comme toute cour, se livre à des interprétations. Pour ce qui concerne notre sujet, c'est l'article 5, paragraphe 3, de la convention et son interprétation jurisprudentielle qui nous intéressent.

La question essentielle est vite devenue la suivante : quel est le professionnel fondé à exercer le contrôle judiciaire de l'article 5, paragraphe 3 ? Les rédacteurs de la convention ont opéré une distinction entre le tribunal indépendant et impartial – qui relève des dispositions de l'article 6, paragraphe 1, relatif au droit à un procès équitable – et le « juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires », s'agissant du contrôle de la privation de la liberté visé à l'article 5, paragraphe 3, lequel n'a pas de caractère juridictionnel.

Sur une cinquantaine d'années, au fil d'une évolution constante de sa jurisprudence, la Cour en est venue à juger – je vous renvoie à l'arrêt Huber du 23 octobre 1999 – que la condition de l'impartialité était incompatible avec la qualité même d'autorité de poursuite et a estimé, par ailleurs, que la condition liée à l'indépendance devait être appréciée en fonction des liens de subordination statutaire.

« En résumé, la Cour a vidé de toute substance le concept de magistrat de l'article 5, paragraphe 3, pour l'assimiler purement et simplement au concept de juge, confondant dans le même temps l'“autorité judiciaire” des articles 5, paragraphes 1 et 3, avec le “tribunal indépendant et impartial” de l'article 6, paragraphe 1. » Je reprends les termes employés par l'avocat général Marc Robert devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

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