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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 18 janvier 2011 à 15h00
Garde à vue — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Patrick Braouezec a raison.

L'étude d'impact que vous nous avez présentée, monsieur le ministre, est très approximative. J'ai pris la liberté de vous interroger sur la nature du financement, puisque vous chiffrez l'impact de cette réforme autour de 75 millions d'euros. J'ai demandé à votre ministère qui assumait le chiffrage car cette évaluation est très largement inférieure, me dit-on, à ce que va coûter l'application de ce texte, ne serait-ce que dans le domaine immobilier. Il sera applicable, en effet, dans toutes les communautés de brigade et dans l'ensemble des 436 commissariats de police, dont je ne vous ferai pas l'injure de vous dire dans quel état ils sont. La clochardisation abîme une grande partie d'entre eux. Les communautés de brigade sont elles aussi dans un état de vétusté parfois très avancé. En tout état de cause, ils ne sont manifestement pas en état de répondre à votre réforme. De ce que l'on me dit, je conclus donc que votre chiffre de 75 millions ne correspond pas à grand-chose.

J'ai donc demandé à votre ministère qui était responsable de l'étude d'impact et de ce chiffrage. On m'a expliqué que l'étude d'impact était assumée par le garde des sceaux, sauf le chiffrage, qui relevait de la DGPN. J'ai donc téléphoné à la direction générale de la police nationale pour lui demander si le chiffrage était assumée par elle. On m'a dit que non, que c'était le garde des sceaux. Quand personne n'assume un chiffre, j'ai tendance à douter de sa véracité.

Mais même si l'on écarte ce chiffre, ce qui est étonnant, dans votre étude d'impact, c'est qu'elle est lacunaire, voire indigente, sur de nombreux points. Certes, elle procède à une évaluation des efforts qui seront consentis en ce qui concerne le justiciable, c'est-à-dire le gardé à vue. Mais elle ne dit rien sur l'usager de la justice, c'est-à-dire sur la victime, celle qui demande justice, celle qui veut que justice lui soit rendue. Lisez l'étude d'impact, mes chers collègues, vous ne trouverez pas un mot sur les victimes. Vous nous dites, monsieur le ministre, que vous allez défendre les droits des victimes. Mais votre étude d'impact n'en dit pas un mot. Pas un seul. C'est pourquoi je dis qu'elle est lacunaire, parce que je ne vous accuse pas de mauvaise foi.

Elle fait aussi l'impasse sur les transformations inéluctables que la réforme va occasionner s'agissant des méthodes et des techniques du travail d'investigation. Pour les officiers de police judiciaire, avoir à conduire des gardes à vue en présence d'un avocat, c'est un autre métier. L'égalité des armes, si j'ose dire, devra être assurée. Pour les officiers de police judiciaire, cela nécessite de la formation, du temps, pour être à la hauteur du défi que la présence des avocats va poser.

En ce moment, au Sénat, le ministre de l'intérieur défend la LOPPSI. Cette loi d'orientation est d'ailleurs tellement peu d'orientation qu'il vient de commander un Livre blanc sur la sécurité publique au préfet de police de Paris et à Alain Bauer, deux personnalités dont l'indépendance est bien connue. Je ne sais pas à quoi servent les lois d'orientation si on est obligé de demander à des personnalités extérieures de préparer des textes d'anticipation. Bref, toujours est-il que, alors même que cette LOPPSI impacte la garde à vue, il n'a été procédé à aucun ajustement entre cette loi et celle que vous nous soumettez aujourd'hui.

Bref, votre texte est bâclé, il n'est pas financé, il est lacunaire : nous sommes contraints de demander son rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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