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Séance en hémicycle du 25 juin 2009 à 15h00

Résumé de la séance

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  • essai
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  • indemnisation

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français (nos 1696,1768).

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Michel Buillard.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Buillard

Madame la présidente, monsieur le ministre de la défense, mes chers collègues, « je tiens à dire à la Polynésie française combien la France apprécie le service qu'elle lui rend en étant le siège du Centre d'expérimentations du Pacifique qui doit assurer la paix, à coup sûr, à notre ensemble français ». Cette déclaration du général de Gaulle a été prononcée le 6 septembre 1966 devant les Polynésiens. Deux jours plus tard, il assistait à un nouvel essai nucléaire aérien à Mururoa.

Il va sans dire que les Polynésiens auraient apprécié que l'on rappelle dans l'exposé des motifs du projet de loi la contribution de la Polynésie française à la politique de grandeur de la France. C'est le passé, mais nous sommes tous plus ou moins responsables du passé de la France. Il n'y a pas une responsabilité de l'État pour le passé et une responsabilité de l'État pour l'avenir : il y a une continuité dans l'exercice des responsabilités, de la responsabilité de l'État. Cela s'appelle la continuité de l'État.

Lorsque le général de Gaulle a pris la décision d'implanter le Centre d'expérimentations en Polynésie française, il a tenu à assurer les Polynésiens « du soutien indéfectible de la métropole. Votre avenir peut être magnifique. Tout vous destine à être un centre essentiel des grandes communications du grand Pacifique, entre les continents d'Amérique latine, du Japon, de Chine, d'Australie, un centre français. Votre rôle est essentiel et je le salue dès aujourd'hui. »

Élaborée pendant la guerre froide, la politique de dissuasion nucléaire française est l'expression de la politique d'indépendance nationale voulue par le général de Gaulle. Grâce à cette dissuasion, la France a pu reprendre toute sa place dans le concert des nations, se donnant les moyens d'être entendue. Ce rôle d'instrument de puissance a également été reconnu par le président François Mitterrand. Cette dissuasion a servi les intérêts internationaux de la France. Elle contribue, encore aujourd'hui, à la préservation du statut international de la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut pas parler des expérimentations nucléaires en Polynésie française au passé. La dissuasion nucléaire est l'un des piliers de notre sécurité nationale. Tant qu'elle sera d'actualité, la France aura une responsabilité envers les Polynésiens, au premier rang desquels les malades soutenus par l'association Mururoa e Tatou.

Comme vous le savez, la population polynésienne n'a pas été consultée lorsque l'implantation du CEP a été décidée. Faut-il pour autant dire qu'il s'agit d'une population candide ? Faut-il pour autant considérer que la responsabilité des élus locaux a été engagée indirectement, d'autant que l'État nous a toujours assurés de l'innocuité des essais ?

C'est fort de ces assurances que le secrétaire d'État chargé des problèmes du Pacifique sud s'est rendu dans chaque État de la région à partir de 1986 pour tenter de normaliser des relations mises à mal par les expérimentations nucléaires en Polynésie française.

Et je ne reviendrai pas sur ce que j'ai vécu en 1995 lorsque, tout juste élu maire de Papeete, j'ai dû faire face à l'incendie de ma ville par des émeutiers protestant contre la reprise des essais.

Votre projet, monsieur le ministre, est un premier pas que je salue. Toutefois, les conditions pour obtenir l'indemnisation me semblent trop restrictives. Le principe de présomption du lien de causalité entre les maladies radio-induites et l'exposition aux essais n'est pas posé et les associations de vétérans n'ont pas été intégrées dans le comité d'indemnisation.

Il a été dit que ce projet de loi avait été élaboré en concertation avec les élus et les associations. Soit. Mais entre concertations, consultations et informations, la frontière est insaisissable.

La nuance sémantique introduite dans le titre du projet de loi avec le terme de reconnaissance a une forte portée symbolique. Cela nous autorise à dire qu'il faut ouvrir le débat, un large débat qui portera sur les réparations sanitaires, mais également socio-économiques et environnementales. En effet, la Polynésie française a été victime des essais nucléaires. En matière d'assurance maladie, la caisse de prévoyance sociale de Polynésie a déjà dû consacrer une part importante de son budget aux soins des victimes des essais nucléaires. Je souhaite donc que le Gouvernement central poursuive la réparation des dommages sanitaires causés à la Polynésie française en participant aux frais de fonctionnement du nouvel hôpital territorial, notamment de son unité d'oncologie.

Je souhaite aussi l'ouverture d'un débat sur les conséquences environnementales des essais. Vous nous assurez de l'absence de radioactivité sur les atolls, mais comment prévoir l'avenir ? 147 puits d'expérimentations, remplis depuis de déchets nucléaires, reposent pour l'éternité dans nos lagons. La page du nucléaire ne sera pas tournée avec ce projet de loi.

Je souhaite, au contraire, que ce texte permette de lancer un véritable débat sur l'impact économique, sociétal et environnement des essais en Polynésie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Garot

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines, à Laval, je participais avec mon collègue Yannick Favennec à l'assemblée générale de l'Association des vétérans des essais nucléaires – l'AVEN – de notre département. Durant cette réunion, nous avons entendu les témoignages de ces hommes qui se sont engagés pour notre pays et qui, aujourd'hui, sont malades. Nous avons écouté aussi les familles de ceux qui ne sont plus là pour crier leur désarroi.

Sur tous ces bancs, nous partageons la conviction que c'est l'honneur de la République que de reconnaître la responsabilité de l'État dans les souffrances que supportent aujourd'hui ceux qui l'ont servi hier.

C'est pourquoi, malgré le rejet de la proposition de loi présentée par Christiane Taubira au mois de novembre dernier, nous nous étions réjouis de vous entendre annoncer, monsieur le ministre, le dépôt d'un projet de loi visant à reconnaître et indemniser les victimes des essais nucléaires. Nous nous sommes réjouis que le Gouvernement se saisisse enfin du dossier et en mesure les enjeux. Nous avons même fondé quelques espoirs, pensant que vous seriez déterminé à apporter une solution incontestable. Malheureusement, à ce stade, notre espoir est déçu. En effet, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est décevant parce que timoré.

Quel est l'enjeu majeur de ce texte tant attendu ? Il est simple. Nous pensons que la République doit une réparation juste, sur le plan matériel comme sur le plan moral. Pour y parvenir, nous défendons un principe clair et efficace : celui de la présomption de lien de causalité entre les maladies d'aujourd'hui et les essais d'hier. C'est ce que font d'autres nations, en particulier les États-Unis. Or, pour ouvrir droit à l'indemnisation, vous faites obligation pour le requérant d'apporter trois éléments de preuve.

Nous comprenons bien évidemment votre volonté de vouloir encadrer l'indemnisation pour qu'elle bénéficie aux seules victimes. Mais vous auriez pu vous donner les mêmes garanties dans le cadre d'une complète et véritable présomption de causalité, en vous assurant, a posteriori, que les demandes n'étaient pas infondées, et donc en inversant la charge de la preuve. C'est l'objet de l'amendement n° 2 que la droite et la gauche avaient porté ensemble. Mais ce n'est pas ce que vous avez retenu, malgré ce que voulait nous faire croire ce matin notre rapporteur.

Votre système laisse toujours la victime venir justifier qu'elle est une victime, comme si elle devait être suspectée de ne pas l'être et de vouloir profiter indûment d'une opportunité d'indemnisation ! J'ai même entendu ce matin un député parler d'effet d'aubaine, comme si c'était une aubaine de souffrir aujourd'hui du cancer ! Il faut être sérieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Garot

Pour notre part, nous attendons autre chose que la méfiance et la suspicion, qui, nous le savons déjà, créeront immanquablement de très nombreux contentieux.

Méfiance encore lorsque les associations ne sont pas invitées à siéger au comité d'indemnisation.

Nous attendons un autre état d'esprit, une autre démarche, une certaine grandeur et une certaine hauteur, pour reconnaître non seulement le lien de causalité, mais aussi pour dire, avec solennité, la ferme volonté de la République de réparer les dommages et les préjudices subis.

Or, à vouloir traquer les abus, comme vous le faites...

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Garot

..vous en oubliez d'être bienveillant et juste pour des hommes et des femmes qui attendent d'abord d'être reconnus comme victimes d'une situation totalement injuste, parce qu'ils souffrent dans leur chair d'être nés, d'avoir résidé ou séjourné dans quelques points du monde où l'État français avait décidé de réaliser des essais nucléaires.

Oui, nous attendons un geste fort de la République, une réparation morale autant que matérielle. Monsieur le ministre, vous n'avez pas su ou pu faire ce geste. C'est une occasion manquée et nous le regrettons vivement.

Comme l'indiquait ce matin Maxime Gremetz, votre texte a le grand mérite d'exister...

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Garot

..et de proposer quelques avancées, après des années pendant lesquelles le problème a été tout simplement nié.

Il est encore temps de bouger, sur la présomption de causalité et sur la composition du comité. Il est encore temps de montrer que vous avez compris celles et ceux qui attendent cette loi depuis trop longtemps.

Monsieur le ministre, entendez la voix des parlementaires et celle des associations et faites de ce texte une grande loi de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Ménard

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsqu'en 2002 je reçus pour la première fois, en mon bureau, l'association Mururoa e Tatou et, quelque temps plus tard l'AVEN, celle des vétérans des essais nucléaires, je fis le voeu de ne jamais les abandonner et de tout mettre en oeuvre pour que justice leur soit rendue. En effet, leur cause m'avait ému et je ne comprenais pas qu'aucun gouvernement, à ce jour, de droite comme de gauche, ne leur ait donné satisfaction, tellement les faits allégués me paraissaient criants de vérité.

A la fin de l'année 2005 début 2006, j'intervenais à nouveau auprès des ministres de la défense et des anciens combattants qui me répondirent qu'une mission en ce sens avait été créée et que des propositions seraient rendues durant le second semestre de 2006. Ne voyant rien venir en décembre de la même année, j'émettais de très vives protestations – autrement dit un coup de gueule – auprès du Premier ministre de l'époque, et déposais au début 2007 une nouvelle proposition de loi destinée à l'ouverture d'une liste plus conséquente des maladies radio-induites, ainsi qu'à l'abolition de la règle des soixante jours au-delà desquels l'on ne pouvait plus postuler à une pension.

L'on me fit des réponses polies, beaucoup de promesses, jusqu'au jour où, à la fin de l'année 2008, sous la pression d'associations comme l'AVEN, présidée par le docteur Valaxt, malheureusement décédé, puis par Michel Berger, des parlementaires de droite – Yannick Favennec, Georges Colombier et notre rapporteur Patrice Calméjane notamment – comme de gauche mirent en commun leurs énergies pour déposer une proposition de loi.

Malheureusement, vous le savez, le texte qui fut examiné ici-même le 27 novembre 2008 fut rejeté, sa rédaction n'étant pas celle qui avait recueilli un large consensus.

Cela étant, l'élan avait été donné. Pour la première fois, le Gouvernement prenait conscience de la gravité de la situation et vous, monsieur le ministre, annonciez un prochain projet de loi sur les victimes des essais nucléaires.

Globalement, le texte présenté répond aux attentes des vétérans des essais nucléaires mais aussi des anciens travailleurs affectés aux sites de ces essais.

Personnellement, je me réjouis, tout comme bon nombre de députés de gauche et de droite, que le périmètre retenu ait été élargi à l'atoll de Hao.

Quant à la liste des maladies ouvrant droit à indemnisation et qui sera fixée en Conseil d'État, elle devra s'inspirer de la liste de l'UNSCEAR – c'est un dossier sur lequel je me suis très longtemps battu –, mais aussi intégrer certaines pathologies non cancéreuses. Je pense en particulier à des affections oculaires comme la cataracte ou à certaines maladies cardio-vasculaires. L'indemnisation doit suivre les données acquises de la science.

Félicitons-nous par ailleurs de ce que ce projet reprenne la proposition de novembre 2008 de créer, auprès du Premier ministre, une commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, composée des ministres ad hoc, du Président du gouvernement de Polynésie, du Président de l'assemblée de la Polynésie, de deux députés, de deux sénateurs, de cinq représentants des associations représentatives de victimes des essais nucléaires ainsi que de quatre personnalités qualifiées.

Enfin, avec M. Yannick Favennec, nous souhaiterions également que les personnes ayant travaillé sur les sites des essais nucléaires bénéficient, comme les victimes de l'amiante, d'un départ anticipé à la retraite. Ce ne serait que leur rendre justice. Nous devons trouver rapidement des solutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Ménard

Voilà ce que je tenais à vous dire. Une nouvelle fois, je salue la reconnaissance que le Gouvernement et M. Hervé Morin viennent d'apporter aux vétérans victimes des essais nucléaires et que nous attendions depuis des dizaines d'années.

Je tiens également à remercier mes collègues de droite comme de gauche mais aussi le Médiateur de la République et son équipe pour leur aide précieuse.

Nous, qui n'étions au départ qu'une poignée à défendre cette cause, allons aujourd'hui réussir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

L'empereur Justinien disait : « La justice est la constante et perpétuelle volonté de rendre à chacun son dû. »

Autrement dit, traitons chacun comme il le mérite, et non de manière arbitraire ou aléatoire.

Ce texte, après la proposition de loi que le groupe socialiste, avec Mme Taubira, avait déposée et défendue, va dans le bon sens, celui de la justice.

Comme nombre de mes collègue, j'aurais préféré que soit créé un fonds d'indemnisation qui, doté de la personnalité morale et assuré de l'autonomie financière, aurait pu rendre ses décisions dans une plus grande indépendance qu'un comité rattaché au ministère, dont les intérêts ne sont pas forcément ceux des victimes.

Dans ces conditions, les associations de victimes posent avec force la question d'un droit au recours plus accessible et effectif et, partant, celle de la juridiction spécialisée qui pourrait, dans les meilleurs délais, examiner les montants alloués aux victimes et les décisions contestées.

Les tribunaux judiciaires, en particulier la cour d'appel du ressort du domicile du demandeur, en ce qu'ils examinent les affaires au fond, offriraient plus de garanties que les tribunaux administratifs, qui, et le problème n'est pas celui de l'indépendance des juges, « confirment » ou « infirment » une décision sans toujours réexaminer l'affaire au fond.

Ce n'est pas une simple question de procédure qui se pose, mais bel et bien celle d'un recours sur les motifs au fond de la décision.

Monsieur le rapporteur, nous devons veiller à ce que le recours juridictionnel institué garantisse un examen au fond de la demande rejetée.

Au cas où la juridiction administrative serait choisie, il conviendrait de préciser que le recours porte sur la demande d'indemnisation.

Cette mention permettrait de rassurer les victimes, inquiètes de ce que le texte, malgré l'incontestable progrès qu'il réalise, n'évoque par la responsabilité de l'État. En l'absence de personnalité juridique de l'instance d'examen, la décision finale reviendra au ministre.

Quarante-neuf ans après le premier essai nucléaire français et dix-huit propositions de loi, ce projet représente un rendez-vous important qu'il ne faudrait pas manquer. Nous sommes attendus par les associations de victimes, dont nous ne devons pas négliger les interrogations.

Avec mes collègues du groupe socialiste, nous avons déposé un certain nombre d'amendements qui, je l'espère, nous permettront, pour la première fois, de résoudre ce problème qui se pose à nous depuis près d'un demi-siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sandras

Le 2 juillet 1966, quelques années après ma naissance, se déroulait en Polynésie Française le premier des quarante-six essais nucléaires aériens, nom de code « Aldébaran ». Cent quatre-vingt-treize autres allaient suivre, jusqu'au 27 janvier 1996.

Quarante-trois ans plus tard, nous sommes aujourd'hui réunis pour rendre justice à ceux qui furent touchés dans leur chair, dans leur sang. Enfin !

Il aura fallu du temps, beaucoup de temps, pour en arriver là… Cela ne s'est pas fait tout seul, je peux en témoigner. Saluons ici la détermination du Président de la République, mais aussi la vôtre, monsieur le ministre, pour engager la France sur la voie de la reconnaissance, de la justice et d'une responsabilité assumée.

Mais ce projet de loi est également le fruit de l'incessant combat que les associations de victimes des essais nucléaires ont mené pour que soit reconnu un fait, une évidence devrais-je dire : l'arme nucléaire, la bombe atomique, n'est pas propre, et les essais nucléaires ont affecté la santé de plusieurs milliers de personnes et dégradé l'environnement de tout un pays.

Parce que je les connais, parce que je les vois souffrir et se battre sans jamais renoncer, je veux devant vous qui représentez la nation tout entière rendre hommage à leur dévouement, à leur courage, à leur détermination.

Je pense, bien sûr, à l'association AVEN, que je connais moins, mais surtout à Mururoa e Tatou et ses deux infatigables militants, MM. Roland Oldham et John Doom, que vous avez déjà eu l'occasion de rencontrer, monsieur le ministre.

Veillons à ce que les dispositions qui leur permettront d'obtenir une juste réparation soient simples et accessibles.

Ce projet de loi met en relief une autre évidence : grâce aux essais réalisés en Polynésie Française, la France a pu acquérir le statut de puissance nucléaire et disposer des moyens d'assumer son rôle sur la scène internationale.

Député de Polynésie Française, je suis député de la nation, et fier que les Polynésiens aient contribué au rayonnement de la France dans le monde, mais je reste attentif et soucieux. Les conséquence de ces essais, sur les Polynésiens eux-mêmes ainsi que sur leur environnement, devront être justement appréciées.

Ce texte nous permet de franchir une étape importante, celle de la reconnaissance et celle de la réparation. La reconnaissance doit être pleine et entière, les réparations justes et équitables. Les amendements que j'ai présentés en commission de la défense et que je présenterai tout à l'heure vont dans ce sens.

Je vous encourage, monsieur le ministre, à poursuivre sur cette voie de la transparence et de la reconnaissance.

Vous avez devant vous un député né en Polynésie française, qui y vit, et qui va certainement y finir ses vieux jours.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Y mourir…

Plusieurs députés du groupe UMP. Le plus tard possible !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sandras

C'est de mon pays qu'il s'agit, de ma population, de mes enfants. Puissent-ils ne jamais être confrontés aux graves dangers que représentent les milliers de tonnes de déchets rétroactifs encore enfouis dans le sol polynésien !

Nous ne pouvons, nous ne ferons pas l'économie d'un bilan global de ces trente années pendant lesquelles le centre d'essais du Pacifique a fonctionné. Le développement de la Polynésie française en pâtit encore aujourd'hui.

Ce sera d'ailleurs l'un des thèmes que les états généraux de l'outre-mer, officiellement lancés le 16 juin dernier, aborderont et dont le Président de la République a souhaité qu'ils se déroulent sans tabou.

Il n'y en aura donc pas, et je souhaite qu'il en soit de même dans cette enceinte où se tient la nation tout entière.

Monsieur le ministre, vous avez rencontré les élus polynésiens toutes tendances confondues, ainsi que les associations, venus porter devant vous les voeux unanimes de l'Assemblée, du Gouvernement de Polynésie et de la société civile.

Vous les avez écoutés et, je crois, entendus, si j'en juge les amendements intégrés au projet de loi.

Cela étant, j'attends de connaître votre position sur le remboursement des dépenses engagées depuis quarante ans par la Caisse de prévoyance sociale de Polynésie française avant de voter cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Nous allons aujourd'hui remplir une mission bien singulière. Il nous est en effet donné une occasion formidable de rendre justice à des hommes et à des femmes qui paient depuis cinquante ans le tribut d'avoir servi la France, le tribut le plus lourd, celui qui affecte le corps et l'esprit.

Permettez-moi d'insister à mon tour sur l'injustice que subissent ceux qui ont participé aux essais nucléaires de 1960 à 1996.

S'agissant tout d'abord des vétérans des essais militaires et civils, conscients alors de l'importance de leur mission dans la stratégie de dissuasion de la France, je voudrais rappeler que si le risque est consubstantiel à la fonction militaire, si ceux qui servent savent qu'ils peuvent y perdre la vie, c'est à un risque connu, identifié, évalué, assumé, qu'il est fait référence.

Or les essais nucléaires que la France a effectués dans le Sahara et en Polynésie n'engendrent pas des risques de cet ordre-là. Les radiations, dont on méconnaissait alors les méfaits, sont des ennemis sournois, insidieux et qui tuent à petit feu.

Pour avoir obéi, pour avoir servi, ces vétérans ont subi l'odieux : la maladie, dont on sait la plupart du temps qu'elle est incurable, une vie quotidienne rythmée par les visites aux hôpitaux, les analyses et les scanners qui vous renvoient chaque jour un peu plus l'image de votre mort prochaine et, surtout, ce corps qui vous abandonne peu à peu.

Tous ne sont pas tombés malades, mais qui peut dire la souffrance de celui qui doute, scrute avec angoisse chacun de ses symptômes et se demande pourquoi il n'est pas atteint – et pour combien de temps encore – alors qu'un autre de ses collègues vient de partir ? C'est une souffrance réelle, trop réelle pour un ennemi invisible !

Nous légiférons également, mes chers collègues, sur l'indemnisation des ayants droit : derrière la froideur de ce terme se cachent des familles, des veuves et des orphelins, qui ont subi de plein fouet le calvaire de leurs proches, tant la douleur de ceux qu'on aime est plus lourde à porter que sa propre souffrance. Je pense également à ces enfants nés de pères contaminés et qui en portent à jamais les stigmates.

Mes chers collègues, ne pensez-vous pas qu'il est grand temps de réparer une injustice parmi les plus criantes de l'histoire de la défense nationale ? Aurons-nous une lecture technocratique des zones de contamination ? Cantonnerons-nous leur définition à un calcul d'épicier, selon lequel les personnes postées à quelques degrés de la zone théorique du secteur angulaire n'ont pas été touchées ? Qui oublie que les marins revenaient souvent sur le point même de l'impact quelques heures seulement après l'explosion ?

Pouvons-nous sérieusement refuser aux victimes d'être représentées dans le comité d'indemnisation ? Confirmerons-nous un délai d'instruction de huit mois pendant la première année suivant la loi, c'est-à-dire allons-nous compter aux victimes un temps qui leur est si précieux puisqu'ils en voient souvent, hélas, le terme ?

Cette loi était attendue par tous et nous vous rendons grâce, monsieur le ministre, de l'avoir initiée, même si ce texte n'est absolument pas satisfaisant en l'état. Allons jusqu'au bout de la démarche, entendons vraiment la voix des victimes et de leurs familles.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Ces hommes et ces femmes ont servi la France, c'était leur devoir, c'est leur honneur. Notre honneur à nous, mes chers collègues, c'est de voter aujourd'hui une loi juste et équitable envers ceux qui ont souffert pour doter la France de la dissuasion nucléaire. Jamais aucune indemnisation ne suffira à compenser les souffrances qu'eux et leurs familles ont endurées, endurent encore et endureront, mais cette loi aura le mérite de reconnaître leur sacrifice et de leur apporter une forme de réparation. J'ajoute que ce texte constitue un signe fort en direction des forces armées.

Mes chers collègues, permettez-moi de vous rappeler qu'aujourd'hui, plus encore qu'à chacune de nos séances, nous devons apporter à nos débats, ainsi qu'à votre texte, monsieur le ministre, un supplément d'humanité, un supplément d'âme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis longtemps, déjà, les associations représentatives des victimes des essais nucléaires nous ont alertés sur la nécessité de reconnaître et d'indemniser les personnes atteintes d'une maladie radio-induite liée à des essais nucléaires français.

En tant que médecin, et ancien médecin de réserve ayant servi – j'en suis fier – avec notre armée en opérations extérieures, et en tant que député d'une circonscription où est située une grande base aérienne que vous connaissez bien, monsieur le ministre, la BA 105,…

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Elle est à Évreux.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

…je suis, comme beaucoup d'entre vous, particulièrement sensible à ce sujet.

Je n'oublie pas que ce sont tout autant les civils que les militaires présents sur les sites d'expérimentation de 1960 à 1996, soit environ 150 000 travailleurs, qui sont potentiellement concernés par ce texte, ainsi que la population ayant séjourné ou résidé dans les lieux et aux dates précisés par le texte.

Contrairement à certains de mes collègues, je pense que de nombreux échanges et une large concertation ont permis d'aboutir à un texte équilibré, nettement amélioré par rapport à sa version initiale.

Le fait que les demandes spécifiques des associations aient été retenues nous permettra de voter ce texte sans réserve. C'est ainsi que le principe de la réparation intégrale des conséquences sanitaires des essais nucléaires français a été accepté et que la liste des maladies radio-induites ouvrant droit à indemnisation est celle établie par les experts de l'UNSCEAR, plus large que celle des maladies définies par la sécurité sociale. L'UNSCEAR, vous le savez, est reconnu comme la référence scientifique internationale. Cette référence étant aujourd'hui utilisée aussi bien à des fins pacifiques que militaires, et dans le cadre de sources naturelles ou artificielles, il s'agissait d'une demande importante des associations. Cette liste doit évidemment être susceptible d'évoluer conformément aux travaux reconnus par l'ensemble de la communauté scientifique internationale.

De plus, les zones géographiques d'expérimentation retenues sont réalistes et comprennent notamment certaines zones de l'atoll Hao et des communes de Tahiti touchées par des retombées de l'essai « Centaure » : il s'agissait, là encore, d'une demande très forte des associations de victimes.

C'est, je le répète, avec justice que leurs demandes ont été retenues par le texte.

Je note également que les demandes d'indemnisation seront examinées par un comité d'indemnisation en respectant le principe du contradictoire et en validant la notion de décision collective, dans des délais suffisamment contraignants pour assurer la qualité due aux victimes.

Je note enfin la création de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, où siégeront notamment cinq représentants des associations représentatives des victimes des essais nucléaires.

J'ose l'annoncer, pour avoir beaucoup travaillé avec les militaires et avoir partagé leur vie en de nombreuses occasions : c'est avec fierté que je voterai ce texte qui assurera la reconnaissance de la France envers ceux qui l'ont loyalement servie et le paient parfois au prix fort. Leur indemnisation, dans un cadre précis, est juste et relève de la nécessaire solidarité de la nation. Les parlementaires, tout comme le ministre, seront à leurs côtés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La discussion générale est close.

La parole est à M. Hervé Morin, ministre de la défense.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je trouve très injuste, madame Olivier-Coupeau, que vous me demandiez de faire preuve d'un supplément d'âme et d'humanité.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

J'espérais, avec une naïveté que mes années de vie politique ne m'ont pas encore totalement ôtée, que nous pourrions obtenir un vote consensuel sur ce texte.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

J'observe donc avec regret cette dérobade qui prend pour prétexte deux ou trois arguments, alors même que ce projet de loi engage la République française en tant que telle.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je ne vous ai pas interrompu.

Les députés socialistes et les députés communistes ont été dans la majorité après la fin des essais nucléaires, de 1997 à 2002.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Ils n'ont pas adopté de texte sur le sujet.

J'ai pris ce dossier en main dès le mois de juillet 2007. J'avais déjà rencontré les associations de victimes et lu de nombreux articles sur le sujet, comme chacun ici, et je pensais depuis toujours que la République française n'avait pas assumé toutes ses responsabilités en ce domaine : il était temps, à mes yeux, d'ouvrir une page nouvelle.

Alors que de 1958 à 2007, c'est-à-dire durant quarante-neuf ans, les majorités successives n'ont présenté aucun projet de loi sur le sujet, j'ai décidé de mener ce combat. Si j'y ai été encouragé par les propositions de loi qui avaient déjà été déposées, notamment l'année dernière – je vous en rends témoignage –, je savais toutefois que je n'aurais pas l'assentiment général de la technostructure. Si je l'ai fait, c'est que j'estimais, en conscience, je le répète, que la République, qui a définitivement cessé les essais nucléaires depuis 1996 et ratifié le traité d'interdiction complète de ces essais, pouvait tourner la page et non seulement engager la réparation – je suis d'accord avec vous –, mais également reconnaître les souffrances des victimes des essais nucléaires. C'est la raison pour laquelle je trouve un peu fort que vous veniez m'expliquer aujourd'hui que je manque d'humanité sur le sujet et qu'il me faudrait témoigner d'un supplément d'âme !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je tenais à vous le dire parce que vos propos m'ont pesé. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Du reste, le débat en commission a été très consensuel. Il nous a permis d'aborder le texte en dehors des bruits de l'hémicycle sur un ton très différent de celui d'aujourd'hui : c'était celui d'hommes et de femmes qui abordaient le sujet dans un esprit de responsabilité et avec la volonté d'avancer ensemble.

L'article 40 interdisant l'examen de certains amendements dans l'hémicycle, c'est en commission que j'ai pu évoquer certains points.

Je tiens tout d'abord à rappeler que j'ai reçu les représentants de l'assemblée territoriale de Polynésie ou me suis entretenu avec eux au téléphone : j'ai essayé de satisfaire presque toutes leurs revendications, exception faite de la création d'un fonds d'indemnisation. Le rapporteur nous ayant, lui aussi, demandé de prendre en considération l'atoll Hao et une partie de Tahiti, que nous avions oublié d'inclure dans l'aire géographique visée par le texte, nous avons complété celui-ci en ce sens. Je tiens également à rappeler que nous faisons un immense effort en direction des ayants droit et que, en ce qui concerne la caisse de sécurité sociale de Polynésie, le Gouvernement a d'ores et déjà indiqué qu'il procéderait au remboursement des dépenses afférentes aux conséquences sanitaires des essais. Je le répète : nous avons satisfait presque toutes les exigences des représentants de l'assemblée territoriale de Polynésie.

En revanche, si je ne souhaite pas la création d'un fonds d'indemnisation, ce n'est pas par manque d'âme, d'autant qu'il s'agit d'une simple modalité technique et pratique.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Si, ce n'est que cela !

Comme M. Michel Voisin l'a souligné, contrairement à la question de l'amiante, dans le cas qui nous occupe, les pathologies sont directement liées à des faits identifiés et précis : les retombées radioactives des essais nucléaires, ainsi que, pour l'Algérie, les fuites radioactives consécutives à certains de nos tirs. La problématique est donc tout à fait différente de celle de l'amiante. Le seul responsable, en matière de conséquences sanitaires des essais nucléaires, est l'État, plus précisément le ministère de la défense : ce n'est donc pas par caprice que je refuse la création d'un fonds d'indemnisation mais tout simplement parce que la création d'un tel fonds n'a pas lieu d'être du fait que, la France ayant encore une ambition militaire, le ministère de la défense a largement les capacités budgétaires de pourvoir à ces réparations, même si les membres de la commission de la défense jugent chaque année insuffisant le budget du ministère. Dois-je rappeler que la seule mission défense représente 34 milliards d'euros et que, si on y ajoute les pensions, le budget s'élève à 37,2 milliards ? Nous serons donc largement en mesure de dégager les dizaines de millions d'euros, voire les 100 à 200 millions d'euros nécessaires à l'indemnisation des victimes au fur et à mesure de l'arrivée des dossiers. Toutes les structures sont prêtes, notamment le circuit administratif qui nous permettra de traiter le plus rapidement possible les dossiers. Vous me reprochez de prévoir un délai de huit mois, comme si je voulais différer le versement des réparations : vous oubliez que 350 dossiers sont aujourd'hui devant les tribunaux ! Le rapporteur, comprenant que nous ne serons pas capables de traiter 350 dossiers en quatre mois, a eu raison de proposer un tel délai. Si nous sommes capables d'aller plus vite, sachez que nous ne ferons pas traîner les choses ! Il y en a assez de ces procès d'intention où nous sommes accusés de n'accepter ces réparations qu'à reculons ! Je le répète : ce délai de huit mois n'a pas pour objet de chipoter sur les réparations mais tout simplement de respecter les délais d'instruction des dossiers prévus par la loi.

En ce qui concerne les associations, je tiens à rappeler qu'elles seront représentées dans le comité de suivi, à la création duquel je suis favorable. En revanche, si je ne souhaite pas qu'elles soient représentées dans le comité d'indemnisation, c'est que, en tant qu'ancien député, je sais comment les choses se passent.

D'une part, se pose la question du secret médical, qui n'est pas rien : puisque nous allons étudier les situations au cas par cas, le dossier de chacun sera examiné dans son ensemble. D'autre part, ce comité est scientifique et médical. Accuser les médecins d'être éventuellement juges et parties me paraît infondé : nous n'allons pas faire appel à des médecins militaires ! Ne vous inquiétez donc pas : nous allons recruter des médecins civils, qui ont prêté le serment d'Hippocrate. Je compte une dizaine de médecins dans ma famille et je sais bien, croyez-moi, qu'on ne ferait pas dire à un médecin le contraire de ce qu'il pense sur telle ou telle pathologie. Ces hommes et ces femmes ont une vraie conscience. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pour lever une suspicion de plus, j'ai demandé que le décret prévoie que ces médecins soient nommés sur proposition ou avis de l'Académie de médecine. Il ne s'agit donc en rien de vouloir noyauter, corseter le dispositif, de l'encadrer afin de ne pas trop indemniser. Je souhaite donc qu'on ne nous accuse plus de ne vouloir faire les choses qu'à moitié. Si j'ai pris ce dossier à bras-le-corps depuis 2007, c'est parce que je souhaitais qu'il aboutisse à une solution juste et rigoureuse.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Or si elle n'est pas rigoureuse, elle n'est plus juste.

Mon refus de la présence des associations au sein du comité d'indemnisation tient à trois motifs. D'abord, je l'ai dit, il s'agit de respecter le secret médical. Ensuite, je suis convaincu que les médecins sont capables de faire leur travail en toute indépendance, d'autant plus que le comité est présidé par un magistrat. Enfin, parlons-nous franchement : Dieu merci, la loi permet à trois personnes de créer une association. Certaines associations concernées par le présent texte sont parfois issues des démembrements d'associations auxquelles elles reprochaient de ne pas suffisamment avoir pris en compte certains dossiers.

Si l'on accepte les associations, lesquelles allons-nous choisir pour faire partie du comité ? Et que va-t-il advenir ? Nous le savons fort bien : la relation entre les membres d'une association et leurs représentants au sein du comité risque de devenir une relation de clientèle.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Parce que je souhaitais que les associations qui ont travaillé sur le sujet qui nous occupe soient en mesure d'apporter leur expertise, leurs connaissances, les témoignages qu'elles ont recueillis, j'ai approuvé l'idée du rapporteur d'instaurer un débat contradictoire.

J'ai lu l'article paru dans Le Monde 2. Les témoignages montrent qu'il existera toujours des cas particuliers échappant aux analyses d'ensemble effectuées, pour chaque tir, par la délégation à la sûreté nucléaire de défense. Or, parce que nous avons accepté le principe du débat contradictoire, nous serons en mesure de prendre en compte ces cas particuliers.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Si je ne souhaite pas que les membres des associations fassent partie du comité d'indemnisation, ce n'est pas par ostracisme. J'insiste sur le fait qu'un débat contradictoire est désormais prévu et qu'on va vous proposer la création d'une commission de suivi. Enfin, si l'on ajoute que l'avis motivé de la commission sera publié, toutes les garanties de transparence me paraissent données.

S'il convient de faire évoluer le dispositif dans quelque temps, nous y pourvoirons. Seulement, j'ai le sentiment que, grâce au travail que j'ai mené au sein du ministère de la défense depuis 2007 et grâce aux améliorations notables apportées par la commission de la défense, nous sommes parvenus à un meilleur équilibre et qui mériterait que l'on essaie, pour une fois, de dépasser les clivages partisans et que nous nous unissions pour une cause que la majorité et l'opposition ont soutenue à diverses époques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. Jean-Patrick Gille, premier orateur inscrit sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour répondre brièvement au ministre. Sans nous tresser des couronnes, nous pouvons reconnaître la bonne tenue du débat. Pour le reste, laissez-moi vous rassurer, monsieur le ministre, nous n'instruisons aucun procès contre vous. Notre volonté consiste simplement à améliorer le texte. Nous vous avons ainsi donné acte d'avoir tenu vos engagements sur le sujet qui nous occupe.

Françoise Olivier-Coupeau n'a certainement pas voulu avancer que vous manquiez d'humanité ou que vous aviez besoin d'un supplément d'âme. C'est bien du texte qu'il était question pour notre collègue. Nous n'en nourrissons pas moins des inquiétudes légitimes que nous sommes fondés à défendre.

Il existe déjà des dispositifs de réparation – je pense aux personnels civils notamment –, et nous ne voulons pas d'un dispositif qui se révélerait moins favorable pour ces personnels. Surtout, la réalité de l'indépendance du comité d'indemnisation pose problème. J'ai cru toutefois discerner dans vos propos que le texte pouvait évoluer.

Le fonds d'indemnisation aurait permis, grâce à la création d'une personnalité juridique indépendante, une forme d'autonomie par rapport au ministère. Voilà quelle est notre inquiétude : nous avons plus que le sentiment que le dispositif est renfermé sur lui-même.

Nous allons voter l'article 1er puisque nous approuvons le principe qu'il énonce ; mais nous considérons que la procédure proposée, notamment à l'article 4, ne garantit pas l'application des dispositions annoncées par l'article 1er.

Enfin, nous sommes satisfaits que les ayants droit puissent déposer des demandes pendant cinq ans. Nous souhaitons toutefois qu'ils puissent aussi bénéficier d'indemnisations ou de réparations pour le préjudice propre qu'ils ont subi – perte prématurée d'un conjoint ou d'un parent.

Qu'il n'y ait donc pas de faux débat entre nous. Nous avons décidé de nous montrer constructifs, d'aller au coeur du texte car tel est notre devoir de législateurs. Je souhaite que nous le fassions dans un climat serein qui n'exclut pas les divergences – ici sur la procédure à mettre en place. J'en veux pour preuve que la procédure que vous prévoyez ne reprend pas celle que nous avions proposée dans notre proposition de loi. Ce débat est donc légitime.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Il me paraît opportun, monsieur le ministre, d'apporter quelques précisions à ma précédente intervention. Je souhaite souligner à quel point le texte que nous allons voter est profondément humain et nous devons à tout prix éviter d'en faire un texte technocratique. Évidemment, je ne faisais pas allusion à votre âme, car non seulement je pense que vous en êtes doté, mais je crois, d'ailleurs, qu'il n'y a qu'aux femmes qu'on ait nié le fait d'en avoir une. (Rires.)

À mon sens, ce texte est bon.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

L'intention est louable, mais il suffirait de peu pour qu'il devienne un excellent texte – c'est le supplément d'âme dont je parlais. Nous souhaitons que toutes les victimes des essais nucléaires ou leurs ayants droit soient indemnisés, sans restrictions, qu'elles soient géographiques ou autres – je pense à l'idée selon laquelle on n'indemniserait que les essais « ratés ». Vous voyez à quoi je fais allusion.

Il suffit donc, j'insiste, d'un supplément d'âme pour faire de ce texte une excellente loi.

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Les articles 2 et 3 ne font l'objet d'aucun amendement.

Je vais donc les mettre directement aux voix.

(Les articles 2 et 3 sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. Jean-Patrick Gille, inscrit sur l'article 4.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

La procédure d'indemnisation constitue le coeur du débat, parce qu'il s'agit du coeur du dispositif. Or elle ne nous satisfait pas. Avec le refus d'inscription du principe de présomption du lien de causalité, l'inversion de la charge de la preuve n'est pas avérée.

Puisque vous l'évoquez systématiquement dans vos interventions, pourquoi ne pas l'inscrire dans le texte ? Il doit en effet être écrit en toutes lettres que le demandeur n'a qu'à attester des trois conditions de sa maladie, même s'il faudrait ajouter à la liste les maladies non-cancéreuses, ainsi que notre collègue Ménard l'a demandé.

Dès lors, il reviendrait au comité de constater la réunion des trois conditions ou bien d'administrer la preuve de l'absence de lien entre l'exposition et la maladie et de l'imputer à une autre cause, ce qui vous permettrait, monsieur le ministre, de justifier votre refus. Voilà le dispositif que nous souhaitons, voilà, d'ailleurs, le dispositif que vous évoquez oralement mais qui ne figure pas dans le texte.

Le principe de prescription d'origine tel qu'utilisé par les Anglo-Saxons et sur lequel ils ont fondé leur législation et leur principe de réparations doit sous-tendre le présent texte.

La composition du comité d'indemnisation ne nous convient pas. Il ne compte que des personnalités désignées par les ministères concernés et, par surcroît, huit sur dix sont des représentants directs desdits ministères, seul le président devant être un magistrat. Le Gouvernement et son administration procèdent là à un inacceptable « verrouillage ».

Ce comité, je le rappelle, formule la recommandation sur la base de laquelle vous allez statuer en dernier ressort et, de surcroît, de manière exclusive. Le dispositif est donc entre les mains du seul ministre. Voilà ce dont nous devons débattre.

Parce que sinon, nous sommes dans une procédure où, finalement, c'est la victime qui se bat contre l'État, et c'est l'État qui tranche, de sorte qu'il est à la fois juge et partie. Au mieux, c'est un processus de transaction, mais pas un véritable droit à l'indemnisation. La rédaction actuelle du projet de loi et celle du décret contredisent les principes énoncés.

Nous vous proposons de revoir la composition du comité. Premièrement, les représentants des ministères ne doivent pas constituer plus de la moitié de ses membres, l'autre moitié devant être composée de personnalités indépendantes et de magistrats.

Deuxièmement, nous proposons que ce comité comprenne des représentants des associations, même si nous ne mésestimons pas le problème de représentativité que vous avez évoqué.

Je note, pour détendre l'atmosphère, que ce matin, peut-être sans vous en rendre compte, monsieur le ministre, vous avez fait un lapsus en indiquant que vous pensiez que les associations émettaient aussi un avis.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

J'ai fait savoir au service du compte rendu que j'avais fait un lapsus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

C'était donc bien un lapsus, mais qui révèle sûrement votre inconscient et qui prouve, une fois encore, s'il en était besoin, que vous avez bien une âme, monsieur le ministre.

Plus sérieusement, et pour conclure, il reste aussi la question – qui a été posée en commission, tout le monde s'en souvient – de savoir ce qui se passe si le ministre n'apporte pas de réponse à la demande formulée par la victime. Pour le moment, la loi est telle que le silence du ministre signifie un refus. Nous défendrons un amendement proposant d'inverser cette logique, afin qu'une non-réponse du ministre vaille validation.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je suis saisie d'un amendement n° 17 .

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

À plusieurs reprises a été rappelé ici le principe du contradictoire, tout comme celui de l'indépendance. À cet égard, nous devons regarder les choses avec attention. Il faut éviter que l'indépendance des membres du comité d'indemnisation puisse être mise en doute. C'est pourquoi cet amendement propose de modifier la composition de ce comité. Celui-ci doit intégrer d'autres membres indépendants de l'administration.

La composition proposée par le texte est révélatrice d'une vision qui ne nous semble pas juste. Elle aurait pour effet de rendre ce comité dépendant du ministère. Il ne pourrait donc pas véritablement garantir que les intérêts des victimes seront défendus. En tout cas, les intérêts qu'il défendra ne seront pas ceux des victimes. Il est à craindre que ce comité agisse principalement dans l'intérêt de l'administration.

Il convient donc de le doter d'une forme indépendante qui lui permette d'avoir pour principal objet d'appliquer la loi. C'est pourquoi cet amendement propose que ce comité soit composé pour moitié de personnes indépendantes de l'administration, et pour moitié de représentants de l'administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Cet amendement modifie la composition du comité d'indemnisation, considérant que le ministre pourrait être tenté d'en faire une simple émanation de ses services administratifs. L'exposé sommaire parle d' « ambiguïtés », alors que le texte est clair : le comité est un organe d'instruction, à caractère strictement technique.

Je ne crois pas que faire référence à des personnalités indépendantes améliore le fonctionnement du comité. Mais je note que le ministre vient d'indiquer que les médecins seront nommés après avis de l'Académie de médecine. Il me semble difficile d'être plus transparent.

La commission a repoussé cet amendement.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Sur la composition du comité, j'ai déjà répondu. Premièrement, il est présidé par un magistrat. Jusqu'à nouvel ordre, les magistrats sont indépendants.

Deuxièmement, les médecins sont tenus par le serment d'Hippocrate. Ils sont chargés, a priori, de faire en sorte que les lois de la médecine s'appliquent.

Troisièmement, il faut bien que les membres de ce comité d'indemnisation soient désignés par quelqu'un. Ils ne vont pas être élus ! Si le texte prévoit qu'ils seront nommés par le ministre de la défense, c'est parce qu'il faut bien qu'ils soient nommés par des organes de l'État. Il faut bien qu'un jour ou l'autre, il y ait une autorité administrative qui les nomme. Jusqu'à présent, l'État a toujours procédé de la sorte. Si vous aviez un fonds d'indemnisation, ce serait aussi l'État qui nommerait les membres de son conseil d'administration.

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi, quand on est républicain et que l'on croit en l'État, on considère que, par nature, il doit faire l'objet d'une suspicion généralisée. La République, à travers le dépôt de ce texte, a décidé de s'engager en faisant ce qu'elle aurait probablement dû faire depuis de nombreuses années. C'est fait, ou du moins cela sera bientôt fait. Dans quelques semaines, je l'espère, ce texte aura été voté par les deux chambres et publié au Journal officiel. Si la République française décide de s'engager dans cette voie, c'est pour le faire complètement. Pourquoi aller considérer que nous tentons de « verrouiller » le dispositif ? Nous ne sommes pas là pour le verrouiller, nous sommes là pour le rendre rigoureux.

Les médecins seront là pour apporter leurs connaissances scientifiques et médicales. Le comité sera présidé par un magistrat, ce qui lui permettra de proposer au ministre des niveaux d'indemnisation qui correspondent aux décisions rendues par les tribunaux dans des affaires de ce genre.

Je ne vois donc pas pourquoi l'on veut modifier les conditions de nomination des membres du comité.

S'agissant de la question du lien de causalité, je répète ce que j'ai dit devant la commission. La rédaction du projet de loi, c'est celle qui nous a été demandée par la plus haute juridiction française, le Conseil d'État. Il nous a dit en substance : « Dès lors que vous avez un examen cas par cas de chaque dossier, vous ne pouvez pas inscrire dans la loi la présomption du lien de causalité. » Mais la rédaction qui a été retenue aboutit au même résultat, puisque nous inversons la charge de la preuve : il appartiendra à l'État de démontrer que la maladie radio-induite n'est pas liée à la présence de la personne concernée lors des tirs ou des essais.

Le Conseil d'État nous a fait justement remarquer qu'un tiers d'entre nous aura, un jour où l'autre, un cancer. Au sein de la population française, 30 % des hommes et 25 % des femmes sont ou seront frappés par un cancer. Il est donc logique que les médecins puissent examiner chaque dossier pour constater qu'en effet le cancer ou la maladie radio-induite en question est bien lié à une radio-exposition lors d'un tir.

Voilà pourquoi le Conseil d'État nous a demandé cette rédaction. Mais encore une fois, le principe, c'est que ce n'est plus au requérant mais à l'État qu'incombe la charge de la preuve. Je suis désolé de reprendre l'exemple que je cite toujours, mais il est évident que l'on ne peut traiter de la même façon, d'un côté, le cas de quelqu'un qui souffre d'un cancer du poumon alors qu'il n'a jamais fumé de sa vie et a été exposé aux radiations lors d'un tir, et, de l'autre, le cas d'une personne de quatre-vingts ans atteinte d'un cancer après avoir fumé trois paquets de cigarettes par jour pendant trente ans. C'est bien cela, l'examen cas par cas. Et c'est bien le sens de la solution que nous a proposée le Conseil d'État. Mais il n'y a chez nous aucune volonté de verrouiller le dispositif ou d'en réduire la portée. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Nous insistons sur ce point parce qu'il est vraiment celui qui nous pose problème pour adopter le texte.

S'agissant du principe de la présomption d'origine, vous nous avez indiqué que la rédaction du texte était celle du Conseil d'État. Pourquoi pas ? Mais nous pensons, pour notre part, que l'inscription de ce principe dans la loi était la garantie de l'inversion de la charge de la preuve que vous évoquez régulièrement, ce dont je vous donne acte.

Quelle est notre crainte ? C'est que l'on se retrouve dans un dispositif où le comité d'indemnisation puisse objecter aux demandeurs qu'ils remplissent certes les trois conditions, mais qu'ils n'étaient pas présents lors d'un d'essai qui a posé des problèmes particuliers. Autrement dit, le risque est que soit introduit une sorte de critère additionnel dont l'effet serait que de nombreuses demandes soient jugées irrecevables. Je ne pense pas que l'on puisse parler de méfiance. Nous avons simplement une inquiétude, parce que nous manquons de garanties sur ce point.

De surcroît, la composition du comité pose problème. Le problème, ce n'est pas le fait que ses membres soient désignés. Il n'y a pas de raison non plus de nourrir une suspicion particulière à l'encontre des personnes désignées. Le problème, c'est la composition : deux représentants du ministre de la défense, deux représentants du ministre chargé de la santé, un représentant du ministre du travail, un représentant du ministre chargé de la sécurité sociale. Ce sont des personnes qui représentent le ministre appelé à statuer. Cela veut dire que l'État est totalement juge et partie.

Nous avons bien compris que nous ne pouvons pas revenir sur le principe de la présomption d'origine. Nous l'avons bien compris, et nous le déplorons. Mais nous vous proposons d'améliorer au moins le décret, afin que parmi les personnes désignées figurent des personnalités dites indépendantes. Le terme même de « représentants » pourrait faire l'objet d'un débat, dans lequel nous n'entrerons pas.

Quand nous avons découvert le texte du décret, nous étions contents de voir que aviez tenu vos engagements, monsieur le ministre. Mais il y a une réelle difficulté. Et toutes les personnes qui ont suivi le dossier – des membres des associations, mais aussi des juristes – ont marqué une véritable inquiétude. Peut-être est-ce une maladresse de rédaction. Les membres du comité sont des « représentants » de l'État et de son administration. Ils ne peuvent donc être en conflit avec le ministre dont ils sont les représentants. Je ne dis pas qu'ils recevront des ordres du ministre, mais enfin, il n'y a aucune garantie d'un minimum d'indépendance ou d'autonomie.

Nous vous demandons donc – faute de quoi nous serions dans l'impossibilité d'approuver ce texte – de réexaminer cette question, qui est centrale. J'ai employé le verbe « verrouiller ». Disons que je vous propose de rééquilibrer ce comité d'indemnisation, dans sa composition et dans son mode de désignation. Je vous appelle à sortir de ce débat autour de la « suspicion » ou des « mauvais procès ». Il y a une réelle difficulté, et il faut avancer.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

J'aimerais tellement vous convaincre de la bonne intention du Gouvernement que je vais faire demander, dans le cadre interministériel, que l'on modifie la rédaction de cet article, si vous le voulez. Je vous ai déjà indiqué les éléments complémentaires, puisque tout cela est dans le décret, dont vous avez le texte.

Je vais faire en sorte que l'on indique bien que les membres du comité ne sont pas des représentants du ministre, mais des personnes qualifiées, indépendantes,…

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

…ou es qualité. Nous essaierons de trouver les mots adéquats. En outre, ils seront nommés par arrêté, parce qu'il faut bien les nommer. On ne peut pas occuper une fonction sans avoir été nommé pour cela.

Nous allons donc essayer de modifier les choses. Mais j'indique que la rédaction proposée a été calquée sur le comité d'indemnisation des victimes de l'amiante, qui est devenu votre référence absolue. Nous avons tellement voulu faire comme dans le cas de l'amiante, qui est votre référence absolue, que désormais c'est le système qui ne vous va pas !

Pour que vous compreniez bien qu'il n'y aucun double jeu, nous allons essayer de vous apporter des garanties avant que le groupe socialiste soit amené à décider de son vote.

Pour ce qui est de la décision du ministre, on peut prendre un exemple qui constitue une bonne référence, je veux parler de la commission chargée du secret de la défense nationale. Depuis qu'elle a été créée, jamais un ministre de la défense n'a pris une décision contraire à un avis rendu par elle. Le jour où le ministre prendra une décision contraire, je peux vous garantir que c'est ici que les choses se passeront, dans le cadre du contrôle démocratique. De la même façon, si un membre du Gouvernement, quel qu'il soit, se mettait à prendre des décisions contraires à un avis motivé, et publié, de cette commission médicale, j'imagine que sur tous les bancs de l'Assemblée nationale, un certain nombre d'entre vous interviendraient immédiatement pour exercer le contrôle démocratique qui doit être exercé dans cet hémicycle.

J'y insiste, jamais un ministre de la défense n'est allé contre l'avis de la commission chargée du secret de la défense nationale. Pour tout vous dire, il m'est même arrivé d'aller au-delà de son avis, pour montrer que nous voulions être plus purs que purs.

Vous trouverez dans la rédaction les garanties de nature à vous convaincre que nous voulons la même chose que vous : un système qui ne soit pas entaché de la moindre volonté de verrouillage.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je suis saisie d'un amendement n° 18 .

La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Nous revenons sur la présence dans le comité des représentants des victimes, dont vous avez longuement parlé, monsieur le ministre, répondant pour partie à cet amendement. Je souhaite toutefois ajouter quelques éléments.

Vous avez raison sur la notion d'association représentative. Nous sommes d'accord sur le fait que ces associations doivent être vraiment représentatives, selon des modalités à définir.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Comment ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Ces associations pourraient apporter une forme d'expérience. Le comité a beau être composé de personnes de qualité – magistrats, médecins et autres personnalités « ès qualités », disait mon collègue –, ces gens ne connaissent pas les circonstances des expériences. Ils vont s'en tenir aux zones définies dans lesquelles il fallait se trouver à tel moment, faute de quoi le dossier ne sera pas retenu. Mais pour reprendre l'exemple des marins que j'ai cité dans mon propos liminaire, si le marin est retourné plusieurs heures plus tard sur le point d'impact, il risque très fortement d'être contaminé. Qui peut le savoir à part ceux qui se sont trouvés sur les lieux ?

Notre objectif est donc non seulement d'assurer la représentativité par la présence d'associations de victimes – ce qui existe déjà pour l'amiante –, mais aussi d'apporter la plus-value de leur expérience pour arriver à une plus juste indemnisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Voisin

Ceux qui ont quelque pratique dans le domaine du contradictoire savent que l'on écoute l'ensemble des parties au cours de l'instruction, et que celles-ci n'interviennent plus au moment de rendre la décision. C'est une raison juridique qui a conduit la commission à donner un avis défavorable à l'amendement, car il s'agit d'une procédure définie dans nos codes. La proposition de notre collègue est irrecevable, car les associations seraient juge et partie, ce qui n'est pas possible.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

J'ai déjà répondu, je ne vais pas me répéter.

(L'amendement n° 18 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je suis saisie d'un amendement n° 5 .

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Monsieur le ministre, nous sommes satisfaits de vous revoir, car vous connaissez le dossier sur le bout des doigts.

Cela a été dit, la France a trop tardé à indemniser les victimes de ses essais nucléaires. À défaut de faire les choses à temps, il est encore possible de les faire correctement. Pour les députés communistes, ce projet de loi n'est pas totalement satisfaisant, même si des avancées ont été actées à l'unanimité en commission. On peut bien sûr se réjouir que le texte ait perdu son titre initial au profit de l'inscription de l'« indemnisation des victimes des essais nucléaires français ». On ne peut qu'être en faveur du principe de contradiction introduit dans l'examen des dossiers, de l'élargissement des zones géographiques contaminées, du renforcement de la place de la science, de l'instauration de délais pour les décisions d'indemnisation, ou encore de la création d'une commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires où siégeront des représentants des vétérans des essais.

Mais l'essentiel n'est pas là. Selon nous, toutes les victimes doivent être effectivement indemnisées. Or, de ce point de vue, nous n'avons pas encore de garantie, et d'ailleurs la colère des victimes reste intacte. La responsabilité écrasante de l'État dans tous ces drames n'est pas inscrite clairement. Ainsi, le texte pourrait très bien se transformer en usine à gaz si la présomption du lien de causalité entre l'exposition aux essais, d'une part, et les maladies radio-induites, d'autre part, n'était pas introduite clairement. C'est d'ailleurs le combat central de tous les parlementaires qui se sont penchés sur le dossier.

Le texte du Gouvernement ne reprend pas ce principe de présomption de lien, et, à défaut de causalité clairement admise, les victimes risquent de continuer à tourner en rond. Quand bien même elles justifieraient de toutes les circonstances mentionnées par la loi, certaines d'entre elles pourraient se voir opposer un refus d'indemnisation.

Le sort réservé à nos différents amendements introduisant le principe de présomption me conforte dans mon analyse : puisqu'on nous a opposé l'irrecevabilité budgétaire, cela signifie que le coût serait plus important pour l'État. Il est donc évident que l'absence de présomption de lien de causalité reviendrait à ne pas indemniser certaines victimes. Cela serait, nous en conviendrons tous, inacceptable.

Bien entendu, il ne s'agit pas d'indemniser n'importe qui, mais de reconnaître pleinement la responsabilité de l'État. Nous possédons une liste de maladies radio-induites, qui ne sont pas des pathologies ordinaires, ainsi qu'une liste de lieux hautement toxiques, les lieux des essais nucléaires français.

M. le rapporteur parle de « quasi-présomption », mais cela ne veut rien dire. Franchement, les différentes maladies radio-induites peuvent-elles avoir une autre origine que les essais ? En tout cas, pas la majorité d'entre elles ! C'est pourquoi, en cas de contestation sur le lien de causalité, c'est à l'État qu'il devrait incomber de démontrer que ce lien n'existe pas. Je l'affirme solennellement : il faut absolument que nos travaux débouchent sur l'adoption du principe fondamental de présomption de lien entre les différentes maladies radio-induites et les expositions aux essais.

Notre crainte est aussi que l'indemnisation soit restreinte aux victimes ayant participé à des essais dont le ministère reconnaît lui-même qu'ils ont donné lieu à des incidents. Or l'absence d'incident particulier n'empêche pas que des personnes aient pu être contaminées, par manque de précaution ou par ignorance de certains dangers. Nous souhaiterions donc que soit inscrit clairement dans la loi le principe de présomption du lien de causalité.

Puisque l'irrecevabilité financière a été opposée à nos différents amendements, nous proposons l'adoption de cet amendement de repli, qui tend à supprimer l'alinéa relatif au rôle du comité d'indemnisation dans l'établissement d'un lien de causalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Cet amendement supprime l'alinéa 3 de l'article 4. Je comprends le souhait de nos collègues d'établir une présomption de causalité, mais il ne faudrait pas que cette logique permette d'indemniser tous les demandeurs sans qu'ils aient à prouver qu'ils souffrent d'une pathologie. L'alinéa concerne certes le lien de causalité, mais il est clairement précisé qu'il ne s'agit que d'une des conditions à réunir. Le comité doit surtout veiller à ce que le demandeur prouve qu'il est atteint d'une maladie et qu'il a séjourné dans les zones visées à l'article 2. La suppression priverait le comité de ses pouvoirs, le rendant inutile à la procédure. La commission a rejeté cet amendement.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Je ne comprends pas la logique de notre collègue. D'abord, il considère le projet de loi comme globalement positif, puis il présente un amendement de suppression d'un alinéa qui viderait de sa substance l'article 4, dont tout le monde s'accorde à reconnaître que c'est un des articles, sinon l'article essentiel du texte. J'ai du mal à saisir la cohérence !

M. Candelier a dit fort justement qu'il ne faudrait pas que les victimes tournent en rond. Mais c'est la situation actuelle, c'est aujourd'hui que les victimes tournent en rond ! Ce texte doit leur ouvrir des perspectives et constitue une avancée très significative et positive. Dès lors, on ne peut que souscrire aux propos du rapporteur et du ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

J'ai moi-même reçu des hommes qui ont été exposés durant plusieurs années, depuis le début des tirs. En tant que médecin, on peut rester quelquefois perplexe.

Il y a des cas évidents, le ministre l'a dit, qui présentent des pathologies reconnues comme radio-induites ou fréquemment – ce qui nuance déjà la notion d'évidence – radio-induites. Ce sont les maladies de la thyroïde, les cancers de la thyroïde, les leucémies et autres maladies du sang. Et puis il y a des victimes d'un certain âge, plus de soixante-dix ans, qui viennent avec un cancer du côlon, par exemple. Or, à cet âge, on sait qu'il y en a une forte proportion non radio-induite. Le ministre a également souligné qu'un certain nombre d'hommes, peut-être de femmes, qui, en plus d'une éventualité de radio-induction, présentent d'autres pathologies ayant d'autres causes : deux paquets de cigarettes favorisent l'apparition de cancers du côlon ou d'autres cancers. Il est donc extrêmement difficile de savoir.

S'il n'y avait pas, comme cela sera fait, d'examen effectué sérieusement au cas par cas par des médecins compétents – et les médecins n'ont aucun intérêt à refuser de reconnaître la vérité –, on indemniserait tout le monde. On pourrait tout aussi bien indemniser tous ceux qui sont proches d'une borne électromagnétique, d'un four à micro-ondes, et on inverserait la charge de la preuve.

Ce que demandent ces hommes, c'est d'être considérés sérieusement, médicalement, et qu'il y ait une vraie indemnisation dès lors qu'on peut suspecter – non pas affirmer, on ne le pourra jamais – que leur pathologie est radio-induite. Mais si vous inversez la charge de la preuve en considérant que tout le monde y a droit, vous ouvrez une porte extrêmement dangereuse pour toutes les autres pathologies peut-être secondaires à d'autres causes que les radiations ionisantes.

Par exemple, toutes les personnes qui subissent une scintigraphie osseuse ont, à un moment donné, des radiations ionisantes qui durent très peu de temps. Vingt ans plus tard, s'ils déclarent un cancer, fera-t-on l'amalgame ? Non ! S'il faut être vigilant, solidaire et compréhensif, il faut aussi être scientifique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je suis saisie d'un amendement n° 19 .

La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Je donne acte au ministre de sa volonté d'améliorer le décret pour faire en sorte de garantir le caractère contradictoire de la procédure. Nous serons attentifs aux propositions qui seront faites.

Vous venez de refuser que les associations soient membres en tant que telles du comité d'indemnisation, nous proposons donc, avec cet amendement de repli, de permettre aux demandeurs de se faire assister, s'ils le souhaitent, par les associations représentatives des victimes dans le cadre de l'examen contradictoire des demandes d'indemnisation, et cela pour trois raisons.

D'abord, ma collègue le disait tout à l'heure, ce sont des victimes souvent fragilisées par leur santé déficiente – c'est ce qui les amène devant le comité d'indemnisation –, mais aussi par des procédures longues et qui tardent à aboutir, et qui peuvent être aussi intimidées par un passage devant un comité, une convocation ou des demandes d'expertises supplémentaires alors qu'elles peuvent en avoir connu déjà beaucoup.

Ensuite, et je pense qu'un consensus s'est dégagé sur ce point, si la question de la représentativité n'est jamais simple, tout le monde reconnaît que les associations ont acquis une véritable forme d'expertise sur ces sujets.

Elles ont d'ores et déjà accompagné en justice – c'est leur vocation –de nombreuses victimes. Elles sont bien souvent à même d'expliciter les circonstances de l'exposition aux rayons ionisants.

Nous connaissons la complexité des situations. On a donné une certaine version des faits. Puis, une fois le silence brisé, les vétérans se sont raconté leurs histoires, des films ont été tournés. Certains ont été envoyés à tel endroit pour récupérer un équipement, par exemple. De nombreuses situations posent problème. Une personne isolée peut éprouver des difficultés pour expliquer son histoire. Un accompagnement nous semble donc une bonne chose.

Comme je l'ai rappelé au début de mon propos, cela instituerait une sorte d'équilibre dans la procédure contradictoire que nous avons actée ensemble en commission. Sinon, nous risquerions de voir un individu fragilisé, isolé face à l'État.

Je n'éprouve pas de méfiance envers l'État. Mais tout le monde peut percevoir le déséquilibre de la procédure. Notre amendement cherche donc logiquement à rééquilibrer la procédure. Si notre amendement était adopté, cela participerait au consensus. Ainsi, les personnes qui le souhaitent pourraient se faire accompagner des représentants des associations avec lesquelles elles ont déjà bien souvent travaillé.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Je comprends l'esprit de l'amendement. Il prévoit que, dans le cadre du débat contradictoire avec le comité d'indemnisation, les demandeurs peuvent se faire assister par les associations de victimes.

Les demandeurs sont toujours libres de se faire assister par les personnes de leur choix, sans qu'il soit besoin de l'inscrire dans la loi.

La commission a donc repoussé cet amendement.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

La plupart des procédures seront écrites. À l'évidence les éléments constitutifs du lien de causalité seront reconnus dans le dossier. L'indemnisation sera donc proposée.

Je peux comprendre que, dans un certain nombre de cas de figure, il puisse y avoir besoin d'explications, compte tenu de la spécificité de la mission menée par telle ou telle personne. Je suis donc tout à fait prêt à ce que soit intégrée dans le décret l'idée que la personne puisse être assistée par une association de victimes. Mais cela n'a pas sa place dans la loi. Le fait que cela figure dans le décret montre à quel point nous ne voulons pas faire l'objet de suspicions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Monsieur le ministre, je voudrais appeler votre attention sur un certain nombre de points. Vous me pardonnerez d'entrer dans des considérations médicales.

L'association n'est pas liée par le secret professionnel. Elle n'a pas à tout savoir. Si, après avoir procédé à un examen ADN, on trouve que la pathologie est héréditaire, cela posera des problèmes du point de vue de l'indemnisation. Si le grand-père, par exemple, a eu un cancer du colon et si la victime développe à son tour un cancer du colon, au nom de quoi pourra-t-elle dire à l'association – si l'on considère que ce n'est pas « radio-induit » – que les enfants seront aussi atteints d'un cancer du colon ?

Cette divulgation du secret médical est extrêmement dangereuse. Si l'on fait figurer dans la loi la présence des associations, cela obligera quasiment les victimes à être assistées. Si c'est seulement dans le décret, les personnes feront ce qu'elles voudront. Elles lèveront elles-mêmes le secret médical, si elles le désirent.

Je suis, en qualité de membre du comité d'éthique, extrêmement opposé à ce qu'on lève le secret médical, pour montrer qu'il y a un certain nombre de pathologies qui pourraient être radio-induites, mais qui sont pour beaucoup d'entre elles héréditaires.

Je ne veux pas polémiquer, mais, en tant que médecin, j'estime que cela pose un problème éthique. Nous en avons d'ailleurs discuté au comité éthique.

Je préfère donc que cette disposition ne figure pas dans la loi, car cela instituerait pratiquement l'obligation d'être assisté et donc de lever le secret médical. Je préfère qu'on inscrive dans le décret qu'une victime peut recourir à une association, en choisissant elle-même de lever le secret médical. Le médecin a un rôle extrêmement important à jouer. Monsieur Gille, il ne faut pas trop noircir les relations entre le patient et le médecin. Lorsque la victime vient voir le médecin, elle ne passe pas devant un jury, elle voit un conseiller. Le médecin doit plutôt être considéré comme un ami, qui va tenter d'aider cette personne. Les médecins feront tout pour rendre service, dans la vérité scientifique, à ce patient. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'amendement défendu par M. Gille a une vertu : reconnaître aux associations le rôle qu'elles ont eu par le passé.

Il était difficile pour l'État d'assumer les conséquences des essais nucléaires qui étaient la condition indispensable à notre indépendance nationale. J'ai rencontré à plusieurs reprises les associations en Polynésie, lorsque je m'y suis rendu. J'ai travaillé avec M. Morin sur ce sujet, avant qu'il ne soit ministre de la défense. La prise de conscience était difficile et les associations y ont participé.

Mais une fois accepté le fait – à l'initiative de notre Gouvernement et de notre actuel ministre de la défense – que l'État assume la double responsabilité d'avoir garanti l'indépendance nationale et l'existence d'effets induits sur les militaires et les populations locales, ne nous voilons pas la face. Les associations demeureront en soutien. Beaucoup de militaires, beaucoup de citoyens de Polynésie française ne s'adressaient pas nécessairement à elles parce qu'ils ne croyaient pas qu'un jour un ministre prendrait les choses à bras-le-corps.

Dès lors que nous aurons introduit dans la loi la faculté à obtenir réparation, les victimes iront vers ces associations.

Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que vous étiez prêt à faire figurer cela dans le décret. Je pense donc que l'amendement devient inutile. Je profite de cette occasion pour vous interpeller au nom du groupe Nouveau Centre. Il ne doit pas s'agir d'« associations représentatives ». Il n'y a pas aujourd'hui d'associations représentatives ou dont on pourrait mesurer la représentativité. Les associations regroupent, défendent des victimes.

Je lis, monsieur Gille, dans l'exposé sommaire de votre amendement : « Légitimées par leur antériorité et l'importance du travail accompli,… » J'ai eu l'occasion de rencontrer quelques associations. J'ai constaté que l'importance du travail que les associations accomplissent était très inégale, de même que la documentation qu'elles fournissent et l'efficacité dont elles font preuve sur le terrain. Je parle sous le contrôle de nos deux collègues polynésiens.

Monsieur le ministre, il faut permettre aux victimes enfin reconnues grâce à ce texte d'être aidées dans leur démarche, mais il ne faut pas inventer une représentativité à des associations, qui risqueraient de s'en construire a posteriori.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Buillard

Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est grâce au travail effectué par des associations comme AVEN et Mururoa e tatou.

En quoi cela nous gêne-t-il de reconnaître une crédibilité à ces associations ? Sur le terrain, pardonnez-moi de vous le dire, nous avons vécu des situations difficiles. Des personnes souffrent. À une certaine époque, nous avions ouvert des structures médicales pour examiner les malades. Aucun malade polynésien ne s'est alors présenté. Qui les défendait ? L'association Mururoa e tatou. En qualité de député polynésien, je ne suis absolument pas choqué par l'amendement qui vient d'être défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Monsieur Debré, notre idée n'était pas d'instaurer une obligation de se faire assister, mais d'en offrir la possibilité.

Monsieur Lagarde, je partage votre opinion sur le travail des associations, leur importance et le rôle déterminant qu'elles peuvent continuer d'avoir.

Votre texte vise à instituer des procédures moins lourdes que celles que nous avons connues jusqu'à présent. Mais il n'est pas si simple de s'y retrouver. Rendre possible une forme d'assistance ou d'accompagnement par des associations me paraît une excellente chose.

Monsieur le ministre, vous souhaitez que cela figure dans le décret. Ce décret, nous en disposons, ce qui n'est pas toujours le cas lors de la discussion d'un projet, malgré les promesses. Nous avons ainsi eu un débat de qualité.

Nous allons donc vous faire confiance. Ainsi, vous ne pourrez plus être navré de notre défiance répétée. Un décret représente une prise de risques pour un ministre, car nous pouvons en contester certains points. Nous retirons notre amendement. Nous attendons de lire le décret.

(L'amendement n° 19 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je suis saisie d'un amendement n° 20 .

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Monsieur le ministre, l'amendement n° 20 ne représente pas une marque de défiance à votre égard.

Il vise à préciser un certain nombre d'éléments, compte tenu de l'état actuel du droit. En effet, l'absence de notification vaut rejet, sauf dans les cas expressément prévus.

Nous proposons donc de compléter le texte de l'alinéa 8 par la phrase suivante : « L'absence de décision dans les délais prévus vaut acceptation de la demande d'indemnisation. »

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Selon les termes de votre amendement l'absence d'une réponse du ministre dans les délais fixés par la loi vaudrait acceptation implicite de la demande.

L'article 21 de la loi du 12 avril 2000 précise très clairement que le silence de l'administration vaut décision implicite de rejet. Une acceptation implicite est toutefois possible dans certains cas bien identifiés, comme les permis de construire – c'est d'ailleurs précisé dans le code de l'urbanisme.

L'article 22 de la loi du 12 avril 2000 indique que l'acceptation implicite n'est jamais possible pour une demande à caractère financier. En l'espèce, l'acceptation concernerait le principe de l'indemnisation ou son montant.

Si seul le principe est accepté, faut-il enclencher une nouvelle procédure pour connaître le montant de la réparation ? Ce mécanisme n'est pas du tout protecteur, alors que la décision implicite de rejet permet aux demandeurs de déposer très rapidement un recours devant le juge. M. le ministre s'est engagé à respecter les délais qui lui sont impartis.

La commission a repoussé cet amendement.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Comment, alors qu'on a voté une loi en 2000 – c'était une loi de votre majorité – prévoyant que la décision de refus était implicite et que cela ne saurait s'appliquer pour une demande à caractère financier, proposer maintenant le contraire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je suis saisie d'un amendement n° 21 .

La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

L'amendement vise à supprimer l'alinéa 9, qui prévoit de doubler les délais d'instruction dans l'année de la promulgation de la présente loi.

Nous percevons bien la difficulté. Un délai d'instruction de quatre mois est prévu par le comité d'indemnisation. Il peut être suspendu – cela paraît légitime – s'il y a des expertises supplémentaires à mener. Ensuite, un délai de deux mois est prévu pour que le ministre réponde et notifie sa décision au demandeur.

Un doublement des délais d'instruction peut apparaître comme une mesure de bon sens, car on imagine les difficultés qui peuvent se poser. Par exemple, lorsqu'un dispositif est mis en place, l'administration craint souvent un afflux de demandes. Ainsi pour le RSA, on s'attendait à ce qu'elles soient très nombreuses en juin. Finalement, il semble que ce ne soit pas le cas.

En fait, en allongeant les délais, vous envoyez un signal symbolique négatif à des personnes souvent âgées, malades et dont le pronostic vital est parfois engagé. Vous leur dites en quelque sorte : si vous engagez cette démarche maintenant, le délai sera deux fois plus long. Nous comprenons bien que le comité d'indemnisation risque d'être débordé, mais il faudrait quand même réfléchir à une meilleure formulation, car, en l'état, celle-ci n'est pas satisfaisante. L'urgence des situations impose un effort de diligence de la part de l'État, même, et peut-être surtout, la première année.

(M. Marc Laffineur remplace Mme Danièle Hoffman-Rispal au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Nous avons eu ce débat en commission. Je rappelle qu'il s'agit de porter à huit mois les délais d'instruction pendant l'année suivant la promulgation de la loi : c'est un délai maximum. Rien n'empêche que l'instruction soit plus rapide ; cela dépendra du nombre de dossiers déposés. Nous ne souhaitons pas, par mesure de précaution, réduire le délai d'instruction au cours de la première année car le comité risque de devoir faire face à un afflux de demandes.

Votre amendement aurait pour conséquence de multiplier les contentieux inutiles. Avis défavorable, donc.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Même avis que la commission.

Monsieur Gille, je vous rappelle que le secrétariat chargé d'assurer l'instruction des dossiers sera composé de quinze à vingt personnes. Or nous savons d'ores et déjà qu'il y a 350 dossiers en instance.

Compte tenu de la décision implicite de rejet, votée en juillet 2000, il ne faudrait pas que des dossiers soient rejetés parce que le délai serait de quatre mois la première année, alors même que nous voudrions les accepter.

(L'amendement n° 21 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 6 .

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Je connais par avance la réponse qui nous sera faite, mais je tiens néanmoins à rappeler la position de notre groupe.

Nous aurions souhaité un dispositif qui s'inspire davantage de celui relatif à l'indemnisation des victimes de l'amiante, notamment avec la création d'un fonds d'indemnisation autonome doté d'une personnalité juridique. Cela aurait permis d'éviter l'arbitraire du ministre, car rien ne garantit que ce dernier suive systématiquement les avis du comité d'indemnisation. Dans cette affaire, l'État est juge et partie, ce que déplorent les associations de victimes.

En nous fondant sur ce qui a été fait pour l'amiante, nous aurions souhaité que soit étudiée la création d'une allocation de cessation anticipée, l'espérance de vie des vétérans atteints de maladie étant, hélas, plus réduite. Il s'agit de demandes fortes des associations de victimes. Nos amendements sont tombés sous le coup de l'irrecevabilité financière si bien que la représentation nationale ne peut même pas en débattre. C'est donc à notre corps défendant que nous nous contenterons d'améliorer le dispositif existant.

S'agissant de la procédure, il est nous est proposé de créer un comité d'indemnisation réunissant des experts médicaux. Il appartiendra à celui-ci d'instruire les demandes et de vérifier que les conditions sont bien remplies en s'assurant que la maladie n'est pas liée à une autre cause que les essais nucléaires. Nous avons déjà eu l'occasion de rappeler notre position en faveur de l'inscription d'une présomption de causalité entre l'exposition aux essais et les différentes maladies listées. Je ne suis pas convaincu par les arguments en défaveur de l'introduction de ce principe de présomption. Notre demande tient toujours. J'avoue avoir un peu de mal à comprendre les réticences à inscrire ce lien de causalité car cela n'empêcherait pas le comité d'indemnisation d'imputer la maladie à une autre cause ni le ministre de rejeter le dossier en justifiant son refus.

Cela étant, dans la mesure où le titre du projet de loi fait explicitement référence à l'objectif de reconnaissance des victimes des essais nucléaires, pourquoi ne pas les faire entrer dans la composition du comité d'indemnisation ? Il s'agirait ainsi d'une reconnaissance supplémentaire. Du reste, il est à redouter que le comité soit composé d'experts trop éloignés de la réalité des situations individuelles ou des personnes n'ayant aucune expérience du vécu sur une base d'essais nucléaires ou des bateaux alors que l'on s'apprête à conférer au comité un pouvoir d'appréciation important sur les circonstances de ces drames.

Les associations souhaitent pouvoir participer au comité d'indemnisation. Sans la pugnacité des victimes des essais nucléaires, sans leur courage et leur combat pour leur dignité, nous ne serions pas réunis aujourd'hui autour de ce projet de loi, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Cette demande fondamentale a trouvé un large écho dans différentes propositions de loi. De surcroît, ce droit qui devrait leur revenir ne coûterait pas un sou au budget de l'État : de quoi avons-nous peur ?

Les craintes sur un possible ralentissement de la procédure ne sont pas fondées car les victimes ont tout intérêt à ce que la procédure aille le plus vite possible. On peut même dire qu'elles sont très bien placées pour regretter la lenteur de la justice !

S'agissant du problème de la représentativité de associations, l'argument ne tient pas dès lors que le comité de suivi fait, quant à lui, une place aux associations.

Je vous propose d'adopter notre amendement, de consensus et d'apaisement, tendant à faire participer les associations représentatives des victimes des essais nucléaires aux travaux du comité d'indemnisation. Ce serait la moindre des choses et un gage d'efficacité, de crédibilité et de transparence.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Même avis que la commission. Je me suis déjà exprimé sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Un passage de votre intervention m'a quelque peu perturbé, monsieur Candelier. Vous avez dit que si jamais on ne pouvait établir que la pathologie était radio-induite, on l'imputerait à d'autres causes.

Si vous pouviez, monsieur Candelier, m'aider à trouver les causes de tous les cancers, j'en serais heureux ! (M. Alain Marty applaudit.) La plupart des cancers n'ayant pas de cause, vous imaginez bien que ce sera très difficile. Faites confiance au corps médical, monsieur Candelier. Ne jetez pas la suspicion.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Le corps médical va faire en sorte que l'on puisse gérer, au mieux, les intérêts des patients sans aller contre la science, ce qui serait terrible.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Nous ne jetons la suspicion sur personne, monsieur Debré, mais nous savons comment ça fonctionne.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

En vérité, tout le monde est représenté dans les comités, sauf les principaux intéressés.

Notre amendement se contente de proposer que les associations des victimes soient représentées au sein du comité d'indemnisation. Nous ne disons pas qu'elles vont établir le diagnostic à la place des toubibs ! D'ailleurs, c'est hier que les toubibs auraient dû s'insurger alors qu'un ministre a accusé de nombreux médecins de faire des faux arrêts de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Voisin

-président de la commission de la défense. Ce n'est pas le débat d'aujourd'hui, monsieur Gremetz !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

C'est ce que j'ai entendu, hier, lors de la séance des questions au Gouvernement ! Vous n'aviez rien dit alors ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Jamais, je ne me serais pas permis de dire cela, alors que je ne suis qu'un simple député !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Ce n'est pas un problème de confiance, monsieur Debré.

Les associations peuvent être présentes au sein du comité de suivi, mais pas au sein du comité d'indemnisation. Elles peuvent éventuellement accompagner les demandeurs. Personne ne peut l'empêcher ! Le fait de l'inscrire dans le décret ne représente pas un plus dans la mesure où chacun peut se faire accompagner !

Pour avoir siégé avec M. le ministre en commission, je le connais bien. Il a l'art et la manière de paraître très généreux sans rien donner ! (Rires sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Pas plus tard que tout à l'heure, il était prêt à l'inscrire dans le décret. Cela ne lui coûte rien parce que de toute façon, c'est prévu et que personne ne peut l'empêcher ! Mais il a bien insisté sur le fait qu'il faisait un beau geste en échange du retrait d'un amendement. Mais moi, je ne joue pas à ce petit jeu !

Nous demandons donc que les associations des victimes des essais nucléaires puissent jouer un rôle. Sans elles, nous ne serions pas réunis cet après-midi pour débattre de cette question. Depuis des années et des années, elles se sont battues pour faire advenir ce débat ! Le président Verger qui y assiste pourrait en témoigner.

Je veux rassurer, monsieur Debré – dont je connais l'honnêteté – car il craignait que le secret médical ne soit levé. S'agissant du comité d'indemnisation, il ne s'agit pas de cela, mais de familles affaiblies qui vont devoir se défendre…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Ce serait une marque d'humanité, qui ne toucherait pas au secret médical.

(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)

(L'article 4 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Les articles 5 et 6 ne font l'objet d'aucun amendement.

(Les articles 5 et 6, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 25 rectifié , portant article additionnel après l'article 6.

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Cet amendement dispose que le recours juridictionnel du demandeur, en cas de refus d'indemnisation ou de contestation du montant de l'indemnisation proposée, est intenté devant la cour d'appel de Papeete lorsque le demandeur réside en Polynésie française ou devant la cour d'appel de Paris pour les autres demandeurs.

Il est, en effet, important de préciser les conditions d'exercice du droit de recours du demandeur. En effet, le projet de loi ne donne pas de précision sur ce point important. Or il existe un risque d'impasse juridique pour le demandeur. La question est posée de savoir si le tribunal administratif est le mieux armé pour faire droit à une contestation. Il ne s'agit pas d'une question de simple procédure, mais celle du principe du recours sur les motifs au fond de la décision. Nous devons être vigilants, monsieur le ministre, sur ce point. Le recours juridictionnel doit garantir un examen au fond de la demande rejetée. Si c'est le juge administratif, il conviendrait de préciser que c'est la demande d'indemnisation qui fait l'objet d'un recours. On pourrait préciser que le juge administratif examine l'affaire en plein contentieux. Le juge administratif est saisi de la décision du comité et statue sur la demande d'indemnisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Cet amendement met en place un mécanisme dérogatoire au droit commun pour les recours contre les décisions du ministre.

Je comprends la volonté de nos collègues de maintenir une certaine proximité géographique entre les demandeurs et les juridictions traitant du contentieux. En revanche, je ne comprends pas ce qu'apporte le recours aux juridictions judiciaires. Les juridictions administratives sont tout aussi compétentes pour juger ces litiges.

J'ajoute que nous avons déjà évoqué ces questions en commission et que le projet de décret apporte un certain nombre de précisions à ce sujet.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Madame la députée, je ne comprends pas ce que vous avez contre les juridictions administratives. Elles sont tout aussi indépendantes que les juridictions de l'ordre judiciaire et leurs juges exercent leur métier tout aussi bien que les juges judiciaires. S'il existe depuis deux siècles un double ordre de juridiction, c'est pour que les décisions administratives soient jugées par les juridictions de l'ordre administratif.

Quant au second aspect, comme je l'ai précisé en préambule, nous indiquerons dans le décret que pour ce qui est de la Polynésie, la décision, y compris si elle émane du ministre, relèvera de la cour administrative d'appel de Papeete. C'est donc un système dérogatoire par rapport à celui mis en place pour les métropolitains qui auront affaire à des juridictions administratives plus proches.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Nous prenons acte de ces précisions. Nous n'avons rien contre les juridictions administratives, monsieur le ministre. Seulement, comme vous vous étiez montré ouvert à ce que des avancées soient faites à la faveur de la discussion de ce texte, nous pensions que vous accepteriez que soit reconnu le principe du plein contentieux comme étant la norme en matière de décisions d'indemnisation.

(Mme Danièle Hoffman-Rispal remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Nous n'éprouvons aucune méfiance à l'égard des personnels des tribunaux administratifs.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Bien sûr que si !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Laissez-moi m'exprimer, monsieur le ministre. Vous voulez nous mettre en difficulté avec la terre entière, alors que nous interrogeons seulement sur la lourdeur des procédures et que nous cherchons à obtenir des précisions.

Nous nous demandons ainsi si le tribunal administratif ne va pas se contenter de statuer sur un excès de pouvoir du ministre en cassant la décision de celui-ci, ce qui impliquerait de recommencer la procédure à zéro. Dans nos amendements, nous tentons donc de préciser la manière dont s'effectuera le recours. Le débat sur ce point a d'ailleurs commencé en commission.

En effet, il faut bien voir les conséquences qu'aurait une telle décision après une procédure déjà très longue pour le demandeur où se succèdent dépôt de la demande auprès du comité d'indemnisation, attente de la notification de la décision du ministre et recours auprès du tribunal administratif. Il ne s'agit pas seulement d'une question juridique.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

J'ai appris à mes étudiants, en faculté de droit, qu'en droit administratif, le recours portant sur une décision d'indemnisation est un recours de plein contentieux. De surcroît, même un juge administratif peut requalifier un recours pour excès de pouvoir en recours de pleine juridiction.

Puis-je vous rappeler, en outre, que les recours devant l'ordre administratif ont une double vertu ? Ils n'impliquent pas de frais car la présence d'un avocat n'est pas requise et ils reposent sur une procédure écrite. Que demandez-vous donc de plus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à Mme Marietta Karamanli pour une brève intervention. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Nous ne sommes pas contre les juridictions administratives, monsieur le ministre, nous voulons simplement que les conditions d'exercice du droit de recours soient précisées dans le texte de loi.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Nous n'allons tout de même pas inscrire dans le texte des dispositions qui existent déjà dans notre droit !

(L'amendement n° 25 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je suis saisie d'un amendement n° 26 .

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Cet amendement tend à préciser, après l'article 6, que « les victimes peuvent, dans le délai de deux mois qui suit la notification de la décision du ministre, former un recours de pleine juridiction devant le tribunal administratif ».

La question du recours de plein contentieux me semble centrale, monsieur le ministre. Si celui-ci n'est pas expressément prévu par la loi, il appartient en effet au juge administratif de déterminer s'il doit juger en plein contentieux ou pas. Il examine alors ce que sont la lettre et l'esprit de la loi pour se déterminer. Vous comprendrez donc que, pour lever toute ambiguïté, il importe d'inscrire dans le présent texte que le recours peut porter, par exemple, sur le montant d'indemnisation et que le juge administratif a qualité pour en juger.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Je comprends la volonté de nos collègues de préciser que les demandeurs peuvent former un recours de pleine juridiction devant le tribunal administratif. Mais il se trouve que celui-ci est de plein droit. L'esprit du texte me semble du reste suffisamment clair pour que rien ne fasse obstacle au dépôt d'un tel recours, comme je l'ai souligné dans mon rapport.

Je note par ailleurs que l'amendement tend à reprendre les termes de l'article L. 310-16 du code des assurances mais ne le fait que partiellement puisque cet article indique que le recours se fait devant le Conseil d'État et non devant le tribunal administratif.

La commission a repoussé cet amendement.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je ne sais plus comment m'exprimer pour vous faire comprendre que le recours de pleine juridiction est de droit !

(L'amendement n° 26 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 27 rectifié est retiré.)

(L'amendement n° 7 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Sur l'article 7, je suis saisie de deux amendements identiques, nos 9 et 23 .

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l'amendement n° 9 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

L'idée de créer une commission de suivi des conséquences des essais nucléaires est très importante mais le qualificatif « consultative » nous semble amoindrir quelque peu ses prérogatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour soutenir l'amendement n° 23 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

La création d'une commission de suivi est une avancée souhaitée par tous. Mais la commission telle qu'elle est instituée dans le texte nous paraît vidée de son sens car elle porte sur les conséquences des essais nucléaires quand nous proposions qu'elle porte sur les essais nucléaires eux-mêmes. Nous ne sommes pas d'accord les sujets sur lesquels porte le suivi qu'elle exerce.

Mais de toute façon, accoler l'adjectif « consultative » à « commission de suivi » est de nature à fragiliser la portée de cette instance. Qu'elle soit consultative relève de l'évidence. Je vous retourne les arguments que vous venez de nous opposer, monsieur le ministre.

Nous apprécierions d'être entendus sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Il ne faut pas faire de la commission de suivi autre chose qu'un lieu institutionnalisé de dialogue. Elle n'a pas vocation à se substituer aux autorités politiques – Gouvernement, Parlement – ni aux juridictions. Elle ne peut qu'alerter et émettre des recommandations. Elle est donc bien consultative.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je suis obligé d'être du même avis que la commission. Maintenant, si cela vous fait plaisir de supprimer le mot « consultative » parce que cette fonction vous paraît relever de l'évidence, je n'y vois pas d'inconvénient.

(Les amendements identiques nos 9 et 23 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je suis saisie d'un amendement n° 10 .

La parole est à M. Maxime Gremetz.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Cet amendement vise à insérer les mots « de l'environnement » après les mots « représentants des ministres chargés de la défense, de la santé ». Il s'agit d'une demande tout à fait justifiée de l'association des victimes des essais nucléaires. La commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires devrait avoir pour mission d'assurer également le suivi des questions relatives à l'environnement, domaine jusqu'à présent attribué au département du suivi des centres d'expérimentations nucléaires.

Alors que nos concitoyens accordent une place croissante aux préoccupations environnementales, il s'agit de ne pas éluder le rôle et l'incidence des essais nucléaires en matière d'environnement et de biodiversité.

Cela me paraît être un ajout qui ne coûte pas cher, monsieur le ministre. Il vous permettrait en outre de vous inscrire pleinement dans le grand projet du Président de la République, le Grenelle 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Même si les questions environnementales méritent d'être examinées avec beaucoup d'attention, il ne nous paraît pas pertinent qu'elles relèvent des instances chargées du suivi des réparations des conséquences sanitaires, objet de ce texte. Des représentants du ministère de l'environnement n'ont donc pas à siéger dans la commission de suivi.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Cet amendement ne correspond pas à l'objet du texte, l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. La commission n'a pas pour rôle de suivre les problématiques environnementales. Le laboratoire d'étude et de suivi de l'environnement, le LESE, organisme indépendant, continue d'exercer sa vigilance en la matière. Des services de l'État comme le CEA-DAM et une partie de la DGA et du ministère de l'environnement en sont chargés. J'imagine que, de surcroît, les autorités polynésiennes exercent également leurs responsabilités et leurs compétences en matière environnementale.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Monsieur le ministre, avouez que traiter des conséquences sanitaires des essais nucléaires sans aborder les questions relatives à la prévention et à l'environnement a de quoi surprendre car on sait quelle est l'importance de l'environnement en matière de santé publique.

Dois-je vous rappeler que vous avez tous insisté sur le fait que le nucléaire n'appartenait pas au passé ? Le Président de la République a pris soin d'affirmer que la France gardait sa maîtrise de la dissuasion nucléaire malgré sa réintégration dans le commandement militaire de l'OTAN.

Dès lors, qui vous dit qu'il n'y aura pas d'autres essais ? Je pense qu'il faut voir loin, monsieur le ministre de la défense. Vous avez dit que la dissuasion nucléaire reste le coeur de la défense nationale. Vous devriez donc anticiper quelque peu sur ce qui va se passer si vous voulez avoir de bons résultats aux élections. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Nous avions déposé un amendement sur le même sujet, mais qui était moins bien rédigé puisqu'il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Certes, je peux comprendre sans les partager les arguments du rapporteur et du ministre s'agissant de l'environnement, mais il y a tout de même nécessité d'assurer au moins le suivi médical et épidémiologique des conséquences des essais. En effet, on met en place un système d'indemnisation qui va faire remonter de nombreux dossiers contenant des renseignements sur les personnes qui ont été exposées dans des conditions de protection variable selon les époques et les modes d'organisation des essais : il serait important que la commission consultative puisse émettre des suggestions sur la manière de garder trace de tout cela, voire en organiser elle-même la conservation. Ce serait une manière d'éviter que leur sacrifice vital différé soit en pure perte, si j'ose dire. Dans le cadre du dispositif qui va être mis en place, la commission consultative pourrait veiller à ce que le suivi soit organisé, faire des préconisations à ce sujet et rappeler aux autorités publiques qu'un tel travail doit être fait. Cela me paraît un point important et je vous demande, monsieur le ministre, d'y être attentif. Mais il ne s'agit pas d'instituer une grande organisation qui élaborerait tous les rapports sur les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Monsieur Gremetz, avec tout le respect que j'ai pour vous – vous savez qu'il est grand –, je dois vous dire qu'il ne faut pas alourdir ce texte. Nous devons agir vite, tout le monde l'a dit, et le ministre a montré sa détermination. Or si, au sein de la commission, vous ajoutez le représentant du ministre de l'environnement, qui vous dit que les dossiers environnementaux ne seront pas examinés avant les dossiers sur les malades ? Je comprends parfaitement votre demande. Elle est importante. Mais nous aurions un dispositif qui risquerait de nuire à leur indemnisation en rallongeant le temps d'instruction des dossiers.

Je suis tout à fait d'accord pour intégrer les conséquences environnementales dans un texte tel que celui du Grenelle. Ce serait fondamental, et pas seulement en Polynésie. Mais, de grâce, n'alourdissez pas le texte que nous examinons aujourd'hui car, alors, les malades ne seraient pas indemnisés le plus rapidement possible !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

En voulant améliorer ce texte, vous le tuez, monsieur Gremetz !

(L'amendement n° 10 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Un peu plus d'une voix, monsieur Gremetz.

Je suis saisie de deux amendements, nos 22 et 11 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau, pour défendre l'amendement n° 22 .

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

C'est un amendement de consensus puisqu'il est apparu en commission que tout le monde était d'accord sur la nécessité de faire siéger deux personnalités qualifiées dans le domaine scientifique ou médical au sein de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires. Il y a deux possibilités pour mettre en oeuvre cette mesure : l'une, c'est de le prévoir dans le décret mentionné à l'alinéa 3, mais l'autre, c'est de l'inscrire dans la loi, eu égard au caractère prégnant de la dimension scientifique et médicale dans le processus d'indemnisation. Tel est l'objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour défendre l'amendement n° 11 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

À la fin de la dernière phrase de l'alinéa 1, nous proposons de substituer au mot « qualifiées », les mots : « scientifiques qualifiés dans ce domaine ». Il s'agit d'un amendement de précision. En effet, les victimes des essais nucléaires s'interrogent sur la qualification des personnalités en question. Les scientifiques doivent prendre toute leur place dans la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Les deux amendements concernent la composition de la commission de suivi. Ils précisent qu'y siègent des scientifiques qualifiés. Je n'ai aucune opposition à un tel ajout, d'autant que le ministre s'est engagé en commission à l'introduire dans le décret. Je considère toutefois qu'il est inutile d'augmenter encore le nombre de membres de la commission de suivi ; je préfère donc la rédaction de l'amendement défendu par M. Candelier. Au passage, je rappelle à certains collègues que la médecine est bien une science.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Je ne demanderai pas la parole car c'est ce que j'allais dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

La commission est donc favorable à l'amendement n° 11 . En conséquence, l'amendement n° 22 est satisfait. J'invite donc M. Gille à le retirer. À défaut, l'avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Le ministre a déjà voulu nous fâcher avec les représentants de l'administration et des ministères, avec les tribunaux administratifs… on ne voudrait pas, en plus, se mettre les médecins à dos. Nous reconnaissons donc que les médecins sont des scientifiques,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

…et nous nous rallions à l'amendement défendu par nos amis du GDR.

(L'amendement n° 22 est retiré.)

(L'amendement n° 11 est adopté.)

(L'article 7, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je suis saisie d'un amendement n° 41 .

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Cet amendement répond à une demande du rapporteur, à laquelle je m'étais engagé à donner suite : l'indemnité sera exonérée de l'impôt sur le revenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

L'amendement n'a pas été examiné en commission mais, à titre personnel, je ne peux que me féliciter d'une telle mesure. J'avais alerté M. le ministre sur ce point, et je me réjouis que la concertation avec les services fiscaux de Bercy ait permis cet amendement. Il aurait été aberrant que l'indemnité soit fiscalisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je suis tout à fait favorable à l'amendement du Gouvernement, mais je veux tout de même interroger le ministre sur d'autres aspects fiscaux et sociaux du traitement de ces sommes.

Ma première question est la suivante : ces indemnités seront-elles exonérées de CSG et de CRDS ?

Par ailleurs, l'indemnisation ne concerne pas seulement les victimes, mais aussi leurs ayants droit. Aussi, le Gouvernement a-t-il prévu une instruction précise pour que les droits de succession ne soient pas applicables ? Il faut éviter des contentieux dus à la réintégration de l'indemnité dans l'actif de la succession.

Il convient donc de préciser que ces sommes sont exonérées de CSG et de CRDS, ainsi que de droits de succession.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Il est embêtant d'avoir dans l'hémicycle un spécialiste des finances publiques. (Sourires.) S'agissant de la question sur les droits de succession, la réponse est évidente : c'est oui. Il n'y aura pas de réintégration des sommes versées et conservées dans le calcul de la succession. En outre, je rappelle que la plupart de nos compatriotes sont désormais exonérés de droits de succession,…

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

…sauf pour les patrimoines les élevés.

Quant à la première question, à mon avis, la réponse est également oui : l'indemnité doit être exonérée de CSG et de CRDS. Mais vous me permettrez, monsieur de Courson, de m'en assurer auprès de mon collègue du budget. En tout cas, considérez que c'est la position du ministre de la défense, et qu'il la défendra.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

et M. Yannick Favennec. Très bien !

(L'amendement n° 41 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi. J'indique à l'Assemblée que, conformément au texte de la commission, son titre est : « projet de loi relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ».

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je rappelle par ailleurs que la Conférence des Présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, auront lieu le mardi 30 juin, après les questions au Gouvernement.

Après l'article 7

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La conférence des présidents qui vient de se réunir propose de modifier comme suit l'ordre du jour du lundi 29 juin :

À quinze heures : projet de loi de règlement des comptes pour 2008.

À vingt et une heures trente : suite de la discussion de la proposition renforçant la lutte contre les violences de groupes.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. François Sauvadet et plusieurs de ses collègues visant à démocratiser le mode de fixation des rémunérations des mandataires sociaux dans les sociétés anonymes (nos 1671, 1737).

La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Excellente commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la succession de révélations de rémunérations excessives accordées à certains dirigeants mandataires sociaux de grandes sociétés cotées françaises, au cours des derniers mois, a ému à juste titre les Français qui subissent de plein fouet la plus grave récession de notre économie depuis la Grande dépression de 1929. Elle a aussi ému de nombreux chefs d'entreprises petites ou moyennes qui redoutent l'assimilation indue de leur situation à celles des dirigeants de grandes entreprises.

Ces abus ne sont pas nouveaux. La décennie passée a été émaillée de scandales retentissants concernant, le plus souvent, les avantages consentis au moment du départ des dirigeants de sociétés de renommée internationale dont le bilan n'était pas flatteur.

Est-il besoin de rappeler ces cas ? J'en citerai quelques-uns : les 20,5 millions d'euros de parachute doré consentis à M. Jean-Marie Messier à son éviction de Vivendi Universal, consécutive à l'éclatement de la bulle Internet ; le 1,2 million d'euros annuels de retraite chapeau attribué à M. Daniel Bernard lors de son départ forcé du groupe Carrefour ; les quelque 8,2 millions d'euros d'indemnités de départ et de non-concurrence alloués à M. Noël Forgeard, à un moment où le groupe EADS accusait un fort retard de développement de l'A 380 et licenciait 10 000 personnes ; les 5 et 6 millions d'euros d'indemnités consenties à M. Serge Tchuruk et Mme Patricia Russo, respectivement président du conseil d'administration et directrice générale d'Alcatel-Lucent, à l'issue d'une fusion aux effets non probants ; ou encore, plus près de nous, les 3,2 millions d'euros de retraite chapeau alloués à M. Thierry Morin, à l'occasion de son départ du groupe équipementier automobile Valeo.

À chaque fois, le législateur et les organisations professionnelles des entreprises, MEDEF et AFEP, ont institué de nouvelles règles destinées à prémunir l'économie française contre le renouvellement d'écarts de ce type.

Ainsi, dans le prolongement des rapports Viénot de 1995 et 1999 et Bouton de 2002, un ensemble de principes éthiques et de règles de contrôle interne a été préconisé par les organisations professionnelles des entreprises. Le code de bonne gouvernance de 2003, qui consolidait ces principes, a été complété à deux reprises sur le seul volet des rémunérations : en janvier 2007 tout d'abord, puis le 6 octobre 2008, à la demande insistante des pouvoirs publics.

Le Parlement a lui-même adopté pas moins de cinq lois entre 2001 et 2007, puis plusieurs dispositions spécifiques en lois de financement de la sécurité sociale ou en lois de finances, entre 2007 et 2009.

Il s'est agi, en l'espèce, de soumettre les exécutifs des sociétés à une exigence de transparence sur leurs rémunérations, de lier l'octroi de stock-options à la diffusion des actions gratuites ainsi que des primes de participation ou d'intéressement au sein des entreprises, de soumettre l'attribution de parachutes dorés à des critères de performance et, plus récemment, de mieux fiscaliser les éléments de rémunération variable ou exceptionnelle, tout en interdisant, le temps de la crise, les rémunérations variables des dirigeants mandataires sociaux d'entreprises aidées par l'État.

Ces initiatives n'ont pas permis de mettre un terme aux excès, même si elles ont eu le mérite de favoriser une transparence salutaire. Par voie de conséquence, ce ne sont pas les tentations de traiter le problème avec les recettes d'hier, pourtant prédominantes à l'heure actuelle, qui vont clore définitivement le chapitre des abus observés jusqu'à présent.

Le groupe Nouveau Centre considère pour sa part que la véritable solution passe par un changement de logique au sein du processus décisionnel propre aux sociétés anonymes. Tel est justement l'objet de la proposition de loi que j'ai déposée avec le président François Sauvadet, et dont nous débattons aujourd'hui.

Le principe en est très simple. Les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux sont actuellement déterminées par les conseils d'administration ou de surveillance, cénacles dont le fonctionnement est peu transparent et qui sont parfois insuffisamment indépendants – en particulier les comités de rémunération, en raison de leur composition –, comme le démontre mon rapport écrit. Nous souhaitons donc conférer cette responsabilité aux assemblées générales des actionnaires, c'est-à-dire aux propriétaires du capital des entreprises, garants à ce titre de l'intérêt social.

Concrètement, l'article unique du texte maintient aux conseils d'administration et de surveillance la possibilité de proposer l'ensemble des éléments de rémunération – fixes, variables, exceptionnels – ainsi que les avantages en nature consentis, tout en donnant aux assemblées générales d'actionnaires le pouvoir décisionnel en la matière.

S'agissant de la supervision ou du contrôle de la gestion courante, les prérogatives des conseils demeurent, de sorte que l'équilibre des pouvoirs au sein des sociétés commerciales ne serait pas fondamentalement bouleversé.

Afin de ne pas bloquer le processus de recrutement et la rétribution des nouveaux dirigeants dès leur prise de fonction, il est également prévu que les rémunérations proposées par les conseils soient versées à titre temporaire jusqu'à ce que les assemblées générales se soient définitivement prononcées à leur sujet.

Ainsi, la solution que nous proposons est bien plus opérationnelle et efficace que toute tentative de plafonnement des rémunérations ou d'interdiction de tel ou tel avantage – stock-options, actions gratuites entre autres.

En outre, elle s'inscrit dans un mouvement plus général amorcé dans d'autres pays développés. Je rappellerai pour mémoire que le vote décisionnel des assemblées générales est requis en matière de rémunération des dirigeants d'entreprises en Belgique, en Suède, au Danemark et aux Pays-Bas. Au Royaume-Uni, les assemblées générales des actionnaires sont consultées depuis 2002.

Que je sache, l'économie de tous ces pays européens ne s'en est pas pour autant trouvée pénalisée ! Or il nous semble important, au groupe Nouveau Centre, que la France prenne en considération le choix de ces autres pays de l'Union européenne, à un moment où l'on cherche légitimement – et c'est une volonté du Président de la République – à moraliser le capitalisme et à renforcer la démocratie économique.

En dépit des arguments solides que je lui ai exposés, la commission des lois n'a pas adopté cette proposition de loi. Parmi les raisons de rejet qui m'ont été opposées, celles portant sur la forme n'ont pas été les moindres. En effet, la commission des lois a créé une mission d'information sur le sujet, il y a quelques mois. Le résultat de sa réflexion devrait paraître sous la forme d'un rapport dans les semaines à venir.

La concomitance de notre ordre du jour avec l'aboutissement des réflexions de cette mission d'information a conduit les membres de la commission à préférer rejeter cette proposition de loi, plutôt que de saisir l'opportunité du débat d'aujourd'hui pour poser les premiers jalons d'une moralisation du capitalisme français. Personnellement, je le regrette au nom de mon groupe.

Je le regrette d'autant plus que nos échanges en commission ont esquissé ce vers quoi le travail de la mission d'information s'orienterait. En l'espèce, nos collègues envisageraient de généraliser le régime des conventions réglementées à l'ensemble des éléments de rémunération des dirigeants mandataires sociaux. Ce faisant, les assemblées générales seraient bien consultées, mais a posteriori et sans que leur vote ne lie les conseils d'administration ou de surveillance.

C'est la jurisprudence constante : le vote – même négatif – de l'assemblée générale sur une convention réglementée n'a pas de portée à l'égard des tiers.

Ce dispositif dépossède donc les assemblées générales de leur pouvoir ; or, dans un système libéral, les propriétaires sont les actionnaires. Il est à cet égard choquant que des membres du conseil d'administration aient une compétence qui échappe au contrôle des assemblées générales, et qui ne soit pas, in fine, transférée à celles-ci sur proposition du même conseil d'administration ou de surveillance.

Je prends notre assemblée à témoin : une telle suggestion ne suffira pas à résoudre les difficultés criantes, mises en exergue par la crise actuelle, en matière de gouvernement d'entreprise. Pour notre groupe, la solution réside dans l'adoption de la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui. J'invite donc tous les députés désireux de faire progresser la démocratie économique et de résoudre durablement un problème éthique fondamental pour notre économie, soit à voter le présent texte, complété des amendements que j'ai déposés, soit à voter la motion de renvoi en commission étant entendu que les dispositions proposées devraient alors être intégrées aux propositions de la mission d'information Houillon.

Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre vous propose cette nouvelle règle de gouvernance.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.

Debut de section - PermalienAnne-Marie Idrac, secrétaire d'état chargée du commerce extérieur

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi dont nous débattons soulève à l'évidence une question très pertinente, celle de la rémunération des dirigeants d'entreprise. Cette question est particulièrement sensible pour les Français, à commencer par ceux qui subissent de plein fouet, notamment en matière d'emploi, les conséquences de la crise économique mondiale.

Le Gouvernement y a apporté plusieurs réponses, comme vient de le rappeler M. de Courson. Des réponses liées au contexte de crise, d'abord. Il faut être clair : le Gouvernement attend des entreprises et de leurs dirigeants un comportement exemplaire ; c'est une question de justice et de cohésion sociale. Afin de fixer des règles du jeu claires, il a ainsi publié dès le 30 mars un décret pour encadrer les rémunérations dans les entreprises bénéficiant des aides de l'État, comme les banques ou les constructeurs automobiles. Votre assemblée a d'ailleurs voté les dispositions de la loi de finances rectificative relatives à ce sujet le 20 avril dernier ; le jour même – preuve de sa réactivité –, le Gouvernement a publié le décret d'application.

La rémunération des dirigeants d'entreprise qui bénéficient d'un soutien de l'État est donc aujourd'hui encadrée par un dispositif complet, car il concerne tous les types de rémunération dans les entreprises : interdiction d'attribuer des stock-options et des actions gratuites ; interdiction de verser des rémunérations variables quand celles-ci ne sont pas la contrepartie de performances réelles – le décret précise d'ailleurs qu'il ne peut pas s'agir de performances boursières – ; interdiction de verser des rémunérations variables ou des indemnités de départ quand l'entreprise procède à des licenciements de forte ampleur ; interdiction, enfin, de créer de nouveaux régimes de « retraites chapeaux », d'accueillir de nouveaux dirigeants dans les régimes existants ou d'améliorer les droits des dirigeants au titre des régimes existants.

Évidemment, la réglementation relative aux entreprises aidées par l'État est loin d'épuiser le sujet. Je le répète : en cette période de crise plus que jamais, les entreprises doivent agir avec mesure et discernement.

Debut de section - PermalienAnne-Marie Idrac, secrétaire d'état chargée du commerce extérieur

Ainsi, à la demande du Gouvernement, les organisations représentatives des entreprises ont annoncé, le 30 avril dernier, la mise en place d'un comité des sages, tiers indépendant qui jouera un rôle de conseil et d'appui afin que les entreprises agissent de façon responsable, en particulier dans les situations de recours massif au chômage partiel ou lors d'un plan social d'ampleur. Aucun écart ne doit être toléré : le Gouvernement restera vigilant sur ce point.

Debut de section - PermalienAnne-Marie Idrac, secrétaire d'état chargée du commerce extérieur

Au-delà du dispositif lié à la crise, les réponses du Gouvernement correspondent à son ambition de montrer la voie pour la refondation du capitalisme à laquelle le Président de la République nous a appelés.

Dès le mois d'août 2007, la loi TEPA a encadré les indemnités de départ pour interdire les rémunérations qui ne sont pas la contrepartie d'une performance réelle. Cette loi oblige le conseil d'administration à fixer des critères de performance, lesquels doivent être ratifiés par l'assemblée générale. C'est alors au conseil d'administration qu'il revient de vérifier le respect de ces critères. Tout versement est interdit s'ils ne sont pas respectés.

Le Gouvernement s'est également engagé pour faire respecter des règles éthiques. À la demande des pouvoirs publics, l'AFEP, l'Association française des entreprises privées, et le MEDEF ont adopté en octobre dernier un code de bonne conduite sur la rémunération des dirigeants. Celui-ci impose le plafonnement des indemnités de départ, l'interdiction du cumul entre contrat de travail et mandat social, et une transparence accrue sur les rémunérations. Le Gouvernement souhaite que ce code éthique devienne une référence. La loi du 3 juillet 2008, je le rappelle, exige d'ailleurs des entreprises cotées en bourse qu'elles se réfèrent à des codes éthiques pour fixer leur gouvernance. Si elles ne le font pas, elles doivent s'en expliquer dans leur rapport annuel qui, comme chacun le sait, est public. Le Gouvernement a également demandé à l'AMF, l'Autorité des marchés financiers, de suivre attentivement la mise en oeuvre du code AFEP-MEDEF. L'AMF a fait un premier bilan au début de 2009 et publiera un rapport complet sur la mise en oeuvre de ce code dès le mois de juillet.

Il fallait avancer sur le fond et nous l'avons fait ; mais il faudra poursuivre la réflexion. Nous aurons bien sûr à tirer les enseignements des dispositifs de crise que nous avons mis en place. Le Gouvernement sera particulièrement attentif aux réflexions de votre commission et aux recommandations du rapport d'information sur la rémunération des dirigeants confié au député Philippe Houillon. Pour en avoir parlé avec M. le président Warsmann, je sais que ce rapport retient aussi toute l'attention des députés qui y travaillent.

Debut de section - PermalienAnne-Marie Idrac, secrétaire d'état chargée du commerce extérieur

J'en viens à la proposition de loi du groupe Nouveau Centre. La question qu'elle pose, disais-je, est la bonne, mais le Gouvernement juge la réponse inadéquate. La fixation de la rémunération des dirigeants – présidents, directeurs généraux, directeurs généraux délégués et membres du directoire – relève aujourd'hui de la compétence du conseil d'administration ; l'objet principal de la proposition de loi est d'en faire la compétence de l'assemblée générale des actionnaires.

J'observe en premier lieu qu'une telle proposition est en partie redondante avec la législation actuelle. En effet, les actionnaires ont déjà à connaître de la rémunération des dirigeants, puisqu'ils votent l'approbation des comptes, lesquels sont présentés accompagnés d'un rapport de gestion qui comprend toute l'information relative à la rémunération des dirigeants. À travers les comptes, les actionnaires se prononcent ainsi sur la rémunération des dirigeants.

Au-delà de ce constat, la proposition de loi soulève un certain nombre de difficultés. La plus importante d'entre elles relève des fondements de notre droit des sociétés. C'est aujourd'hui le conseil d'administration ou de surveillance qui est responsable du respect de l'intérêt général, non seulement des actionnaires, mais surtout de l'entreprise. La fixation de la rémunération des dirigeants doit donc se faire dans l'intérêt de l'entreprise, intérêt plus vaste que celui des seuls actionnaires. Prônant la souveraineté de l'assemblée générale, vous proposez de déresponsabiliser les conseils. Dans certains cas, un tel schéma permettrait de valider des décisions qui ne correspondraient pas à l'intérêt général de l'entreprise, supprimant ainsi des possibilités de contestation pour certains actionnaires minoritaires.

L'équilibre actuel présente une cohérence certaine : le conseil d'administration fixe les rémunérations dans l'intérêt de l'entreprise ; l'assemblée générale, comme je l'ai rappelé, en assure le contrôle grâce à l'information dont elle dispose via les comptes ; elle dispose aussi du pouvoir de révoquer les dirigeants.

Outre ces problèmes de principe, la proposition de loi soulève des difficultés pratiques. Que faire, par exemple, monsieur le rapporteur, en cas de vote négatif de l'assemblée générale ? Faudrait-il alors réunir une assemblée générale exceptionnelle pour se prononcer sur une nouvelle proposition du conseil d'administration ? Une telle procédure serait exagérément lourde et perturberait le fonctionnement des sociétés, au détriment de leur activité économique et en particulier de la création d'emplois.

J'ajoute que votre texte ne traite pas la question du cumul entre contrat de travail et mandat social. Dès lors, le recours à un contrat de travail permettrait de contourner assez facilement le dispositif que vous proposez.

Enfin, les excès auxquels nous assistons demeurent concentrés dans un petit nombre d'entreprises généralement cotées en bourse, et même des plus grosses d'entre elles. Or votre proposition s'appliquerait à toutes les entreprises, sans distinction. Une procédure aussi lourde serait-elle adaptée aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire ? Ne serait-elle pas au contraire pénalisante pour elles, alors que le sens de la mesure – le bon sens, dirai-je même – est souvent plus présent dans ces entreprises que dans les autres ?

Vous arguez, monsieur le rapporteur, que certains pays ont adopté un régime proche de celui que vous proposez. Mais, lorsque c'est le cas, le vote de l'assemblée générale n'est que consultatif, ce qui évite les difficultés pratiques que j'évoquais.

En conclusion, si votre proposition de loi soulève de vraies questions, sur lesquelles nous devons continuer à travailler, elle nous semble comporter plus d'inconvénients que d'avantages. Pour ces différentes raisons, le Gouvernement n'est donc pas favorable à son adoption. Il est en revanche très attentif aux réflexions menées dans le cadre du rapport d'information de votre commission, réflexions que le présent texte, j'en suis convaincue, aura d'ailleurs enrichies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Straumann.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Straumann

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le Parlement, nous en sommes tous d'accord, ne peut rester à l'écart des réflexions menées pour remédier à la grave crise financière mondiale que nous vivons.

Il nous faut à cet égard constater que la rémunération de certains dirigeants de société est parfois excessive, voire indécente, alors que la situation appelle plutôt à la raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Straumann

Plusieurs exemples récents nous le démontrent malheureusement. Et même s'il ne faut pas généraliser certains cas particuliers, il semble nécessaire d'agir de façon pragmatique pour mettre fin à de tels abus et appeler à une certaine moralisation.

Je tiens donc à saluer l'initiative de nos collègues François Sauvadet et Charles de Courson, qui se sont saisis de la question et nous proposent aujourd'hui ce texte. Soulignons également que c'est la révision constitutionnelle et l'ordre du jour partagé qui leur permettent, ainsi qu'à tous les groupes non majoritaires, de présenter de telles propositions de loi. Le débat parlementaire s'en trouve enrichi.

Cependant, si l'intention du texte est louable, confier la fixation de la rémunération des mandataires sociaux à l'assemblée générale des actionnaires nous semble inopportun. Une telle disposition risquerait en effet de déresponsabiliser le conseil d'administration ou de surveillance de la société anonyme, compte tenu de la souveraineté de la décision de l'assemblée générale. Les actionnaires ne pourraient plus contester certaines décisions relatives à la rémunération de leurs mandataires sociaux, car ces décisions auraient été votées en assemblée générale. Cette solution n'est donc pas la meilleure pour lutter contre les abus dans la rémunération des dirigeants.

D'autre part, et c'est là l'essentiel, cette proposition de loi intervient alors qu'une mission d'information sur les nouvelles régulations de l'économie, créée par notre commission des lois et composée de plusieurs collègues de gauche et de droite, doit rendre ses conclusions prochainement. Et cette mission, menée par notre collègue Philippe Houillon, formulera des propositions plus larges, qui ne concerneront pas seulement la fixation de la rémunération des mandataires sociaux, mais aussi, notamment, les modes de rémunération.

Tout en affirmant la nécessité d'agir en la matière et d'empêcher les abus, je propose donc d'attendre les conclusions de cette mission d'information – qui pourraient éventuellement reprendre l'objectif du texte qui nous est soumis aujourd'hui –, et de réfléchir ensuite, à partir de ces conclusions, à un dispositif global empêchant les abus dans la rémunération des dirigeants d'entreprise.

Nous retenons donc votre idée, monsieur le rapporteur, comme la base d'une réflexion prochaine, mais, en l'état actuel, je vous appelle, mes chers collègues, à ne pas voter cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, après la proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité, défendue par nos collègues socialistes le 30 mars dernier, après le texte proposé par mon groupe le 28 mai dernier et tendant à promouvoir une autre répartition des richesses, c'est au tour de nos collègues du groupe Nouveau Centre de formuler une proposition de loi visant le mode de fixation des rémunérations des mandataires sociaux.

La question de la rémunération des dirigeants des entreprises cotées est devenue éminemment politique. Le constat s'impose en effet d'un décrochage radical entre la rémunération des salariés des grandes entreprises, dont le salaire net moyen a progressé de 1 % par an ces huit dernières années, et celle des équipes dirigeantes de ces mêmes entreprises qui a bondi de 70 %, voire de 150 %, sur la même période. Une part croissante de la richesse créée est confisquée au bénéfice d'une poignée d'individus. La croissance exponentielle de la rémunération des dirigeants des grandes entreprises, pour ne rien dire de celle de certains traders, qui gagnent parfois plusieurs dizaines de millions d'euros par an, est l'une des conséquences du dogme de la création de valeur pour l'actionnaire érigé en principe d'intérêt général et en unique boussole politique depuis 2002.

Les chiffres sont là. Ils sont accablants. Le centième des Français les plus riches détient à lui seul la moitié du patrimoine financier total. En dix ans, les 500 plus grosses fortunes françaises se sont enrichies de 150 milliards d'euros. Leur fortune représente désormais 14 % du produit intérieur brut de notre pays, contre 6 % il y a dix ans.

Si je rappelle ces chiffres, c'est pour souligner combien la mesure proposée par nos collègues du groupe Nouveau Centre paraît insuffisante. En effet, elle ne s'attaque pas à la question du partage de la richesse créée, qui est au coeur du sujet qui nous occupe, non plus qu'à l'épineuse question de la démocratisation du fonctionnement des entreprises.

Avant d'en venir aux motifs qui nous conduiront à contester ce texte, je tiens à remercier M. de Courson pour la qualité de son rapport et la richesse des éléments d'appréciation qu'il nous propose. Ce rapport met tout d'abord en exergue les limites des moyens législatifs mobilisés depuis huit ans, afin d'encadrer plus précisément – affirme-t-on – les modalités de rémunération des dirigeants mandataires sociaux. Nous en tirons notamment le constat que, par-delà les difficultés que soulève la diversité des composantes de cette rémunération, les mesures visant à accroître la transparence de l'information des actionnaires n'ont guère permis, en pratique, de mettre fin aux abus.

Notre collègue souligne à raison que, si la transparence et l'exhaustivité de l'information ne suffisent pas, il n'y a rien non plus à attendre de quelconques mécanismes d'autorégulation. La piste – qu'ont proposée certains de nos collègues UMP – de nouvelles conventions réglementées n'a pas plus de chance d'aboutir à un mode de rémunération équitable que le prétendu « code de bonne conduite » présenté par les organisations patronales, auquel seule Mme Lagarde semble encore vouloir accorder quelque crédit.

En vérité, les discours sur les mécanismes d'autorégulation ne servent probablement qu'à entretenir le statu quo et M. de Courson a raison, là encore, de souligner que les instances de décision, notamment les comités de rémunération, sont composées de personnes étroitement liées par une communauté d'intérêts. Il s'agit d'un milieu qui fonctionne en vase clos, totalement déconnecté des réalités extérieures, y compris des réalités de l'entreprise comme communauté de travail. Nous ne pouvons donc espérer voir ses membres se livrer à un quelconque exercice d'autocensure. L'annexe du rapport sur la composition des comités de rémunération est à cet égard édifiante.

Nous partageons donc la conviction qu'il est devenu indispensable de légiférer de façon à garantir des modes de rétribution plus justes, acceptables par tous, y compris par les salariés.

Faut-il pour cela se contenter de confier le pouvoir de décision en matière de rémunération aux assemblées générales d'actionnaires, comme le propose notre collègue ? Cette proposition nous paraît insuffisante et insatisfaisante. Elle laisse notamment entendre que la démocratie dans l'entreprise se résume au pouvoir accordé aux seuls actionnaires, c'est-à-dire aux propriétaires de l'entreprise. Cette conception de la démocratie est pour le moins curieuse. Pour employer une analogie, le Nouveau Centre se propose ici de transposer à l'entreprise les principes de la démocratie athénienne, avec, d'un côté, des « citoyens », les actionnaires, seuls habilités à gérer les affaires de la cité, et, de l'autre, des « esclaves », les salariés, qui ne comptent pour rien, ou pour si peu, ainsi que nous le constatons chaque jour. Ce sont ces mêmes salariés que le Gouvernement s'attache à priver de l'essentiel de leurs droits et à qui l'on continue obstinément de refuser tout droit de regard sur la gestion de leur entreprise, qu'ils connaissent pourtant bien. Ils sont, en somme, condamnés à demeurer de simples variables d'ajustement dans la gestion comptable des entreprises. Avouez qu'une telle définition de la démocratie sociale apparaît pour le moins anachronique, sinon scandaleuse.

Certes, les actionnaires assument des risques que les mandataires sociaux, contrairement à un argument répandu pour tenter de justifier leurs émoluments mirobolants, n'assument pas, n'étant pas eux-mêmes détenteurs du patrimoine. C'est sans doute ce qui motive à titre principal la proposition de nos collègues. Est-ce cependant une raison pour promouvoir une démocratie de propriétaires, en écartant délibérément les salariés et leurs représentants de tout dispositif de régulation et de contrôle ?

Par ailleurs, nous voyons mal en quoi le pouvoir confié à l'assemblée générale des actionnaires permettrait en pratique d'éviter les excès constatés depuis une dizaine d'années. Les cas du Danemark, des Pays-Bas, de l'Espagne ou de la Suède, qui ont adopté des mesures similaires à celles proposées par nos collègues, ne sont guère probants. De fait, le rapport ne cite que deux cas isolés où la consultation des assemblées générales d'actionnaires a eu de réelles répercussions sur la rémunération des dirigeants.

Pour notre part, il nous semble aujourd'hui indispensable de privilégier une tout autre voie, celle du plafonnement de la rémunération des mandataires sociaux. Le 28 mai dernier, nous avions proposé de plafonner ces rémunérations à vingt fois le salaire minimal pratiqué dans l'entreprise considérée. Si l'on considère que cette rémunération minimale est proche du SMIC, le plafond s'élèverait à environ 20 000 euros par mois ou 240 000 euros par an.

On observera d'abord que ce montant est voisin de celui de la rémunération des dirigeants de PME, lesquels perçoivent des rémunérations souvent bien moindres encore. Il est encore proche du montant fixé par M. Barack Obama pour les entreprises aidées par l'État fédéral américain. Il ne s'agit donc nullement d'un chiffre arbitraire.

Mais il convient surtout d'observer que l'Allemagne et les États-Unis ont adopté une attitude plus courageuse que le Gouvernement français, estimant que la question du plafonnement de la rémunération des grands patrons devait être posée et traitée sérieusement.

En France, le rapport entre la rémunération d'un dirigeant de grande société cotée et le salaire le plus bas de son entreprise dépasse aujourd'hui 300 pour 1. Il n'en était pas de même il y a seulement vingt ans et rien ne saurait justifier aujourd'hui semblable écart, pas même les performances de tel ou tel dirigeant, notamment quand lesdits résultats sont obtenus sur le dos des salariés et se paient par la multiplication des plans sociaux pour satisfaire les appétits des actionnaires.

La fixation d'un écart maximal de vingt fois le salaire minimal pratiqué dans l'entreprise permettrait en outre de s'assurer, dans l'hypothèse où celui-ci serait atteint, que les dirigeants ne puissent voir leur rémunération augmenter sans que les bas salaires croissent dans la même proportion.

Sans doute jugerez-vous cette proposition trop dirigiste – vous nous l'avez déjà dit. Quant à nous, nous la jugeons conforme à l'intérêt général et à celui de nos entreprises, conforme à notre pacte républicain, aujourd'hui menacé, tout comme la cohésion sociale, par les excès du libéralisme sauvage, dont la rémunération des dirigeants n'est qu'une illustration parmi d'autres.

C'est parce que nous ne croyons pas à l'autorégulation, c'est parce que nous ne croyons pas davantage à la prétendue sagesse des assemblées générales des actionnaires – qui ne se vérifie jamais dans les faits et ne résiste notamment pas à l'examen des causes de la crise financière actuelle – que nous ne pouvons que nous opposer à la proposition formulée par nos collègues, dont la prétention à démocratiser la gouvernance des entreprises nous paraît par ailleurs plus qu'incertaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Jean-Michel Clément.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, pourquoi, au terme de cette brève discussion générale, défendre une motion de renvoi en commission ? C'est que, si présenter aujourd'hui une proposition de loi visant à démocratiser le mode de fixation des rémunérations des mandataires sociaux peut apparaître comme une bonne idée sur le fond, cette proposition est inappropriée sur la forme.

Cette idée, nous l'avions nous-même suggérée en mars dernier dans notre proposition de loi n° 1451 dite « Hauts revenus et solidarité », tant les rémunérations des grands patrons français ont progressé ces dernières années. Elles comptent en effet parmi les plus élevées d'Europe et contrastent avec celles de la grande majorité des salariés. Les dirigeants de ces entreprises tirent ainsi parti de la mondialisation, prétextant un alignement sur les rémunérations des grands patrons américains, alors que la même mondialisation justifie tous les sacrifices qu'on demande aux salariés.

Mais la forme de cette proposition de loi est inappropriée, car, après les scandales qui ont émaillé la dernière décennie et, plus récemment, cette période de crise financière, la commission des lois a décidé de créer une mission d'information sur le sujet, mission qui est sur le point de rendre ses conclusions. Son président, notre collègue Philippe Houillon, a considéré que l'on faisait ainsi un pied de nez à la commission. Je crains plutôt que la proposition de loi ne constitue qu'un effet d'annonce, tant elle est à la fois partielle – ne traitant que d'un seul aspect du sujet, la détermination de la rémunération des seuls mandataires sociaux des sociétés anonymes – et partiale, passant sous silence toutes règles de sanction et toutes mesures fiscales d'accompagnement.

Mais revenons à l'idée de fond qui devrait présider à la rédaction d'une telle proposition de loi. En réaction à la crise et à plusieurs polémiques impliquant des patrons allemands, la grande coalition du Bundestag a adopté il y a quelques jours une loi qui introduit toute une série de restrictions dont nous serions bien avisés de nous inspirer : responsabilité personnelle de dirigeants dont la justice reconnaît la gestion fautive ; franchise obligatoire de leur police d'assurance égale à un an et demi de leur rémunération ; exercice des stock-options après un délai de quatre ans passés dans l'entreprise ; composantes de la rémunération liées à la performance et versées seulement à la fin du contrat de travail ; obligation, pour le conseil de surveillance, de diminuer les salaires des membres du directoire lorsque la situation de l'entreprise se dégrade sérieusement. Nos amis allemands ont écouté et entendu le commissaire européen au marché intérieur, M. McCreevy, qui déclarait que « les systèmes actuels de rémunération des dirigeants ont trop souvent mené à des actions de gestion à court terme et parfois à une rémunération de l'échec ».

Il est effectivement temps d'en finir, mais pas comme cela nous est proposé aujourd'hui. Il nous faudrait plutôt suivre ce qu'a recommandé le Forum de stabilité financière : « utiliser la voie législative et parlementaire plutôt que l'engagement volontaire des entreprises », mais par une loi-cadre, qui aborderait sans tabou, comme l'ont fait nos amis allemands, tous les aspects de la question. Il n'est pas normal, en effet, que l'on assiste à une telle explosion des inégalités et, tout particulièrement, des rémunérations des dirigeants : plus de 40 % d'augmentation du pouvoir d'achat depuis 2002, alors que, pour 90 % des salariés, il est resté constant ; rémunération annuelle multipliée par quatre ou cinq et pouvant dépasser 4 millions d'euros, soit 300 fois le SMIC. Il n'y a aucune justification économique – ni le risque ni la performance – à un tel niveau de rémunération. Les stock-options, les bonus ne sont exercés que s'ils sont favorables, et les retraites chapeaux sont indépendantes de tout critère de performance. Dans ce système, on gagne à tous les coups !

Il n'est pas possible de proposer un texte sur ce sujet sans évoquer la question de la justice fiscale, et celle du bouclier fiscal se reposera forcément. Au moment où la crise économique exige l'effort de tous, il est profondément choquant que seuls les plus nantis de nos concitoyens soient exonérés de tout effort de solidarité.

Sur le fond, cette proposition de loi s'inscrit pleinement dans la suite du débat que nous avons eu à propos de notre proposition de loi du 30 avril dernier, relative aux « hauts revenus et à la solidarité ». Toutefois, elle ne prolonge pas assez le débat que nous avons eu sur ces mêmes sujets lors de la séance réservée à nos collègues du groupe GDR, le 28 mai dernier, au cours de laquelle fut discutée leur proposition de loi visant à « promouvoir une autre répartition des richesses ». On ne peut que regretter qu'elle concerne le seul « mode de détermination de la rémunération des dirigeants ». Désigner les décideurs en la matière par la loi ne suffit pas.

Si le renvoi à l'assemblée générale des actionnaires constitue un progrès, il convient d'indiquer clairement les règles et les modalités de la rémunération des dirigeants, qu'elle soit fixe ou variable, y compris les stock-options ou les actions gratuites.

On peut tout autant déplorer que la question des parachutes dorés ne soit pas directement abordée dans le texte proposé. C'était pourtant le sens de notre proposition de loi présentée le 30 avril dernier et rejetée par la majorité.

Sur la forme, la présente proposition de loi est constituée d'un article unique. Cet article supprime dans le code du commerce, à partir du 1er janvier 2010, les mentions selon lesquelles le conseil d'administration d'une société anonyme détermine la rémunération de son président, du directeur général et des directeurs généraux délégués, et l'acte de nomination du directoire et du conseil de surveillance d'une société anonyme fixe le mode et le montant de rémunération de chacun des membres du directoire.

En lieu et place de ces dispositions, le présent texte confie la détermination de la rémunération de tous ces mandataires sociaux – du président aux membres du directoire – à l'assemblée générale ordinaire des actionnaires, mais sur proposition du conseil d'administration ou du conseil de surveillance.

Toutes ces mesures sont nettement insuffisantes, eu égard à l'ampleur des inégalités salariales au sein de ces sociétés anonymes. Elles relèvent davantage d'une stratégie de communication et d'agitation de la majorité parlementaire en la matière. Elles sont dénuées de toute portée réelle et ne règlent nullement le problème de l'indécence des écarts salariaux au sein de ces grandes sociétés.

Elles sont également insuffisantes, tant elles passent sous silence l'ensemble des composantes de la rémunération des dirigeants, qu'il s'agisse des éléments fixes – salaire, avantages en nature, jetons de présence au conseil d'administration – mais aussi des éléments variables, liés ou non à des objectifs de performance, tels que les stock-options ou les attributions gratuites d'actions, ou encore des éléments exceptionnels – bonus, primes, assurances, retraite chapeau, prime d'arrivée – golden hello – et indemnité de départ – golden parachute. Peut-être disposerons-nous d'ici la prochaine proposition de loi de nouveaux termes et de nouvelles idées qui ne manqueront pas de surgir à l'esprit de ceux qui trouvent toujours comment améliorer la rémunération de ces dirigeants.

De même, cette proposition de loi est muette sur les contre-pouvoirs qu'il conviendrait d'instaurer et sur la transparence qu'il faut afficher. Rien n'y est dit par exemple d'un éventuel rapport ad hoc annuel sur les rémunérations. Ce rapport détaillerait pourtant la politique de rémunération de l'entreprise, les objectifs qu'elle poursuit, les modes de rémunération qu'elle utilise ou encore les critères sur lesquels ils reposent et leur mode de calcul. Il mettrait en relation les rémunérations et les performances individuelles des dirigeants, et indiquerait le coût total pour l'entreprise du départ d'un dirigeant s'il devait intervenir dans l'année à venir. Ce rapport serait élaboré par un comité des rémunérations, composé d'administrateurs indépendants, et ne pourrait délibérer qu'en l'absence des dirigeants, avant d'être validé lors de l'assemblée générale des actionnaires après avis des représentants du personnel.

Je constate également l'absence, dans cette proposition de loi, de toute allusion aux leviers de la réglementation et de la fiscalisation pour fixer des limites précises à chaque type de rémunération et à la rémunération globale des dirigeants. Les rémunérations dépassant un certain plafond pourraient rester soumises à l'impôt sur les sociétés et subir un taux d'imposition sur le revenu exceptionnel, par exemple. La rémunération variable pourrait être limitée à 100 % de la rémunération fixe. Pour ne pas transformer en « primes à l'échec » les retraites chapeaux et les clauses de non-concurrence, celles-ci pourraient être réservées aux dirigeants précédemment salariés de la société et être non cumulatives – la prime liée à la clause de non-concurrence étant présumée compenser une perte d'employabilité.

D'autre part, nous aurions pu poser la question de la déductibilité des salaires pouvant être comptabilisés comme charges d'exploitation, en les plafonnant. La notion de rémunération excessive figure dans notre code général des impôts. C'est une disposition dont la portée se limite en fait à ceux des entrepreneurs qui seront principalement visés par le texte qui nous est proposé – les chefs d'entreprise de PME ou TPE. Nous sommes très loin de la cible recherchée !

Ne mettons pas à l'index ceux qui n'ont pas à l'être. Prenons le temps d'aborder tous les problèmes que pose la question de la rémunération des dirigeants. Nos amis néerlandais l'ont fait ; nos voisins allemands viennent de le faire, en faisant porter la responsabilité au conseil dans son ensemble, si jamais les rémunérations au sein du directoire se révèlent inappropriées.

Nous n'en sommes pas là. Aussi, vous l'aurez compris, la réflexion entamée doit-elle se poursuivre. Notre mission d'information, dont je suis les travaux, est sur le point de s'achever. Bien des sujets y ont été évoqués. Ils constituent un tout cohérent, que la seule proposition de loi que nous examinons ne permet pas d'effleurer. C'est pourquoi, au nom de mon groupe, je vous demande de voter cette motion de renvoi en commission, afin de parachever le travail entamé.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Pour ne pas trop prolonger la séance, je répondrai à la fois au propos de Mme la ministre, à la motion de M. Clément et à l'intervention de M. Straumann.

Les arguments que vous avez développés, madame la ministre, sont classiques. Vous évoquez la déresponsabilisation des conseils d'administration et de surveillance : non ! Ce sont eux qui continuent à proposer ; il n'y a donc aucune déresponsabilisation. Vous suggérez que cela pourrait nuire à l'intérêt des actionnaires minoritaires : non ! Si les minoritaires, en cas de vote favorable, estiment qu'il y a un abus au sens du droit existant, ils peuvent toujours déposer un recours.

Deuxième argument : quelle est la portée d'un rejet ? C'est très simple : soit une nouvelle assemblée générale est organisée, soit, suite au rejet, un amendement est déposé en séance. Les actionnaires insatisfaits de la proposition peuvent arguer que le montant proposé – mettons 2,5 millions – est excessif et demander de le réduire – à 2 millions, par exemple, quitte à suivre l'évolution des choses. Certes, les amendements aux projets de résolution sont rares, parce que l'on ne s'est pas habitué à une véritable démocratie économique dans les assemblées générales. Néanmoins, la possibilité d'amendement existe, si peu utilisée soit-elle.

Votre troisième argument est celui du problème du cumul entre contrat de travail et mandat social. Il existe, en effet. Cela étant, notre proposition n'a pas pour objet d'embrasser – j'y reviendrai en répondant à la motion de renvoi en commission – l'ensemble des problèmes. Elle ne vise qu'à régler le seul problème systémique. Tant que nous conserverons un système où les éléments de rémunération sont, en fait, fixés à travers les comités de rémunération – je vous incite à cet égard à lire mon rapport : vous verrez dans l'annexe la composition, très intéressante, de ces comités dans les entreprises du CAC40 –, alors nous continuerons de constater ce que les sociologues appellent l'endogamie. Au fond, la plupart de ces membres ne sont pas du tout actionnaires principaux, et ils se fixent à eux-mêmes et entre eux les différents éléments de rémunération.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Comment expliquer que la France, dont la rémunération des mandataires sociaux était, il y a dix ans, dans le tiers le plus bas des grandes démocraties, soit passée quatrième – dit-on, mais en fait deuxième ex aequo – en compagnie de pays plus grands qu'elle ? Les États-Unis sont le seul pays à avoir décroché, depuis longtemps, mais il faut bien voir que nombre d'entreprises américaines ont des dimensions bien supérieures aux nôtres et l'écart est aussi à apprécier en tenant compte de la taille des entreprises.

Dans cette mesure, je m'oppose à cet argument du cumul entre mandat social et contrat de travail – voire contrat de travail suspendu, car si certains cumulent, d'autres, en apparence, ne cumulent pas mais ont un contrat suspendu. Quoi qu'il en soit, tel n'était pas l'objet de notre proposition de loi.

Enfin, vous indiquez que, dans les pays que j'ai cités, le vote est consultatif : non, madame la ministre ! Dans les cinq pays que j'ai cités, le vote est délibératif. J'aurais pu en citer d'autres – j'en ai d'ailleurs cité un – où le vote est consultatif, mais il est délibératif dans ceux que j'ai mentionnés.

J'en viens à ma réponse à M. Clément. Il y a toujours eu deux conceptions de la régulation des systèmes. Certains, comme vous, croient que la loi peut tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

J'insiste : qu'elle peut tout. Si je prolonge votre raisonnement – et je serais d'ailleurs intéressé de lire votre proposition de loi à ce sujet –, c'est à la loi de définir l'écart maximum entre le salaire minimum et le salaire du président directeur général. Comment adapterez-vous une telle loi à la réalité incroyablement diverse des entreprises, qui diffèrent par la taille autant que par l'organisation ? J'ajoute que nous délibérons sur des entreprises dont le siège social se trouve en France. Comment ferez-vous lorsque le président directeur général de telle ou telle entreprise siège aussi au directoire de telle autre entreprise sise au Royaume-Uni, voire en-dehors de l'Union européenne ? Vous n'y parviendrez pas.

L'autre conception est celle que développe le Nouveau centre, conformément à sa philosophie politique : c'est la démocratie économique. Pour nous, aucune méthode ne parviendra à encadrer les choses ; ce qu'il faut, c'est responsabiliser les personnes. Prenez l'exemple des parachutes dorés : pensez-vous donc que des parachutes de huit ou dix millions d'euros seraient votés en assemblée générale publique et que les conseils d'administration oseraient y proposer de tels montants dans des entreprises qui déclinent, dont les profits chutent et où la valeur des actions a perdu jusqu'à 40 % ? Ne pensez-vous pas que les actionnaires estimeront que le conseil d'administration est complètement « à côté de ses pompes » ? On nous propose à nous, dont les actions ont perdu un tiers de leur valeur, diront-ils, de donner sur notre patrimoine un parachute doré à M. X ou à Mme Y ? Croyez-moi : nul n'oserait même faire une telle proposition !

Pourquoi ces abus existent-ils ? C'est parce que le système de gouvernance est défaillant.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Les contrats sont signés avant, monsieur de Courson !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

C'est parce que tout cela s'effectue dans l'obscurité. Si les assemblées générales étaient habilitées à en décider, il se produirait un effet de régulation en amont.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il ne s'agit pourtant que de l'application de contrats ! Songez à Valeo : il était trop tard !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

La situation est la même ici, cher collègue : lorsqu'il est temps d'expliquer à l'Assemblée nationale que la rémunération des ministres doit être fixée à tel ou tel niveau, croyez-moi : les demandes en sont bien modérées ! Ainsi, songez que c'est la première fois qu'un Président de la République fait fixer sa rémunération par notre Assemblée. Cela lui a pourtant coûté cher au plan politique. Sur le fond, toutefois, il a raison : au moins, il ne s'est pas comporté comme beaucoup des monarques républicains précédents qui « s'autofixaient » leur propre rémunération.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Dans les entreprises, l'effet de régulation est le même lorsqu'il s'agit d'une assemblée publique ou presque puisque, dans les grands groupes, y sont présents non seulement les actionnaires mais, souvent, les journalistes économiques. Voilà ce qui nous différencie ! Vous ne réussirez pas avec vos méthodes. Il faut réguler, encourager la démocratie économique et les groupements d'actionnaires en association – comme ils commencent à le faire – car ce sont eux qui se battent et qui, souvent, font le plus progresser la société. Voilà comment nous parviendrons à de bons équilibres. La loi ne peut fixer l'ensemble des ces éléments : c'est impossible.

Je rappelle à M. Straumann que notre proposition concerne l'ensemble des éléments de rémunération, qu'il s'agisse des stock-options, des retraites chapeaux, des golden hellos – primes de bienvenue – ou des golden parachutes – parachutes dorés – ou encore des parties fixes et des parties variables. Nous visons l'ensemble des rémunérations, y compris les avantages en matière de logement ou les autres avantages en nature comme les voitures. Nous proposons une véritable transparence ; nous voulons la clarté et la régulation par le biais de la démocratie économique des actionnaires. Il faut mettre fin à la situation dans laquelle c'est une toute petite minorité – je signale dans mon rapport que les comités de rémunération sont composés de deux à cinq ou six membres du conseil d'administration – qui décide. On nous oppose le fait que l'assemblée générale est informée de ces décisions ; peut-être, mais qu'elle en soit contente ou non ne change rien, puisque tout est déjà fixé ! Tel est l'état du droit français. J'ajoute que notre droit, en l'état, est assez incohérent : pourquoi y a-t-il des conventions rémunérées sur une partie des rémunérations telles que les stock-options ou les parachutes dorés, suite aux textes successifs que nous avons votés, alors que la rémunération, elle, continue de relever du conseil d'administration ou du conseil de surveillance ? Il serait plus cohérent de raisonner sur un ensemble d'éléments, et non sur telle ou telle partie.

La commission ne s'est pas prononcée sur cette motion de renvoi ; elle a simplement repoussé la proposition de loi. Je ne peux donc pas vous donner son avis sur cette motion ; je ne peux que vous donner mon sentiment personnel, qui est de la rejeter – à moins que le président ne souhaite ajouter quelque chose…

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je tiens avant tout à dire un grand merci au groupe Nouveau centre, à son président et à M. de Courson, qui a rapporté cette proposition de loi. Elle porte sur un sujet très important : il ne s'agit même pas de la question de la légalité des rémunérations de certains dirigeants, mais de leur illégitimité.

La crise a fait naître ces derniers mois, chez nos concitoyens, le sentiment que le niveau des rémunérations de certains dirigeants d'entreprise, rémunérations qu'ils se sont auto-attribuées entre membres d'un même groupe, était totalement illégitime.

Autant nos compatriotes, dans leur immense majorité, admettent que celui qui entreprend, qui travaille, qui risque et qui a du talent, gagne de l'argent, autant ils ne comprennent pas certaines situations où les rémunérations défient tout sens commun – dépassant tout ce que peut espérer gagner un salarié français travaillant normalement – et sont accordées même dans les cas où les responsabilités ne sont pas assumées avec succès. C'est un véritable problème.

J'ai eu l'occasion d'intervenir, comme je l'ai dit à Mme la secrétaire d'État, il y a quelques semaines, lors d'une réunion sur le sujet, et j'ai prononcé la phrase suivante, que je répète, parce qu'elle correspond à ce que je pense vraiment : je suis persuadé que nombre de nos concitoyens ont envie de vomir lorsqu'ils entendent le montant des rémunérations de certains dirigeants de grandes sociétés.

Aussi, je remercie le groupe Nouveau Centre de sa proposition. Elle est légitime et elle traite d'un vrai sujet, mettant en danger notre pacte social.

La commission des lois s'est emparée de ce sujet. Elle a créé il y a quelques mois une mission sur les nouvelles régulations de l'économie, que j'ai l'honneur de présider et qui a défini trois chantiers. Le premier, pour lequel le rapporteur est Philippe Houillon, porte sur les abus de rémunération des dirigeants. Le deuxième, pour lequel le rapporteur est Sébastien Huyghe, traite des problèmes de réglementation bancaire, en grande partie à l'origine de ce qui s'est passé aux États-Unis. Le troisième porte sur les paradis fiscaux.

Le premier chantier est en voie d'achèvement et notre collègue rapporteur va rendre son travail dans les prochains jours. C'est pourquoi j'appellerai à voter la motion de renvoi en commission de Jean-Michel Clément. Je ne suis pas là pour dire ce que va décider la mission – ce ne serait pas loyal – mais seulement pour vous fournir certains éléments.

D'abord, nous avons été très déçus par le code de régulation interne MEDEF-AFEP. Nous avons reçu Mme Parisot, qui a déclaré n'avoir ni les moyens ni la volonté de faire respecter le code de régulation.

Par ailleurs, donnant acte à M. de Courson de son travail approfondi, je relève qu'il a fourni en annexe de son rapport la composition des comités des rémunérations des sociétés du CAC 40. Cette composition donne une impression de « petits arrangements entre amis », en tout cas d'endogamie. Les comités des rémunérations ne semblent donc pas non plus être un bon outil de régulation.

S'agissant des administrateurs indépendants, l'un de nos grands chefs d'entreprise, pour lequel j'ai beaucoup de respect car c'est un entrepreneur qui fait honneur à notre pays, nous a dit : « Lorsque j'ai un administrateur indépendant dans mon groupe, si je n'en ai pas fait un ami et un allié en quelques semaines, c'est que je m'y suis vraiment mal pris ! » Par conséquent, le recours à l'administrateur indépendant supposé avoir un regard extérieur ne me semble pas non plus être la bonne solution.

Nous devrons donc faire des propositions. La mission va y travailler, et nous n'écartons pas l'aspect fiscal des choses. Aujourd'hui, les rémunérations versées aux mandataires sociaux n'entrent pas dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Nous nous posons la question de savoir si, au-delà d'un certain niveau, ces montants ne devraient pas être fiscalisés. Nous serions alors dans la logique du rapporteur, qui vise à responsabiliser les actionnaires afin qu'ils ne laissent pas faire ces petits arrangements entre amis et que disparaissent les rémunérations sans aucun rapport avec la réalité économique.

Je ne vous appelle pas à voter la motion de renvoi en commission pour enterrer le sujet. Au contraire, nous allons nous saisir de cette question avec beaucoup d'énergie dans les jours à venir. Je rends à nouveau hommage au groupe Nouveau Centre, parce que c'est vraiment une question qui, si nous ne la résolvons pas collectivement, posera de gros problèmes dans notre société. Nos concitoyens salariés ne comprendraient pas qu'au niveau national, on ne trouve pas de régulations pour ce type de problème. Cela étant, et je le dis sans vouloir être discourtois, je pense que cette proposition a un caractère partiel. Je souhaite qu'elle soit renvoyée en commission pour nous donner le temps d'approfondir la réflexion. J'espère que nous saurons nous rassembler, avec l'ensemble du groupe Nouveau Centre, dans les jours à venir lorsque la mission commencera à arrêter ses propositions.

Voilà pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à voter la motion de renvoi en commission de Jean-Michel Clément.

Debut de section - PermalienAnne-Marie Idrac, secrétaire d'état chargée du commerce extérieur

Le Gouvernement soutient cette motion de renvoi en commission, qui nous permettra, sur une vraie question, comme l'a dit à juste titre le président Warsmann, d'avoir le maximum d'éléments.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Dans les explications de vote, la parole est à M. François Sauvadet.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Monsieur le président de la commission, j'ai noté avec intérêt vos propos sur le bien-fondé de la proposition de loi que nous avons déposée, avec Charles de Courson et les autres membres du groupe Nouveau Centre.

Vous avez employé des mots très forts pour qualifier ce qui a été perçu, particulièrement en cette période de crise, comme une situation anormale : je pense notamment aux conditions dans lesquelles sont fixées les rémunérations et les retraites chapeaux. Et que dire des conditions dans lesquelles certains dirigeants, connaissant la situation de leur entreprise et son avenir, ont levé leurs stock-options, soupçonnés – à juste titre – de prise illégale d'intérêts ? Tout cela mérite d'être moralisé.

Dans notre esprit, il ne s'agit pas – Charles de Courson l'a expliqué – de fustiger les rémunérations des grands patrons.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Nous avons besoin de grands dirigeants, qui doivent être bien rémunérés. Nous voulons jouer gagnant-gagnant avec les chefs d'entreprise et avec les salariés. Mais, a fortiori en cette période de crise, un dirigeant qui a conduit une entreprise dans une situation particulièrement difficile ne doit plus pouvoir partir avec une retraite chapeau de plusieurs millions d'euros, au moment où l'on parle d'équité, d'effort partagé, de responsabilité, de dialogue social ! Une telle situation doit être moralisée – j'ose dire le mot, monsieur Warsmann.

L'idée que nous avons lancée avec Charles de Courson est juste. De même que le dialogue social, qu'il faut organiser, maintenir et encourager, est le meilleur garant de l'équilibre social, la transparence doit caractériser le dialogue avec l'actionnariat et les salariés, qui doivent être informés des conditions de rémunération de leurs propres dirigeants. Faute de quoi, on aboutit à des situations de forte tension. Toutes ces questions doivent être mises sur la table et tranchées rapidement.

J'ai entendu l'intervention du chef de l'État qui évoquait ces sujets : personne ne comprendrait que nous restions, en cette période de crise, dans une situation que je qualifie d'amorale par rapport à ces rémunérations excessives. C'est l'intérêt des salariés, mais aussi du patronat, de donner un signal fort : il faut éviter les arrangements entre amis qui aboutissent à ces excès. Tel est l'esprit de la proposition de loi.

Je prends acte de votre volonté de poursuivre le travail. Je demande simplement au président de la commission des lois, ainsi qu'au président de la commission des finances et à son rapporteur général, que tous les groupes politiques soient étroitement impliqués afin de parvenir à la plus grande convergence sur un sujet qui ne doit pas opposer les groupes parlementaires les uns aux autres. Il doit s'agir d'un engagement formel de l'Assemblée nationale visant à mettre un terme à des pratiques inacceptables, lesquelles, en outre, ne sont pas courantes dans l'espace européen. Nous instaurerons une situation plus saine pour le fonctionnement d'une démocratie moderne et de notre économie, a fortiori en cette période de crise.

Monsieur le président Warsmann, j'ai pris acte de vos propos. Je souhaite que le travail que nous avons engagé ici constitue un signal fort, de sorte que tous ceux qui auront à connaître de notre proposition comprennent que l'Assemblée nationale s'engage à poursuivre cette tâche et à apporter très rapidement des réponses, y compris législatives, à ce problème. Il en va de la crédibilité de notre institution.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Le rapport de Charles de Courson, les interventions de nos collègues, mais aussi celles qui ont eu lieu ces derniers mois et ces dernières années, tout cela aboutit à un constat incontestable : cet état de fait est immoral. Nous sommes tous d'accord sur ce point.

Mais ce qui est immoral aussi, voire cynique, c'est de ne rien faire, de procéder par incantation. M. Warsmann a rappelé le propos de Mme Parisot reconnaissant qu'elle ne pouvait ni ne voulait faire respecter le code MEDEF-AFEP. Cette attitude symbolise la volonté trop répandue de tout faire pour que tout change, mais que rien ne bouge ! On ne fait que prononcer des mots, et plus le scandale est grand, plus les mots sont tonitruants. Ce n'est pas cela qui fera cesser les scandales – pour ne parler que de ceux qui sont portés à la connaissance du public, car il y en a d'autres, dont certains sont révélés dans le rapport de Charles de Courson.

Lorsqu'on lit la liste des administrateurs de sociétés par exemple, on constate une cooptation incroyable. Le grand public devrait avoir une connaissance précise de ces faits et j'appelle celles et ceux qui s'intéressent à cette question à lire ce rapport et le tableau qui figure en annexe. La situation est invraisemblable : le système fait qu'un PDG d'entreprise est membre de quatre autres conseils d'administration. Entre eux, ils décident du montant des rémunérations, des tickets qu'ils touchent, des jetons de présence et autres avantages.

Il faut aller au-delà des mots. Telle a été la volonté exprimée au mois de mars par nos collègues du groupe SRC. C'est aussi le sens de ce que nous avons proposé le 28 mai dernier, et de ce que propose aujourd'hui le Nouveau Centre.

Je voterai la motion de renvoi en commission pour des raisons différentes de celles qu'évoquent mes collègues. Nous devons dire la vérité. Certes, un rapport va être rendu, mais je crains qu'il ne fasse pas avancer les choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur Warsmann, avec la ténacité que nous vous connaissons, j'espère que vous allez en tirer la substantifique moelle afin que nous puissions prendre des décisions révolutionnaires en matière de rémunération de nos dirigeants. Dans le même temps, je le répète, j'ai peur qu'il n'en soit rien mais, comme je vis d'espoir, je voterai cette motion de renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Si la motion de renvoi en commission est adoptée, on renverra, en fait, à la discussion du rapport Houillon. Or, Philippe Houillon nous a donné en commission quelques indications sur ce qu'il va proposer, à savoir l'application du système des conventions réglementées. Je rappelle que si telles devaient être les conclusions définitives de la mission d'information et la position de la commission – cette dernière n'étant pas obligée d'adopter la même position que la mission sur tous les points –, je pense que nous nous reverrons dans un an, deux ans ou trois ans, car cela ne changera rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je l'ai déjà expliqué, dans le système de droit français, le vote sur les conventions réglementées n'a aucune portée à l'égard des tiers. C'est un sabre de bois !

Le sujet est difficile et délicat. Nous pouvons adopter une attitude cohérente avec le libéralisme organisé qui devrait inspirer l'action de la majorité présidentielle, autrement dit instaurer un système de régulation du type de celui que nous proposons, qui vise à renvoyer à l'assemblée générale, parce que la publicité, la transparence, le débat public régulent mieux. Nous pouvons aussi penser que c'est en intervenant que nous réglerons le problème. Pour ma part, je n'y crois pas.

Quoi qu'il en soit, si la motion de renvoi est adoptée, nous reprendrons ce débat en commission, à partir des conclusions du rapport Houillon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Dans un souci de transparence, la mission va auditionner Mme Christine Lagarde mardi prochain. Ensuite, elle commencera à débattre de ses projets de conclusions. La semaine suivante, elle adoptera son rapport et la commission en autorisera la publication.

Nous avons engagé un travail de fond dont on ne peut rien présumer aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Nous essaierons d'avoir l'accord, si possible, de tous les membres de la mission pour les conclusions. Cela étant, je le répète, l'objectif n'est pas d'enterrer le sujet, qui est vital pour notre société.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, est adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La motion de renvoi en commission étant adoptée, il appartiendra à la conférence des présidents de fixer les conditions de la suite de la discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Prochaine séance, lundi 29 juin à quinze heures :

Projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma