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Séance en hémicycle du 28 septembre 2009 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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Sommaire

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu, le 28 septembre 2009, de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales une communication l'informant que, le 27 septembre 2009, M. Jean-Frédéric Poisson a été élu député de la dixième circonscription des Yvelines.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement, de quatre projets de loi autorisant l'approbation de conventions et accords internationaux.

Ces textes n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je vais mettre directement aux voix l'article unique de chacun d'entre eux, en application de l'article 106 du règlement.

Je mets d'abord aux voix l'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne visant à compléter l'accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (nos 1856 rectifié, 1928).

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée (nos 1854 rectifié, 1925).

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord entre l'Irlande, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume d'Espagne, la République italienne, la République portugaise, la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord établissant un centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants (nos 1852 rectifié, 1926).

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi autorisant la ratification de la convention relative aux droits des personnes handicapées (nos 1777, 1929).

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, mes chers collègues, je souhaite, après en avoir parlé avec le président de notre assemblée, faire quelques observations sur l'article 40 de la Constitution et son application aux textes soumis à notre examen.

Notre assemblée débat aujourd'hui successivement de deux propositions de loi : l'une, adoptée par le Sénat en première lecture, tend à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence ; l'autre, présentée par notre collègue Arnaud Robinet, tend à permettre le recours au vote à distance par voie électronique lors des élections des membres des conseils des établissements publics à caractère culturel, scientifique et professionnel.

Je rappelle que, depuis l'entrée en vigueur de notre nouveau règlement et de son article 89, l'appréciation de la recevabilité financière des propositions de loi est effectuée au dépôt par une délégation du bureau de l'Assemblée. L'article 40 peut également être opposé à tout moment ultérieur aux propositions de loi et aux amendements par le Gouvernement et par tout député.

C'est en application de cette dernière disposition que j'ai été saisi de la recevabilité de ces deux propositions de loi. Compte tenu de l'émoi, voire de la polémique, suscité par les décisions que j'ai rendues, il m'a semblé indispensable de rappeler les règles élémentaires d'application de l'article 40, telles qu'énoncées par la Constitution et aménagées par notre règlement.

S'agissant de la proposition de loi relative au financement paritaire des écoles élémentaires publiques et privées, j'ai été saisi de la recevabilité de son article 1er. Je me suis déclaré incompétent pour en apprécier la conformité à l'article 40. En effet, conformément aux alinéas 1 et 4 de l'article 89 de notre règlement, il m'appartient d'apprécier les seules propositions de loi présentées par les députés – ce qui paraît, du reste, tout à fait logique. Le Sénat a souverainement adopté ce texte et il n'appartient pas au président de la commission des finances de l'Assemblée nationale d'en contester la recevabilité.

Cette décision n'est pas nouvelle et s'inscrit dans la continuité d'une interprétation constante des textes. C'est en effet l'interprétation qui avait prévalu dès 1959, lorsque Michel Habib-Deloncle, rapporteur de la commission spéciale chargée de préparer le règlement de l'Assemblée nationale, indiquait dans son rapport : « C'est à l'intérieur de chaque assemblée que s'effectue le contrôle des initiatives de ses membres. Il en résulte que l'Assemblée n'a pas à discuter la recevabilité au sens de l'article 40 des propositions transmises par le Sénat. La réciproque est également vraie. » Ce fut constamment le cas par la suite.

En effet, dans son rapport sur la recevabilité financière dans la procédure législative, l'un de mes prédécesseurs, Robert-André Vivien, évoquait, en 1980, le problème de l'opposabilité de l'article 40 aux textes transmis par l'autre assemblée après son examen en première lecture et il répondait en ces termes : « Un texte adopté par une assemblée ne peut plus être exactement considéré comme répondant à la définition retenue par l'article 40, au moins pour les instances de l'autre assemblée, lorsqu'il parvient, éventuellement modifié par des amendements gouvernementaux et avec l'autorité de la chose jugée, sur le bureau de la deuxième chambre. Surtout, il serait difficilement compatible avec le respect de l'autonomie des procédures de recevabilité reconnue à chaque assemblée que la deuxième chambre puisse s'arroger le rôle d'organe d'appel des décisions rendues par la première dans le champ de ses propres compétences constitutionnelles. »

On ne saurait mieux dire que le règlement de l'Assemblée nationale s'applique aux seules initiatives des députés. Cette interprétation est constante et a d'ailleurs prévalu en 1980 au Sénat, au sujet d'une proposition de loi relative à l'intéressement des travailleurs au capital, adoptée en première lecture par l'Assemblée et dont la recevabilité était contestée par un sénateur.

Il est donc tout à fait légitime que la première proposition de loi soit examinée en séance publique.

S'agissant de la proposition de loi relative au vote électronique pour les élections des membres des conseils des établissements publics à caractère culturel, scientifique et professionnel, j'ai été saisi, à l'issue de l'adoption du texte par la commission des affaires culturelles, à double titre, par Mme Marie-Hélène Amiable et par la présidente de la commission elle-même.

J'ai déclaré contraires à l'article 40 deux dispositions de cette proposition de loi. En effet, l'article 1er autorise le recours au vote électronique pour l'élection des membres du conseil de ces établissements, ce qui suppose l'achat de matériels et de logiciels informatiques qui constituent une charge pour ces établissements, au même titre que l'article 3, qui étend ces dispositions aux collectivités d'outre-mer.

La mise en place d'une procédure de vote électronique passe par un contrat avec un prestataire dédié, qui doit fournir au minimum la solution informatique – les logiciels, un accès sécurisé au site internet dédié – ainsi que l'infrastructure pour développer et exploiter la solution et la gestion des données : calcul des identifiants et des mots de passe chiffrés, transmission des listes d'émargement. Ces solutions doivent comporter un système complet de cryptage, de séparation des données, le chiffrement du bulletin de vote depuis le poste électeur, le partage et la conservation sous scellés des clés nécessaires au dépouillement conformément aux recommandations de la CNIL : toutes choses qui nécessitent la mobilisation de moyens financiers importants sur une période qui peut être effectivement longue.

La mise en place d'une solution de vote électronique dans l'ensemble des universités françaises ne manquerait donc pas de constituer une charge publique. Quand bien même elle passerait par la diminution d'autres dépenses au sein des établissements, elle restait irrecevable puisqu'aux termes de l'article 40 de la Constitution, la création d'une charge publique ne peut faire l'objet d'aucune compensation.

J'ai souhaité, monsieur le président, faire cette mise au point, car une polémique a pu naître, la semaine dernière, au prétexte que le président de la commission des finances aurait la volonté la volonté d'empêcher un débat dans notre assemblée. C'est lui prêter un pouvoir qu'il n'a pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

En effet, si je peux déclarer des dispositions irrecevables, je ne puis empêcher une proposition de loi de venir en discussion,…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

…une telle décision relevant du bureau de l'Assemblée et de la conférence des présidents. Je souhaite donc que la polémique s'éteigne d'elle-même. Par ailleurs, puisque c'est la première fois qu'un tel cas se présente, j'espère que, grâce à ce rappel, les choses seront bien comprises par la suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Merci, monsieur le président de la commission des finances, pour ces précisions concernant l'application de l'article 40 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi adoptée par le Sénat tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence. (nos 1319, 1705).

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi soumise à l'examen de votre assemblée a été déposée par le sénateur Jean-Claude Carle et adoptée en première lecture par le Sénat le 10 décembre 2008. Je veux vous dire d'emblée que le Gouvernement se félicite de cette proposition de loi et la soutient totalement. S'il la soutient, c'est d'abord parce que le texte adopté par le Sénat est le fruit d'un consensus, éloigné des débats idéologiques et des pétitions de principe. Il vise, en effet, avant tout à apporter des solutions concrètes, respectueuses de l'équité entre école publique et école privée. Il permettra de répondre au besoin de sécurité juridique de l'ensemble des acteurs de terrain, qu'il s'agisse des maires – j'en prends à témoin M. Pélissard, président de l'Association des maires de France – ou des établissements scolaires privés ayant passé un contrat d'association avec l'État.

Quel est l'objectif de la proposition de loi ?

Je rappelle que l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait été introduit pour corriger une disparité de traitement entre le public et le privé. Cette disparité concernait le financement, par la commune de résidence, des élèves scolarisés à l'extérieur de son territoire. Cependant, cet objectif a été détourné, et s'est heurté à une série de difficultés d'applications.

L'article 89 a en effet donné lieu à nombre de difficultés dans sa mise en oeuvre, liées aux interprétations juridiques qui ont pu en être données. Ce n'est qu'en 2006 qu'un compromis a pu être trouvé entre le secrétaire général de l'enseignement catholique, l'AMF, et le ministère de l'intérieur. Ce compromis éclaire l'interprétation de la loi et s'inscrit tout naturellement dans la logique du respect du principe de parité entre public et privé tel que la loi Debré l'a posé dès 1959 et qui n'a, depuis, jamais été remis en cause. C'est ce compromis qui a été repris dans la circulaire de septembre 2007 actuellement déférée au Conseil d'État.

Pour apaiser définitivement ce dossier, le texte issu du Sénat se propose d'ancrer les principes de ce compromis, et de la circulaire qui s'est ensuivie, dans la loi. On ne peut que s'en féliciter, car il n'est pas souhaitable que des difficultés d'application rencontrées par les maires soient tranchées par le juge, alors même que des solutions ont été négociées entre tous les partenaires concernés. Il était important que ce soit cet accord de 2006 qui ait inspiré le texte aujourd'hui soumis à votre examen, car ce texte s'appuie sur les réalités auxquelles sont confrontés les acteurs de terrain.

Quelles solutions propose-t-il ? Pour remédier aux difficultés d'application de la parité de financement des classes de l'enseignement privé, la proposition de loi réaffirme simplement que la commune de résidence ne sera obligée de financer la scolarisation d'un élève dans le privé à l'extérieur de son territoire que dans les cas où la loi prévoit que la dépense serait également obligatoire pour les élèves scolarisés dans une école publique.

En d'autres termes, la commune de résidence participera obligatoirement à cette dépense si elle ne dispose pas de la capacité d'accueil dans les écoles publiques sur son territoire, ou lorsque l'élève est scolarisé à l'extérieur de la commune pour des motifs contraignants liés aux obligations professionnelles des parents, à l'inscription d'un frère ou d'une soeur dans un établissement scolaire de la même commune ou à des raisons médicales.

En ce qui concerne l'évaluation de la capacité d'accueil, pour tenir compte de la réalité des communes rurales, un amendement déposé par le sénateur Charasse et adopté par le Sénat prévoit que lorsqu'une commune est adhérente à un regroupement pédagogique intercommunal, c'est le territoire de ce regroupement qui est pris en compte pour apprécier la capacité d'accueil.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Méfiez-vous des amendements Charasse, on a déjà donné !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

C'est une disposition sage, monsieur Glavany !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Tout ce qu'a fait M. Charasse n'a pas été marqué par la sagesse…

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Vos propos n'engagent que vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Ce que je dis, tout le monde en est bien conscient.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

C'est une disposition sage, disais-je, qu'un décret en Conseil précisera, le regroupement pédagogique intercommunal devant nécessairement être adossé à un établissement public de coopération intercommunale pour que cette notion de territoire prenne véritablement sens.

Cette proposition de loi répond donc aux préoccupations des maires soucieux de préserver le réseau des écoles publiques, notamment en milieu rural. Par ailleurs, elle apporte une réelle sécurisation pour les communes, qui, dorénavant, connaîtront clairement les cas dans lesquels elles devront payer pour les enfants scolarisés dans une école privée sise en dehors de leur territoire.

En établissant les mêmes règles d'obligation que pour le public, les auteurs de la proposition ont voulu exprimer clairement que le texte obéissait strictement au respect du principe de parité posé par la loi Debré. Quant aux établissements privés, le texte leur apporte également une garantie, dans la mesure où le champ d'application sera désormais clairement délimité et ne souffrira pas de contestation.

Enfin, le texte est porteur d'une méthode qui facilitera l'application de la loi sur le terrain, puisque le préfet pourra être saisi en cas de différend entre une commune et une école privée. Il disposera de trois mois pour faire connaître sa position avant tout recours contentieux. Il pourra s'entourer d'avis et mettre ce délai à profit pour rapprocher les points de vue. Tout est donc fait pour éviter les recours contentieux tant par la précision des termes de la loi que par la mise en place d'une procédure de règlement à l'amiable sous l'autorité du préfet, qui jouera un rôle d'arbitre.

Le texte qui vous est proposé est donc, à mon sens, un texte d'apaisement et d'équilibre. C'est pourquoi je suis convaincu que cette proposition de loi permettra de régler définitivement les questions soulevées par l'article 89. Je suis certain que, dans un esprit républicain, vous serez nombreux aujourd'hui à l'Assemblée nationale, comme hier au Sénat, à lui apporter votre voix. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Frédéric Reiss, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues : « Garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence », voilà un titre très long pour une proposition de loi très courte, mais dont les conséquences sont loin d'être anodines...

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

…pour les communes concernées et les 5 401 écoles privées.

Cette proposition de loi a un objectif simple : mettre fin à un feuilleton juridique et politique qui n'a que trop duré depuis l'adoption de l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales – ce qu'on appelle l'amendement Charasse.

Force est de constater que la radicalisation des positions et l'insécurité juridique qui en ont découlé nécessitent aujourd'hui de remettre l'ouvrage sur le métier. Faisons un bref retour dans l'histoire. La loi Debré, dont le 31 décembre prochain marquera le cinquantième anniversaire, avait permis de clarifier les rapports entre l'État et l'enseignement libre. Elle avait mis un terme à ce qu'on appelait la guerre scolaire, dont l'un des principaux enjeux était le financement des écoles publiques et privées.

Un équilibre fondé sur la contractualisation entre l'État et les établissements privés et sur l'égalité de traitement entre les établissements fut trouvé. Il y eut bien la loi Guermeur de 1977, les plans Savary de 1982 et 1984, la loi Chevènement de 1985 – jamais appliquée – ou la tentative de modification de la loi Falloux en 1994. Mais l'équilibre tenait.

Pour autant, ce principe de parité posé par la loi de 1959 ne s'appliquait pas, ou mal, faute d'un dispositif permettant de surmonter un éventuel désaccord entre les communes. La loi du 13 août 2004 apporta de l'eau au moulin de l'enseignement privé en étendant aux écoles privées sous contrat la procédure prévue pour les écoles publiques et en rendant obligatoire la participation des communes de résidence aux frais de fonctionnement des écoles privées sous contrat.

Un complément fut apporté par l'article 89 de la loi du 23 avril 2005 – loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, dont j'ai été le rapporteur – mais le plafonnement du coût de la scolarisation se révéla insuffisant. Des difficultés, voire des divergences d'interprétation continuèrent à nourrir l'insécurité juridique du dispositif. Certains considéraient que la commune de résidence devait financer l'établissement privé en toutes circonstances, d'autres estimaient que l'accord préalable du maire devait être recueilli avant tout financement.

La circulaire du 27 août 2007, après celle du 2 décembre 2005 annulée par le Conseil d'État, a explicité les modalités de combinaison des dispositifs de l'article 89 et du principe de parité défini à l'article L 442-5 du code de l'éducation. Cette circulaire indique la direction à prendre. La commune de résidence sera obligée de financer un élève scolarisé dans une école privée sous contrat en dehors de son territoire dans les seuls cas où la loi prévoit que la dépense serait également obligatoire, pour ce même élève, scolarisé dans une école publique située en dehors de la commune de résidence.

C'est ce que prévoit l'article 1er de cette proposition de loi présentée par le sénateur Carle, en rappelant les quatre cas où la contribution revêt un caractère obligatoire. Le premier cas s'impose de lui-même : c'est l'absence de capacités d'accueil dans la commune de résidence. Les trois autres cas trouvent leur origine dans des contraintes liées aux obligations professionnelles des parents ; à l'inscription d'un frère ou d'une soeur dans un établissement scolaire de la même commune d'accueil ; à des raisons médicales. Le débat nous permettra de préciser ces notions.

L'article 1er précise également le calcul de la contribution obligatoire, notamment en l'absence d'école publique sur le territoire de la commune. Ce coût tient compte des ressources de la commune, du nombre d'élèves scolarisés dans l'établissement d'accueil, ainsi que du coût moyen par élève dans les écoles publiques du territoire. L'article 2, quant à lui, prévoit une intervention du préfet dans un délai de trois mois en cas de désaccord entre les parties, gage d'application effective de la loi. Enfin, l'article 3 abroge l'article 89 de la loi du 13 août 2004. C'est d'ailleurs ce que souhaitait notre collègue Jean Glavany dans sa proposition de loi de novembre 2007, en proposant l'abrogation pure et simple de cet article 89. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Si vous l'aviez votée, ç'aurait été parfait !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

C'est évidemment ce que souhaitait aussi le CNAL. Je pense que l'Assemblée nationale a eu raison de ne pas aller jusque-là, car le texte adopté par le Sénat en décembre 2008 me paraît une meilleure réponse pour normaliser les relations entre le public et le privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Une meilleure réponse pour qui ? Pour les écoles confessionnelles !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Après son examen en commission des affaires culturelles, familiales et sociales, j'ai aujourd'hui l'honneur d'être le rapporteur de ce texte au nom de la toute nouvelle commission des affaires culturelles et de l'éducation, dont je salue Mme la présidente.

Lors des auditions que j'ai menées pour préparer ce débat, j'ai été confronté à des avis souvent divergents, mais tant les parents de l'Association des parents d'élèves de l'enseignement libre que le Secrétariat général de l'enseignement catholique, le CNAL, l'Association des maires de France et les services du ministère de l'éducation nationale, me firent part de leur souhait de trouver un compromis dans les meilleurs délais.

L'encombrement du calendrier législatif n'a pas été favorable à une issue que d'aucuns auraient souhaitée en juin ou lors de la session extraordinaire de juillet, pour une application dès cette rentrée. Mais la proposition vient enfin en discussion. La commission des affaires culturelles n'a pas modifié le texte du Sénat et vous propose donc de l'adopter tel quel.

Si notre assemblée devait l'adopter, ce que je souhaite, il faudra, monsieur le ministre, que vous précisiez par décret les conditions d'application de l'article 1er. En effet, référence est faite au regroupement pédagogique intercommunal, ce qui, pour moi, n'a de sens que s'il est adossé à un EPCI qui a la compétence scolaire. Celui-ci se substitue alors de plein droit à la commune de résidence de l'élève scolarisé dans une école privée sous contrat située en dehors du périmètre de l'EPCI.

Aujourd'hui, sur le terrain, la situation n'est satisfaisante pour personne. Les maires ignorent la portée exacte de leurs obligations légales. Les établissements privés sous contrat sont dans l'impossibilité de prévoir les financements dont ils bénéficieront. La circulaire publiée conjointement par le ministre de l'intérieur et de l'éducation nationale en août 2007, qui a inspiré cette proposition de loi, est sous le coup d'un recours devant le Conseil d'État. C'est pourquoi le temps de légiférer est venu. C'est d'ailleurs ce à quoi nous invite le rapport de la Cour des comptes consacré aux relations entre les communes et l'école de la République. Dans le chapitre consacré aux dépenses au bénéfice de l'école privée, la Cour des comptes relève les disparités et imprécisions de la réglementation et recommande d'apporter toutes les clarifications nécessaires par la voie législative.

Lors de nos débats, n'oublions pas le principe de liberté de l'enseignement qui, pour l'enseignement primaire, date de la loi Guizot de 1833 et qui, en vertu de la Constitution, est un principe fondamental des lois de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Cette proposition de loi calque le régime de prise en charge par la commune de résidence des frais de fonctionnement d'un élève accueilli dans une école privée d'une autre commune sur celui applicable pour un élève accueilli dans une école publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Nous aurons deux régimes parallèles mais autonomes, l'un propre au public, l'autre propre au privé. La commission vous propose donc d'adopter cette proposition de loi dans la rédaction du Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c'est avec un grand sens de la responsabilité que les députés socialistes, radicaux et citoyens abordent ce texte relatif au financement des écoles élémentaires privées accueillant des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence. Avec un grand sens de la responsabilité, mais aussi avec pragmatisme.

Beaucoup d'entre nous gèrent une commune ou une collectivité. Tous connaissent à la fois le prix et le coût de l'enseignement. Tous en connaissent aussi l'importance décisive, pour le présent et pour le futur. Être pragmatique signifie pour eux éprouver chaque jour l'impérieuse nécessité de la mixité scolaire, si nous ne voulons pas voir notre équilibre social nous exploser à la figure dans un délai très court. Tous enfin sont guidés par un grand sens de la responsabilité mais aussi par la conscience de ce qui est à la base de leur engagement : le service de la République.

Tous, sur ces bancs, nous savons que l'école est, avec la santé et la justice, l'un des trois piliers de notre système politique, l'un des piliers de notre « vivre ensemble » et la clef de notre avenir. Pour notre part, nous voulons que, sans avoir à employer de mots, tous les Français, et d'abord les plus jeunes, le sachent aussi.

Deux pages, trois articles et un titre presque aussi long que le texte lui-même : c'est toujours un signe… Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, mais surtout rapidement. Ce titre de neuf lignes ne dit rien d'autre que l'ambiguïté de ce texte, qu'une fois de plus vous présentez non comme un projet mais comme une proposition de loi, ce qui n'est pas insignifiant.

Juste mise en adéquation des textes aux faits ou texte fondamentalement, radicalement politique, cachant derrière chaque point-virgule une possible et dangereuse évolution de notre système scolaire ? Vous le savez : quand on s'interroge, c'est bien souvent qu'on a déjà répondu. Et sur tous ces bancs – nous l'avons constaté en commission – la réponse est finalement semblable, même si elle ne conduit pas toujours à la même attitude.

Deux pages et trois articles, mais derrière eux un siècle et demi d'histoire, qu'il ne s'agit ni de ranimer ni de raviver, mais seulement de comprendre au regard des enjeux d'aujourd'hui, qui sont, permettez-moi de vous le dire, radicalement différents de ceux qui, en 1959, ont présidé à la rédaction de la loi Debré : cinquante ans ont passé.

L'histoire ne me retiendra pas longtemps car, dans cet hémicycle, nous la connaissons, même si ce n'est plus le cas de tous nos concitoyens. De cette histoire, je ne retiendrai donc que quelques repères pour que ceux qui nous entendent ou qui nous liront au-delà de la demi-circonférence de notre assemblée puissent en situer les avancées ou les reculs.

La loi Debré de 1959 définit, d'une part, des établissements publics et, d'autre part, des établissements privés conventionnés, financés par l'État et liés par contrat avec lui sous réserve d'obligations. La loi Guermeur fixe en 1977 une contribution forfaitaire versée par les communes par élève et par an. Puis, en 1985, une disposition prise au Sénat pose le principe de la participation de la commune de résidence aux frais de scolarité dans une école publique d'une autre commune, sans arbitrage préfectoral en cas de désaccord du maire. Jusqu'en 2004, donc, la possibilité de financement concernant les enfants non résidents se fait par convention.

L'article 89 de la loi du 13 août 2004, né d'un malentendu, l'intention de son auteur étant tout autre que son application, est relatif à la prise en charge par les communes des frais de fonctionnement des classes élémentaires hors du territoire de résidence des enfants. Cet article – beaucoup s'en souviennent – a été adopté comme « réputé conforme » sans avoir été examiné par les députés. Il institue une obligation de financement du privé à hauteur du public ; il prévoit une intervention du préfet à défaut d'accord entre les communes ; aucune référence n'est faite à des conditions limitatives alors qu'elles existent pour le public.

Vous le savez, le décret d'application n'est jamais sorti, mais une simple circulaire – deux en réalité, en 2005 et 2007 – ne levant en aucun cas les ambiguïtés. Le Conseil d'État n'a d'ailleurs toujours pas statué sur la dernière de ces circulaires.

Vous n'ignorez pas non plus que, le 28 février 2008, le tribunal administratif de Dijon a annulé une délibération du conseil municipal de Semur-en-Brionnais qui avait refusé de participer aux frais de scolarisation de trois enfants résidant dans la commune mais inscrits dans une école élémentaire privée sous contrat située sur le territoire d'une autre commune.

La commune invoquait, d'une part, l'absence d'accord préalable de son maire et, d'autre part, l'existence dans sa commune d'une garderie et d'une cantine. Le tribunal administratif lui a donné tort, considérant que la notion de capacité d'accueil suffisante ne pouvait être retenue dans la mesure où les établissements privés ne sont pas soumis à la carte scolaire et sont choisis principalement en fonction de leur caractère propre. Il existe donc bien une divergence d'interprétation, qui suscite plus que de simples inquiétudes et a des conséquences lourdes et tangibles.

Le sort d'un article fondé sur un malentendu et ne répondant pas aux intentions de son auteur, à l'origine de circulaires ambiguës sur lesquelles le Conseil d'État n'a toujours pas tranché et ouvrant la voie à des contentieux, même si ceux-ci sont dans la pratique peu nombreux, n'est il pas purement et simplement d'être abrogé ?

Nous l'avons proposé à deux reprises, dont la dernière en novembre 2007 par la voix de Jean Glavany, dont je salue le travail. Vous avez, comme chaque fois, refusé de débattre sur cette proposition de loi et opposé une fin de non-recevoir. Vous ne faites mine aujourd'hui d'entendre notre demande qu'en l'incluant dans une proposition de loi qui, au contraire, en confirme le principe ; est-ce loyal ?

Mais revenons au texte et à son titre. Dans le titre même de cette proposition de loi, on parle de parité entre écoles privées et écoles publiques. Où avez vous vu que cette parité soit une obligation constitutionnelle ? Quel sens donnez-vous à ce mot : égalité de droits ? de devoirs ? de chiffres ? Il n'y a de parité qu'à égalité d'obligations et de charges.

Je prendrai un exemple à Bordeaux, où le manque d'équipements sportifs se fait cruellement sentir. L'enseignement privé, qui bénéficie de l'usage des équipements sportifs publics a-t-il l'obligation, en cas de carence du public, de mettre à disposition des enfants ses salles de sport et ses équipements ? Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Cette dissymétrie dément ce que vous affirmez ! Mais retenons ce mot de parité. La loi satisfait-elle à ce principe ? Trouvons-nous point par point cet équilibre des formes que vous réclamez ?

C'est précisément au nom de cette parité que nous réclamerons que l'avis du maire soit requis avant que le financement soit acté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Quelle justification, monsieur le député, pouvez-vous avancer pour ne pas exiger cet avis pour une école privée, quand il s'impose pour une école publique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Je connais la réponse : rien ne peut entraver la liberté de l'enseignement. Mais pourquoi dans un cas et pas dans l'autre ? C'est une simple affaire de logique.

Et surtout, comment pouvez-vous ainsi acter la rupture de l'école avec la République ? Comme l'hôpital, l'école publique, laïque et républicaine accueille tous les enfants sans distinction, quels que soient leur milieu social, les revenus et le statut de leurs parents, leur religion ou leur capital culturel, au sens où Bourdieu l'entend. L'école privée, non.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Ou, si elle le fait, elle le fait en pratiquant une forme de ségrégation, sans doute non intentionnelle, mais effective.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Pas du tout ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

On y retrouve d'un côté les élèves issus de milieux aisés et de l'autre – c'est-à-dire dans d'autres écoles – ceux issus de milieux défavorisés, orientés vers des établissements dits d'insertion.

Cette proposition de loi essaie de nous faire accroire que financer à parité la scolarisation dans le public ou le privé est un devoir. Mais soyons clairs : la parité n'a ici aucun fondement juridique. En arrivera-t-on un jour à rembourser les notes de taxi de ceux qui n'aiment pas prendre le bus ?

Ce sont les inégalités déjà réelles, parfois criantes en matière d'éducation que nous risquons encore d'aggraver. Ce serait, à Bordeaux, ne pas éduquer à Caudéran comme dans le quartier du Grand-Parc, comme si d'un côté l'éducation était une exigence et de l'autre une simple possibilité… Telles sont les conséquences que pourrait avoir votre proposition de loi.

Même si ce principe – non constitutionnel – de parité était appliqué, l'enseignement privé ne devrait en aucun cas percevoir plus pour son fonctionnement que l'enseignement public : je vous invite, mes chers collègues de droite, à relire la loi Debré de 1959.

Aujourd'hui, c'est pourtant le cas : le secteur privé en zone d'éducation prioritaire bénéficie de 100 postes supplémentaires, alors que le public en reçoit 167. Si ce principe de parité, dont vous usez et abusez, était respecté, c'est de 383 postes supplémentaires que l'enseignement public devrait bénéficier !

Ce que vous organisez en réalité avec ce texte, c'est tout simplement le glissement progressif de la loi vers le chèque scolaire – je parodie, vous ne m'en voudrez pas, le beau titre d'Alain Robbe-Grillet.

Où allons-nous, en effet, s'il n'y a aucune limitation, aucune référence, je dirai même aucune démarche officielle à faire pour obtenir le financement de la République pour la scolarisation de son enfant – sinon vers la remise d'un chèque, d'un pass-éducation, une sorte de ticket-restaurant du savoir, et dans bien des cas, de l'ignorance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Qui bientôt saura que la scolarisation est obligatoire, que c'est un devoir autant qu'un droit ? Qui saura que ce devoir n'a pas été instauré par une communauté, religieuse ou pas, ou par une entreprise à fins lucratives, mais par la République – et que celle-ci en assure la charge du fait même qu'elle est la République ? Est-ce que bientôt un distributeur, aux couleurs de quelque sponsor, viendra délivrer ce chèque ?

Mais surtout, comment ne pas prendre en pleine figure le parallélisme de cette proposition de loi avec le texte de la loi portant réforme de l'hôpital – sans pour autant jamais en prononcer le nom ?

La démarche est, hélas ! similaire : en cas de « carence » de l'école publique –ce mot est bien souvent utilisé aujourd'hui – on ne comble pas cette carence, mais on transfère la demande et les moyens vers l'école privée. Allons plus loin. Il ne s'agit même plus de combler la carence, mais de l'organiser : des milliers d'emplois ont été détruits dans le secteur public de l'éducation ; c'est un plan social pire encore que celui qu'a subi le ministère de la défense.

Comment le maire d'une petite commune qui se débat pour conserver son école, ses classes, après son bureau de poste, peut-il accepter cet aspirateur à élèves qu'est l'obligation de financer le départ des enfants qui en auront les moyens vers l'école privée voisine ?

Comment un maire de banlieue, qui se bat pour maintenir un équilibre social dans sa commune et un équilibre scolaire dans ses classes, peut-il accepter cet aspirateur à enfants « les plus nantis », comme on dit ?

Je n'ai aucunement l'intention d'attaquer de quelque manière dogmatique que ce soit cette politique que pourtant je réprouve. J'espère simplement, chers collègues, que vous prendrez conscience du danger de ce texte.

Je suis pourtant obligée de constater, depuis 2002, une série d'actions contre l'école publique, en faveur du privé. Depuis 2002, le Gouvernement a supprimé plus de 50 000 postes dans les écoles publiques ; il a supprimé la carte scolaire, mettant à mal la mixité sociale ; il menace la maternelle ; il abandonne l'éducation prioritaire ; il offre aujourd'hui des subventions au secteur privé pour qu'il s'installe dans les quartiers défavorisés : une dotation spécifique, avec la création de cent emplois supplémentaires pour les établissements privés situés dans les zones défavorisées, a en effet été créée par le plan « Espoir Banlieues » de Fadela Amara.

Savez-vous vraiment où vous allez ?

Oui, encore une fois, je parlerai du transfert du public vers le privé, au détriment des parents et des enfants. Dans la pratique, ce que nous voyons, c'est la facilitation de l'évasion scolaire : des maires qui se battent bec et ongles pour maintenir leurs classes sont condamnés à financer ceux qui les désertent, risquant ainsi d'en entraîner la fermeture.

Parlons chiffres : 30 à 40 % des élèves du privé, soit 400 000 élèves, sont aujourd'hui scolarisés dans une école implantée hors de leur commune. Le forfait communal peut varier de 400 à 1 500 euros. Ainsi, la somme globale versée par les communes à l'enseignement privé pourrait s'élever à 500 millions d'euros. Et qui dit que cette somme ne s'accroîtra pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Je sais que certains d'entre vous, à droite de cet hémicycle, sentent les risques que nous prenons. Je sais que vous êtes plusieurs à penser, notamment lorsque vous êtes maires d'une petite commune : « J'ai passé vingt-six ans à lutter contre l'évasion scolaire. Dans ma circonscription, les deux collèges dont la capacité d'accueil est de 1 000 élèves n'en reçoivent plus que 400. » Et je pourrais vous donner, hélas ! plusieurs exemples bordelais de situations similaires.

Enfin, nous ne pouvons ne pas nous interroger sur les intérêts cachés, et pourtant réels, de cette proposition de loi. L'enseignement privé y est-il fortement favorable au nom de l'intérêt général, au nom de valeurs religieuses, au nom de la volonté de faire mieux que le service public – ou au nom d'une logique libérale visant le profit ?

Permettez-moi de vous citer monseigneur Claude Dagens qui disait en 2007, en parlant autant, d'ailleurs, de l'éducation que de la santé : « Il n'y a plus de sens pour que l'Église occupe ce terrain, sinon au risque de se laisser instrumentaliser au service d'une logique de privatisation, en mettant à la disposition des privilégiés des systèmes privés de soins ou d'éducation dont l'inspiration catholique n'est plus qu'une source d'inspiration lointaine, et finalement inopérante, qui risque de produire un contre-témoignage. » Qui peut rester indifférent à ce regard aiguisé d'un homme d'Église sur ce qui est en train de se passer dans notre société et, ajoutons-le, dans l'Église ?

Chers collègues de la majorité, vous avez déposé des amendements similaires aux nôtres, exigeant en particulier l'accord du maire préalablement au financement de la scolarisation hors résidence. Vous confirmez ainsi que la meilleure réponse aux problèmes de notre école serait la suppression pure et simple de l'article 89, sans autre faux compromis.

Je vous demande donc, au nom de la République qui nous réunit, au nom de ses principes, de retirer cette proposition de loi qui n'a pas lieu d'être parce qu'elle dément la force que pourrait avoir l'abrogation pure et simple de l'article 89, parce qu'elle est excessivement coûteuse à terme et dangereuse pour notre pacte social. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Madame Delaunay, je voudrais d'abord rappeler que la parité est prévue par la loi Debré de 1959. Elle est la conséquence du libre choix de l'enseignement, qui est garanti par la Constitution. C'est dans cet esprit que la proposition de loi a été élaborée et qu'elle vous est aujourd'hui proposée.

Je ne peux pas laisser dire que cette proposition reviendrait en quelque sorte à mettre à la disposition de l'enseignement privé des chèques en blanc tirés sur les communes, qui auraient à financer coûte que coûte, sans limitation… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) C'est ce que vous avez dit, madame la députée, et c'est ce qui justifie mon intervention.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Cette allégation n'est pas fondée, car le texte encadre très précisément les cas où les communes auront à régler le financement de la prise en charge par l'enseignement privé d'un élève qui réside sur leur territoire. Ces cas sont très précis, et ce sont les mêmes que pour l'enseignement public. Il y a donc parité stricte, et il n'y a pas de fuite en avant qui amènerait les maires, désormais, à payer systématiquement pour les élèves scolarisés dans l'enseignement privé.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Il n'est pas non plus possible de laisser dire qu'il n'y a pas parité – suivant un rapport 8020, puisque telle est la proportion entre l'enseignement public et l'enseignement privé dans notre pays – pour les créations et les suppressions de postes. Nous respectons systématiquement la proportionnalité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Monsieur Glavany, nous respectons strictement ce rapport à la fois pour les créations et pour les suppressions de postes !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Dans le cadre du plan « Espoir banlieues » de Mme Amara, donc dans le cadre d'une dotation globale nationale, l'enseignement privé a choisi de créer un certain nombre de postes dans les zones urbaines sensibles, les zones d'éducation prioritaire. C'est sa liberté ! Mais au total, le rapport 8020, dans les créations comme dans les suppressions, est respecté.

Vous dénoncez enfin la casse sociale de l'éducation ; j'aimerais simplement vous rappeler deux ou trois chiffres. D'abord, le budget de l'éducation nationale n'a jamais été aussi élevé qu'aujourd'hui : c'est le premier budget de l'État…

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

…et il est en progression, dans un contexte budgétaire que vous connaissez tous. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Je vous rappelle que la France investit dans le domaine de l'éducation nationale en moyenne un point de budget de plus que les autres pays de l'OCDE.

Je vous rappelle enfin qu'en cette rentrée, nous prenons en compte la réalité locale : nous savons mettre des moyens là où il y a des besoins. Ainsi, nous créons 500 emplois dans l'enseignement primaire, parce que la courbe démographique s'est inversée et qu'il y a des besoins nouveaux. Pour respecter le taux d'encadrement, nous ouvrons des classes supplémentaires. Deuxième exemple : dans les zones urbaines sensibles, nous créons, sur l'ensemble du territoire, 600 postes : là aussi, il y a des besoins et notre devoir est d'être capables, même dans le cadre d'un budget contraint par le Parlement et par les choix que nous faisons, d'affecter des moyens supplémentaires là où il y a des besoins et où nous devons jouer notre rôle de réducteur d'inégalités.

Voilà les précisions que je tenais à apporter à ce stade de la discussion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Monsieur le ministre, nous aurons la discussion sur l'importance de l'effort consenti pour l'éducation au moment de l'examen du budget. Le seul regret que je puisse exprimer cet après-midi, c'est que si le budget de l'éducation nationale est le premier et le plus important de la nation, il aurait été bon de le discuter dans l'hémicycle et non dans une commission, un peu à la va-vite.

Par ailleurs, je ne suis pas un constitutionnaliste mais il me semble que ce n'est ni la parité, ni le libre choix qui est inscrit dans la Constitution de notre pays, mais la liberté de l'enseignement, ce qui n'est pas tout à fait la même chose, et nous verrons d'ailleurs quelles peuvent être les conséquences de cette nuance.

J'en viens à l'explication de vote sur la motion qu'a brillamment défendue Mme Delaunay.

Au départ de cette histoire, il y a un amendement, appelé amendement Charasse, qui tentait d'apaiser et même, autant que faire se peut, de régler les rapports entre l'enseignement public et l'enseignement privé. Mais cet amendement a été détourné de son objet, comme le reconnaît d'ailleurs son auteur. Et la machine s'est emballée.

Le seul moyen de retrouver des rapports normaux entre enseignement public et enseignement privé – notamment pour que les maires puissent gérer leurs propres finances et favoriser la scolarisation dans des écoles qui, en dehors des enseignants, relèvent de leurs compétences – aurait été de supprimer l'article 89 de la loi de 2004. Vous avez refusé cette proposition, dont l'initiative revenait à notre collègue Jean Glavany. Pire, par le biais d'une proposition de loi du sénateur Jean-Claude Carle, vous reprenez aujourd'hui cet article 89, pour l'aggraver sur certains points.

Pour régler le problème, je vous demande, au nom du groupe que je représente cet après-midi, d'accepter que nous redéposions ensemble une proposition de loi tendant à supprimer l'article 89 ou, à tout le moins, de voter cette motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera cette motion parce qu'elle tend à écarter un texte hypocrite, un texte qui cadenasse, afin de le sécuriser juridiquement, une loi précédente. Au nom d'une égalité que l'on bafoue, le but est de financer l'école privée, de l'aider à mieux réduire les moyens de l'école publique, l'école de la République, celle qui accueille tous les enfants sans distinction d'origine sociale, de moyens, de confession.

Vous dites vouloir clarifier les règles et aider les collectivités locales mais, pour cela, vous proposez d'ôter à ces collectivités toute intervention dans la recherche d'une justification de la demande de dérogation par exemple.

Non, l'école privée et l'école publique n'ont pas le même rôle, les mêmes références, elles sont différentes et les traiter différemment n'est pas une offense faite au respect du principe d'égalité.

La proposition de loi qui nous est soumise organise le soutien dissimulé, mais bien effectif, à l'école privée, alors que c'est l'école publique qui, aujourd'hui, a un besoin urgent, significatif, d'aide de l'État. Nous réclamons cette aide au nom des valeurs de la République et nous voterons donc la motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

J'avais l'impression, en vous écoutant, madame Delaunay, de vivre un remake dépassé. Je suis, comme vous, sur le terrain. Je suis choqué de vous entendre parler de ségrégation. Je vous suggère d'aller voir ce qui se passe, par exemple, dans un collège de votre région que je connais bien, le collège Saint-Anne au Bouscat. Vous constaterez que celles et ceux qui n'ont pas de moyens peuvent aussi, parce qu'il y a de la solidarité, s'y inscrire.

J'ai l'impression de revivre un affrontement largement dépassé dans ce pays où un grand nombre de parents font confiance à l'enseignement privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Nous ne sommes pas ici pour dire que l'enseignement privé, c'est tout beau. Nous sommes là pour laisser la liberté de choix.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Le ministre a employé tout à l'heure un mot qui me convient : il a dit que nous étions là pour « apaiser » un texte qui pouvait être vécu comme discriminatoire par rapport à l'enseignement public.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

On demande souvent au Gouvernement de faire preuve de sagesse. J'aimerais que les socialistes retrouvent la sagesse de leurs collègues sénateurs qui ont porté un autre regard sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Ils l'ont abordé dans un esprit d'ouverture qui aujourd'hui vous fait un peu défaut – mais peut-être allez-vous vous ressaisir au fil de la discussion.

En tout cas, le groupe Nouveau Centre votera contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Jacques Pélissard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Pélissard

J'ai écouté attentivement Mme Delaunay. Et très franchement, je n'ai relevé dans ses propos aucun argument qui milite en faveur de la motion de rejet.

En effet, tous les principes auxquels nous sommes attachés, la liberté de choix des parents, la parité de traitement…

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Eh non ! Vous ne m'avez pas écoutée, monsieur Pélissard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Pélissard

…y compris dans l'application de l'article L.212-8 du code de l'éducation nationale, et enfin la concurrence (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) équilibrée entre l'école publique et l'école privée, sont au rendez-vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Pélissard

« Je me suis aperçu qu'un certain nombre de maires de communes de résidence incitaient les familles à envoyer leurs enfants à l'école privée de la commune voisine pour éviter le paiement de la participation. » Voilà ce que disait Michel Charasse en juillet 2004.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Vous n'avez que Michel Charasse comme référence ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Pélissard

L'idée est d'avoir un dispositif équilibré, qui préserve la liberté et la parité.

Dans ces conditions, la motion de rejet ne peut être que repoussée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Dans la discussion générale, la parole est à M. Yves Durand.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, on aurait pu espérer que ce texte fût un texte d'apaisement – comme d'ailleurs avait voulu l'être l'article 89 …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

…avant qu'il ne soit, malheureusement, dévoyé – mais la proposition de loi qui nous est transmise par nos collègues sénateurs ne me paraît pas aller dans ce sens.

D'abord, parce que si l'on respecte l'esprit de la loi de 1959, dite loi Debré, que l'on ait été pour ou contre à l'époque, on doit considérer, monsieur Pélissard, que l'enseignement public et l'enseignement privé ne sont pas concurrents.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Ils font partie du service public d'éducation, chacun de leur côté, avec les mêmes droits, et normalement, si le mot « parité » a un sens, les mêmes devoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

En effet, ce n'est pas le cas, et voilà le premier problème, essentiel.

Cette proposition de loi ne va pas non plus dans le sens de l'apaisement parce que, au-delà des rapports entre l'enseignement privé et l'enseignement public, que nul ne veut envenimer – personne ici ne songe à rallumer une guerre scolaire qui a été largement évacuée –, la question est bien de donner à l'institution scolaire, publique et privée, les moyens d'assurer l'égalité des chances dans toutes les communes. Or cette proposition de loi contient deux dispositions qui vont totalement à l'encontre de cet objectif.

D'une part, elle organise ce que j'appellerai l'exode scolaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Désormais, il n'y aura plus de véritable contrainte puisqu'il n'y aura plus besoin de l'accord du maire. Il subsiste bien trois autres contraintes pour justifier les dérogations scolaires – à savoir les raisons médicales, le fait que les parents travaillent ailleurs et la scolarisation du frère ou de la soeur dans l'autre commune – mais vous conviendrez qu'elles ne sont guère significatives : en tant que maire, je reçois dix demandes ainsi motivées tous les jours. Dès lors, les parents qui voient leur école rurale ou périurbaine devenir de plus en plus petite…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

…et de plus en plus pauvre, vont vouloir mettre leurs gosses dans la commune voisine, plus urbaine, où ils travaillent le plus souvent. Ainsi, vous allez assécher, désertifier des écoles rurales qui sont pourtant le seul endroit où un lien social entre les enfants peut encore se tisser.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Il en sera de même dans les quartiers de banlieue dits défavorisés. Des classements d'établissements se baladent un peu partout, vous le savez. Nous assisterons à un assèchement parce que les meilleurs éléments des écoles de ces quartiers défavorisés, auxquelles les maires s'efforcent, en se battant, de garder l'excellence, vont partir dans les écoles de centre-ville, sachant que, derrière, il y a le collège, le lycée et tout un cursus scolaire qui permet, paraît-il, une meilleure réussite des enfants.

Vous me dites, monsieur le ministre, que c'est pareil dans le public. Certes, à la différence notable que l'accord du maire ne figure pas, pour le privé, dans la proposition de loi sénatoriale.

Cette première atteinte à la parité est d'autant plus grave que vous avez supprimé la carte scolaire, ce qui renforce la possibilité d'exode des élèves.

En second lieu, vous allez encourager ce qui est peut-être le pire ennemi de l'école : le développement du consumérisme scolaire chez beaucoup de parents.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

À partir du moment où l'accord du maire n'est plus requis, vous créez un lien immédiat entre la famille et l'établissement, et non plus entre la famille et l'établissement par l'intermédiaire d'un représentant de la République, en l'occurrence le maire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Cela favorisera inéluctablement le développement du consumérisme scolaire. On choisira son établissement comme on le veut, à la carte. Mme Delaunay a dénoncé à juste titre la perspective du « chèque scolaire », qui figurait d'ailleurs dans le programme d'un certain candidat à l'élection présidentielle. Cette idée, qui était dans les têtes, va commencer à se concrétiser dans les textes.

La proposition de loi partait d'une bonne intention, je veux bien l'admettre, ce qui a sans doute influencé nos collègues sénateurs, du moins certains d'entre eux,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

…mais il suffit de la mettre en perspective avec d'autres mesures, comme la suppression de la carte scolaire, pour s'apercevoir qu'elle risque, sinon de rallumer la guerre séculaire entre le public et le privé qui fait partie de l'histoire de la République mais qui, aujourd'hui, parce que tout le monde y a mis du sien, s'est éteinte,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

…au moins de détruire le seul endroit où, quel que soit le quartier, quelle que soit la commune, tous les enfants peuvent se retrouver, se réunir, travailler ensemble, se comprendre. Cette base même du vivre ensemble est pourtant le fondement de notre République.

Voilà pourquoi, au-delà du public et du privé, ce texte est particulièrement grave, et voilà pourquoi nous pensons voter contre – nous aviserons au terme de la discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder à proprement parler la proposition de loi relative au financement de l'école privée, je souhaite vous soumettre une question relative au travail parlementaire et tenant plus particulièrement à l'application de l'article 40 de la Constitution. Nous subissons depuis des années dans l'opposition l'application draconienne de cet article qui censure nos propositions et nos amendements avant même que nous n'en débattions au fond. Le Gouvernement et la majorité nous l'opposent sans savoir si nos suggestions sont légitimes et judicieuses.

Lorsque la question de la revalorisation du rôle du Parlement s'est posée, nous avons proposé l'abrogation de l'article 40 afin de donner à l'initiative parlementaire toute son ampleur. Vous avez rejeté notre demande. Aujourd'hui, les propositions de loi émanant de la majorité se multiplient. L'article 40 trouve ainsi une seconde jeunesse, car il devrait aussi s'appliquer, dans toute sa rigueur, à vos propositions.

Mais vous semblez bénéficier de passe-droits. En effet, bien que directement contraire à l'article 40 de la Constitution, cette proposition de loi a miraculeusement passé sans encombres la première lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Le Sénat aurait dû relever cette inconstitutionnalité et déclarer irrecevable son article 1er, qui établit une contribution de la part des communes. Il s'agit donc bien – je cite l'article 40 – de « la création ou l'aggravation d'une charge publique ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

L'article 1er n'est donc pas constitutionnellement recevable. Mais vous avez bénéficié de la cécité momentanée de la commission des finances du Sénat, qui a fait comme s'il n'en était rien. J'ai donc saisi le président de notre commission des finances de cette inconstitutionnalité, conformément à l'article 89 de notre nouveau règlement. Le président Migaud, dont on connaît et reconnaît la qualité, s'est déclaré incompétent au prétexte que la proposition de loi avait déjà été examinée par le Sénat.

Permettez-moi de vous dire que je ne partage nullement l'interprétation erronée qui fut ainsi faite de l'article 89 de notre règlement. Et je souhaite que le Conseil constitutionnel puisse rétablir la portée stricte de l'article 89. Le quatrième alinéa de cet article dispose en effet que « les dispositions de l'article 40 de la Constitution peuvent être opposées à tout moment aux propositions de loi et aux amendements ». Le premier alinéa traite du dépôt devant le bureau de nos propositions de loi. Le deuxième est relatif aux amendements en commission. Le troisième s'applique aux amendements en séance. II n'existe aucun alinéa spécifique relatif aux propositions de loi provenant du Sénat. Ces propositions de loi restent des propositions de loi et sont soumises au même régime juridique. Les conditions de leur recevabilité sont donc les mêmes. Le fait que l'irrecevabilité de celle que nous examinons ait été couverte par la cécité du Sénat et son vote ne saurait enlever à l'article 1er son caractère inconstitutionnel.

Aucune disposition constitutionnelle, aucune décision du Conseil, rien dans notre règlement ne précise que les propositions de loi déjà examinées par le Sénat n'ont plus à respecter l'article 40 de la Constitution.

Permettez-moi de prolonger le raisonnement de la commission des finances jusqu'à l'absurde. Rien dans la Constitution ne réserve un sort particulier à l'article 40. Son régime et sa portée sont les mêmes que ceux des autres articles. Le raisonnement de la commission des finances sur l'application de l'article 40 devrait être le même pour l'ensemble de la Constitution. Nous serions ainsi privés de la possibilité de contester la constitutionnalité d'une proposition ou d'un projet de loi dés lors qu'il a déjà été examiné et voté par l'une des chambres. C'est ridicule !

Le président de notre commission des finances aurait donc dû déclarer irrecevable votre proposition de loi, mais peut-être n'a-t-il pas voulu vous faire subir ce châtiment deux fois dans la même journée, au risque de créer de fâcheux précédents contra legem. En effet, votre proposition de loi suivante sur le vote électronique est tout aussi irrecevable. Cependant, je ne souhaite pas que s'instaure cette « jurisprudence » qui voudrait qu'une proposition de loi inconstitutionnelle soit exonérée de toute sanction juridique dès lors qu'elle est votée en première lecture par le Sénat.

Sur le fond, votre proposition de loi dite « Carle » est également contraire à plusieurs dispositions de la Constitution. Elle vise à asseoir et élargir le financement des écoles privées par les communes et l'impôt. Vous prétendez ainsi éviter une nouvelle guerre scolaire, mais c'est oublier un peu vite que, dans cette « guerre scolaire », chaque partie a largement sa part de responsabilité, et au premier chef l'enseignement confessionnel. Devrions-nous lui donner satisfaction pour éviter de nouvelles tensions ? Car votre proposition de loi va bien plus loin que la loi dite « Debré » de décembre 1959 qui impose aux communes l'obligation de financer les dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat se trouvant sur leur seul territoire pour les enfants domiciliés dans leur commune.

Ce principe était largement appliqué sans contestation majeure depuis plus de vingt ans jusqu'à ce que l'article 89 de la loi de 2004 cherche à étendre le financement obligatoire des dépenses de fonctionnement aux écoles privées placées sur le territoire de communes voisines. Cet article 89 fut source d'interprétations divergentes et de contentieux à la suite de demandes parfois extravagantes.

La proposition d'aujourd'hui prétend mettre un terme à cet imbroglio juridique, mais elle renforce en fait les nouvelles obligations créées par l'article 89 au bénéfice des écoles privées implantées sur le territoire de communes autres que celle de résidence.

Pourquoi accorder un traitement égalitaire alors qu'il n'y a pas identité entre les systèmes publics et privés ? L'enseignement public est sectorisé pour éviter les phénomènes de ghettoïsation alors que l'enseignement privé ne l'est pas. L'école publique accueille tous les élèves alors que le privé les sélectionne souvent. L'école publique est gratuite alors que l'école privée l'est rarement. L'école publique est laïque alors que l'école privée est le plus souvent confessionnelle.

La loi impose déjà une part de financement public pour le fonctionnement des écoles privées, mais la parité de traitement n'a pas à s'imposer comme le laisse supposer le titre de la proposition de loi. Nous proposerons d'ailleurs par amendement de modifier ce titre afin d'écarter toute idée de parité ou d'égalité entre enseignement public et privé. Si jamais vous persévérez dans cette idée de traitement égalitaire, nous vous proposerons alors un amendement visant à s'assurer que l'enseignement privé bénéficiaire des fonds publics respecte scrupuleusement les valeurs de la République laïque.

Vous souhaitez que l'enseignement privé bénéficie des fonds publics. Assurez-nous alors qu'il respecte les mêmes obligations en matière de refus des communautarismes – notamment par l'interdiction des signes ostensibles d'appartenance religieuse –, de respect de la liberté de conscience, de la liberté de croire et de ne pas croire, de la promotion de la stricte égalité des sexes ! En votant cet amendement, nous mesurerons l'attachement républicain de chacun d'entre nous au-delà des latéralisations partisanes.

Nous vous proposerons également des amendements de suppression car, dans la proposition qui nous est présentée, l'accord du maire n'est ni demandé ni requis alors que les finances de la collectivité locale seront directement engagées. Le maire ne pourra même pas vérifier au préalable que les conditions légales sont respectées. Le préfet, se substituant au conseil municipal et au maire, pourrait ainsi obliger la collectivité à financer.

Par leur caractère obligatoire et automatique ces dispositions législatives contreviennent au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Elles font de surcroît primer l'intérêt particulier sur l'intérêt général. Comment justifier auprès des contribuables qu'une commune se voie obligée de fermer une classe ou une école car quelques parents auraient décidé de placer leurs enfants dans la commune voisine pour des raisons de convictions religieuses, au demeurant tout à fait respectables ?

Les décisions de fermeture tiennent parfois à la présence d'un seul ou de deux enfants. Cette proposition risque d'accentuer les fermetures de classes et d'écoles publiques. Est-ce l'objectif indirectement poursuivi ? Ce serait préoccupant car, quand l'école publique ferme ses portes, c'est le processus d'intégration à la communauté des citoyens et la République laïque qui régressent. Vous organisez la concurrence scolaire sur tout le territoire. C'est la fin de la sectorisation, car les écoles publiques seront concurrencées par les écoles privées limitrophes. C'est un véritable marché de l'enseignement primaire que vous créez et qui provoquera une concurrence entre les communes alors que nous avons besoin de complémentarité et de dialogue.

En sécurisant juridiquement et en élargissant les cas de financement de l'école privée par des fonds publics, combien de millions d'euros supplémentaires seront-ils versés au privé ? Vous organisez un transfert de fonds publics vers le privé alors que certains villages ou regroupements réclament la création d'écoles ou de classes. Tout l'argent que vous souhaitez donner au privé pourrait utilement être consacré à l'enseignement public afin de renforcer et d'améliorer les conditions d'accueil.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Vous prétendez par ailleurs encadrer les cas dans lesquels la commune aura l'obligation de contribuer aux dépenses de l'école privée de la commune voisine. Cette contribution serait due dans quatre hypothèses, dont certaines relèvent de la convenance personnelle.

Le premier motif porte sur l'absence de capacité d'accueil dans la commune de résidence. Ce critère pourrait sembler justifié, mais ce serait oublier un peu vite le principe issu du préambule de la Constitution de 1946 qui dispose que « l'organisation de l'enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés, est un devoir de l'État ». Il devrait, en conséquence, n'y avoir aucune commune ou regroupement de communes dépourvus d'école publique.

Par ailleurs, l'alinéa que je viens de citer impose que l'enseignement soit laïque. Les collectivités locales ne peuvent donc pas sous-traiter leurs obligations scolaires à des associations rattachées à un culte, comme c'est le plus souvent le cas des établissements privés, avec parfois des débordements auxquels je reviendrai en défendant l'un de mes amendements.

Le second motif tiendrait aux obligations professionnelles des parents, lorsqu'ils résident dans une commune qui n'assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants. Mais que recouvre réellement cette catégorie ? S'agit-il uniquement des cas ou les deux parents ont des horaires décalés, ou bien est-ce déjà la porte ouverte aux convenances personnelles ? Pourquoi la proposition n'impose-t-elle pas que la garderie et le service de restauration soient bien assurés dans l'école d'accueil ?

Enfin, le regroupement de la fratrie est l'exemple même du motif pour convenance personnelle. Il suffit qu'une famille ait, pour une raison relevant de son seul choix, scolarisé son premier enfant dans une école privée d'une autre commune pour que la scolarisation de l'ensemble de la fratrie dans ce même établissement soit imposée à la commune de résidence.

L'interprétation large de ces trois « motifs légitimes » recouvre la quasi-totalité des enfants scolarisés dans l'enseignement privé en dehors de leur commune de résidence.

Par ailleurs, lorsque le financement n'est pas rendu obligatoire, il pourra néanmoins être assuré à titre facultatif. Nous sommes en présence d'une atteinte directe aux principes de laïcité et d'égalité. Le choix de subventionner une association rattachée à une religion ou à un culte serait contraire au principe constitutionnel de laïcité selon lequel « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » – article 2 de la loi du 9 décembre 1905.

Attaché aux principes de laïcité de la République et d'égalité des citoyens, je vous appelle, mes chers collègues, à rejeter cette proposition de loi, car elle porte en elle des ferments de désagrégation de l'école républicaine et laïque. Restons attachés à l'adage « à l'enseignement public, fonds publics ; à l'enseignement privé, fonds privés » ! Cet adage ne reflète malheureusement pas le droit applicable depuis les lois Debré, mais pour ma part je reste fidèle aux valeurs défendues par ma famille politique républicaine de gauche, qui s'est toujours élevée contre la loi de 1959 et les accords ultérieurs avec l'enseignement privé.

Je souhaiterais, en cas d'adoption de ce texte, que nous soyons assez nombreux pour prolonger notre engagement républicain et laïque par une saisine du Conseil constitutionnel, qui ne manquera pas de censurer les atteintes les plus flagrantes aux principes de l'article 40, de libre administration des collectivités locales, d'égalité et de laïcité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Apaisement, c'est le mot qui doit définir ce débat et traduire l'esprit de cette proposition de loi visant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat quand elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence.

C'est en effet l'apaisement qui, depuis la loi Debré de 1959 – et malgré quelques crises –, a le plus souvent caractérisé les relations entre l'école publique et l'école privée, permettant aux « deux écoles » de cohabiter sereinement, ce qui est la volonté du peuple.

C'est notamment l'institution d'un principe de parité qui a permis cet apaisement, en consacrant la possibilité pour le service public de l'éducation d'être mis en oeuvre non seulement par des établissements publics, mais également, dans des conditions fixées par la loi et par le contrat qui les unit à l'État, par des établissements privés.

Le succès de l'école privée sous contrat, qui ne se dément pas année après année, se manifeste par le fait qu'un grand nombre de familles choisissent cet enseignement librement et sans contrainte. Cela montre bien que l'immense majorité de nos concitoyens est attachée à la coexistence de ces deux écoles, publique et privée, qui contribuent chacune à sa manière à la réalisation des objectifs fixés par la nation.

Aujourd'hui, au moment où nous abordons la question du financement des écoles primaires privées, le Nouveau Centre veut affirmer la nécessité de respecter deux exigences aussi fondamentales l'une que l'autre.

D'abord, la liberté de l'enseignement doit être pleinement garantie, ce qui suppose que les conditions de financement des établissements privés sous contrat permettent l'exercice effectif de cette liberté.

Ensuite, la parité entre public et privé sous contrat doit être respectée, car elle a permis aux deux formes d'enseignement d'être non plus rivales, mais complémentaires.

Reconnaissons-le, il résultait de l'état du droit applicable avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 un déséquilibre certain en défaveur des écoles élémentaires privées sous contrat d'association. Il était temps d'y mettre fin, en inscrivant dans la loi un nouveau régime de financement des classes élémentaires sous contrat par les communes de résidence.

Le Nouveau Centre considère que la proposition de loi institue, de manière réaliste et pragmatique, un compromis juridiquement fondé et politiquement équilibré.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Celui-ci respecte les intérêts de chacune des parties. Il garantit en effet aux écoles élémentaires privées sous contrat d'association qu'elles seront traitées à égalité avec les écoles publiques, préservant l'exigence de parité qui est le fondement de la loi Debré. Cependant, il n'impose pas aux communes des obligations financières qui mettraient en péril leur équilibre budgétaire.

Le nouveau régime de financement respecte le principe de parité. Il prévoit qu'une commune versera une contribution pour un élève d'une classe élémentaire sous contrat uniquement dans le cas où elle l'aurait versée pour un élève inscrit dans une école publique. Cependant, il respecte également le libre choix de l'enseignement en excluant tout accord du maire pour scolariser un élève, ce qui correspond à la définition même de la liberté d'enseignement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Une contribution est ainsi exigible dans quatre cas : l'absence de capacités d'accueil dans la commune de résidence ou dans le regroupement pédagogique intercommunal auquel elle participe ; la nécessité de scolariser l'enfant dans une autre commune du fait des obligations professionnelles de ses parents et de l'inexistence d'un service de garde et de restauration ; la nécessité de scolariser l'enfant dans une autre commune pour des raisons médicales ; enfin, la scolarisation d'un frère ou d'une soeur dans la commune d'accueil.

Sur le premier point, monsieur le ministre, vous nous avez apporté un éclaircissement nécessaire en précisant que la notion de regroupement pédagogique intercommunal n'a de sens que dans le cadre d'un établissement public de coopération intercommunale. Elle ne s'applique donc à un regroupement pédagogique intercommunal que s'il est adossé à un EPCI.

Quant à la notion de fratrie, nous avons appelé votre attention sur la nécessité de la définir précisément, dans les décrets d'application,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

…puisque l'évolution de la société, marquée par le développement des foyers monoparentaux et des familles recomposées, l'a rendue plus floue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Allons donc ! Vous savez bien que ce n'est plus d'actualité !

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Il paraît essentiel d'imposer aux communes des obligations claires et d'assurer aux écoles privées des financements garantis. C'est pourquoi nous avons affirmé notre volonté de n'apporter notre soutien qu'à un texte légitime et équilibré, comme celui qui nous est présenté. Il permet en effet de respecter pleinement la parité en construisant deux régimes de financement parallèles, propres l'un au public, l'autre au privé.

Le Nouveau Centre votera la proposition de loi, en espérant que la clarification des relations entre les écoles primaires sous contrat et les écoles primaires publiques permettra de restaurer un apaisement nécessaire, et de traiter équitablement tous les enfants de la nation, quelle que soit l'école qu'ils fréquentent, que leurs parents ont encore le droit de choisir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, grâce à cette proposition de loi, nous avons aujourd'hui l'opportunité de mettre un terme à ce que notre rapporteur, Frédéric Reiss, a qualifié à juste titre de « feuilleton juridique et politique lié à l'interprétation de l'article 89 de la loi du 13 août 2004 ».

Nous voilà en mesure de clore définitivement un chapitre de notre vie démocratique qui n'a entraîné que des débats partisans, au mépris de ce qui constitue l'essence même de notre mandat de députés : la protection des citoyens. La loi doit viser, non à protéger des intérêts particuliers ou une idéologie, si respectable soit-elle, mais à servir le plus grand nombre, l'intérêt général qui dépasse toujours les intérêts particuliers. Dans les textes que nous élaborons, faute d'atteindre toujours notre but, notre devoir est du moins de ne pas nuire et de ne pas créer d'inégalités. Tel est bien l'enjeu de ce débat.

Il concerne 300 000 élèves non résidents en France. Si l'on compte leurs parents, ce sont près d'un million de nos concitoyens qui attendent de nous, non que nous menions un débat théorique ou d'arrière-garde, plein de disputes ou d'excès, mais que nous mettions en oeuvre des solutions pratiques qui les aident dans leur vie de tous les jours.

Monsieur le ministre, vous avez très justement rappelé, jeudi 24 septembre, en visitant deux établissements privés sous contrat d'association avec l'État en Seine-Saint-Denis – le groupe scolaire catholique de l'Assomption à Bondy et le groupe scolaire juif de l'Alliance aux Pavillons-sous-Bois – que 20 % des élèves scolarisés le sont dans des établissements privés. Dans notre pays, un enfant sur cinq est donc inscrit dans un établissement sous contrat. Or environ 35 % des enfants scolarisés dans le privé sont des élèves non résidents. C'est dire que nous débattons aujourd'hui du sort, de la quiétude et de la sécurité juridique d'un nombre important de nos concitoyens.

Nous ignorons quelle est la sensibilité politique de leurs proches et quel bulletin ils mettront dans l'urne aux prochaines élections.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Cela n'a d'ailleurs aucun intérêt. Mais notre devoir est d'apporter une solution aux difficultés qu'ils rencontrent. L'heure n'est plus aux joutes verbales mais à une action concrète qui relaiera toutes celles que nous menons avec nos concitoyens dans nos circonscriptions respectives. Ne parlons donc pas de remise en cause du service public de l'éducation ni même de suppression de postes : il s'agit seulement de mettre en place un dispositif assurant la parité pour tous.

La loi Debré du 31 décembre 1959 a en effet posé entre l'enseignement public et l'enseignement privé un principe de parité qui, nous l'avons souvent rappelé, a été réaffirmé par les accords Lang-Cloupet de 1992. Parce que ce principe a été régulièrement battu en brèche, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales a rendu obligatoire la participation aux frais de fonctionnement en étendant aux écoles privées sous contrat la procédure de règlement des conflits prévue pour les écoles publiques. Cependant, parce que l'article 89 n'a pas posé de conditions à la contribution de la commune de résidence pour les écoles privées, des problèmes d'interprétation ont surgi. À l'évidence, les circulaires de 2005 et de 2007 ne suffisaient pas pour que le dispositif soit appliqué à tous.

Quelles que soient nos idées et notre appartenance politiques, nous ne pouvons accepter qu'une loi ne soit pas appliquée uniformément à tous nos concitoyens, que son universalité soit violée par les uns ou par les autres et que, de ce fait, un élève soit traité différemment en fonction de la commune dont il est l'administré. Il est grand temps de faire respecter pour tous le principe constitutionnel de la liberté de l'enseignement.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a eu à coeur de trouver une solution de compromis, et le Sénat a adopté le texte qui nous est soumis.

La problématique est somme toute très simple. Bien que nous ayons calqué le régime de financement des classes élémentaires sous contrat d'association sur celui des classes élémentaires publiques, en vertu du fameux article L. 442-5 du code de l'éducation, et que, parallèlement, le problème du financement des dépenses de fonctionnement relatives à la scolarisation d'enfants domiciliés dans une autre commune que celle où est implantée l'école ait été abordé à l'article L 212-8 du code de l'éducation, aucun dispositif analogue n'a été prévu dans tous les cas pour les établissements sous contrat.

De ce fait, on se heurte à deux écueils : l'absence de procédure de médiation ou de résolution des litiges en cas de désaccord entre deux communes, et l'absence de moyen juridique et coercitif pour imposer à une commune de respecter ses engagements financiers liés à cette participation, lorsqu'elle en a pris.

L'article 89 de la loi du 13 août 2004 est venu résoudre ces difficultés mais, voulant trop bien faire, nous n'avons pas exposé de manière suffisamment explicite que le principe de la contribution des communes devait s'appliquer avec les restrictions qui ont cours dans toutes les écoles publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Une lecture objective des circulaires du 2 décembre 2005 et du 27 août 2007 ne suffisant pas à assurer une solidité juridique réelle, il nous a paru opportun d'ouvrir un véritable débat et de garantir par un texte minutieusement élaboré l'avenir juridique de ce type de situation.

Au coeur du dispositif, deux problèmes suscitent nombre de débats.

Le premier concerne évidemment l'autorisation préalable du maire de la commune de résidence. II faut rappeler que, si cette autorisation est requise pour la scolarisation dans un établissement public, elle n'est pas nécessaire pour les élèves scolarisés dans des établissements privés. Certains nous interrogent donc sur cette rupture d'égalité entre écoles privées et publiques. (« À juste titre ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Le second problème est relatif à la notion de fratrie. L'article L. 212-8 du code de l'éducation édicte une obligation de participation financière dans trois cas de figure, notamment « l'inscription d'un frère ou d'une soeur dans un établissement scolaire de la même commune ». Le nouveau texte, même s'il prévoit quatre cas, reprend ces dérogations et réaffirme le caractère obligatoire de la contribution de la commune.

En ce qui concerne la fratrie, les nouvelles dispositions prévoient le cas où la scolarisation de l'élève dans une autre commune trouve son origine dans l'inscription d'un frère ou d'une soeur dans la même commune. Mais doit-on inclure dans la fratrie la famille recomposée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Monsieur le ministre, je vous remercie de répondre à ces deux questions.

Pour le reste, je considère en conscience que la proposition de loi saura aplanir les difficultés rencontrées par nos concitoyens. C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de l'adopter immédiatement pour que, la nouvelle rentrée scolaire devant générer irrémédiablement de nouvelles inégalités, ses dispositions bénéficient rapidement au plus grand nombre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l'histoire déjà longue et tumultueuse des relations entre l'État et l'enseignement privé, l'article 89 de la loi du 13 août 2004 aura fait couler beaucoup d'encre et de salive.

Permettez-moi, à ce stade de nos travaux, une simple remarque méthodologique pour en appeler à la sagesse collective. Tâchons d'éviter que des initiatives individuelles brouillonnes n'aboutissent à des dispositions législatives aux conséquences incommensurables, sans qu'aucune évaluation globale suffisante ait été entreprise. Hier, nous avons tiré un chèque de plusieurs centaines de millions d'euros sur les collectivités locales au profit de l'enseignement privé, après avoir permis qu'une secte soit récemment amnistiée. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Mais c'est la même chose : les initiatives individuelles sans évaluation collective produisent les mêmes résultats.

Depuis 2004, nous n'avons pas cessé d'alerter la majorité, l'Association des maires de France et le Gouvernement sur les conséquences dramatiques pour les communes, notamment les petites communes rurales, de l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Je me souviens avoir défendu dans cet hémicycle, au nom du groupe socialiste, à l'automne 2007, une proposition de loi visant à abroger purement et simplement cet article. Que n'ai-je entendu alors ! D'après le porte-parole de l'UMP – il s'agissait de M. Guy Geoffroy –, les socialistes n'avaient rien de plus urgent à faire, en période de crise, que de raviver la guerre scolaire. En réalité, ils essayaient simplement d'appeler votre attention sur une disposition législative aux conséquences néfastes, pour pouvoir la corriger ensemble.

Aujourd'hui, on la corrige, à l'initiative de l'Association des maires de France, dont le président, que je salue, avait pris l'engagement devant le bureau, il y a plusieurs années déjà, de tout faire pour cela. Vous pourriez donc me dire : « Vous devez être content, monsieur Glavany, l'article 89 est abrogé. On a pris conscience du problème. » Je suis content qu'il soit abrogé, même si je ne suis pas trop content de moi d'avoir mis tant d'années à vous convaincre – je pensais y parvenir plus vite. Et je suis content qu'on prenne enfin le problème à bras-le-corps.

En même temps, je ne suis pas satisfait, pas plus que ne le sont mes collègues socialistes, qu'une fois de plus la droite prenne prétexte de cette rectification pour faire pencher le balancier du mauvais côté…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

…qui n'est pas celui de l'équilibre.

Par ailleurs, depuis le début de la discussion, vous n'avez qu'un mot à la bouche, celui de parité. Ce mot, je le conteste formellement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et je le conteste d'abord du point de vue constitutionnel, car la Constitution ne protège pas la parité entre les groupes, elle protège l'égalité entre les citoyens. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est en raison de cet obstacle que nous avions dû, il y a quelques années, modifier la Constitution pour introduire la parité entre hommes et femmes. Cela devrait vous faire réfléchir. En effet, en raison de ce principe de parité, le dispositif que vous faites adopter aujourd'hui, monsieur le ministre, est fragile sur le plan constitutionnel. Y aura-t-il ou non un recours de la part des parlementaires ? Nous verrons. Mais il y en aura forcément un, et plus vite que vous ne le croyez, puisque désormais les citoyens peuvent demander devant les juridictions la saisine du Conseil constitutionnel, ce qu'ils ne vont pas manquer de faire. Et puisque vous ne tenez pas compte des avertissements que nous vous lançons à ce stade, je crains bien que nous ne soyons obligés de nous retrouver très vite pour corriger ce caractère anticonstitutionnel.

Cette parité, je la conteste également dans ses modalités telles que vous les mettez en place. Mme Delaunay et M. Durand l'on dit : vous parlez de parité, mais vous vous gardez bien de la mettre en oeuvre, notamment en ce qui concerne l'accord préalable du maire. Cet accord est requis pour le public, il ne l'est pas pour le privé : où est la parité ?

Cette parité, je la conteste enfin comme l'a fait M. Desallangre en me référant au préambule de la Constitution de 1946 : « L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'État.» Mais pour remplir ce devoir, on fait preuve de plus ou moins de volonté politique. Et, monsieur le ministre, je vous ai déjà interpellé, aimablement, à ce sujet : vous remplissez ce devoir d'État à géométrie variable. Si vous donniez aujourd'hui à l'éducation nationale tous les moyens dont elle a besoin pour assumer cette tâche, (« Bien sûr ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) si la lutte contre l'échec scolaire était une vraie priorité, si le combat contre la reproduction des inégalités sociales et de la ségrégation par l'institution était mené efficacement, nous pourrions baisser la garde. Mais tout ce que nous voyons va dans le sens opposé. Cela nous inquiète beaucoup et nous rend extrêmement vigilants.

Monsieur le ministre, pour faire face à ce devoir d'État, chaque responsable politique définit ses priorités. Le principe de parité va brider ceux d'entre eux qui voudraient donner la priorité à l'éducation nationale au nom de leurs convictions. Vous, vous faites l'inverse, vous favorisez l'enseignement privé. Lors de la dernière rentrée, vous avez supprimé un poste pour deux élèves dans l'enseignement public et un poste pour trois élèves dans l'enseignement privé. C'est cela que vous appelez la parité ? Il en va de même des créations de postes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

C'est la parité : une blanche vaut deux noires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Cette année, le privé, avec 3700 élèves de plus, a bénéficié de la création de 93 équivalents temps plein, soit un poste pour 39 élèves ; le public, avec 59 700 élèves de plus, a eu 160 équivalents temps plein, soit un pour 357.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

C'est parce que, dans la gestion quotidienne, vous ne mettez pas en oeuvre ce principe de parité que je conteste…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

… que nous serons vigilants. Je le répète : nous nous retrouverons tôt ou tard pour corriger le dispositif anticonstitutionnel que vous mettez en place. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Pélissard

Au commencement, ce fut une affaire d'Auvergnats. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

Quand il y en a un, ça va, c'est quand il y en a beaucoup que les problèmes commencent !...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Pélissard

Non un Auvergnat isolé, mais plusieurs maires, dont le village n'a pas d'école et qui, soucieux des fonds publics, dirent à leurs administrés : « Ne mets pas tes enfants dans une école publique voisine, car on va le facturer à notre commune, mets-les plutôt dans une école privée. ». D'autres maires, dont les communes possèdent des écoles publiques, s'aperçurent du déséquilibre de la situation que créait ce flux d'élèves vers les écoles privées. Intervint alors un dernier acteur, un sénateur auvergnat lui aussi, que je connais bien, et qu'on ne peut pas suspecter de cléricalisme aigu, mais qui est un vrai porteur, au sens noble, de la valeur de laïcité, valeur de la République. Il rédigea un amendement qui devint l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Sa réaction aboutit à un texte un peu maximaliste et à toute une série de difficultés.

Très rapidement, dans tous les départements de France, les associations de gestion des établissements privés se mirent à adresser aux maires des demandes de prise en charge, voire directement des factures, pour des élèves qui fréquentaient leurs établissements, contournant ainsi le nécessaire filtrage par le préfet. Très vite également, l'Association des maires de France alerta les ministres de l'éducation nationale et de l'intérieur. Sous l'égide de ce dernier et du directeur de cabinet, M. Guéant à l'époque, nous avons entamé une négociation et, le 16 mai 2006, nous sommes parvenus à un accord équilibré. Celui-ci a ensuite été repris dans une instruction du ministre de l'intérieur aux préfets.

Je résume cet accord. Une commune qui n'a pas d'école publique verse une participation pour la scolarisation d'un enfant dans une école publique voisine, en application de la loi Chevènement du 21 janvier 1985 ; en application de l'amendement Charasse, si elle a des enfants scolarisés en vertu du libre choix des parents, elle doit verser une participation également à l'école privée. Dans le cas d'une commune sans école publique sur son territoire, il y a donc parité ou égalité, peu m'importe le terme, en tout cas approche équilibrée entre le public et le privé. Prenons maintenant le cas d'une commune qui a une école publique sur son territoire. Vous le savez, monsieur le ministre, les maires se passionnent pour leurs écoles, investissent, les équipent désormais en informatique, construisent même des logements sociaux pour y faire venir des enfants. Dans la proposition de M. Carle, traduisant le protocole d'accord du 16 mai 2006, ces communes n'ont pas à payer pour les enfants scolarisés dans une école publique d'une autre commune, sauf dans les trois cas prévus par l'article L. 212.8 du code de l'éducation nationale, et – c'est là une grande avancée que je souligne à l'intention de nos collègues de gauche – elles ne payent pas non plus pour la scolarisation d'enfants dans une école privée d'une autre commune, sauf dans les mêmes cas d'exception. C'est une approche équilibrée qui permet de soutenir cette proposition.

L'AMF a indiqué à plusieurs reprises que ce texte était nécessaire et correspondait à son attente. Son bureau comporte 36 membres : 18 de droite et 18 de gauche. Nous nous efforçons de dégager des consensus et des convergences en son sein. Ce texte a été passé au crible et le bureau de l'AMF, dans sa diversité, a donné son accord sur l'équilibre qu'il instaure.

Ce texte, dis-je, était nécessaire. Il y a bien eu des instructions ministérielles aux préfets, différentes circulaires. Mais on ne peut modifier une loi par circulaire. L'accord du 16 mai 2006 restait en quelque sorte dans l'apesanteur juridique. Pour modifier l'article 89 de la loi du 13 août 2004, il fallait une disposition législative. Nous l'avons dit à votre prédécesseur à plusieurs reprises. Finalement, nous avons bénéficié du « concours » du tribunal administratif de Dijon qui, le 28 février 2008, a décidé qu'une circulaire ne pouvait entraver l'application de la loi et a donc imposé à la commune de Semur-en-Brionnais de participer aux frais de scolarisation d'un enfant dans une école privée de la commune de Marcigny. Ce jugement a inspiré à M. Carle sa proposition de loi, que le Sénat a votée le 10 décembre 2008 à l'unanimité avec l'abstention du seul groupe communiste.

Ce texte apporte une solution équilibrée qui met fin à une phase de contentieux. Sachez que cet été, j'ai reçu cinq recours contre la ville de Bron émanant d'associations de gestion d'établissements privés. Par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 19 juillet 2009, ces recours ont été rejetés pour défaut d'urgence. Mais tous les maires sont exposés à ce risque de contentieux et il fallait absolument sortir de cette situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

Il suffit de voter l'article 3, à l'exclusion des autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Pélissard

La proposition respecte également le principe fondateur du libre choix des parents de scolariser leurs enfants dans le public ou le privé. C'est donc un principe d'équité, d'égalité de traitement s'agissant des dépenses de fonctionnement, tandis que, bien entendu, les dépenses d'investissement sont à la charge des communes pour les seules écoles publiques.

Ce texte de compromis et d'équilibre permet de résoudre une série de difficultés et d'apaiser les inquiétudes des maires en cette période de rentrée scolaire. Ils l'attendaient et je vous demande de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Odile Bouillé

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat est profondément politique car il s'agit de légiférer sur les liens historiques et, j'oserai dire, organiques qui unissent la commune et l'école.

Ces liens sont en permanence menacés par des attaques répétées de groupes d'intérêt communautaristes ou adeptes de la privatisation de l'école, qui veulent mettre en concurrence l'enseignement public et l'enseignement privé. Disons-le d'entrée de jeu sans ambiguïté : nous refusons cette logique marchande de l'éducation.

En effet, elle aurait pour conséquence l'effacement de la spécificité de l'enseignement public, et nous risquerions de voir s'instaurer la décentralisation de l'éducation au niveau des régions et l'accroissement des inégalités entre les enfants. Le comble serait atteint si l'État se faisait le complice de cette logique et que la loi favorisait clairement le financement des écoles privées. À ce titre, le récent décret concernant l'accord relatif aux diplômes universitaires signé entre le Vatican et l'État français est un coup bas de plus contre l'enseignement public.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Odile Bouillé

Quant à l'enseignement privé – rappelons que, dans notre pays, il est quasi exclusivement catholique –, une étude européenne a révélé, il y a quelques années, que c'était en France que son financement était le mieux assuré.

Or l'article 89 de la loi de 2004 est l'une des raisons, parmi d'autres, de cet enrichissement. Cela explique sans doute la colère de certaines autorités catholiques à l'idée de voir cet article abrogé.

Pourtant, non : privé et public ne sont pas la même chose. Les publics accueillis ne sont pas les mêmes et les valeurs ne sont pas les mêmes. Certes, le choix de mettre son enfant dans une école privée revient aux parents, mais il n'est en aucun cas acceptable qu'il en résulte une obligation de financement pour une commune. Ce serait ni plus ni moins que la négation du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales.

Ce serait aussi bafouer le principe de l'égalité des citoyens. En effet, l'élève de l'école publique qui souhaite s'inscrire dans une école publique située dans une autre commune que celle où il réside doit obtenir l'accord de cette dernière alors que l'élève d'une école privée n'a nul besoin de cet accord préalable : quelle iniquité ! L'article 89 a donc créé une situation de concurrence déloyale entre le public et le privé, au profit de ce dernier. En effet, si la loi Carle nous propose un habillage de l'obligation de financement en la restreignant à quatre cas, elle ne prévoit pas d'accord préalable de la commune de résidence.

Nous ne voulons pas de ces aménagements à la marge qui ne règlent en rien les différences de traitement que l'État continue d'opérer au profit de l'école privée. Ce que nous voulons, c'est l'abrogation pure et simple de l'article 89 ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Il va nous parler de laïcité : on en rigole d'avance !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le but de l'école n'est pas l'école. Ce sont les élèves, leur formation, leur épanouissement. C'est la nation, son avenir et son adaptation aux évolutions du monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

L'école n'est qu'un moyen que nous devons rendre plus propre à atteindre ces deux objectifs.

Comme le disait Deng Xiaoping : « Peu importe qu'un chat soit noir ou gris s'il attrape les souris. » Dès lors qu'un établissement scolaire remplit sa fonction, qu'il soit public ou privé a peu d'importance. Le caractère propre est un choix des consciences. La qualité pédagogique est l'essentiel pour le service public auquel, je vous le rappelle, l'enseignement privé sous contrat est associé. Je suis d'ailleurs totalement d'accord avec les propos de M. Durand à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Seulement à ce sujet ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Les programmes et le niveau de formation des maîtres sont désormais les mêmes. Mais, par le passé, lors de la scolarisation des générations du baby-boom, l'État a bénéficié des qualités pédagogiques acquises par la pratique des maîtres du privé, mal rémunérés et, aujourd'hui encore, victimes de la disparité des retraites.

Liberté et égalité, les deux premiers principes de la République ne sont qu'imparfaitement réalisés à l'école.

La liberté de l'enseignement a pourtant été reconnue par le Conseil constitutionnel, le 23 novembre 1977, et si la liberté est un droit, c'est aussi un atout. Les parents sont le mieux à même de choisir l'école qui convient à leurs enfants, tout comme une école libre de choisir sa ligne pédagogique sera plus capable qu'une autre de s'adapter au terrain. Mais cette liberté est niée dans les faits par la toise absurde des 20 % qui, j'insiste sur ce point, empêchera à coup sûr que se produise l'exode vers l'école privée dont certains parlaient tout à l'heure. Elle est également niée par l'étrange contradiction entre les lois Falloux, Goblet et Astier, source d'inégalités pour les écoles et les familles en matière d'investissement. Enfin, elle est remise en cause par les limites de la prise en charge des élèves scolarisés en dehors de leur commune de résidence.

Cette liberté est aussi insuffisante dans l'enseignement public, qui devrait bénéficier de plus d'autonomie pour les établissements, de la généralisation et du renforcement du chef d'établissement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Si l'enseignement privé est surtout privé de moyens, l'enseignement public a besoin de liberté et d'autorité. L'excellente idée d'un chèque-éducation pourrait rendre réelle une liberté aujourd'hui virtuelle. (« Et voilà ! Nous y sommes ! » sur les bancs du groupe SRC)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Chaque famille, munie de ce chèque, choisirait son école, qui disposerait des deniers publics en proportion des inscrits. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

M. Vanneste ose dire tout haut ce que la droite pense tout bas.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Cette méthode idéale se heurte à des réalités : le maintien nécessaire de l'équilibre des emplois et des investissements, et la difficulté d'harmoniser les interventions des collectivités, entre elles, et avec les voeux des parents. Cette tâche serait facilitée si une seule collectivité, la région par exemple, avait seule compétence en matière de formation.

Mais, pour l'heure, nous en sommes à chercher un équilibre légitime, non entre le public et le privé, mais entre la liberté d'enseignement et les intérêts de la gestion communale.

Avant l'amendement Charasse, un élève scolarisé dans le privé hors de sa commune de résidence, ne pouvait exiger le soutien financier de celle-ci. Cette commune pouvait à la fois contrarier le libre choix de l'école et en tirer avantage ; elle pouvait percevoir l'impôt sans rendre le service ! L'enseignement privé est souvent une bonne affaire pour les deniers publics : un élève du privé pèse davantage dans le budget des familles et moins sur les finances publiques. Ces dernières ignorent la majorité des investissements de l'école privée, d'ailleurs étrangement moins lourds pour le même service.

La démarche du sénateur Charasse était donc rationnelle : il souhaitait mettre un terme à l'abus d'un certain nombre de maires de communes de résidence qui incitaient les familles à envoyer leurs enfants à l'école privée de la commune voisine pour éviter le paiement de la participation.

Pourtant une réticence illégitime, mais compréhensible, a perduré après le vote de l'article 89 de la loi de 2004 et nous conduit au compromis d'aujourd'hui. Celui-ci acte la prévalence de l'intérêt communal sur la liberté de choix puisque celle-ci est limitée. Si le plafonnement au coût d'un élève scolarisé dans le public, activités périscolaires non comprises, paraît justifié, la capacité d'accueil demeure, en revanche, un obstacle à la liberté de choix, puisqu'elle fonde l'accord du maire. En 1985, le Conseil constitutionnel avait pourtant rappelé qu'il n'appartenait pas aux collectivités de s'opposer au libre choix de l'école. Le petit nombre des contentieux, et une interprétation large des motifs de dérogation, professionnels, familiaux et médicaux, doivent cependant nous rendre confiants.

Ce texte est un compromis entre deux thèses : celle de la liberté de choix de l'école et celle de la prévalence de l'intérêt communal. Les arguments en faveur de cette dernière sont parfois mauvais – c'est le cas de la libre administration des collectivités publiques – et parfois bons. Je pense au risque de ghettoïsation ou à la question de la surcapacité des moyens, cités par Pierre Cardo. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cette proposition de loi voit donc le principe de la liberté amendé par le réalisme.

L'égalité est un autre principe essentiel qui continuera à être négligé. Dans le meilleur cas, les parents qui optent pour le privé ne pourront le faire que dans la limite des 20 % octroyés, et dans des locaux dont l'investissement sera à leur charge, y compris pour les dépenses que la loi rend obligatoires, comme celles relatives à l'accès aux handicapés.

Nous sommes donc très loin de la parité, mais aussi très loin de la guerre scolaire parfois évoquée par certains avec une évidente nostalgie. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Mais je remarque qu'ils sont, Dieu merci, de moins en moins nombreux.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

M. Vanneste veut sauver la France au nom du Sacré-Coeur !

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons est à la fois technique et profondément symbolique. Permettez-moi de m'attarder sur ces deux aspects.

En 2004, le sénateur Charasse avait déposé un amendement dont l'intention initiale était d'éviter que les maires de certaines communes rurales n'encouragent les enfants d'âge scolaire à fréquenter les écoles privées des communes avoisinantes pour lesquelles ils ne payaient pas de contribution. L'application, que je qualifierais d'abusive, de cette disposition aboutit à l'inverse à rendre obligatoire une ancienne possibilité de contribution au financement des écoles privées, hors du territoire de la commune, précédemment fixée par voie conventionnelle.

Selon ceux qui défendent cette proposition de loi, elle vise à mettre fin à un flou juridique né de cette interprétation de l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Les promoteurs du texte proclament même qu'avec lui il sera mis un terme à une inégalité de traitement entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat d'association.

Cela est malheureusement faux, et ce texte porte en lui deux écueils majeurs. Tout d'abord, si elle réduit le déséquilibre né de la loi du 13 août 2004, cette proposition de loi est loin d'y remédier. Ensuite, un second écueil réside précisément dans le fait que ce texte sanctuarise ces inégalités.

Par ailleurs, je me permets d'évoquer à cette tribune d'autres déséquilibres entre le public et le privé sous contrat. Les établissements publics et privés sous contrat d'association remplissent des missions de service public : c'est un fait. Je note néanmoins que les premiers sont les seuls à le proposer gratuitement, et cela, depuis les lois Ferry. Je note également que seuls les établissements privés pratiquent la sélection des élèves.

Entre une école gratuite et une autre payante ; entre une école de toutes les filles et tous les fils de la République, et une école de certains, devrait-il y avoir un traitement identique de la part des pouvoirs publics ? Je ne le pense pas. Devrait-on faire courir à notre école publique une course à handicap ? Au contraire, il me semble qu'elle devrait être privilégiée.

Finalement, ces éléments pourraient, à eux seuls, justifier que l'obligation de financement par les communes de résidence ne s'applique que pour les établissements publics.

Si les modalités de ce texte sont techniques – et rendues plus complexes encore si l'on y ajoute les EPCI des regroupements pédagogiques intercommunaux et le mécanisme de calcul des contributions –, ses implications sont, quant à elles, éminemment symboliques.

Imaginez, chers collègues, un village rural français dont l'école vient d'être fermée en raison du manque d'élèves et, comme c'est souvent le cas, du désengagement de l'État. Voici que cette commune se trouverait dans l'obligation de financer l'école privée qui, de surcroît, se trouve dans du village voisin ! C'est la triple peine !

Il ne s'agit pas de remettre en cause la liberté d'enseignement – comme vous, j'y suis attachée –, mais nous devons nous interroger sur les orientations que nous voulons donner au service public français de l'éducation.

« Il ne faut pas rallumer la guerre scolaire », nous disent les initiateurs du texte, et je souscris à leurs propos. Dans ce but, évitons donc les réformes qui soufflent sur ces braises. Une solution simple et vraiment équilibrée serait de supprimer purement et simplement l'article 89 afin de revenir à la situation antérieure à la loi d'août 2004 et de ne pas remettre en cause le principe de libre administration des collectivités locales.

Par ailleurs, les débats parlementaires m'ont permis de noter l'absence d'un terme devenu tabou. Dans les textes, dans les rapports, dans les argumentaires, il n'est jamais fait mention de la laïcité. Si la « laïcité positive » consiste à occulter la laïcité, il faudrait songer à changer cette épithète.

L'article 1er de notre Constitution ne proclame-t-il pas : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » ? Pour les radicaux de gauche, cette proposition de loi constitue la dernière attaque contre le principe de laïcité.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

Elle fait suite à la reconnaissance, en catimini, de l'équivalence des diplômes délivrés par les établissements d'enseignement supérieur catholique et – je n'y reviens pas – au dramatique discours de Latran. Je le qualifie de dramatique tant il est une insulte à la laïcité, car, pour nous, l'instituteur remplace avantageusement le curé dans la transmission du savoir et dans l'éducation citoyenne de nos enfants. (Très bien ! sur les bancs du groupe SRC.)

Or l'on constate que petit à petit, loi après loi, le Gouvernement déconstruit et saccage notre bel édifice républicain, au mépris de nos valeurs, au mépris de l'histoire et des luttes qui ont permis son édification.

Sous des vernis techniciens, cette proposition de loi nous montre, s'il le fallait, qu'aujourd'hui encore, la République reste à construire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

Au nom de cette conception de la République, laïque et sociale, solidaire et humaniste, nous demandons l'abrogation de l'article 89 de la loi du 13 août 2004 et le retrait des autres articles de cette proposition de loi. Pour toutes ces raisons, les députés radicaux de gauche et apparentés voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, La proposition de loi que nous examinons poursuit un double objectif. Il s'agit de reconnaître, de fait, une mission de service public aux écoles privées, qui n'ont pourtant pas les mêmes obligations que les écoles publiques, et de contraindre les communes à financer des écoles privées situées en dehors de leur territoire.

Ainsi, cette proposition de loi, si elle devait être adoptée, poserait deux problèmes majeurs. Elle instaurerait un libre marché scolaire au détriment de l'enseignement public laïc auquel nous sommes nombreux à être attachés, et elle remettrait en cause la libre administration des communes en n'offrant pas au maire la possibilité de refuser préalablement un accord de financement.

Depuis son adoption, l'article 89 de la loi du 13 août 2004 n'a cessé de faire débat. En effet, jamais les communes n'ont pu mesurer les limites de son champ d'application et donc l'étendue précise de leurs nouvelles obligations. L'abrogation de l'article 89 était et demeure nécessaire, et nous aurions dû nous en tenir là. Il nous est au contraire proposé de définir des critères permettant de légitimer l'accueil des enfants dans une école privée hors de leur commune de résidence et de rendre obligatoire la participation de celle-ci au financement de leur scolarité. Les conditions liées aux obligations professionnelles des parents ou les raisons médicales évoquées dans cette proposition de loi sont des critères sujets à interprétations, quand ils ne sont pas contestables. Je suis prête à le parier : tous ces critères seront, pour certains parents demandeurs, la source d'arguments abusifs ou erronés.

Il est utile de rappeler que l'école publique est et doit rester celle de tous les citoyens. Elle, et elle seule, assume toutes les contraintes de service public :…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

…à savoir la laïcité, qui est un fondement essentiel de la République, l'obligation d'accueillir tous les élèves sans conditions morales, philosophiques ou religieuses, ainsi que le principe de gratuité qui, aujourd'hui peut-être plus que jamais, est pour toutes les familles la garantie d'un égal accès à l'école.

Au contraire, la proposition de loi aggravera le dualisme scolaire, en donnant des moyens supplémentaires à l'enseignement privé dont ne dispose plus l'enseignement public, soumis qu'il est à des contraintes budgétaires dont nous pourrons évaluer la portée lors de l'examen, dans quelques semaines, du projet de loi de finances pour 2010.

Nous devons rester vigilants et maintenir un lien fort entre l'État, les élus d'une commune et ses habitants. Moi-même élue d'une petite commune, Balzac, en Charente, je peux témoigner de la volonté de tous mes collègues élus municipaux, à la fois de maintenir une école dans leur commune et de s'inscrire dans une démarche de regroupement pédagogique intercommunal, afin d'éviter à nos enfants l'exode scolaire vers le chef-lieu de canton ou vers les villes. Or cette proposition de loi entraînera des dépenses d'éducation supplémentaires pour les communes : les banlieues doivent-elles payer pour les villes et les petites communes pour les petites villes ? À l'heure où les finances publiques locales sont exsangues, il paraît peu judicieux de les grever de charges supplémentaires qui auraient pour conséquence d'alourdir, à terme, la fiscalité des ménages.

Ainsi, faciliter la scolarisation des enfants dans des établissements privés hors de la commune de résidence provoquerait l'éclatement scolaire, social et communautaire.

Nous sommes nombreux ici à plaider pour un renforcement des politiques tendant à promouvoir la mixité sociale : ne nous amusons pas à séparer nos enfants dès l'école primaire mais évertuons-nous, au contraire, à renforcer le lien entre l'ensemble de la jeunesse et la collectivité, seule garante de l'intérêt général.

Enfin, cette proposition de loi créera, pour toutes les communes, de nouvelles obligations au profit de l'ensemble des écoles privées implantées dans les communes environnantes. Or les communes concernées n'auront pas donné leur accord pour le contrat passé entre d'autres communes, les écoles privées situées sur le territoire de celles-ci et l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Pélissard

Si la commune a une école publique, elle ne paiera pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

La libre administration des communes, inscrite dans la Constitution, est, de ce fait, remise en cause. C'est le maire, de par la loi, ne l'oublions pas, qui procède à l'inscription des élèves à l'école publique de sa commune et non le directeur de l'école, comme cela se pratique fréquemment. Le maire n'aura donc plus le choix que de se soumettre à la volonté des familles, en vue de satisfaire des intérêts particuliers. Il est indispensable, je le répète, d'abroger l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Quant à l'article 1er de la présente proposition de loi, il me paraît inutile et dangereux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Pas nécessairement : il ne faut pas désespérer.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte aurait pu aller au bout de sa logique : tel n'est pas le cas.

Il est vrai que les textes précédents sont loin de résoudre tous les problèmes, notamment lorsque des maires, pour diverses raisons, refusent systématiquement de régler les frais de scolarité des enfants inscrits dans des écoles privées extérieures à la commune, alors que celle-ci n'a pas la possibilité de les accueillir. C'est sans aucun doute intolérable. Faut-il pour autant voter la proposition de loi telle qu'elle est rédigée ?

Avant de répondre à cette question, nous devons, à mon avis, nous interroger sur la situation actuelle des établissements situés non seulement en milieu rural, mais également dans les banlieues les plus en difficulté.

Je tiens tout d'abord à souligner le fait qu'il n'est pas logique que le maire ne puisse pas donner son avis dans tous les cas de figure, notamment en cas d'inscription d'un enfant dans le privé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

J'ai décidé de ne participer à aucun bal, que ce soit celui des idéologues ou celui des faux culs ! Je dis ce que je pense sur des sujets qui me paraissent importants à la fois pour l'avenir de l'école et pour celui de la République, qui se trouve, à mon avis, en grande difficulté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Nous sommes des idéologues, pas des faux culs !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Laissez M. Cardo s'exprimer.

Poursuivez, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Si je me contente de rappeler des problèmes déjà existants dans le cadre des textes actuels, est-ce une raison pour que la proposition de loi ne soit pas l'occasion de les résoudre ? Si on doit voter une loi, autant qu'elle soit intelligente !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que lorsqu'une commune ne peut pas accueillir les enfants, elle doit participer aux frais d'inscription dans des établissements, publics ou privés, situés à l'extérieur de son territoire. Il n'en est pas moins vrai que les dérogations posent de vrais problèmes. Pour être, depuis vingt-six ans, maire d'une commune de banlieue, dans le collège de laquelle j'ai scolarisé mes propres enfants, je peux vous assurer qu'en raison des textes déjà existants le taux des dérogations atteint 60 %. C'est pourquoi je ne saurais être favorable à un texte qui ne prévoit pas les garde-fous nécessaires – ce qu'il aurait dû faire.

Au contraire, en prévoyant qu'on puisse se passer de l'accord du maire et en rendant, pour la commune, la dépense obligatoire, la logique du texte va trop loin !

En ce qui concerne toujours les dérogations,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

…n'oublions pas que, pour diverses raisons, un grand nombre d'élèves sont d'ores et déjà dispensés de la pratique du sport ou d'autres activités. Pensez-vous que nous serons d'accord avec des médecins qui, refusant la mixité dans le cadre, notamment, de certaines activités sportives, accepteront de fournir en ce sens des dispenses aux élèves qui le leur demanderont ? Alors que nous nous sommes battus pour l'école laïque, autoriserons-nous de tels dérapages ? Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres !

Une autre disposition est particulièrement dangereuse, celle qui autorise l'inscription d'un enfant dans l'établissement que fréquente son frère ou sa soeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Le fait que l'aîné d'une fratrie soit scolarisé dans une école élémentaire privée de la commune voisine permet déjà d'inscrire automatiquement dans le même établissement l'ensemble de la fratrie, mais, de surcroît, la commune d'origine sera désormais obligée de payer ! Ainsi, à partir du moment où l'aîné d'une fratrie sera inscrit dans un établissement privé, sans l'accord de la ville,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

…les autres suivront, et si l'aîné a été inscrit sans dérogation, ses frères et soeurs, eux, l'obtiendront.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

L'addition de toutes ces dispositions me conduit à penser que le maire devrait au moins être autorisé à donner son avis. Certes, il est nécessaire de prévoir des garde-fous contre les maires qui ne sont pas objectifs – ce pourrait être le préfet ou l'inspecteur d'académie. En revanche, monsieur le ministre, il serait très dangereux de laisser le texte en l'état. La situation est déjà suffisamment préoccupante, du fait que, partout, on annonce l'ouverture de la carte scolaire et que les gens y croient. Or voilà que ce texte, tel qu'il est rédigé, va accroître le flux des départs et donc le nombre de fermetures d'écoles, si bien que, comme c'est du reste déjà le cas, ce sont ceux qui n'auront pas les moyens d'inscrire leurs enfants à l'extérieur de la commune ou la possibilité de se déplacer qui resteront coincés chez nous ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Je le répète : cette proposition de loi aurait dû être l'occasion de prévoir des garde-fous permettant de pallier les conséquences des textes antérieurs et de prévenir les effets qu'elle ne manquera pas de provoquer. Tel n'est pas le cas. C'est la raison pour laquelle je ne la voterai pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Si seulement tous pouvaient suivre vos réflexions !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Monsieur Rogemont, la parole est à Mme Martine Martinel, et à elle seule.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, monsieur le rapporteur, la proposition de loi que nous examinons est un remède à un vrai problème, avec, toutefois, des effets secondaires redoutables pour l'enseignement public déjà mis à mal. Le principe de parité de la loi Debré entre enseignements public et privé, quelque jugement qu'on porte à son sujet, avait au moins le mérite de ne pas favoriser le privé au détriment du public. Depuis 2007, le Président Sarkozy et le Gouvernement favorisent l'enseignement privé de façon unilatérale. Faut-il rappeler le plan « Espoir banlieues », qui a provoqué la création d'un fonds d'intervention spécifique permettant l'ouverture en banlieue d'écoles privées là où la manne publique devrait servir massivement au financement de l'école publique, laïque, gratuite et obligatoire ?

La proposition de loi du sénateur Jean-Claude Carle, dans son intitulé comme dans sa justification, cherche, au nom de la liberté, à poser un principe de parité de traitement entre les écoles publiques et privées. Or, si nul ne remet en cause la liberté de choisir son école, il revient à l'État d'assurer sa mission républicaine d'excellence de l'enseignement public partout et pour tous.

Aujourd'hui, comme l'État se dédouane de ses engagements, les écoles publiques sont fermées dans les communes rurales et on altère méthodiquement les moyens les plus efficaces pour former les enfants et les enseignants. Alors que chacun connaît les défis que l'école a à affronter, les moyens donnés ne seront pas suffisants pour les relever. On ne lui permettra pas, en tout cas, de le faire, en proposant des aménagements censés répondre à un problème d'insécurité juridique, moins important qu'on ne le prétend, ni en laissant la collectivité payer pour des choix qu'elle n'a pas tranchés.

Cette proposition de loi renforce le risque, déjà évoqué sur tous les bancs, d'une aggravation de l'hémorragie scolaire, provoquée par l'abandon de la carte scolaire. En effet, de nombreux maires, en raison de la réputation des établissements situés sur le territoire de leur commune ou des préjugés qui y sont attachés, voient leur population multiplier les dérogations plus ou moins fantaisistes en vue d'inscrire leurs enfants dans l'établissement d'une autre commune. Ce phénomène est grave car il a des effets dévastateurs : la relégation de la pauvreté dans certaines communes qui en supportent la charge, la diminution de la mixité scolaire et, en prime, la prise en charge, par la commune victime de cette évasion, d'une partie de son coût.

Même si les auteurs de cette proposition de loi veulent, de façon louable, lever l'ambiguïté de l'article 89 de la loi du 13 août 2004, les conséquences de ce texte interdiront toute solution satisfaisante.

De plus, il y a quelque tartuferie à prôner un enseignement de qualité pour tous et à présenter, comme M. Martin Hirsch lors de son audition devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation, la lutte contre l'échec scolaire comme une priorité, quand, dans le même temps, on fait adopter un lundi, en toute discrétion, une proposition de loi qui s'inscrit dans un mouvement de fond en transférant une mission publique au privé, au risque, comme l'a souligné M. Cardo dans le rapport, d'encourager l'évasion scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, il ne s'agit pas, pour reprendre vos propres mots, d'une pétition de principe. Il ne s'agit pas non plus de ranimer la guerre scolaire ou de participer à un quelconque bal des faux culs – je cite M. Cardo. Il s'agit de refuser un texte qui met à mal l'égalité devant l'école, principe auquel les républicains que nous sommes tous sont attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Les faux culs sont ceux qui ne scolarisent jamais leurs enfants dans le public.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Pascal Deguilhem, dernier orateur inscrit et qui sera donc un jour le premier au paradis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Nous défendons la laïcité, monsieur le président, il ne saurait être question de paradis ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion générale et, même si on l'a maintes fois rappelé, j'insiste sur le fait que notre priorité reste de mettre fin à nos désaccords sur l'interprétation de l'article 89 de la loi du 13 août 2004.

Aux risques induits par ce flou juridique, nous préférons bien entendu un cadre législatif sûr, juste et équilibré, comme l'a encore rappelé récemment l'arrêt du tribunal administratif de Dijon, qui a mis à mal l'accord conclu entre l'AMF, que vous présidez, monsieur Pélissard, et le secrétariat général de l'enseignement catholique.

Or le présent texte, qui tend à garantir la parité de financement entre les écoles publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence,...

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Tout à fait.

…est trop déséquilibré pour être juste Le dispositif proposé, adossé au principe de parité, sur lequel je reviendrai, prévoit qu'une commune aura à verser une contribution pour une classe élémentaire d'un établissement privé sous contrat dans tous les cas où elle aurait dû la verser pour une classe du service public d'enseignement.

Cependant, les modalités que vous avez retenues pour encadrer cette obligation de contribution ne sont pas tout à fait les mêmes. Et la différence est importante car, en instituant une obligation de financement sans accord préalable de la commune de résidence,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

…vous faites une nouvelle concession à l'enseignement privé par la création d'un véritable « chèque éducation », cela dit sans vouloir rallumer une quelconque guerre scolaire. M. Vanneste nous en a donné un aperçu.

Pour le service public, un accord préalable de la commune de résidence doit répondre à des critères dérogatoires définis. Pour le privé, rien de cela : on oblige, sans autorisation préalable, ces mêmes communes de résidence à prendre en charge les exigences des parents qui refusent le service public et scolarisent leurs enfants dans le privé hors de la commune. Au nom de la liberté d'enseignement, on piétine la libre administration des communes.

Jusqu'à présent, le financement des établissements privés résultait d'un contrat passé entre une école, sa commune d'implantation et l'État. Demain, si votre proposition de loi recueille une majorité de voix, pour la première fois les communes de résidence financeront, au titre de la liberté d'enseignement, la scolarité d'enfants fréquentant une école privée hors de leur territoire.

Votre texte transforme le principe de liberté d'enseignement, qui n'impliquait jusqu'alors aucun financement public, en principe d'obligation de financement contraire aux textes fondateurs de l'école de la République, de l'école de Jules Ferry, outrepassant de loin la loi Debré de 1959. Cette loi, pourtant, consacrait déjà, à mon sens, une logique discriminatoire et dispendieuse en mettant à la charge des communes les dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat implantées sur leur territoire, et elles seules.

Cela ne suffisait pas et vous voulez créer de nouvelles obligations en instituant un droit d'accès au budget municipal, en imposant à la commune de résidence le paiement de la scolarité dans une école privée d'une autre commune. De la sorte, vous instituez une relation marchande entre les usagers et la commune, relation fondée sur le principe de la liberté d'enseignement. Toutefois, M. Cardo l'a rappelé, une telle relation marchande, même parée des atours du principe de parité, est une pratique dangereuse.

En garantissant la parité, vous reconnaissez en effet de fait une mission de service public aux écoles privées, qui sont pourtant des établissements n'ayant aucune des obligations des écoles publiques : laïcité, obligation d'accueil de tous les élèves, continuité du service et gratuité pour les familles.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Voilà la réalité, une réalité dangereuse, j'insiste, car en encourageant, par ce régime de faveur, la scolarisation dans des écoles privées, vous privilégiez les choix particuliers par rapport à l'intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

C'est une insulte pour ceux qui travaillent dans les écoles privées !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Elle est dangereuse pour des secteurs où l'enseignement public est déjà fort fragilisé – dans les banlieues difficiles comme dans les territoires ruraux, et je parle en connaissance de cause.

Comme nombre de collègues maires de petites communes, je me suis efforcé, pendant plus de vingt ans, de trouver des solutions dans l'école et autour de l'école pour défendre les classes. En créant un regroupement pédagogique intercommunal, nous avons restructuré les classes, nous avons créé des garderies puis, dans la foulée, des centres de loisirs ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

…nous avons adapté les transports pour rendre le meilleur service possible aux parents, qui travaillent pour la plupart en dehors de la commune ; nous avons créé de nouveaux restaurants scolaires ; enfin, nous avons mis à la disposition de l'école publique le personnel nécessaire.

Ce n'est pas tout : chaque fois qu'une demande de dérogation nous a été faite, nous nous sommes efforcés de trouver une solution permettant la scolarisation de l'enfant au sein de l'école publique de la commune.

Oui, nous avons chaque fois bataillé pour maintenir dans nos communes l'école publique, laïque et gratuite.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Non ! Vous proposez la liberté pour les uns et des obligations pour les autres !

Vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, notre opposition à ce principe de parité qui n'en est pas un puisqu'il crée des conditions plus favorables pour les écoles privées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Au nom de la liberté, dites-vous, mais où est l'égalité et la liberté de choix pour les enfants et les parents des communes qui seront contraintes de fermer demain leur école malgré les efforts déployés, faute de moyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je vous remercie de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Le texte ne va pas dans le bon sens. Depuis plus d'un siècle, depuis la répartition proportionnelle scolaire de 1905 jusqu'à la parité public-privé que vous proposez, les députés socialistes se sont toujours opposés à ce qu'ils considéraient comme de mauvais coups portés au service public d'éducation.

À moins que vous ne repreniez plusieurs de nos amendements, nous resterons fidèles à ceux qui nous ont précédés sur ces mêmes bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

J'ai bien entendu l'appel à l'apaisement, la volonté de renoncer à la guerre scolaire ; reste, mesdames, messieurs les députés du groupe SRC, que j'ai aussi entendu de nombreuses caricatures.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Je reviens par conséquent sur le fond du texte, même si Jacques Pélissard l'a fort bien expliqué, rappelant la situation très difficile dans laquelle les communes se trouvent.

Un accord a été signé en 2006 entre l'AMF et le secrétariat général de l'enseignement catholique.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Or cet accord est juridiquement fragile ; c'est pourquoi, pour mettre un terme à cette insécurité – très bien décrite par M. Pélissard –, la proposition de loi reprend textuellement l'accord. Sans le présent dispositif, en effet, les tribunaux continueraient de condamner les communes à payer dans tous les cas et sans conditions.

Je ne partage pas du tout le point de vue de M. Deguilhem : ce n'est pas la première fois que des communes vont payer pour la scolarité d'enfants inscrits dans l'enseignement privé dans des communes voisines ; la proposition de loi vise seulement à encadrer cette réalité.

Vous craignez, monsieur Durand, l'assèchement des écoles des endroits défavorisés. Néanmoins, comme M. Pélissard l'a très bien souligné, le texte prévoit un verrou important : si une commune dispose d'une école sur son territoire, il n'y a pas d'obligation pour elle de payer.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Yves Durand entend ensuite soumettre le paiement de la contribution par la commune de résidence à l'autorisation du maire. Une telle disposition n'empêche toutefois pas l'élève d'être scolarisé dans la commune voisine.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Soyons réalistes : la proposition de loi n'empêchera pas l'assèchement que vous craignez. (Murmures sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Desallangre a évoqué l'article 40 de la Constitution. Je ne reviendrai pas sur les raisons formelles que le président de la commission des finances a avancées pour ne pas s'opposer à l'examen du présent texte. J'ajouterai, sur le fond, que cette proposition encadre les dispositions en vigueur et se révèle moins favorable à l'enseignement privé que l'interprétation qui est faite de plusieurs dispositions de l'article 89 de la loi du 13 août 2004.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Le dispositif proposé ne crée par conséquent aucune nouvelle dépense, bien au contraire.

Vous avez été nombreux à évoquer l'autorisation du maire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Il s'agit de respecter le parallélisme des formes !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Cette autorisation soulève une question constitutionnelle relevée par plusieurs députés de la majorité. Si le maire donnait son avis, il s'immiscerait dans le choix d'une famille – liberté fondamentale garantie par la Constitution –, de se tourner vers l'enseignement public ou bien vers l'enseignement privé. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Cette liberté fondamentale ne saurait par conséquent être placée sous le contrôle du maire, à moins de rendre le dispositif inconstitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Alors, pourquoi demander l'autorisation dans un cas et pas dans l'autre ?

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

MM. Lachaud et Grosperrin, entre autres, m'ont interrogé sur la question des fratries.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Ce n'est pas à l'Oréal qu'on apprend la Constitution, manifestement !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Je reviendrai sur la Constitution, monsieur Glavany. J'ignore si on l'apprend chez l'Oréal, en tout cas je ne suis pas sûr que vous interprétiez très bien les décisions du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Je ne méprise en rien ce qu'on apprend chez l'Oréal, je constate seulement que ce n'est certainement pas la Constitution !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

MM. Lachaud et Grosperrin m'ont à juste titre, disais-je, interrogé sur la question des fratries. Dans un souci de strict alignement sur les dispositions relatives au financement de la scolarisation dans le public, le texte reprend les termes de « frères et soeurs » qui figurent à l'article L. 212-8 du code de l'éducation. Cela ne signifie néanmoins pas que l'interprétation qu'en feront le pouvoir réglementaire et le juge administratif doit être restrictive.

L'objet de la loi, à savoir la prise en compte des contraintes professionnelles des adultes composant un foyer, plaide au contraire, à mes yeux, pour une acception « contemporaine » de la fratrie, englobant les demi-frères, les demi-soeurs mais aussi l'ensemble des enfants qui vivent dans un même foyer, ce que vous avez appelé, monsieur Grosperrin, les familles recomposées.

Monsieur Glavany – vous ne perdez rien pour attendre –, vous contestez la parité.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Je la conteste d'un point de vue constitutionnel !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Relisez donc les décisions du Conseil constitutionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Je les lis manifestement plus souvent que vous !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Ainsi, le vingt-septième considérant de la décision du 13 janvier 1994 précise que la parité est une condition de la liberté d'enseignement.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

C'est l'avis du Conseil constitutionnel et c'est donc avec lui que vous n'êtes pas d'accord.

Comme vous, monsieur Glavany, Mme Bouillé nous a interpellés sur le fait que chaque fois que la majorité revenait sur les équilibres atteints en matière scolaire, elle faisait pencher la balance du côté de l'enseignement privé.

Seulement, qui a adopté cette proposition de loi au Sénat ?

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Non seulement la majorité sénatoriale mais également le groupe socialiste ! Cela signifie, monsieur Glavany, que l'on peut très bien…

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

…dépasser les clivages partisans. Du reste, l'avis du bureau de l'association des maires de France, ainsi que l'a rappelé Jacques Pélissard, en témoigne : nous pouvons nous retrouver sur certaines questions à condition de laisser l'idéologie et l'esprit politicien au vestiaire.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Enfin, monsieur Glavany, vous reprochez au Gouvernement de mener une lutte à géométrie variable contre l'échec scolaire ; mais qu'est-ce donc que l'accompagnement éducatif au collège, cette réponse aux « orphelins de seize heures », ces élèves livrés à eux-mêmes entre seize et dix-huit heures, si ce n'est un moyen de lutte contre l'échec scolaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Répondez sur les suppressions de postes ! Je vais vous citer des chiffres !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Qu'est-ce que l'aide personnalisée, qui prend en charge un million d'élèves à l'école primaire, ceux qui ont le plus de difficultés dans l'apprentissage de la lecture, sinon une mesure de lutte contre l'échec scolaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Qu'est-ce que l'ouverture d'internats d'excellence accueillant les enfants de milieux défavorisés pour les accompagner dans leur réussite scolaire, si ce n'est une politique de lutte contre l'échec scolaire ?

La réforme du bac professionnel en trois ans, c'est encore clairement une réponse à l'échec scolaire.

Je ne peux donc pas vous laisser dire que le Gouvernement adopte, sur ce sujet, des positions à géométrie variable et qu'il abandonne la lutte contre l'échec scolaire, qui est au contraire au coeur de sa politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Avant de passer à l'examen des articles, je voudrais apporter un élément de réponse qui me semble de taille. Il faut en effet répondre à tous ceux qui s'arc-boutent sur l'accord initial du maire.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

On a l'impression que, s'agissant de l'école publique, on demande toujours l'accord du maire, et que, s'agissant de l'école privée, on ne le lui demande jamais. Je pense qu'il y a là une grande confusion. L'accord préalable est requis, évidemment, lorsque la commune a la capacité d'accueil suffisante, mais pas toujours. Un décret en Conseil d'État précise que la commune, même dans ce cas, est tenue de participer financièrement à la scolarisation d'enfants résidant sur son territoire lorsque leur inscription dans une autre commune est justifiée par des motifs tirés des contraintes que nous avons déjà suffisamment entendues : les obligations professionnelles, l'inscription d'un frère ou d'une soeur, les raisons médicales. Tout cela est précisé en détail dans l'article R. 212-21 du code de l'éducation. Pour l'école publique, dans ce cas-là, on ne demande pas l'accord du maire. C'est de droit. Et la commune doit participer au financement des frais de scolarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Qui juge de la recevabilité de la demande, monsieur le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Michel Ménard, inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

J'ai bien entendu notre collègue Pélissard rappeler que l'Association des maires de France s'était dite favorable à la proposition de loi. Je crois néanmoins qu'un certain nombre de maires qui sont membres du conseil d'administration de cette association ont raisonné en se disant que ce texte n'était pas très bon, mais qu'il en remplacerait un encore plus mauvais.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

Oui, « c'est moins pire : donc prenons toujours ça, cela nous évitera quelques déconvenues ». Cela ne veut pas dire que ce texte satisfasse une grande partie des maires.

L'article 1er pose plusieurs problèmes. Vous dites qu'il garantit la parité. En fait, il ne la garantit pas. D'un côté, des dépenses obligatoires sont imposées au maire dans le cadre de la scolarisation dans l'enseignement privé. De l'autre, quand l'élève est scolarisé dans le public, l'accord du maire est nécessaire. Ce n'est pas la parité qui est mise en avant. L'enseignement privé est favorisé.

Autre problème, les conditions restrictives qui sont indiquées dans cet article : obligations professionnelles, fratrie, raisons médicales. Il me semble que cette rédaction est très imprécise. Elle peut largement ouvrir les possibilités d'inscription d'un enfant dans une école d'une autre commune, et en l'occurrence dans une école privée. Cette disposition prêtera d'ailleurs certainement à contentieux.

Troisièmement, cette proposition de loi réduit les pouvoirs du maire, allant ainsi dans le sens de la mise sous tutelle des collectivités locales que l'on constate depuis plusieurs mois et qui sera encore renforcée par le texte inscrit à l'ordre du jour du Sénat au mois de décembre.

Des dépenses obligatoires sont imposées à la commune. C'est un coût supplémentaire particulièrement problématique pour les maires des petites communes, qui se battent pour maintenir leur école publique. Or on sait que, dans certaines d'entre elles, des investissements importants, des choix financiers difficiles sont nécessaires pour maintenir l'école communale. Il est regrettable de constater que ces maires vont devoir, d'un côté, continuer à investir au bénéfice de leur école publique, élément indispensable pour la vie de la commune, et, de l'autre, continuer la scolarisation dans des écoles privées, au bon vouloir des familles.

Je dois rappeler ce que disait l'Association des maires ruraux de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

Parlant de l'article 89 – mais ceci est toujours valable pour le présent texte –, elle jugeait « inacceptable que les finances communales puissent être engagées à leur insu par le choix de parents de scolariser leur enfant dans une école privée ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

Eh bien, c'est toujours vrai ! Même si vous réduisez le nombre de cas dans lesquels les maires seront obligés de financer – la proposition de loi est moins mauvaise à cet égard que l'article 89 –, c'est la même philosophie que l'on retrouve.

Cela rejoint d'ailleurs ce que nous a dit Pierre Cardo tout à l'heure. Chers collègues de la majorité, écoutez ce que dit votre collègue. C'est le témoignage d'un élu qui est confronté à l'exode scolaire.

Enfin, je voudrais dire que l'ensemble de l'opposition peut tout à fait approuver l'article 3 de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Tout d'abord, l'accord de l'AMF vise un texte qui s'imposait. L'AMF, et c'est tout à fait naturel, a défendu l'idée que cet article, mauvais en lui-même, devait être corrigé dans son application. Mais ce n'est pas parce que l'on essaie d'améliorer l'application d'un texte que, pour autant, l'on ne doit pas revenir sur le texte lui-même. Il est de la responsabilité de l'Association des maires de France de faire en sorte que les lois soient appliquées le plus justement possible, notamment eu égard aux intérêts des communes, mais il est de la responsabilité du Parlement de légiférer. Or la législation précédemment adoptée pose problème.

Il est tout à fait naturel que le libre choix des parents puisse s'exprimer, mais cela ne doit en aucun cas conduire à entamer les finances communales. Il faut rappeler que l'État prend en charge une bonne partie des dépenses liées à une école privée dès lors qu'elle est sous contrat d'association, et que, par ailleurs, les parents apportent de l'argent en plus. Cela crée déjà une distorsion entre l'enseignement public et l'enseignement privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

C'est leur choix, en effet. C'est exactement ce que je suis en train de vous dire, cher collègue. Mais il ne faudrait pas que ce choix entame, de quelque façon que ce soit, les finances communales.

Deuxième point : à défaut de respecter le principe que je viens d'énoncer, c'est le strict parallélisme des formes entre le public et le privé qui doit s'imposer.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

À partir du moment où l'on adopte un dispositif visant à financer l'accueil des élèves scolarisés à l'extérieur de la commune, je ne vois pas pourquoi on n'applique pas strictement au privé les règles en vigueur pour le public.

Enfin, il y a un fait que je veux relever ici, et qui me conduira d'ailleurs à interroger le ministre. Il se trouve que, dans mon département, l'enseignement privé est extrêmement présent. Il est d'ailleurs de qualité, je le dis très nettement. La question n'est pas là. Mais puisque l'on me parle tout le temps de la liberté de choisir entre le public et le privé, je voudrais savoir ce que fait l'État dans les communes où l'on n'ouvre pas d'école publique alors qu'elles ont, a priori, les effectifs nécessaires pour le faire. On ne peut pas à la fois être les tenants de la liberté que doivent avoir les parents de choisir, et accepter une telle situation. Je demande expressément au ministre de me répondre, de me dire ce que fait l'État pour que ce principe de libre choix soit effectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Jean Glavany, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Monsieur le ministre, dans votre réponse aux orateurs inscrits dans la discussion générale, vous avez énoncé une contrevérité flagrante. J'en suis navré, parce que j'ai beaucoup, beaucoup de respect, comme je le disais tout à l'heure – et je ne voudrais pas que vous le preniez comme une attaque personnelle –, pour l'entreprise privée dans laquelle vous avez exercé vos responsabilités. C'est un grand groupe multinational, qui fait beaucoup de bien à l'économie française (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais il se trouve que cela vous a donné plus de compétences pour aider le privé que pour aider le public.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

Ça veut dire quoi ? Qu'il faut être fonctionnaire pour être député ou ministre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Cela dit, il va falloir que vous donniez un grand coup de règle sur les doigts de vos collaborateurs, qui vont ont fait faire une énorme bourde. Il se trouve que la décision du Conseil constitutionnel de 1994, je la connais bien. Je ne suis pas un très vieux parlementaire, mais je suis suffisamment ancien pour avoir mené bataille, avec quelques-uns ici, contre l'aggravation de la loi Falloux qui était portée à l'époque par M. Bayrou. Nous n'étions pas très nombreux, je m'en souviens. Je siégeais tout là-haut. J'ai mené cette bataille jour et nuit. Le recours devant le Conseil constitutionnel, je l'ai signé. Et j'étais d'ailleurs dans les rues de Paris, le 16 janvier 1994, avec beaucoup de mes amis – un million –, pour me réjouir de sa décision. C'est vous dire si je la connais, pour l'avoir suscitée et l'avoir espérée de toutes mes forces.

Or le considérant 27, monsieur le ministre, dont vous avez dit tout à l'heure qu'il établissait le principe de parité, je l'ai ici sous les yeux. Il fait quatorze lignes. À aucun moment il ne mentionne le mot parité. Vos collaborateurs vous ont donc fait dire une grosse bêtise. Dans ce considérant, le Conseil constitutionnel affirme « que les aides allouées doivent, pour être conformes aux principes d'égalité et de liberté, obéir à des critères objectifs ». Il est bien question d'égalité ! Et cela change tout. Car si la Constitution protège l'égalité entre les citoyens, elle ne protège pas la parité. Dans la décision du Conseil constitutionnel, il n'y a pas le mot parité et vos collaborateurs n'ont pas le droit de manifester leur désapprobation.

Quoi qu'il en soit, j'ai, je le répète, la décision sous les yeux : le mot parité n'y figure pas. Alors, qu'on ne nous provoque pas ici. Je vais à l'instant même vous remettre cette décision en mains propres, monsieur le ministre. Il n'y a pas le mot parité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Monsieur Glavany, je crois que nous pouvons débattre dans l'apaisement, dans l'écoute et le respect mutuels, même si ce sont des débats passionnés et passionnants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Je suis dans le respect. À condition que l'on respecte la vérité.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Oui. Ce que je voudrais simplement vous dire, c'est que la décision du Conseil constitutionnel que j'ai évoquée tout à l'heure, le fameux considérant 24,…

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

…répondait à une critique sur la parité en évoquant l'égalité. Vous devriez être d'autant plus satisfait. C'est l'égalité qui est inscrite dans cette décision.

Quant à la parité, je rappelle que c'est l'un des points essentiels de la loi de 1959, dite loi Debré, qu'aucun des gouvernements que vous avez soutenus n'a jamais voulu remettre en question. Enfin, ils ont essayé, dans les années quatre-vingt, mais ils ont vite renoncé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 14 .

La parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Le présent amendement tend à supprimer l'article 1er, que nous considérons comme totalement à rejeter, alors que M. Reiss y voit une solution de compromis qui s'inscrit dans la philosophie de la loi Debré de 1959. Or, en créant pour les communes de nouvelles obligations au bénéfice des écoles privées implantées sur d'autres communes, la proposition va beaucoup plus loin que la loi Debré, qui n'a vocation à régir que les rapports entre les établissements d'enseignement privés et l'État. En plus d'organiser une contribution obligatoire des communes pour les écoles privées situées hors de leur territoire – avec lesquelles elles n'ont donc pas de contrat –, le texte prévoit un financement facultatif qui correspond tout bonnement à un chèque éducation. Les montants seront énormes puisqu'on estime à près d'un tiers les écoliers du privé scolarisés en dehors de leur commune de résidence.

Les députés du groupe communiste, républicain et du parti de gauche ne voient aucun motif légitime au financement par les communes de résidence ou d'accueil des écoles privées sous contrat d'association avec l'État. Nous considérons que ces fonds publics ne peuvent pas être utilisés pour donner à l'enseignement privé des moyens dont ne dispose malheureusement pas l'enseignement public, qui a toutes les contraintes de service public : laïcité, obligation d'accueil de tous les élèves, continuité du service et gratuité pour les familles.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Je ne soutiens évidemment pas l'argumentation de M. Desallangre. Comme je l'ai précisé dans mon intervention liminaire, la situation actuelle n'est satisfaisante pour personne, ni pour les maires, qui aimeraient connaître leurs obligations légales, ni pour les écoles privées, qui ignorent le montant des financements dont elles bénéficieront.

La suppression de l'article 1er n'est pas compatible avec la nécessité, aujourd'hui, de légiférer. Cet article met précisément en place le nouveau dispositif calquant les modalités de financement d'un élève inscrit dans une école privée sur celles d'un élève inscrit dans une école publique.

L'amendement a été repoussé par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Cette proposition de loi se propose de compléter l'article 89 de la loi d'août 2004 afin, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises depuis le début de la discussion, de mettre fin aux contentieux que nous connaissons aujourd'hui, en revenant à une lecture de la loi qui sera conforme au compromis qui avait été trouvé entre l'Association des maires et le secrétariat général de l'enseignement catholique, et qui permettra ainsi de limiter la participation de la commune au cas où celle-ci serait obligatoire pour un élève scolarisé dans le public.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut être que défavorable à cet amendement de suppression.

(L'amendement n° 14 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Permettez-moi un préalable sur ce passionnant débat sur les mots que nous venons d'avoir. Le mot « parité » est en effet mal utilisé puisque, étymologiquement, il concerne des pairs. Mieux vaudrait l'utiliser comme on le fait pour les genres entre personnes et non pas entre articles de loi. D'ailleurs, dans la suite du texte que M. Glavany avait en main, il est dit que l'égalité contrevient à la parité. Je crois donc que nous devrions être très sourcilleux sur ces termes, en particulier quand ils apparaissent dans le titre d'une loi.

Une autre remarque concerne la liberté de l'enseignement, qui n'est autre que la liberté d'enseigner. Cette expression n'a pas, à de multiples reprises sur d'autres bancs, été utilisée de cette manière.

J'en viens à l'amendement n° 1 , sur lequel beaucoup a déjà été dit, et je vais donner à M. Lachaud, de manière apaisée et sans passion, deux raisons de soutenir cet équilibre entre les conditions faites à l'école publique et à l'école privée. La première c'est que, s'agissant du parallélisme des formes, de l'identité des conditions, d'un côté, vous soutenez la parité, dont nous avons dit ce que nous pensons, et, de l'autre, vous la rendez bancale.

La seconde raison est celle que j'ai présentée dans la motion de rejet préalable : la suppression de l'avis rompt le lien avec la République et avec le maire qui va financer. Il est nécessaire qu'il soit requis par principe, mais aussi tout simplement pour valider les critères. Nous venons de voir qu'il pouvait être outrepassé, que ces conditions peuvent être interprétées de manière différente. Je crois que l'obligation faite au maire de valider ces critères et de donner son avis au nom de l'autorité publique, au nom de ce qu'il représente, est tout à fait indispensable.

Je dois dire que, si vous acceptiez cet amendement, avec beaucoup de volonté de conciliation nous reverrions positivement notre vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Selon l'article L. 212-8 du code de l'éducation, l'autorisation du maire n'intervient que dans le cas où il existe des capacités d'accueil dans la commune de résidence. Celle-ci peut d'ailleurs participer aux frais de fonctionnement si elle a préalablement donné son accord à l'inscription de l'enfant. Nous sommes là dans le domaine de l'école publique.

Aucun accord préalable du maire n'est nécessaire pour les dérogations liées aux obligations professionnelles des parents, aux fratries ou à des raisons médicales. L'article L. 212-8 est très clair à ce sujet. Il précise même : « À défaut d'accord entre les communes intéressées sur la répartition des dépenses, la contribution de chaque commune est fixée par le représentant de l'État dans le département après avis du conseil départemental de l'éducation nationale. »

Le ministre l'a indiqué tout à l'heure, une telle disposition serait, de mon point de vue aussi, contraire à la Constitution. Il est clairement inscrit, dans la décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 1994, « si le principe de libre administration des collectivités locales a valeur constitutionnelle, les dispositions que le législateur édicte ne sauraient conduire à ce que les conditions essentielles d'application d'une loi relative à l'exercice de la liberté de l'enseignement dépendent de décisions des collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l'ensemble du territoire ».

Les réponses sont claires et la commission a rejeté cet amendement.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Pour compléter l'avis du rapporteur, j'avoue que je m'interroge sur les conséquences qu'aurait l'adoption d'un tel amendement pour les finances d'une commune. S'il n'y avait plus d'école dans la commune, par exemple, y aurait-il obligation d'en rouvrir une pour un seul élève ?

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Cela rejoint la question de M. Rogemont tout à l'heure. Je rappelle que l'ouverture d'une classe doit correspondre à un besoin scolaire reconnu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

C'est combien d'élèves, un besoin scolaire reconnu ? Trente ? Quarante ?

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

C'est dans cet esprit que l'éducation nationale adapte sa carte scolaire aux besoins répartis sur l'ensemble du territoire.

Notre conviction, et nous en avons discuté avec le rapporteur, c'est que cet amendement entraînerait la suppression de l'obligation pour les communes de participer aux frais de scolarisation des élèves que leurs parents auraient choisi de placer dans l'enseignement privé. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas y être favorables.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Je voudrais revenir sur les propos de Mme Delaunay s'agissant de la liberté et de l'obligation de signature du maire. Faisons un parallélisme des formes avec les crèches, qu'elles soient communales ou associatives. Que je sache, dès lors que la CAF reconnaît une crèche en tant que telle, il y a participation communale sans pour autant que le maire ait à autoriser l'inscription d'un enfant dans la crèche associative privée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

Ce n'est pas la même chose, l'école est obligatoire !

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Il y a un parallélisme des formes entre ce qui dépend de la commune, ce qui est du domaine public, et ce qui est du domaine privé.

Je comprends que vous puissiez vous offusquer – c'est une vieille bataille que la liberté de l'enseignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Ce n'est pas du tout la même chose, ce que vous dites est inexact !

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Puisque cela ne vous dérange pas pour les crèches, alors qu'il y a obligation pour une commune, pourquoi cela vous dérange-t-il pour l'enseignement privé ? Allez plus loin, dites pourquoi cela vous dérange !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Aucune commune n'est obligée de payer une crèche. Vous racontez des sottises !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Je remercie M. Lachaud de son intervention, qui a dévoilé la volonté profonde qui se cache derrière ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

C'est exactement ce qu'il faut faire si l'on veut rallumer la guerre scolaire.

Je voudrais revenir sur votre réponse dans la discussion générale, monsieur le ministre, pour m'étonner que vous opposiez l'obligation de payer pour la scolarité d'un élève et l'accord du maire – que nous voulons nécessaire pour les élèves du privé comme pour les élèves du public – au libre choix des familles. Je trouve que cette réflexion est extraordinairement dangereuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Vous proposez, pour les uns, la liberté sans accord du maire et, pour les autres, la nécessité, quoi que vous en disiez parce que c'est ainsi que cela se passe, de l'avis du maire. Au fond, vous nous demandez d'accepter de payer le restaurant à ceux qui ne veulent pas aller à la cantine avec l'argent de ceux qui ne peuvent pas se le payer et qui sont obligés d'aller à la cantine. Ce n'est ni la parité ni l'égalité !

C'est pourquoi nous voulons l'accord du maire, et que nous insistons sur cet amendement qui nous paraît essentiel. Beaucoup d'entre nous l'ont fait, je l'ai développé dans mon intervention, M. Cardo l'a repris. Ce dernier n'appartient pas à notre groupe, mais il partage nos préoccupations. Comme moi, il est maire d'une commune de banlieue et il voit comment cela se passe quand il n'y a pas accord ni discussion entre les maires, quelle que soit leur couleur politique, pour qu'il y ait dans l'enseignement public une répartition à peu près convenable et républicaine des difficultés scolaires, de façon à les résoudre ensemble.

Si vous n'acceptez pas cet amendement, que vous le vouliez ou non, derrière l'idée de liberté de choix des familles, il y a en vérité le chèque scolaire, auquel s'est référé M. Vanneste tout à l'heure. Je crains qu'il ne dise tout haut ce que vous pensez tout bas.

(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 26 rectifié .

La parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Par cet amendement, nous nous élevons contre la tentative, à l'alinéa 3 de l'article 1er, de permettre le financement d'une école privée dans le cas où la commune de résidence ne disposerait pas elle-même des capacités d'accueil dans une école publique.

Ce qui apparaît logique au premier abord est en réalité fallacieux. Cette disposition omet de prévoir que la commune d'accueil puisse elle-même disposer d'une école publique aux capacités d'accueil suffisantes. Avec une telle omission, vous organisez bien le financement des écoles privées au détriment des écoles publiques. C'est d'autant plus gênant qu'une commune a toujours une école publique située soit sur son territoire, soit sur celui d'une commune voisine – je me réfère à ce que disait en 2007 le président de l'Association des maires ruraux de France.

Vous omettez de préciser que c'est la politique du Gouvernement qui organise la carence pour mieux légitimer la privatisation de l'enseignement,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

…car les capacités d'accueil sont bien définies à l'article L. 212-8 du code de l'éducation. Elles sont considérées comme suffisantes lorsque la commune de résidence dispose des locaux nécessaires mais aussi des postes d'enseignement. Et le préambule de la Constitution de 1946 prévoit bien que « l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État ».

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

La possibilité de scolariser son enfant dans une école publique est offerte à toutes les familles. Il n'y a aucun désengagement de l'État au profit de l'école privée et au détriment de l'école publique. De plus, vous balayeriez avec votre amendement la notion de RPI, qu'il faut certes préciser, mais non ignorer.

Cet amendement a été repoussé par la commission car il revient à empêcher les parents d'inscrire leurs enfants dans une école privée, même quand la commune ne dispose pas des capacités d'accueil. En réalité, il s'agit effectivement d'une rupture, mais de la parité entre le public et le privé.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Même avis défavorable.

(L'amendement n° 26 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 15 .

La parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Les alinéas 3 et 6 de la proposition de loi prévoient un dispositif qui ne prend pas en considération la possibilité que les contraintes rencontrées par les familles puissent être résolues dans une école publique de la commune d'accueil.

Pourquoi permettrait-on à un établissement privé d'exiger un financement au motif qu'il proposerait, contrairement à l'école publique de la commune de résidence, la restauration et la garde des enfants, alors même qu'un établissement public le proposerait également ?

Faut-il considérer cet oubli comme une volonté cachée de privatiser l'enseignement, en mettant en oeuvre un chèque éducation ? Ce projet correspond, à nos yeux, à une aspiration libérale d'ouvrir en grand les portes d'un marché de l'éducation, qui est estimé très haut.

Le dispositif proposé joue également sur le fait que, pour des raisons financières, certaines communes peuvent rencontrer des difficultés à proposer restauration et garde des enfants dans les écoles publiques. Si ces communes donnent plus aux écoles privées, elles auront encore moins de moyens pour proposer ces services dans leurs écoles publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Cet amendement, ici encore, est contraire à la liberté de l'enseignement, puisque cela reviendrait à obliger les parents à inscrire leur enfant dans une école publique, même s'ils se trouvent dans l'un des trois cas de dérogation prévus par la loi.

Avis défavorable de la commission.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Nous pensons que cet amendement reviendrait à mettre en cause la liberté de choix des parents. Le Gouvernement y est donc défavorable.

(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 16 .

La parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Cet amendement rédactionnel vise à préciser que la contribution de la commune de résidence ne revêt un caractère obligatoire que lorsque aucun des critères de restauration et de garde des enfants n'est satisfait par l'une de ses écoles publiques.

Si vous adoptez cet amendement, le financement ne pourra donc être revendiqué si une école publique de la commune de résidence propose l'un de ces deux services.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Nous nous trouvons dans le domaine réglementaire. Cela figure déjà dans l'article R. 212-21.

Avis défavorable de la commission.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Même avis.

(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi de trois amendements, nos 17 , 5 et 2 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour défendre l'amendement n° 17 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Il nous semble nécessaire que l'école privée démontre qu'elle répond à la contrainte invoquée pour la scolarisation hors de la commune de résidence en ce qui concerne la restauration et la garde des enfants.

Il ne serait pas envisageable d'exiger des garanties de la part des écoles publiques sans exiger les mêmes garanties de la part des écoles privées.

Notre amendement vise donc à compléter l'alinéa 4 de l'article 1er par les mots : « et que l'école privée d'accueil les assure ; »

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Pierre Cardo, pour soutenir l'amendement n° 5 .

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Une dérogation est accordée lorsque certaines prestations – restauration ou garde d'enfants – ne sont pas offertes par l'établissement public de la commune de résidence, car on peut comprendre qu'elles soient indispensables aux parents. Encore faut-il qu'ils puissent trouver au moins dans la commune d'accueil – car ce sont souvent les communes et non les établissements qui assurent par exemple la restauration – la prestation qui justifie la demande de dérogation et l'éventuel accord du maire. À défaut, cette demande ne serait évidemment pas justifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir l'amendement n ° 2 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Cet amendement est presque une évidence.

Soit les intentions des rédacteurs de cette proposition de loi sont honnêtes et claires, et vous accepterez volontiers ces amendements, car il s'agit d'un oubli. Il est bien évident que la dérogation ne peut être acceptée que si l'établissement d'accueil fournit ce qui manque dans la commune de résidence.

Soit il existe une imprécision qui permet d'élargir les dérogations.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Je pense que ces amendements manquent leur cible.

L'idée de rapprocher le lieu de travail des parents et le lieu de scolarisation des enfants doit justement permettre de surmonter l'absence d'un service de restauration ou de garde dans la commune de résidence. Si le choix de l'école privée est fait par la famille en raison de l'absence de ce service, il me semble évident qu'elle ne mettra pas l'enfant dans une école où ce service est inexistant.

Plusieurs députés du groupe SRC. Il faut le préciser !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Aujourd'hui, le dispositif a fonctionné pour l'école publique. Il s'agit de l'article R. 212-31. Je ne vois donc pas pourquoi il ne fonctionnerait pas demain pour l'école privée.

La commission a repoussé ces amendements.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Je voudrais reprendre l'argumentation du rapporteur.

La proposition de loi reprend la même rédaction pour le privé et pour le public. Il n'y a donc aucune raison pour que, s'agissant de l'enseignement privé, la commune de résidence ne soit tenue de participer aux frais de scolarisation que si l'établissement privé assure lui-même la restauration, la garde des enfants, alors qu'une telle condition n'existe pas, comme le rappelait le rapporteur, pour les écoles publiques.

Le Gouvernement est défavorable aux trois amendements.

(L'amendement n° 17 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 18 .

La parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Je souhaite revenir sur une réflexion émanant des bancs UMP, à savoir la condition d'inscription d'un frère ou d'une soeur dans un établissement scolaire de la même commune. Cela n'a de sens que s'il s'agit du même établissement scolaire élémentaire. Il convient donc de le préciser. Sinon, dès que le grand frère est au collège ou au lycée, toute la fratrie suit et personne ne peut s'y opposer.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Dans le cadre du parallélisme des formes, l'alinéa 5 reprend strictement la rédaction du 2° de l'article L. 212-8.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Il serait donc contraire à la parité public-privé, que vous contestez, d'en restreindre le champ.

La commission est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Le texte auquel faisait référence M. Desallangre est de nature réglementaire. Nous pensons donc qu'il n'y a pas lieu de modifier la loi, comme le rapporteur vient de le préciser.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Il doit être de même nature pour le privé et pour le public. Le Gouvernement est, pour cette raison, défavorable à l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Vous ne supportez pas que la liberté des familles puisse s'imposer à la liberté politique d'une collectivité.

Plusieurs députés du groupe SRC. Nous parlons de financement !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Votre point de vue est très idéologique. Manifestement, cet amendement se heurte tout simplement à la vie quotidienne des gens. Si les parents doivent conduire un enfant dans une école et l'autre – le frère ou la soeur – dans un collège, et que vous les empêchez de choisir deux établissements qui soient à proximité, vous leur compliquez inutilement la vie pour imposer votre volonté. Le véritable débat, ici, c'est la liberté des familles et le pouvoir des maires.

Ce texte a, je crois, trouvé, un équilibre. Restons-en là !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

L'école publique, ce n'est pas la liberté publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Je ne partage pas l'opinion de M . Vanneste. Si l'on suivait ce raisonnement, il faudrait supprimer les écoles maternelles et primaires un peu isolées en milieu rural, qui ont déjà du mal à exister, car cela dérange un peu les parents d'aller déposer les enfants, d'un côté, à l'école communale et, de l'autre, au collège. Il existe des ramassages scolaires pour ces situations.

Plusieurs députés du groupe SRC. Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Ainsi que je l'ai indiqué lors de la discussion générale, ce que je n'accepte pas dans ce texte pour le privé, je ne l'accepte pas davantage pour le public.

Des incohérences ont permis d'arriver à des détournements de la loi par le biais de dérogations massives dans certains secteurs. L'idéal de cette proposition de loi aurait été qu'elle les limite. Or, non seulement ce n'est pas le cas, mais elle les accentue légèrement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Trois nouveaux orateurs se sont inscrits. À titre exceptionnel, et à condition que vous respectiez le délai de deux minutes, je vais leur donner la parole, car ce point me semble essentiel.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

En ce qui concerne les transports scolaires, le raisonnement de M. Vanneste est hypocrite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Je ne dis pas que lui-même soit hypocrite.

Vous savez parfaitement que, lorsque vous avez deux enfants de quatorze et neuf ans, l'un est dans le primaire et l'autre dans le secondaire, et qu'il y a tous les jours des transports scolaires. Vous ne conduirez pas votre grand de quatorze ou dix-sept ans au collège ou au lycée. C'est un subterfuge, un mauvais prétexte.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

On voit bien que vous ne connaissez pas certains quartiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Monsieur Vanneste, cette question de liberté est une histoire sempiternelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Il y a bien longtemps que vous ne m'agacez plus, mais là n'est pas la question.

L'essentiel est d'avoir une confrontation d'idées et de convictions. Les libertés individuelles sont toutes respectables ; sauf lorsqu'elles ont une limite : la liberté collective. La République n'a jamais cessé de fixer des limites aux libertés individuelles, lorsqu'il y a au-dessus de celles-ci les libertés collectives et l'intérêt général.

Monsieur Vanneste, à force de défendre les libertés individuelles, on arrive à des contradictions majeures. Je vais vous dire quelque chose que j'ai sur le coeur et que je n'ai jamais exprimé dans cet hémicycle. J'entends un certain nombre de parlementaires de la majorité – au nom de la liberté de conscience et parce qu'il ne faut surtout pas que les instituteurs puissent voir quelles sont les croyances de leurs élèves – dire, à juste titre, qu'il ne faut pas porter le voile à l'école. Ils ont raison, j'ai voté pour ce principe. Cependant, les mêmes parlementaires financent à tour de bras des établissements d'enseignement privés qui acceptent les jeunes filles portant le voile. À force de défendre les libertés individuelles, on arrive, monsieur Vanneste, à ce genre de contradictions, auxquelles il faut mettre aussi un terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Ce n'est pas une contradiction !

(L'amendement n° 18 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi de deux amendements, nos 19 et 6 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est àM. Jacques Desallangre, pour défendre l'amendement n° 19 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Nous traitons du financement des écoles élémentaires privées sous contrat d'association. Pourquoi alors évoquer tous les types d'établissement pour justifier le regroupement de fratries ? Nous proposons de restreindre le recours à ces dérogations, en ne rendant la contribution obligatoire que si elle correspond au regroupement des fratries dans des établissements élémentaires, et non dans n'importe quel établissement scolaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Pierre Cardo, pour défendre l'amendement n° 6 .

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Dans la mesure où une commune ne dispose ni d'un collège ni d'un lycée, il est évident que l'aîné d'une fratrie sera scolarisé à l'extérieur de la commune lorsqu'il entrera dans le secondaire – cela vaut du reste pour le privé comme pour le public –, mais il convient d'éviter qu'une famille ne se fonde sur ce motif pour faire inscrire dans la même commune l'ensemble des enfants scolarisés en maternelle ou en primaire.

En outre, il est tout à fait possible de détourner la loi, et tel est déjà le cas : il suffit de scolariser un premier enfant dans un établissement privé sans demander de dérogation. Aux termes de l'alinéa 5, la commune de résidence devra s'acquitter d'une contribution pour les autres enfants de la fratrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

L'alinéa incriminé vaut également pour le public. Or, tel qu'il est rédigé, cet alinéa est ambigu même pour le public.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Nous sommes là dans le cadre réglementaire, avec l'article R. 212-21 qui précise les conditions requises. Il appartiendra donc au pouvoir réglementaire de préciser la nature des établissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Si la scolarisation des enfants dans une autre commune est liée à celle du frère ou de la soeur, qui, elle, ne respecterait pas les termes de la loi, la participation financière de la commune de résidence me semblerait contraire au dispositif. C'est ainsi et je ne vois pas pourquoi il faudrait modifier ce dispositif dans le cadre de cette proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Avis défavorable, donc.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Le Gouvernement n'est pas favorable à ces deux amendements. Le décret que le Gouvernement prendra sera bien sûr soumis au Conseil d'État et tiendra compte de l'esprit de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

« L'esprit de la loi, je ne connais pas » disait André Damien. Que je sache, nous sommes des législateurs, et, à un moment où on parle d'hyperparlement, je m'interroge sur la latitude qui nous est laissée pour imposer notre volonté et rédiger des textes intelligibles !

Le texte actuel permet les détournements : on constate jusqu'à 60 % d'évasion scolaire dans certains secteurs. En dépit d'une réglementation prétendument claire, il va de soi qu'elle est insuffisante. C'est pourquoi j'aurais souhaité qu'avec cette proposition de loi nous rectifiions les abus, tant pour ce qui concerne le privé que le public.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

Tout à fait !

(L'amendement n° 19 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 3 .

La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Nous avons déjà eu cette discussion, mais nous souhaitons redire que la loi doit être non seulement intelligente, mais également honnête et précise. Nous voulons, dès aujourd'hui, et non demain, comme vient de le dire M. le rapporteur, éviter que l'admission d'un frère aîné dans une école, selon des critères contraires à la loi, ne puisse entraîner celle des douze frères et soeurs suivants !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

En effet, madame Delaunay, nous avons déjà eu cette discussion à propos de l'amendement précédent. Intégrer des dispositions d'ordre réglementaire dans la loi n'est pas une bonne manière de légiférer. L'inscription du premier enfant devra respecter l'une des quatre conditions préalables prévues. Il est évident que les dispositions réglementaires nécessaires à l'application du nouveau dispositif seront prises avec le même objectif, à savoir l'égalité de traitement entre le public et le privé, tout en respectant les spécificités du privé.

Avis défavorable, donc.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

L'avis du Gouvernement est également défavorable.

(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 20 .

La parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

L'amendement est défendu.

(L'amendement n° 20 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi de deux amendements, nos 21 et 7 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Il est parfaitement compréhensible que des contraintes médicales puissent obliger une famille à scolariser son enfant en dehors de sa commune de résidence. Sans être mentionnées dans la loi, les contraintes de santé sont d'ailleurs très souvent acceptées par les communes pour la délivrance de dérogations scolaires. Toutefois, telles qu'elles sont énoncées à l'alinéa 6 de l'article 1er, ces raisons médicales n'apparaissent pas suffisamment précises et vérifiables par la commune de résidence. Concernent-elles les enfants, leurs parents, leur tuteur ? Doivent-elles être valables toute l'année ou seulement pour la rentrée scolaire ? Font-elles l'objet d'une simple déclaration ou doivent-elles être justifiées par un médecin ? Que se passe-t-il l'année suivante ?

Il paraît donc indispensable d'encadrer réglementairement ces raisons médicales afin de définir précisément quels sont les pathologies ou traitements faisant l'objet d'un protocole particulier qui justifieraient qu'un enfant ne puisse être scolarisé dans sa commune de résidence.

La pathologie et la conformité du motif médical aux conditions réglementaires seraient examinées et validées par le médecin-conseil de la caisse régionale d'assurance maladie dans le respect du secret médical.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Pierre Cardo, pour soutenir l'amendement n° 7 .

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Je souhaite l'avis conforme d'un médecin scolaire, même si je suis conscient qu'il n'y a pas, hélas, de médecins scolaires dans tous les établissements.

Erreur ! Signet non défini.. Et pas partout !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Je rappelle que nous avons voté une loi contre le port du voile à l'école – loi que, pour ma part, je n'ai pas votée –, que d'autres débats sensibles ont lieu concernant l'espace public et que l'école publique est soumise à de nombreuses pressions et renvoie une image négative.

Ce n'est pas parce que les médecins sont soumis au serment d'Hippocrate qu'ils n'ont pas de convictions, politiques, religieuses, cultuelles. Imaginez qu'un jour vous ayez à faire face à des demandes de dérogation pour des raisons de régime alimentaire ou liées à la mixité, notamment s'agissant d'activités sportives – rappelez-vous le débat sur la mixité dans les piscines. Ne craignez-vous pas, non seulement d'alourdir les contraintes du public, mais également d'ouvrir la voie à des écoles privées, certes, mais très cultuelles ? Cette question mériterait, pour le moins, d'être posée.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

La commission est défavorable à ces deux amendements.

L'article L. 212-8 parle de contraintes liées à des raisons médicales. Quant à l'article R. 212-21, il apporte des précisions conformément à ce que souhaitent les auteurs des deux amendements. La commune de résidence est tenue de participer financièrement à la scolarisation d'enfants dans une autre commune dans les cas suivants : l'état de santé de l'enfant nécessitant d'après une attestation établie par un médecin scolaire ou par un médecin agréé – hospitalisations fréquentes ou soins réguliers et prolongés assurés dans la commune d'accueil et ne pouvant l'être dans la commune de résidence.

Les choses étant suffisamment claires, la commission a repoussé ces amendements.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Le Gouvernement considère qu'il n'est pas utile d'inscrire dans la loi de conditions supplémentaires, soit l'avis conforme du médecin scolaire, soit la validation par le médecin-conseil de la caisse régionale d'assurance maladie. Ces précisions n'existant pas dans le texte applicable à l'enseignement public, cela introduirait une distorsion de traitement entre le public et le privé.

Avis défavorable, donc.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Debray

On ne peut accorder de prérogatives particulières ni aux médecins conseils des caisses régionales ni aux médecins du travail. Étant moi-même médecin généraliste, je suis bien placé pour savoir que la délivrance d'un certificat est couverte par le secret médical.

(L'amendement n° 21 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 4 .

La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Dans le prolongement des propos de M. Cardo, j'indique que nous favorisons actuellement l'installation d'écoles confessionnelles dans les cités. Comme mon collègue l'a excellemment souligné, l'imprécision de la loi peut favoriser des glissements très néfastes qui ne peuvent que nous inciter à nous engager très fermement derrière le principe de laïcité.

(L'amendement n° 4 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 8 .

La parole est à M. Pierre Cardo.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

L'amendement est défendu.

(L'amendement n° 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 22 .

La parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Par cet amendement, nous entendons préserver le principe de libre administration des collectivités territoriales. Nous proposons de soumettre directement à la municipalité la demande de dérogation justifiant le financement de la scolarité d'un élève dans une école primaire privée sous contrat d'association située sur le territoire d'une autre commune, ainsi que cela est prévu pour le financement de la scolarité d'un élève dans une école publique.

Si la représentation nationale repousse cet amendement, il est évident qu'elle acceptera d'aller plus loin que la deuxième circulaire d'application de l'article 89 du 6 septembre 2007 qui prévoyait que l'accord des communes intéressées doit être recherché.

Par ailleurs, il est possible que la réalité des motifs invoqués pour justifier la demande de dérogation évolue au cours du temps, voire disparaisse. La commune de résidence peut avoir renforcé son service de garde ou de restauration, les parents peuvent avoir changé d'employeur, les frères et les soeurs peuvent avoir changé d'établissement ou quitté l'enseignement scolaire et, enfin, la situation médicale peut avoir – heureusement – évolué. Tous ces motifs sont susceptibles d'évolution ; ils doivent donc pouvoir être évalués lors de la demande initiale, puis lors de chaque rentrée scolaire. Il ne serait pas légitime que l'obligation de financement persiste alors que les motifs la justifiant ont disparu.

Nous proposons que la demande de dérogation soit transmise chaque année à la mairie de résidence afin de permettre au maire d'apprécier le bien-fondé de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

La commission a repoussé cet amendement qui a, pourtant, le mérite de poser les bonnes questions quant à la procédure à suivre. Les relations entre les communes et les établissements privés méritent d'être formalisées, en particulier la question de la périodicité de la dérogation. Dans la mesure, où ces questions relèvent du domaine réglementaire, l'avis de la commission est défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

J'ai exposé tout au long du débat les raisons – constitutionnelles, en particulier – pour lesquelles le Gouvernement n'est pas favorable à un avis du maire, qui plus est un avis annuel.

Je rappelle que, dans le public, le maire n'a pas la possibilité d'interrompre un cycle de scolarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Il ne s'agit pas d'interrompre la scolarité, mais de ne plus payer !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Il ne semble pas envisageable d'autoriser pour le privé ce qui est interdit pour le public.

(L'amendement n° 22 n'est pas adopté.)

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement de suppression de l'article, n° 23.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

L'amendement propose de supprimer l'article 2, aux termes duquel seul le préfet aurait le pouvoir de décider qu'une commune participe au financement de la scolarisation d'élèves hors de leur commune de résidence.

En effet, il nous paraît inadmissible que, d'un côté, on exige une égalité de traitement dans le financement des écoles publiques et privées, mais que, de l'autre, on permette que ces deux régimes fonctionnent différemment.

Selon le rapporteur, « parallèles, ces régimes sont néanmoins autonomes : n'est ainsi pas reprise, dans le régime applicable aux écoles privées, l'autorisation préalable du maire de la commune de résidence » – et de se justifier aussitôt : « une telle disposition serait contraire à la Constitution, car elle subordonnerait l'exercice effectif d'une liberté publique à l'accord préalable d'une autorité locale ».

Vous faites ici référence, monsieur le rapporteur, à la décision du Conseil constitutionnel du 18 janvier 1985. Mais relisons-la : elle a jugé non conforme à la Constitution le fait que la commune siège de l'école dispose du pouvoir de s'opposer à la conclusion d'un contrat d'association entre l'État et un établissement privé du premier degré. Il ne s'agit absolument pas du financement d'une école privée située hors de la commune en question.

Du reste, votre raisonnement ne tient pas puisque, pour la scolarisation dans une école publique hors de la commune de résidence – qui constitue tout autant, sinon davantage, une liberté publique –, l'accord de l'autorité locale est demandé. Par ce type d'arguments, vous cherchez à nous démontrer que l'école privée pourrait être maltraitée par certaines municipalités et qu'il faut absolument faire appel à un juge impartial en la personne du représentant de l'État. J'ajoute que la dépense sera imposée a posteriori, alors que toute dépense doit normalement résulter d'une délibération en conseil municipal.

Aux yeux des députés communistes, républicains et du parti de gauche, associé aux lacunes de l'article 1er, cet article constitue une violation du principe de libre administration des collectivités territoriales. Voilà pourquoi nous proposons de le supprimer.

(L'amendement n° 23 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n°24 .

La parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Cet amendement propose de subordonner la parité de financement entre écoles publiques et privées, que la proposition de loi vise à instaurer, au respect des valeurs républicaines.

Vous souhaitez que l'enseignement privé bénéficie des fonds publics ; assurons-nous donc qu'il respecte les mêmes obligations, notamment en matière de laïcité. Tous les établissements scolaires, publics et privés, recevant des fonds publics devraient promouvoir la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté absolue de conscience, le refus des communautarismes, l'interdiction des signes ostensibles d'appartenance religieuse, enfin la stricte égalité des sexes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Or certaines écoles confessionnelles outrepassent le respect de ces valeurs républicaines. Ces principes à valeur constitutionnelle opposables aux personnes publiques doivent pourtant être également applicables aux établissements concourant au service public ou recevant des fonds publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Cet amendement a été rejeté par la commission.

Le titre IV vise spécifiquement la laïcité de l'enseignement public ; il ne concerne donc pas l'enseignement privé, dont l'une des spécificités est précisément son caractère confessionnel.

Le député d'Alsace que je suis tient à préciser qu'en Alsace-Moselle, toujours soumise au régime concordataire, l'enseignement de la religion est obligatoire dans les écoles publiques, mais les dérogations sont faciles à obtenir sur demande des familles. Ce régime fonctionne bien, et cela montre que la laïcité peut se décliner de plusieurs manières. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Son caractère religieux n'empêche toutefois pas l'enseignement privé sous contrat d'être tenu à plusieurs obligations, s'agissant en particulier du recrutement des élèves. Ainsi, aucune discrimination fondée sur la religion n'est bien entendu admise, et les établissements privés accueillent souvent des élèves de toutes les confessions.

Avis défavorable. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Monsieur Desallangre, je vous rappelle que l'enseignement privé contribue au service public de l'éducation nationale. En outre, l'adoption de cet amendement aboutirait en quelque sorte à nier la spécificité des établissements privés, spécificité que le rapporteur vient de souligner,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

La possibilité d'accepter des jeunes filles voilées, par exemple ?

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

…et donc à revenir sur la loi de 1959.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Vous comprendrez aisément que le Gouvernement n'y est pas favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Monsieur le rapporteur, vous êtes député alsacien, et l'histoire est ce qu'elle est. Mais, au-delà de l'histoire, nous sommes des élus républicains, et la République, c'est aussi la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

…que tous doivent respecter et défendre. Je ne voudrais pas que l'on puisse lire dans le compte rendu de nos débats que le rapporteur d'une loi a cité en exemple le régime concordataire, qui, pour la République, n'est pas la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

L'amendement n° 12 n'est pas défendu.

(L'article 3 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n°25 .

La parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Nous entendons défendre ici le préambule de la Constitution du 25 octobre 1946, qui proclame que « l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État », et nous opposer à l'inscription dans la loi de la notion de parité de financement entre écoles publiques et privées.

À nos yeux, en effet, cette notion renvoie à celle d'égalité, qui implique l'augmentation des charges communales destinées à financer l'école privée, donc la diminution des crédits de fonctionnement alloués à l'école publique. Or, si l'égalité de traitement est mentionnée dans l'article L. 442-5 du code de l'éducation, directement issu de la loi Debré, la parité de financement n'a ni sens juridique ni légitimité. Mais ce terme met en jeu le maintien et le développement de l'école publique.

En outre, monsieur le ministre, vos déclarations il y a quelques jours, en Seine-Saint-Denis, sur la création de partenariats avec les écoles privées pour des projets éducatifs laissent également entendre que l'État s'apprête à engager davantage de moyens en faveur de l'école privée.

Défendre une égalité de financement des dépenses de fonctionnement des écoles publiques et des établissements privés revient à remettre en cause la séparation de l'Église et de l'État, que mon collègue vient d'évoquer. L'impôt public devrait être utilisé selon une parfaite neutralité, et non pour moitié au profit des écoles privées, confessionnelles à 90 %.

Par cet amendement, nous proposons donc de s'en tenir à la rédaction suivante du titre : « Proposition de loi relative au financement des écoles élémentaires privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence ».

(L'amendement n° 25 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(Le titre proposé par la commission est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Nos débats ont été instructifs à plus d'un titre. Ils ont été sereins, ce dont nous pouvons tous nous réjouir (Sourires sur les bancs du groupe UMP) : personne n'a ravivé la guerre scolaire, ce qui peut pourtant démanger certains d'entre nous, sur tous les bancs de cet hémicycle. (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Mais nous nous opposerons à ce texte, et je vais vous expliquer pourquoi.

Certes, le texte montre que le Gouvernement et la majorité ont enfin pris conscience, au bout de cinq ans, des difficultés que posait à des centaines de milliers de communes l'application de l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Il était temps ! Le texte résoudra, bon an mal an, une grande partie de ces problèmes ; c'est heureux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Deuxièmement, le texte abroge l'article 89, ce qui nous satisfait ; il eût fallu s'en tenir là, et les membres du groupe SRC l'auraient alors voté des deux mains.

Pourquoi ne le ferons-nous pas ? Parce que vous allez remplacer cet article par un nouveau dispositif, qui, si j'ose m'exprimer ainsi, est « moins grave que si c'était pire » – moins grave que l'article auquel il se substitue –, mais dont les fondements idéologiques demeurent contestables. Nous les retrouvons du reste dans tous les débats sur ce sujet.

Si j'y reviens, c'est que, au-delà du petit incident qui nous a tout à l'heure opposés à M. Chatel à propos de la décision constitutionnelle de 1994, ce débat entre parité et égalité est un débat de principes, qui nous a toujours opposés. Je m'amusais tout à l'heure à relire cette décision : je vous confirme, monsieur le ministre, que, si le point 27 ne cite jamais le mot de parité, celui-ci est mentionné au point 24, à la demande des requérants, qui considèrent que l'application du principe de parité viole le principe d'égalité, car il impose les mêmes responsabilités à des établissements publics et privés, alors que les contraintes qui pèsent sur eux ne sont pas les mêmes.

C'est toujours la même histoire – comme pour les cliniques privées et les hôpitaux publics : on charge la barque du public sans lui donner les moyens du privé, et on donne des moyens au privé sans lui imposer les mêmes contraintes qu'au public. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous pouvez dire ce que vous voulez : c'est toujours la même chose, toujours le même débat ! Et vous le menez toujours au son de cette sempiternelle rengaine de la liberté dont M. Vanneste nous a abreuvés tout l'après-midi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Parfaitement, monsieur Vanneste, il me révulse parfois !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Mais c'est l'un des deux piliers de la République ! En le critiquant, c'est la République que vous critiquez, et vous montrez ainsi que vous êtes un mauvais républicain !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Vous devriez regarder devant vous plutôt que de vous indigner ainsi ! Oui, monsieur Vanneste, il me révulse quand c'est au nom de la liberté individuelle que des femmes demandent à porter la burqa (Approbation sur les bancs du groupe SRC),…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

…cette burqa que vous allez probablement interdire dans l'espace public, mais qui sera autorisée dans les établissements privés que vous financez, au nom de la liberté religieuse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Le voile est bien autorisé dans les établissements privés, madame !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Lamblin

Sous contrat ! Vous oubliez toujours cette précision !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Qui recrute les jeunes filles qui portent le voile et ne veulent plus fréquenter les établissements publics ?

Cette croisade pour la liberté, nous vous voyons la mener depuis des années. Le principe de parité est pour nous anticonstitutionnel et antirépublicain. Le seul principe qui compte, c'est le principe d'égalité des citoyens, et non de parité entre les groupes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Ce sont les deux, et vous les refusez à l'enseignement privé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Vous mélangez tout, monsieur Vanneste, et je suis heureux de ne pas être d'accord avec vous, étant donné les positions que vous avez prises dans cet hémicycle !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Monsieur Vanneste, si vous continuez, je vais devoir accorder une minute supplémentaire à M. Glavany. Ce serait dommage !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Je n'en aurai pas besoin !

C'est parce que nous sommes ancrés à ce principe républicain d'égalité – et non de parité – que nous ne pouvons accepter le dispositif que vous instaurez.

Je l'ai dit tout à l'heure : nous ne faisons que reculer pour mieux sauter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

En effet, nous sommes convaincus que ce texte ne résistera pas à l'épreuve des faits constitutionnels, qu'il fasse ou non l'objet d'un recours de la part de parlementaires : vous avez pris dans ce domaine une mesure dont nous nous réjouissons, et nous avons voté pour la loi qui l'applique.

Plusieurs députés UMP. Chantage ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Non, c'est la réalité !

Nous avons ainsiposé le principe de l'ouverture du recours constitutionnel à tous les citoyens qui estimeraient qu'une loi est anticonstitutionnelle. Ne vous faites aucune illusion : les recours sont prêts un peu partout à travers la France. Il ne s'agit aucunement d'un chantage. Faute de nous avoir entendus cet après-midi, vous serez confrontés à la fragilité de votre dispositif sur lequel nous serons obligés de revenir d'une manière ou d'une autre.

Nous avons perdu du temps – après tout, nous en avions perdu beaucoup auparavant –, et si nous vous avons convaincus de la nécessité de revenir sur le dispositif de 2004, nous ne vous avons pas convaincus d'abandonner ce satané principe de parité en faveur du principe d'égalité.

Nous voterons donc contre cette proposition de loi, prêts à poursuivre le débat avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour cinq minutes, en application de l'alinéa 3 de l'article 54 du règlement, je le précise à l'attention de M. Vanneste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

La République joue contre son camp quand, dans le domaine de l'éducation nationale, elle aide le privé à concurrencer le public, en la circonstance aux frais des collectivités locales.

Ce texte est avant tout marqué par l'idéologie et nous ne vous en faisons pas grief. Nous ne vous reprochons pas de vouloir favoriser l'école privée mais de le faire au nom de l'égalité républicaine et de la liberté individuelle. Ce n'est pas la parité que vous nous proposez mais la reconnaissance positive de la disparité, avec prime au privé, prime à l'exode scolaire, prime à l'accentuation de la ghettoïsation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ce n'est pas la liberté de l'enseignement que l'on défend ; c'est la concurrence que l'on favorise et l'égalité entre les citoyens que l'on trahit. Le recours devant le Conseil constitutionnel, nous le déposerons, soyez-en sûrs.

Attachés aux valeurs de la République, nous sommes opposés à ce texte dangereux pour la liberté de l'enseignement public. La seule école libre, rappelons-le, c'est l'école publique. C'est celle que l'on doit défendre avec conviction et c'est au nom de cette conviction que les députés de la gauche démocrate et républicaine voteront contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Le débat a peut-être été serein mais il nous a rappelé des idées dépassées et des caricatures archaïques stigmatisant la ségrégation et l'école réservée aux riches. Il faut avancer, mes chers collègues, et pour cela je vous invite à davantage visiter les établissements privés « sous contrat », mots que vous oubliez trop souvent.

L'État se doit de vérifier que ces établissements respectent la mixité et la législation sur le port des signes distinctifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Il est de notre responsabilité d'y veiller et de dénoncer, s'il y a lieu, les manquements aux règles. Sur ce point, je vous rejoins.

Mais dépassons ces clivages et cessez de considérer ce type d'établissements avec le même prisme : il s'agit d'idées totalement irrecevables, en complet décalage avec la réalité du terrain.

Il est urgent de voter ce texte, pour plusieurs raisons.

D'abord, il correspond à une forte attente de la part des maires, confrontés à des situations très complexes qui ont parfois donné lieu à des procès et abouti à des choses inacceptables, les préfectures ne sachant plus comment appliquer le texte en vigueur. Voilà un peu de liberté qui leur est donnée dans l'application de la législation.

Ensuite, il permettra aux établissements privés sous contrat de vivre normalement et aux parents de réaffirmer la liberté qui est la leur dans ce pays d'inscrire leurs enfants là où ils le souhaitent.

Enfin, monsieur le ministre, j'ajouterai que la clarification que vous avez apportée à propos de l'adossement des regroupements pédagogiques intercommunaux aux EPCI nous satisfait. Je vous remercie également d'être revenu sur la notion de fratrie : les décrets pourront ainsi prendre en compte la réalité vécue aujourd'hui par les familles monoparentales et recomposées.

Je considère que nous avons assez débattu. C'est avec grand plaisir que le Nouveau Centre votera en faveur de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

J'aimerais tout d'abord répondre à M. Glavany : il n'y a rien d'idéologique dans cette proposition de loi. Il s'agit avant tout d'un texte pratique destiné à répondre aux inquiétudes des maires. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

M. Glavany a sans doute fait un réquisitoire brillant…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

…où il a mêlé idéologie et burqa. Mais je ne suis pas certain que, ce faisant, il soit resté au coeur du sujet. Je ne suis pas certain non plus que ses propos sur l'égalité de l'investissement entre établissements publics et privés soient fondés.

Le vote de cette proposition de loi mettra fin aux problèmes nés de l'application de la loi du 20 janvier 1985. Depuis vingt-quatre ans, les maires attendent une solution, il est important de le rappeler.

Comme M. le ministre l'a souligné tout à l'heure, il s'agit d'un compromis, et le décret qui suivra permettra de préciser certains points.

Le ministre a également parlé d'apaisement. À cet égard, je tiens à rappeler à M. Glavany qu'en décembre 2008, son collègue, le sénateur Charasse, disait lui-même qu'il appelait de ses voeux un apaisement dans la question de l'école privée et publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Il ne faut pas oublier que les enfants qui vont à l'école, qu'elle soit privée ou publique, sont avant tout les enfants de la République.

Il s'agit d'un texte équilibré qui concerne au premier chef les maires de notre pays – M. Pélissard évoquait dix-huit maires de droite et dix-huit maires de gauche –, lesquels ne peuvent plus se contenter d'incantations. S'il y a consensus autour de la solution offerte par la proposition de loi, c'est d'abord parce qu'elle était très attendue. Outre qu'elle établit une plus grande sécurité juridique, elle respecte le libre choix et permet une stricte parité entre le public et le privé.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera pour. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Avant d'examiner, dans le cadre d'une séance prolongée, la proposition de loi tendant à permettre le recours au vote par voie électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, je suspends la séance pour cinq minutes.

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Arnaud Robinet tendant à permettre le recours au vote par voie électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (1921).

Avant de donner la parole au rapporteur et afin de prévenir toute contestation juridique, dont j'indique qu'elle aurait mieux trouvé sa place dans l'hémicycle, ce qui m'aurait permis de répondre, je précise que M. le président de l'Assemblée nationale a été tenu informé à chaque stade de la procédure relative à la recevabilité de cette proposition de loi et a pu veiller à son bon déroulement.

Comme le président de la commission des finances l'a exposé en début de séance, l'application de l'article 89, alinéa 4, du règlement, a été parfaitement régulière et conforme aux exigences du Conseil constitutionnel. Elle ne prête, dès lors, à aucune contestation.

Les dispositions de l'article 40 de la Constitution sont claires : seul le Gouvernement peut prendre l'initiative de créer une charge. Il appartenait donc au Gouvernement, s'il le souhaitait, de déposer des amendements pour rétablir le texte de la commission des affaires culturelles et de l'éducation. C'est ce qu'il a fait ce matin en déposant deux amendements.

Cette mise au point étant faite, nous pouvons ouvrir la discussion.

La parole est à M. Arnaud Robinet, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Monsieur le président, madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, mes chers collègues, si la citoyenneté était à l'image des élections universitaires, la démocratie serait au plus mal. Jugez plutôt : pour les scrutins aux conseils centraux des universités et des grands établissements, autrement dit les EPSCP, la participation dépasse rarement 22 % et avoisine la plupart du temps 15 %. En d'autres termes, l'abstention atteint, dans le meilleur des cas, le déplorable score de 78 %.

Pouvons-nous nous satisfaire de ces résultats ? Je ne le crois pas. Car il est de notre devoir d'élus de permettre aux jeunes de faire entendre leur voix et, s'ils se taisent, de les y inciter.

C'est l'objet de la présente proposition de loi, qui tend à permettre le recours au vote par voie électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Où en sommes-nous de l'évolution de ce texte ? Les plus attentifs d'entre nous auront noté que deux de ses articles, dont le plus important, l'article 1er, ont été très récemment rejetés pour irrecevabilité financière. Restaient donc deux articles de coordination, auxquels nous sommes redevables d'avoir permis le maintien de l'inscription de la proposition à l'ordre du jour de notre assemblée.

Mais le maintien à l'ordre du jour ne résolvait pas tout, loin s'en faut. Du fait de la déclaration d'irrecevabilité, nous n'aurions été appelés à voter tout à l'heure qu'un texte réduit comme une peau de chagrin si le Gouvernement, qui n'est pas soumis au respect de l'article 40 de la Constitution, n'avait heureusement déposé deux amendements reprenant mot pour mot les deux articles déclarés irrecevables, dans leur rédaction issue des travaux de la commission.

Voilà pour les questions de procédure. Qu'en est-il à présent du fond ? Revenons un instant sur les motifs de la présente proposition, et en particulier sur les causes de la désaffection observée aux élections universitaires. Pourquoi les étudiants ne votent-ils pas ?

Ce ne sont pourtant pas les enjeux qui manquent. Il suffit pour s'en convaincre d'avoir égard aux attributions des conseils centraux : considérables pour le conseil d'administration, notables pour le conseil scientifique et pour le conseil des études et de la vie universitaire, et récemment renforcées par la loi relative aux responsabilités et à l'autonomie des universités. Et ces grandes, ces nombreuses attributions, ont pour corollaire la désignation, au sein de ces conseils, de représentants des personnels et des usagers. C'est l'essence même de la démocratie universitaire, et c'est ce principe qu'ont rappelé toutes les grandes lois de l'enseignement supérieur, de 1968 à 2007.

L'on mesure donc toute l'importance que représentent les élections à ces organes pour la démocratie universitaire, et l'on conçoit que la légitimité des décisions qu'ils adoptent est fonction de la force de la participation.

Arrêtons-nous quelques instants sur les modalités de ces élections. Peut-on affirmer, en toute franchise, qu'elles sont de nature à inciter au vote ? De toute évidence non. Les emplois du temps segmentés, les stages de terrain font que nombre d'étudiants sont physiquement absents lorsque les élections ont lieu. La situation des bureaux de vote sur des campus souvent très éclatés dissuade fortement de se rendre jusqu'à l'urne. Et ceux des étudiants qui sont limités dans leurs déplacements du fait d'une maladie ou d'un handicap sont pratiquement exclus de la démocratie universitaire.

Parce qu'il peut être effectué depuis n'importe quel poste informatique, le vote électronique pallie, à lui seul, la plupart de ces obstacles matériels.

Le recours à cette technique est déjà autorisé par des lois ou des décrets pour plusieurs catégories d'élection : celle des Français de l'étranger, soit 650 000 personnes, celle des conseillers de quartier, celle des délégués du personnel et de certains conseillers prud'homaux. En d'autres termes, un nombre toujours croissant de scrutins bénéficie du vote électronique. Et jusqu'à présent, aussi curieux que cela puisse paraître, la population la plus proche des nouvelles technologies est, en droit, celle qui en est le plus éloignée.

L'objet de la présente proposition de loi est de faire en sorte que les établissements d'enseignement supérieur puissent eux aussi en faire usage pour les élections aux conseils centraux. Et c'est sur cette faculté nouvelle que nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui.

L'article 1er du texte soumis à notre examen dispose que l'élection a lieu soit par dépôt d'un bulletin de vote en papier dans une urne, soit par voie électronique. Il n'est donc pas question de substituer une procédure à une autre, mais d'offrir une alternative aux EPSCP. Il s'agit d'une alternative, parce que les choix seront exclusifs l'un de l'autre. Il va de soi que la combinaison des deux procédures compliquerait bien inutilement les choses en ce qu'elle contraindrait les établissements à assumer l'organisation d'une élection « traditionnelle » et à préparer, dans le même temps, la mise en place d'un système informatique sophistiqué, sans compter le risque d'erreur engendré par la concomitance des deux méthodes.

Parce que la sécurité est précisément au coeur du texte que nous examinons, le soin a donc été pris de mentionner la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dans le corps du dispositif. Et en cas d'adoption de la présente proposition par notre assemblée, un décret d'application, pris conformément aux recommandations émises par la CNIL en juillet 2003, viendra entourer le mécanisme de toutes les garanties nécessaires à la sincérité du scrutin et à la confidentialité des données. L'expertise indépendante des systèmes informatiques, le chiffrement du bulletin de vote et l'horodatage de l'émargement sont des exemples parmi d'autres des nombreuses précautions établies par la CNIL et reprises par le Gouvernement. Ainsi, le vote électronique, qui n'est qu'une déclinaison particulière de l'exercice démocratique, respecte scrupuleusement chacun des principes fondamentaux qui président à la tenue de toute opération électorale.

C'est encore par respect de ces principes fondamentaux que le vote par procuration n'est pas admis lorsque la voie électronique a été retenue. La seconde phrase du 2 de l'article 1er apporte cette précision qui protège utilement la confidentialité des données nominatives, confidentialité sur laquelle repose l'intégralité du système.

L'article 2 tire les conséquences des dispositions insérées par l'article 1er, en supprimant le sixième alinéa de l'article L. 719-1 du code de l'éducation. Ce dernier article disposant que le vote par correspondance n'est pas autorisé et que les électeurs empêchés de voter personnellement sont admis à voter par procuration, sa survivance introduirait une incohérence par rapport à la seconde phrase du 2 de l'article 1er de la proposition.

L'article 2 bis est de coordination et consiste à modifier l'énoncé de l'article L. 781-6 du code de l'éducation pour tenir compte de la suppression du sixième alinéa de l'article L. 719-1 du même code.

L'article 3, qui prévoit l'applicabilité de la présente proposition à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna, ne nécessite pas d'autres commentaires.

Que peut-on raisonnablement souhaiter d'un tel dispositif ? Le vote électronique n'est pas conçu, dans l'esprit des membres de la commission, comme le remède ultime à l'apathie démocratique constatée dans nos facs. L'intérêt que sauront susciter les candidats, le dynamisme des campagnes électorales et, pour revenir à ce qui nous occupe, la connaissance qu'auront les électeurs de cette voie électronique, devront bien entendu seconder cette réforme purement technique. Et, sur chacun de ces points, le politique a son rôle à jouer. Le déploiement du plan « Université numérique », qui suit les recommandations du rapport remis l'an passé par M. Henri Isaac à Mme le ministre, représente a lui seul 16 millions d'euros, une manne qui pourra financer notamment la création d'un environnement numérique de travail dans chaque EPSCP, voire de sites Internet entièrement dédiés aux élections universitaires.

Ce que nous pouvons espérer de la mise en place du vote électronique, c'est une augmentation de la participation qui sera croissante à mesure que les étudiants se familiariseront avec cet outil nouveau. L'expérience a prouvé que le vote électronique peut avoir un impact positif sur la participation. C'est le cas à Nantes, dans le cadre d'une élection effectuée à titre expérimental dans l'enceinte de l'université en 2004.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

L'immédiateté de l'Internet, couplée à la publicité apportée au dispositif par la loi, ne manquera sans doute pas d'avoir un effet démultiplicateur sur la participation. Et d'ici deux ou trois élections aux conseils centraux, la hausse de la participation pourrait être sensible, d'autant plus que les étudiants plébiscitent le vote électronique à près de 80 %, comme l'indique un récent sondage, et que les présidents d'universités y sont très favorables.

La hausse de la participation, voilà ce que nous, responsables politiques, attendons fébrilement lors de chaque élection. Car elle est le gage de notre légitimité, l'assurance que les choix que nous serons amenés à faire traduiront effectivement la volonté du plus grand nombre. Quel que soit le type de scrutin, législatif, prud'homal ou étudiant, elle est l'indispensable soutien de la démocratie. Et à travers elle, en votant ce texte, c'est la démocratie, qu'il nous est offert de renforcer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, Michèle Tabarot, monsieur le rapporteur, Arnaud Robinet, mesdames, messieurs les députés, c'est à votre initiative que nous sommes réunis aujourd'hui et vous me posez une question simple : voulons-nous que l'université donne, à travers les élections étudiantes, l'image de la modernité et de la transparence? Voulons-nous qu'elle devienne un exemple à suivre ?

Eh bien, je ne vous étonnerai pas en répondant oui.

Nous nous concentrons aujourd'hui sur les élections des représentants des étudiants aux conseils centraux des universités.

Je crois nécessaire, comme vous l'avez souhaité, monsieur le rapporteur, d'autoriser les universités qui le veulent à recourir au vote électronique pour ces élections.

Ce serait une évolution naturelle. De nombreuses instances l'utilisent déjà pour leurs élections professionnelles et vous en avez cité quelques-unes ; je pense pour ma part au CNRS et au conseil national des universités. L'université se doit d'être un précurseur, de montrer la voie de la modernité. Les étudiants plus que le reste de la population sont des natifs des technologies de l'information, ils manient quotidiennement internet, pour leurs études ou leurs loisirs. C'est pour cela qu'ils sont les mieux à même d'utiliser ce nouveau mode d'élection.

Toutes les conditions sont aujourd'hui réunies pour que le vote électronique rencontre un véritable succès.

Une étude du CREDOC a ainsi montré, en juin 2009, que 92 % des étudiants disposaient déjà à domicile d'un ordinateur connecté à internet. Quant à ceux qui n'en auraient pas, ils peuvent se connecter aux milliers d'ordinateurs du parc informatique des universités.

Les étudiants eux-mêmes plébiscitent ce mode d'élection comme en témoigne un dernier sondage réalisé en juillet 2009 : près de 80 % s'y sont déclarés favorables.

Au-delà de la modernité, le vote électronique que vous souhaitez instaurer aura de nombreuses vertus.

Il permettra tout d'abord d'augmenter considérablement la participation aux élections étudiantes. Qui peut aujourd'hui se satisfaire d'un taux de participation de 15% dans les universités, à l'heure ou l'autonomie confère aux élus étudiants des conseils centraux des responsabilités nouvelles et essentielles ?

On sait bien que les étudiants ne sont pas toujours présents sur les campus le jour dit et aux heures d'ouverture, souvent restreintes, des bureaux de vote : étudiants en séjour à l'étranger, étudiants en stage, étudiants salariés, étudiants handicapés ou malades. Or eux aussi doivent pouvoir voter ! Leur permettre de voter à n'importe quelle heure, depuis leur domicile, leur lieu de travail ou de stage, voire même de congés, serait une véritable innovation.

Le vote électronique, c'est aussi un moyen d'assurer une plus grande transparence du système, d'améliorer l'information des électeurs, de garantir une plus grande égalité dans l'accès au vote : comment se satisfaire que des milliers d'étudiants ne sachent même pas qu'ils peuvent voter pour leur avenir ? Les élections étudiantes représentent un enjeu très important pour les organisations représentatives, malheureusement elles font l'objet depuis des années de toutes sortes de contestations.

Au fil des contentieux et des années, le ministère a pu constater, et la justice établir, un florilège de manoeuvres électorales. Nous avons connu les vols de bulletins, les substitutions d'urnes pendant une alerte incendie opportunément déclenchée, les urnes purement et simplement volées, les procurations plus nombreuses que les électeurs, les arrangements sur les horaires de dépôt de listes, les intimidations des électeurs à l'entrée du bureau de vote...

Vous ne voulez plus que des soupçons pèsent sur la démocratie étudiante. Je partage votre avis. Ces soupçons sont autant de raisons qui éloignent les deux millions d'électeurs potentiels des urnes. Nous avons le devoir de laisser aux universités le choix de recourir à une solution de vote sécurisée, moderne et transparente dans son déroulement.

Le vote électronique, c'est également une solution in fine moins coûteuse pour nos universités. Les universités m'ont fait parvenir les devis réalisés pour la mise en place d'une solution de vote électronique présentée par les entreprises du secteur. J'ai parlé avec les présidents, qui sont aujourd'hui contraints de dépenser des sommes importantes pour faire imprimer les bulletins, les enveloppes, louer les urnes et les isoloirs, sans oublier la mobilisation, pendant des semaines, des personnels qui encadrent le déroulement de l'élection. Outre que cette mobilisation coûte très cher, elle éloigne ces personnels de leur mission première, favoriser la réussite des étudiants.

L'organisation du vote électronique devrait coûter, selon les estimations des universités elles-mêmes, en moyenne 15% moins cher que l'organisation des élections par vote papier.

Vous avez souhaité vous saisir de ce sujet et je m'en félicite. Votre proposition de loi est importante car elle respecte avant tout la liberté de choix des universités et leur autonomie. J'ajoute enfin, en référence au Grenelle de l'environnement, que c'est une solution écologique puisqu'elle ne consomme pas de papier. Les étudiants y seront sensibles.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Vous m'avez demandé de rétablir les articles frappés d'irrecevabilité par la commission des finances. Je le fais en reprenant mot à mot le texte que vous aviez adopté en commission des affaires culturelles, avec la conviction d'apporter de la transparence, de la modernité et un souffle nouveau à un système auquel je crois profondément, celui de la démocratie étudiante. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Régis Juanico, pour trente minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Madame la ministre, monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi 1824 " tendant à permettre le recours au vote par voie électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics à caractère culturel, scientifique et professionnel".

Ce texte a été déposé sur le bureau de notre assemblée le 8 juillet dernier par M. Arnaud Robinet, aujourd'hui rapporteur, et 38 de ses collègues UMP.

Peut-on encore parler de proposition de loi ?

Depuis notre réunion en commission cet après-midi, ce texte n'a plus d'origine parlementaire que dans son nom. Comme l'a très bien expliqué à l'instant le président Didier Migaud, injustement mis en cause du côté droit de cet hémicycle, deux des trois articles de la proposition de loi ont été supprimés par la commission des finances en vertu de l'application de l'article 40, comme l'y autorise le nouveau règlement de l'Assemblée nationale, que vous avez voté, mes chers collègues de l'UMP. Le texte a donc été fort logiquement vidé de son contenu.

C'était compter sans l'intervention in extremis de la ministre de l'enseignement supérieur, jusqu'ici peu diserte sur son soutien à la proposition de loi, et qui a repris à son compte sous forme d'amendements gouvernementaux ces deux principaux articles.

Les masques sont tombés! Mi-projet de loi, mi- proposition de loi, il serait plus juste de parler d'un projet de loi d'origine parlementaire, ce que j'appellerais volontiers un OPNI, objet parlementaire non identifié.

Les déboires de ce texte laborieux auront au moins fait le bonheur de Jean-François Copé, qui voit enfin son idée de coproduction législative se concrétiser. Ayons une petite pensée pour lui.

Le parcours de ce texte a beau avoir été laborieux, il n'en fut pas moins fulgurant.

Si l'on prend en compte l'interruption des travaux parlementaires pendant le mois d'août, il aura mis moins de cinq semaines pour être inscrit à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée, qui plus est dans le cadre d'une session extraordinaire. C'est un record dans l'histoire de la Ve République !

Les organisations étudiantes et les personnalités que vous avez auditionnées il y a quelques jours, monsieur le rapporteur, vous ont toutes fait part de leur surprise et de leur perplexité face à la célérité du calendrier d'examen de ce texte « express » dont personne n'était vraiment demandeur, à part à l'UMP, au Gouvernement ou chez des experts proches du Gouvernement.

La question de la démocratie étudiante n'est pas nouvelle et elle a fait l'objet de discussions entre les ministres successifs et les organisations concernées depuis quatre ans. Que ce soit avec Luc Ferry en 2005, dans le cadre de la préparation de la loi LRU de 2007 ou bien même au sein du groupe de travail sur la vie étudiante mis en place l'an dernier par vous-même, madame la ministre, à aucun moment la question du vote électronique n'a été évoquée par les principaux acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche directement concernés.

Nous nous interrogeons également sur l'opportunité d'examiner aujourd'hui ce texte. N'y avait-il pas d'autres priorités politiques à inscrire à l'agenda de notre assemblée ? Dans le contexte de crise économique et sociale que nous traversons, nous aurions pu consacrer cette soirée à l'emploi, au pouvoir d'achat ou aux bonus des traders.

Les députés du groupe UMP manquent-ils à ce point d'idées ?

Ce texte apparaît surtout complètement décalé par rapport aux préoccupations des étudiants, du monde de l'enseignement supérieur et de la recherche, au moment même de la rentrée universitaire.

Alors que le nombre d'inscrits à l'université a baissé de 10% en cinq ans, que le début de l'année a été marqué par un mouvement de mobilisation sans précédent ayant touché la quasi-totalité des universités pendant près de quatre mois, nous aurions pu revenir utilement sur les raisons de cette mobilisation, à commencer par les 900 suppressions d'emplois dans l'enseignement supérieur en 2009, ainsi que vos décrets, madame la ministre, sur le statut des enseignants-chercheurs et le recrutement des enseignants.

Deux ans après l'adoption de la loi « libertés et responsabilités des universités », qui était au coeur de ce mouvement, nous aurions pu profiter de cette discussion pour faire ensemble un bilan lucide de l'application de la loi LRU, contre laquelle, je le rappelle, nous avons voté en juillet 2007.

Nous aurions pu discuter du 1er cycle et de l'échec du plan licence, appliqué dans seulement 30% des universités, des 10 000 étudiants qui verront leur bourse baisser cette année, de l'amélioration de la vie étudiante – le rythme de construction ou de rénovation des logements étudiants est encore trop faible – ou de l'accompagnement financier des universités laissées pour compte du plan Campus.

A la veille des annonces du président de la République sur la question de la jeunesse, le Parlement aurait pu faire preuve d'initiative en proposant, par exemple, un texte sur la création d'une allocation d'autonomie pour les étudiants.

Je maintiens les propos que j'ai tenus en commission : par rapport à toutes ces questions fondamentales pour l'enseignement supérieur et la recherche, celle du vote électronique est franchement anecdotique et je m'étonne que la seule réponse politique de l'UMP au mouvement de contestation des réformes de Mme Pécresse soit le vote électronique. C'est un peu court, vous en conviendrez.

La rapidité avec laquelle nous examinons ce texte, son improvisation la plus totale, le forcing politique dont il fait l'objet le rendent du coup suspect. Le groupe SRC s'interroge sur les réelles intentions du groupe UMP et de la ministre : y aurait-il derrière ce texte des motivations inavouables ?

S'agirait-il de faire oublier une autre initiative parlementaire malheureuse du même groupe UMP, déposée quelques semaines avant celle-ci, la proposition de loi 1746 tendant à sanctionner le blocage des universités par la convocation d'une assemblée générale et un vote à bulletin secret, les étudiant se rendant coupables d'entrave pouvant à ce titre être sanctionnés d'une amende de 1000 euros ? Même si les signataires ne sont pas les mêmes et appartiennent dans leur grande majorité à la frange la moins progressiste de l'UMP, on voit quel intérêt vous auriez à donner des gages à ces parlementaires les plus radicaux avec un texte de diversion et d'attente sur le vote électronique.

Pour en savoir plus sur les intentions réelles de l'UMP et de la ministre, il faut peut-être se référer à un article du Figaro – journal dont la lecture est toujours instructive – paru le 24 septembre, au titre évocateur, « La bataille contre les votes truqués est lancée ». On y apprend qu'une participation en hausse diminuerait vraisemblablement le poids des syndicats de gauche et d'extrême gauche dans les conseils universitaires, et par conséquent leur légitimité et leur influence, en particulier lors des grèves et des blocages des facultés.

À moins – motif inavouable – qu'il ne s'agisse pour la ministre de se protéger, en faisant peser une épée de Damoclès sur les organisations syndicales afin de les dissuader, au moins jusqu'aux élections régionales de mars 2010 en Île-de-France, auxquelles elle est candidate, de relancer dans les universités une mobilisation qui pourrait la gêner dans sa campagne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Improvisation, précipitation, approximations, imprécisions et absence de concertation approfondie : cette proposition de loi, qui n'en est plus une, est un texte bâclé et c'est, pour notre groupe, un premier motif de rejet préalable.

Mais il existe également au moins quatre raisons de fond de voter le rejet préalable de ce texte.

Tout d'abord, contrairement à ce que démontrerait votre étude – qui sort d'on ne sait où –, le coût du vote électronique n'est pas inférieur à celui du vote papier.

Selon le rapporteur, l'organisation considérable du processus électoral conduit à gaspiller une grande quantité de papier. Pourtant, il réclame également, à la fin de son rapport – et nous sommes d'accord avec lui sur ce point –, la généralisation de l'envoi des professions de foi par courrier aux étudiants. Sur ce sujet, il ne faut pas faire preuve de démagogie : la démocratie a un prix, un coût, que la collectivité doit assumer. Quant au souci du respect de l'environnement et du développement durable, également invoqué par le rapporteur, je rappelle que l'électronique n'est pas vraiment écologique.

S'agissant des éventuelles économies financières réalisées, l'audition de la représentante de la Commission nationale de l'informatique et des libertés a été tout à fait instructive. Celle-ci a en effet rappelé qu'il serait nécessaire que chaque initiative de vote électronique fasse l'objet d'un examen préalable par un expert indépendant, ajoutant que l'argument de l'économie budgétaire était surprenant, puisque les garanties démocratiques du vote ne sauraient être réduites et qu'un système de vote électronique nécessitait un personnel spécialisé et nombreux tout au long du processus de vote.

Selon Chantal Enguehard, professeur à l'université de Nantes, « l'apparente simplicité du vote par internet – pour les électeurs – masque une complexification des opérations électorales : mise à disposition de serveurs informatiques, mobilisation de nombreuses personnes qualifiées pour l'installation, les tests et les éventuelles corrections des programmes, et de la gestion du système de vote, qui nécessite l'organisation d'une astreinte technique durant toute la période du vote, sans compter les coûts de sécurisation des envois postaux pour les identifiants et les mots de passe, qui doivent être envoyés par recommandé avec accusé de réception si l'on veut éviter les possibilités de fraudes ». Bref, le seul gain obtenu par le vote électronique n'est pas financier : c'est un gain de temps au moment du dépouillement.

Ensuite, la mise en place du vote électronique dans les EPSCP se heurte à des difficultés techniques et pratiques considérables, à commencer par l'insuffisance de l'équipement informatique des universités.

Je sais qu'un plan numérique va être lancé, madame la ministre, mais je vous rappelle que, pour le moment, un tiers seulement des universités disposent d'un espace numérique de travail et que, contrairement à ce que vous avez affirmé rapidement tout à l'heure, la majorité des étudiants ne possèdent pas un ordinateur connecté à internet – avec des inégalités très fortes entre filières et étudiants, le taux d'équipement en médecine et dans les sciences dures, par exemple, n'ayant rien à voir avec celui des étudiants en sciences humaines. Il s'agit d'un premier obstacle majeur.

En outre, sous une apparence de simplicité, le vote électronique pose, ainsi que l'a bien démontré l'APRIL – l'Association pour la promotion et la recherche en informatique libre –, des problèmes techniques aigus, qu'il s'agisse de l'interopérabilité des formats ouverts, de l'accessibilité ou de la neutralité technologique vis-à-vis de l'électeur concerné. Sur ce sujet, je vous renvoie à un excellent article de M. Pierre Cros.

Ainsi, lors des élections prud'homales à Paris, des problèmes de fiabilité sont apparus. Le choix de la CGT, par exemple, n'était pas possible sous navigateur Firefox.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Pour tout informaticien, écrire sans commettre d'erreurs un programme aussi important que celui que nécessite une élection est en effet considéré comme un exploit.

Par ailleurs, rien ne prouve que l'utilisation du vote électronique fait progresser la participation électorale, au contraire.

Selon le rapporteur, les contraintes liées au déplacement des étudiants pour aller voter seraient responsables de leur désaffection. Or la faiblesse du taux de participation ne s'explique pas par l'obligation faite aux étudiants de se déplacer pour voter, puisque les bureaux de vote sont installés sur les lieux d'enseignement. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) À moins qu'ils ne se rendent pas à leurs cours, ce qui ne serait pas bien.

En outre, je rappelle au rapporteur que l'université a pour mission de former des citoyens. Or, jusqu'à preuve du contraire, les votes traditionnels aux élections locales, nationales ou européennes se déroulent dans des bureaux de vote physiques, et non derrière un ordinateur. Au reste, les rares expériences menées avec des machines à voter sont progressivement abandonnées par les municipalités, notamment à Mulhouse, à Saint-Malo ou chez vous, monsieur le rapporteur, à Reims, au nom de la légendaire sagesse champenoise. Quant aux Pays-Bas, précurseurs du vote électronique, ils sont définitivement revenus, en 2008, au vote papier, en raison de trop nombreux dysfonctionnements et contestations.

Notre devoir de parlementaires est de faire oeuvre de pédagogie, d'inculquer, dès l'université, aux plus jeunes électeurs les bons réflexes citoyens et de préserver le caractère solennel du vote. Or cela passe par des urnes physiques et par le vote papier.

Encore une fois, il n'est pas démontré que le vote par internet favorise la participation. Des exemples récents semblent même plutôt démontrer le contraire. Ainsi, le taux de participation à l'élection du conseil d'administration du CNRS, si cher à Mme la ministre, qui était de 46 % en 2001 – le vote se faisant alors par correspondance –, est tombé à 32 % en 2009, alors que le vote était organisé par internet. Pour l'élection des membres de l'assemblée des Français de l'étranger, la part des électeurs votant par internet est passée de 60 % en 2003 à 9 % en 2009. Du reste, à l'issue du scrutin de 2006, le sénateur UMP Michel, représentant des Français de l'étranger, avait déclaré que, « pour les Français de l'étranger, le vote par correspondance restait le système le plus simple ». Enfin, lors de la dernière élection au conseil de prud'hommes de Paris, où le vote par internet était admis, le taux de participation a été de 18 %, alors que la moyenne nationale était de 25 %.

Quant à l'exemple des élections universitaires à Nantes, brandi par le rapporteur, il est peu significatif : plus 2,7 % de participation à l'élection du conseil d'administration, plus 1,74 % pour le conseil scientifique et moins 0,1 % pour le conseil des études et de la vie universitaire. L'expérience a, du reste, été jugée tellement concluante que l'université de Nantes a décidé d'abandonner le vote électronique…

Enfin, et surtout, le vote électronique ne garantit pas suffisamment la confidentialité, la fiabilité et la sûreté des opérations de vote. Ainsi que le démontrent l'ensemble des travaux scientifiques, il est le moins à même de garantir le respect de la transparence des opérations électorales, puisqu'il prive les électeurs de leur capacité effective de surveiller le déroulement des élections et de constater la sincérité des résultats.

Nous touchons là à la question primordiale de la confidentialité et de la confiance dans le processus électoral. Des expériences malheureuses de vote électronique, par exemple lors de l'élection de George Bush, en novembre 2000, ont fait naître une légitime suspicion envers un système qui dissimule à la vue des scrutateurs une partie du processus électoral.

Plusieurs chercheurs en informatique – je pense non seulement à Franck Rebillard, maître de conférences à Lyon II et spécialiste incontesté du web 2.0, mais aussi à Chantal Enguehard, que vous auriez eu tout intérêt à auditionner, monsieur le rapporteur – ont abondé en ce sens, estimant que, quel que soit le système de vote électronique mis en oeuvre, les électeurs seraient privés de leur capacité effective de surveiller le déroulement des élections et de constater la sincérité des résultats énoncés.

La fédération des associations françaises des sciences et des technologies de l'information – l'ASTI – a, quant à elle, appelé, dans une motion de décembre 2007, « à ne pas recourir au vote électronique anonyme – en fait, à tout type de vote électronique, qu'il s'effectue à distance, par internet ou dans un bureau de vote – au nom du principe de précaution. » En effet, pour l'ASTI, il est, en l'état actuel de la technologie, impossible de réaliser un vote anonyme contrôlable directement par les électeurs, en conformité avec les dispositions de la Constitution et du code électoral, et, en l'espèce, s'agissant de l'enseignement supérieur, du code de l'éducation.

Pis, le vote électronique est susceptible de multiplier les risques de fraudes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

À cet égard, le fait que le rapporteur ait tenu à auditionner la société Extelia, pressentie pour mettre au point le système de mouchard prévu dans la loi HADOPI 2, n'est pas pour nous rassurer. Cette société est en effet le prestataire de services retenu par l'UMP pour organiser ses votes internes. Or, puisque, dans une dépêche AFP parue cet après-midi, le rapporteur a cru bon de faire référence, un peu lâchement, aux pratiques internes du parti socialiste, je me permets de lui citer un article du Point, daté du 17 septembre 2009 et intitulé « Primaires : soupçons de triche à l'UMP ». On y apprend que Christian Jeanjean, maire de Palavas-les-Flots –…

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

…où, en bon Stéphanois, j'aime me rendre lorsque je suis sur le littoral languedocien – et « candidat à la primaire de l'UMP pour les régionales en Languedoc-Roussillon, a assigné son parti devant le tribunal de grande instance de Paris. Avant l'été, il avait recueilli, lors d'un vote électronique, 21,5 % des voix, contre 35,4 % à Raymond Couderc. Ce vote serait suspect, tant il est facile de se procurer codes et mots de passe pour faire voter des électeurs virtuels. » On parle bien d'un vote électronique.

Par ailleurs, selon le Canard enchaîné du 7 janvier 2009,…

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

…une information judiciaire a été ouverte à Paris le 8 décembre pour abus de confiance, faux et usage de faux et usurpation d'identité : « Ancien conseiller de Paris, Alexandre Galdin soupçonne son parti, l'UMP, d'avoir piraté le vote des militants en juin 2006 pour l'empêcher d'être élu délégué de circonscription de l'UMP dans le 15ème arrondissement. » (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Un socialiste se permet de nous donner des leçons !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Je savais que cela vous ferait réagir. C'est bien de parler un peu de l'UMP, n'est-ce pas ? Je vous rappelle qu'il s'agit, là encore, d'un vote électronique.

L'auteur de l'article poursuit : « A l'appui de sa plainte, M. Galdin a communiqué un document fort instructif. Il s'agit d'un tableau, établi par les responsables de l'UMP, qui recense les codes secrets attribués à plusieurs dizaines de militants pour leur permettre de voter par internet. En face, une case indique l'identité des militants dévoués qui ont voté à la place et à l'insu de leurs petits camarades. »

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

J'en viens – et c'est le plus intéressant – à une dépêche de l'AFP datée du 9 janvier 2009 concernant les primaires de l'UMP en Île-de-France, qui devrait intéresser Mme Pécresse puisqu'elle y a participé. Dans un entretien intitulé : « Quand on me cherche, on me trouve ! », M. Karoutchi, à qui l'on demande s'il croit en la sincérité du scrutin, répond : « Je vais demander que l'on renonce au vote internet pour cette primaire et que l'on organise un vote papier traditionnel. Le vote papier est plus visible, citoyen et sincère. Il est incontestable. » Cela ne l'a pas empêché de perdre, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Face à ces trois exemples de vote électronique, vous comprendrez que je sois inquiet pour la fiabilité et la sécurité des votes, puisqu'il semble que ce soit à la même société prestataire de services – dès lors qu'elle fut la seule à être auditionnée par le rapporteur – que l'on veuille confier l'organisation des élections dans les universités.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Gilard

Vous auriez pu équilibrer votre propos en citant quelques exemples de chez vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Enfin, comme je m'achemine vers ma conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), je souhaiterais revenir d'un mot aux propos qu'a tenus Arnaud Robinet au début de son intervention. Il a indiqué en substance que si la démocratie était à l'image du taux de participation dans les universités, elle serait très affaiblie ». Eh bien, monsieur le rapporteur, si elle était à l'image du taux de participation aux élections législatives partielles, par exemple, elle serait également dans un sale état !

Par ailleurs, il me semble que Jean-Frédéric Poisson qui, hier, a remporté l'élection législative partielle de Rambouillet avec cinq voix d'avance, lors d'un scrutin marqué par une participation de 24 %, sera très heureux, en cas de contestation des résultats, de pouvoir disposer des preuves irréfutables que constituent les bulletins de vote – ce qui lui ferait défaut dans le cas d'un vote électronique et serait donc source d'une légitime suspicion difficile à dissiper.

Dans le même ordre d'idée, je pourrais également parler de l'élection législative partielle dans la Marne, monsieur le rapporteur. En tout état de cause, être élu avec 24 % de participation ne fait pas de celui qui est élu la moitié d'un député, mais un député de la nation comme tous les autres. Il ne me paraît pas opportun de tirer argument du taux de participation pour tenter de disqualifier la légitimité de ceux qui sont élus avec 15 %, 20 % ou 25 % de participation.

Ce débat est sans doute une bonne occasion de discuter de la démocratie étudiante, et de se demander ensemble comment nous pourrions la vivifier. Le faible taux de participation lors des élections étudiantes est un problème bien spécifique, que l'on ne retrouve pas chez les enseignants-chercheurs, ni chez les personnels techniques ou administratifs, où la participation est plutôt de l'ordre de 50 % à 75 %.

Pour notre part, nous faisons six propositions pour remédier à ce problème.

Premièrement, rejoignant la conclusion du rapport d'Arnaud Robinet, nous préconisons la généralisation de l'envoi des professions de foi par courrier – ce qui s'est fait avec efficacité à l'IEP de Paris, à Bordeaux 3 et à Orléans.

Deuxièmement, nous souhaitons l'application effective de la garantie de la pluralité d'expression des syndicats et des organisations étudiantes. C'est toute la question du décret électoral, qui n'est pas mis en oeuvre par tous les présidents d'université, comme l'a souligné Mme la ministre : une faible minorité d'entre eux ne respecte pas cette obligation, ce qui a occasionné une dizaine de contentieux lors des dernières élections universitaires. Il faut se demander comment le décret électoral pourrait être appliqué de façon plus systématique.

Troisièmement, nous proposons la mise en place d'une campagne nationale de sensibilisation avant les scrutins dans les universités, ce qui me paraît plutôt relever de la responsabilité du ministère de l'enseignement et de la recherche.

Quatrièmement, nous proposons l'organisation d'une véritable campagne électorale au niveau local, sur les campus, afin de permettre aux différentes organisations candidates de prendre part à des débats, des confrontations démocratiques.

Cinquièmement, nous proposons d'améliorer le fonctionnement des commissions électorales avec le souci d'une meilleure représentation des étudiants, afin de décider de changements concrets et concertés. Ainsi, il serait très facile de décider, au sein de ces commissions, d'augmenter le nombre de bureaux de vote dans les universités, de réfléchir aux meilleurs emplacements, à une augmentation de l'amplitude horaire du vote, à une durée des opérations électorales portée à plusieurs jours, puisque les étudiants ne sont pas forcément présents tout au long de la semaine.

Nous demandons, en outre, si cette proposition de loi entre un jour en vigueur, que la décision de choisir entre les procédures de vote papier et de vote électronique se fasse au sein des commissions électorales et ne soit pas concentrée dans les seules mains du président d'université ou du directeur d'établissement, comme cela semble être l'intention du rapporteur.

De même, nous demandons, si le système de vote électronique est retenu, que des bureaux de vote physiques, comme les espaces numériques de travail, soient systématiquement proposés aux étudiants le jour du vote.

Sixièmement, enfin, nous appelons au retour à une juste représentation des étudiants dans les conseils d'administration des universités. En effet, à l'heure actuelle, dans un conseil d'administration de vingt membres, les personnalités extérieures nommées sont surreprésentées tandis que certaines catégories de personnels et les étudiants sont sous-représentés. En effet, l'article 7 de la loi LRU, qui avait été l'objet de débats assez longs, précise la composition du conseil d'administration : les étudiants sont proportionnellement moins représentés que les autres catégories.

J'en viens à ma conclusion. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si cette proposition de loi sortie de nulle part vient d'un bon sentiment, elle offre une mauvaise solution, fondée sur des présupposés erronés : c'est une fausse bonne idée. Comme le disait Léonard de Vinci, « la simplicité est la sophistication suprême ».

La demande du groupe SRC est donc claire : lorsqu'un texte est bâclé, qu'il n'est pas à la hauteur de la crise dans nos universités, techniquement bancal et dangereux pour l'intégrité des scrutins dans les établissements publics à caractère culturel, scientifique et professionnel, il n'y a qu'une chose à faire : le retirer. C'est pourquoi je vous invite à voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Non, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Je souhaite effectivement dire quelques mots, monsieur le président, notamment pour regretter certains propos particulièrement agressifs de M. Juanico. Il me semble que, sur le beau sujet dont nous débattons, il était inutile et maladroit d'employer le ton polémique qui vous a conduit à établir des amalgames et à évoquer les élections nationales en parallèle des élections étudiantes. Il me semble que, dans le contexte actuel – je pense en particulier à un livre relatif à certaines pratiques, qui vient de paraître –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Ce n'est pas moi qui ai ouvert le bal, c'est M. le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

…vous feriez mieux d'éviter de tels sujets.

Pour rappeler le travail qui a été fait et apaiser nos débats, je conteste qu'il y ait eu de l'agressivité vis-à-vis du président Migaud…

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Comme je l'ai dit lors de l'examen de ce texte en commission, répondant à Mme Amiable, la délégation du bureau chargée d'examiner la recevabilité des propositions de loi a autorisé cette proposition qui ne lui paraissait pas entrer dans le cadre de l'article 40. Nous sommes donc passés à l'étape suivante, consistant en l'examen en commission, pendant plus d'une heure et demie, du texte présenté par notre rapporteur et des amendements présentés par les différents députés présents – en tout, onze députés ont pris la parole. Je rappelle qu'en amont cette proposition de loi était issue du travail effectué par un député et un certain nombre de ses collègues, cosignataires du texte. Le rapporteur a déposé ce texte le 8 juillet et commencé les auditions de nombreuses organisations syndicales, pour transmettre ses travaux aux alentours du 12 septembre, conformément au nouveau règlement. Je souhaite que l'on n'oublie pas ce travail remarquable de la part du rapporteur et des membres de la commission qui ont assisté aux différentes auditions. Par ailleurs, je me réjouis qu'en dépit de la difficulté soulevée par le président Migaud, vous nous ayez permis, madame la ministre, de présenter ce texte aujourd'hui, car il s'agit d'un texte important.

Vous critiquez ce texte, son esprit et sa portée, monsieur Juanico. Pour ma part, je dirai simplement que nous défendons la démocratie, ce qui est notre devoir dans cette assemblée. En tout état de cause, le groupe UMP et la commission des affaires culturelles et de l'éducation se réjouissent de présenter ce texte aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Madame la présidente, vous savez que nous sommes attachés à ce que nos débats restent sereins. Il ne me paraît pas utile de surenchérir sur l'intervention faite par M. Migaud en début de séance. Je rappelle que la délégation du bureau constitue le premier filtre à franchir avant le dépôt d'une proposition de loi et je vous invite à passer désormais à la suite du débat.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Pour répondre à M. Juanico, qui s'étonne de la rapidité entre le dépôt de notre proposition de loi et son inscription à l'ordre du jour, je veux lui dire que je me réjouis, pour ma part, de ce qui constitue la preuve incontestable de l'utilité de ce texte que j'ai déposé au mois de juillet. J'en profite pour remercier tous ceux qui ont rendu possible cette inscription en session extraordinaire.

Je ne vais pas revenir sur l'arrogance et la suffisance de certains de vos propos, monsieur Juanico,…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

…et me contenterai de souligner que vous persistez à affirmer, comme vous l'avez fait en commission, que la démocratie est secondaire dans une université, ce que nos étudiants apprécieront comme il se doit.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

J'ai dit que le vote électronique était anecdotique, cela n'a rien à voir !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Vous avez parlé des machines à voter, en évoquant notamment le fait qu'elles avaient été utilisées dans ma ville de Reims. Le texte ne prévoit pas d'importer dans les universités des machines à voter provenant de Reims ou de Floride. Ne confondez pas machines à voter et vote électronique : ce sont là deux choses totalement différentes.

Afin d'éviter toute polémique, je ne reviendrai pas sur les notions de fraude et de fiabilité. Vous avez rappelé le taux de participation lors de la législative partielle que j'ai remportée face à l'un de vos amis. Vous ne trouverez rien, dans ma proposition de loi, qui vise à disqualifier la légitimité des conseils, même s'ils sont élus avec un faible taux de participation. Son seul but est, au contraire, de renforcer ce taux de participation et la légitimité des membres élus composant ces conseils.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Nous en arrivons aux explications de vote.

Pour le groupe UMP, la parole est à M. Frédéric Reiss.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Face à ce texte de bon sens présenté par Arnaud Robinet, je comprends mal les arguments développés par M. Juanico. L'objectif visé est pourtant clair : il s'agit d'améliorer la participation des étudiants aux élections des universités, ladite participation plafonnant autour de 15 % et ne dépassant pas 5 % dans certaines filières. Au regard de ces chiffres, je crois que la démocratie universitaire doit être l'une de nos priorités.

Monsieur Juanico, vous nous avez parlé d'un objet parlementaire non identifié à très grande vitesse. Vous ne pouvez pourtant pas dire que ce texte a été présenté dans la précipitation, la solution proposée par le texte ayant été préconisée par plusieurs rapports récents, notamment le dernier rapport du comité de suivi de la loi LRU d'août 2007. Contrairement à ce que vous laissez entendre, il n'y a pas d'intention suspecte, et les exemples de suspicion de fraude que vous donnez ne sont guère convaincants. Ce texte n'a qu'une intention, pragmatique, qui aurait dû recueillir une approbation unanime.

De fait, le recours au vote électronique présente de nombreux avantages : simplicité, facilité d'accès au scrutin, instantanéité de la prise en compte du suffrage. Je considère, comme notre rapporteur, que cette mesure, combinée avec d'autres, peut avoir un réel effet d'entraînement sur la participation aux élections, ce dont nous aurions tort de nous priver.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre cette motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à M. Daniel Goldberg, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

J'interviens d'abord sur le contexte, et sur la question de l'article 40. J'ai entendu les mots très durs qu'a eus M. le rapporteur pour notre collègue Régis Juanico. Je voudrais citer cette fameuse dépêche de l'AFP – dont les termes ont sans doute été inspirés par un certain nombre de vos collègues : vous y évoquez, entre guillemets, « le blocage du PS » et « l'argumentation plus que douteuse » du président de la commission des finances. Vous parlez ensuite de « déni de démocratie » !

Si nous voulons un débat sensé, convenez, s'il vous plaît, que ces expressions ne sont ni conformes au fond du problème, ni conformes aux usages démocratiques de cette assemblée.

Madame la présidente de la commission, vous répondez, dites-vous, « au nom du groupe UMP ». Je voudrais vous rappeler qu'à la place où vous êtes, vous ne parlez pas au nom du groupe UMP, mais au nom de la commission que vous présidez.

J'en viens au fond. Le groupe socialiste va bien sûr voter en faveur de cette motion de rejet. Je pointerai rapidement trois raisons.

Il y a d'abord les conditions du débat, qui viennent d'être soulignées. On nous dit que le rapporteur a travaillé avant que le texte ne soit déposé – avant même, donc, qu'il ne soit rapporteur, avant même que nous, députés du groupe SRC ou d'autres groupes, puissions nous joindre à son travail. Cet argument ne tient pas ! Et, avant d'entrer dans cet hémicycle, j'ignorais – car je n'ai pu assister à la réunion de la commission qui s'est tenue cet après-midi – quel serait vraiment le texte dont nous allions discuter, puisque le président de la commission des finances a rejeté plusieurs articles au titre de l'article 40 de la Constitution.

Il y a ensuite la réalité des risques du vote électronique. Entre nous et vous, c'est vous qui avez une vision dépassée de la sûreté électronique ! Je ne voudrais pas rentrer dans des débats complexes, mais entre un vote papier – qui est celui de nos élections générales – et un vote électronique – qui a donné lieu à tant de contestations –, c'est une vision du XIXe siècle que de penser que le vote par machine serait plus sûr que le vote papier ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Votre vision est très rétrograde ! (Mêmes mouvements.)

Je ne voudrais pas tendre l'atmosphère bon enfant, voire aseptisée, de nos débats, mais si je devais citer un seul nom pour montrer les problèmes de sûreté que peuvent poser les fichiers électroniques, ce pourrait être celui d'une entreprise dont on parle un tout petit peu en ce moment : Clearstream. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il semblerait – mais c'est une affaire en cours de jugement, sur laquelle je ne me prononcerai donc pas – que la sécurité des fichiers électroniques employés par cette société ne soit pas avérée ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC. — Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Il y a enfin la question écologique. Le vote électronique est-il vraiment plus écologique ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Regardez ce que disent les uns et les autres sur le coût en carbone de la ventilation d'un certain nombre de serveurs. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous riez, mais nous allons débattre dans les prochainessemaines du Grenelle de l'environnement !

Quand j'entends que les professions de foi seront envoyées au domicile des électeurs, j'imagine que le gain de papier – l'un des grands arguments de Mme la ministre – sera minime !

Debut de section - PermalienPhoto de Bérengère Poletti

Il est grave !

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Nous discutons aujourd'hui de la proposition de loi n° 1824 tendant à permettre le recours au vote par voie électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Évoquons, dans un premier temps, le contexte de l'examen de cette proposition de loi. Il faut revenir au coeur de l'été 2007 – au 1er août exactement, date à laquelle les députés de la majorité ont adopté à la sauvette la loi libertés et responsabilités des universités, dont la promulgation a entraîné, souvenons-nous-en, une importante mobilisation dans les universités françaises.

Or, pour pouvoir répondre à la préoccupation du chef de l'État de « ne plus voir les enseignants, les chercheurs et les étudiants dans la rue », vous avez, madame la ministre, tranquillement laissé passer le « printemps 2009 des universités » pour envoyer, peu après la fin de l'année universitaire, un député franc-tireur tenter de faire passer une énième réforme – réforme qui vise, selon l'exposé des motifs, à pallier le déficit de participation aux élections, notamment dans les universités, grâce à la mise en oeuvre du vote électronique à la place du vote traditionnel. Ce vote qui, d'après l'auteur du texte, « empêche pratiquement les étudiants handicapés et les étudiants stagiaires de prendre part au scrutin ».

Mais les objectifs apparaissent moins charitables dans le rapport de M. Robinet : « La lutte contre la désaffection qui touche ce type de consultation revêt également un caractère d'urgence. En effet, une faible participation se traduit – mécaniquement – par un affaiblissement de la légitimité des conseils élus à l'issue de ces scrutins. Or cette légitimité est devenue aujourd'hui encore plus indispensable avec le renforcement de l'autonomie administrative et financière des EPSCP impulsé par la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et aux responsabilités des universités. »

Pour légitimer la loi LRU, c'est bien l'urgence qui prévaut : la proposition de loi a été enregistrée le 8 juillet dernier, et sa discussion envisagée dès le 29 juillet par le décret du Président de la République visant à convoquer le Parlement en session extraordinaire !

Votre calendrier est visiblement étudié, puisque vous avez inscrit ce texte à l'ordre du jour de la session de septembre, quand les étudiants n'ont pas encore effectué leur rentrée !

Vous avez donc probablement envoyé un franc-tireur, même si d'aucuns affirment que vous ne seriez pas à l'origine du texte. Dans ces histoires de faux-fuyants, vous restez dans le mauvais camp : celui de ceux qui n'ont qu'un dessein, réduire la contestation universitaire et donner le champ libre aux présidents d'université pour la mise en oeuvre de l'autonomie afin qu'ils puissent assister, glorieux, à ce qui peut ressembler au dernier souffle du service public de l'enseignement supérieur !

Car vous vous êtes apparemment précipitée à la rescousse de la proposition de loi amputée. La lecture d'un article paru vendredi dernier sur le site de l'UMP révèle ainsi votre collusion législative.

« Vidée des articles les plus impactants et donc de son sens, cette proposition de loi [...] n'aura plus aucun intérêt en l'état. […] Arnaud Robinet a donc fait appel à Valérie Pécresse pour qu'elle puisse rendre possible [l'examen de cette proposition de loi] en déposant de nouveaux amendements. ».

Qu'on se le dise dans les universités : la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est donc une fois de plus prête à l'affrontement.

Cette manoeuvre de la majorité est inacceptable. Car, tandis que les députés de l'opposition sont empêchés de créer ou d'aggraver des charges publiques, ceux de la majorité peuvent prévoir n'importe quoi dans leurs textes, puis attendre qu'un ministre y introduise les mesures les plus coûteuses.

C'est totalement déloyal, et je pense que cette distorsion de traitement doit nous amener à considérer très rapidement une révision de l'article 40 – j'en ai déjà parlé cet après-midi : il semble qu'il soit remis au goût du jour, dans des interprétations tout à fait nouvelles. Mais, pour l'heure, si le Gouvernement remet réellement en place le dispositif initialement prévu, il appartiendra à l'opposition de faire à nouveau vérifier la recevabilité du texte avant son adoption finale.

J'en finis avec le contexte en rétablissant quelques vérités sur ce qui s'est passé durant la dernière quinzaine. Je partirai de ce qu'indique le même article mis en ligne sur le site de l'UMP : « Comme on pouvait s'y attendre, cette proposition de loi s'est heurtée à un blocage organisé par le parti socialiste en commission des affaires culturelles d'abord, puis en commission des finances. »

Loin de moi l'idée de dénier au parti socialiste le travail qu'il a produit sur ce texte avec les interventions remarquées de Mmes Boulestin et Martinel et de MM. Juanico et Bloche en commission des affaires culturelles. Mais faut-il vous rappeler que c'est ma collègue Marie-Hélène Amiable, qui a demandé, au nom des députés communistes, républicains et du parti de gauche, la vérification de la recevabilité du texte ? Mme Tabarot a subtilement sollicité un avis sur les seuls articles 1er et 3 – dans une démarche qui s'apparente à un gros clin d'oeil pour maintenir la proposition de loi à l'ordre du jour.

Mais, en ce qu'il autoriserait le vote par correspondance – et nécessiterait donc l'envoi postal du matériel de vote – l'article 2 était bien susceptible d'avoir un impact financier.

J'ajoute que je m'étonne que l'irrecevabilité des articles n'ait pas été officiellement communiquée à chaque député. Cette mise sous silence me semble problématique à deux niveaux : d'une part, elle contraint les parlementaires à travailler sur des textes qui ne seront pas mis en discussion ; d'autre part, elle évite que l'opinion publique puisse se saisir des petites victoires qui émaillent la vie de l'opposition et permet au Gouvernement de venir plus discrètement réintégrer des dispositifs jugés contraires à la Constitution.

La dernière période a donc autant ressemblé à une stratégie de dissuasion qu'à une belle partie de poker menteur.

J'en viens au fond du texte – même si, sur ce point, il faut bien avouer qu'il y a peu de choses à commenter : l'auteur aurait dû le retirer, comme le permet l'article 84 de notre règlement.

Le titre du texte a perduré mais a été modifié in extremis en commission pour supprimer la notion de vote à distance et la remplacer par celle de vote électronique. Le rapporteur a précisé que celui-ci s'effectuait nécessairement à distance et déclaré : « Ne confondons pas les machines à voter et le vote électronique. »

Pardon, monsieur Robinet, mais ne savez-vous pas que le vote électronique comprend le vote à distance par internet, mais aussi les ordinateurs de vote ou le vote par kiosque dans des bureaux de vote ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Doit-on en conclure que vous n'avez pas pris le temps nécessaire à la bonne élaboration de cette proposition de loi, ou, comme l'a déclaré plus trivialement le président de l'UNEF que « ce texte est bâclé, partiel, [et] partial » ?

C'est vrai que vous n'avez, par exemple, pas estimé nécessaire de procéder à l'audition du SNESUP, pourtant premier syndicat de l'enseignement supérieur, pas plus que de l'ASTI, qui a recommandé, en décembre 2007, que « pouvoirs publics, partis politiques et société civile ne recourent en aucune manière au vote électronique anonyme, y compris au moyen de machines à voter. »

Pour revenir à la question du vote électronique, et puisque nous ne pouvons imaginer qu'il s'agit d'une méconnaissance de votre part, nous supposons que vous avez délibérément choisi d'élargir la portée de la proposition de loi.

Ne serait-ce pas ce que la société Extelia vous a suggéré lorsque vous l'avez auditionnée ? Il apparaît en effet que la plateforme de vote électronique qu'elle propose va bien au-delà du simple vote par internet.

Car le marché des machines à voter semble assez lucratif. Un seul exemple : à Issy-les-Moulineaux, le maire avait accepté de débourser 300 000 euros en 2007 pour équiper ses bureaux de vote de soixante machines à voter ! Il est vrai aussi qu'Extelia n'a pas dû se vanter de ses performances en matière de sécurité sur internet et de toutes les difficultés qu'elle a rencontrées pour sécuriser son propre site après avoir été choisie par le ministère de la culture pour mettre en oeuvre la gestion des avertissements et sanctions de l'HADOPI !

Je veux détailler enfin les quelques amendements que nous avons déposés pour cette séance.

Nous exigerons que les bureaux et techniques de vote soient accessibles aux personnes handicapées, qui doivent aussi pouvoir se faire assister durant l'opération. Nous proposerons aussi la suppression des deux articles restants.

Nous aurons sans doute l'occasion, plus tard, d'évoquer tout le mal que nous pensons du vote électronique. Sur le plan technique, il ne semble pas apporter assez d'assurances en termes de confidentialité, de fiabilité et de sûreté. Sur le plan juridique, il ne peut garantir ni le secret et la liberté de vote, ni la sincérité des opérations électorales. Sur le plan social, il pourrait être détourné par certains chefs d'établissements désireux d'interroger rapidement les électeurs sur l'opportunité des mouvements de grève et de blocage. Sur le plan démocratique, il n'accroît pas la participation et risque d'être conditionné par la possibilité d'accéder ou non à un équipement informatique.

Vous voyez en tout cas que nous ne refuserons pas de discuter de vos propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Debray

La proposition de loi n° 1824 déposée et défendue aujourd'hui par notre collègue Arnaud Robinet, tendant à permettre le recours au vote à distance par voie électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, représente un formidable pas en avant pour la démocratie de ces établissements. Elle s'inscrit d'emblée dans la voie du progrès et de la modernité.

À une époque où nous vivons une véritable explosion et une évolution permanente sans précédent des technologies d'information et de communication, il serait regrettable de ne pas vouloir promouvoir cette importante avancée dans l'organisation des élections internes des établissements publics, et notamment des universités.

Je voudrais dire à mes collègues de l'opposition ma profonde stupéfaction face au recours sur l'irrecevabilité financière au titre de l'article 40 de la Constitution qu'ils ont déposé à l'occasion de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Debray

Vous refusez tout en bloc : les propositions et les projets de loi qui sont susceptibles d'abonder en recettes le budget de l'État, au nom de la sempiternelle défense du citoyen contribuable, et les propositions et les projets de loi qui sont suspectés de créer des dépenses nouvelles pour l'État, ce qui reste d'ailleurs à démontrer.

Votre attitude d'opposition systématique traduit en fait un manque notoire d'idées, de propositions, de projets et de programme.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Debray

J'ai le regret de vous le dire, mes chers collègues de l'opposition, vous êtes en panne d'idées novatrices et modernes pour notre pays ! Vous affichez un refus de progrès affligeant et sidérant et vous vous enfermez dans un conservatisme désolant et déroutant.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Debray

Cette loi n'entraînera en fait que des dépenses relatives pour les universités et les établissements publics, qui sont déjà, nous le savons bien, fortement équipés et dotés en matériel informatique. Son application ne nécessitera qu'une adaptation et un réajustement des moyens déjà mis à leur disposition pour organiser les votes aux élections internes.

Par ailleurs, il reste à démontrer que l'organisation d'un vote traditionnel, avec le personnel que cela mobilise et l'achat du matériel papier – sans parler de l'envoi de la profession de foi comme vous le suggériez tout à l'heure –, est moins onéreuse que le vote électronique à distance. En fait, Mme la ministre l'a indiqué tout à l'heure, une étude comparative de ces deux modes de scrutin prouve que le coût du vote électronique est d'environ 15 % inférieur à celui d'un vote aux urnes.

L'objectif de cette proposition de loi est d'améliorer la participation des étudiants aux élections des universités, qui, cela a été souligné à maintes reprises, reste relativement faible aujourd'hui – autour de 10 % à 15 % – et leur légitimité au sein des instances de décision de ces établissements. Incontestablement, cette proposition de loi vise à améliorer la démocratie étudiante au sein des universités, une nécessité renforcée par la loi LRU de 2007.

Le vote électronique s'avère être un outil de modernisation et de démocratisation encore insuffisamment utilisé dans les universités. De nombreux rapports récents recommandent d'aller plus loin et de développer le vote électronique aux élections des conseils des universités, par exemple le rapport de M. Henri Isaac sur l'université numérique, le Plan numérique 2012. Quant au comité de suivi de la loi LRU, il recommande, avec le ministre de l'enseignement supérieur, les organisations étudiantes et la conférence des présidents d'université, la mise en place de nouvelles modalités pour un vote moderne, efficace et représentatif.

Cette proposition de loi, qui vise à lutter contre une abstention problématique à l'heure où les EPSCP accèdent à une autonomie renforcée, présente de réels avantages : simplicité du vote, facilité d'accès au scrutin, instantanéité de la prise en compte du suffrage pour une organisation réduite à la portion congrue, respect de l'environnement du fait de la suppression du support papier.

La participation étudiante aux élections de conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel sera de fait dynamisée. Nous constatons actuellement une désaffection des électeurs étudiants qui résulte en partie des modalités de vote. Le dispositif propose de donner un nouveau souffle à la démocratie universitaire. C'est une modalité de vote culturellement adaptée au monde universitaire.

Ce procédé de vote à distance par voie électronique est en voie de banalisation. C'est une modalité de vote admise par notre droit qui se diffuse tout en restant très encadrée.

Il doit bien sûr être entouré de précautions qui tendent à garantir aux électeurs que leur vote sera aussi secret, libre, anonyme et effectif que dans l'isoloir.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Une chambre d'étudiant, ce n'est pas un isoloir !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Debray

On notera que les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel auront toujours le choix de recourir à l'ancien système, puisque les établissements seront libres du choix entre ces deux procédures, exclusives l'une de l'autre.

Mes chers collègues, mettons-nous en accord avec nous-mêmes puisque, depuis longtemps déjà, le système du vote électronique a fait ses preuves dans cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Debray

Il appartient aujourd'hui à nos enfants d'utiliser les outils du monde moderne, qui, demain, apporteront plus de démocratie, plus de participation, plus de liberté. C'est pourquoi je conclus en vous disant : « Aux urnes électroniques, citoyens ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Ce n'est pas un vote électronique, dans l'hémicycle. C'est un vote personnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

On voit bien qui est dépassé et qui est tourné vers l'avenir si appuyer sur un bouton ici est un vote électronique !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, sans agressivité et sans suffisance, je dirai que cette proposition de loi a été rédigée à la hâte. Et le caractère précipité de la rédaction n'est pas sans incidence sur sa qualité législative.

Encourager la participation au vote dans les universités, inciter les étudiants à exercer leurs prérogatives citoyennes est un projet auquel nous pouvons toutes et tous souscrire. Cependant, « faire le pari », comme l'écrit le rapporteur, que l'utilisation des nouvelles technologies peut conduire à « un regain démocratique » ne manque pas de provoquer le scepticisme.

Le vote électronique aurait, nous dit-on, toutes les vertus. Apparemment, quoi de plus facile que de voter d'un ou de plusieurs clics de souris. Facilité aussi puisqu'il n'y a plus besoin de se déplacer, nous explique-t-on, ce qui serait « pénible pour les étudiants ». Peut-on, en tant qu'élus de la République, réduire la question de la participation électorale à celle de la facilité d'un clic de souris ? N'y a-t-il pas d'autres moyens de redynamiser cette participation ?

Rien n'étaye aujourd'hui la thèse d'un lien entre la participation électorale et le moyen utilisé pour voter. Rien ne prouve que l'utilisation de la technologie numérique soit un stimulant pour cette participation. Rien, enfin, ne permet de lier l'intérêt du processus électoral et l'exercice formel de celui-ci.

Comme M. Robinet, nous constatons que les EPSCP peuvent manquer « d'oxygène démocratique ». Il est effectivement nécessaire d'encourager la participation de la communauté universitaire. Cependant, nous ne pouvons être d'accord avec les représentations du vote telles qu'elles ressortent de ce rapport, malgré les modifications dont nous savons gré au rapporteur.

À lire le rapport, les motivations de l'électeur seraient bridées par des facteurs « géographiques », tel l'emplacement du bureau de vote, et des facteurs physiques – « l'obligation de se déplacer se traduit par un effort qui peut être, parfois, ressenti comme pénalisant par l'étudiant ». Il est paradoxal, alors qu'on ne cesse de faire l'éloge du « travailler plus », que le sens d'un si petit effort soit banni du monde universitaire.

De plus, le rapporteur pose comme un principe « la défiance générale des jeunes à l'égard des élections ». Comment de simples modalités électroniques pourraient-elles venir à bout de cette prétendue défiance ? Cette approche me semble aussi dévalorisante pour les publics concernés que pour les institutions visées.

Comment peut-on arguer de la facilité technique comme moyen d'activation d'un comportement citoyen ? La communauté universitaire serait-elle devenue un agrégat de consommateurs qui va choisir son candidat au supermarché des offres électorales internes en cliquant sur la toile ?

Alors que l'on n'a cessé de nous prévenir des dangers d'internet, voilà que, d'un coup, celui-ci aurait toutes les vertus citoyennes ! En outre, comment inciter les citoyens à participer physiquement au rituel du vote dans tous les autres scrutins si on les en dispense à l'université ?

Prétendre que la technologie, le moyen donc, est un stimulant de l'action – ici la participation à un scrutin – est un argument qui me semble fallacieux. Comme l'a montré le rapport consécutif à l'expérience de l'université de Nantes, la participation n'est pas liée à l'offre de moyens, d'autant que le moyen n'est à l'abri ni des problèmes techniques ni des jugements assez sceptiques des utilisateurs. Les étudiants nantais ont déploré l'absence d'informations claires sur les programmes et les candidats en lice et ont noté, contrairement à ce que vous dites, le gaspillage de papier.

Il est certes souhaitable de vouloir améliorer la participation aux élections des conseils scientifiques des universités. Mais cela commence peut-être par un exercice démocratique valorisé dans les assemblées et les institutions. Plutôt que d'éviter les efforts minimes d'un déplacement pour aller voter, il me semble essentiel, si on veut que les étudiants s'inscrivent vraiment dans la vie de la communauté universitaire, de leur éviter d'avoir à travailler à l'extérieur pour financer tout ou partie de leurs études.

Pour l'ensemble des raisons que je viens d'exposer, sans arrogance, sans conservatisme et sans régression, contrairement à ce qui nous a été reproché, je conclus que cette proposition de loi est à l'heure actuelle tout à fait hors de propos. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'expérience, malheureuse de ce point de vue, de la loi LRU. Nous avions à l'époque évoqué un certain nombre de garde-fous qui auraient été nécessaires pour éviter la crise que nous avons connue l'année dernière, mais la majorité de cette assemblée a souhaité passer en force, avec les conséquences que l'on connaît. Je préfère me concentrer sur le sujet d'aujourd'hui.

Nous attendions un apaisement de votre part, vis-à-vis des personnels, des étudiants les plus mobilisés, quelle que soit leur association, leur organisation syndicale, dans l'écoute de leurs revendications par rapport à la vie démocratique de l'université. Vous savez, madame la ministre, puisque, finalement, c'est de votre texte que nous discutons ce soir – excusez-moi, monsieur le rapporteur –, que l'un des griefs que nous faisions à la loi LRU était l'extrême concentration des pouvoirs dans les mains du président d'université. Or la proposition qui nous est proposée ce soir renforce cette crainte. Le président de l'UNI lui-même – vous voyez que mes lectures sont très éclectiques – pointe ce risque-là.

Nous attendions donc une certaine forme d'apaisement sur les modalités de concertation et de débat démocratique dans l'université. Et puis, vous voilà, cher collègue Robinet, chevalier blanc de la démocratie à l'université, qui remettez en cause tous les votes qui sont intervenus depuis que les étudiants votent à l'université. Nous avons eu connaissance de déclarations de « votes truqués », de la « nécessité de mettre en place maintenant un vote transparent et un vote sincère ».

Dès lors, madame la ministre, monsieur le rapporteur, permettez-moi une question : considérez-vous que tous les votes qui sont intervenus, et notamment ceux qui ont participé à l'élection des représentants avec lesquels vous discutez aujourd'hui dans les conseils d'université, étaient truqués ? Considérez-vous que les élus issus de ces votes n'étaient pas représentatifs ? L'article auquel je fais référence a été écrit par des journalistes tout à fait capables. Je voudrais donc savoir, madame la ministre, si vous avalisez le titre de cet article du Figaro : « La bataille contre les votes truqués est lancée ». Considérez-vous que l'ensemble des votes dans les instances universitaires étaient jusqu'à présent truqués ?

Je passerai sur la polémique à propos du recours à l'article 40. Ce n'est pas le groupe socialiste qui demande l'application de l'article 40, c'est le règlement de l'Assemblée nationale. Je pensais que ce débat était dépassé depuis cet après-midi. Je souhaiterais qu'il soit clos pour que nous allions au fond du texte.

Ma deuxième question porte sur la faisabilité technique : quel sera le nombre de postes pour les étudiants ? Quel sera le dispositif de sécurité pour le vote électronique des étudiants ? Les universités seront-elles les garantes du fait que c'est le bon étudiant qui appuiera sur le bon bouton ? La question mérite d'être posée. Quels moyens seront débloqués ? Les universités seront-elles bien équipées ? Les moyens seront-ils sortis du Plan numérique ?

Le principe de précaution nous est cher à tous. J'ai cité malencontreusement le nom de Clearstream tout à l'heure, mais je reviens sur une question toute simple : les présidents d'université seront-ils les garants, avec l'exécutif universitaire, de la mise en place du système, de l'envoi des codes, du fait que ce soit le bon étudiant qui reçoive le bon code ? Comment sera-t-on certain que c'est la bonne personne qui vote au bon moment ?

On nous parle de vote anonyme et sincère, absolument nécessaire bien entendu. On nous dit qu'il faut absolument éviter les pressions qui ont lieu devant les isoloirs. Mais si je suis votre raisonnement, quelle assurance avez-vous que l'étudiant qui est devant son ordinateur dans sa résidence universitaire et qui va appuyer sur un bouton pour choisir telle ou telle liste pour les conseils centraux de son université, ne sera pas soumis à une pression d'une manière ou d'une autre ? L'étudiant sera seul, il n'y aura personne pour contrôler la bonne régularité du scrutin. Je pense que cette question mérite qu'on y réfléchisse.

Quant à la fiabilité du dispositif, on sait très bien qu'elle n'est pas totale.

Ma troisième question concerne la non-coexistence des deux dispositifs parce que j'ai cru comprendre, dans certaines interventions, que ce n'était pas complètement acquis. Nous sommes bien d'accord : il y aura soit le vote papier, soit le vote électronique ?

Je peux vous parler d'études relatives au coût de ces dispositifs, et j'aimerais bien que l'on me fasse part d'une expérience qui montrerait qu'avec un seul d'entre eux, la participation augmenterait, ce que nous souhaitons tous.

Enfin, pourquoi se limiter aux seules élections universitaires ? Il faut aller beaucoup plus loin, jusqu'aux élections régionales. Madame la ministre, pourquoi ce qui serait valable pour les étudiants ayant du mal à se déplacer dans les bureaux de vote de leur université, pourquoi ce qui serait valable pour des gens en vacances et qui n'ont pas forcément le temps de faire une procuration ne le serait-il pas pour tous les électeurs ? On a parlé du faible pourcentage de participation aux élections partielles de dimanche. Et puis ici même, dans notre assemblée, alors que j'ai cru relever 2,6 % de participation au vote sur la précédente proposition, celui auquel nous allons procéder ne mériterait-il pas un scrutin électronique ? Nous débattrions ainsi, puis chaque député pourrait ensuite voter sur son ordinateur depuis sa permanence, sa chambre à coucher, n'importe où… Vous voyez bien vers quoi nous entraînerait le vote électronique ! Mais c'est une vraie question, car pourquoi ce qui serait valable pour les étudiants ne le serait-il pas pour les pauvres parlementaires que nous sommes, astreints à venir discuter entre nous et à faire vivre le débat démocratique ?

Je passerai sur la réflexion de Patrice Debray pour lequel le vote électronique est le fait d'appuyer sur un bouton dans l'hémicycle, car ce n'est pas ce qui nous est proposé – c'est un vote « hors sol », si je puis dire –, et sur le fond, que se passe-t-il ? Vous voulez que le débat dans les universités soit complètement aseptisé. Vous voulez aseptiser les scrutins, en finir avec des représentants étudiants qui se sont montrés réticents à certaines réformes – vous l'avez d'ailleurs laissé entendre, monsieur le rapporteur, non pas ce soir mais dans certains articles de presse. Or, c'est le rôle des représentants étudiants d'être réticents à tous les pouvoirs en place. C'était le cas aussi quand la gauche était au pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Et pour remonter beaucoup plus loin, cela s'est passé ainsi de la guerre d'Algérie jusqu'à nos jours. Avec vous, finalement, les étudiants sont presque coupables – sans vouloir reprendre une expression consacrée ! – avant d'avoir voté.

Vous comprendrez donc les raisons qui nous poussent à rejeter votre proposition et à demander un examen plus en profondeur. Des suggestions ont été faites par Régis Juanico. Saisissez-les pour que l'on aille vraiment vers une participation plus importante aux élections universitaires, avec une vraie campagne électorale, une possibilité de vote sur plusieurs jours, une mise en avant du rôle des élus étudiants, ce que ne fait pas cette proposition de loi, et une organisation des pouvoirs démocratiques à l'université, mais cela, madame la ministre, nous en avons déjà longuement discuté.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Les intervenants ont à juste titre soulevé la question de la fiabilité et de la sécurisation du logiciel de vote électronique qui va être utilisé. C'est une question essentielle, mais s'il existe un lieu en France où les inquiétudes en la matière ne semblent pas de mise, c'est bien l'université. En effet, celle-ci concentre les meilleurs spécialistes de France en informatique, les meilleurs spécialistes de France en droit et les meilleurs spécialistes de France en sciences politiques ! Moi, je leur fais toute confiance pour concevoir un système de vote qui soit impartial, sincère et transparent.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

J'ai entendu mes collègues de l'opposition dire que j'avais utilisé le terme de « fraude » ou que j'avais accusé les étudiants de manipuler les scrutins. Je n'ai jamais fait cela ; j'ai toujours dit que ce texte de loi avait pour seul but de renforcer la démocratie universitaire et d'augmenter la participation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l'article 1er.

La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir l'amendement n° 3 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Je profiterai de l'occasion pour faire un petit retour en arrière. Il y a deux ans, nous avons eu un grand débat sur la loi relative aux libertés et responsabilités des universités. A l'époque, nous pouvions encore débattre pendant de nombreux jours, contrairement à ce que nous impose maintenant le nouveau règlement avec le temps global. Nos interventions sont en effet extrêmement limitées, quand nous ne sommes pas réduits au silence !

Nous sommes tout à fait d'accord pour avoir une discussion sur la démocratie étudiante, donc la démocratie à l'université et dans l'enseignement supérieur, et souhaitons revenir à la question des contre-pouvoirs au pouvoir important dont disposent les présidents d'université suite à la loi relative aux libertés et responsabilités des universités. Nous avons regretté à l'époque qu'il n'y ait pas, lors des conseils d'administration, un moment fort où le président de l'université s'engage, sur son rapport annuel notamment. Voilà pourquoi nous proposons, par cet amendement, qu'il engage sa responsabilité devant le conseil d'administration sur son rapport annuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Cet amendement a été repoussé par la commission. La disposition proposée ne paraît pas opportune car, loin d'être, selon certains discours, une sorte d'autocrate, le président de l'université est pleinement responsable devant le conseil d'administration de l'université.

D'abord, le président procède du conseil d'administration, car il est élu par la majorité des membres eux-mêmes élus de cet organe.

Ensuite, en raison du poids des enseignants-chercheurs dans le conseil d'administration et de l'attribution dans le collège des professeurs d'université et celui des maîtres de conférence d'une prime majoritaire à la liste des enseignants-chercheurs arrivée en tête des élections, le président est souvent issu des rangs des enseignants-chercheurs. Il a donc tout intérêt à ménager ses pairs qui siègent au conseil d'administration.

Par ailleurs, comme le souligne l'exposé sommaire de l'amendement, le conseil d'administration approuve le rapport annuel d'activité que doit lui présenter le président, nouveauté introduite par la loi LRU. Certes, la loi ne dit rien sur les conséquences d'un rejet de ce rapport mais, politiquement, peut-on penser que la menace d'un tel vote, voire le passage à l'acte et la publicité qui entourerait une telle opération ne constituent pas de sérieuses armes de dissuasion contre les dérives gestionnaires ? L'approbation du rapport d'activité doit être comprise comme une incitation à bien faire.

Enfin, en cas de difficultés graves dans le fonctionnement statutaire des EPSCP, je rappelle que l'État, en la personne du ministre de l'enseignement supérieur, peut, en vertu de l'article L. 719-8 du code de l'éducation, intervenir pour prendre toutes les dispositions imposées par les circonstances. Donc, avis défavorable à l'amendement.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Même avis que la commission.

(L'amendement n° 3 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 5 rectifié .

La parole est à M. Régis Juanico.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Loin de nous l'idée de penser que les présidents d'université sont des autocrates ! En revanche, nous avons souligné, lors de l'adoption de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, que l'équilibre des pouvoirs et des contre-pouvoirs au sein de l'université avait été significativement modifié, et après tout pourquoi pas ! Simplement, en précisant par cet amendement que le président de l'université est « responsable de l'organisation des élections », nous voulons rappeler que son devoir élémentaire est de garantir la pluralité des expressions des syndicats, des organisations étudiantes qui font campagne au moment des élections. Nous avons évoqué tout à l'heure les contentieux qui, il y a quelques années, ont malheureusement suivi les élections dans une petite minorité d'universités. Il est déplorable que l'initiative en revienne parfois à des présidents d'université.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Cet amendement est satisfait par le décret du 18 janvier 1985, qui organise les élections et attribue cette compétence au président de l'université. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Monsieur Juanico, donnez-vous satisfaction à Mme la ministre en retirant votre amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Non, je ne le retire pas. Je suis d'accord : cette disposition figure bien dans le décret de 1985, mais je voudrais qu'on lui donne force de loi.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Alors, je suis défavorable à cet amendement.

(L'amendement n° 5 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Cet amendement a été repoussé par la commission. Je rappelle que le comité électoral consultatif assiste aussi les directeurs d'établissement pour l'organisation des élections professionnelles dans les établissements à caractère culturel, scientifique et professionnel autres que les universités. Monsieur Juanico, pourquoi ne viser que les présidents d'université et oublier les malheureux directeurs d'établissement ?

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Défavorable, car cet amendement est satisfait par le même décret.

(L'amendement n° 6 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à M. Régis Juanico.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Comme je le disais dans mon intervention à la tribune – peut-être mes collègues l'ont-ils trouvée longue, mais elle était précise (Rires) -,…

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

…au moment de la discussion de la loi LRU, nous avons revu la répartition des représentations au conseil d'administration entre les différentes catégories – enseignants-chercheurs, personnalités qualifiées, représentants des étudiants, des personnels IATOSS. Mme la ministre a fort justement rappelé qu'il y avait plus de 2,2 millions d'étudiants – ce n'est pas rien ! –, à comparer aux 65 000 enseignants-chercheurs. Aussi, considérons-nous que les étudiants sont sous-représentés dans les conseils d'administration. Et même si elle n'explique pas complètement le manque de motivation et de mobilisation des étudiants pour les élections, cette sous-représentation est néanmoins facteur de démobilisation. Auparavant, les étudiants étaient représentés à hauteur de 25 % dans les conseils d'administration – ils avaient entre six et quinze représentants – et on est tombé aujourd'hui à 10 % : entre trois et cinq représentants, dans les nouveaux conseils. Cet amendement et le suivant ont donc pour objet de rétablir une juste représentation des étudiants.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Les amendements nos 1 et 2 , qui sont complémentaires, ont été repoussés par la commission. Leur objectif est clair. Il s'agit, d'une part, d'augmenter de cinq unités le nombre de membres des conseils d'administration et, d'autre part, de restaurer les règles antérieures à la loi LRU relatives au pourcentage de sièges détenus par les différentes catégories des membres.

Certes, la loi LRU a réduit le nombre de membres du conseil d'administration de soixante à trente au maximum, et de trente à vingt au minimum, mais ce resserrement s'est fait en respectant les grands équilibres de représentation au sein de ces conseils, c'est-à-dire sans léser la représentation des personnels, des étudiants et des personnalités extérieures. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Même avis que la commission.

(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Je viens de le défendre.

(L'amendement n° 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Défendu.

(L'amendement n° 4 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Les dispositions de l'article 1er ont été déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution.

Je suis saisi d'un amendement n° 17 rectifié , qui fait l'objet de quatre sous-amendements.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Cet amendement vise à rétablir le texte adopté par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, qui avait en effet été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution par le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour les motifs que j'ai indiqués lors de la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir le sous-amendement n° 19 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

N'ayant pu assister au début du débat, je n'ai pas eu l'occasion de dire à quel point nous sommes préoccupés par le recours au vote électronique. Peut-être le dispositif sera-t-il au point prochainement. Dans ce cas, il pourra être utilisé par les étudiants ou par d'autres électeurs. Mais, pour l'heure, tous les spécialistes – dont les meilleurs, à en croire Mme la ministre, sont réunis à l'université – s'accordent à dire qu'il ne garantit ni la confidentialité ni la sincérité du vote. En outre, il ne permet pas d'effectuer des contrôles, d'ailleurs peu compatibles avec la garantie de l'anonymat. C'est pourquoi il ne paraît pas sérieux que la loi rende une telle procédure obligatoire.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Ce ne sera pas le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Le sous-amendement n° 19 vise à rappeler notre opposition au principe du vote électronique.

On nous a opposé un argument écologique, mais celui-ci mériterait, à notre sens, de plus amples études : peut-être le vote électronique, économe en papier, ne le sera-t-il pas en termes de production de carbone. Je comprends que Mme la ministre ait à coeur de faire voter le texte, mais c'est probablement pour d'autres raisons, peut-être moins avouables.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Même avis. Mais je rappelle à Mme Fraysse que le texte n'impose pas le vote électronique : il offre seulement aux universités la possibilité d'y recourir.

(Le sous-amendement n° 19 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre le sous-amendement n° 21 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Nous tenons à rappeler combien il est important de respecter, dans l'organisation du vote, les formalités prévues par la CNIL.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Défavorable : le sous-amendement apporte une précision inutile.

(Le sous-amendement n° 21 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir le sous-amendement n° 20 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Il s'agit de préciser que le vote électronique ne pourra être utilisé pour aucune autre élection ou consultation que celle visée par le texte.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Défavorable également.

(Le sous-amendement n° 20 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Nous en venons enfin, madame Fraysse, au sous-amendement n° 22 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Chacun doit avoir la possibilité de participer au scrutin. Or tous les étudiants sont loin de disposer des moyens de voter chez eux. Sans revenir sur les influences ou les pressions auxquelles ils peuvent être soumis dans ce cadre, l'UNEF souligne que seulement 30 à 35 % d'entre eux possèdent un ordinateur personnel. Cela signifie que tous les autres devront se rendre à l'université.

Avant d'autoriser une université à recourir au vote électronique, il faut donc s'assurer qu'elle dispose d'un lieu dûment équipé et dédié aux opérations électorales, auquel les étudiants peuvent accéder sans avoir à faire la queue pendant des heures avant de se rendre en cours, et où l'anonymat du vote sera garanti.

J'ajoute que la discrimination sociale n'est pas seule en cause. L'espace numérique de travail ou de vote doit aussi être accessible aux personnes handicapées, ce qui n'est pas le cas de tous les locaux. Nous y reviendrons quand sera appelé l'amendement n° 15 .

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Rappelons que, d'après la dernière enquête du CREDOC, 92 % des étudiants ont accès à internet de chez eux. D'ailleurs, monsieur Juanico, même si vous contestez à présent ces chiffres, vous avez soutenu lors du débat sur la HADOPI, que tous les jeunes sont aujourd'hui sur internet. Je ne vous le fais pas dire : ils utilisent la toile non seulement pour télécharger, mais aussi pour étudier. N'est-ce pas une bonne nouvelle ?

Quoi qu'il en soit, je suis sensible au souci de Mme Fraysse de garantir l'égalité des électeurs devant le scrutin. Le Gouvernement serait donc disposé à émettre un avis favorable sur son sous-amendement s'il était rédigé ainsi :

« Après la première phrase de l'alinéa 3, insérer la phrase suivante :

« Cette dernière modalité peut s'appliquer à condition que, dans l'établissement, soient mis à la disposition des électeurs des ordinateurs dans des lieux dédiés aux opérations électorales. »

C'est vous, madame Fraysse, qui avez parlé d'un « lieu dédié aux opérations électorales ». M. Juanico, pour sa part, a exprimé le désir que l'on vivifie la démocratie étudiante non seulement par le vote électronique, qui n'est qu'un moyen de voter, mais aussi en solennisant le vote, voire en l'entourant d'un certain décorum. La rédaction que je vous propose permettrait de vous donner satisfaction à tous deux.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Le sous-amendement n° 22 est ainsi rectifié.

La parole est à M. Régis Juanico, pour répondre à la commission et au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Nous soutenons le sous-amendement n° 22 rectifié . En effet, même si nous sommes défavorables au principe du vote électronique, les sous-amendements de repli servent parfois à obtenir certaines garanties.

Il incombera à l'université – c'est-à-dire à son président ou au conseil d'administration – de choisir entre le vote par bulletin et le vote électronique. À nos yeux, la décision doit être prise après avis de la commission consultative électorale. Pour assurer l'égal accès de tous les étudiants au vote, il importera alors de créer des bureaux de vote électroniques.

Les bureaux de vote physique ont été stigmatisés, au motif qu'ils permettaient de faire pression sur les électeurs. C'est que les élections étudiantes se déroulent pendant un délai très resserré, souvent en un jour. Même si le taux de participation est faible – environ 15 % –, les organisations ou les syndicats étudiants s'adressent aux étudiants lors de leur passage à l'université. Il faut donc que la campagne puisse se dérouler le jour même, autour des bureaux de vote, ce qui suppose l'existence d'espaces numériques ouverts à tous les étudiants, où pourront se dérouler les élections.

(Le sous-amendement n° 22 rectifié est adopté.)

(L'amendement n° 17 rectifié , sous-amendé, est adopté et l'article 1er est ainsi rédigé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 15 , portant article additionnel après l'article 1er.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

L'amendement n° 15 a pour objet d'autoriser tout électeur atteint d'une infirmité à se faire assister, lors de son vote, par un électeur de son choix.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Le code électoral dispose que les bureaux de vote doivent être accessibles aux personnes handicapées pour l'élection des conseillers municipaux, des conseillers généraux et des députés. Il devrait en être de même pour les élections au conseil des établissements publics à caractère culturel, scientifique et professionnel.

En attendant que tous les bureaux soient accessibles aux personnes handicapées, au plus tard en 2011, les électeurs qui en ont besoin peuvent demander à être aidés.

Certains orateurs ont avancé que le vote électronique était plus facile pour les personnes handicapées. Ce n'est pas ce que concluent certaines études. À Londres, des chercheurs de la City ont souligné, au contraire, toutes les difficultés que cause la procédure électronique à cet égard.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Défavorable. Je rappelle que le vote est personnel.

(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 7 rectifié .

La parole est à Mme Martine Martinel.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

L'inscription d'office sur les listes électorales permettrait d'informer les étudiants dès leur inscription à l'université de l'existence des élections et des conditions dans lesquelles ils peuvent y participer selon les modalités fixées par le décret électoral du 18 janvier 1985. C'est un moyen d'inciter les jeunes à participer à la vie démocratique, puisque nous avons tous déploré l'absentéisme aux élections.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Avis défavorable. Il semble préférable que l'étudiant, dûment informé, décide en toute indépendance de participer aux élections.

(L'amendement n° 7 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Il est défendu, de même que l'amendement n° 9 .

(L'amendement n° 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 9 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Défavorable, car l'amendement est satisfait.

(L'amendement n° 10 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Défavorable, car l'amendement est satisfait.

(L'amendement n° 11 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 13 .

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Il s'agit d'un amendement de suppression, puisque nous sommes contre le vote électronique.

(L'amendement n° 13 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je suis saisi d'un amendement n° 12 .

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Il s'agit, là encore, d'un amendement de suppression.

(L'amendement n° 12 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 2 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Les dispositions de l'article 3 ont été déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution.

Je suis saisi d'un amendement n° 18 rectifié du Gouvernement.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Cet amendement rétablit le texte qui rend la proposition de loi applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.

(L'amendement n° 18 rectifié , accepté par la commission, est adopté et l'article 3 est ainsi rédigé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Je le répète, vouloir régler le problème de la participation des étudiants aux élections par des moyens techniques n'est pas la bonne voie. Le vote électronique n'est pas suffisamment au point pour être sûr, sincère et contrôlable. En tout état de cause, il n'a jamais été démontré que la participation des étudiants augmentait grâce à ce moyen. Au contraire, pour les élections au conseil d'administration du CNRS, la participation a diminué avec l'instauration du vote électronique.

Nous serions mieux inspirés en formulant, les uns et les autres, des propositions sérieuses pour permettre une meilleure participation des étudiants : organiser de vrais débats, une vraie campagne, leur envoyer chez eux des textes, des engagements dont ils pourraient discuter, peut-être aussi permettre que le vote dure plus d'une journée pour que certains étudiants puissent y participer en fonction des jours où ils ont cours.

Je regrette que la réflexion sur ce vrai sujet – je déplore moi aussi l'insuffisance de participation – se réduise à la question du vote électronique qui, une fois encore, n'est pas fiable dans l'état actuel des connaissances, même si sans doute elles progresseront.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Debray

Cette proposition de loi s'inscrit dans la voie du progrès et de la modernité. Elle va donner un nouveau souffle à la vie démocratique des universités grâce à un taux accru de participation aux élections. Ce sera peut-être le début de la généralisation du vote électronique aux élections nationales. Il pourrait être couplé avec le vote traditionnel pour lutter contre l'abstentionnisme.

Le groupe UMP votera cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

J'ai longuement expliqué, en présentant la motion de rejet préalable, les motifs de notre opposition à cette proposition de loi, qui est désormais un projet de loi d'initiative parlementaire.

Nous sommes d'accord sur le constat : le taux de participation des étudiants aux élections est trop faible. Mais nous ne sommes pas d'accord sur les voies et moyens de l'augmenter. Ce désaccord n'est pas majeur. Comme je l'ai indiqué, c'est parce que la fiabilité, la sincérité, la transparence ne peuvent être assurées aujourd'hui par le vote électronique, que nous pensons que ce n'est pas le bon moyen pour augmenter le taux de participation.

Nous aurions souhaité prendre le temps de discuter de ce texte. Les conditions de son examen n'ont pas permis d'approfondir la concertation. L'urgence n'ayant pas été déclarée, il y aura une deuxième lecture. Je souhaiterais que, d'ici là, le rapporteur notamment s'informe mieux, en organisant des auditions, sur l'avis que différents acteurs du monde de l'enseignement supérieur et de la recherche portent sur ce texte. Leur contribution pourrait enrichir la loi.

Pour terminer, même sil'amendement de Mme Fraysse et la rectification de Mme la ministre apportent un minimum de garanties en posant le principe que tous les étudiants disposeront d'un lieu dédié aux opérations électorales où ils pourront exercer leur droit de vote ; nous ne pensons pas que le vote électronique soit aujourd'hui une solution fiable et propre à augmenter le taux de participation. Notre groupe votera donc contre la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

En réponse à Mme Fraysse et M. Juanico, je prends l'engagement que, lors des prochaines élections, et dans le cadre du chantier « Vie étudiante » auquel nous travaillons avec les organisations étudiantes, nous prévoirons des budgets dédiés leur permettant de faire campagne. Nous en sommes bien d'accord, la participation dépend aussi, et d'abord, des moyens consacrés à la campagne électorale, et j'y tiens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Prochaine séance, mardi 29 septembre à vingt et une heures trente :

Projet de loi organique et projet de loi relatifs à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma