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Intervention de Régis Juanico

Réunion du 28 septembre 2009 à 15h00
Vote électronique pour les élections au conseil des établissements publics à caractère culturel scientifique et professionnel — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico :

Pour tout informaticien, écrire sans commettre d'erreurs un programme aussi important que celui que nécessite une élection est en effet considéré comme un exploit.

Par ailleurs, rien ne prouve que l'utilisation du vote électronique fait progresser la participation électorale, au contraire.

Selon le rapporteur, les contraintes liées au déplacement des étudiants pour aller voter seraient responsables de leur désaffection. Or la faiblesse du taux de participation ne s'explique pas par l'obligation faite aux étudiants de se déplacer pour voter, puisque les bureaux de vote sont installés sur les lieux d'enseignement. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) À moins qu'ils ne se rendent pas à leurs cours, ce qui ne serait pas bien.

En outre, je rappelle au rapporteur que l'université a pour mission de former des citoyens. Or, jusqu'à preuve du contraire, les votes traditionnels aux élections locales, nationales ou européennes se déroulent dans des bureaux de vote physiques, et non derrière un ordinateur. Au reste, les rares expériences menées avec des machines à voter sont progressivement abandonnées par les municipalités, notamment à Mulhouse, à Saint-Malo ou chez vous, monsieur le rapporteur, à Reims, au nom de la légendaire sagesse champenoise. Quant aux Pays-Bas, précurseurs du vote électronique, ils sont définitivement revenus, en 2008, au vote papier, en raison de trop nombreux dysfonctionnements et contestations.

Notre devoir de parlementaires est de faire oeuvre de pédagogie, d'inculquer, dès l'université, aux plus jeunes électeurs les bons réflexes citoyens et de préserver le caractère solennel du vote. Or cela passe par des urnes physiques et par le vote papier.

Encore une fois, il n'est pas démontré que le vote par internet favorise la participation. Des exemples récents semblent même plutôt démontrer le contraire. Ainsi, le taux de participation à l'élection du conseil d'administration du CNRS, si cher à Mme la ministre, qui était de 46 % en 2001 – le vote se faisant alors par correspondance –, est tombé à 32 % en 2009, alors que le vote était organisé par internet. Pour l'élection des membres de l'assemblée des Français de l'étranger, la part des électeurs votant par internet est passée de 60 % en 2003 à 9 % en 2009. Du reste, à l'issue du scrutin de 2006, le sénateur UMP Michel, représentant des Français de l'étranger, avait déclaré que, « pour les Français de l'étranger, le vote par correspondance restait le système le plus simple ». Enfin, lors de la dernière élection au conseil de prud'hommes de Paris, où le vote par internet était admis, le taux de participation a été de 18 %, alors que la moyenne nationale était de 25 %.

Quant à l'exemple des élections universitaires à Nantes, brandi par le rapporteur, il est peu significatif : plus 2,7 % de participation à l'élection du conseil d'administration, plus 1,74 % pour le conseil scientifique et moins 0,1 % pour le conseil des études et de la vie universitaire. L'expérience a, du reste, été jugée tellement concluante que l'université de Nantes a décidé d'abandonner le vote électronique…

Enfin, et surtout, le vote électronique ne garantit pas suffisamment la confidentialité, la fiabilité et la sûreté des opérations de vote. Ainsi que le démontrent l'ensemble des travaux scientifiques, il est le moins à même de garantir le respect de la transparence des opérations électorales, puisqu'il prive les électeurs de leur capacité effective de surveiller le déroulement des élections et de constater la sincérité des résultats.

Nous touchons là à la question primordiale de la confidentialité et de la confiance dans le processus électoral. Des expériences malheureuses de vote électronique, par exemple lors de l'élection de George Bush, en novembre 2000, ont fait naître une légitime suspicion envers un système qui dissimule à la vue des scrutateurs une partie du processus électoral.

Plusieurs chercheurs en informatique – je pense non seulement à Franck Rebillard, maître de conférences à Lyon II et spécialiste incontesté du web 2.0, mais aussi à Chantal Enguehard, que vous auriez eu tout intérêt à auditionner, monsieur le rapporteur – ont abondé en ce sens, estimant que, quel que soit le système de vote électronique mis en oeuvre, les électeurs seraient privés de leur capacité effective de surveiller le déroulement des élections et de constater la sincérité des résultats énoncés.

La fédération des associations françaises des sciences et des technologies de l'information – l'ASTI – a, quant à elle, appelé, dans une motion de décembre 2007, « à ne pas recourir au vote électronique anonyme – en fait, à tout type de vote électronique, qu'il s'effectue à distance, par internet ou dans un bureau de vote – au nom du principe de précaution. » En effet, pour l'ASTI, il est, en l'état actuel de la technologie, impossible de réaliser un vote anonyme contrôlable directement par les électeurs, en conformité avec les dispositions de la Constitution et du code électoral, et, en l'espèce, s'agissant de l'enseignement supérieur, du code de l'éducation.

Pis, le vote électronique est susceptible de multiplier les risques de fraudes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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