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Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du 4 mai 2011 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • scientifique
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La séance

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 4 mai 2011

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

La Commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de M. Didier Houssin, dont la nomination en qualité de président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur est envisagée par le Président de la République.

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Nous sommes réunis aujourd'hui, conformément à l'article 13 de la Constitution, pour émettre un avis sur la nomination de M. Didier Houssin, actuel directeur général de la santé, en qualité de président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, l'AERES.

Cette nomination, envisagée par le Président de la République, fait partie de celles sur lesquelles notre Commission doit se prononcer au préalable.

Je rappelle qu'aux termes de l'article 13 de la Constitution, si l'addition des suffrages négatifs émis dans les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat atteint les deux tiers du total des suffrages exprimés, le Président de la République ne peut pas procéder à la nomination.

Avant d'émettre notre avis, nous allons entendre M. Houssin, qui se rendra cet après-midi devant nos collègues de la Commission de la culture du Sénat pour se livrer au même exercice.

Monsieur le professeur Houssin, vous allez nous exposer votre parcours et, surtout, le projet que vous souhaitez développer en matière d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. Vous nous parlerez sans doute également de la façon dont vous envisagez le fonctionnement de l'AERES et les éventuelles modifications que vous pourriez y apporter.

À l'issue de votre audition, nous procéderons à un vote au scrutin secret dont le dépouillement sera réalisé simultanément avec le Sénat dans le courant de l'après-midi.

Je formulerai pour ma part deux questions. Premièrement, s'agissant de l'impact de l'évaluation des universités dans le nouvel écosystème issu de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), quel est votre avis sur les incidences des travaux de l'AERES sur le financement et donc le fonctionnement des universités ?

Deuxièmement, quel est votre sentiment sur les critiques émises à l'encontre des critères d'évaluation de la recherche retenus par l'AERES ?

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Didier Houssin

En préambule, j'évoquerai trois points : mon aptitude à devenir président du conseil de l'AERES ; la perception que j'ai du chemin accompli par l'Agence ; les perspectives que j'envisage pour celle-ci.

En ce qui concerne mon aptitude, je souhaite faire valoir plusieurs éléments. D'abord, j'ai fait de la recherche durant plus de vingt ans, en tant que chargé de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), puis en tant que professeur d'université, en dirigeant un laboratoire universitaire de recherche chirurgicale, labellisé « équipe d'accueil ». J'ai travaillé sur la tolérance immunitaire des greffes du foie, la xénogreffe de coeur, la thérapie génique et, en recherche clinique, sur la greffe du foie, en particulier chez l'enfant – laquelle était ma spécialité en tant que chirurgien et en tant que chercheur. Si « dans le miroir de feu de la vérité, la joie sourit au chercheur », je sais que la recherche réclame surtout un travail tenace et qu'il faut de longs efforts pour qu'une idée se transforme en vérité objective, acceptable comme telle.

Professeur de chirurgie, j'ai formé des étudiants, des internes, des chefs de clinique et de nombreux chirurgiens étrangers. Je suis ensuite devenu organisateur de formations lorsque m'ont été confiées la direction de l'école doctorale nationale en sciences chirurgicales, puis la coordination de l'enseignement en sciences humaines et sociales pour les étudiants de première année de médecine – sujet qui m'intéressait particulièrement.

Je suis familier d'un organisme de recherche, l'Inserm, mais aussi de l'université. Durant quatre ans, j'ai présidé le conseil scientifique de l'université René Descartes-Paris V – dont j'ai été vice-président – et participé à la gouvernance de cette université au côté de son président, le regretté Pierre Daumard. J'allais présider cette université lorsque les « obligations sanitaires » m'ont conduit à la tête de la direction générale de la santé (DGS) en 2005.

Mon expérience de l'évaluation est variée : en commission scientifique spécialisée de l'Inserm, puis au Conseil national des universités, j'ai évalué des chercheurs, des enseignants-chercheurs, des projets et des unités de recherche ; à la tête de l'Établissement français des greffes, j'ai évalué les résultats des activités de greffe par type de greffe et par équipe ; à la DGS, enfin, j'ai organisé l'évaluation de politiques publiques de santé.

Je n'ai jamais dirigé une autorité administrative indépendante, mais j'ai dirigé pendant plus de huit ans l'Établissement français des greffes, établissement public national qui, du moins par la taille, ressemblait à l'AERES et a été précurseur de l'Agence de la biomédecine.

S'agissant de l'indépendance, je n'ai pas de lien d'intérêt personnel ou familial qui puisse altérer la mienne vis-à-vis des organismes ou établissements évalués. Comme directeur général de la santé, j'ai côtoyé plusieurs autorités administratives indépendantes (AAI) et je sais que leur positionnement vis-à-vis des élus, des ministères et des communautés professionnelles est un enjeu crucial en termes de crédibilité. Enfin, j'ai lu les recommandations formulées en 2010 par les députés René Dosière et Christian Vanneste sur les AAI.

Concernant l'AERES, elle a fait un travail important depuis sa création et a conduit ses missions dans une démarche de qualité. Les commentaires faits par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sont éloquents, et je salue l'action des précédents présidents, Jean-Marc Monteil et Jean-François Dhainaut, et de leurs équipes. Les débats parlementaires à l'occasion de la loi de 2006 ayant créé l'Agence étaient clairs : l'Agence devait mettre en oeuvre une évaluation unifiée, généralisée, cohérente et homogène pour faciliter les comparaisons, mais aussi conforme aux normes européennes et adaptée aux spécificités des différentes disciplines. Cela a été fait et bien fait, car effectué d'une manière impartiale, motivée, transparente, grâce à un dialogue avec des pairs et à l'écoute des observations des « évalués ». Cette évaluation est intégrée, dans la mesure où elle aborde à la fois la recherche et la formation. Il faudra d'ailleurs approfondir cette notion d'intégration et en faire un élément encore plus fertile.

Les parlementaires voulaient que l'évaluation faite par l'Agence soit suivie d'effets : par un effet de miroir, puis de levier, l'évaluation a permis à de nombreux établissements de mieux se connaître et de progresser, en gouvernance comme en management, et de prendre des décisions stratégiques. Il faut poursuivre cette amélioration continue des processus fondée sur des retours d'expérience.

Au niveau régional, les évaluations de l'Agence ont été utiles aux acteurs politiques, économiques et sociaux. Grâce au rapport de l'AERES de 2010, ceux-ci peuvent savoir ce qui est offert dans la région en termes de formation, de valorisation, donc de perspectives d'innovation, de développement économique et d'emploi.

Grâce à ces évaluations, le ministère a pu guider sa contractualisation avec les établissements – en particulier pour l'octroi de financements nouveaux – et son pilotage des organismes de recherche – je pense en particulier à l'évaluation de l'Inserm, qui a conduit cet organisme à des évolutions importantes.

Est-ce à dire que tout est fait et qu'il ne s'agit plus que de peaufiner l'ouvrage ? Non : une deuxième étape s'ouvre pour l'AERES, devant déboucher sur des améliorations.

Je vois, pour l'Agence, différents progrès possibles.

D'abord, certaines missions peuvent être accomplies ou perfectionnées. La richesse de la recherche et de l'enseignement supérieur est constituée des hommes et des femmes qui s'y consacrent : il est donc prioritaire – la loi en a donné mission à l'Agence et cela n'a pas encore été fait – de valider les procédures d'évaluation des personnels.

L'Agence est une loupe qui donne une vue précise des activités des unités de recherche, des formations et de la gouvernance de chaque établissement. C'est aussi un oeil de poisson ; le ministre avait parlé en 2006 d'un hélicoptère, qui donne une vision étendue du champ. L'évaluation faite par l'Agence doit aussi être plus parlante, parce que plus contrastée. On constate l'attribution de beaucoup de « A + » : il serait utile, par sublimation, de dégager ce qui relève du presque parfait, qui est sans doute plus rare – ne serait-ce que pour mettre au jour les meilleures pratiques. De plus, pourquoi se priver d'une analyse plus approfondie de ce qui est très bon sur la scène internationale ? Pourquoi ne pas le faire savoir ?

La méthode d'évaluation unique portée par l'Agence contribue à l'équilibre et à la logique globale du dispositif français de recherche et d'enseignement supérieur : il faut accentuer cet effet de clé de voûte – terme aussi utilisé par plusieurs parlementaires en 2006. Il peut permettre à des structures aujourd'hui distinctes de mieux se tenir ensemble et de leur ouvrir des perspectives – je pense en particulier aux grandes écoles et aux universités ou à celles-ci et aux organismes de recherche.

Deuxième orientation principale : certaines attentes pourraient être mieux identifiées, pour mieux y répondre. L'Agence doit renforcer l'analyse de ses données, afin que chaque acteur trouve une réponse aux questions qu'il se pose.

L'étudiant, qui cherche à s'orienter à partir de dossiers thématiques et de chaque composante offerte pour la poursuite de ses études ou sa future insertion professionnelle ; il peut être un contributeur précieux à l'évaluation.

Le chercheur ou l'enseignant-chercheur, qui cherche à identifier des modes d'action fertiles et à disposer d'une vision stratégique dans son domaine disciplinaire et les secteurs adjacents.

Le responsable d'unité de recherche, qui doit s'ouvrir des perspectives pour mieux produire, diffuser et valoriser des connaissances, attirer des jeunes, retenir les plus anciens, prendre la mesure de l'échelon européen et arrêter des décisions plus stratégiques.

Le responsable de formation, en quête de progrès dans les pratiques pédagogiques pour l'insertion professionnelle à court ou moyen terme, mais aussi en vue du maintien et de la promotion dans le monde du travail.

Le responsable d'un organisme de recherche ou d'un établissement d'enseignement supérieur, qui cherche à identifier des options stratégiques en matière de gouvernance et de synergie, à l'échelon territorial, national ou européen, mais aussi en termes de continuité des études, d'insertion professionnelle, de politique de recherche et de valorisation, d'implantation internationale. Fondée sur l'auto-évaluation et la notation, l'évaluation indépendante par un tiers accepté – l'Agence – doit accentuer son rôle de décision, sa capacité à dialoguer en matière de financement et de management, mais aussi à défendre des spécificités – je pense aux organismes dont le rôle d'expertise en appui des politiques publiques est crucial, lesquels doivent aussi être évalués à cette aune.

L'élu local, auquel l'Agence doit apporter un éclairage, notamment du point de vue de l'insertion professionnelle et de l'articulation avec le tissu économique et social territorial, en particulier dans le cadre de la politique régionale.

L'élu national, aussi, en l'éclairant sur l'analyse des politiques publiques de recherche et d'enseignement supérieur.

Enfin, le ministère, qui est chargé d'opérer une mutation profonde du dispositif français de recherche et d'enseignement supérieur. Il faut, avec discernement, mettre en valeur celui-ci dans sa diversité, ses équilibres territoriaux, ses nouvelles formes – je pense en particulier aux initiatives récentes relatives aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) et aux investissements d'avenir –, afin d'accroître son attractivité sur la scène internationale.

Il convient donc, en dernier lieu, d' « accompagner » une certaine vision, laquelle devra au besoin être précisée.

L'évaluation, jugement sur la valeur, est une chose ; le prononcé de ce jugement en est une autre. L'Agence a été au rendez-vous de la transparence : encore faut-il rendre public, et d'une manière simple. L'évaluation actuelle, désynchronisée, et difficile à suivre. Comment respecter le rythme quinquennal de la contractualisation tout en créant de la synchronisation, pour ne pas se limiter à la comparaison historique d'un objet avec lui-même et pour pouvoir donner chaque année une vue d'ensemble objective ? Y a-t-il place pour un processus complémentaire d'auto-évaluation annuelle simplifiée ? Ces questions devront être explorées.

Chacun souhaite des analyses transversales par champ disciplinaire. Si l'évaluation est aujourd'hui acceptée, la publicité donnée à une évaluation comparative ne le sera que si elle est soumise à des conditions précises. À l'époque des classements et face au risque du hit-parade, l'Agence doit faire en sorte que l'évaluation ait un meilleur discernement, en tenant compte de la diversité des natures et des contextes, et que les comparaisons soient facilitées – sans que l'acceptation de l'évaluation fasse ne fût-ce qu'un pas en arrière.

À l'heure où un effort important est fait par nos concitoyens en faveur de leur recherche et de leur enseignement supérieur, l'Agence doit contribuer, autant qu'il est possible, à l'évaluation du résultat de cet effort en termes de production scientifique, de valorisation, d'innovation, d'emploi, et de croissance. Elle doit saisir cette occasion pour favoriser une véritable promotion des métiers de la recherche, du plaisir de trouver, de découvrir, d'enseigner aux élèves et aux étudiants, de la participation au progrès scientifique et technique.

Il s'agit enfin pour l'Agence d'être un porte-voix, de mettre en valeur la recherche et l'enseignement supérieur de notre pays vis-à-vis de nos concitoyens, mais aussi sur la scène européenne et internationale, pour que la France apparaisse davantage comme un foyer vivant de vie intellectuelle : l'attractivité en la matière est devenu un enjeu stratégique. Il y a lieu à cet égard de se demander pourquoi les Chinois se sont engagés dans leur classement des universités mondiales.

Hélicoptère, loupe, miroir, levier, clé de voûte, porte-voix : voilà donc tout ce que doit être l'Agence au sein du dispositif français de recherche et d'enseignement supérieur.

Si je suis nommé, je serai fier et heureux de présider le conseil de l'AERES et de venir vous parler de ces sujets autant de fois que vous le souhaiterez, ici, à l'Assemblée nationale, rue de l'Université…

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L'enseignement supérieur et la recherche sont des domaines très importants pour l'avenir de notre pays, d'autant plus après la crise économique internationale que nous avons connue.

Or, l'université et la recherche françaises doivent changer : elles sont en train de le faire ; leur évaluation est primordiale à cet égard.

La complémentarité, voire la rivalité, entre nos écoles d'ingénieurs, qui prodiguent une formation professionnelle exceptionnelle, et nos universités, où se fait la recherche, est une spécificité française : comment doit-elle évoluer ? Des passerelles sont-elles envisageables ? Comment les évaluer, sachant qu'il ne faut pas « casser » la dynamique des petits groupes que constituent les écoles ?

Notre recherche publique est de bon niveau, mais elle n'est pas totalement valorisée : chaque université a un petit service de valorisation. Comment pensez-vous évaluer la recherche publique ? Une mutualisation entre les différents services de recherche publique est-elle envisageable ? Qu'en est-il notamment de la question des co-brevets, dont les applications pratiques soulèvent parfois des difficultés ?

On constate par ailleurs l'échec de nombreux étudiants, dont beaucoup de bon niveau, en fin de première année universitaire. Nous avons oeuvré à l'Assemblée nationale pour créer des passerelles et permettre des réorientations : comment lutter contre ces échecs ?

Les PRES évoluent, ce qui est bien – la loi leur a récemment donné la possibilité de délivrer des diplômes nationaux – : leurs conseils d'administration ne doivent-ils pas être évalués et donner lieu à certaines modifications ?

S'agissant des grands organismes de recherche, la solution tendant à garder le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en créant des interfaces et des Alliances est une bonne chose : les chercheurs ont des feuilles de route et l'organisation verticale du centre donne satisfaction. On sait que l'imagerie par résonance magnétique (IRM) n'a pas été découverte pour faire de l'imagerie, ni le laser pour donner lieu à des applications ophtalmologiques, ce qui montre le caractère essentiel de ces interfaces et alliances : comment entendez-vous les évaluer ?

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Votre expérience en matière de recherche et d'évaluation plaide pleinement en faveur de votre candidature.

Vous avez été directeur général de la santé sous l'autorité de différents ministres : pourquoi souhaitez-vous quitter cette fonction pour prendre la présidence de l'AERES, dont l'actuel président aurait pu être renouvelé ?

Nous nous sommes interrogés sur la diffusion du contenu du rapport public de l'Agence : à l'évidence, la communication de ses évaluations pourrait être améliorée.

De même, pourrait-on notablement accroître l'apport des évaluations pour les étudiants – dans le cadre de leur orientation – ainsi que pour les équipes de recherche – en vue de leur permettre de disposer de la meilleure information possible sur ce qui se passe dans les établissements.

Je partage les propos d'Olivier Jardé sur la nécessaire complémentarité entre nos grandes écoles et nos universités, mais pouvez-vous nous confirmer que les rapports d'évaluation sur les universités ne risquent pas de les déstabiliser ?

Les collectivités territoriales, qui sont au coeur du développement des universités, sont-elles pleinement associées aux évaluations de l'Agence, ainsi qu'aux décisions et aux choix d'orientation ? Certaines inquiétudes se font jour à cet égard.

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Notre Commission suit attentivement les questions relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche, en raison de leur caractère stratégique pour notre pays. De la qualité de ces secteurs dépendent le développement de l'innovation, d'importants gisements de croissance et d'emploi, ainsi que l'attractivité de notre pays dans le cadre de la compétition internationale.

Notre système, fondé sur les grandes écoles et les universités, est en effet une spécificité française : comment voyez-vous le développement de synergies, de complémentarités et de mutualisations entre elles, ainsi qu'au sein des universités – sachant que se pose la question de la taille critique de celles-ci, notamment dans le domaine de la recherche ?

Qu'en est-il s'agissant des relations entre nos écoles et universités, d'une part, et les universités et les grandes unités de recherche des autres pays européens, d'autre part ?

Quelle est votre approche des critères d'évaluation de la recherche : comment s'assurer de leur objectivité ?

Comment percevez-vous par ailleurs l'attractivité du métier de chercheur, qui est un facteur important ?

Comment voyez-vous enfin l'évaluation des PRES récemment créés ?

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J'ai écouté avec intérêt les objectifs que vous entendez poursuivre si vous êtes nommé à la tête de l'AERES.

Mais je souhaite rappeler notre scepticisme, non à l'égard de votre personne, mais de la procédure de nomination retenue en application de la Constitution, telle qu'elle a été modifiée en 2008 par la majorité sous l'impulsion du Président de la République. Cette prétendue avancée démocratique n'en a que l'apparence : comment justifier l'indépendance d'une autorité lorsque le Président de la République soumet aux parlementaires la nomination de son président ?

L'AERES remet chaque année au Gouvernement un rapport sur ses travaux, qui est transmis au Parlement et au Haut conseil de la science et de la technologie : comment les parlementaires peuvent-ils se saisir de cet événement pour examiner les pratiques de l'Agence, valider la pertinence de son action et juger de son indépendance ?

Par ailleurs, l'Agence a parfois été critiquée pour ses méthodes d'évaluation et sa culture du classement, accordant une large part aux critères quantitatifs – des tableaux et des notations utilisés in fine pour justifier d'allouer des moyens différenciés selon les établissements – ; cela peut conduire à une uniformisation des diplômes proposés : quelle appréciation portez-vous sur ces méthodes et quels critères comptez-vous développer ?

Le conseil de l'AERES fait l'objet d'un renouvellement par moitié tous les deux ans : comment entendez-vous améliorer la représentativité des femmes en son sein ? Pouvez-vous prendre des engagements précis à ce sujet ?

(Présidence de M. Michel Herbillon, vice-président de la Commission)

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Le principe d'évaluation est consubstantiel à toute activité de recherche et même à toute activité scientifique : c'est la contrepartie indispensable d'un système fondé sur l'excellence et la sélectivité. Il est important de concentrer ses forces sur certains choix scientifiques et certaines priorités.

Avant la loi du 18 avril 2006 qui a créé l'Agence – j'avais été rapporteur de ce texte –, prédominaient morcellements, chevauchements, voire carences dans l'évaluation. Certains pans entiers de la recherche n'étaient pas évalués, notamment une grande partie de l'activité des enseignants-chercheurs – qui représentent quasiment la moitié des effectifs de chercheurs en France –, ceux-ci n'étant évalués que s'ils postulaient à une promotion de grade ou de corps ou travaillaient dans des unités mixtes de recherche. En d'autres termes, un maître de conférence ne cherchant pas à devenir professeur et travaillant uniquement dans un laboratoire universitaire n'était jamais évalué. La moitié de la mission statutaire des enseignants-chercheurs, en l'occurrence l'activité d'enseignement, ne l'était pas non plus. Qu'envisagez-vous dans ce domaine ?

Quelle articulation proposez-vous avec l'organisme de moyens que constitue l'Agence nationale de la recherche (ANR) ? Je rappelle que dans la plupart des autres pays, comme le Japon, les États-Unis ou la Grande-Bretagne, prévaut, au contraire de la France, une confusion entre les fonctions de financement et d'évaluation.

Enfin, quelle doit être la finalité pratique de l'évaluation ? Au CNRS, les notations allaient de D à A, mais en fin de compte, on enregistrait une différence de financement d'à peine 10 % entre les meilleurs projets et les moins bons, ce qui n'est guère incitatif. En Allemagne, au contraire, certaines méthodes aboutissaient, en cas d'évaluation concluant à une performance insuffisante, à des mesures drastiques sur la rémunération des dirigeants, voire à la fermeture de certains établissements. De même, en France, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) n'hésitait pas à réorienter ou à arrêter certains projets, et l'institut Pasteur à réduire substantiellement le financement de certaines unités ou à fermer celles-ci. Cette question concerne autant le futur président de l'Agence que le pouvoir politique.

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L'évaluation occupe aujourd'hui une place incontournable dans l'évolution de la recherche et de l'enseignement supérieur. Un tiers extérieur aux établissements examine-t-il leur méthodologie d'évaluation ? Quel pourrait être le rôle de l'AERES dans ce domaine ?

Comment envisagez-vous d'harmoniser les critères et les items retenus dans les grilles d'évaluation ?

S'agissant des diplômes de l'enseignement supérieur, quelle place faites-vous à la validation des acquis, des unités de valeur ? Comment entendez-vous prendre en compte le lien avec le monde professionnel, afin d'associer étroitement théorie et pratique ?

Enfin, tous les membres du comité de l'Agence sont nommés, ce qui est contraire à l'objectif d'indépendance affiché par la loi, notamment à l'équilibre entre pilotage de la recherche et autonomie de la science – par comparaison, les membres du comité national du CNRS, dont certaines missions sont de même nature que celles de l'AERES, sont pour moitié élus par les chercheurs. N'y a-t-il pas par ailleurs lieu de faire preuve d'innovation dans l'amélioration de la place faite aux femmes ?

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J'ai apprécié, monsieur le professeur, la concision et la rigueur scientifique de votre exposé. Vous avez incontestablement une bonne connaissance du milieu universitaire et votre action à la DGS fait état d'un bilan remarquable.

La réforme de l'université, que l'on disait impossible, a aussi été votée pour rapprocher les étudiants de l'emploi : comment l'intégration des étudiants sur le marché du travail est-elle prise en compte dans l'évaluation des universités ?

L'autonomie de celles-ci a été au coeur de la contestation, même si elle est aujourd'hui acceptée et donne de premiers résultats. Elle ne peut s'exercer sans une évaluation. Comment voyez-vous l'évolution de cette autonomie sachant le risque de hit-parade dont vous avez parlé, véhiculé par les médias ?

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Il est singulier de devoir se prononcer aujourd'hui sur la nomination du futur président de l'AERES, dans la mesure où, sans mettre en cause les qualités professionnelles ou personnelles du professeur Houssin, on a du mal à comprendre pourquoi le mandat du précédent président, Jean-François Dhainaut, n'a pas été renouvelé, alors que ce dernier n'avait pas démérité – loin de là – et souhaitait poursuivre ses fonctions.

En outre, les membres de l'AERES, comme son président, sont nommés par l'exécutif, ce qui va à l'encontre du principe d'indépendance de cette institution affiché par la loi ; tandis que les membres du comité national du CNRS – lequel a des missions de même nature que l'Agence – sont pour moitié élus par des chercheurs : cela entraîne un déficit d'intéressement de la communauté universitaire !

Or, l'AERES a aujourd'hui autorité sur l'attribution des diplômes par les universités sans aucun contrôle de cette même communauté universitaire. Ses évaluations ne portent que sur les dossiers clos, jamais sur des projets : cette absence de perspectives nous interpelle.

Dans le même temps, l'Agence valide des diplômes ne respectant pas l'arrêté du 23 avril 2002 relatif aux études universitaires conduisant au grade de licence, notamment sur la compensation semestrielle des notes prévue à l'article 28. Ainsi, la licence de droit de l'université de Lyon 3 est-elle validée par l'Agence malgré l'absence d'une telle compensation.

Enfin, l'Agence n'est pas aujourd'hui en mesure de publier une cartographie nationale de l'ensemble des diplômes dispensés dans les universités françaises. Cela rend le maillage universitaire impossible à déchiffrer.

La priorité doit-elle être donnée à la nomination d'un nouveau président ou à la refonte des pratiques de l'Agence ? Aurez-vous vous-même à coeur de travailler à cette nécessaire rénovation ?

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Tout le monde admet que l'évaluation doit faire partie de la mise en oeuvre des politiques publiques. En matière de recherche et d'enseignement supérieur, ne faut-il pas prévoir deux types d'évaluation – je pense en particulier aux sciences humaines, notamment à la psychologie ou à la sociologie –, à savoir, d'une part, l'évaluation de la recherche elle-même dans la discipline étudiée et, d'autre part, celle des flux d'étudiants et des débouchés, sachant que, dans certaines disciplines, nous formions voilà encore trois ou quatre ans cinq à six fois plus d'étudiants que dans des pays de taille comparable ? Cela permettrait d'améliorer substantiellement l'orientation des étudiants.

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Merci, monsieur le professeur, pour la clarté de vos propos et votre ambition pour notre université : nous espérons que vous allez être nommé à la présidence de l'AERES.

Nous savons que les évaluations de l'Agence sont importantes pour les universités et pour le développement et la répartition des écoles doctorales, notamment au sein des PRES. Comment comptez-vous faire évoluer les critères d'évaluation des universités ? Vont-ils concerner l'ensemble des acteurs de celles-ci, y compris les étudiants et les enseignants-chercheurs ? Comptez-vous rendre publics les rapports de l'Agence, à la manière, par exemple, dont la Cour des comptes le fait ici à l'Assemblée nationale ?

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Je me réjouis que l'article 13 de la Constitution nous permette d'émettre un avis sur votre nomination.

Vous avez évoqué le classement de Shanghai, qui est un véritable thermomètre intellectuel. Certains disaient à cet égard que l'on assistait à une fuite de nos chercheurs à l'étranger : je ne suis pas sûr que ceux-ci soient plus nombreux à l'intérieur de nos frontières qu'à l'extérieur.

Quel est votre avis sur les PRES et les fondations qui se mettent en place ? Faut-il les encourager, les regrouper, sachant que différents types de financement, de haute technologie notamment, les favorisent ?

Des recherches sont réalisées partout, dans les universités, les grandes écoles, au CNRS, au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), voire dans les écoles de commerce. Mais dans l'enseignement supérieur, certaines formations aux concours exigent un mémoire de recherche, ce qui pose la question de savoir si l'on ne dévalorise pas ainsi la recherche au profit des concours. Se pose également le problème de la recherche fondamentale appliquée, de même que celui des relations entre les maîtres de conférences et les professeurs agrégés détachés à l'université (PRAG) et de leurs plans de carrière dans le cadre de l'université.

Quelle est enfin votre position sur le rôle de l'Agence à l'égard de la recherche transfrontalière, la Franche-Comté ayant par exemple une frontière de près de 200 kilomètres avec la Suisse ?

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Parmi les nombreuses missions que vous souhaitez mener à bien ou perfectionner, comment entendez-vous approfondir la notion d'intégration que vous évoquiez ?

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S'agissant du classement de Shanghai, il est clair que nous avons perdu en score et en nombre : comment améliorer l'évaluation de nos universités en vue d'y remédier ?

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Comment voyez-vous la mission de l'Agence vis-à-vis des PRES ?

Quel sera son rôle dans le choix des instituts hospitalo-universitaires (IHU) et des laboratoires d'excellence réalisé dans le cadre du grand emprunt ?

Votre expérience remarquable en matière scientifique, médicale et universitaire nous incite à accueillir positivement vos propositions, mais il est d'autres secteurs importants, étrangers à votre parcours professionnel – je pense notamment à l'enseignement supérieur artistique –, où existent des conflits entre les acteurs, voire entre les ministères, sur les évaluations réalisées par l'Agence : comment entendez-vous y remédier ?

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Didier Houssin

Je vais regrouper les réponses aux nombreuses questions qui m'ont été posées tout en m'adressant à chacun des députés qui sont intervenus.

Monsieur Jardé, vous avez rédigé un rapport important sur la convergence entre les grandes écoles et les universités : la question est de savoir comment favoriser cette convergence, une synergie entre ces deux groupes d'acteurs, sans leur faire perdre leurs atouts respectifs, qui sont précieux. L'AERES peut, dans ce domaine, avoir un rôle de co-diplomation ou de validation de celle-ci. Au travers d'une évaluation unique, elle peut aussi favoriser des rapprochements. Le rapport de M. Christian Philip soulignait, comme vous je crois, qu'il fallait davantage procéder par convergence et épaulement mutuel que par rapprochement forcé : je serai pour ma part attentif à ce que l'AERES joue un rôle de catalyseur dans tous les processus de synergie qui peuvent se faire jour entre ces deux ensembles, en mettant notamment en valeur les expériences réussies.

Sur la question des PRES, qui sont relativement récents, il sera utile d'évaluer leur impact en termes de production scientifique, de diffusion des connaissances, de valorisation, de positionnement international. On a bien identifié leur valeur ajoutée : le travail de l'Agence devrait se concentrer sur certains aspects de celle-ci pour voir en quoi ces nouvelles structures ont répondu aux attentes.

S'agissant du CNRS, il doit être évalué cette année. C'est un organisme unique au monde, qui a une grande dimension interdisciplinaire. L'enjeu ne sera pas aussi important qu'il y a quelques années à propos de l'Inserm, où nous étions confrontés à un besoin de structuration différent. Un travail substantiel de restructuration du CNRS a été réalisé. On essayera de se focaliser davantage sur la valeur ajoutée de cet organisme en termes d'interdisciplinarité et sur son articulation avec les universités, qui tend à s'améliorer.

Monsieur Deguilhem, vous me demandez pourquoi je suis amené à quitter la DGS : je crois que, comme disait Pagnol, il faut à un moment donné « laisser un peu mesurer les autres ». Après plusieurs années passées à la tête de cette direction, il est probablement sage de passer le relais. Sur les questions de sécurité sanitaire, il est préférable d'éviter la routine, sous peine de risquer d'être un jour confronté à des difficultés importantes.

En ce qui concerne la publication des données, l'Agence présente beaucoup de résultats sur son site Internet. Cela dit, le site ne suffit pas, même s'il est bien fait. Il faut aussi porter à la connaissance des parlementaires, notamment, ce qui peut les intéresser : cela relève davantage d'une action de communication que de la simple production d'informations. On pourrait peut-être faire encore des progrès dans ce domaine.

Vous évoquez le risque d'une évaluation déstabilisante. L'objectif est de permettre au contraire aux entités évaluées, quelles qu'elles soient, de se situer, de se comparer autant que possible, d'une façon correcte, ainsi que de progresser. Je crois que l'Agence a fait preuve de beaucoup de respect dans la manière dont elle a conduit ses évaluations, pour éviter justement cet écueil de la déstabilisation, de l'évaluation « punition » ou « contrôle ». Elle doit jouer le rôle d'un tiers extérieur accepté aidant les entités à s'améliorer.

Monsieur Herbillon, s'agissant de la synergie entre grandes écoles et universités, aujourd'hui les critères d'évaluation des unités de recherche sont focalisés sur la production ou le projet scientifique, l'attractivité à l'égard des plus jeunes, notamment des étudiants se destinant à des activités scientifiques, la vie propre de l'unité, son organisation interne et sa gouvernance. L'idée est de s'orienter vers une approche multi-critères, non vers une simple note globale. Des améliorations peuvent sans doute être apportées, ne serait-ce que parce que dans le domaine de l'évaluation, il faut toujours faire évoluer le système, faute de quoi l'évalué finit par s'y adapter.

Je pense comme vous que le rôle de l'AERES est de mettre en valeur autant que possible les métiers de la recherche et de l'enseignement supérieur ainsi que l'importance du progrès scientifique et technique.

Madame Amiable, la procédure de nomination ne dépend pas de moi. En revanche, s'agissant du rapport annuel de l'Agence, je serai particulièrement attentif à ce que les parlementaires puissent disposer d'informations sous une forme plus utilisable, peut-être plus simple.

En ce qui concerne la représentation des femmes, mon objectif est qu'elle soit égale à celle des hommes. J'essayerai de promouvoir tout ce qui sera possible de faire pour y parvenir.

Monsieur Gaultier, en 2006, le ministre avait dit que sans la liberté, c'était le dirigisme, et sans l'évaluation, le laxisme. L'objectif est de trouver un équilibre en faisant en sorte que les chercheurs et les enseignants-chercheurs, qui ont beaucoup de liberté – à la fois thématique et dans l'organisation de leur travail –, soient en contrepartie évalués, ce qui doit leur permettre de se situer, de se jauger et de progresser. L'AERES a fait en sorte d'aboutir à une évaluation généralisée et d'éviter que des entités demeurent non évaluées. Reste la question des personnels : l'Agence a pour objectif de valider les procédures d'évaluation en la matière ; dans tous les organismes publics ou privés, on sait l'importance de celles-ci.

Vous avez voté en 2006 une disposition permettant à l'AERES d'évaluer l'ANR : ce travail devrait être réalisé cette année.

Enfin, l'évaluation n'a pas vocation à se substituer à la décision. Elle doit conduire à mettre des informations utilisables à la disposition de tous les décideurs : le ministère, pour améliorer la contractualisation, ou le président d'université, pour lui permettre d'argumenter ses choix, y compris en interne – où l'évaluation constitue un outil précieux.

Monsieur Pérat, des progrès restent sans doute à faire en matière d'harmonisation des critères, mais il faut aussi être extrêmement soucieux du respect de certaines spécificités : on ne peut pas évaluer la production dans le domaine des sciences sociales et humaines – un catalogue d'exposition par exemple – comme celle d'un laboratoire de génétique moléculaire, où la bibliométrie peut prendre une place beaucoup plus importante. Il faut donc faire preuve de discernement : on ne peut uniformiser complètement les critères.

S'agissant de la composition du conseil de l'Agence – lequel n'est pas un conseil d'administration –, elle est effectivement constituée de personnes nommées, mais au sein de catégories bien identifiées – certaines étant proposées par des responsables de structures, des organismes, d'autres par des structures d'évaluation internes d'organismes de recherche. Elle n'est donc pas arbitraire : elle repose sur une répartition entre ces catégories de manière à faire en sorte que le conseil soit suffisamment divers et expérimenté.

Monsieur Reiss, l'insertion professionnelle est un critère fondamental de l'évaluation des formations. Comme l'a montré le travail de l'AERES, on ne disposait jusqu'à présent que de peu de données sur l'insertion professionnelle des étudiants. Dans mon université, il y a quelques années, on aurait eu beaucoup de mal à dire ce qu'était devenu tel étudiant ayant suivi tel master professionnel au bout de trois ou cinq ans, dans la mesure où le système d'information relatif à ces données n'était pas en place. Il s'agit là d'un projet très important.

Ce point rejoint une des critiques que l'on peut faire de notre système au vu du classement de Shanghai : notre faiblesse au regard de l'important critère des alumni, c'est-à-dire les associations d'anciens étudiants ou élèves – auxquelles nous n'avons pas accordé assez d'attention. Des progrès peuvent être réalisés dans ce domaine : les universités pourraient être incitées à savoir où sont leurs anciens étudiants et ce qu'ils sont devenus.

Monsieur Féron, l'AERES n'évalue pas directement des projets de recherche – dans la mesure où elle n'a pas pour mission de les financer –, mais elle porte une appréciation sur ceux-ci au travers de l'évaluation des unités : cela fait l'objet d'un critère.

Nous avons en effet besoin d'avoir une cartographie des formations, par discipline notamment, afin d'avoir une vue d'ensemble de notre dispositif d'enseignement supérieur ; nous pourrions faire appel à des professionnels pour nous y aider.

Monsieur Marc, s'agissant de l'évaluation des flux d'étudiants et des débouchés, nous avons beaucoup de progrès à faire en termes de « benchmarks » – ou indicateurs de comparaison – internationaux. Nous devrions en savoir beaucoup plus sur ce qui fait la qualité de certaines universités américaines ou européennes, britanniques notamment, les raisons de leur bon classement et les leçons que nous pourrions en tirer pour progresser. Une approche systématique devrait prévaloir dans ce domaine, que ce soit sur les aspects de production scientifique, de valorisation, mais aussi au regard de l'insertion professionnelle.

Madame Boulestin, j'essayerai de faire en sorte que les parlementaires soient le mieux informés possible des travaux de l'Agence : je viendrai vous en parler ; je ferai en sorte d'être « pro-actif » dans la mise à disposition des rapports et de vous fournir des informations ni trop techniques, ni trop détaillées, mais de nature plus politique, de manière à ce que vous y trouviez ce que vous cherchez.

Monsieur Grosperrin, l'annonce en 2003 des résultats du classement de Shanghai a eu un énorme effet – c'est peut-être en France qu'il a provoqué le choc le plus rude. Il suffit de lire les débats parlementaires pour voir le nombre de références auxquelles il a donné lieu : il a d'ailleurs été un facteur déclencheur d'initiatives législatives prises en 2006 et dans les années suivantes. Ce classement a joué un peu le rôle d'un Micromégas : grâce à lui, et en dépit de ses imperfections, nous avons progressé.

Mais jusqu'où faut-il en tenir compte ? Le classement met en exergue un effet « taille » : faut-il pour autant se focaliser sur lui et dans quelles proportions ? Les initiatives prises dans le domaine des PRES vont dans ce sens et ont débouché sur des fusions – l'université de Strasbourg en témoigne par exemple. Mais ce critère ne doit pas être le seul : il faut aussi tenir compte de l'effet « alumni », que j'ai déjà évoqué.

S'agissant de la recherche transfrontalière, l'AERES peut apporter plus dans la connaissance de ce qui se passe chez nos voisins immédiats afin de favoriser des synergies : des relations bien établies existent déjà avec des universités situées de l'autre côté du Rhin, mais la démarche pourrait être plus systématique.

Madame Langlade, dans le projet initial, l'Agence devait évaluer la recherche, puis les parlementaires ont souhaité, notamment au Sénat, associer à cette mission celle de l'évaluation de l'enseignement supérieur. D'où la création empirique de l'AERES, sans véritable doctrine préalable, et sa capacité à évaluer en même temps la recherche et la formation : cela constitue une novation originale par rapport à ce qui se pratique dans le reste du monde. Il faut maintenant donner un contenu à cette capacité d'évaluation intégrée, afin de mettre davantage en lumière tous ses aspects positifs, en particulier la formation adossée à la recherche.

Madame de Panafieu, il existe aujourd'hui une dizaine de classements. Au niveau européen, un travail est en cours sur le projet U-Multirank (Multi-dimensional Global ranking of Universities), qui vise, selon le modèle inventé par les Allemands, à avoir une conception différente de celle des Chinois, à savoir une approche multi-critères, permettant à l'utilisateur, non pas de disposer simplement d'un « rangement », mais d'offrir par exemple à un étudiant la possibilité de trouver ce qui lui conviendrait le mieux en fonction de ce qu'il veut faire.

Le classement de Shanghai pose une question importante : pourquoi une équipe universitaire chinoise s'est-elle lancée dans ce projet – qui suppose un travail considérable, reposant sur l'analyse d'un grand nombre de données, sans pour autant conduire à des découvertes scientifiques extraordinaires ? Mon analyse est que cet outil a pour fonction initiale de donner des indications au dispositif d'enseignement supérieur chinois pour lui permettre d'orienter ses étudiants dans le monde, lesquels sont de plus en plus nombreux. On peut d'ailleurs se demander si nous avons ceux que nous souhaiterions le plus. Le classement soulève clairement le problème de l'attractivité.

Autre question clé : comment se fait-il que trois universités britanniques et que deux universités ou instituts suisses soient mieux positionnés que les universités ou organismes français les plus performants ? Nous devons tirer les leçons de ce classement plutôt que de nous poser des questions sur le thermomètre !

Madame Fourneyron, l'Agence va effectivement avoir un rôle à jouer – qui reste à préciser – vis-à-vis des nouveaux instruments que constituent les investissements d'avenir, les IHU ou les laboratoires et équipes d'excellence. La question se pose de savoir quelle sera sa contribution dans son champ de compétence.

S'agissant de l'évaluation des activités d'une autre nature, notamment dans le domaine de la production artistique, des liens existent entre l'Agence et le ministère de la culture, mais aussi ceux de l'agriculture ou de la défense. Si l'AERES est très liée par nature au ministère de l'enseignement et de la recherche, son champ d'action va au-delà. Je me préoccupe beaucoup de la coordination interministérielle et m'y suis largement investi : je sera donc très intéressé de travailler avec le monde de la culture sur la production artistique, ce qui d'ailleurs me permettra peut-être de faire des progrès personnels dans ce domaine.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le professeur, du soin que vous avez apporté à répondre aux questions de nos collègues.

En application de l'article 13 de la Constitution, la Commission procède ensuite au vote, par scrutin secret, sur la nomination, envisagée par le Président de la République, de M. Didier Houssin en qualité de président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À l'issue du vote, la séance sera suspendue jusqu'au dépouillement qui s'effectuera simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat.

La séance est suspendue à dix heures cinquante. Elle est reprise à seize heures trente et levée à seize heures trente cinq.

Les résultats du scrutin sont les suivants :

– Nombre de votants

38

– Bulletins blancs ou nuls

0

– Suffrages exprimés

38

– Pour

38

– Contre

0

En conséquence, la commission donne un avis favorable à la nomination de M. Didier Houssin en qualité de président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 4 mai à 9 heures 30 :

Présents. – Mme Marie-Hélène Amiable, M. Eric Berdoati, M. Marc Bernier, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Monique Boulestin, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, M. Édouard Courtial, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Delong, M. Bernard Depierre, Mme Marianne Dubois, Mme Jacqueline Farreyrol, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mme Valérie Fourneyron, M. Michel Françaix, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Claude Greff, M. Jacques Grosperrin, M. Michel Herbillon, Mme Sandrine Hurel, Mme Jacqueline Irles, M. Olivier Jardé, M. Régis Juanico, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Pierre Lequiller, M. Bernard Lesterlin, Mme Geneviève Levy, M. Apeleto Albert Likuvalu, M. Alain Marc, Mme Muriel Marland-Militello, M. Gilbert Mathon, M. Jean-Philippe Maurer, M. Michel Pajon, Mme Françoise de Panafieu, M. Jean-Luc Pérat, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Jean Roatta, M. Marcel Rogemont, Mme Marie-Josée Roig, Mme Michèle Tabarot, M. Jean Ueberschlag

Excusés. – Mme Sylvia Bassot, M. Bruno Bourg-Broc, M. Jean-François Copé, Mme Françoise Guégot, Mme Françoise Imbert, Mme Marietta Karamanli, M. Yvan Lachaud, Mme Martine Martinel, M. Michel Ménard, M. Daniel Spagnou

Assistaient également à la réunion. – Dominique Dord, M. Jean-Claude Flory, M. Jean-Louis Touraine