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Intervention de Didier Houssin

Réunion du 4 mai 2011 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Didier Houssin :

Je vais regrouper les réponses aux nombreuses questions qui m'ont été posées tout en m'adressant à chacun des députés qui sont intervenus.

Monsieur Jardé, vous avez rédigé un rapport important sur la convergence entre les grandes écoles et les universités : la question est de savoir comment favoriser cette convergence, une synergie entre ces deux groupes d'acteurs, sans leur faire perdre leurs atouts respectifs, qui sont précieux. L'AERES peut, dans ce domaine, avoir un rôle de co-diplomation ou de validation de celle-ci. Au travers d'une évaluation unique, elle peut aussi favoriser des rapprochements. Le rapport de M. Christian Philip soulignait, comme vous je crois, qu'il fallait davantage procéder par convergence et épaulement mutuel que par rapprochement forcé : je serai pour ma part attentif à ce que l'AERES joue un rôle de catalyseur dans tous les processus de synergie qui peuvent se faire jour entre ces deux ensembles, en mettant notamment en valeur les expériences réussies.

Sur la question des PRES, qui sont relativement récents, il sera utile d'évaluer leur impact en termes de production scientifique, de diffusion des connaissances, de valorisation, de positionnement international. On a bien identifié leur valeur ajoutée : le travail de l'Agence devrait se concentrer sur certains aspects de celle-ci pour voir en quoi ces nouvelles structures ont répondu aux attentes.

S'agissant du CNRS, il doit être évalué cette année. C'est un organisme unique au monde, qui a une grande dimension interdisciplinaire. L'enjeu ne sera pas aussi important qu'il y a quelques années à propos de l'Inserm, où nous étions confrontés à un besoin de structuration différent. Un travail substantiel de restructuration du CNRS a été réalisé. On essayera de se focaliser davantage sur la valeur ajoutée de cet organisme en termes d'interdisciplinarité et sur son articulation avec les universités, qui tend à s'améliorer.

Monsieur Deguilhem, vous me demandez pourquoi je suis amené à quitter la DGS : je crois que, comme disait Pagnol, il faut à un moment donné « laisser un peu mesurer les autres ». Après plusieurs années passées à la tête de cette direction, il est probablement sage de passer le relais. Sur les questions de sécurité sanitaire, il est préférable d'éviter la routine, sous peine de risquer d'être un jour confronté à des difficultés importantes.

En ce qui concerne la publication des données, l'Agence présente beaucoup de résultats sur son site Internet. Cela dit, le site ne suffit pas, même s'il est bien fait. Il faut aussi porter à la connaissance des parlementaires, notamment, ce qui peut les intéresser : cela relève davantage d'une action de communication que de la simple production d'informations. On pourrait peut-être faire encore des progrès dans ce domaine.

Vous évoquez le risque d'une évaluation déstabilisante. L'objectif est de permettre au contraire aux entités évaluées, quelles qu'elles soient, de se situer, de se comparer autant que possible, d'une façon correcte, ainsi que de progresser. Je crois que l'Agence a fait preuve de beaucoup de respect dans la manière dont elle a conduit ses évaluations, pour éviter justement cet écueil de la déstabilisation, de l'évaluation « punition » ou « contrôle ». Elle doit jouer le rôle d'un tiers extérieur accepté aidant les entités à s'améliorer.

Monsieur Herbillon, s'agissant de la synergie entre grandes écoles et universités, aujourd'hui les critères d'évaluation des unités de recherche sont focalisés sur la production ou le projet scientifique, l'attractivité à l'égard des plus jeunes, notamment des étudiants se destinant à des activités scientifiques, la vie propre de l'unité, son organisation interne et sa gouvernance. L'idée est de s'orienter vers une approche multi-critères, non vers une simple note globale. Des améliorations peuvent sans doute être apportées, ne serait-ce que parce que dans le domaine de l'évaluation, il faut toujours faire évoluer le système, faute de quoi l'évalué finit par s'y adapter.

Je pense comme vous que le rôle de l'AERES est de mettre en valeur autant que possible les métiers de la recherche et de l'enseignement supérieur ainsi que l'importance du progrès scientifique et technique.

Madame Amiable, la procédure de nomination ne dépend pas de moi. En revanche, s'agissant du rapport annuel de l'Agence, je serai particulièrement attentif à ce que les parlementaires puissent disposer d'informations sous une forme plus utilisable, peut-être plus simple.

En ce qui concerne la représentation des femmes, mon objectif est qu'elle soit égale à celle des hommes. J'essayerai de promouvoir tout ce qui sera possible de faire pour y parvenir.

Monsieur Gaultier, en 2006, le ministre avait dit que sans la liberté, c'était le dirigisme, et sans l'évaluation, le laxisme. L'objectif est de trouver un équilibre en faisant en sorte que les chercheurs et les enseignants-chercheurs, qui ont beaucoup de liberté – à la fois thématique et dans l'organisation de leur travail –, soient en contrepartie évalués, ce qui doit leur permettre de se situer, de se jauger et de progresser. L'AERES a fait en sorte d'aboutir à une évaluation généralisée et d'éviter que des entités demeurent non évaluées. Reste la question des personnels : l'Agence a pour objectif de valider les procédures d'évaluation en la matière ; dans tous les organismes publics ou privés, on sait l'importance de celles-ci.

Vous avez voté en 2006 une disposition permettant à l'AERES d'évaluer l'ANR : ce travail devrait être réalisé cette année.

Enfin, l'évaluation n'a pas vocation à se substituer à la décision. Elle doit conduire à mettre des informations utilisables à la disposition de tous les décideurs : le ministère, pour améliorer la contractualisation, ou le président d'université, pour lui permettre d'argumenter ses choix, y compris en interne – où l'évaluation constitue un outil précieux.

Monsieur Pérat, des progrès restent sans doute à faire en matière d'harmonisation des critères, mais il faut aussi être extrêmement soucieux du respect de certaines spécificités : on ne peut pas évaluer la production dans le domaine des sciences sociales et humaines – un catalogue d'exposition par exemple – comme celle d'un laboratoire de génétique moléculaire, où la bibliométrie peut prendre une place beaucoup plus importante. Il faut donc faire preuve de discernement : on ne peut uniformiser complètement les critères.

S'agissant de la composition du conseil de l'Agence – lequel n'est pas un conseil d'administration –, elle est effectivement constituée de personnes nommées, mais au sein de catégories bien identifiées – certaines étant proposées par des responsables de structures, des organismes, d'autres par des structures d'évaluation internes d'organismes de recherche. Elle n'est donc pas arbitraire : elle repose sur une répartition entre ces catégories de manière à faire en sorte que le conseil soit suffisamment divers et expérimenté.

Monsieur Reiss, l'insertion professionnelle est un critère fondamental de l'évaluation des formations. Comme l'a montré le travail de l'AERES, on ne disposait jusqu'à présent que de peu de données sur l'insertion professionnelle des étudiants. Dans mon université, il y a quelques années, on aurait eu beaucoup de mal à dire ce qu'était devenu tel étudiant ayant suivi tel master professionnel au bout de trois ou cinq ans, dans la mesure où le système d'information relatif à ces données n'était pas en place. Il s'agit là d'un projet très important.

Ce point rejoint une des critiques que l'on peut faire de notre système au vu du classement de Shanghai : notre faiblesse au regard de l'important critère des alumni, c'est-à-dire les associations d'anciens étudiants ou élèves – auxquelles nous n'avons pas accordé assez d'attention. Des progrès peuvent être réalisés dans ce domaine : les universités pourraient être incitées à savoir où sont leurs anciens étudiants et ce qu'ils sont devenus.

Monsieur Féron, l'AERES n'évalue pas directement des projets de recherche – dans la mesure où elle n'a pas pour mission de les financer –, mais elle porte une appréciation sur ceux-ci au travers de l'évaluation des unités : cela fait l'objet d'un critère.

Nous avons en effet besoin d'avoir une cartographie des formations, par discipline notamment, afin d'avoir une vue d'ensemble de notre dispositif d'enseignement supérieur ; nous pourrions faire appel à des professionnels pour nous y aider.

Monsieur Marc, s'agissant de l'évaluation des flux d'étudiants et des débouchés, nous avons beaucoup de progrès à faire en termes de « benchmarks » – ou indicateurs de comparaison – internationaux. Nous devrions en savoir beaucoup plus sur ce qui fait la qualité de certaines universités américaines ou européennes, britanniques notamment, les raisons de leur bon classement et les leçons que nous pourrions en tirer pour progresser. Une approche systématique devrait prévaloir dans ce domaine, que ce soit sur les aspects de production scientifique, de valorisation, mais aussi au regard de l'insertion professionnelle.

Madame Boulestin, j'essayerai de faire en sorte que les parlementaires soient le mieux informés possible des travaux de l'Agence : je viendrai vous en parler ; je ferai en sorte d'être « pro-actif » dans la mise à disposition des rapports et de vous fournir des informations ni trop techniques, ni trop détaillées, mais de nature plus politique, de manière à ce que vous y trouviez ce que vous cherchez.

Monsieur Grosperrin, l'annonce en 2003 des résultats du classement de Shanghai a eu un énorme effet – c'est peut-être en France qu'il a provoqué le choc le plus rude. Il suffit de lire les débats parlementaires pour voir le nombre de références auxquelles il a donné lieu : il a d'ailleurs été un facteur déclencheur d'initiatives législatives prises en 2006 et dans les années suivantes. Ce classement a joué un peu le rôle d'un Micromégas : grâce à lui, et en dépit de ses imperfections, nous avons progressé.

Mais jusqu'où faut-il en tenir compte ? Le classement met en exergue un effet « taille » : faut-il pour autant se focaliser sur lui et dans quelles proportions ? Les initiatives prises dans le domaine des PRES vont dans ce sens et ont débouché sur des fusions – l'université de Strasbourg en témoigne par exemple. Mais ce critère ne doit pas être le seul : il faut aussi tenir compte de l'effet « alumni », que j'ai déjà évoqué.

S'agissant de la recherche transfrontalière, l'AERES peut apporter plus dans la connaissance de ce qui se passe chez nos voisins immédiats afin de favoriser des synergies : des relations bien établies existent déjà avec des universités situées de l'autre côté du Rhin, mais la démarche pourrait être plus systématique.

Madame Langlade, dans le projet initial, l'Agence devait évaluer la recherche, puis les parlementaires ont souhaité, notamment au Sénat, associer à cette mission celle de l'évaluation de l'enseignement supérieur. D'où la création empirique de l'AERES, sans véritable doctrine préalable, et sa capacité à évaluer en même temps la recherche et la formation : cela constitue une novation originale par rapport à ce qui se pratique dans le reste du monde. Il faut maintenant donner un contenu à cette capacité d'évaluation intégrée, afin de mettre davantage en lumière tous ses aspects positifs, en particulier la formation adossée à la recherche.

Madame de Panafieu, il existe aujourd'hui une dizaine de classements. Au niveau européen, un travail est en cours sur le projet U-Multirank (Multi-dimensional Global ranking of Universities), qui vise, selon le modèle inventé par les Allemands, à avoir une conception différente de celle des Chinois, à savoir une approche multi-critères, permettant à l'utilisateur, non pas de disposer simplement d'un « rangement », mais d'offrir par exemple à un étudiant la possibilité de trouver ce qui lui conviendrait le mieux en fonction de ce qu'il veut faire.

Le classement de Shanghai pose une question importante : pourquoi une équipe universitaire chinoise s'est-elle lancée dans ce projet – qui suppose un travail considérable, reposant sur l'analyse d'un grand nombre de données, sans pour autant conduire à des découvertes scientifiques extraordinaires ? Mon analyse est que cet outil a pour fonction initiale de donner des indications au dispositif d'enseignement supérieur chinois pour lui permettre d'orienter ses étudiants dans le monde, lesquels sont de plus en plus nombreux. On peut d'ailleurs se demander si nous avons ceux que nous souhaiterions le plus. Le classement soulève clairement le problème de l'attractivité.

Autre question clé : comment se fait-il que trois universités britanniques et que deux universités ou instituts suisses soient mieux positionnés que les universités ou organismes français les plus performants ? Nous devons tirer les leçons de ce classement plutôt que de nous poser des questions sur le thermomètre !

Madame Fourneyron, l'Agence va effectivement avoir un rôle à jouer – qui reste à préciser – vis-à-vis des nouveaux instruments que constituent les investissements d'avenir, les IHU ou les laboratoires et équipes d'excellence. La question se pose de savoir quelle sera sa contribution dans son champ de compétence.

S'agissant de l'évaluation des activités d'une autre nature, notamment dans le domaine de la production artistique, des liens existent entre l'Agence et le ministère de la culture, mais aussi ceux de l'agriculture ou de la défense. Si l'AERES est très liée par nature au ministère de l'enseignement et de la recherche, son champ d'action va au-delà. Je me préoccupe beaucoup de la coordination interministérielle et m'y suis largement investi : je sera donc très intéressé de travailler avec le monde de la culture sur la production artistique, ce qui d'ailleurs me permettra peut-être de faire des progrès personnels dans ce domaine.

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