La séance est ouverte à 10 heures.
Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.
La Commission examine tout d'abord, sur le rapport de M. Charles de la Verpillière, le projet de loi organique, modifié par le Sénat, relatif à l'élection des députés et des sénateurs (n° 3200).
Le Sénat a apporté aux trois textes constituant le « paquet électoral » des modifications qui ne remettent pas en cause les grands équilibres auxquels nous étions parvenus.
Pour ce qui est du projet de loi organique, il a abaissé de trente à vingt-quatre ans l'âge d'éligibilité au Sénat, mais il a surtout retouché le régime des inéligibilités liées au rejet d'un compte de campagne. Le Gouvernement avait souhaité, sur la suggestion de M. Mazeaud, aligner le droit applicable aux députés sur celui qui s'applique aux élus locaux, en donnant au juge de l'élection la possibilité de tenir compte de la bonne foi du député dont le compte aurait été rejeté, pour le dispenser de la peine d'inéligibilité. Le Sénat a, en quelque sorte, opéré un renversement du dispositif retenu à l'Assemblée nationale. Aux termes du texte qu'il a adopté, en cas de rejet du compte de campagne d'un élu quel qu'il soit, le juge ne prononcera l'inéligibilité que si le manquement ayant conduit au rejet est « d'une particulière gravité » ou s'il y a eu « volonté de fraude ». En contrepartie de ce qu'il faut bien regarder comme un assouplissement, la Haute assemblée a porté la durée de cette inéligibilité d'un an à trois ans maximum et décidé qu'elle s'appliquerait à toutes les élections. Elle a en outre introduit un nouveau cas d'inéligibilité : l'existence de manoeuvres frauduleuses portant atteinte à la sincérité du scrutin. Une inéligibilité déclarée sur ce fondement interdit à l'intéressé de se présenter à toute autre élection.
Les modifications apportées au projet de loi sur l'élection de députés par les Français de l'étranger sont purement techniques : je ne m'y attarderai donc pas. Je note toutefois que le sujet semble avoir passionné une chambre d'habitude soucieuse d'éviter que l'Assemblée ne se penche sur son propre régime électoral…
La proposition de loi, dans sa partie relative à la transparence financière de la vie politique, traite notamment des déclarations de patrimoine. Si, s'agissant des cas de déclaration mensongère, le Sénat n'est pas revenu sur le principe de l'incrimination pénale ni sur les sanctions prévues, il a comblé une lacune de la loi en instaurant une amende de 15 000 euros pour les élus qui manqueraient à l'obligation de fournir une déclaration à la sortie de leur mandat. Enfin, comme nous le lui avions suggéré, il a étendu aux élections sénatoriales la législation sur les comptes de campagne, étant entendu que la mesure ne pourra s'appliquer en 2011.
En revanche, il convient que les autres dispositions de cette proposition de loi et les deux autres textes s'appliquent aux élections de 2012, et il est donc impératif de les adopter avant le 1er juin pour respecter le délai d'une année.
Le projet de loi relatif à l'élection de députés par les Français de l'étranger a été largement amendé au Sénat, dans un sens que nous jugeons positif. Nous ne déposerons donc que trois amendements sur ce texte dont nous partageons la philosophie.
Sur le projet de loi organique, nous défendrons à nouveau nos amendements, rejetés en première lecture, tendant à modifier les conditions d'éligibilité et à renforcer les mesures d'inéligibilité. Si nous ne contestons pas les modifications apportées par le Sénat, nous en appelons à la sagesse de nos collègues de la majorité pour aggraver les sanctions applicables aux parlementaires qui fourniraient une déclaration de patrimoine mensongère. A-t-on oublié l'effet qu'a eu sur l'opinion la position incompréhensible qu'ils ont défendue en séance, contre la décision unanime de la Commission des lois ? À l'article 1er bis, nous vous proposons donc de réintroduire la peine d'emprisonnement. Nous souhaitons également qu'un élu devenu inéligible reverse à l'État le remboursement de ses dépenses électorales. Cette disposition de bon sens ne devrait pas poser problème.
À l'article 4 bis, le Sénat n'a pas retenu notre amendement, voté en première lecture, proposant que le siège d'un député élu au Sénat ou au Parlement européen soit occupé par son suppléant. Il nous semble inutile de le redéposer, puisque nous ne sommes qu'à quelques mois des élections sénatoriales ; mais nous prenons date. Par une sorte de retour à la IVeRépublique, on a voulu que les ministres qui quittent le Gouvernement retrouvent automatiquement leur place dans les assemblées : est-il dès lors logique qu'on laisse vacants pendant un an les sièges de nos collègues qui seront élus au Sénat en septembre prochain ?
Sur la proposition de loi, M. Dosière défendra des amendements conformes à ceux que nous avons déposés en première lecture et dans le droit fil de ceux que nous défendons sur le projet de loi organique. Ils concernent la prise en compte de la bonne foi de l'élu, le reversement en cas d'inéligibilité des dépenses électorales remboursées par l'État et la peine d'emprisonnement pour déclaration de patrimoine mensongère. En outre, nous proposerons que les partis qui ne respectent pas leurs obligations comptables ne puissent faire bénéficier leurs donateurs de la déduction fiscale qui s'attache aux dons. Enfin, nous demanderons l'abrogation de l'article 81 de la loi portant réforme territoriale, car il apporte au mode de calcul de l'aide publique, pour les futures élections territoriales, des modifications qui poseraient des problèmes insurmontables à l'ensemble des formations politiques.
La Commission examine, en premier lieu, les articles du projet de loi organique restant en discussion (n° 3200).
Article 1er (articles L.O. 127 à L.O. 133 et article L.O. 296 du code électoral) : Régime d'éligibilité et inéligibilités applicables aux parlementaires :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 1er bis (article L.O. 135-1 du code électoral) : Sanctions en cas de déclarations de patrimoine volontairement incomplètes ou mensongères ou en cas d'absence de déclaration de patrimoine de fin de mandat :
La Commission examine l'amendement CL 2 de M. Bernard Roman.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 1er quater (articles L.O. 394-2, L.O. 477-1, L.O. 504-1 et L.O. 533 du code électoral) : Application des dispositions relatives aux inéligibilités dans les collectivités d'outre-mer :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 2 (articles L.O. 136-1 et articles L.O. 136-2 et L.O. 136-3 [nouveaux] du code électoral) : Conséquences d'une infraction à la législation sur le financement des campagnes législatives :
La Commission est saisie de l'amendement CL 3 de M. Bernard Roman.
Nous approuvons la position du Sénat concernant la prise en compte de la bonne foi et, plus largement, le régime des inéligibilités. Toutefois, la rédaction qui subordonne la déclaration de l'inéligibilité à un manquement « d'une particulière gravité » nous semble trop restrictive. Mieux vaudrait seulement parler d'un manquement « grave ».
La Commission rejette l'amendement CL 3.
La Commission en vient à l'amendement CL 4 de M. Bernard Roman.
Quand un candidat est déclaré inéligible, la moindre des choses serait qu'il reverse à l'État le montant que celui-ci lui a remboursé au titre de ses dépenses de campagne.
L'amendement est dans une large mesure satisfait. Le Sénat a introduit une disposition de portée plus générale en vertu de laquelle le juge de l'élection peut imposer ce reversement à l'intéressé.
Si le juge peut prononcer cette peine, c'est qu'elle n'est pas automatique. Faisons en sorte que la morale soit respectée.
La Commission rejette l'amendement CL 4.
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 2 bis (articles L.O. 489, L.O. 516 et L.O. 544 du code électoral) : Coordination pour l'applicabilité outre-mer de la sanction d'inéligibilité :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 2 ter (article 195 de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999) : Coordinations pour l'application de la sanction d'inéligibilité en Nouvelle-Calédonie :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 2 quater (article 109 de la loi n° 2004-192 du 27 février 2004) : Coordinations pour l'application de la sanction d'inéligibilité en Polynésie française :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 3 (articles L.O. 151 et L.O. 151-1 et L.O. 151-2 à L.O. 151-4 [nouveaux] du code électoral) : Modalités de résolution des incompatibilités pour les parlementaires
L'amendement CL 5 de M. Bernard Roman est retiré.
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 3 quater (article 112 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004) : Application du nouveau régime de résolution des incompatibilités en Polynésie française :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 4 bis (articles L.O. 153, L.O. 176, L.O. 319 et L.O. 320 du code électoral) : Remplacement d'un député élu au Sénat ou au Parlement européen par son suppléant
La Commission maintient la suppression de l'article.
Article 6 (article L.O. 328 et L.O. 329 du code électoral) : Dispositions relatives à l'élection de députés par les Français établis hors de France :
Suivant l'avis du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL 6 de M. Bernard Roman ; puis elle adopte l'article sans modification.
Article 7 (articles L.O. 394-2 et L.O. 438-3 du code électoral) : Coordinations
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 8 (article 2 de la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983) : Sénateurs représentant les Français établis hors de France :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 9 bis (article 13 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976) : Vote par procuration des Français établis hors de France pour l'élection présidentielle :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 10 ter (article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962) : Maintien de l'obligation de dépôt d'un compte de campagne pour les candidats aux élections présidentielles :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 10 quater (article 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962) : Application des modifications de dispositions de valeur législative ordinaire à l'élection présidentielle
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 11 : Entrée en vigueur de la loi organique
La Commission adopte l'article sans modification.
Nous ne voterons pas ce projet de loi organique : si la plupart de ses dispositions nous agréent, nous ne voulons pas cautionner un texte exonérant d'une sanction exemplaire les candidats aux élections législatives qui auraient fraudé.
La Commission adopte l'ensemble du projet de loi organique sans modification.
Amendements examinés par la Commission
Amendement CL2 présenté par M. Bernard Roman et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 1er bis
À l'alinéa 2, substituer aux mots : « 30 000 € d'amende » les mots : « trois ans de prison et de 45 000 € d'amende ».
Amendement CL3 présenté par M. Bernard Roman et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 2
À l'alinéa 5, substituer aux mots : « d'une particulière gravité » le mot : « grave ».
Amendement CL4 présenté par M. Bernard Roman et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 2
Compléter l'alinéa 8 par la phrase suivante :
« Lorsqu'au contraire, le Conseil constitutionnel a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il enjoint à l'intéressé de reverser à l'État le montant perçu du remboursement de ses dépenses. »
Amendement CL5 présenté par M. Bernard Roman et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 3
À l'alinéa 3, substituer au mot : « ancienne » le mot : « récente ».
Amendement CL6 présenté par M. Bernard Roman et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 6
Compléter cet article par les quinze alinéas suivants :
« II. – Sont inéligibles dans l'ensemble des circonscriptions électorales des Français établis hors de France, pendant la durée de leurs fonctions et dans l'année qui suit la fin de celles-ci :
« 1° Le secrétaire général du ministère des affaires étrangères ;
« 2° Le directeur des Français à l'étranger et de l'administration consulaire au ministère des affaires étrangères ;
« 3° Le secrétaire général de l'Assemblée des Français de l'étranger ;
« 4° Le directeur et le directeur adjoint de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ;
« 5° Le directeur général délégué et le secrétaire général de l'établissement public Institut français ;
« 6° Le directeur général et le directeur général adjoint de l'établissement public Campus France ;
« 7° Le directeur général et le directeur général adjoint de l'établissement public France expertise internationale ;
« 8° Le directeur général de l'Agence française pour le développement international des entreprises ;
« 9° Le directeur général et le directeur général adjoint de l'Agence française de développement ;
« 10° Le directeur et le directeur adjoint de la Caisse des Français de l'étranger ;
« 11° Le directeur général et le directeur général adjoint de la Mission laïque française ;
« 12° Le secrétaire général de la fondation Alliance française ;
« 13° Le délégué général du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France ;
« 14° Le délégué général de l'Union des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger. »
Elle passe alors à l'examen des articles du projet de loi (n° 3201) restant en discussion .
Article 2 (articles L. 330, L. 330-4, L. 330-5, L. 330-6, L. 330-6-1 [nouveau], L. 330-9-1 [nouveau] et L. 330-10 du code électoral) : Modification d'articles du code électoral issus de l'ordonnance :
Conformément à l'avis du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements CL 1, CL 3 et CL 2 de M. Jean-Jacques Urvoas, puis elle adopte l'article sans modification.
Article 3 (article 1er de la loi du 7 juin 1982 et article 13 de l'ordonnance du 4 février 1959) : Participation des députés élus par les Français établis hors de France aux travaux de l'Assemblée des Français de l'étranger et à l'élection des sénateurs :
La Commission adopte l'article sans modification.
La Commission adopte l'ensemble du projet de loi sans modification.
Amendements examinés par la Commission
Amendement CL1 présenté par M. Jean-Jacques Urvoas et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 2
Après l'alinéa 2, insérer les deux alinéas suivants :
« Le deuxième alinéa de l'article L. 330-3 est ainsi rédigé :
« Pour application du 2° de l'article L. 126 et du troisième alinéa de l'article L. 162, ne sont pas regardés comme inscrits sur la liste électorale consulaire les électeurs qui, pour l'année au cours de laquelle a lieu l'élection législative, ont fait le choix de voter en France en vertu du précédent alinéa et ne sont pas regardés comme inscrits sur la liste électorale en France les électeurs qui, pour l'année au cours de laquelle a lieu l'élection législative, ont fait le choix de voter à l'étranger. »
Amendement CL2 présenté par M. Jean-Jacques Urvoas et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 2
Compléter cet article par l'alinéa suivant :
« Le deuxième alinéa de l'article L. 330-12 du code électoral est supprimé. »
Amendement CL3 présenté par M. Jean-Jacques Urvoas et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 2
Après l'alinéa 17, insérer les deux alinéas suivants :
« c) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les article L. 49, L. 50, L. 50-1, L. 52-1 et L. 52-3 du code électoral s'appliquent aux campagnes électorales des candidats au mandat de député des Français établis hors de France. »
Elle examine, pour finir, les articles de la proposition de loi (n° 3199) restant en discussion .
Chapitre Ier Organisation des campagnes électorales
Article 1er AA (article L. 45-1 du code électoral) : Portée de la sanction d'inéligibilité :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 1er AB (article L. 46-1 du code électoral) : Abaissement du délai d'option en cas d'incompatibilité entre mandats :
La Commission maintient la suppression de cet article.
Article 1er AC (article L. 48-1 du code électoral) : Portée de la législation relative à la propagande électorale
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 1er AD (article L. 48-2 du code électoral) : Prohibition des polémiques électorales tardives
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 1er BA (article L. 49-1 du code électoral) : Prohibition de l'appel téléphonique en série des électeurs à partir de la veille du scrutin à zéro heure
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 1er BB (articles L. 50-1, L. 51 et L. 52-1 du code électoral) : Durée des interdictions de propagande
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 1er BC (articles L. 51, L. 165, L. 211 et L. 240 du code électoral) : Distribution des tracts et affichage pendant la campagne officielle :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 1er B (article L. 52-8 du code électoral) : Dons de personnes physiques aux candidats à une élection :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 1er C (article L. 52-11-1 du code électoral) : Possibilité pour la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques d'appliquer des sanctions financières :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 1er (article L. 52-12 du code électoral) : Dépôt du compte de campagne auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques :
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL 2 de M. Bernard Roman.
Elle examine l'amendement CL 9, toujours de M. Bernard Roman.
Cet amendement résulte également de demandes de la Commission nationale des comptes de campagne. Il lui permettra d'appliquer sa jurisprudence en matière de frais de déplacement, qui diffère de celle du Conseil constitutionnel.
Avis défavorable. Je ne connais que la jurisprudence des juges, et la Commission des comptes de campagne est un organe administratif.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL 7 de M. Bernard Roman.
La loi qui a créé la Commission des comptes de campagne lui a donné le pouvoir de faire des recommandations et c'est donc au nom de cette loi que nous vous proposons de prendre ces recommandations en considération. Le présent amendement permet de sanctionner les formations politiques qui ne remplissent pas leurs obligations comptables. Je comprends que vous souhaitiez un vote conforme afin que ce texte soit adopté au plus vite, mais une navette ne prendra pas beaucoup de temps. C'est en tout cas bien préférable à une loi incomplète.
Avis défavorable. Il n'appartient pas à la Commission des comptes de campagne de dicter la loi, d'autant qu'il existe en la matière une jurisprudence très claire du Conseil d'État. Par ailleurs, cette disposition se retournerait contre les donateurs.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission adopte l'article 1er sans modification.
Article 1er bis (article L. 52-4 du code électoral) : Clarification des modalités de déclaration du mandataire financier :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 2 (articles L. 154, L. 210-1, L. 265, L. 347 et L. 370 du code électoral et article 10 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977) : Désignation du mandataire financier :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 3 (articles L. 52-6 du code électoral et L. 561-22 du code monétaire et financier) : Droit du mandataire à l'ouverture d'un compte bancaire :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 3 bis A (article L. 52-11 du code électoral) : Modalités d'actualisation du montant des plafonds des dépenses électorales :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 3 bis (article L. 52-15 du code électoral) : Modalités de jugement des recours contre les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques :
La Commission maintient la suppression de cet article.
Article 3 ter (article L. 118-2 du code électoral) : Pouvoirs du juge de l'élection :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 3 quater (article L. 118-3 du code électoral) : Conditions de déclaration de l'inéligibilité des candidats en cas de manquement aux règles relatives au financement des campagnes électorales :
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements CL 3 et CL 8 de M. Bernard Roman.
Elle adopte l'article 3 quater sans modification.
Article 3 quinquies (article L. 118-4 [nouveau] du code électoral) : Mise en place d'une sanction d'inéligibilité en cas de fraude électorale :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 3 sexies (articles L. 197, L. 234 et L. 341-1 du code électoral) : Coordinations :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 3 septies (article L. 306 du code électoral) : Suppression des restrictions à l'organisation de réunions électorales en vue des élections sénatoriales :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 3 octies (articles L. 308-1 et L. 439-1 A [nouveau] du code électoral) : Application de la législation relative aux comptes de campagne aux candidats aux élections sénatoriales :
Nous présenterons en séance un amendement sur cet article relatif au financement des campagnes des sénateurs. Dans certaines collectivités d'outre-mer, telles que Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Wallis et Futuna ou Saint-Pierre-et-Miquelon, le sénateur n'est élu que par une trentaine de votants, parfois moins. Dès lors, le crédit de 10 000 euros accordé de façon générale semble pouvoir conduire à des abus. Il n'est pas besoin d'un financement spécifique pour ces cas très particuliers.
La Commission adopte l'article sans modification.
Chapitre II Modification de la loi n ° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique
Article 4 bis (article 2 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988) : Modalités de l'obligation de déclaration patrimoniale des dirigeants d'organismes et d'entreprises publics :
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL 4 de M. Bernard Roman.
Elle adopte l'article sans modification.
Article 6 (article 5-1 [nouveau] de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988) : Sanctions en cas de déclarations de patrimoine volontairement incomplètes ou mensongères ou en cas d'absence de déclaration de patrimoine de fin de mandat :
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL 5 de M. Bernard Roman.
Elle adopte l'article sans modification.
Article 6 ter (article 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988) : Actualisation annuelle des plafonds de dons aux partis politiques :
La Commission examine l'amendement CL 6 de M. Bernard Roman.
Nous avons déjà beaucoup débattu de cet amendement. La loi autorise les personnes physiques à faire aux partis politiques des dons faisant l'objet de déductions au titre de l'impôt sur le revenu, plafonnés à 7 500 euros. Mais, la notion de parti politique n'étant pas définie, il s'est progressivement créé de nombreux « micropartis », tous susceptibles de recevoir des dons. Une même personne peut en financer plusieurs et donc, au final, verser des sommes considérables par fractions de 7 500 euros. Le présent amendement précise que ce plafond s'applique au total des dons, quel qu'en soit le nombre. Cela éliminerait une source importante de discrédit pour les responsables politiques.
Le Québec s'est largement interrogé sur ces questions au cours de l'année 2010 : plusieurs cadres d'une même entreprise avaient versé la contribution maximale, qui était de 3 500 dollars, et l'on soupçonnait l'entreprise de les rembourser par la suite. En décembre, la loi québécoise a donc ramené le plafond à 1 000 dollars et imposé une déclaration individuelle selon laquelle la somme ne serait en aucune manière remboursée au donateur. Lorsqu'il a appris qu'en France, on donne autant de fois qu'on veut 7 500 euros, le directeur général des élections du Québec a levé les yeux au ciel…
Cet amendement serait source de complexité en obligeant à distinguer entre cotisations des élus et contributions des autres personnes physiques. En outre, il sera, en pratique, extrêmement difficile de vérifier si une personne a versé plus de 7 500 euros.
Ainsi, les Québécois seraient abasourdis par notre législation ? Mais les États-Unis d'Amérique voisins, qui sont généralement tenus pour une grande démocratie, autorisent les entreprises à participer au financement de la vie politique ! Notre pays l'interdit, pour éviter des conflits d'intérêts, ce qui est tout de même bien mieux. On ne peut pas laisser dire que nos dispositions sont si contestables. Et je suis sûr qu'il existe des dérapages un peu partout… À 7 500 euros, le plafond est élevé mais les partis reçoivent peu de dons de cette importance. La règle actuelle me paraît donc suffisante.
Si j'ai fait ce rapprochement, sans d'ailleurs porter aucun jugement de valeur, c'est que notre législation sur le financement de la vie politique s'était inspirée de celle qu'avait adoptée depuis longtemps le Québec. Or de nombreuses anomalies sont apparues là-bas, qui ont jeté un fort discrédit sur la classe politique au cours de l'année 2010. La réponse des Québécois a été de durcir leur législation – je signale au passage qu'ils n'ont aucune difficulté pour recenser les dons, puisque les listes de donateurs sont publiques et peuvent être consultées sur Internet. En France, des anomalies existent aussi. Les micropartis, apparus récemment, se multiplient. Cela peut se corriger. Vous pouvez refuser, mais il ne faudra pas s'étonner si les révélations sur le financement de certains partis suscitent des réactions très négatives à l'égard des responsables politiques.
Je suis surpris de la réponse du rapporteur puisque, lorsqu'une personne physique fait un don à une formation politique, celle-ci établit un reçu fiscal dont un double est envoyé à la Commission nationale des comptes de campagne. Cette dernière a d'ailleurs accompli tout un travail informatique pour faciliter la compilation de ces reçus. Bref, elle sait exactement qui donne combien et à qui. Une règle claire – 7 500 euros tous partis confondus – permettrait d'éviter le contournement de la loi.
M. Dosière a eu l'air de dire tout à l'heure qu'il se passait des choses bizarres en France. J'ai simplement voulu faire remarquer qu'on pouvait lever les yeux au ciel à propos de bien d'autres pays. Par ailleurs, si l'on veut prendre des références étrangères, il faut aller jusqu'au bout : inspirez-vous de la législation du Québec en matière d'immigration, par exemple !
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 6 ter sans modification.
Chapitre III Dispositions finales
Article 7 B : Habilitation à légiférer par ordonnance pour la refonte du code électoral :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 7 C (article 24 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977) : Abaissement à quinze jours du délai de viduité en cas de nomination d'un député européen au Gouvernement :
La Commission maintient la suppression de cet article.
Article 7 (articles L. 388, L. 392 et L. 395 du code électoral et article 19 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988) : Modalités d'application du présent texte en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis et Futuna :
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 8 : Entrée en vigueur de la loi :
La Commission adopte l'article sans modification.
Elle adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.
Amendements examinés par la Commission
Amendement CL2 présenté par M. Bernard Roman et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 1er
Supprimer les alinéas 3, 4, 5 et 11.
Amendement CL3 présenté par M. Bernard Roman et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 3 quater
À l'alinéa 5, substituer aux mots : « d'une particulière gravité » le mot : « grave ».
Amendement CL4 présenté par M. Bernard Roman et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 4 bis
Compléter cet article par l'alinéa suivant :
« IV. – L'article 81 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 est abrogé. »
Amendement CL5 présenté par M. Bernard Roman et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 6
À l'alinéa 2, substituer aux mots : « 30 000 € d'amende » les mots : « trois ans de prison et de 45 000 € d'amende ».
Amendement CL6 présenté par M. Bernard Roman et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 6 ter
Avant l'alinéa 1, insérer les deux alinéas suivants :
« Après le premier alinéa de l'article 11-4 de la même loi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant cumulé des dons visés au premier alinéa et des cotisations versées en qualité d'adhérent d'un ou de plusieurs partis politiques, à l'exclusion des cotisations versées en qualité d'élu, ne peut excéder le plafond prévu par le présent article. »
Amendement CL7 présenté par M. Bernard Roman et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 1er
Compléter cet article par l'alinéa suivant :
« À la dernière phrase du 3 de l'article 200 du code général des impôts, après les mots : « la transparence financière de la vie politique », insérer les mots : « sous condition que les partis ou groupements bénéficiaires remplissent les obligations prévues à l'article 11-7 de la même loi, ».
Amendement CL8 présenté par M. Bernard Roman et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 3 quater
Compléter cet article par les deux alinéas suivants :
« Lorsque le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office.
« Sans préjudice de l'article L. 52-15, lorsqu'il constate que la Commission instituée par l'article L. 52-14 n'a pas statué à bon droit, le Conseil constitutionnel fixe dans sa décision le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. Lorsqu'au contraire, le Conseil constitutionnel a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il enjoint à l'intéressé de reverser à l'État le montant perçu du remboursement de ses dépenses. »
Amendement CL9 présenté par M. Bernard Roman et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 1er
Après l'alinéa 5, insérer l'alinéa suivant :
« c) La deuxième phrase est complétée par les mots : « notamment les frais de déplacement de toute personne résidant hors de la circonscription électorale ». »
La Commission constate ensuite, sur le rapport de M. Didier Quentin, qu'elle n'est saisie d'aucun amendement, en application de l'article 88 du Règlement, sur la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat, tendant à l'approbation d'accords entre l'État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie française (n° 3164).
Puis, elle examine, sur le rapport de M. Didier Quentin, en application de l'article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à actualiser l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de commune de la Polynésie française ainsi que de leurs établissement publics administratifs (n° 3118).
Après l'article 3 ter :
La Commission accepte l'amendement n° 17 de M. Bruno Sandras, prévoyant la création d'une commission d'équivalence des diplômes auprès du centre de gestion et de formation.
Article 7 (art. 44 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005) : Règles relatives à la promotion interne :
La Commission examine l'amendement n° 4 de M. René Dosière.
Cet amendement correspond à une demande des élus de Polynésie française, qui souhaitent que soit supprimée la promotion interne au choix, par inscription sur une liste d'aptitude, afin de ne conserver que la seule promotion interne par concours ou examen professionnel.
Alors que le Sénat a rétabli la promotion interne au choix, le présent amendement a pour objet de la supprimer afin d'éviter toutes les dérives et pressions auxquelles elle peut donner lieu.
Avis défavorable. Il convient de ne pas porter de soupçons a priori sur les communes de Polynésie française.
Par ailleurs, aux termes de l'article 7 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005, c'est au haut-commissaire de la République qu'il revient d'arrêter les statuts de chaque cadre d'emplois, dans lesquels est fixée la proportion de postes pourvus par la voie interne. L'intervention du haut-commissaire permettra indéniablement de prévenir les dérives qui pourraient apparaître lors de l'établissement des listes d'aptitude.
De surcroît, l'inscription d'agents communaux sur la liste d'aptitude, après avis de la commission administrative paritaire compétente, est désormais conditionnée à l'évaluation de « leur valeur professionnelle et des acquis de leur expérience professionnelle ».
Avec de telles garanties, il convient de maintenir la promotion interne au choix.
La Commission accepte l'amendement n° 4.
Article 9 (art. 54 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005) : Régime des congés :
La Commission accepte les amendements n°s 15 de M. Bruno Sandras et 1 de M. Michel Buillard, visant à prévoir un congé lié aux charges parentales.
Article 10 (art. 62 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005) : Régime d'encadrement indemnitaire :
La Commission accepte l'amendement n° 19 de M. Bruno Sandras, visant à intégrer les rémunérations accessoires dans l'assiette de calcul des cotisations sociales des agents.
Article 11 bis (art. 72-3, 72-4 et 72-5 [nouveaux] de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005) : Emplois fonctionnels :
La Commission examine l'amendement n° 6 de M. René Dosière.
Cet amendement, ainsi que les suivants, a pour objet de réserver aux communes les plus importantes la création d'emplois fonctionnels. L'amendement n° 6 réserve ainsi aux communes de plus de 5 000 habitants et non de plus de 2 000 habitants, comme le prévoit actuellement le texte, la possibilité de créer un emploi fonctionnel de directeur général des services.
En effet, les emplois fonctionnels représentent in fine une charge financière importante pour les collectivités, alors même que les communes de Polynésie française ne disposent pas de ressources fiscales propres et sont très dépendantes des dotations financières de l'État. Il n'est donc pas souhaitable que soit davantage aggravée la situation financière de ces communes, en ouvrant trop largement la possibilité de créer des emplois fonctionnels.
Avis défavorable. Cette remontée des seuils nécessaires pour pouvoir créer un emploi de directeur général des services, ainsi que la suppression des emplois fonctionnels de directeur adjoint des services des communes et des groupements de communes auraient des conséquences immédiates, en limitant dans les faits aux 16 plus grosses communes le bénéfice d'un emploi fonctionnel, alors qu'il convient de permettre à toutes les communes et à leurs EPCI de mettre en place un encadrement de qualité pour faire face à leurs nouvelles compétences.
Par ailleurs, l'adoption de l'amendement n° 7 – suppression de l'emploi fonctionnel de directeur général adjoint des services des communes – conduirait à une incohérence du texte, car l'alinéa 11 de ce même article prévoit que cet emploi fonctionnel peut faire l'objet d'un recrutement direct dans les communes de plus de 30 000 habitants.
Au total, cette différence de traitement entre petites communes des départements et petites communes de Polynésie serait discriminatoire, alors qu'il convient de ne pas considérer les communes de Polynésie comme des communes de seconde zone.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission repousse l'amendement n° 6.
Puis, la Commission repousse les amendements n°s 7, 8 et 9 de M. René Dosière.
Elle accepte enfin l'amendement rédactionnel n° 13 de M. Didier Quentin.
Article 12 (art. 72-2 [nouveau] de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005) : Emplois de cabinet :
La Commission examine l'amendement n° 5 de M. René Dosière.
Le présent amendement a pour objet de limiter la création d'emplois de cabinet aux communes de plus de 20 000 habitants, qui ne sont que trois en Polynésie. Le Conseil d'État, dans un arrêt du 16 janvier 2011 concernant justement la Polynésie française, a d'ailleurs rappelé que les emplois de cabinet devaient avoir une orientation politique et ne sauraient concerner des personnels administratifs d'exécution, tels que des emplois de sténo-dactylo ou de maître d'hôtel, comme cela était le cas à la présidence de la Polynésie. Ce sera au Haut commissaire d'en déterminer le nombre et le niveau de rémunération.
La rédaction initiale de l'article 12, adoptée par le Sénat, permet aux 48 maires de recruter « un ou plusieurs » collaborateurs de cabinet, dans les conditions fixées par un arrêté du haut-commissaire, de façon similaire aux dispositions prévues l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984, qui ouvre cette faculté à tous les maires.
Un amendement adopté en commission des Lois, la semaine dernière, a permis d'étendre cette faculté aux 9 présidents des groupements de communes.
Dans les départements de métropole et d'outre-mer, le décret n°87-1004 du 16 décembre 1987, mettant en oeuvre l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984, permet aujourd'hui à toutes les communes de recruter au moins un collaborateur de cabinet – et deux collaborateurs pour les communes entre 20 000 et 40 000 habitants. Les présidents d'EPCI (hors communautés urbaines ou d'agglomération) employant moins de 200 agents peuvent aussi bénéficier de cette disposition.
L'amendement proposé serait donc doublement discriminatoire :
— d'une part, il priverait les 45 maires des communes de moins de 20 000 habitants de la possibilité d'avoir un directeur de cabinet, en réservant cette faculté aux 3 communes de plus de 20 000 habitants existantes en Polynésie ;
— d'autre part, il priverait les présidents d'EPCI de toute possibilité d'avoir un directeur de cabinet.
Comme pour les autres amendements, cette différence de traitement serait discriminatoire, alors qu'il convient de ne pas considérer les communes de Polynésie comme des communes de seconde zone.
Il ne s'agit pas d'opérer une discrimination à l'égard des communes de Polynésie française, mais bien d'encadrer dans la loi – et non dans un texte de nature réglementaire – le recrutement des collaborateurs de cabinet, qui est par nature discrétionnaire.
Le rapporteur est défavorable à l'interdiction des emplois de cabinet dans les communes de moins de 20 000 habitants ; il est, en revanche, favorable à ce que chacune d'elles puissent disposer d'un emploi de cabinet, sur le modèle de ce qui existe actuellement en métropole. Il déposera un amendement en ce sens en vue de la séance publique.
Pour ma part, je suis attaché à ce que la situation des communes de Polynésie française se rapproche de celle des communes de France métropolitaine. J'observe que peu d'emplois auprès des élus locaux polynésiens relèvent de fonctions très politiques, mais il ne me paraît pas choquant qu'un maire puisse s'assurer de la confiance qu'il porte dans ses plus proches collaborateurs. Or ce point n'a rien à voir avec la taille de la commune, de sorte que la proposition de notre collègue Dosière n'apparaît pas la plus pertinente.
La Commission repousse l'amendement n° 5 de M. René Dosière, puis elle accepte l'amendement rédactionnel n° 12 de M. Didier Quentin.
Article 14 (art. 74 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005) : Établissement de la liste d'aptitude pour l'intégration dans les nouveaux cadres d'emploi :
La Commission accepte l'amendement rédactionnel n° 11 de M. Didier Quentin.
Article 15 (art. 75 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005) : Ouverture des emplois et situation des contractuels :
La Commission repousse les amendements n°s 16 de M. Bruno Sandras et 2 de M. Michel Buillard.
Puis, elle accepte l'amendement n° 3 de M. Michel Buillard, visant à supprimer le gel des conditions d'emploi, de rémunération et d'avancement des agents qui auront choisi de ne pas être intégrés dans la fonction publique des communes de Polynésie française.
Elle repousse enfin l'amendement n° 23 de M. Michel Buillard.
Article 16 (art. 76 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005) : Conditions financières d'intégration dans les nouveaux cadres d'emplois :
La Commission repousse l'amendement n° 21 de M. Bruno Sandras.
Après l'article 16 :
La Commission accepte l'amendement de coordination n° 10 de M. Didier Quentin.
La Commission procède, enfin, à l'audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, à l'occasion de la remise de son rapport annuel.
Nous sommes particulièrement heureux de vous recevoir, monsieur le Médiateur, pour vous entendre présenter les principaux points du rapport annuel que vous allez remettre tout à l'heure au président de l'Assemblée nationale. Dressant le bilan de l'année écoulée, sans doute allez-vous évoquer la création, en février 2010, de « la plateforme du Médiateur », appelée à devenir l'observatoire des problèmes rencontrés par nos concitoyens, et rappeler vos propositions de réformes – vous partagez avec cette Commission la conviction que l'empilement des textes législatifs et réglementaires, générant opacité du droit et insécurité juridique, appelle un travail de simplification. Mais, puisque vos fonctions prendront fin au plus tard le 31 mars, ne pourriez-vous aussi nous soumettre, dans cette ultime audition, quelques réflexions portant sur la totalité du mandat que vous avez accompli et, peut-être, dire un mot des grandes orientations qui vous paraissent devoir s'imposer à celui, ou à celle, qui aura bientôt à exercer la très belle mission de Défenseur des droits ?
Les services du Médiateur de la République ont eu à connaître l'an dernier de 79 000 dossiers, dont encore une grande partie est constituée de demandes d'informations – l'accès au droit restant une question cruciale. Mais un autre sujet de préoccupation se détache : la généralisation de l'usage du web et du courriel a complètement modifié les relations entre le citoyen et les administrations, dont un certain nombre ne se sont toujours pas adaptées à la situation nouvelle, laissant bien des messages sans réponse. Pour notre part, il nous a fallu six mois pour pouvoir être performants de ce point de vue, mais nous avons mis au point des formulaires de saisine : sur les 13 000 qui ont été remplis, 4 000 à 5 000 l'ont été en rapport avec cette question de l'e-administration.
Si l'on ajoute aux 79 000 dossiers l'ensemble des appels téléphoniques et des accès à la plateforme et aux sites Internet, nous arrivons à 760 000 contacts dans l'année, que la Médiature a gérés à effectifs constants. Nous avons aussi formé une cellule d'urgence, qui a traité dix dossiers par mois, et nous nous sommes employés à améliorer la gestion des appels téléphoniques – dont le taux de déperdition est maintenant tombé en dessous de 10 %.
Une large part de nos dossiers a trait à des questions sociales. Leur nombre n'a pas considérablement augmenté avec la crise, mais ils sont lestés d'une plus lourde charge de souci. Il en ressort un sentiment général d'impuissance et d'isolement face à la « machine », au « rouleau compresseur ». Les gens se voient comme le pot de terre face au pot de fer et cela entraîne des situations de fragilité extrêmement préoccupantes.
Par ailleurs, depuis sept ou huit mois, nous voyons se développer un important sentiment d'injustice. Ce qu'on m'écrit, en substance, c'est : « Monsieur le Médiateur, j'ai bien conscience que je dois des impôts mais, comme je n'ai pas la chance de fréquenter les puissants, faites en sorte, s'il vous plaît, que je puisse échapper à la loi » ! Ce sentiment de l'impunité des puissants, ce sentiment qu'a la classe moyenne de n'avoir droit à rien et de payer tout, aboutissent à une relation de plus en plus tendue avec les services publics et même à un recul de la citoyenneté, certains ne répondant même plus aux injonctions de l'administration. Comme me l'a dit l'un de mes délégués, lorsque quelqu'un se voit dans une impasse, « il n'a d'autre solution que de se détruire ou bien de détruire ce qu'il tient pour être la cause de ses difficultés ». Ces situations de fragilité, en l'absence d'un interlocuteur qui pourrait aider à y voir clair, sont de plus en plus communes et sont susceptibles de conduire à une implosion, ou à une explosion.
Enfin se développe aussi depuis quelque temps un sentiment d'incompréhension totale, le bon sens étant manifestement bafoué. Nous vous avons signalé, par exemple, le cas de ce handicapé qui n'avait d'autre revenu que l'allocation de base et percevait donc, de droit, une allocation complémentaire : il avait placé ses maigres sous sur un compte postal qui avait produit un euro d'intérêts dans l'année et l'ordinateur, découvrant ce supplément de revenu, lui a supprimé l'allocation complémentaire… Ce genre de situations est extrêmement fréquent, parce que l'ordinateur est aveugle et surtout parce que personne ne prend la responsabilité de remédier à cette cécité. Il y avait bien une circulaire qui, jusqu'à 250 euros de revenu complémentaire dans l'année, donnait aux fonctionnaires la faculté de maintenir l'allocation complémentaire, mais ceux-ci n'osent plus prendre aucune décision interprétative, par crainte d'être condamnés par la Cour de discipline budgétaire et financière, par la Cour des comptes ou par leur hiérarchie… J'avais alerté le président Warsmann sur cette peur du procès, du lynchage médiatique. Vous devez absolument vous pencher sur les raisons qui font qu'un fonctionnaire, parce qu'il est encadré par la LOLF et par les procédures, a peur de prendre la moindre décision, fût-elle commandée par le bon sens.
Le sentiment d'incompréhension est aggravé par un défaut d'écoute. Certaines sous-préfectures et caisses primaires d'assurance maladie ne répondent plus aux demandes. Nous recevons une avalanche de courriers relatifs à des infractions routières, non pour contester le bien-fondé de la verbalisation, mais parce que l'amende majorée a été envoyée sans que le conducteur ait été informé auparavant de la contravention, et que la machine informatique s'est emballée. De même, on peut être relancé à répétition pour non-paiement de factures EDF contestées.
De ce point de vue, le régime social des indépendants (RSI) est une véritable catastrophe. Je viens d'être saisi du cas d'une personne qui a cessé son activité il y a trois ans : bien que le RSI ait accusé réception de sa demande de radiation, il continue de lui réclamer ses cotisations, et lui envoie des huissiers pour en obtenir le recouvrement. Dans un autre cas, la situation a été régularisée, mais l'établissement bancaire, auquel l'intéressé avait été contraint de demander une avance, refuse d'annuler les frais de découvert.
On finit par se poser la question : « À quoi sert le politique ? La machine va-t-elle remplacer l'homme ? ». Au moment même où l'on aurait besoin d'écoute et d'empathie, l'informatique et les nouvelles technologies de communication sont en train de déshumaniser les rapports sociaux. On a l'impression que, désormais, le système exclut au lieu d'inclure. On impose des normes : si vous êtes conforme, tout va bien, mais malheur à vous si vous vous en écartez. D'ailleurs, on vous fera bien sentir votre échec : en France, si vous êtes un élève en difficulté, que votre femme vous a quitté, que vous avez fait faillite ou que vous êtes au chômage, vous êtes « nul » – un mot qui n'a pas d'équivalent en anglais ou en américain.
L'empilement législatif est sévèrement critiqué : que l'on soit d'accord ou non avec les mesures prises, on constate une instabilité juridique qui rend la loi incompréhensible.
La création de Pôle Emploi, guichet unique pour l'inscription au chômage et pour la demande d'indemnisation, aurait dû être la source d'une amélioration considérable ; mais qu'en penser lorsque, à la suite d'un changement d'adresse ou d'une reconversion professionnelle, votre dossier informatique ne suit pas, que vous n'avez plus rien pour vivre et que l'on vous répond que ce n'est pas grave ? De même, que faire lorsque, après avoir perdu votre mari, une femme doit attendre six mois sa pension de réversion au prétexte qu'il faut d'abord reconstituer son parcours conjugal ?
On commence à nous dire qu'il vaudrait mieux s'attacher à la bonne application de la législation existante que de multiplier les lois en réaction à un événement– cela me fait penser à cette formule, à propos du Sénat romain : « Il légifère, mais ne règne plus ». L'inflation législative, qui tend à remplacer la morale publique par la loi, conduit en réalité à une méconnaissance des textes, comme l'a montré le débat sur le droit à laisser mourir. Par ailleurs, les difficultés d'application suscitent des frustrations : l'Éducation nationale vous refuse l'assistant de vie scolaire auquel vous avez droit, faute de moyens ; la loi DALO sur le droit au logement opposable n'est pas applicable en Île-de-France ; et le juge des tutelles ne peut plus venir vérifier la pertinence d'une mesure.
Il serait bon aussi que le Parlement fasse l'évaluation de ces énormes investissements informatiques, qui, sous le couvert d'améliorer les services publics, n'ont abouti qu'à maintenir le cloisonnement administratif et à justifier l'incapacité de l'administration à respecter la loi. En effet, alors que celle-ci oblige l'État à payer dans un délai de 45 jours, Chorus impose à toutes les administrations de cesser les paiements au 1er décembre et de ne les reprendre qu'au 15 janvier. Belle amélioration ! Rien qu'à la Médiature, dix-huit feuillets informatiques sont désormais nécessaires pour le paiement d'une facture, lorsque quatre suffisaient auparavant.
Belle avancée aussi que le système Cassiopée de la Chancellerie : la commission de la Banque de France transmet les informations par un logiciel auquel le juge ne peut pas se connecter ; il doit les recopier à la main !
Alors que la société vit dans l'urgence et que l'on est capable, avec un smartphone, de suivre une personne à l'autre bout du monde, le système informatique utilisé par nos administrations accroît le décalage entre le temps de la vie quotidienne et celui du traitement des dossiers. Il n'est pas adapté à la mobilité des personnes et aux nouveaux parcours de vie. Les logiciels vous programment une vie parfaitement linéaire : même conjoint, même travail, même domicile ; si vous décidez de changer, attention aux dégâts !
Le sentiment d'incompréhension est encore accentué par la décentralisation : si une personne quitte un département où la mobilité des personnes handicapées est prise en charge pour un département où elle ne l'est pas, elle percevra dans cette inégalité de traitement une incohérence doublée d'une injustice. Cela mériterait d'engager, dans le respect du principe de la libre administration des collectivités territoriales, une réflexion approfondie, sous peine de voir les gens choisir leur domicile en fonction de critères tels que la qualité des services publics, ou la prise en charge des enfants handicapés et des transports sanitaires. On en vient déjà à décider de confier les enfants de conjoints séparés au père ou à la mère en fonction des services offerts par les départements de résidence de l'un et l'autre !
Comme il y a beaucoup de fraudes, il peut y avoir des excès de zèle, et la personne honnête qui en subit les conséquences aura du mal à l'accepter – par exemple lors du renouvellement de la carte d'identité.
En outre, il faut faire attention : dès lors qu'il existe une méfiance envers les détenteurs de l'autorité publique, il y a un risque que l'on passe de la force du droit au droit à la force et que, faute d'obtenir satisfaction grâce à la loi, on défende ses intérêts par n'importe quels moyens. Nous relevons un nombre croissant de cas de maltraitance physique, psychologique, voire financière, en particulier dans le milieu hospitalier.
Nous commençons aussi à recevoir des dossiers concernant les communes, notamment pour des affaires d'urbanisme, soit que la faiblesse des services municipaux fragilise juridiquement les décisions des élus, soit que certains maires considèrent qu'il importe, non de respecter la loi, mais d'imposer « leur » loi.
Par ailleurs, si les maisons des personnes handicapées constituent une formidable avancée, la qualité de l'organisation est en régression dans certains départements.
Enfin, on signale dans les régions des circuits administratifs de plus en plus complexes et des délais croissants dans l'attribution des subventions – au point que je me demande si, après le temps du centralisme d'État, on ne va pas avoir à déplorer le « centralisme » régional.
On ne peut cependant nier des progrès manifestes : dématérialisation, formulaires en ligne, rescrit fiscal. Nous avons par ailleurs évoqué avec le président Warsmann la possibilité d'un rescrit social – j'avais commencé à y travailler avec Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Comment encadrer la responsabilité du fonctionnaire dont la décision engage l'administration ? Aujourd'hui, celle-ci peut répondre à un auto-entrepreneur que son activité relève du commerce, puis, lors d'un contrôle postérieur, changer d'avis, estimer qu'il s'agit plutôt d'artisanat et revoir le taux des cotisations en conséquence. Il conviendrait de stabiliser la situation des administrés.
Notre réseau de correspondants se développe, de même que les médiations internes, ce qui fait baisser le nombre de dossiers qui nous sont transmis. Il faut conforter cette tendance. Par ailleurs, nous avons mis en place des cellules répondant à des besoins ponctuels, comme le service d'adoption internationale lors du séisme d'Haïti. Des avancées ont également été constatées avec les agences régionales de santé.
Certaines réformes ont abouti cette année, comme la loi sur le « malendettement », l'indemnisation des victimes des essais nucléaires ou l'encadrement des autopsies judiciaires. Sur d'autres sujets, elles sont à poursuivre : le partage des prestations familiales en cas de garde alternée, l'évaluation des ressources prises en compte pour l'attribution des minima sociaux – il faudrait ramener à n-1 la période de référence pour le calcul de l'allocation compensatrice –, la cession des véhicules – de plus en plus de personnes continuent à recevoir des contraventions après la vente de leur véhicule –, l'harmonisation des procédures d'indemnisation des victimes de dommages corporels, l'attribution d'une pension de réversion aux pacsés – qui serait un acte de justice.
Il importe aussi pour la Médiature d'être présente sur la scène internationale et de disposer d'espaces de dialogue. Nous avons ainsi réuni, le 1er février 2010, 54 pays de la Ligue arabe et du Conseil de l'Europe pour réfléchir aux droits de l'Homme ; cela nous a permis de conserver des contacts avec la Tunisie et avec l'Égypte, dont nous recevrons cet après-midi les représentants afin d'étudier la création de conseils économiques et sociaux dans leurs pays.
S'agissant encore des droits de l'Homme, je mentionnerai un exemple de médiation physique qui a permis un progrès concret : nous nous sommes efforcés, avec la mairie de Calais, de faire installer des douches pour les migrants.
Nous avons créé une plateforme interactive, dont le succès nous a étonnés : 210 000 visiteurs, 1 200 contributions, 1 300 utilisateurs. On nous a déclaré que si l'on s'adressait à nous plutôt qu'aux partis politiques, c'est parce que nous étions indépendants – ce qui témoigne de l'éloignement croissant à l'égard des institutions politiques. Ces contributions ont été l'occasion d'un formidable contrôle citoyen sur les services publics et nous sommes allés vérifier sur le terrain les dysfonctionnements qu'on nous signalait.
Désormais, plus une administration, plus une entreprise, plus un politique n'échappera au contrôle des citoyens. D'ores et déjà, les jeunes s'échangent sur Facebook des informations sur les entretiens d'embauche : voilà les questions qu'on te posera, ce que tu dois répondre. Nous sommes soumis à une espèce de surveillance permanente, dont on peut supposer qu'elle contribuera à l'amélioration de la qualité des services rendus. Notre attention a ainsi été attirée sur des sujets comme les centres pour paraplégiques ou les vacataires de l'Éducation nationale. À propos de ces derniers, nous avons recueilli des témoignages, travaillé en relation avec les syndicats et le ministre, et j'espère que cela conduira d'ici à la fin du mois à un accord sur la précarité dans la fonction publique.
La plateforme nous a également permis de faire des propositions de réformes sur les surloyers, sur le statut d'auto-entrepreneur, sur les barèmes d'invalidité, sur l'indemnité de précarité et sur le travail saisonnier.
L'année dernière, j'évoquais dans mon rapport l'usure psychique de la société française. Depuis, 200 conférences ont été tenues sur ce thème, à l'initiative de partis politiques, d'organisations religieuses et maçonniques ou d'associations caritatives : pas une fois le constat n'a été contesté. Si, en 1995, l'élection présidentielle s'est jouée sur le thème de la fracture sociale, c'est-à-dire de la solidarité avec l'autre, et en 2002, sur celui de la sécurité, c'est-à-dire de la peur de l'autre, en 2012 l'alternative risque d'être entre le vivre ensemble ou le racisme d'assiette, c'est-à-dire entre le goût des autres ou le coût des autres. Le pacte républicain semble fragilisé. De plus en plus de jeunes estiment qu'ils n'ont pas à payer la dette et les retraites des anciens, alors que ces derniers trouvent cela normal. Certaines personnes en ont « marre de payer des impôts pour des assistés », lesquels en ont « marre de mal vivre ». Un choc des égoïsmes se profile – ce qui pose un vrai problème politique : le collectif conforte-t-il l'individu, ou la montée de l'individualisme fragilise-t-elle le collectif ? Le collectif fait-il encore la force de notre nation ?
Les sondages réalisés par Sociovision sont, de ce point de vue, instructifs. Les Français ont des doutes sur l'avenir d'un certain nombre d'éléments du pacte républicain. 74 % d'entre eux craignent que la sécurité sociale ne fasse faillite ; toutefois, 76 % refusent de contribuer à sa sauvegarde en acceptant d'être moins bien remboursés. Le citoyen se défausse sur le politique, en lui demandant de faire durer le système sans pour autant le solliciter, lui.
La distance à l'égard des institutions s'accroît. La confiance de nos concitoyens envers l'administration diminue progressivement ; si elle reste à peu près stable à l'égard de la radio et de la presse écrite ainsi qu'à l'égard des grands syndicats, la cote du Gouvernement et des institutions européennes chute, celle des grandes entreprises s'effondre, tandis que celle des partis politiques reste à un niveau préoccupant.
Pour 39 % des sondés, la crise est une occasion d'améliorer le système, contre 61 % qui y voient une menace de régression ; le pessimisme collectif, s'il reste à un niveau élevé, n'augmente plus. En revanche, 64 % des Français se sentent « pleins de ressources, capables d'entreprendre des choses », 65 % ont une grande confiance dans leur capacité à créer et à innover, et 50 % se déclarent prêts à changer de métier, de conjoint ou de domicile s'il le faut. On mesure la distance qui sépare le destin collectif, auquel on ne croit plus, et le destin individuel.
68 % des sondés déclarent qu'il y a des choses qui les révoltent mais reconnaissent qu'ils essaient de ne pas trop y penser pour préserver leur tranquillité. Les gens sont prêts à s'enflammer pour une cause, mais sans mettre en jeu leur confort pour aller jusqu'au bout de leur mobilisation. Ainsi, on a pu condamner la lâcheté européenne face aux événements de Libye sans aller jusqu'à manifester en faveur d'une intervention. Pour les forces syndicales, politiques et associatives, c'est un réel problème.
65 % des Français déclarent prendre le plaisir là où ils le trouvent, dès qu'ils le peuvent, laissant penser qu'aujourd'hui, on veut tout, tout de suite : le plaisir sans effort.
69 % des 15-25 ans affirment compter d'abord sur eux-mêmes ; notre jeunesse étant la garante de l'avenir de nos institutions et du pacte républicain, cela signifie que, dans dix à vingt ans, les exigences individuelles risquent de remettre en cause le destin collectif.
Il y a six mois, nous avions organisé un colloque sur le civisme. À la question : « Qu'est-ce que faire preuve de civisme ? », 69 % des sondés avaient répondu : « respecter les autres » – ce qui signifiait sans doute aussi : me respecter – et seulement 18 % : « voter aux différentes élections ». Aujourd'hui, les gens estiment qu'aller voter, c'est donner le pouvoir à des hommes et des femmes qui ne pensent qu'à l'obtenir. Ils ne veulent pas être enfermés dans une appartenance politique et ne croient plus aux clivages politiques traditionnels ; pour eux, la ligne de fracture passe entre ceux qui sont partisans de la mondialisation et ceux qui la refusent. Mais ils pensent que, quelles que soient leurs divergences, les politiques s'accordent pour conquérir le pouvoir – et ils ne veulent pas faire leur jeu.
En revanche, ils sont intéressés par d'éventuels projets collectifs. On assiste aujourd'hui à une fragmentation de la société en catégories dont les valeurs, les comportements et les aspirations diffèrent du tout au tout : certains estiment qu'il faut se replier sur notre pays, d'autres que la mondialisation est une chance ; toutefois, un nombre croissant de Français sont à la recherche d'un but commun auquel se consacrer.
Entre douze et quinze millions de personnes seraient actuellement concernées par le sentiment de précarité, c'est-à-dire que leurs fins de mois se joueraient à 50 ou 150 euros près. On parle beaucoup du coût de l'énergie et de l'alimentation, mais nous nous sommes aperçus, en analysant les achats dans de grandes surfaces, qu'on enregistrait une diminution des dépenses alimentaires et vestimentaires au profit de la téléphonie et des jeux. Paradoxalement, plus la précarité est forte, plus on recherche des compensations dans les loisirs. Selon une enquête d'Ipsos, 45 % des 35-44 ans disent avoir déjà vécu une situation de précarité – pas assez d'argent pour payer les impôts, pour donner de l'argent à son enfant ou pour faire réparer la voiture –, soit une augmentation de 16 points entre 2008 et 2009. Est-ce un effet de la société de consommation ? C'est à voir.
L'année dernière déjà, dans mon rapport, j'appelais l'attention sur les risques liés au système concurrentiel. Trente-trois pour cent des personnes interrogées se déclarent viscéralement hostiles aux administrations ; et si elles les aiment, elles n'y croient plus. L'adolescent ne comprend pas pourquoi on l'oblige à aller au lycée, puisque son frère, qui a un niveau bac+7, est au chômage. L'orientation est aujourd'hui vécue comme une contrainte, en particulier par ceux qui sont en situation d'échec. L'absentéisme recouvre, non plus une relation conflictuelle avec les parents, mais un éloignement vis-à-vis de l'institution scolaire. De même, au bout du quatrième stage qu'on lui propose, le chômeur perd l'espoir de se réinsérer. Un tiers des Français ne croient plus au fonctionnement de l'ascenseur social ; ils pensent devoir se débrouiller par eux-mêmes, privilégient l'école du quartier sur celle de la République, l'entreprise souterraine sur l'officielle, et se livrent à des trafics au lieu de respecter la loi.
On conteste ainsi la loi républicaine au nom de la légitimité de ses propres exigences vitales. Je n'ai pas le droit de conduire sans permis ou de vendre de la drogue ? Mais j'ai le droit de nourrir ma famille ! Je n'ai pas le droit de frapper ma femme ? Mais j'ai le droit d'être maître chez moi ! Comme l'empathie républicaine ne parvient plus à garantir ma survie individuelle, il me reste à assurer celle-ci par ma propre loi. Le culte de l'efficacité l'emporte sur le respect des valeurs.
Selon un sondage réalisé il y a six mois, 40 % des Français se sentaient abandonnés, et un tiers se déclaraient prêts à voter pour un homme fort – ou une femme forte –, fût-ce au mépris des valeurs du Parlement et de la démocratie. On défend les valeurs quand on a le ventre plein ; quand on est dans l'angoisse, elles passent à l'arrière-plan. Il y a aujourd'hui une vive demande d'empathie. Avec les nouvelles technologies, on se parle de plus en plus, mais on s'écoute de moins en moins.
Nous devons impérativement redéfinir le sens de l'action publique et mettre fin à la dictature du court terme et du chiffre. On sent chez les fonctionnaires la fatigue et le burn out. Personne ne conteste la nécessité de maîtriser les dépenses publiques et l'endettement des États ; toutefois, lorsqu'une entreprise doit se redresser, ce n'est pas au comptable de prendre les décisions, mais au chef d'entreprise de donner du sens au changement. De même, le temps que passe un médecin à discuter avec son patient n'est pas improductif : au contraire, il est indispensable d'instaurer une relation de confiance en vue de la guérison ; la T2A se doit d'intégrer cette dimension humaine.
Prenons garde à ne pas remplacer systématiquement les relations humaines par la technologie. Les plateformes téléphoniques, c'est bien quand vous êtes dans les clous, mais si vous en sortez, c'est la galère ! On sent chez nos concitoyens une fatigue civique, une perte du sens de l'impôt et de l'aide, alors que le pacte républicain repose précisément sur le paiement de cet impôt qui, en retour, finance la politique de solidarité. Aujourd'hui, on estime que l'impôt empiète sur le confort personnel ; on préfère payer des vacances à ses enfants. En revanche, on ne considère pas la chance que l'on a de bénéficier de la solidarité républicaine : on juge normal d'être aidé, voire anormal de ne pas l'être suffisamment. Bref, on perd le sens de l'engagement républicain.
Nous sommes devenus des consommateurs de la République. Le politique lui-même est objet de consommation : on vote pour tel ou tel non par conviction, mais pour conserver sa niche fiscale et préserver son petit confort. Si nous ne retrouvons pas rapidement le sens de la citoyenneté, la République deviendra une institution de consommation où le rejet de l'autre l'emportera, au nom du confort individuel, sur l'adhésion à l'autre.
Les métamorphoses structurelles qui affectent notre société nous imposent de revisiter les équations de la République si nous ne voulons pas continuer à la piloter avec les outils d'hier. Ainsi, quand on ne croit plus aux espérances républicaines, les espérances spirituelles prennent le relais, venant heurter le principe laïque de neutralité.
Le modèle éducatif est pareillement remis en cause par la société de consommation, qui transforme aujourd'hui le bébé lui-même en consommateur. Il existe aux États-Unis des chaînes de télévision dédiées aux enfants de moins de cinq ans, et même des chaises pour bébés dotées de « zapettes » afin de « coller » ceux-ci à l'écran. Or les pédopsychiatres disposent aujourd'hui du recul suffisant pour mesurer les ravages sur la construction identitaire de cette prédominance de l'image virtuelle, au point d'y voir l'origine du développement de pathologies telles que l'anorexie, l'hyperactivité, ou de phénomènes aussi inédits que celui des suicides précoces. Ce que Freud appelait la « captation de l'identité primaire » est en train de susciter l'apparition de générations d'enfants fragiles, esclaves d'émotions fabriquées par d'autres pour en faire des consommateurs. Ce phénomène est aggravé par l'isolement affectif dont souffrent certains enfants, chez qui le processus de maturation, dont Boris Cyrulnik a montré qu'il débute vers l'âge de trois ou quatre ans, est avancé à l'âge de deux ou trois ans.
Les progrès de l'imagerie médicale ont permis de prouver le lien entre la dégradation des lobes cérébraux et l'isolement ou le défaut d'écoute : on observe cette dégradation chez des personnes âgées qui n'ont pas parlé pendant quatre mois.
Quand on ajoute au nombre des jeunes qui ne croient plus au destin collectif le nombre de ceux qui n'ont pas pu construire leur identité, on peut craindre les conséquences de cet état de fait dans une quinzaine d'années.
De même, l'égalité des chances et des parcours devra être réexaminée à l'aune du pacte républicain.
Cette société nouvelle appelle la création de nouveaux outils républicains. Ainsi, la classe politique devrait réinvestir le champ de la fiscalité si elle veut répondre aux attentes de la société moderne, car nos outils fiscaux correspondent à une société qui n'existe plus. Dans une économie de flux capitalistiques et de consommation, la fiscalité ne peut plus être essentiellement patrimoniale et foncière, comme dans l'ancienne société rurale, ni reposer d'abord sur la production, comme dans la société industrielle. De même, si le socle de notre société n'est plus la famille, mais l'individu, on doit se poser la question du prélèvement à la source.
Il faut reconstruire le pacte républicain ! Il s'agit notamment de préserver la capacité de transformer l'indignation en mobilisation. Si celle-ci a déserté les champs politique et syndical, elle s'est réinvestie dans la sphère consumériste, avec la volonté de « consommer éthique », « bio » ou « responsable ».
Par ailleurs, si l'économie se développe à l'échelle mondiale, l'échelon local est celui du lien social : ce sont les solidarités de proximité qui permettront la redécouverte de l'autre.
Nos concitoyens n'acceptent plus qu'on décide à leur place. Leur volonté d'être des « coproducteurs du futur » vous engage à réfléchir à une nouvelle gouvernance à laquelle ils seraient associés. Cela suppose une pédagogie des enjeux, qui est un vrai débat, tant pour la majorité que pour l'opposition. S'agissant, par exemple, de la perte de compétitivité de notre pays au regard de l'Allemagne, on devra se demander si son origine n'est pas à rechercher, plutôt que dans le coût du travail, dans le fait que notre pays donne la primauté au conflit plutôt qu'au dialogue. Il est peut-être temps de mettre en place de véritables dialogues républicains plutôt que de privilégier les tactiques politiques.
Se pose enfin de façon de plus en plus insistante la question de l'éthique des dirigeants. Aujourd'hui, le statut ne suffit plus à conférer l'autorité : aux yeux de nos concitoyens, être ministre, député, chef d'entreprise ne donne pas plus de droits, mais plus de responsabilités. Ils veulent, non pas que les dirigeants aient plus de pouvoirs, mais qu'ils aient plus de crédit.
Ces nouvelles attentes sont autant de ressorts positifs pour de nouvelles espérances. La croissante verte, l'économie solidaire, la moralisation du capitalisme font l'objet d'attentes collectives très fortes, alors que les attentes individuelles portent sur la consommation responsable et la participation. Mais on ne construira pas de responsabilités collectives sur des irresponsabilités individuelles, pas plus qu'on ne fera naître d'espérances collectives de désespérances individuelles.
Votre exposé, nourri d'exemples précis et concrets, est particulièrement éclairant sur l'évolution de la société française. Cela dit, si nous, députés, devions rendre compte de ce que nous disent nos concitoyens dans nos circonscriptions, nous aboutirions aux mêmes constats.
Il convient dorénavant de s'interroger sur la suite qui peut être donnée à votre rapport. L'Assemblée, notamment en vertu de ses nouveaux pouvoirs de contrôle, ne doit-elle pas tirer les conséquences pratiques de ses conclusions et faire évoluer, non seulement la législation, mais ses propres comportements ? Quand, sous prétexte d'un vote conforme avec le Sénat, notre Commission des lois refuse de discuter même de la possibilité de sanctionner le parlementaire coupable de fraude dans sa déclaration de patrimoine plus sévèrement que le citoyen qui vole une bicyclette, nous ne devons pas nous étonner d'encourir le discrédit que vous avez évoqué. De même, il ne tient qu'à nous de porter remède à l'empilement de textes déjà dénoncé à plusieurs reprises par le président de notre Commission.
Pour ma part, j'ai déjà souligné que les dysfonctionnements du logiciel Chorus avaient mis en difficulté, non seulement les entreprises victimes de retards de paiement, mais également les personnels utilisateurs de ce logiciel, que le mécontentement des usagers poussait parfois au bord de la dépression.
Voilà pourquoi nous devrions élaborer des procédures de contrôle qui nous permettraient de veiller à la mise en oeuvre de certaines préconisations.
J'ajoute enfin que les auditions qu'avec M. Vanneste nous avions menées dans le cadre de notre mission d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur les autorités administratives indépendantes nous avaient permis d'apprécier l'ampleur des efforts consentis par la Médiature en matière d'économies budgétaires et de productivité, sans que ceux-ci nuisent à la qualité du travail. C'est là un exemple à suivre pour l'application de la RGPP.
Il n'était peut-être pas utile de revenir à un précédent débat, monsieur Dosière ! En ce qui me concerne, je suis fier d'être, avec M. Charles de La Verpillière, l'auteur d'un texte qui renforce la transparence financière de la vie publique. L'Assemblée nationale n'a pas à rougir d'avoir voté un texte qui sanctionne toute déclaration de patrimoine irrégulière. C'est là un progrès notable par rapport au droit antérieur.
L'année dernière, vous constatiez déjà l'état de tension et d'usure psychique dans lequel se trouve la société française. Cette année, vous mettez l'accent sur l'incapacité de la réglementation au sens large à prendre en compte les situations individuelles.
Le nombre des saisines du Médiateur ayant pour origine des conflits entre l'éducation nationale et les parents d'élèves est-il en augmentation ? Ces conflits ne sont-ils pas une des sources de la tension et de l'usure psychique dont vous aviez fait état l'an dernier ?
Travaillant sur le décrochage scolaire, j'ai eu la surprise de constater que certains établissements n'appliquaient pas la circulaire ministérielle qui interdit la sanction collective et leur impose de rencontrer les parents avant de prendre des sanctions. Que préconisez-vous pour assurer l'application de cette réglementation ?
Quelle est la tendance en ce qui concerne la saisine du Médiateur par les parlementaires ? Vos interventions auprès de l'administration ont-ils de meilleurs résultats en matière de résolution des litiges ?
Je suis frappé de voir combien, à l'inverse de ce qui se passe dans les pays du nord de l'Europe, la médiation peine à se développer dans notre pays, faute d'être bien intégrée par les juristes eux-mêmes, notamment les avocats. Certes, la procédure participative instaurée par la loi Béteille est une première avancée, mais ne faudrait-il pas aller plus loin en faisant de la médiation une spécialité juridique, à laquelle les avocats, mais également les délégués du Médiateur, pourraient être formés ? Dans ce domaine en effet, la bonne volonté, indéniable, ne suffit pas sans formation juridique spécialisée.
Avez-vous été confronté, durant vos six années de médiature, à des blocages administratifs récurrents qui se soient révélés sans solution ?
Les pistes de réforme que vous avez proposées pour une collaboration avec le Gouvernement ont-elles suscité une adhésion de la part de celui-ci ? Y a-t-il des points de blocage ? Ces pistes ont-elles été reprises par des parlementaires ?
Avez-vous éprouvé un sentiment de frustration devant l'insuffisance des moyens dont vous disposiez et des prérogatives qui étaient les vôtres, notamment en ce qui concerne votre pouvoir de recommandation en équité ? L'administration peine-t-elle à prendre en considération le principe d'équité ? Pensez-vous que les nouvelles prérogatives en matière de médiation, telles que la faculté d'autosaisine, instaurée par le projet de loi organique dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, permettront au Défenseur des droits d'aller au-delà de la mission qui vous était dévolue ?
Vous avez brillamment exposé l'évolution de la fonction du Médiateur, le rôle qualitatif et subjectif de témoin des évolutions de la société venant aujourd'hui s'ajouter à celui, quantitatif et objectif, d'intercesseur qui était le sien dès l'origine. Mais n'essayons-nous pas de résoudre la quadrature du cercle en tentant de satisfaire des intérêts particuliers alors que l'action publique vise avant tout à l'intérêt général ? Notre rôle à nous, élus, et à vous, Médiateur, n'est-il pas aussi de le rappeler ?
Je fais partie de ceux qui pensent qu'on vote trop vite trop de lois, qui sont inévitablement des textes mal ficelés. Or une loi mal ficelée a peu de chances d'être bien appliquée. Nous avons tous du mal, quelles que soient les majorités, à ne pas céder à la tentation de l'inflation législative, oubliant l'injonction de Montesquieu de ne toucher aux lois « que d'une main tremblante ».
Je vous remercie pour les pistes de réforme que vous nous avez proposées chaque année et pour la façon dont vous avez incarné votre fonction : elle donne un sens à l'engagement public. Ce faisant, vous avez placé la barre très haut et j'espère que le Défenseur des droits, dont la création entraîne la disparition du Médiateur, bénéficiera de la même structure de délégués départementaux, afin de faire fructifier l'immense travail que vous avez accompli.
Quelle est, dans l'ensemble des saisines dont vous avez fait l'objet, la part des litiges qui auraient pu être résolus sans passer par le Médiateur ? La création en 2009 d'un pôle « santé et sécurité des soins » au sein de la Médiature a-t-elle permis d'observer une montée des phénomènes de maltraitance à l'égard des patients et d'agressivité envers le personnel hospitalier ?
Croyant moins à la vertu spontanée qu'aux bienfaits du contrôle, monsieur Dosière, je n'ai cessé moi-même de réclamer le renforcement de l'évaluation parlementaire. Le Parlement devrait s'emparer de questions telles que l'incidence de l'informatisation sur la qualité des prestations administratives, par exemple. Vous devriez par ailleurs envisager la possibilité de faire évoluer les outils que vous mettez en place. Ainsi, la LOLF, en dépit de ses qualités, ne permet pas en l'état une gestion optimale des deniers publics, la rigidité de ses procédures interdisant toute aggravation des dépenses, même quand celle-ci permet de réaliser à terme des économies. Les parlementaires devraient introduire un peu de bon sens dans ces mécanismes excessivement rigoureux.
J'ai donné mon accord à l'installation d'un comptable public à la Médiature, comme le souhaitaient les services du Premier ministre, sous réserve d'un contrat garantissant le maintien de la qualité de paiement et prévoyant la facturation d'intérêts de retard en cas de dépassement des délais de paiement. Or, je constate que le comptable public n'est toujours pas en place.
La question du respect de la loi mérite effectivement d'être approfondie, madame Karamanli. Il existe aujourd'hui une certaine incapacité à dialoguer, ce qui conduit à un recours excessif aux tribunaux. Devant certains d'entre eux, la moitié des procès porte sur des montants inférieurs à 500 euros. Dans le même temps, des personnes appartenant à la classe moyenne renoncent à saisir un tribunal, faute d'avoir les moyens de payer un avocat. L'accès à la justice est donc très inégal. Alors que les très grandes entreprises n'hésitent pas à multiplier les procès, notamment en matière d'assurance, on renonce parfois à divorcer dans la classe moyenne, compte tenu de la dépense que cela représente. D'autres justiciables bénéficient, en revanche, d'une prise en charge de leurs frais, et intentent des procès pour des broutilles. Un homme a ainsi poursuivi sa voisine pour abus de confiance au motif qu'elle avait oublié de lui rendre un pantalon – il lui confiait son linge. Les parents de certains collégiens vont même jusqu'à assister aux conseils de discipline en compagnie de leur avocat, parfois revêtu de sa robe, parce qu'ils ne font pas confiance au collège ni à son principal.
Certains de nos concitoyens nous expliquent qu'ils n'ont pas les moyens financiers de résister quand l'autre partie fait durer la procédure en matière de divorce, de succession ou encore d'indemnisation par les assurances. Ils finissent par « baisser les bras ». Ce sont ceux qui ont le plus de moyens qui l'emportent.
Alors que la loi est censée protéger les plus faibles, ce sont les plus forts et les plus procéduriers qui triomphent ! Et l'image de la loi en souffre naturellement. Je pourrais vous citer l'exemple d'un homme dont la mère, handicapée, souhaite récupérer son appartement, mais ne parvient pas à expulser son locataire, bien que ce dernier ne paie pas son loyer.
Par crainte d'un lynchage médiatique, les conseils généraux demandent à leurs travailleurs sociaux de veiller, en priorité, au respect des procédures en cas de signalement ; pour la même raison, des magistrats en viennent à se demander s'il n'est pas préférable de maintenir en prison des détenus qui pourraient bénéficier d'une libération conditionnelle.
La dictature de l'émotion et du court terme risque de remettre en cause certains principes républicains. Il faut donc veiller à prendre du temps et du recul. À cet égard, le Défenseur des droits pourrait jouer un rôle utile en garantissant une meilleure écoute et une meilleure compréhension. Nous réalisons, pour notre part, un travail considérable avec la médiatrice de l'éducation nationale, Monique Sassier, grâce à qui nous parvenons à régler de nombreux problèmes.
À l'hôpital, la première des préoccupations n'est pas de consulter les documents relatifs aux droits du patient. C'est seulement en cas de problème qu'on se demande à qui s'adresser. Or, on ne le sait pas. D'une manière générale, la Commission des lois pourrait utilement travailler sur l'accès au droit dans notre société, mission qui est aujourd'hui placée sous la responsabilité de la Chancellerie, mais qu'on pourrait envisager de confier aux services du Premier ministre.
Comme le suggère Yves Nicolin, on pourrait également développer les médiations de proximité afin d'éviter les recours excessifs aux tribunaux. Selon les partenaires sociaux, 50 % des dossiers ne passent pas devant les prud'hommes lorsqu'une médiation est imposée. C'est un thème sur lequel nous avons beaucoup travaillé avec le président Jean-Claude Magendie, en particulier pour les couples ayant des enfants et souhaitant divorcer : il s'agissait de permettre au juge d'imposer le recours à un médiateur s'il estime que les parties peuvent s'entendre malgré leurs différends. On s'est aperçu que les solutions adoptées dans ce cadre, sous le contrôle d'un magistrat, sont plus solides, mieux acceptées par les parties et préférables pour l'institution judiciaire.
Les rapports binaires devenant de plus en plus violents entre les fils et les pères, les salariés et les employeurs, les élèves et les enseignants, le développement des recours au Médiateur comme tierce partie constitue un véritable phénomène de société sur lequel vous pourriez travailler. La médiation peut être un outil très utile, aussi bien pour le magistrat que pour le principal d'un collège. Même quand mes services ne peuvent pas intervenir, les requérants nous remercient pour la réponse que nous leur apportons. En général, la décision de l'administration n'est assortie d'aucune explication, et il est impossible de joindre qui que ce soit : il n'y a personne au bout du fil, alors que nos concitoyens ont besoin d'être mieux informés, en particulier quand une décision leur est défavorable. Ils ont aussi le droit de savoir pourquoi leur TGV s'est subitement arrêté.
La saisine parlementaire ne concerne plus aujourd'hui que 1 500 des 79 000 dossiers dont nous avons à connaître. Cela étant, nous accordons toujours un grand intérêt au développement de nos relations avec les parlementaires dans le cadre du traitement des dossiers collectifs, comme nous l'avons fait avec Pierre Morel-A-L'Huissier. Cela nous a permis d'obtenir satisfaction dans un certain nombre de cas, notamment en matière d'indemnisations agricoles.
En ce qui concerne les « recommandations en équité », si nous avons, certes, des motifs de satisfaction, nous avons aussi des motifs de frustration. Dans un dossier très complexe porté par un parlementaire, un ministre a accepté d'indemniser des familles sur le fondement d'une recommandation du Médiateur, alors que le délai de prescription était expiré. En revanche, nous n'avons pas réussi à faire évoluer la position du ministre du budget dans un autre dossier, relatif à un impôt indirect : contrairement à ce qu'elle peut faire en matière d'impositions directes, l'administration ne peut pas revenir sur les majorations de retard dans ce domaine, les intéressés étant alors considérés non comme des contribuables, mais comme des percepteurs de l'impôt. Il s'agissait, en l'espèce, d'une commerçante faisant l'objet d'un redressement après avoir opté pour un régime « sans TVA » sur recommandation de l'administration fiscale. Il me semble que la Commission des lois pourrait se saisir de la recommandation en équité que nous avons formulée à cet égard, et faire évoluer la loi en la matière.
Le nombre des saisines a augmenté de 25 ou 30 % en cinq ans, et nous avons constaté un accroissement du recours à Internet, par mail ou par l'intermédiaire de notre plateforme interactive.
Je le répète : l'accès au droit est une question essentielle !
J'évoquerai maintenant nos relations avec le Gouvernement et le Parlement.
Je voudrais remercier en particulier le président de votre Commission des lois, qui a systématiquement auditionné le Médiateur en matière de simplification du droit. Plusieurs propositions ont été retenues sur notre recommandation, et un travail très intéressant a pu être accompli avec vous. Nous recevons, par ailleurs, de nombreux parlementaires. Ils peuvent nous consulter dans le cadre des missions d'information, comme ce fut le cas dans l'affaire de l'amiante. Nous avons, en outre, considérablement développé nos relations avec les ministères, qui se montrent sensibles à certaines de nos propositions. Même s'il reste encore des points à régler, le dossier de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires a bien progressé.
S'agissant du Défenseur des droits, dont la nomination devrait intervenir dans le mois qui vient, je rappelle que l'obligation de réponse incombant aux administrations constitue un vrai pouvoir. Il n'est pas normal que certaines institutions gardent le silence. L'accès aux documents est également essentiel, de même que le pouvoir d'interpellation. Les services de Bercy nous ont fait comprendre qu'ils ne dégageraient pas les moyens nécessaires pour traiter les 4 % de dossiers qui posent problème.
Guénhaël Huet a entièrement raison pour ce qui est de la pédagogie et de l'intérêt général. Souvenons-nous d'Antigone, qui considérait que les lois non écrites sont supérieures aux lois écrites. L'éducation citoyenne étant aujourd'hui en faillite, le législateur a tendance à compenser le recul de la morale individuelle et de la morale collective, en France comme ailleurs, ce qui conduit à une inflation législative. On pense, en effet, que la loi peut remplacer la morale : la loi sert de structure à la cohésion sociale et au vivre-ensemble alors que cette fonction devrait être assurée par les comportements individuels. Nous avons besoin d'un retour de l'éducation !
Trop de loi tue la loi : je soutiens le président Warsmann dans son combat. Nul n'est censé ignorer la loi, et pourtant personne ne la connaît. Les lois se succédant sur certains sujets, l'administration n'a même pas le temps de les « digérer » : il arrive qu'elle soit en retard d'un texte ou deux, souvent à cause de problèmes de formation. Dans ces conditions, la législation n'est pas toujours appliquée de manière uniforme dans tous les départements, et l'inflation d'annonces législatives aboutit à une confusion, si bien que plus personne ne s'y retrouve.
Monsieur Dosière, un certain nombre de magistrats, notamment administratifs, reconnaissent appliquer des lois qu'ils trouvent cependant injustes. Le travail d'évaluation parlementaire prend, bien sûr, un relief particulier dans ce contexte.
Je tiens à remercier Michel Hunault pour ses propos. J'apporterai toutefois une précision : le Médiateur ne disparaît pas ! Il se transforme avec le Défenseur des droits. Un faux procès a été instruit sur ce sujet.
Patrice Verchère a raison de s'interroger sur les dossiers qui pourraient être réglés en amont. Nous nous demandons souvent pourquoi certains cas remontent jusqu'à nous, au lieu d'être traités par les services sociaux de proximité. On se défausse parfois sur le Médiateur de difficultés qui auraient pu être réglées sur le terrain plus rapidement et plus près des intéressés. Je suis atterré par les carences du traitement sur le terrain, qui font que nos concitoyens sont complètement perdus.
Le nombre des appels téléphoniques reçus par le pôle « santé et sécurité des soins » est passé de 2 500 à 12 000 en trois ans. Nous avons constaté que 18 % des appels venaient de praticiens, et qu'ils concernaient des problèmes de maltraitance dans 60 ou 70 % des cas. Cette maltraitance n'est pas physique : il s'agit, par exemple, de personnes ne parvenant pas à savoir de quoi leur père est mort. Le développement de certaines fragilités individuelles conduit à une sensibilité à la maltraitance plus forte qu'auparavant, et les agents ont parfois le sentiment d'être agressés. Des patients se rendent aux urgences parce qu'ils ont peur de rester seuls le week-end, et l'on a vu des hommes agresser le personnel hospitalier au motif qu'on ne s'occupait pas de leur femme en train d'accoucher : ces hommes ne comprenaient pas qu'on traite en priorité les victimes d'infarctus.
L'année 2011 pourrait utilement faire l'objet d'un engagement en matière de solidarité de proximité et de respect réciproque – si l'on veut être respecté, il faut aussi respecter l'autre.
Comme l'a rappelé notre collègue Michel Hunault, vous avez réalisé une véritable synthèse du mal-être de notre société. En tant que maire d'une grande ville, je suis fréquemment confrontée aux difficultés que vous décrivez.
Selon vous, nous gérons la situation d'aujourd'hui avec les outils d'hier. Pour ma part, je ne crois pas que la société se soit dégradée et qu'on gère moins bien les problèmes. Il me semble, en revanche, que nous ne disposons pas des outils adaptés aux situations qui se présentent à nous. En outre, la médiatisation actuelle, qu'elle passe par la presse ou par Internet, accroît les difficultés. Pour avoir longtemps travaillé sur les rapports entre parents et enfants, je peux témoigner qu'ils ne sont pas moins bons aujourd'hui qu'il y a quinze ou vingt ans ; ils sont simplement mieux connus.
De façon générale, peu de gens ont conscience de leurs devoirs, mais tous connaissent leurs droits, que la médiatisation actuelle présente de façon amplifiée, déformée, voire erronée. Ne pensez-vous pas qu'il y ait lieu de s'interroger, et de souhaiter une moralisation de cette médiatisation, dont découlent, en effet, bien des problèmes ?
C'est en utilisant des moyens simples et de bon sens qu'on réussit le mieux. Cela étant, je n'ai pas besoin de rappeler à l'ancien ministre de la fonction publique que vous êtes les difficultés auxquelles on se heurte pour faire évoluer la culture et la mentalité de certains fonctionnaires. En matière de fichiers, sujet sur lequel je prépare un nouveau rapport avec Delphine Batho, on n'arrive pas à se décider à combiner en une seule application les éléments positifs du logiciel utilisé par la police, nommé LRPPN, et celui de la gendarmerie, qui s'appelle ICARE.
Nous devons, certes, faciliter les démarches, en particulier par le développement de l'informatique dans certains domaines, tels que le paiement en ligne dans le cadre des collectivités territoriales, mais il ne faut pas oublier que l'informatique est un outil aveugle : nous devons aussi veiller à faciliter les contacts.
Vous avez rappelé, à propos de l'empilement législatif, que trop de loi tue la loi, et vous vous êtes demandé à quoi sert le politique s'il ne répond pas aux véritables préoccupations des citoyens. À société nouvelle, outils républicains nouveaux. Cela étant, la loi est l'un des outils les plus performants pour faire évoluer la société.
J'espère que vous voudrez bien me pardonner de vous répondre brièvement.
S'agissant des médias, je suis convaincu que la loi doit être fondée sur des convictions, et non sur des émotions. Elle doit, en outre, retrouver le chemin de la simplicité, et être bien comprise. Le degré de complexité auquel nous sommes parvenus se traduit par un recul pour nos concitoyens.
La séance est levée à 12 heures 40.