Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, sur la politique d'aménagement du territoire.
C'est la première fois que la commission auditionne M. Bruno Le Maire, depuis que l'aménagement du territoire fait partie de ses compétences. L'audition portera essentiellement sur l'aménagement du territoire, notamment sur l'action en faveur des pôles d'excellence rurale – une décision prise lors du CIADT de mai 2010 –, sur la couverture numérique et sur la lutte contre les « déserts médicaux ». D'autres thèmes pourraient également être évoqués, comme l'implication du monde agricole dans le développement durable ou encore l'étalement urbain.
Fruit d'une volonté politique – l'État doit pouvoir intervenir sur l'organisation démographique et économique locale –, l'aménagement du territoire est une singularité française qui doit être défendue.
Cette politique doit prendre en compte des réalités, qui, pour être des atouts, n'en constituent pas moins des bouleversements profonds et violents : une croissance démographique forte, mais sur un territoire limité – ce qui crée des difficultés majeures en matière d'étalement urbain ; une population très mobile, mais qui s'installe généralement dans le Sud et sur le littoral ; une exigence marquée en termes d'accès aux services publics, aux soins, à la téléphonie mobile et au numérique à haut débit. En outre, face à ces grands bouleversements, l'action de l'État doit être repensée, afin qu'elle puisse s'exercer en association avec les élus locaux et les forces économiques du pays.
Les deux objectifs que nous visons sont étroitement complémentaires : gagner en compétitivité et maintenir la cohésion des territoires. La compétitivité, c'est ce qui fait que nos entreprises restent chez nous, y compris dans des territoires ruraux, ce qui fait que nous maintenons une agriculture – laquelle, au même titre que l'industrie, peut être victime de délocalisations. Si le premier objectif n'est pas atteint, nos territoires perdront en attractivité, donc en emplois et en puissance économique. Parallèlement, nous devons accompagner les territoires les moins favorisés, en leur donnant les moyens de se développer, en regroupant les forces vives dans des pôles, en leur apportant subventions et aides. Il ne faut pas s'y tromper, les territoires compétitifs ne sont pas exclusifs des autres territoires, attractifs, non pas parce qu'ils produisent les richesses, mais parce qu'ils les consomment.
Quelles stratégies mettons-nous en oeuvre pour atteindre ces deux objectifs ? Le premier élément de cette stratégie consiste à créer des pôles d'activité, à regrouper les forces économiques et sociales permettant à un territoire de valoriser ses atouts. La clé de la compétitivité, de la capacité à créer des richesses, à maintenir de l'emploi passe par le regroupement des forces, aussi bien dans le domaine de l'agriculture, que dans ceux de l'industrie ou des services. Paradoxalement, regrouper les forces, c'est le meilleur moyen de maintenir une présence partout sur le territoire. Chercher à maintenir en tous points d'un territoire les mêmes activités sans les organiser reviendrait à éparpiller les énergies : si nous voulons conserver une industrie laitière dans le sud-ouest, nous devons regrouper les activités de collecte et de transformation de manière plus cohérente ; de la même manière, une coopération étroite entre industries, centres de recherche, centres de technologie, universités et laboratoires privés est essentielle au maintien des activités de pointe et de haute technologie.
Nous devons apprendre à raisonner en termes de pôles – pôles de compétitivité (auxquels 1,5 milliard d'euros sur 2009-2011 ont été affectés), pôles d'excellence rurale, grappes d'entreprises –, de regroupement de nos forces, pour équilibrer les territoires et renforcer leur cohésion. Si nous n'accompagnons pas ce mouvement, il est fort à parier que les territoires naturellement les plus attractifs « empocheront la mise », au détriment des autres. La polarisation est non seulement un facteur de compétitivité, mais c'est aussi un facteur de cohésion territoriale car les pôles sont des moteurs du développement territorial. J'indique que, s'agissant des grappes d'entreprises – qui ont été un succès et qui répondent à une attente forte des territoires –, j'ai lancé, le 21 janvier dernier, la deuxième vague d'appels à projets.
Le deuxième élément de cette stratégie consiste à améliorer les connexions entre territoires. Si l'on veut créer des pôles, regrouper les forces économiques, encore faut-il mieux connecter les différents territoires afin de permettre une meilleure circulation des richesses, des personnes et des emplois. Cela passe par le développement des transports, qu'il s'agisse de lignes à grande vitesse reliant les grandes métropoles européennes ou des quarante lignes d'équilibre entre les territoires, soit 340 trains, que nous finançons à hauteur de 200 millions d'euros – grâce à une partie du financement des billets de TGV et grâce aux sociétés d'autoroute. Le maintien de ces lignes d'équilibre est décisif pour le maillage territorial et la cohérence de la politique des pôles.
Autre élément de cette stratégie : la couverture numérique à très haut débit de l'ensemble du territoire. C'est un sujet difficile car la rentabilité constitue un facteur essentiel pour les entreprises pouvant répondre aux appels d'offre en la matière. Pour atteindre cet objectif de couverture de l'ensemble du territoire, 2 milliards d'euros ont été mis à disposition des opérateurs et des collectivités pour lancer le processus à la fin de ce semestre. Il est indispensable de veiller à la complémentarité entre investissements publics et investissements privés. La fibre optique doit être rapidement déployée dans les territoires peu denses ou mal desservis par les transports en commun et les zones mal couvertes doivent monter en débit, en attendant l'arrivée du très haut débit. Si nous devions privilégier les grandes métropoles et les zones de développement économique avancé, les choix que nous ferions en termes d'aménagement du territoire seraient réduits à néant. Quelle entreprise, quel médecin, quel agriculteur – la moitié d'entre eux font leur déclaration par Internet –, quel pôle économique, quelle société de service accepterait de s'installer sur un territoire non couvert par le haut débit ? Le haut débit est au coeur de la stratégie d'aménagement du territoire.
Assurer la connexion entre territoires passe aussi par une meilleure coopération entre eux – c'est la politique qui a été menée autour des clusters –, entre les agriculteurs, entre les industriels, entre les territoires du littoral et ceux du centre. Cela passe également par une plus grande solidarité entre les territoires, en accompagnant ceux qui sont en reconversion : c'est l'objet de la politique des contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) et des plans locaux de reconversion. Ainsi, je me suis rendu à Dax pour voir ce qu'il en était de la reconversion d'un ancien centre d'hélicoptères, comme je suis allé à Cambrai avec Alain Juppé pour me rendre compte comment se déroulait la reconversion de la base aérienne de défense. Nous avons un devoir de solidarité à l'égard de ces territoires, qui ont perdu une activité militaire et qui ont vocation à se relancer par les biais d'autres activités économiques.
Enfin, le devoir de solidarité exige que nous remédiions aux inégalités d'accès aux soins. Mon département, pourtant aux portes de Paris, est classé 99e sur 100 dans ce domaine. Ce sont souvent les territoires situés en marge des grandes métropoles qui sont les plus concernés par les difficultés d'accès, qu'il s'agisse des soins, d'Internet ou des services publics. Les maisons de santé pluridisciplinaires, les bourses allouées aux étudiants en médecine, les conventions avec les hôpitaux publics sont des instruments que nous devons utiliser pour nous acquitter de cette tâche immense et apporter une réponse à ceux qui mettent six mois pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, quand il ne leur faudrait pas plus de trois semaines s'ils habitaient ailleurs. En 2011, nous devons mettre l'accent sur la nécessité d'accéder aux soins dans des délais plus rapides.
Dès mon arrivée au ministère de l'aménagement du territoire, j'ai souhaité lancer une réflexion collective sur l'avenir de notre territoire à l'horizon 2040. La France, j'en suis persuadé, peut faire valoir de multiples atouts dans le contexte mondial et européen : la diversité de son territoire et de ses agglomérations, la qualité de ses services publics et de ses infrastructures, sa capacité à regrouper rapidement ses forces économiques autour de pôles –pôles de compétitivité, pôles d'excellence rurale, grappes d'entreprises –, la mobilité croissante des Français et leur volonté de reconquérir l'espace rural, une démographie dynamique. Notre développement doit continuer de reposer sur les trois piliers que sont l'agriculture, l'industrie, les services. Nous jouirons ainsi d'un territoire mieux valorisé et plus équilibré.
En préalable, Monsieur le ministre, je veux, au nom du groupe SRC, vous faire part de notre consternation face à la gestion de la carte hospitalière par le ministre de la santé. L'appréhension partisane et électoraliste de l'important dossier de la radiothérapie en Creuse dont il a fait montre aujourd'hui, lors de la séance des questions au Gouvernement, n'honore pas le Gouvernement et donne une piètre image de sa conception de l'aménagement du territoire, bien éloignée de la « démarche éthique » évoquée par Jérôme Monod dans son ouvrage intitulé L'avenir de l'aménagement des territoires. Nous tenions à vous dire avec calme et modération – tel est l'usage dans cette commission – que nous avons été profondément choqués par cette attitude.
Comme devant votre prédécesseur lors de l'examen des crédits dédiés à l'aménagement du territoire dans le budget 2011, je veux exprimer notre vive inquiétude face à l'abandon d'une réelle volonté politique, à même d'inverser la spirale de la concentration. Carte militaire, carte hospitalière, carte judiciaire, carte scolaire, aucun secteur n'est épargné et tous les services publics d'État sont mis à mal jour après jour. Imaginer qu'un accès plus facile aux services publics via les nouvelles technologies peut alléger les besoins en présence territoriale relève d'une méconnaissance de la vie quotidienne dans nos territoires.
Le Gouvernement a fait le choix de brider financièrement les collectivités territoriales en gelant leurs dotations sur les trois prochaines années et en leur supprimant toute autonomie fiscale. Ce ne sont pourtant pas elles qui sont la cause du déficit public : elles représentent, vous le savez, moins de 10 % de celui-ci. Dès lors, comment comptez-vous poursuivre la couverture numérique du territoire, établir un maillage en maisons de santé, financer les pôles d'excellence rurale ou de compétitivité et, conformément aux engagements du Grenelle, créer de nouvelles lignes de train à grande vitesse ? Ces dossiers sont conditionnés à des financements croisés, avec une forte implication des régions, des départements et des agglomérations.
Une telle politique creusera inexorablement la fracture territoriale. Pour combattre cette perspective, notre groupe, sous la houlette de Germinal Peiro, a déposé une proposition de loi en faveur de la création d'un bouclier rural au service des territoires d'avenir. Ce texte sera examiné en séance le 24 mars ; nous espérons que vous la soutiendrez, au même titre que nos collègues de la majorité parlementaire, soucieux eux aussi des territoires.
En entendant Mme Pérol-Dumont, j'ai l'impression que deux types de territoires ruraux coexistent. Certes, nos départements sont confrontés à des difficultés spécifiques, mais des efforts importants ont été déployés par les gouvernements successifs pour renforcer leur attractivité : les pôles d'excellence donnent des résultats tangibles ; la France est l'un des pays les mieux couverts par le numérique et bénéficie de tarifs modérés ; la péréquation financière, notamment au profit des départements ruraux, commence à se mettre en place ; les maisons de santé s'installent partout sur le territoire – ce qui permet à la Meuse, département où je suis élu, d'accueillir à nouveau des professionnels de santé.
Toutefois, ce bilan demeure méconnu, tant il est difficile de mesurer avec précision les efforts déployés par l'État et les collectivités. Sans doute vos services pourraient-ils nous aider à mieux rendre compte de l'ampleur, rapportée au nombre d'habitants, des aides à destination des départements et des territoires ruraux. Je pense au département de la Meuse qui verse trois millions d'euros par an à l'Agence de l'eau Rhin-Meuse et s'en voit restituer huit.
Nous l'avions évoqué avec Michel Mercier, il nous semble important de travailler sur l'avenir des dotations et des aides financières. Des dispositifs tels que les zones de revitalisation rurale ou les maisons médicales sont appelés à évoluer. Qu'en est-il exactement et comment serons-nous associés à cette réflexion ?
Bien évidemment, nous soutenons votre politique en faveur des services publics. Mais nous constatons une dichotomie entre les services publics qui évoluent remarquablement bien en secteur rural, comme La Poste, et ceux qui subissent plus difficilement le changement, comme l'école. Quelle est votre vision de la gouvernance des services publics ruraux ? Comment pourrait-on mieux y associer les partenaires locaux ?
La couverture médicale et sanitaire est un objectif majeur de l'aménagement du territoire. Nous assistons à l'apparition de « déserts médicaux », où le contact avec un généraliste est difficile et l'attente pour une consultation de spécialiste très longue. Cette situation est contagieuse, puisqu'après le monde rural, c'est au tour du secteur semi-urbain d'être touché.
Les incitations financières ne suffiront pas à inverser la tendance : une refonte du système de santé paraît nécessaire, avec une réforme en profondeur des études, des missions, des modes de rémunération et des conditions d'exercice des professionnels de santé. La liberté d'installation absolue ne doit plus être un dogme. S'il est hors de question de pratiquer un dirigisme exagéré, il paraît désormais nécessaire de réguler les installations pour mieux prendre en compte l'intérêt général. Un système de numerus clausus régional serait un bon compromis entre le respect de la liberté de choix d'installation et l'impératif d'égalité d'accès aux soins de tous les Français. Qu'en pensez-vous ?
Le Fonds national de revitalisation des territoires (FNTR), fonds de garantie destiné à venir en aide aux territoires les plus touchés par des restructurations économiques, est un outil intéressant d'aménagement du territoire. Quels sont les moyens qui lui sont alloués et quels sont les objectifs que vous avez fixés pour son déploiement ?
La future politique européenne de cohésion pour la période 2014-2020 bénéficiera du deuxième budget de l'Union européenne derrière la politique agricole commune, un dossier crucial que vous gérez également. Elle représente un enjeu majeur : nous connaissons tous l'importance des fonds européens dans le tour de table financier de nombreux projets d'aménagement du territoire. Dans un contexte budgétaire contraint, il est évident que nous devrons nous battre pour obtenir un simple maintien des crédits : au regard des critères européens, la plupart des régions françaises sont considérées comme riches. Pourriez-vous dresser un état des lieux des négociations en cours ?
Le décalage entre les propos que vous tenez, monsieur le ministre, et la prosaïque réalité de nos territoires est considérable, et vos chants de louanges libéraux bien éloignés de ce que nous vivons sur le terrain.
Les conséquences de la révision générale des politiques publiques (RGPP) font monter la colère dans les départements : voyez la réorganisation de la carte hospitalière, l'état de l'enseignement ou encore l'abandon du fret ferroviaire – j'ai découvert la semaine dernière un cimetière de 350 locomotives, dont certaines quasi-neuves, à Sotteville-lès-Rouen. La poursuite de la RGPP, qui désertifie les territoires, est contraire à toute politique d'aménagement du territoire. Les élus locaux, les associations, les habitants sont las de voir leurs projets imaginatifs et innovants de redynamisation des territoires anéantis par des décisions imposées d'en haut. Cette situation est encore aggravée par l'état des finances des collectivités locales : les conseils régionaux et généraux, étranglés, ne peuvent plus accompagner les territoires. C'est ce que nous vivons au quotidien !
Par idéologie, vous placez beaucoup d'espoir dans la compétitivité. Mais alors qu'elle devrait renforcer la cohésion et l'équilibre entre territoires, elle ne fait qu'imposer des critères de production qui étouffent toute exigence environnementale ou sociale, et finissent par broyer les humains et la nature. Entre conseils régionaux, c'est à qui attirera à coups d'aides et de subventions les entreprises sur son territoire ; certaines multinationales, bien qu'elles affichent d'excellents résultats au CAC 40, profitent même de la situation et pratiquent le chantage auprès des régions !
En théorie, les pôles, qui incluent de grandes entreprises, devraient permettre de créer une bouffée d'oxygène et d'accompagner les PME dans leur développement. Au lieu de cela, à quoi assiste-t-on ? Les entreprises de sous-traitance – les fabricants de moules, les réparateurs de machine-outil, les spécialistes de petit câblage électrique …–, qui contribuent à l'aménagement du territoire et dont les patrons se battent aux côtés de leurs employés, sont complètement étranglées par leurs donneurs d'ordres, ces grandes entreprises qui font des effets d'annonce et signent des contrats dans le cadre de pôles de compétitivité. Cette situation a été dénoncée il y a deux semaines par le médiateur de la sous-traitance, Jean-Claude Volot, dans son point d'étape. Vraiment, il y a de quoi être en colère !
Mme Fabienne Labrette-Ménager remplace M. le président Serge Grouard.
Madame Pérol-Dumont, je transmettrai à Xavier Bertrand vos remarques sur la situation de la radiothérapie dans la Creuse, dossier dont je connais mal les détails. Sachez que nous prenons toujours nos décisions en fonction de l'intérêt général et non des affiliations partisanes.
J'assume la position du Gouvernement sur le gel des crédits des collectivités territoriales. La France doit réduire son déficit public ainsi que son niveau d'endettement, et cet effort ne peut être supporté exclusivement par l'État, qui a perdu 20 % de ses recettes en 2010. L'État fait des efforts tous azimuts : il réduit le nombre des emplois publics, il fait baisser le montant des dépenses de fonctionnement. C'est une question d'équité et de justice que l'effort soit partagé par les collectivités territoriales.
Dans une période où la réduction de la dette et du déficit constitue une priorité et oriente nos décisions politiques, l'effort en faveur d'une politique ambitieuse d'aménagement du territoire reste soutenu : les maisons de santé, qui constituent une priorité, disposeront de 75 millions d'euros en 2011 ; le dispositif des pôles d'excellence rurale, qui fonctionne remarquablement bien et attire de plus en plus d'entreprises, de particuliers et d'exploitations, est maintenu – nous avons reçu 461 nouvelles candidatures ; 320 millions d'euros seront consacrés entre 2009 et 2015 aux CRSD ; 2 milliards d'euros provenant du Grand Emprunt serviront à la mise en place de la couverture numérique, une enveloppe de 250 millions d'euros étant exclusivement réservée à la montée en débit des zones les moins favorisées, en particulier les zones rurales.
Monsieur Pancher, je souhaite que sous l'autorité du délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, Emmanuel Berthier, ici présent, une réflexion soit menée sur ce que seront nos territoires en 2040. Les réflexions de prospective de la DATAR, ses statistiques, ses cartes, ses études des mouvements de population pourraient être mises utilement à profit.
Toutes politiques confondues, l'aménagement du territoire représente 5 milliards d'euros d'investissements pour l'ensemble de l'État – 320 millions proviennent des programmes 112 et 162 dont j'ai la responsabilité directe. Il s'agit là de sommes considérables.
Le dispositif des zones de revitalisation rurale fonctionne bien et fait la preuve de son efficacité. Il devait être révisé en 2010 sur la base des évolutions démographiques tirées du dernier recensement. Toutefois, je me suis aperçu que la stricte application d'un critère numérique prenant en compte les évolutions de populations, disposition votée par le Parlement, reviendrait à sortir brutalement du dispositif 1 000 communes – on passait de 12 500 à 11 500 –, ce qui est insatisfaisant du point de vue intellectuel, social et économique. J'ai demandé au Premier ministre que ces critères soient réétudiés. Ils n'ont été appliqués, pour le moment, qu'aux communes entrantes. Pour les autres, je souhaite que l'on réfléchisse à l'instauration d'un critère supplémentaire afin d'éviter un effet de couperet.
Nous avons signé une convention avec un ensemble de services publics afin de pouvoir offrir, avec des dépenses moindres, un service équivalent. Nous n'avons plus les moyens de maintenir partout en France des locaux et des postes de fonctionnaires pour assurer des services complets lorsque la fréquentation quotidienne est de trois ou quatre usagers. Nous devons trouver des solutions moins coûteuses et aussi efficaces, comme nous l'avons fait pour La Poste avec les Points Poste. La majorité assume l'impératif de réduction du déficit public et de la dette, qui nous oblige à faire preuve d'inventivité et d'innovation sans perdre de vue l'objectif des services publics.
Monsieur Demilly, la couverture médicale est pour moi une priorité absolue. Je vous le dis en tant qu'élu de l'Eure, les injustices en matière d'accès aux soins sont inacceptables : il est anormal de devoir attendre cinq ou six mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste ou chez un dentiste, quand cela ne prend que deux ou trois semaines 85 kilomètres plus loin. Pour relever ce défi, le Gouvernement a choisi une politique fortement incitative : octroi de bourses aux étudiants en médecine s'engageant à s'installer dans les zones les plus défavorisées en matière de présence médicale ; mise en place des maisons de santé rurales. Il faudra aussi réfléchir à une modification des modes de rémunération des médecins – Xavier Bertrand travaille sur ce sujet –, afin de rendre l'exercice en zone rurale plus attractif, et des modes d'organisation, pour permettre, notamment aux femmes, de se regrouper afin de couvrir à deux l'amplitude d'une journée. Ainsi, nous parviendrons à combler notre retard.
Dans le cadre du FNRT, qui concerne les entreprises de 10 à 500 emplois, nous avons mobilisé 105 millions d'euros pour 65 territoires. L'objectif est de parvenir à 135 millions d'euros sous forme de prêts bonifiés et à 400 millions d'euros de financements privés complémentaires, les prêts garantis et bonifiés par l'État devant avoir un effet de levier sur les financements privés.
La politique de cohésion est un sujet majeur. À elles deux, politique de cohésion et PAC absorbent 85 % des fonds que la France touche de l'Union européenne. Il y a donc une certaine logique à ce qu'elles soient gérées par le même ministère. Les sommes en jeu sont considérables : 347 milliards d'euros sur sept ans pour la politique de cohésion et 385 milliards – sur sept ans également – pour la PAC.
Notre objectif stratégique est de maintenir le budget de la PAC à l'euro près : c'est une bataille que je livre depuis maintenant deux ans. Nous avons certes obtenu de la Commission européenne qu'elle renonce à sa proposition de diminuer ce budget de 30 % à 40 %, mais notre mobilisation reste entière. Non seulement l'agriculture est stratégique pour la France, mais c'est aussi sur la PAC que nous obtenons le meilleur taux de retour, puisque nous récupérons 1,50 euro pour chaque euro versé au budget européen.
Très différente est la politique de cohésion, dont l'objectif est d'amener un certain nombre de régions au même niveau de développement économique que les autres. Il n'est donc pas absurde d'imaginer que les fonds de la politique de cohésion puissent diminuer à mesure que ces régions sortent des objectifs de convergence pour rejoindre les objectifs de compétitivité. Cela ne serait à mon sens pas illégitime.
Il est important que nous étudiions un dispositif qui puisse être phasé dans le temps. Le commissaire Hahn a proposé de créer une troisième catégorie de régions bénéficiaires des fonds de la politique de cohésion : un dispositif transitoire s'appliquerait désormais aux régions dont le PNB est compris entre 75 % et 90 % de la moyenne européenne. Dans la mesure où nos études montrent que cette évolution pourrait être intéressante pour un certain nombre de territoires français, qui bénéficieraient de nouveaux fonds, nous avons intérêt à rester ouverts à cette proposition.
Je ne partage pas votre analyse sur l'étranglement financier des collectivités territoriales, monsieur Chassaigne ; je vous en ai déjà parlé et ne vais donc pas y revenir. S'agissant de la compétitivité, je suis à la fois en désaccord et en accord avec vous.
En désaccord, car j'assume une politique de compétitivité pour l'économie française, qu'il s'agisse de l'industrie comme de l'agriculture. Mieux vaut dire la vérité plutôt que d'assurer à un producteur de lait alsacien qu'il peut sans problème le produire à 350 euros la tonne quand son voisin allemand le produit à 320 euros – ce qui est un mensonge. Pour ma part, je préfère lui expliquer qu'il faut produire à 320 euros la tonne s'il ne veut pas que Lactalis, Danone et Sodial aillent acheter leur lait de l'autre côté du Rhin. Il en va de même pour les industries – vous avez cité un exemple en Haute-Normandie que je connais bien. Ne faisons pas croire aux ouvriers français qu'on peut maintenir un impôt sur l'investissement productif, la taxe professionnelle, alors même qu'il n'existe plus dans les autres pays européens et qu'il grève notre compétitivité !
Je vous rejoins en revanche sur un point important : la compétitivité dans l'agriculture ne concerne pas que les producteurs, mais aussi les abattoirs, les industriels et la grande distribution. Les gains de compétitivité dans l'agriculture supposent aussi une rémunération plus juste des producteurs en bout de chaîne et une répartition plus juste de la valeur ajoutée – avec un contrôle effectif des marges réalisées par les industriels et les distributeurs pour s'assurer qu'ils n'en captent pas la totalité au détriment des producteurs. De même, la compétitivité concerne autant les entreprises donneuses d'ordres que les sous-traitants. Elle ne saurait servir de prétexte pour étrangler les sous-traitants et les producteurs. Une compétitivité juste, c'est donc une compétitivité tout au long de la filière, qui doit être partagée, vérifiée et contrôlée pour rester équitable. Je vois trop de grandes entreprises qui étranglent les sous-traitants, notamment avec les délais de paiement, et trop de distributeurs ou d'industriels qui étranglent les producteurs agricoles.
Ma première question concerne l'indépendance énergétique des exploitations agricoles. La France ne compte qu'une trentaine d'installations de méthanisation, contre 5 000 en Allemagne. Différents décrets ont été annoncés : l'un sur le rachat de l'électricité issue du biogaz, dont la parution est prévue au mois d'avril, et l'autre sur le tarif d'injection du biogaz dans le réseau de gaz naturel, qui devrait être publié cet été. Pouvez-vous nous confirmer ces dates de parution et nous parler des augmentations de tarifs qui sont prévues ?
Par ailleurs, le développement de l'agriculture biologique est un objectif important de la loi Grenelle I. Or seulement 2,6 % de la surface agricole utile (SAU) sont aujourd'hui exploités en agriculture biologique. L'objectif étant d'atteindre 6 % en 2012 et 20 % en 2020, il faudrait que la SAU exploitée en agriculture biologique augmente de 5 millions d'hectares entre 2010 et 2020, soit de 500 000 hectares – ce qui correspond à la superficie d'un département – par an. Pensez-vous que cet objectif puisse être atteint ?
L'article 31 de la loi Grenelle I prévoyait que près de 50 % des exploitations devraient avoir engagé une démarche de certification environnementale en 2012. Nous n'en entendons pas parler : où en sommes-nous ?
Enfin, qu'entendez-vous par « agriculture durable » ?
Merci pour la clarté de votre propos, monsieur le ministre.
Les zones périurbaines de la région parisienne comme le plateau briard sont une chance pour nos territoires, notamment pour la production alimentaire maraîchère de qualité – productions bio ou raisonnée. Comment accompagner ces territoires dans leur démarche parfaitement compatible avec le Grenelle, leur faciliter l'accès aux marchés d'intérêt national (MIN) et leur permettre de mieux résister à la concurrence étrangère ? Comment développer ces circuits courts ?
Je ne m'attarderai pas sur l'état de notre agriculture. Je rencontre dans ma circonscription aussi bien un éleveur de vaches à viande qui doit 17 000 euros à la MSA qu'une viticultrice qui exploite 12 hectares de Blaye Côtes de Bordeaux et se voit contrainte de demander le RSA parce que son vin reste dans son chai… Après l'industrie, c'est désormais l'agriculture qu'on saigne par la concurrence déloyale ! Vous avez convenu qu'il fallait encadrer les marges. Est-ce enfin un début de remise en cause du libéralisme ?
Vous êtes aussi le ministre de l'aménagement du territoire. Depuis son élection, le Président de la République démolit méthodiquement les services de proximité en zone rurale – fermeture des tribunaux, des perceptions, des services de santé… Dans le même temps, les populations les moins favorisées sont poussées hors des villes à cause des prix des terrains et des loyers. Elles sont otages de leurs voitures pour aller travailler. Or les prix du carburant ne cessent d'augmenter et il n'existe aucune alternative de transports en commun.
En ce qui concerne les zones de revitalisation rurale, le critère du dépeuplement n'est plus adapté : ce sont les territoires ruraux qui accueillent ces populations poussées hors des villes et qui n'ont pas les moyens de leur offrir les services indispensables – pour cela, ces territoires devraient être aidés.
Vous avez évoqué le partage de l'effort avec les collectivités territoriales. Permettez-moi de vous faire observer qu'en Gironde, la couverture numérique est actuellement assurée par un syndicat financé par le département et les intercommunalités. L'État ne devrait-il pas y prendre sa part ? Peut-on parler d'aménagement du territoire quand on casse les services publics au nom de la rentabilité ?
Germinal Peiro et moi-même avons été chargés par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de rédiger un rapport sur l'évaluation des politiques d'aménagement du territoire en zone rurale. L'une des premières constatations que nous avons faites est qu'il n'existe pas de tableau de bord permettant de suivre ces politiques. Nous avons décidé d'y remédier. Le ministère chargé de l'aménagement du territoire est-il prêt à soutenir notre démarche afin que nous puissions évaluer de façon régulière, comme le font les Anglo-saxons, l'efficacité de ces politiques ?
La réforme de la PAC est en cours d'élaboration. Vous avez évoqué la politique de cohésion et les contraintes budgétaires qui sont susceptibles de l'affecter. Ne pourrait-on envisager que le deuxième pilier de la PAC soit davantage orienté vers les politiques d'aménagement rural que vers les agriculteurs stricto sensu ? Dans la dernière période, 90 % des crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ont été consacrés aux aides aux agriculteurs, et 10 % seulement à la politique d'aménagement des zones rurales. Que penseriez-vous de faire bouger un peu le curseur ?
J'ai par ailleurs noté votre intérêt pour le problème de la démographie médicale. Mon ami et collègue Alain Gest et moi-même avons justement mis en place un pôle d'excellence rurale pour proposer une réponse innovante en la matière. Il s'agit de répondre à des problèmes médico-sociaux et sanitaires dans une zone très rurale de 40 000 habitants. Nous serions heureux de vous recevoir sur place.
L'indépendance énergétique des exploitations agricoles est en effet un sujet majeur, monsieur Chanteguet. Notre agriculture doit devenir au plus vite une agriculture durable. Il ne s'agit pas simplement de répondre aux attentes de notre société. Je le martèle depuis deux ans, tous les gains que nous ferons sur les coûts de production seront réduits à néant si nous continuons à dépendre des intrants issus de l'énergie fossile, puisque les prix de ces derniers sont appelés à augmenter significativement – 2 à 4 % de gains d'un côté contre 10 à 20 % d'augmentation de l'autre. Nous devons donc devenir de plus en plus indépendants par rapport aux énergies fossiles. C'est vrai pour l'industrie, mais c'est une évidence pour l'agriculture.
Cela impose de rattraper le retard que nous avons pris en matière d'autonomie énergétique des exploitations. Nous disposons du plan de performance énergétique adopté dans le cadre du Grenelle de l'environnement. J'ai par ailleurs obtenu gain de cause, et cela n'a pas été facile, sur le développement de la méthanisation en France. Il n'y a en effet pas d'élevage possible sans développement de la méthanisation – j'ai eu l'occasion d'en parler aujourd'hui en Bretagne avec les éleveurs de porcs. Seules 17 exploitations ayant une unité de méthanisation sont opérationnelles en France, contre 4 750 en Allemagne. Il nous faut donc progresser dans cette direction. La question clé, qui était celle du tarif, a été réglée par la décision du Premier ministre d'aligner le tarif de rachat de l'électricité issue de la méthanisation sur celui pratiqué en Allemagne. Pour les petites unités, le tarif maximal va ainsi passer de 15 à 20 centimes d'euro par kilowattheure. Les nouveaux tarifs seront effectifs fin avril. Le dispositif tarifaire pour le biogaz injecté dans le réseau sera quant à lui disponible fin juin. Nous devons aller le plus vite possible : les gains potentiels en France sont estimés à 15 000 à 20 000 euros par an – soit 1 000 à 1 200 euros par mois – pour une exploitation d'élevage de taille moyenne.
S'agissant de l'agriculture biologique, nous enregistrons 15 nouvelles installations par jour. Nous devons faire le maximum pour atteindre nos objectifs. Contrairement aux contrevérités alléguées par des ouvrages soi-disant bien informés, nous avons maintenu le niveau des aides à l'agriculture biologique en 2011. Peut-être avons-nous eu tort d'autoriser le cumul de l'aide nationale sous forme de crédit d'impôt et de l'aide européenne sous forme d'aide de minimis – il fallait auparavant faire un choix entre les deux – mais, de la sorte, le niveau d'aide a été rigoureusement maintenu. Quelques toutes petites exploitations, notamment maraîchères, passent au travers des mailles du filet. Nous travaillons actuellement sur un dispositif complémentaire. Aucune exploitation ne doit perdre ne serait-ce qu'un euro en se convertissant au bio ; nous trouverons donc une solution budgétaire pour ces petites exploitations.
Qu'est-ce que l'agriculture durable ? C'est une agriculture qui répond aux attentes de nos concitoyens – c'est-à-dire qui respecte davantage les normes environnementales – et aux lois de l'économie. Durable signifie à la fois durable dans le temps et respectueux de l'environnement. La conciliation entre agriculture et environnement va de soi. Je regrette donc qu'une association, d'habitude plus raisonnable, ait voulu rouvrir une guerre inutile entre agriculteurs et défenseurs de l'environnement. Je ne suis du reste pas le seul : Jean-Yves Le Drian a intenté un recours contre cette campagne d'affichage de France Nature Environnement – ce qui montre que cela dépasse les clivages partisans.
La conciliation entre agriculture et environnement exige cependant une méthode, qui repose sur trois points récemment rappelés par le Président de la République. En premier lieu, il faut tenir compte de la réalité économique des producteurs. C'est un impératif qui me tient particulièrement à coeur. J'ai rencontré tout à l'heure un éleveur de porcs de vingt-trois ans, qui a mis toutes ses économies dans une nouvelle installation. Il doit maintenant dépenser 120 000 euros pour la mettre aux normes et lancer une procédure administrative qui lui coûtera 10 000 euros. En 2013, il devra à nouveau mettre aux normes pour respecter les nouvelles règles de bien-être animal. C'est lui qui paye ! Bref, il faut du respect et de la considération pour nos paysans. En deuxième lieu, il faut une harmonisation européenne – sans quoi il ne sert à rien de parler de compétitivité. Enfin, il faut faire preuve d'un peu de pragmatisme : il est de bon sens que certaines règles puissent être adaptées aux réalités du terrain – je pense par exemple aux retenues collinaires dans le Gers, aux terres argileuses, ou encore au couvert hivernal des sols.
En ce qui concerne la certification environnementale, le décret sera publié en juin.
Monsieur Gonzales, nous nous sommes égarés en retenant durant des années le seul critère du prix du produit. C'était une erreur – et je pèse mes mots. Il faut rapprocher le producteur du consommateur, et c'est pourquoi les circuits courts sont un sujet majeur. Cela passe notamment par la modification du décret sur les appels d'offres pour tenir compte non plus seulement du prix, mais aussi de la proximité de la production. Un certain nombre de collectivités locales – le Gers, mais aussi plusieurs départements de Rhône-Alpes – se sont déjà engagées dans cette politique. C'est une politique de bon sens, qui permet tout à la fois de défendre nos producteurs et de garantir une qualité aux consommateurs, et même une politique sociale, puisqu'elle donne à des centaines de milliers d'enfants, mal nourris chez eux, l'assurance de bénéficier d'au moins un repas équilibré et de qualité chaque jour. Nous devons donc tenir le cap.
Vous m'avez parlé de remise en cause du libéralisme, monsieur Plisson. Il me semble avoir assez dit que je ne crois pas au libéralisme en agriculture. Je me suis d'ailleurs engagé en faveur de la régulation : les produits agricoles ne sont pas des produits comme les autres, et sans régulation, il n'y a plus de producteurs. Je refuse aussi toute politique agricole reposant exclusivement sur la sélection par les prix, car cela signifierait immanquablement la priorité au moins-disant et des concessions sur les règles environnementales et la sécurité sanitaire. Le renchérissement du coût de production du boeuf et du porc s'explique en effet, comme l'a démontré l'Observatoire des prix et des marges, par le renforcement des règles sanitaires. Sans ce dernier, ce coût serait équivalent à ce qu'il est au Brésil ou en Argentine. Bref, il faut savoir ce que l'on veut !
Pour assurer la régulation des marchés, il faut maintenir une capacité d'intervention, afin de pouvoir par exemple lisser les cours. C'est le combat que nous livrons, aussi bien au sein de l'Union européenne qu'à l'échelle du G 20.
En ce qui concerne les ZRR, je vous ai déjà dit que je n'étais pas favorable à l'application mécanique de critères de population : la population étant moins nombreuse, elle se retrouve encore plus défavorisée, et c'est une raison de plus de maintenir un zonage. Ce dispositif est par ailleurs complémentaire de la bataille que nous menons pour obtenir le maintien de la prime herbagère agro-environnementale et de l'indemnité compensatrice de handicap naturel, primes européennes indispensables à la revitalisation des territoires ruraux.
Monsieur Bignon, je suis bien entendu favorable à ce que le ministère et la DATAR accompagnent la politique d'évaluation de l'aménagement du territoire que vous vous proposez de mettre en place. Je viendrai avec plaisir voir ce que vous faites avec Alain Gest dans le cadre du pôle d'excellence rurale dont vous nous avez parlé. Sur l'idée de transférer des fonds du deuxième pilier vers l'aménagement du territoire, je suis beaucoup plus réservé : pour les paysans, chaque euro compte.
Merci pour votre intervention, monsieur le ministre. Je m'étonne néanmoins que vous n'ayez pas évoqué le tourisme. La France est la première destination touristique au monde et son potentiel de développement dans ce domaine est encore considérable.
Par ailleurs, et sauf erreur de ma part, la réponse que notre pays a apportée au commissaire Hahn dans le cadre de la consultation publique sur sa politique de cohésion territoriale ne mentionne pas la montagne, qui représente pourtant 25 % du territoire national.
Je reviens à présent sur le très haut débit. Si le Gouvernement n'a laissé planer aucune ambiguïté sur sa volonté de couvrir tout le territoire, il faut bien reconnaître que les opérateurs s'intéressent essentiellement aux zones urbaines densifiées, alors qu'il subsiste de vraies difficultés en zone rurale.
J'en viens maintenant à la réforme territoriale. Fin avril, les préfets vont rendre aux commissions départementales de coopération intercommunale leur première copie sur la rationalisation des intercommunalités et la couverture intégrale du territoire national par les établissements publics de coopération intercommunale. J'ose espérer qu'ils savent dans quel esprit les parlementaires ont voté cette réforme territoriale.
Enfin, je vous rappelle que le Conseil national de la montagne attend une date pour vous remettre son rapport et qu'il souhaite la révision de l'arrêté interministériel de 1985 sur le classement des collectivités territoriales en zone de montagne, qui n'a jamais été mis à jour.
Au sujet des circuits courts, vous avez, monsieur le ministre, évoqué la préparation d'un décret modifiant le cadre des appels d'offres. Pouvez-vous nous en dire plus, notamment sur sa date de publication ?
S'agissant de la méthanisation, qui est une nécessité environnementale et économique, nous sommes en effet très en retard. On peut néanmoins se demander pourquoi les éleveurs sont obligés de développer une autre activité économique pour être rémunérés… Il est dommage que l'élevage tende à devenir un surproduit de la production d'énergie.
Je souhaite également vous interroger sur les moyens prévus pour la couverture en fibre optique. Je rappelle que pour l'ADSL, il n'y a pas eu de plan national : ce sont les départements et les régions qui assurent la couverture, parfois avec l'aide de l'Europe. Sera-ce la même chose pour la fibre optique, ou y aura-t-il un plan national d'aménagement du territoire ?
Enfin, quelle est la position du Gouvernement sur l'exploitation des gaz de schiste, qui soulève un grand émoi dans notre pays ? M. Jean-Louis Borloo a donné des autorisations d'exploitation…
… et on nous parle maintenant d'une mission d'information censée nous aider à décider. Pouvez-vous nous éclairer ?
Je m'empresse tout d'abord, monsieur le ministre, de vous lancer une invitation à laquelle vous avez déjà répondu favorablement…
Je vous remercie par ailleurs d'avoir apporté votre soutien, à l'occasion d'un récent discours à Cambrai, à l'infrastructure que représente le canal Seine-Nord. Je ne doute pas que vous continuerez à faire oeuvre de persuasion auprès du Premier ministre pour que le dialogue compétitif soit engagé sans tarder.
Plusieurs de nos collègues se sont exprimés sur la démographie médicale. Je salue ce qui a été fait pour encourager les futurs diplômés à aller s'installer en zone rurale, mais je ne suis pas convaincu – même si je le déplore – que cela suffira. Permettez-moi de vous donner deux chiffres : dans le département de l'Oise, voisin du mien, trois médecins se sont installés en trois ans, sachant que dans les trois années qui viennent, 100 généralistes vont partir à la retraite. Telle est la problématique à laquelle nous sommes confrontés.
Vous êtes ministre de l'agriculture et de l'aménagement du territoire, et il est vrai qu'il y a une cohérence entre ces deux domaines. Il faut maintenir les activités agricoles, car elles jouent un rôle dans l'aménagement du territoire, notamment lorsqu'elles ont un caractère agroalimentaire. Or nous voyons se profiler, à l'horizon de la réforme de la PAC, des difficultés dans certains secteurs – fécule de pomme de terre, chanvre, lin, luzerne. Comment comptez-vous leur faire passer ce cap ?
Je vous rappelle qu'un débat en séance publique sur les conséquences environnementales de l'exploitation du gaz et des huiles de schiste se tiendra le 29 mars à la demande du groupe GDR, et qu'une mission d'information sur les gaz de schiste a également été mise en place par notre commission.
Vous avez rappelé, monsieur le ministre, qu'il y a plusieurs France rurales. On considère souvent le littoral comme un territoire riche. En Loire-Atlantique, où pourraient être organisés les circuits courts qui vous sont chers, nous avons pourtant une déprise rurale et nous manquons d'exploitations par rapport à la demande. La loi « littoral » et les sites classés ont figé des territoires entiers, à telle enseigne que dans le cadre du Grenelle, France Nature Environnement et la FNSEA avaient signé une motion commune pour appeler à trouver des solutions. C'est un vrai problème, car nos zones rurales vont continuer à se peupler – l'INSEE prévoit une augmentation de 30 % de la population de notre région d'ici à 2040.
Une politique transversale, celle des éco-territoires ruraux, a certes été mise en place, mais le cahier des charges est si complexe que quasiment aucun territoire n'est éligible au dispositif. Ne pourrait-on trouver un compromis entre la lettre et l'esprit pour que cette politique puisse au moins être lancée ? Sur ma commune de Guérande, 600 hectares sont figés alors que la demande est réelle. Je compte sur votre dynamisme pour que ces obstacles techniques soient enfin surmontés.
Le tourisme représente évidemment un potentiel de développement économique considérable pour notre pays, monsieur Saddier. Nous restons le premier pays au monde en termes de flux touristiques, mais aussi – ce qui est exceptionnel au vu de la surface de notre territoire – le deuxième producteur mondial de blé.
Beaucoup a été fait, notamment par Hervé Novelli, pour renforcer la qualité de notre offre touristique. Je ne vous cache cependant pas que ma priorité va au maintien de capacités productives dans notre pays. C'est là-dessus que j'entends me battre, car c'est là que résident nos faiblesses les plus importantes.
Vous savez que je suis très attaché aux questions qui touchent à la montagne. Le Conseil national de la montagne peut me remettre son rapport quand il le souhaite, et je participerai volontiers à sa prochaine réunion. Je vous indique par ailleurs que mon refus d'appliquer rigoureusement la règle du dépeuplement pour le zonage ZRR a directement bénéficié aux communes de montagne, puisque 54 % d'entre elles – soit plus de 4 000 sur 8 656 communes concernées – y sont aujourd'hui incluses. Je suis également un farouche partisan du maintien de toutes les indemnités et subventions européennes en faveur de l'agriculture dans les zones difficiles – dont font partie les zones de montagne. Il y a des zones où il faut à la fois les prix et les primes ! Sans ces dernières, l'élevage dans la Tarentaise ne pourrait pas être rentable. L'agriculture en zone de montagne obéit à des contraintes qui méritent rémunération. Il faut savoir ce que l'on veut. Tout est du reste lié : le tourisme dans les zones de montagne passe par le maintien d'activités économiques et agricoles.
Monsieur Peiro, nous sommes en train de travailler sur le décret modifiant les règles des appels d'offres. Il devrait être publié d'ici à deux mois. Je regrette que l'Union européenne refuse, pour des raisons de sauvegarde de la concurrence, les critères de kilométrage qui ont cours aux États-Unis – toutes les écoles américaines ont une obligation de fourniture dans un rayon de 50 kilomètres. Cela dit, nous allons utiliser les ambiguïtés des textes européens. Pour ma part, je pense que ces dogmes de concurrence absolue ne sont pas bons pour les industries européennes ; ceux qui concernent la proximité sont aujourd'hui décalés par rapport aux attentes sociales. Il y a quinze ou vingt ans, nos concitoyens ne voyaient rien à redire à ce que la pomme vienne du Chili et la viande d'Irlande, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Je regrette donc que l'Union européenne n'évolue pas plus rapidement.
J'en viens à la méthanisation. C'est effectivement une nécessité environnementale, mais, tout attaché que je sois au modèle allemand, je ne souhaite pas que la méthanisation devienne l'activité principale d'élevages qui seraient relégués au second plan de la production d'électricité. Nous serons donc vigilants sur ce point, afin de ne pas encourager le phénomène.
La couverture en fibre optique fera bien l'objet d'un plan national. Nous avons lancé un appel d'offres. En fonction de ses résultats, nous mettrons ensuite en oeuvre des dispositifs publics afin de couvrir l'ensemble du territoire.
Pour ce qui est des gaz de schiste, je ne connais pas assez bien le sujet pour vous répondre avec précision. Vous savez néanmoins que votre commission a créé une mission d'information dont Philippe Martin et François-Michel Gonnot sont les co-rapporteurs.
Monsieur Gest, vous connaissez ma position sur le canal Seine-Nord : c'est pour moi une évidence que cette infrastructure répond à un intérêt économique et environnemental, tout en permettant de faire le lien entre les différents pôles de développement économiques et d'emploi que nous définissons en France. Je plaiderai donc de nouveau auprès du Président de la République et du Premier ministre pour que cette réalisation soit effective.
L'évaluation du dispositif incitatif à l'installation de jeunes médecins est en effet nécessaire, car nous avons une obligation de résultat.
Les industries agro-alimentaires sont un vrai sujet. Deuxième employeur privé de France et deuxième pourvoyeur, après l'aéronautique, de devises de notre balance commerciale, ces industries restent trop dispersées, insuffisamment solidaires les unes des autres et pas assez rassemblées, avec à la fois de très grands groupes employant des centaines de milliers de personnes et 10 000 petites entreprises qui n'atteignent pas la taille critique pour pouvoir exporter correctement. Nous devons regrouper ces entités pour être plus compétitifs. Se posera également, comme pour toute industrie utilisant peu de très haute technologie et incorporant peu d'innovations, la question du coût du travail, lequel est très pénalisant si on le compare à ceux de certains voisins européens.
S'agissant des neuf filières que nous avons identifiées comme les plus sensibles, dont le chanvre, le lin et la luzerne, nous travaillons à trouver des solutions.
En ce qui concerne les éco-territoires ruraux, je pense qu'il faut faire preuve de pragmatisme en adaptant un ou deux critères si l'on veut donner une chance au dispositif.
Monsieur le ministre, nous vous remercions pour vos réponses très pragmatiques et très concrètes.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mardi 8 mars 2011 à 18 h 15
Présents. - M. Yves Albarello, M. Jérôme Bignon, M. Maxime Bono, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, M. Raymond Durand, M. Paul Durieu, M. André Flajolet, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, Mme Fabienne Labrette-Ménager, Mme Christine Marin, M. Philippe Martin, M. Bertrand Pancher, M. Germinal Peiro, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, Mme Sophie Primas, M. Christophe Priou, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier
Excusés. - M. Jean-Claude Bouchet, M. Philippe Duron, M. Jean-Pierre Giran, M. Joël Giraud, M. Michel Havard, M. Armand Jung, M. Gérard Menuel, M. Yanick Paternotte, Mme Catherine Quéré, M. Max Roustan
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Claude Flory, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean Proriol, M. Francis Saint-Léger