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Intervention de Bruno le Maire

Réunion du 8 mars 2011 à 18h15
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Bruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire :

Fruit d'une volonté politique – l'État doit pouvoir intervenir sur l'organisation démographique et économique locale –, l'aménagement du territoire est une singularité française qui doit être défendue.

Cette politique doit prendre en compte des réalités, qui, pour être des atouts, n'en constituent pas moins des bouleversements profonds et violents : une croissance démographique forte, mais sur un territoire limité – ce qui crée des difficultés majeures en matière d'étalement urbain ; une population très mobile, mais qui s'installe généralement dans le Sud et sur le littoral ; une exigence marquée en termes d'accès aux services publics, aux soins, à la téléphonie mobile et au numérique à haut débit. En outre, face à ces grands bouleversements, l'action de l'État doit être repensée, afin qu'elle puisse s'exercer en association avec les élus locaux et les forces économiques du pays.

Les deux objectifs que nous visons sont étroitement complémentaires : gagner en compétitivité et maintenir la cohésion des territoires. La compétitivité, c'est ce qui fait que nos entreprises restent chez nous, y compris dans des territoires ruraux, ce qui fait que nous maintenons une agriculture – laquelle, au même titre que l'industrie, peut être victime de délocalisations. Si le premier objectif n'est pas atteint, nos territoires perdront en attractivité, donc en emplois et en puissance économique. Parallèlement, nous devons accompagner les territoires les moins favorisés, en leur donnant les moyens de se développer, en regroupant les forces vives dans des pôles, en leur apportant subventions et aides. Il ne faut pas s'y tromper, les territoires compétitifs ne sont pas exclusifs des autres territoires, attractifs, non pas parce qu'ils produisent les richesses, mais parce qu'ils les consomment.

Quelles stratégies mettons-nous en oeuvre pour atteindre ces deux objectifs ? Le premier élément de cette stratégie consiste à créer des pôles d'activité, à regrouper les forces économiques et sociales permettant à un territoire de valoriser ses atouts. La clé de la compétitivité, de la capacité à créer des richesses, à maintenir de l'emploi passe par le regroupement des forces, aussi bien dans le domaine de l'agriculture, que dans ceux de l'industrie ou des services. Paradoxalement, regrouper les forces, c'est le meilleur moyen de maintenir une présence partout sur le territoire. Chercher à maintenir en tous points d'un territoire les mêmes activités sans les organiser reviendrait à éparpiller les énergies : si nous voulons conserver une industrie laitière dans le sud-ouest, nous devons regrouper les activités de collecte et de transformation de manière plus cohérente ; de la même manière, une coopération étroite entre industries, centres de recherche, centres de technologie, universités et laboratoires privés est essentielle au maintien des activités de pointe et de haute technologie.

Nous devons apprendre à raisonner en termes de pôles – pôles de compétitivité (auxquels 1,5 milliard d'euros sur 2009-2011 ont été affectés), pôles d'excellence rurale, grappes d'entreprises –, de regroupement de nos forces, pour équilibrer les territoires et renforcer leur cohésion. Si nous n'accompagnons pas ce mouvement, il est fort à parier que les territoires naturellement les plus attractifs « empocheront la mise », au détriment des autres. La polarisation est non seulement un facteur de compétitivité, mais c'est aussi un facteur de cohésion territoriale car les pôles sont des moteurs du développement territorial. J'indique que, s'agissant des grappes d'entreprises – qui ont été un succès et qui répondent à une attente forte des territoires –, j'ai lancé, le 21 janvier dernier, la deuxième vague d'appels à projets.

Le deuxième élément de cette stratégie consiste à améliorer les connexions entre territoires. Si l'on veut créer des pôles, regrouper les forces économiques, encore faut-il mieux connecter les différents territoires afin de permettre une meilleure circulation des richesses, des personnes et des emplois. Cela passe par le développement des transports, qu'il s'agisse de lignes à grande vitesse reliant les grandes métropoles européennes ou des quarante lignes d'équilibre entre les territoires, soit 340 trains, que nous finançons à hauteur de 200 millions d'euros – grâce à une partie du financement des billets de TGV et grâce aux sociétés d'autoroute. Le maintien de ces lignes d'équilibre est décisif pour le maillage territorial et la cohérence de la politique des pôles.

Autre élément de cette stratégie : la couverture numérique à très haut débit de l'ensemble du territoire. C'est un sujet difficile car la rentabilité constitue un facteur essentiel pour les entreprises pouvant répondre aux appels d'offre en la matière. Pour atteindre cet objectif de couverture de l'ensemble du territoire, 2 milliards d'euros ont été mis à disposition des opérateurs et des collectivités pour lancer le processus à la fin de ce semestre. Il est indispensable de veiller à la complémentarité entre investissements publics et investissements privés. La fibre optique doit être rapidement déployée dans les territoires peu denses ou mal desservis par les transports en commun et les zones mal couvertes doivent monter en débit, en attendant l'arrivée du très haut débit. Si nous devions privilégier les grandes métropoles et les zones de développement économique avancé, les choix que nous ferions en termes d'aménagement du territoire seraient réduits à néant. Quelle entreprise, quel médecin, quel agriculteur – la moitié d'entre eux font leur déclaration par Internet –, quel pôle économique, quelle société de service accepterait de s'installer sur un territoire non couvert par le haut débit ? Le haut débit est au coeur de la stratégie d'aménagement du territoire.

Assurer la connexion entre territoires passe aussi par une meilleure coopération entre eux – c'est la politique qui a été menée autour des clusters –, entre les agriculteurs, entre les industriels, entre les territoires du littoral et ceux du centre. Cela passe également par une plus grande solidarité entre les territoires, en accompagnant ceux qui sont en reconversion : c'est l'objet de la politique des contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) et des plans locaux de reconversion. Ainsi, je me suis rendu à Dax pour voir ce qu'il en était de la reconversion d'un ancien centre d'hélicoptères, comme je suis allé à Cambrai avec Alain Juppé pour me rendre compte comment se déroulait la reconversion de la base aérienne de défense. Nous avons un devoir de solidarité à l'égard de ces territoires, qui ont perdu une activité militaire et qui ont vocation à se relancer par les biais d'autres activités économiques.

Enfin, le devoir de solidarité exige que nous remédiions aux inégalités d'accès aux soins. Mon département, pourtant aux portes de Paris, est classé 99e sur 100 dans ce domaine. Ce sont souvent les territoires situés en marge des grandes métropoles qui sont les plus concernés par les difficultés d'accès, qu'il s'agisse des soins, d'Internet ou des services publics. Les maisons de santé pluridisciplinaires, les bourses allouées aux étudiants en médecine, les conventions avec les hôpitaux publics sont des instruments que nous devons utiliser pour nous acquitter de cette tâche immense et apporter une réponse à ceux qui mettent six mois pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, quand il ne leur faudrait pas plus de trois semaines s'ils habitaient ailleurs. En 2011, nous devons mettre l'accent sur la nécessité d'accéder aux soins dans des délais plus rapides.

Dès mon arrivée au ministère de l'aménagement du territoire, j'ai souhaité lancer une réflexion collective sur l'avenir de notre territoire à l'horizon 2040. La France, j'en suis persuadé, peut faire valoir de multiples atouts dans le contexte mondial et européen : la diversité de son territoire et de ses agglomérations, la qualité de ses services publics et de ses infrastructures, sa capacité à regrouper rapidement ses forces économiques autour de pôles –pôles de compétitivité, pôles d'excellence rurale, grappes d'entreprises –, la mobilité croissante des Français et leur volonté de reconquérir l'espace rural, une démographie dynamique. Notre développement doit continuer de reposer sur les trois piliers que sont l'agriculture, l'industrie, les services. Nous jouirons ainsi d'un territoire mieux valorisé et plus équilibré.

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