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Intervention de Bruno le Maire

Réunion du 8 mars 2011 à 18h15
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Bruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire :

L'indépendance énergétique des exploitations agricoles est en effet un sujet majeur, monsieur Chanteguet. Notre agriculture doit devenir au plus vite une agriculture durable. Il ne s'agit pas simplement de répondre aux attentes de notre société. Je le martèle depuis deux ans, tous les gains que nous ferons sur les coûts de production seront réduits à néant si nous continuons à dépendre des intrants issus de l'énergie fossile, puisque les prix de ces derniers sont appelés à augmenter significativement – 2 à 4 % de gains d'un côté contre 10 à 20 % d'augmentation de l'autre. Nous devons donc devenir de plus en plus indépendants par rapport aux énergies fossiles. C'est vrai pour l'industrie, mais c'est une évidence pour l'agriculture.

Cela impose de rattraper le retard que nous avons pris en matière d'autonomie énergétique des exploitations. Nous disposons du plan de performance énergétique adopté dans le cadre du Grenelle de l'environnement. J'ai par ailleurs obtenu gain de cause, et cela n'a pas été facile, sur le développement de la méthanisation en France. Il n'y a en effet pas d'élevage possible sans développement de la méthanisation – j'ai eu l'occasion d'en parler aujourd'hui en Bretagne avec les éleveurs de porcs. Seules 17 exploitations ayant une unité de méthanisation sont opérationnelles en France, contre 4 750 en Allemagne. Il nous faut donc progresser dans cette direction. La question clé, qui était celle du tarif, a été réglée par la décision du Premier ministre d'aligner le tarif de rachat de l'électricité issue de la méthanisation sur celui pratiqué en Allemagne. Pour les petites unités, le tarif maximal va ainsi passer de 15 à 20 centimes d'euro par kilowattheure. Les nouveaux tarifs seront effectifs fin avril. Le dispositif tarifaire pour le biogaz injecté dans le réseau sera quant à lui disponible fin juin. Nous devons aller le plus vite possible : les gains potentiels en France sont estimés à 15 000 à 20 000 euros par an – soit 1 000 à 1 200 euros par mois – pour une exploitation d'élevage de taille moyenne.

S'agissant de l'agriculture biologique, nous enregistrons 15 nouvelles installations par jour. Nous devons faire le maximum pour atteindre nos objectifs. Contrairement aux contrevérités alléguées par des ouvrages soi-disant bien informés, nous avons maintenu le niveau des aides à l'agriculture biologique en 2011. Peut-être avons-nous eu tort d'autoriser le cumul de l'aide nationale sous forme de crédit d'impôt et de l'aide européenne sous forme d'aide de minimis – il fallait auparavant faire un choix entre les deux – mais, de la sorte, le niveau d'aide a été rigoureusement maintenu. Quelques toutes petites exploitations, notamment maraîchères, passent au travers des mailles du filet. Nous travaillons actuellement sur un dispositif complémentaire. Aucune exploitation ne doit perdre ne serait-ce qu'un euro en se convertissant au bio ; nous trouverons donc une solution budgétaire pour ces petites exploitations.

Qu'est-ce que l'agriculture durable ? C'est une agriculture qui répond aux attentes de nos concitoyens – c'est-à-dire qui respecte davantage les normes environnementales – et aux lois de l'économie. Durable signifie à la fois durable dans le temps et respectueux de l'environnement. La conciliation entre agriculture et environnement va de soi. Je regrette donc qu'une association, d'habitude plus raisonnable, ait voulu rouvrir une guerre inutile entre agriculteurs et défenseurs de l'environnement. Je ne suis du reste pas le seul : Jean-Yves Le Drian a intenté un recours contre cette campagne d'affichage de France Nature Environnement – ce qui montre que cela dépasse les clivages partisans.

La conciliation entre agriculture et environnement exige cependant une méthode, qui repose sur trois points récemment rappelés par le Président de la République. En premier lieu, il faut tenir compte de la réalité économique des producteurs. C'est un impératif qui me tient particulièrement à coeur. J'ai rencontré tout à l'heure un éleveur de porcs de vingt-trois ans, qui a mis toutes ses économies dans une nouvelle installation. Il doit maintenant dépenser 120 000 euros pour la mettre aux normes et lancer une procédure administrative qui lui coûtera 10 000 euros. En 2013, il devra à nouveau mettre aux normes pour respecter les nouvelles règles de bien-être animal. C'est lui qui paye ! Bref, il faut du respect et de la considération pour nos paysans. En deuxième lieu, il faut une harmonisation européenne – sans quoi il ne sert à rien de parler de compétitivité. Enfin, il faut faire preuve d'un peu de pragmatisme : il est de bon sens que certaines règles puissent être adaptées aux réalités du terrain – je pense par exemple aux retenues collinaires dans le Gers, aux terres argileuses, ou encore au couvert hivernal des sols.

En ce qui concerne la certification environnementale, le décret sera publié en juin.

Monsieur Gonzales, nous nous sommes égarés en retenant durant des années le seul critère du prix du produit. C'était une erreur – et je pèse mes mots. Il faut rapprocher le producteur du consommateur, et c'est pourquoi les circuits courts sont un sujet majeur. Cela passe notamment par la modification du décret sur les appels d'offres pour tenir compte non plus seulement du prix, mais aussi de la proximité de la production. Un certain nombre de collectivités locales – le Gers, mais aussi plusieurs départements de Rhône-Alpes – se sont déjà engagées dans cette politique. C'est une politique de bon sens, qui permet tout à la fois de défendre nos producteurs et de garantir une qualité aux consommateurs, et même une politique sociale, puisqu'elle donne à des centaines de milliers d'enfants, mal nourris chez eux, l'assurance de bénéficier d'au moins un repas équilibré et de qualité chaque jour. Nous devons donc tenir le cap.

Vous m'avez parlé de remise en cause du libéralisme, monsieur Plisson. Il me semble avoir assez dit que je ne crois pas au libéralisme en agriculture. Je me suis d'ailleurs engagé en faveur de la régulation : les produits agricoles ne sont pas des produits comme les autres, et sans régulation, il n'y a plus de producteurs. Je refuse aussi toute politique agricole reposant exclusivement sur la sélection par les prix, car cela signifierait immanquablement la priorité au moins-disant et des concessions sur les règles environnementales et la sécurité sanitaire. Le renchérissement du coût de production du boeuf et du porc s'explique en effet, comme l'a démontré l'Observatoire des prix et des marges, par le renforcement des règles sanitaires. Sans ce dernier, ce coût serait équivalent à ce qu'il est au Brésil ou en Argentine. Bref, il faut savoir ce que l'on veut !

Pour assurer la régulation des marchés, il faut maintenir une capacité d'intervention, afin de pouvoir par exemple lisser les cours. C'est le combat que nous livrons, aussi bien au sein de l'Union européenne qu'à l'échelle du G 20.

En ce qui concerne les ZRR, je vous ai déjà dit que je n'étais pas favorable à l'application mécanique de critères de population : la population étant moins nombreuse, elle se retrouve encore plus défavorisée, et c'est une raison de plus de maintenir un zonage. Ce dispositif est par ailleurs complémentaire de la bataille que nous menons pour obtenir le maintien de la prime herbagère agro-environnementale et de l'indemnité compensatrice de handicap naturel, primes européennes indispensables à la revitalisation des territoires ruraux.

Monsieur Bignon, je suis bien entendu favorable à ce que le ministère et la DATAR accompagnent la politique d'évaluation de l'aménagement du territoire que vous vous proposez de mettre en place. Je viendrai avec plaisir voir ce que vous faites avec Alain Gest dans le cadre du pôle d'excellence rurale dont vous nous avez parlé. Sur l'idée de transférer des fonds du deuxième pilier vers l'aménagement du territoire, je suis beaucoup plus réservé : pour les paysans, chaque euro compte.

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