Le décalage entre les propos que vous tenez, monsieur le ministre, et la prosaïque réalité de nos territoires est considérable, et vos chants de louanges libéraux bien éloignés de ce que nous vivons sur le terrain.
Les conséquences de la révision générale des politiques publiques (RGPP) font monter la colère dans les départements : voyez la réorganisation de la carte hospitalière, l'état de l'enseignement ou encore l'abandon du fret ferroviaire – j'ai découvert la semaine dernière un cimetière de 350 locomotives, dont certaines quasi-neuves, à Sotteville-lès-Rouen. La poursuite de la RGPP, qui désertifie les territoires, est contraire à toute politique d'aménagement du territoire. Les élus locaux, les associations, les habitants sont las de voir leurs projets imaginatifs et innovants de redynamisation des territoires anéantis par des décisions imposées d'en haut. Cette situation est encore aggravée par l'état des finances des collectivités locales : les conseils régionaux et généraux, étranglés, ne peuvent plus accompagner les territoires. C'est ce que nous vivons au quotidien !
Par idéologie, vous placez beaucoup d'espoir dans la compétitivité. Mais alors qu'elle devrait renforcer la cohésion et l'équilibre entre territoires, elle ne fait qu'imposer des critères de production qui étouffent toute exigence environnementale ou sociale, et finissent par broyer les humains et la nature. Entre conseils régionaux, c'est à qui attirera à coups d'aides et de subventions les entreprises sur son territoire ; certaines multinationales, bien qu'elles affichent d'excellents résultats au CAC 40, profitent même de la situation et pratiquent le chantage auprès des régions !
En théorie, les pôles, qui incluent de grandes entreprises, devraient permettre de créer une bouffée d'oxygène et d'accompagner les PME dans leur développement. Au lieu de cela, à quoi assiste-t-on ? Les entreprises de sous-traitance – les fabricants de moules, les réparateurs de machine-outil, les spécialistes de petit câblage électrique …–, qui contribuent à l'aménagement du territoire et dont les patrons se battent aux côtés de leurs employés, sont complètement étranglées par leurs donneurs d'ordres, ces grandes entreprises qui font des effets d'annonce et signent des contrats dans le cadre de pôles de compétitivité. Cette situation a été dénoncée il y a deux semaines par le médiateur de la sous-traitance, Jean-Claude Volot, dans son point d'étape. Vraiment, il y a de quoi être en colère !