COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 23 mars 2010
La séance est ouverte à seize heures quinze.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission)
La Commission des affaires sociales entend Mme Dominique Le Boeuf, présidente du conseil national de l'Ordre national des infirmiers.
Nous accueillons aujourd'hui Mme Dominique Le Boeuf, présidente du conseil national de l'Ordre des infirmiers, accompagnée de MM. Didier Borniche et David Vasseur, vice-présidents du conseil national, et de Mme Myriam Petit, secrétaire nationale.
Infirmière depuis 1982 et cadre infirmier depuis 1989, vous avez, madame Le Boeuf, effectué toute votre carrière à l'hôpital de Versailles, dans différents services.
Vous avez, par ailleurs, travaillé deux ans à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé – devenue depuis la Haute Autorité de santé –, sur l'évaluation des pratiques cliniques des médecins, d'une part, et des réseaux de soins et de santé, d'autre part. Vous êtes actuellement mandatée en tant qu'expert auprès du Haut conseil en santé publique.
Après avoir milité pour la création de l'Ordre des infirmiers, notamment au sein du groupe Sainte Anne, qui réunissait 43 associations et syndicats professionnels infirmiers salariés et libéraux, vous avez été élue à la tête de l'Ordre le 14 janvier 2009.
Je vous ai demandé de venir devant notre commission en raison des polémiques qui sont apparues depuis l'automne dernier, lorsque le processus d'inscription des infirmiers au tableau a été lancé, polémiques en partie nées du montant de la cotisation, que le conseil national de l'Ordre a fixé à 75 euros pour 2010.
Comme j'ai eu l'occasion de vous l'écrire, ce montant a suscité une grande émotion parmi les parlementaires de la commission, qui ont reçu de très nombreux courriers à ce sujet. Il ne correspond pas au montant modeste qui avait été évoqué lors du débat parlementaire, à savoir 10 euros.
Rapportées au nombre des infirmiers en activité – 510 000 –, ces cotisations représenteraient, en effet, une recette globale de plus de 38 millions d'euros, ce qui nous semble considérable pour une institution aussi jeune, d'autant que nos concitoyens s'indignent de la différence qui existe entre pouvoir d'achat et reste à vivre. Ils ont l'impression que ce dernier ne cesse de diminuer du fait du poids des taxes, de l'évolution des dépenses des loyers et des besoins de consommation et s'insurgent contre l'addition des cotisations qu'ils ont à payer.
Cette audition devrait permettre de lever certaines difficultés et peut-être de trouver un terrain d'entente.
Je vous remercie, au nom de l'Ordre national des infirmiers, de nous recevoir aujourd'hui pour parler avec vous de notre institution, vous dire d'où elle vient, ce qu'elle est réellement – car il y a beaucoup de désinformation –, ce qu'elle a pu réaliser – si elle a peu communiqué, elle a déjà beaucoup travaillé – et ce qu'elle souhaite développer encore, conformément à la loi qui lui a donné naissance il y a trois ans, et qui a été complétée il y a quelques mois par la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « HPST ».
Nous nous réjouissons vivement de cette rencontre. Elle est très importante pour nous et nous sommes très honorés de votre invitation. C'est une grande première pour nous. Mais ce sera peut-être aussi une découverte pour beaucoup d'entre vous. Puisque vous avez décidé de nous consacrer un temps suffisant, nous allons pouvoir, je l'espère, dépasser les préjugés pour aller ensemble, avec transparence, au fond des choses.
J'aimerais d'abord, dans un exposé synthétique, vous fournir quelques repères. Nous avons apporté en complément un dossier plus détaillé, que je tiens à votre disposition. Puis, avec les trois membres du Conseil national présents à mes côtés, je m'efforcerai de répondre concrètement à toutes vos questions.
Mon exposé portera sur quatre points : l'origine de l'Ordre national des infirmiers ; en quoi consiste aujourd'hui cette jeune institution dont la montée en puissance est forte ; les moyens minima dont l'ordre a besoin pour s'acquitter de ses missions ; le travail déjà accompli et les actions à continuer de développer
Je conclurai sur l'esprit qui est le nôtre aujourd'hui, en tant qu'élus des infirmières et des infirmiers, représentant toutes les branches de la profession.
D'où vient l'Ordre national des infirmiers ?
Il n'est issu ni d'un rapport officiel, ni d'un désir de l'administration, ni d'une initiative gouvernementale, mais d'une demande persévérante des forces vives de la profession infirmière, incarnées par 45 associations, toujours actives – elles se sont encore réunies samedi sur ce sujet – et des syndicats professionnels, souvent d'origine hospitalière. Ces organisations se sont réunies pendant plus de deux ans, tous les mois, autour du projet de fédérer la profession dans une grande institution ordinale.
Pourquoi ? Les infirmiers sont des cliniciens compétents et attentifs, de jour comme de nuit, à la santé ou à la souffrance de nos concitoyens, à tous les âges de la vie. Ils sont soucieux d'apporter, dans les soins et l'accompagnement qu'ils assurent, un maximum de qualité et de sécurité. Cette exigence s'impose dans la totalité de leurs lieux d'exercice : les plateaux techniques les plus performants, le domicile, les lieux de travail, le milieu médico-social, le milieu scolaire, etc. Mais, il n'y avait aucune instance globale capable d'y réfléchir avec expertise, de l'énoncer avec légitimité et, au besoin, de la faire respecter avec cohérence en tous lieux.
Les infirmières et les infirmiers avaient aussi une autre attente : au-delà des représentations syndicales et associatives – certes nécessaires dans leurs vocations propres, mais extrêmement fragmentées –, ils avaient besoin d'une organisation qui les unisse pour faire entendre leur voix de façon, elle aussi, cohérente et forte, tracer pour eux des perspectives nouvelles dans le monde de la santé d'aujourd'hui et de demain et conforter ainsi auprès des jeunes l'attractivité de la profession, tous métiers confondus.
Cette double ambition collective a été entendue. Elle a pris la forme de deux propositions de loi successives à l'Assemblée nationale. Nous rendons hommage à leurs auteurs, M. Jean-Luc Préel, puis M. Richard Mallié. Leur conviction a pu, finalement, convaincre le Gouvernement et les deux Assemblées de la nécessité de créer un Ordre pour tous les infirmiers. La France a ainsi rejoint les nombreux pays où des institutions autogérées regroupent obligatoirement tous les infirmiers pour réguler leur exercice.
La loi du 21 décembre 2006 a donné à l'Ordre national des infirmiers deux grandes catégories de missions, qui sont, à nos yeux, d'égale importance : des missions classiques pour les ordres professionnels – réguler l'accès à la profession, défendre son honneur et son indépendance, définir et faire respecter un ensemble de principes et de règles éthiques, veiller à la compétence des professionnels, etc. –, mais aussi des missions innovantes pour un ordre : « assurer la promotion de la profession » et suivre l'évolution de la démographie infirmière en fonction des besoins de la population. La loi dite « HPST » du 21 juillet 2009 y a ajouté une dernière mission, que seul l'Ordre national des pharmaciens avait reçue jusqu'ici : « contribuer à promouvoir la santé publique et la qualité des soins », enjeu très cher aux infirmiers et infirmières.
La profession infirmière se trouve ainsi reconnue et, j'irai même jusqu'à dire honorée, par la loi, à travers son ordre, comme elle ne l'avait jamais été auparavant.
En quoi consiste l'Ordre des infirmiers aujourd'hui ?
Contrairement à une idée complaisamment ressassée par certains, un ordre professionnel n'est pas une survivance d'un passé révolu – celui des infirmiers est jeune et moderne –, c'est une grande organisation citoyenne, chargée d'un service public. Ce n'est pas une para-administration. Ce n'est pas non plus, seulement, un ensemble de conseils ordinaux. C'est une collectivité d'environ 500 000 infirmiers, rassemblés pour se réguler en vue des buts d'intérêt général fixés par le législateur. Ses membres ne sont donc pas seulement ses 2 377 élus titulaires – avec autant de suppléants –, mais chacun des infirmiers inscrits au tableau, comme indiqué dans la loi.
Appartenir à un ordre a un sens très précis : c'est faire partie de l'une des rares professions qui ont été distinguées par la loi en raison de l'importance particulière de leur exercice pour toute la société. C'est, au sens strict, un privilège, qui nous appelle à une double responsabilité : une responsabilité individuelle, à savoir la qualité de notre exercice, et une responsabilité collective, à savoir le droit et le devoir de nous gouverner avec une large autonomie, dans le cadre de la loi. Ces devoirs et ces droits nous unissent tous, pour la première fois. C'est pour nous un motif de grande fierté.
Mais soyons lucides : c'est aussi une grande force potentielle qui peut déranger certains intérêts établis. Ces derniers refusent l'Ordre par principe, sous des prétextes divers, car ils y voient une concurrence gênante pour leur confort de gestion ou pour leur influence, ce qui n'est d'ailleurs pas vrai, car chacun a son rôle propre à jouer. Je pense qu'avec le temps, nous pourrons assurer une certaine forme de complémentarité. Mais, pour l'instant, ils ne souhaitent pas que soient reconnues ces dimensions fondamentales de fierté, de responsabilité et d'autonomie que l'ordre incarne. Je ne vous cacherai pas que les manoeuvres d'obstruction qu'ils organisent contre nous sont souvent très perturbantes.
Plusieurs membres de la commission. De qui parlez-vous ?
Des syndicats. Je vous ai apporté des documents qui corroborent mes dires.
Nous devons faire face à de grandes difficultés pour constituer l'Ordre et le faire vivre normalement. En effet, ces manoeuvres s'appuient sur des facilités matérielles que nous n'avons pas et sur des agissements que nous nous interdirons toujours. Elles ne reculent ni devant la désinformation systématique, ni devant les menaces personnelles, ni devant des actes de délinquance organisée. Je vous ai amené des photos qui montrent des dégradations de lieux.
Les campagnes tapageuses orchestrées contre l'Ordre troublent nos confrères et abusent souvent leur bonne foi. Vous-mêmes, mesdames, messieurs membres de la commission, êtes soumis à de telles campagnes, qui vous conduisent à vous interroger. Ces opérations vont jusqu'à intimider les directions d'établissements et l'administration de la santé. Les courriers personnels que nous adressons aux confrères pour leur inscription sont souvent et massivement bloqués ou détruits, ce qui constitue pourtant un délit, passible de lourdes peines. Le décret simple prévu par la loi dite « HPST » pour faciliter, au départ, une inscription automatisée, ne s'annonce toujours pas, huit mois après la promulgation de la loi, même à l'état de projet. Les inscriptions sont donc très ralenties, au mépris de la loi, ce qui entraîne des frais de relance et un recours coûteux au crédit bancaire. Ces surcoûts devront inévitablement être intégrés dans notre prochain budget.
Tout cela cause à l'Ordre un préjudice moral et financier considérable. Cela fait aussi peser sur nos élus une pression psychologique très pénible, en plus d'une charge de travail particulièrement lourde.
L'Ordre doit, en effet, pour pouvoir vivre, être animé et géré par des confrères bénévoles. Nous disposons pour cela de 100 conseils départementaux, qui assurent un service de proximité à nos confrères sur le terrain, de 23 conseils régionaux, qui rendent notamment la discipline en première instance, et d'un conseil national, qui anime, coordonne et sert l'ensemble. Ces conseils sont des assemblées démocratiques, représentatives des trois branches de la profession : infirmiers du secteur public, salariés du secteur privé et libéraux. Contrairement aux discours ambiants, c'est la première branche qui est la plus représentée au sein de l'ordre.
Les conseillers départementaux ont été élus directement par les consoeurs et les confrères. Les conseillers régionaux ont été élus par les conseillers départementaux, et les conseillers nationaux par l'échelon régional. Cependant, presque tous exercent un mandat à deux ou trois de ces niveaux, comme les vice-présidents ici présents et moi-même. Ainsi, le conseil national est, lui aussi, en permanence à l'écoute directe du terrain.
Le fonctionnement des conseils et les rapports qu'ils ont entre eux sont également caractérisés par la transparence et la démocratie interne. Nous allons très prochainement adopter un règlement intérieur, qui prévoit toutes les garanties concrètes à cet égard.
J'en arrive à la question des moyens minima requis pour faire fonctionner une institution comme la nôtre et, donc, aux attaques contre la cotisation ordinale.
Comme dans tous les autres Ordres professionnels, notre conseil national a reçu de la loi compétence exclusive pour fixer le montant de cette cotisation. Néanmoins, au cours des travaux préparatoires, certains intervenants se sont hasardés à prendre position sur le sujet. Ainsi, vos rapporteurs ont avancé le chiffre de 10 euros, correspondant à un budget annuel de 4 millions et demi. Selon les termes utilisés, un tel budget était censé permette de « voir venir pour faire fonctionner cet ordre professionnel ». De son côté, le ministre de la santé, M. Xavier Bertrand, a évoqué une cotisation « modique, forcément symbolique ».
Ces déclarations ne reposaient sur aucune étude réelle, même partielle. Elles ne le prétendaient d'ailleurs pas. Mais, si leurs auteurs s'étaient renseignés, ils auraient découvert que la cotisation la plus basse, parmi les 17 ordres professionnels français, est plus de 12 fois plus élevée – 125 euros – que le chiffre de 10 euros qu'ils imaginaient alors.
Malheureusement, l'idée d'une cotisation dérisoire par rapport aux réalités économiques s'est implantée dans l'esprit de nombreux infirmiers. La ministre de la santé actuelle a publiquement prôné, à plusieurs reprises, une cotisation à 30 euros, toujours sans s'appuyer sur aucune base. J'aurais bien aimé être la présidente de la cotisation à 30 euros, mais il est de ma responsabilité de n'en rien faire. Telle est l'origine du procès virulent que nous subissons de plus en plus.
Dès qu'il a été constitué, notre conseil national a décidé de procéder avec rigueur. Après nous être informés de l'expérience des autres Ordres, nous avons tenu à missionner un cabinet de conseil expert en gestion, bien connu au niveau international, pour préparer notre premier budget de manière indépendante et sérieuse. Nous sommes des soignants, nous ne savons pas établir des budgets. Le cabinet choisi – la société Ernst&Young – a évalué nos charges, non pas à 4 millions et demi mais à 37 millions d'euros. Il a préconisé en conséquence une cotisation de 82 euros. Comme vous le savez, nous avons décidé de réduire la cotisation à 75 euros, dans un souci d'extrême économie. La cotisation des nouveaux diplômés est, par ailleurs, réduite de moitié, depuis le mois de décembre.
Ce montant de 75 euros est inférieur de 40 % aux deux autres cotisations ordinales les plus basses : celles des sages-femmes et des masseurs-kinésithérapeutes salariés, dont les rémunérations sont comparables à celles des infirmiers. Je ne méconnais pas la hausse du coût de la vie ni la diminution constante du reste à vivre. Mais une cotisation annuelle de 75 euros correspond pour une infirmière du service public hospitalier à 6,25 euros par mois, soit 0,37 % de sa rémunération moyenne en début de carrière – avec deux ans d'ancienneté – qui s'élève aujourd'hui à 1 630 euros nets, sans les primes et sans les dimanches. Je remercie, à ce sujet, les députés qui ont voté la revalorisation de cette rémunération.
Cela n'a pas empêché nos détracteurs de crier bruyamment au scandale. Des voix très officielles ont, malheureusement, cru devoir leur apporter la caution de leur autorité. On nous conseille — voire on nous somme — de ramener les cotisations de 75 à 30 ou à 10 euros, au prétexte qu'il y a 500 000 infirmiers, comme si la plupart des charges n'étaient pas proportionnelles à l'effectif des professionnels à gérer et à servir.
L'expérience concrète de notre première année de fonctionnement a démontré que les prévisions de nos experts consultants étaient justes. Je tiens à votre disposition les chiffres qui le démontrent. Ils n'ont rien de surprenant, puisqu'ils correspondent aux réalités des autres ordres, en France comme chez nos voisins. Ainsi, l'Ordre britannique, qui réunit plus de 600 000 infirmiers et avec qui je corresponds, a besoin d'une cotisation de 90 euros.
Nous sommes vraiment choqués du procès détestable qui nous est fait au quotidien et qui est constamment relancé et des tentatives d'ingérence dans la gestion que la loi nous a confiée. En gens responsables, nous faisons au mieux pour notre profession. Nous espérons que tout cela va cesser, car cela nous empêche de nous consacrer entièrement à la promotion de la profession. L'Ordre, qui est chargé de défendre l'indépendance des infirmiers, tient aussi à défendre sa propre indépendance, dont la cotisation est précisément l'une des garanties. Sachez que, contrairement à certaines informations qui circulent, nous n'avons bénéficié d'aucune subvention et sommes donc partis de zéro.
Que se passerait-il, d'ailleurs, si des ressources amputées nous obligeaient à nous cantonner à un rôle uniquement administratif et disciplinaire, sans aucune possibilité de rendre le moindre service à nos confrères ? Cette cotisation amputée, quel que soit son montant, constituerait alors un pur transfert de charges de l'État vers les infirmiers et la création de l'Ordre se révélerait un jeu de dupes pour la profession. Nous ne le voulons pas.
Enfin, il n'est pas décent de prétendre que les infirmiers de ce pays ne veulent pas ou ne peuvent pas, dans leur immense majorité, investir 6,25 euros par mois pour prendre leurs affaires en mains et construire leur avenir. Ceux qui le soutiennent montrent en réalité bien peu de respect pour la dignité de nos consoeurs et de nos confrères.
Je terminerai mon intervention liminaire en énumérant ce que nous avons déjà réalisé et ce que nous voulons continuer de développer
Depuis quatorze mois d'existence effective, malgré les difficultés extrêmes qu'il doit affronter, l'Ordre a déjà beaucoup travaillé, ce qui explique qu'il ait peu communiqué. Sur le plan interne, il a constitué la base de son organisation, en installant matériellement, a minima, la plupart de ses conseils. Il se dote des premiers moyens humains et techniques qui vont l'aider à mettre en oeuvre sa gestion et toutes ses actions. Dans notre règlement intérieur, élaboré de manière très participative, nous allons prendre dix engagements envers nos membres et nos conseils : maintien des valeurs de la profession, auxquelles les infirmiers sont très attachés ; promotion collective ; responsabilité ; transparence ; écoute ; coopération avec nos partenaires ; solidarité ; compétence ; efficience et cohérence. Avec ces engagements, l'Ordre entend avoir un fonctionnement exemplaire. C'est aussi un aspect de notre fierté.
L'Ordre entend, par ailleurs, apporter sa contribution aux politiques de santé publique et à la promotion de la profession infirmière.
Il contribue désormais, activement et dans un esprit constructif, à toutes les réflexions sur les problèmes qui intéressent les infirmiers. Non seulement il rend des avis motivés sur tous les projets que le ministère de la santé lui soumet, mais il mène lui-même des travaux et élabore des propositions sur des sujets majeurs : les pratiques infirmières avancées, le rôle des infirmiers en psychiatrie, en bloc opératoire et en maison de santé, le rôle des infirmiers coordonnateurs en maisons de retraite, des infirmiers sapeurs pompiers, des infirmiers de santé au travail.
Nous collaborons avec la Haute Autorité de santé au sein de nombreux groupes de travail spécialisés, travaillons en étroite liaison avec les autres ordres de professionnels de santé et faisons entendre la voix des infirmiers de France au sein des organisations infirmières européennes et internationales, où se débattent et s'élaborent les pratiques de demain. Nos travaux et coopérations s'étendront demain à une collaboration concrète avec les agences régionales de santé, avec qui nous avons déjà des contacts.
Nous sommes présents, pour la première fois de façon unifiée, sur tous les chantiers de la santé, pour y apporter la contribution de la compétence infirmière, indispensable selon nous pour faire évoluer les pratiques.
Enfin, nous venons de mener à bien l'une de nos obligations majeures : l'élaboration de notre code de déontologie, qui va donner à l'ensemble de la profession infirmière des repères éthiques appropriés aux problèmes croissants de son exercice aujourd'hui.
Sur le terrain, l'Ordre est bien loin de se limiter à un rôle administratif et disciplinaire. Certes, il doit lutter contre les risques de mauvaises pratiques ou d'abus en tous genres : exercice illégal de la profession par des personnes non qualifiées, dangerosité de certains infirmiers, maltraitance de patients, refus de soins, fraudes, concurrence déloyale, etc.
Mais, il doit, d'abord, informer, éduquer, conseiller les infirmiers. Nos consoeurs et confrères en sont fortement demandeurs. Souvent confrontés à des difficultés de toutes sortes, ils ne savent pas où obtenir une réponse autorisée. L'Ordre sera leur référence dans tous les domaines de sa compétence. Loin de toujours réprimer, il aura, au besoin, à les accompagner, à les défendre contre des accusations excessives ou injustes, des violences ou des pressions inacceptables, ou encore à exercer en leur faveur une solidarité financière confraternelle. Les infirmières et les infirmiers trouveront ainsi auprès de leurs pairs un ensemble de services qualifiés, qu'aucune autre institution ou organisation n'était jusqu'ici en mesure de leur apporter.
En conclusion, j'énumérerai ce à quoi nous croyons en tant que responsables ordinaux, élus par nos consoeurs et nos confrères, et représentant l'ensemble de la profession. Nous croyons à l'effort et à la qualité, plutôt qu'au laisser-faire et au laisser-aller ; à l'État de droit, et non à sa violation ouverte comme actuellement ; à l'honnêteté du débat, plutôt qu'à la désinformation ; à la responsabilité politique, et non à la démission ; au véritable respect des infirmières et des infirmiers.
Que voulons-nous ? Simplement faire notre devoir légal.
Nous voulons contribuer à la santé publique et à l'excellence des soins – domaine dans lequel il y a encore beaucoup à faire – ; servir nos consoeurs et nos confrères dans le concret de leur exercice ; éclairer et préparer l'avenir de notre profession. Nous souhaitons pour cela travailler sans exclusive, en bonne intelligence – et même en collaboration étroite – avec tous ceux qui partagent ces objectifs.
Nous espérons que les pouvoirs publics – l'exécutif comme le législatif – soutiendront l'Ordre qu'ils ont créé, dans le respect mutuel des rôles de chacun. En effet, nous sommes porteurs, avec d'autres, de l'expertise infirmière, qui est essentielle pour le système de santé de notre pays – et qui est attendue avec intérêt au niveau de l'Union européenne – et nous la représentons démocratiquement. Nous portons aussi une ambition collective raisonnée et nous nous efforçons d'appliquer au mieux la loi.
Nous voulons enfin témoigner devant vous de notre enthousiasme et de notre persévérance, conditions nécessaires pour espérer réussir.
50 000, sachant que, sur les 500 000 dossiers, 100 000 nous sont revenus avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée », le fichier ADELI étant faux à 50 ou 60 %.
J'ai pris l'initiative, avec d'autres collègues, de déposer une proposition de loi, afin de prendre en compte la situation actuelle de l'Ordre.
Lors de l'examen des propositions de loi tendant à la création de l'Ordre, tous les syndicats de salariés s'y sont opposés, considérant celle-ci inutile. Depuis sa mise en place, le faible nombre d'adhésions et les difficultés surgies dans les établissements de santé montrent que l'opposition dépasse largement le seul cadre des syndicats.
Personnellement, je n'ai jamais cru qu'une cotisation de 10 euros puisse permettre à un ordre censé s'adresser à 510 000 personnes de fonctionner. Je vous rends justice sur ce point, madame la présidente. Pour faire face aux frais de gestion et de publication – tout ordre qui se respecte devant communiquer –, une cotisation de 75 euros me paraît être un minimum. On ne gère pas un ordre destiné à représenter 510 000 personnes comme un ordre composé uniquement de 30 000 personnes, comme celui des chirurgiens-dentistes.
Cela étant, l'Ordre pourra s'organiser comme il voudra, il ne pourra pas contraindre 510 000 infirmières et infirmiers à adhérer si ceux-ci ne le souhaitent pas. Cela laisse présager des troubles grandissant dans les établissements de santé, qui n'en ont pas besoin. Ils doivent déjà, en effet, faire face à une redéfinition des missions de l'hôpital et à une réorganisation de celle-ci.
Pour répondre à une idée qui circule, je précise que les établissements de santé n'ont aucune intention de se substituer à leurs personnels pour financer leurs cotisations. Les finances de la sécurité sociale n'ont pas vocation à financer l'Ordre infirmier.
Je ne méconnais pas la nécessité pour une profession de se faire entendre sur des enjeux aussi cruciaux que la formation et les compétences professionnelles, surtout au moment où la loi dite « HPST » prévoit de renforcer les coopérations. Mais je rappelle que, parallèlement à la création de l'Ordre national des infirmiers, a été mis en place le Haut conseil pour les professions paramédicales, qui fait un travail de très bonne qualité. Il se réunit à peu près tous les quinze jours pour donner, dans une grande collégialité, ses avis sur les décrets de la loi dite « HPST » et sur les enjeux de formation et de compétences professionnelles. Je ne comprends pas pourquoi l'Ordre des infirmiers n'en fait pas partie.
Celui-ci ayant été plaqué sur la profession infirmière qui ne demandait rien, nous en tirons les conclusions dans la proposition de loi que nous avons déposée et proposons, pour calmer le jeu dans les établissements de santé, de dispenser de cotisation les infirmières et les infirmiers salariés.
Votre intervention, madame la présidente, nous aurait convaincus de la nécessité de modifier le système actuel si nous ne l'avions pas été avant.
Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauches n'était pas favorable à la création d'un Ordre des infirmiers. Les événements qui se sont produits depuis sa mise en place et la contestation qui s'amplifie nous poussent à penser qu'il a été davantage générateur de troubles et de difficultés, qu'il n'a contribué à trouver des solutions aux problèmes que vous évoquiez, qu'il a davantage créé du désordre et de la division qu'uni la profession.
Je n'entrerai pas, pour ma part, dans le débat sur le montant de la cotisation. La fixation de celui-ci relève de la seule responsabilité de l'Ordre. Ce qui est en cause, selon nous, c'est le principe même de l'adhésion à un ordre.
À ce sujet, la violence des propos que vous avez tenus, madame, à l'égard de ceux qui contestent le fait de devoir adhérer à un ordre qu'ils ne souhaitaient pas voir installer me pousse à m'interroger. Parler d'actes de violences et d'agissements pénalement répréhensibles ne me semble pas la meilleure façon de chercher à établir l'unification de la profession que vous dites souhaiter.
L'Ordre a été victime de tels actes.
Quelle légitimité peut avoir une structure qui récuse une partie de ceux qu'elle est censée représenter ? Comment envisagez-vous, madame, l'avenir de l'Ordre, alors que ceux qui y adhèrent ne le font manifestement que contraints et forcés ?
Quoi que vous disiez et quoi que vous pensiez, les organisations syndicales ont également leur légitimité. À quoi peut bien aboutir un conflit entre ces deux légitimités ?
Opposés au principe même d'un Ordre des infirmiers comme de tout ordre professionnel, nous ne voyons pas d'autre perspective, dans la situation actuelle, que de rendre l'adhésion à l'Ordre facultative, en tout cas pour les professionnels des établissements publics et privés, c'est-à-dire aux salariés.
Le groupe gauche démocrate et républicaine a contesté, depuis le début, la création d'un Ordre des infirmiers. L'une des raisons principales était qu'elle ne résultait pas d'une demande de l'ensemble de la profession, les professionnels salariés y étant notamment opposés, alors qu'ils représentent 85 % de la profession.
Le refus d'un tel Ordre par la profession est confirmé, ce qui place les deux parties dans une situation difficile. Le sérieux doit primer. On ne peut laisser la situation demeurer en l'état actuel.
Il n'est pas normal de demander aux professionnels de financer eux-mêmes l'organisation de leur profession, alors qu'elle est gérée par l'État. Cela reviendrait à un désengagement de ce dernier, ce qui n'est pas acceptable.
Le Haut conseil des professions paramédicales, qui représente toutes les catégories de professionnels – libéraux, salariés, exerçant dans des établissements privés et publics – me semble être le lieu où peuvent être examinés l'organisation et le fonctionnement de la profession infirmière, moyennant quelques améliorations, comme une meilleure représentation des infirmières libérales et la création de nouvelles commissions.
On ne peut pas imposer à des milliers de salariés d'adhérer à une structure s'ils ne le souhaitent pas. Nous soutiendrons la proposition de loi tendant à dispenser les infirmiers salariés d'adhérer à l'Ordre. Mais, nous pensons que c'est vers sa suppression qu'il faudrait tendre, comme de l'ensemble des ordres car ils n'apportent rien et ne sont pas des modèles de démocratie.
Je remercie Mme la présidente pour sa présentation.
Tout le monde reconnaît le rôle majeur joué par les infirmières et les infirmiers dans le système de soins. Mais, l'existence de nombreuses associations posait un problème d'organisation et de représentation de la profession au niveau national et au niveau européen. C'est pourquoi j'ai été de ceux qui ont défendu le principe d'un Ordre des infirmiers : en réunissant l'ensemble des professionnels libéraux et salariés, il permet d'aborder les problèmes éthiques, moraux, de formation, de compétences professionnelles et de déontologie propres à la profession infirmière.
La création de l'Ordre s'est heurtée à l'hostilité des syndicats hospitaliers – CFDT, CGT, Sud, etc. – qui ont l'ambition – justifiée – de représenter l'ensemble des personnels hospitaliers et, parmi eux, les infirmières et les infirmiers. Mais, un ordre professionnel ne joue pas le même rôle qu'un syndicat. Ce dernier défend les intérêts matériels des professionnels et, notamment, s'occupent des revalorisations salariales. Il est important de bien distinguer les deux fonctions.
En matière de cotisation, on pourrait envisager qu'elle soit différente selon les collèges comme pour les masseurs-kinésithérapeutes.
La proposition d'Yves Bur de dispenser de cotisation les infirmiers salariés revient à supprimer l'Ordre, car le principe d'un ordre est de réunir à la fois les libéraux et les salariés.
L'Ordre des médecins a également connu des moments difficiles. Il a su régler les problèmes.
Si l'on remet en cause le principe de l'Ordre des infirmiers, on remet en cause l'ensemble des ordres en France. Je sais que c'est ce que souhaitent certains. La suppression des ordres faisait partie des 101 propositions de François Mitterrand. Mais, si l'on croit à la nécessité d'organiser les professions, notamment de personnels de santé, il faut maintenir l'Ordre des infirmiers.
Au cours de la mandature précédente, j'avais défendu l'idée – avec Richard Mallié et Maryvonne Briot, notamment – de la création d'un Ordre pour les infirmières ; il est important que cette idée ait abouti. Je me souviens qu'une discussion avait, alors, eu lieu autour d'une éventuelle modulation de la cotisation, en fonction de l'exercice, salarié ou libéral, de la profession.
Je connais un peu le problème que vous vivez, madame, pour avoir été présidente d'un conseil de l'Ordre départemental de sages-femmes, à une époque où celles-ci exerçaient très rarement à titre libéral.
À mon avis, vous avez commis deux maladresses. La première tient au montant de la cotisation. Il eût été de meilleure stratégie de proposer une cotisation plus modérée – d'autant que vous n'alliez pas devoir gérer d'emblée 500 000 professionnels – jusqu'à ce que les infirmières prennent conscience de l'utilité de l'Ordre. La seconde maladresse est liée aux rappels de cotisations que vous avez envoyés assortis de menaces d'ordre juridique. Ce n'était pas tout à fait utile. Au conseil de l'Ordre des sages-femmes, nous avons parfois accepté pour certaines le report à l'année suivante du paiement des cotisations.
Par ailleurs, je ne suis pas d'accord avec la proposition d'Yves Bur. Si l'on exonère de la cotisation les infirmières salariées, non seulement on retire à celles-ci une obligation liée à leur diplôme d'État, mais toutes les professions qui comptent des membres salariés dans les hôpitaux et autres établissements pourraient vouloir s'insinuer dans la brèche, ce qui aboutirait à un grand désordre.
Selon moi, la meilleure solution serait de proposer de moduler la cotisation en fonction du mode d'exercice de la profession – libéral ou salarié. Quand on exerce à titre libéral, on peut déduire le montant de la cotisation de ses revenus imposables. Quand on est salarié, cela n'est pas possible. Il est normal que cela soit ressenti comme une injustice.
Outre que je souscris aux propos de ma collègue, ne pourrions-nous pas réfléchir à une modulation de la cotisation par collège ? Par ailleurs, si j'en crois les mèls, les pétitions et les personnes que nous recevons dans nos permanences, il conviendrait de faire en sorte d'apaiser le climat. Il est important, dans une démocratie apaisée, que chacun maîtrise son ton et ses expressions.
Lors de l'examen de la proposition de loi en décembre 2006, un montant de cotisation à 10 euros avait été avancé par la rapporteure, Maryvonne Briot, le ministre de la santé de l'époque, M. Xavier Bertrand, parlant, lui, de cotisation « symbolique ». Rapportée aux 500 000 membres potentiels, cette cotisation devait donc fournir 5 millions d'euros, ce qui constitue déjà un budget conséquent. Votre proposition de porter cette cotisation à 75 euros, madame la présidente, a provoqué un déchaînement, notamment chez les représentants d'une partie de la profession. Certains détruisirent purement et simplement des documents de vote. Cette violence s'explique par le fait qu'ils n'ont jamais compris la différence entre ordre et syndicat.
Aujourd'hui, vous êtes confrontée à un problème d'information de la profession. Il faut que celle-ci adhère dans son ensemble à l'idée d'un ordre. Je ne pense pas que ce soit en fixant la cotisation à 75 euros que vous y parviendrez. Voilà pourquoi je souscris totalement à la proposition de Bérengère Poletti : fixer une cotisation différentielle, selon que les infirmières sont salariées ou exercent à titre libéral, possibilité qui a été ouverte par la loi dite « HPST ».
J'adhère également aux propos de Bérengère Poletti. La création d'un ordre a été réclamée pendant de nombreuses années par les infirmières et infirmiers. Maintenant que celui-ci a été mis en place, on ne peut décider, trois ou quatre ans après seulement, de défaire ce que l'on a fait, avec le risque d'ouvrir par ailleurs la boîte de Pandore s'agissant des autres instances ordinales. Toutes les infirmières ont par ailleurs été sollicitées, même si certaines récusent aujourd'hui l'existence d'une concertation suffisante.
Je serais, moi aussi, assez favorable à l'instauration d'une modulation de la cotisation entre les libéraux et les salariés, comme l'ont fait certaines de ces instances. Mais, en aucun cas je n'adhère à la proposition de loi de notre collègue relative à l'Ordre national des infirmiers.
Je l'ai dit à Mme la présidente quand je l'ai reçue, ce n'est pas parce que l'Ordre rencontre un problème qu'il faut remettre en cause sa création. Et, bien que coauteur de la proposition de loi en question, je ne souhaite pas qu'un régime différent selon le mode d'exercice soit mis en place. À mon avis, ce serait inconstitutionnel. En outre, comme l'a souligné Isabelle Vasseur, cela mettrait en danger les autres ordres.
Celui des infirmiers est un ordre naissant. Pour que la profession se l'approprie, il faut faire en sorte que la cotisation soit acceptée sachant que, progressivement, son montant pourra être relevé. En cosignant la proposition de loi, j'ai seulement voulu ouvrir le débat.
Je remercie le président Méhaignerie d'avoir organisé cette audition, programmée il y a déjà un mois et demi, à la suite des nombreuses interpellations dont nous avons été l'objet.
Ouvrir la boîte de Pandore est dangereux, en raison du grand nombre d'ordres professionnels – médecins, notaires, avocats, architectes, dentistes, etc. –, sachant que chacun d'eux comprend un corps libéral et un corps salarié. Finalement, le problème de fond n'est-il pas politique, à savoir être pour ou contre les ordres professionnels, dont la suppression est un serpent de mer, qui remonte au programme commun de 1981 ? Pour ma part, j'estime que les questions relatives à la déontologie ou à l'éthique, comme à la conciliation des litiges ne relèvent pas des syndicats, mais des ordres. Aussi, je considère qu'il faut les maintenir.
Il en va de même du niveau de la cotisation qui doit relever de vous, madame, et de votre conseil national. C'est à vous de trouver les solutions qui puissent apaiser le monde des infirmières, notamment les infirmières hospitalières salariées, et permettre de sortir de cette situation par le haut. Nous n'avons pas de leçons à vous donner et je ne soutiens donc pas la proposition de loi d'Yves Bur.
Le métier d'infirmière est extraordinaire, de par la charge personnelle exceptionnelle qui repose sur elle dans sa relation au malade. Cela pose – et probablement de plus en plus – des problèmes déontologiques, éthiques, voire moraux, sources de litiges. Or, aucune autre structure qu'un ordre professionnel ne saurait les régler. Le principe même de l'existence de l'Ordre des infirmiers ne se discute donc même pas.
D'après nos débats, il semblerait que vous ayez fixé la barre un peu haut sur le plan financier. Je pense moi aussi qu'il faudrait agir plus prudemment et plus progressivement. Cela dit, ce n'est pas à nous d'arbitrer ce type de questions.
Enfin, madame la présidente, j'aimerais savoir comment cela se passe dans les autres pays.
Je ne partage pas l'analyse de Dominique Dord. Le problème ne porte pas sur 6,50 euros par mois. Il est beaucoup plus grave. Il a trait à l'utilité de l'Ordre des infirmiers. Lorsque Jean-Luc Préel et Maryvonne Briot ont défendu sa création, beaucoup s'interrogeaient déjà : ils avaient rencontré dans leurs circonscriptions nombre d'infirmières ou d'infirmiers qui n'en ressentaient pas le besoin. Le texte fut adopté sans enthousiasme particulier. Aujourd'hui, la réponse à la question de savoir si cet ordre était réclamé par la profession vient de tomber : avec 80 % d'abstention aux élections, il est clair que la profession n'en veut pas.
La proposition de loi actuelle ne propose pas de supprimer l'Ordre, mais elle précise que la hiérarchie – directeur d'hôpital, infirmière major – des infirmières salariées assure parfaitement au quotidien sa mission disciplinaire.
Le recensement des professionnels, qui est aujourd'hui assuré par les directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales, vous semble une tâche compliquée et coûteuse. L'État s'est-il rendu coupable de tels manquements qu'il faille créer dans l'urgence un fichier national ?
Quant aux droits et aux devoirs des infirmiers, je pense que le code de la santé publique les définit depuis très longtemps.
À titre personnel, je ne suis donc pas sûr de l'utilité de l'Ordre. Quoi qu'il en soit, vous avez à vous organiser et à vous expliquer avec les syndicats sur les raisons de cette brouille qui dure déjà depuis deux ans. En effet, vous vous êtes fixé des objectifs extrêmement ambitieux, dont beaucoup sont d'ordre plus syndical que disciplinaire.
On a effectivement l'impression que cet Ordre crée plutôt le désordre. Avant qu'il n'existe, la déontologie des infirmières était remarquable. Pourquoi en rajouter alors qu'elles vous disent qu'elles ne veulent pas de l'Ordre ?
Selon moi, la fonction publique, qui a ses règles de fonctionnement et ses pratiques, n'a pas besoin d'instances ordinales qui relèvent plutôt du secteur privé et libéral. Et aujourd'hui que cet ordre est fortement contesté, vous ne pourrez pas contraindre 500 000 personnes à y adhérer si elles n'en ont pas envie.
Nous discutons de deux sujets différents : d'abord, la proposition de loi qui propose de séparer le secteur libéral et le secteur salarié ; ensuite, l'Ordre lui-même.
Pour ce qui est de l'Ordre, je ne vois pas comment on pourrait l'imposer à une partie d'une profession et pas à l'autre. Un ordre s'adresse à toute une profession. Il ne tient pas à un statut. Ne pas réclamer la même déontologie aux libérales et aux salariées ne revient-il pas à insinuer que les infirmières libérales ont moins de déontologie que les salariées ou que ces dernières n'ont pas besoin de la même éthique, parce qu'elles se contentent de faire ce qu'on leur dit ? J'ai vraiment un peu de mal à comprendre la philosophie de la proposition de loi, qui risque par ailleurs d'ouvrir la boîte de Pandore s'agissant des autres ordres.
Il ne faut pas oublier que la profession d'infirmière évolue rapidement. Les infirmières elles-mêmes ne se considèrent-elles pas comme une profession de santé, plutôt que comme une profession technique ? C'est bien pourquoi elles doivent avoir un ordre comme la grande majorité des professionnels de santé, sauf à vouloir supprimer tous les ordres.
On peut, enfin, s'interroger sur la fixation de la cotisation à 75 euros, qui rapporterait 35 millions d'euros, ce qui est peut-être un peu beaucoup. Pour autant, un montant de 6,50 euros par mois représente le prix d'un paquet de cigarettes. Cela ne pourrait-il être un argument pour inciter les infirmières à moins fumer...?
Cosignataire de la proposition de loi d'Yves Bur, j'avais voté la loi en son temps – ce que je regrette. Cela étant, j'ai l'impression aujourd'hui – pour en avoir discuté avec les syndicats et les infirmières et les infirmiers – que c'est davantage le montant de la cotisation que le principe de l'Ordre lui-même qui est remis en cause.
Bérengère Poletti a dit, à juste titre, que vous aviez commis deux erreurs s'agissant de cette cotisation. S'il ne faut pas supprimer l'Ordre pour autant, il faut trouver une solution, car la situation actuelle est intenable. Vous avez à cet égard estimé que la création de l'Ordre des infirmiers avait permis le rassemblement d'une profession qui était fragmentée. Il me semble que c'est l'inverse qui s'est produit. Les nombreuses réactions auxquelles nous avons assisté montrent en tout cas qu'il est difficile de faire adhérer les 500 000 infirmiers.
Je remarque enfin que le code de la santé publique, les directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales réglementent déjà nombre de domaines. Même au sein des établissements, des structures existent. Yves Bur a parlé tout à l'heure de la création du Haut conseil des professions paramédicales. Il y a donc des pistes à suivre.
Dans leur majorité, madame la présidente, les professionnels estiment que l'Ordre est inutile, étant donné l'organisation actuelle de votre profession. Or, le ton que vous employez, et qui me choque, donne le sentiment que vous avez en face de vous des ennemis. Cette manière dont vous abordez les choses est incontestablement vouée à l'échec. Et ce n'est pas une modulation du montant de la cotisation qui fera accepter votre Ordre. Est-il exact d'ailleurs que vous ayez pris la décision de menacer les personnes qui n'ont pas payé la cotisation d'une majoration lors de vos relances ? Si tel était le cas, non seulement vous perdriez votre temps, mais vous mettriez du désordre dans votre profession.
En votant la création de l'Ordre, la majorité a commis, selon moi, une erreur manifeste, et je souhaiterais qu'elle revienne sur sa décision. Votre Ordre est aujourd'hui contesté, contestable et inutile.
La Commission des affaires sociales comprend de nombreux professionnels de santé et l'Ordre des médecins y est largement représenté. Cela explique sans doute la passion du débat.
La création d'un Ordre des infirmiers a été actée en 2006. On ne peut pas revenir en arrière aujourd'hui au prétexte que l'on se serait trompé.
Je me refuse également à m'immiscer dans le débat relatif au niveau de la cotisation. Je rappellerai simplement, après avoir reçu hier soir le président du conseil départemental de l'Ordre du Jura, que dans ce département le niveau d'adhésion est de 30 % contre 10 % sur l'ensemble du territoire. On observe donc des variations importantes selon les régions.
Nous sommes certes confrontés à certains représentants de la profession qui s'imaginaient être les seuls à pouvoir parler au nom de celle-ci. Forcément, la création de cet ordre dérange, mais c'est lui qui est à même d'intervenir, qu'il s'agisse de la conciliation des litiges, de l'éthique de la profession, ou encore des orientations à donner à des formations spécifiques au-delà des quatre catégories actuelles d'infirmières.
Je me refuse donc à soutenir la proposition de loi de nos collègues. Je n'ai pas de leçon à donner, mais je crois que la démocratie ordinale gagnerait à une vraie médiation au sein de la profession. C'est par la transparence et l'honnêteté que l'on fédérera toutes les énergies et que l'on rassemblera l'ensemble de la profession.
Je suis, comme certains collègues, président d'un conseil d'administration de l'hôpital dans la ville dont je suis le maire. Il ne se passe pas une réunion aujourd'hui, sans que quelqu'un intervienne sur ce dossier. Je ne sais pas si l'objectif premier était de pacifier la profession, mais, aujourd'hui, le climat est invivable.
Il ne faut d'ailleurs pas s'en étonner lorsque la présidente que vous êtes, madame, utilise des termes sur la démocratie sociale – et donc sur la place des syndicats – qui visent à nier le rôle et l'importance de celle-ci. Vous ressemblez un peu au capitaine d'une citadelle assiégée. Comme s'il fallait que vous soyez la dernière à tenir, alors même que la base conteste très fortement de l'existence de l'Ordre.
Il n'y a pas de honte pour un élu à dire qu'il s'est trompé en votant un texte. Que l'on soit de droite, de gauche ou du centre, j'espère que chacun a cette capacité.
Sur le fond, je ne comprends pas la réticence concernant la distinction entre le secteur public et le secteur libéral. Que le secteur libéral s'organise, personne ne peut le contester ; il n'est d'ailleurs pas obligé, pour cela, de créer un ordre. Mais, ce serait méconnaître la fonction publique que d'ignorer qu'elle a en son sein même des outils de discussion et de régulation. Il serait dommage de les oublier.
Je me réjouis que nos prédécesseurs aient voté la création de cet Ordre, qui me semble bénéfique pour la profession d'infirmier et pour l'ensemble des personnels de santé. L'existence d'un Ordre me semble particulièrement appropriée au moment où, avec la loi dite « HPST » et d'autres textes, des mesures ambitieuses ont été prises concernant la profession, s'agissant notamment des transferts de tâches et de compétences et d'un essai de décloisonnement de l'exercice entre le public et le privé.
Comme beaucoup de mes collègues, j'ai reçu le représentant régional de l'Ordre dans ma circonscription. Les querelles intestines au sein de la profession ne sont pas de notre ressort. Ce n'est pas aux parlementaires de s'exprimer sur le montant de la cotisation. Reste que je soutiens la création de l'Ordre et je ne vois pas comment ni pourquoi nous reviendrons sur cette mesure qui tend à tirer tout le monde vers le haut, à l'heure où l'on parle de transparence, de déontologie et d'éthique.
Ce large échange de vues permet de voir où se situe l'axe central. Madame la présidente, je vous laisse conclure sur l'ensemble des questions auxquelles vous souhaitez répondre.
Merci pour ce débat et la clarté des propos qui ont été tenus. Je reviendrai sur plusieurs d'entre eux.
Si la profession a harcelé certains d'entre vous pour que la création de l'Ordre soit votée, et si elle s'est ensuite arrêtée à le faire, c'est qu'elle s'est mise au travail. La loi a été votée sans mesures transitoires dans certains domaines, s'agissant notamment des suspensions d'exercice pour état pathologique. C'est ainsi que dès la promulgation de la loi et que j'ai été mandatée, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales nous ont soumis les dossiers. Or, il faut savoir, pour vous donner un ordre d'idée, que chaque expertise en la matière coûte 1 000 euros ! J'aurais préféré que l'on fixe une cotisation à 30 euros, mais des dossiers comme ceux-là, nous en avons beaucoup à traiter. Notre profession n'est pas plus délinquante qu'une autre, mais elle est beaucoup plus nombreuse. Je laisserai en tout cas à mon conseil le soin de se prononcer à nouveau sur le montant de la cotisation.
Nous recevons par ailleurs plus de 300 courriers par semaine sur l'ensemble des sujets qui relèvent de notre compétence. Nous ne l'avons pas évoqué tout à l'heure, mais nous gérons aussi les relations avec les laboratoires, puisque les infirmiers deviennent prescripteurs.
Quant au conflit avec les syndicats, je ne l'ai pas cherché, loin de là. Je vous rappelle que lors du Salon infirmier, leurs représentants ont dégradé notre stand, notamment en y urinant. L'ensemble des syndicats était présent, et même si certains se sont désolidarisés de cette action, elle n'en était pas moins violente. Dans un conseil départemental, ils ont menacé la communauté de communes de représailles si elle accueillait l'Ordre des infirmiers. Voilà ce que nous vivons.
Aujourd'hui, notre objectif n'est pas de contraindre, mais de convaincre. On parle des infirmières opposées à l'existence de l'Ordre. Mais d'autres m'appellent pour me demander s'il est exact qu'il existe un Ordre et s'il est obligatoire d'y adhérer. Voilà encore où nous en sommes ! Dans un contexte de restructuration hospitalière, je comprends que les directeurs de ressources humaines tiennent à préserver la paix sociale et n'aient pas envie de multiplier les difficultés. Voilà pourquoi nous n'avons en rien été menaçants.
Dans mon établissement, la base ne nous harcèle pas au prétexte qu'elle ne veut pas de l'Ordre. Nous sommes plutôt harcelés pour d'autres sujets tout aussi importants.
Vous avez évoqué la modulation de la cotisation. Je vous rappelle que celle qui avait été votée était unique et que, par rapport à tous les autres ordres européens, elle est parmi les plus basses, même avec un salaire infirmier bien moindre. Mais, je sais qu'il faut convaincre. Les autres ordres français, ceux des sages-femmes, des médecins, des chirurgiens-dentistes, des podologues ne modulent pas. Seul l'ordre des kinésithérapeutes le fait.
Dès la loi dite « HPST », nous avons voté une cotisation diminuée de moitié pour les jeunes diplômés. Si nous votions la modularité, ce dont je laisserai le soin au conseil national, qui est souverain, les infirmiers libéraux devraient, en plus, cotiser dans le cadre de leur société d'exercice libéral (SEL) ou de leur société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL). Eu égard à la continuité des soins, tous sont déjà en sociétés d'exercice et regroupés. Cela signifie qu'ils seraient soumis d'emblée à une double cotisation, à titre personnel et dans le cadre de leur société d'exercice.
Je ne porte pas de jugement sur les services de l'État, qui me semblent débordés. Nous avons beaucoup travaillé avec eux sur la grippe A(H1N1) et sur l'organisation des centres de vaccination. Aujourd'hui, nous avons à traiter des dossiers vieux de deux ans, qu'ils nous ont transmis. Voilà ce que vivent nos présidents départementaux.
Je recherche en tout cas moi aussi un climat de médiation.
Une ordonnance nous a inclus dans le Répertoire partagé des professions de santé, ce qui va dans le sens de l'Histoire eu égard au guichet unique et aux relations que nous entretenons aujourd'hui avec nos collègues européens et la Commission européenne s'agissant de la sécurité des patients. Or, pour figurer dans ce répertoire, il faut que nous réunissions l'ensemble de la profession.
L'Ordre des infirmiers est-il inutile ? J'ai la prétention de penser que non. Je ne sais pas si je suis sur un bateau qui coule ou une citadelle assiégée. Mais, je me suis engagée sur ce bateau et j'assumerai mes responsabilités.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie de votre invitation et de ce débat.
Pour être également hospitalier public dans un centre hospitalo-universitaire, je puis témoigner que le malentendu vient du fait que la plus grande partie des infirmières se trouve dans l'ignorance s'agissant de l'existence de l'Ordre.
Dans cet hôpital, combien y a-t-il d'adhérents à l'Ordre par rapport au nombre total d'infirmières ?
Je ne peux vous donner de chiffre. En tout cas, lors des conférences que nous faisons sur le terrain pour expliquer les raisons de l'existence de l'Ordre, nous sommes toujours très surpris d'entendre nos interlocuteurs reconnaître finalement qu'ils ont besoin de celui-ci.
Merci. Cette rencontre n'a pas été inutile pour nos collègues parlementaires. Nous devons vous aider à apaiser la situation et à rechercher la synthèse qui permet de convaincre.
(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)