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Intervention de Dominique le Boeuf

Réunion du 23 mars 2010 à 16h15
Commission des affaires sociales

Dominique le Boeuf, présidente du conseil national de l'Ordre national des infirmiers :

Je vous remercie, au nom de l'Ordre national des infirmiers, de nous recevoir aujourd'hui pour parler avec vous de notre institution, vous dire d'où elle vient, ce qu'elle est réellement – car il y a beaucoup de désinformation –, ce qu'elle a pu réaliser – si elle a peu communiqué, elle a déjà beaucoup travaillé – et ce qu'elle souhaite développer encore, conformément à la loi qui lui a donné naissance il y a trois ans, et qui a été complétée il y a quelques mois par la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « HPST ».

Nous nous réjouissons vivement de cette rencontre. Elle est très importante pour nous et nous sommes très honorés de votre invitation. C'est une grande première pour nous. Mais ce sera peut-être aussi une découverte pour beaucoup d'entre vous. Puisque vous avez décidé de nous consacrer un temps suffisant, nous allons pouvoir, je l'espère, dépasser les préjugés pour aller ensemble, avec transparence, au fond des choses.

J'aimerais d'abord, dans un exposé synthétique, vous fournir quelques repères. Nous avons apporté en complément un dossier plus détaillé, que je tiens à votre disposition. Puis, avec les trois membres du Conseil national présents à mes côtés, je m'efforcerai de répondre concrètement à toutes vos questions.

Mon exposé portera sur quatre points : l'origine de l'Ordre national des infirmiers ; en quoi consiste aujourd'hui cette jeune institution dont la montée en puissance est forte ; les moyens minima dont l'ordre a besoin pour s'acquitter de ses missions ; le travail déjà accompli et les actions à continuer de développer

Je conclurai sur l'esprit qui est le nôtre aujourd'hui, en tant qu'élus des infirmières et des infirmiers, représentant toutes les branches de la profession.

D'où vient l'Ordre national des infirmiers ?

Il n'est issu ni d'un rapport officiel, ni d'un désir de l'administration, ni d'une initiative gouvernementale, mais d'une demande persévérante des forces vives de la profession infirmière, incarnées par 45 associations, toujours actives – elles se sont encore réunies samedi sur ce sujet – et des syndicats professionnels, souvent d'origine hospitalière. Ces organisations se sont réunies pendant plus de deux ans, tous les mois, autour du projet de fédérer la profession dans une grande institution ordinale.

Pourquoi ? Les infirmiers sont des cliniciens compétents et attentifs, de jour comme de nuit, à la santé ou à la souffrance de nos concitoyens, à tous les âges de la vie. Ils sont soucieux d'apporter, dans les soins et l'accompagnement qu'ils assurent, un maximum de qualité et de sécurité. Cette exigence s'impose dans la totalité de leurs lieux d'exercice : les plateaux techniques les plus performants, le domicile, les lieux de travail, le milieu médico-social, le milieu scolaire, etc. Mais, il n'y avait aucune instance globale capable d'y réfléchir avec expertise, de l'énoncer avec légitimité et, au besoin, de la faire respecter avec cohérence en tous lieux.

Les infirmières et les infirmiers avaient aussi une autre attente : au-delà des représentations syndicales et associatives – certes nécessaires dans leurs vocations propres, mais extrêmement fragmentées –, ils avaient besoin d'une organisation qui les unisse pour faire entendre leur voix de façon, elle aussi, cohérente et forte, tracer pour eux des perspectives nouvelles dans le monde de la santé d'aujourd'hui et de demain et conforter ainsi auprès des jeunes l'attractivité de la profession, tous métiers confondus.

Cette double ambition collective a été entendue. Elle a pris la forme de deux propositions de loi successives à l'Assemblée nationale. Nous rendons hommage à leurs auteurs, M. Jean-Luc Préel, puis M. Richard Mallié. Leur conviction a pu, finalement, convaincre le Gouvernement et les deux Assemblées de la nécessité de créer un Ordre pour tous les infirmiers. La France a ainsi rejoint les nombreux pays où des institutions autogérées regroupent obligatoirement tous les infirmiers pour réguler leur exercice.

La loi du 21 décembre 2006 a donné à l'Ordre national des infirmiers deux grandes catégories de missions, qui sont, à nos yeux, d'égale importance : des missions classiques pour les ordres professionnels – réguler l'accès à la profession, défendre son honneur et son indépendance, définir et faire respecter un ensemble de principes et de règles éthiques, veiller à la compétence des professionnels, etc. –, mais aussi des missions innovantes pour un ordre : « assurer la promotion de la profession » et suivre l'évolution de la démographie infirmière en fonction des besoins de la population. La loi dite « HPST » du 21 juillet 2009 y a ajouté une dernière mission, que seul l'Ordre national des pharmaciens avait reçue jusqu'ici : « contribuer à promouvoir la santé publique et la qualité des soins », enjeu très cher aux infirmiers et infirmières.

La profession infirmière se trouve ainsi reconnue et, j'irai même jusqu'à dire honorée, par la loi, à travers son ordre, comme elle ne l'avait jamais été auparavant.

En quoi consiste l'Ordre des infirmiers aujourd'hui ?

Contrairement à une idée complaisamment ressassée par certains, un ordre professionnel n'est pas une survivance d'un passé révolu – celui des infirmiers est jeune et moderne –, c'est une grande organisation citoyenne, chargée d'un service public. Ce n'est pas une para-administration. Ce n'est pas non plus, seulement, un ensemble de conseils ordinaux. C'est une collectivité d'environ 500 000 infirmiers, rassemblés pour se réguler en vue des buts d'intérêt général fixés par le législateur. Ses membres ne sont donc pas seulement ses 2 377 élus titulaires – avec autant de suppléants –, mais chacun des infirmiers inscrits au tableau, comme indiqué dans la loi.

Appartenir à un ordre a un sens très précis : c'est faire partie de l'une des rares professions qui ont été distinguées par la loi en raison de l'importance particulière de leur exercice pour toute la société. C'est, au sens strict, un privilège, qui nous appelle à une double responsabilité : une responsabilité individuelle, à savoir la qualité de notre exercice, et une responsabilité collective, à savoir le droit et le devoir de nous gouverner avec une large autonomie, dans le cadre de la loi. Ces devoirs et ces droits nous unissent tous, pour la première fois. C'est pour nous un motif de grande fierté.

Mais soyons lucides : c'est aussi une grande force potentielle qui peut déranger certains intérêts établis. Ces derniers refusent l'Ordre par principe, sous des prétextes divers, car ils y voient une concurrence gênante pour leur confort de gestion ou pour leur influence, ce qui n'est d'ailleurs pas vrai, car chacun a son rôle propre à jouer. Je pense qu'avec le temps, nous pourrons assurer une certaine forme de complémentarité. Mais, pour l'instant, ils ne souhaitent pas que soient reconnues ces dimensions fondamentales de fierté, de responsabilité et d'autonomie que l'ordre incarne. Je ne vous cacherai pas que les manoeuvres d'obstruction qu'ils organisent contre nous sont souvent très perturbantes.

Plusieurs membres de la commission. De qui parlez-vous ?

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