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Intervention de Dominique le Boeuf

Réunion du 23 mars 2010 à 16h15
Commission des affaires sociales

Dominique le Boeuf, présidente du conseil national de l'Ordre national des infirmiers :

Des syndicats. Je vous ai apporté des documents qui corroborent mes dires.

Nous devons faire face à de grandes difficultés pour constituer l'Ordre et le faire vivre normalement. En effet, ces manoeuvres s'appuient sur des facilités matérielles que nous n'avons pas et sur des agissements que nous nous interdirons toujours. Elles ne reculent ni devant la désinformation systématique, ni devant les menaces personnelles, ni devant des actes de délinquance organisée. Je vous ai amené des photos qui montrent des dégradations de lieux.

Les campagnes tapageuses orchestrées contre l'Ordre troublent nos confrères et abusent souvent leur bonne foi. Vous-mêmes, mesdames, messieurs membres de la commission, êtes soumis à de telles campagnes, qui vous conduisent à vous interroger. Ces opérations vont jusqu'à intimider les directions d'établissements et l'administration de la santé. Les courriers personnels que nous adressons aux confrères pour leur inscription sont souvent et massivement bloqués ou détruits, ce qui constitue pourtant un délit, passible de lourdes peines. Le décret simple prévu par la loi dite « HPST » pour faciliter, au départ, une inscription automatisée, ne s'annonce toujours pas, huit mois après la promulgation de la loi, même à l'état de projet. Les inscriptions sont donc très ralenties, au mépris de la loi, ce qui entraîne des frais de relance et un recours coûteux au crédit bancaire. Ces surcoûts devront inévitablement être intégrés dans notre prochain budget.

Tout cela cause à l'Ordre un préjudice moral et financier considérable. Cela fait aussi peser sur nos élus une pression psychologique très pénible, en plus d'une charge de travail particulièrement lourde.

L'Ordre doit, en effet, pour pouvoir vivre, être animé et géré par des confrères bénévoles. Nous disposons pour cela de 100 conseils départementaux, qui assurent un service de proximité à nos confrères sur le terrain, de 23 conseils régionaux, qui rendent notamment la discipline en première instance, et d'un conseil national, qui anime, coordonne et sert l'ensemble. Ces conseils sont des assemblées démocratiques, représentatives des trois branches de la profession : infirmiers du secteur public, salariés du secteur privé et libéraux. Contrairement aux discours ambiants, c'est la première branche qui est la plus représentée au sein de l'ordre.

Les conseillers départementaux ont été élus directement par les consoeurs et les confrères. Les conseillers régionaux ont été élus par les conseillers départementaux, et les conseillers nationaux par l'échelon régional. Cependant, presque tous exercent un mandat à deux ou trois de ces niveaux, comme les vice-présidents ici présents et moi-même. Ainsi, le conseil national est, lui aussi, en permanence à l'écoute directe du terrain.

Le fonctionnement des conseils et les rapports qu'ils ont entre eux sont également caractérisés par la transparence et la démocratie interne. Nous allons très prochainement adopter un règlement intérieur, qui prévoit toutes les garanties concrètes à cet égard.

J'en arrive à la question des moyens minima requis pour faire fonctionner une institution comme la nôtre et, donc, aux attaques contre la cotisation ordinale.

Comme dans tous les autres Ordres professionnels, notre conseil national a reçu de la loi compétence exclusive pour fixer le montant de cette cotisation. Néanmoins, au cours des travaux préparatoires, certains intervenants se sont hasardés à prendre position sur le sujet. Ainsi, vos rapporteurs ont avancé le chiffre de 10 euros, correspondant à un budget annuel de 4 millions et demi. Selon les termes utilisés, un tel budget était censé permette de « voir venir pour faire fonctionner cet ordre professionnel ». De son côté, le ministre de la santé, M. Xavier Bertrand, a évoqué une cotisation « modique, forcément symbolique ».

Ces déclarations ne reposaient sur aucune étude réelle, même partielle. Elles ne le prétendaient d'ailleurs pas. Mais, si leurs auteurs s'étaient renseignés, ils auraient découvert que la cotisation la plus basse, parmi les 17 ordres professionnels français, est plus de 12 fois plus élevée – 125 euros – que le chiffre de 10 euros qu'ils imaginaient alors.

Malheureusement, l'idée d'une cotisation dérisoire par rapport aux réalités économiques s'est implantée dans l'esprit de nombreux infirmiers. La ministre de la santé actuelle a publiquement prôné, à plusieurs reprises, une cotisation à 30 euros, toujours sans s'appuyer sur aucune base. J'aurais bien aimé être la présidente de la cotisation à 30 euros, mais il est de ma responsabilité de n'en rien faire. Telle est l'origine du procès virulent que nous subissons de plus en plus.

Dès qu'il a été constitué, notre conseil national a décidé de procéder avec rigueur. Après nous être informés de l'expérience des autres Ordres, nous avons tenu à missionner un cabinet de conseil expert en gestion, bien connu au niveau international, pour préparer notre premier budget de manière indépendante et sérieuse. Nous sommes des soignants, nous ne savons pas établir des budgets. Le cabinet choisi – la société Ernst&Young – a évalué nos charges, non pas à 4 millions et demi mais à 37 millions d'euros. Il a préconisé en conséquence une cotisation de 82 euros. Comme vous le savez, nous avons décidé de réduire la cotisation à 75 euros, dans un souci d'extrême économie. La cotisation des nouveaux diplômés est, par ailleurs, réduite de moitié, depuis le mois de décembre.

Ce montant de 75 euros est inférieur de 40 % aux deux autres cotisations ordinales les plus basses : celles des sages-femmes et des masseurs-kinésithérapeutes salariés, dont les rémunérations sont comparables à celles des infirmiers. Je ne méconnais pas la hausse du coût de la vie ni la diminution constante du reste à vivre. Mais une cotisation annuelle de 75 euros correspond pour une infirmière du service public hospitalier à 6,25 euros par mois, soit 0,37 % de sa rémunération moyenne en début de carrière – avec deux ans d'ancienneté – qui s'élève aujourd'hui à 1 630 euros nets, sans les primes et sans les dimanches. Je remercie, à ce sujet, les députés qui ont voté la revalorisation de cette rémunération.

Cela n'a pas empêché nos détracteurs de crier bruyamment au scandale. Des voix très officielles ont, malheureusement, cru devoir leur apporter la caution de leur autorité. On nous conseille — voire on nous somme — de ramener les cotisations de 75 à 30 ou à 10 euros, au prétexte qu'il y a 500 000 infirmiers, comme si la plupart des charges n'étaient pas proportionnelles à l'effectif des professionnels à gérer et à servir.

L'expérience concrète de notre première année de fonctionnement a démontré que les prévisions de nos experts consultants étaient justes. Je tiens à votre disposition les chiffres qui le démontrent. Ils n'ont rien de surprenant, puisqu'ils correspondent aux réalités des autres ordres, en France comme chez nos voisins. Ainsi, l'Ordre britannique, qui réunit plus de 600 000 infirmiers et avec qui je corresponds, a besoin d'une cotisation de 90 euros.

Nous sommes vraiment choqués du procès détestable qui nous est fait au quotidien et qui est constamment relancé et des tentatives d'ingérence dans la gestion que la loi nous a confiée. En gens responsables, nous faisons au mieux pour notre profession. Nous espérons que tout cela va cesser, car cela nous empêche de nous consacrer entièrement à la promotion de la profession. L'Ordre, qui est chargé de défendre l'indépendance des infirmiers, tient aussi à défendre sa propre indépendance, dont la cotisation est précisément l'une des garanties. Sachez que, contrairement à certaines informations qui circulent, nous n'avons bénéficié d'aucune subvention et sommes donc partis de zéro.

Que se passerait-il, d'ailleurs, si des ressources amputées nous obligeaient à nous cantonner à un rôle uniquement administratif et disciplinaire, sans aucune possibilité de rendre le moindre service à nos confrères ? Cette cotisation amputée, quel que soit son montant, constituerait alors un pur transfert de charges de l'État vers les infirmiers et la création de l'Ordre se révélerait un jeu de dupes pour la profession. Nous ne le voulons pas.

Enfin, il n'est pas décent de prétendre que les infirmiers de ce pays ne veulent pas ou ne peuvent pas, dans leur immense majorité, investir 6,25 euros par mois pour prendre leurs affaires en mains et construire leur avenir. Ceux qui le soutiennent montrent en réalité bien peu de respect pour la dignité de nos consoeurs et de nos confrères.

Je terminerai mon intervention liminaire en énumérant ce que nous avons déjà réalisé et ce que nous voulons continuer de développer

Depuis quatorze mois d'existence effective, malgré les difficultés extrêmes qu'il doit affronter, l'Ordre a déjà beaucoup travaillé, ce qui explique qu'il ait peu communiqué. Sur le plan interne, il a constitué la base de son organisation, en installant matériellement, a minima, la plupart de ses conseils. Il se dote des premiers moyens humains et techniques qui vont l'aider à mettre en oeuvre sa gestion et toutes ses actions. Dans notre règlement intérieur, élaboré de manière très participative, nous allons prendre dix engagements envers nos membres et nos conseils : maintien des valeurs de la profession, auxquelles les infirmiers sont très attachés ; promotion collective ; responsabilité ; transparence ; écoute ; coopération avec nos partenaires ; solidarité ; compétence ; efficience et cohérence. Avec ces engagements, l'Ordre entend avoir un fonctionnement exemplaire. C'est aussi un aspect de notre fierté.

L'Ordre entend, par ailleurs, apporter sa contribution aux politiques de santé publique et à la promotion de la profession infirmière.

Il contribue désormais, activement et dans un esprit constructif, à toutes les réflexions sur les problèmes qui intéressent les infirmiers. Non seulement il rend des avis motivés sur tous les projets que le ministère de la santé lui soumet, mais il mène lui-même des travaux et élabore des propositions sur des sujets majeurs : les pratiques infirmières avancées, le rôle des infirmiers en psychiatrie, en bloc opératoire et en maison de santé, le rôle des infirmiers coordonnateurs en maisons de retraite, des infirmiers sapeurs pompiers, des infirmiers de santé au travail.

Nous collaborons avec la Haute Autorité de santé au sein de nombreux groupes de travail spécialisés, travaillons en étroite liaison avec les autres ordres de professionnels de santé et faisons entendre la voix des infirmiers de France au sein des organisations infirmières européennes et internationales, où se débattent et s'élaborent les pratiques de demain. Nos travaux et coopérations s'étendront demain à une collaboration concrète avec les agences régionales de santé, avec qui nous avons déjà des contacts.

Nous sommes présents, pour la première fois de façon unifiée, sur tous les chantiers de la santé, pour y apporter la contribution de la compétence infirmière, indispensable selon nous pour faire évoluer les pratiques.

Enfin, nous venons de mener à bien l'une de nos obligations majeures : l'élaboration de notre code de déontologie, qui va donner à l'ensemble de la profession infirmière des repères éthiques appropriés aux problèmes croissants de son exercice aujourd'hui.

Sur le terrain, l'Ordre est bien loin de se limiter à un rôle administratif et disciplinaire. Certes, il doit lutter contre les risques de mauvaises pratiques ou d'abus en tous genres : exercice illégal de la profession par des personnes non qualifiées, dangerosité de certains infirmiers, maltraitance de patients, refus de soins, fraudes, concurrence déloyale, etc.

Mais, il doit, d'abord, informer, éduquer, conseiller les infirmiers. Nos consoeurs et confrères en sont fortement demandeurs. Souvent confrontés à des difficultés de toutes sortes, ils ne savent pas où obtenir une réponse autorisée. L'Ordre sera leur référence dans tous les domaines de sa compétence. Loin de toujours réprimer, il aura, au besoin, à les accompagner, à les défendre contre des accusations excessives ou injustes, des violences ou des pressions inacceptables, ou encore à exercer en leur faveur une solidarité financière confraternelle. Les infirmières et les infirmiers trouveront ainsi auprès de leurs pairs un ensemble de services qualifiés, qu'aucune autre institution ou organisation n'était jusqu'ici en mesure de leur apporter.

En conclusion, j'énumérerai ce à quoi nous croyons en tant que responsables ordinaux, élus par nos consoeurs et nos confrères, et représentant l'ensemble de la profession. Nous croyons à l'effort et à la qualité, plutôt qu'au laisser-faire et au laisser-aller ; à l'État de droit, et non à sa violation ouverte comme actuellement ; à l'honnêteté du débat, plutôt qu'à la désinformation ; à la responsabilité politique, et non à la démission ; au véritable respect des infirmières et des infirmiers.

Que voulons-nous ? Simplement faire notre devoir légal.

Nous voulons contribuer à la santé publique et à l'excellence des soins – domaine dans lequel il y a encore beaucoup à faire – ; servir nos consoeurs et nos confrères dans le concret de leur exercice ; éclairer et préparer l'avenir de notre profession. Nous souhaitons pour cela travailler sans exclusive, en bonne intelligence – et même en collaboration étroite – avec tous ceux qui partagent ces objectifs.

Nous espérons que les pouvoirs publics – l'exécutif comme le législatif – soutiendront l'Ordre qu'ils ont créé, dans le respect mutuel des rôles de chacun. En effet, nous sommes porteurs, avec d'autres, de l'expertise infirmière, qui est essentielle pour le système de santé de notre pays – et qui est attendue avec intérêt au niveau de l'Union européenne – et nous la représentons démocratiquement. Nous portons aussi une ambition collective raisonnée et nous nous efforçons d'appliquer au mieux la loi.

Nous voulons enfin témoigner devant vous de notre enthousiasme et de notre persévérance, conditions nécessaires pour espérer réussir.

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