Le Président Didier Migaud : Nous accueillons M. Raoul Briet, président du conseil de surveillance du Fonds de réserve des retraites – FRR –, accompagné de M. Antoine de Salins, membre du Directoire – lequel est présidé par M. Augustin de Romanet – et de Mme Sophie Barbier, chargée de mission. Le FRR a été créé en 1999 afin d'assurer la pérennité du système des retraites en lissant les besoins de financement à l'horizon de 2020. Il lui a été fixé pour objectif de constituer un volume significatif de ressources et de le faire fructifier de façon à disposer, en 2020, d'une réserve de 150 milliards d'euros permettant de couvrir la moitié des besoins de financement supplémentaire des régimes de retraite des salariés du privé et assimilés. À ce jour, le FRR possède 33 milliards d'actifs. Ses placements, principalement en actions, ont une rentabilité élevée, la valeur du Fonds ayant progressé en moyenne de 8,8 % entre ses premiers placements, en 2004, et fin 2007. Toutefois, le rendement de ces derniers mois est moindre, compte tenu de la crise financière. Il ne dispose en outre que d'une seule ressource pérenne lui procurant un abondement annuel d'environ 1,3 milliard.
Récemment, la presse s'est fait l'écho de questions concernant le Fonds, notamment en ce qui concerne la destination de la taxe qui lui est affectée et l'utilisation de ses réserves. Nous avons donc souhaité vous entendre, Monsieur le Président, afin que vous fassiez le point de la situation du Fonds et de ses perspectives. À combien s'élève l'abondement du Fonds depuis sa mise en oeuvre ? Quelles ont été ses ressources ? Quelle est la valeur de ses actifs ? Quelles sont ses performances ? Quelles sont vos projections à l'horizon 2020 ?
Je vous remercie de nous donner l'occasion, avec Antoine de Salins, d'évoquer la situation du FRR.
Si l'existence comptable de ce dernier a commencé à la fin des années quatre-vingt-dix, la loi a consacré son existence en 2001 et il n'a vraiment été opérationnel qu'à la fin de 2002 ; les premiers investissements sur les marchés ont quant à eux commencé en juin 2004.
À la fin 2007, les actifs s'élevaient à 34,5 milliards ; nous sommes un peu en deçà de ce chiffre aujourd'hui, la performance des quatre derniers mois ayant été négative. Les excédents de la Caisse nationale d'assurance vieillesse – CNAV – et du Fonds de solidarité vieillesse – FSV –, qui s'élèvent à 6 milliards, participent de l'alimentation du FRR, de même que le montant de cessions d'actifs – qui est à peu près identique – et le prélèvement social qui représente 10 milliards – ce dernier a constitué d'ailleurs la presque totalité des « recettes » du FRR en 2006 et 2007. Les abondements de 2005, en revanche, ont intégré la contribution exceptionnelle de la soulte des industries électriques et gazières (IEG). On constate donc une irrégularité forte des abondements et une tendance à ne plus bénéficier que de la seule recette fiscale affectée au FFR.
L'augmentation de la valeur des actifs du Fonds procède à parts égales des résultats de la gestion financière et des abondements supplémentaires, étant rappelé que notre comptabilité est mark to market.
L'allocation stratégique demeure majoritairement constituée d'actions. Nous avons ouvert en 2006 une catégorie active de diversifications financières – immobilier, matières premières, capital investissement – mais également géographiques. L'allocation devrait permettre au Fonds de faire, avec une probabilité de 80 %, mieux que le coût de la ressource – soit 4,4 %. Nous avons choisi un investissement en actions sur le long terme, comme le font nos homologues suédois, irlandais ou canadiens. Le Fonds a fait une hypothèse prudente quant à la prime de risque, en la situant aux alentours de 250 points de base, avec la contrepartie d'une certaine volatilité, que l'on a d'ailleurs expérimentée brutalement au premier semestre 2008.
Depuis le démarrage de ses investissements, en juin 2004, jusque fin 2007, la performance nette annualisée du Fonds a été de 8,8 %. Pour la seule année 2007, elle s'est établie à 4,8 %, ce qui est un peu supérieur à nos homologues, notamment norvégiens – 4,3 % –, suédois – 4,2 % – et irlandais – 3,3 %. Sur plusieurs années, la performance moyenne annuelle est comparable. Les coûts de fonctionnement se situent, quant à eux, en deçà de 19 à 20 points de base. Avec 17 points, ils étaient en 2007 un peu inférieurs au benchmark – qui est de 19 points. Cela signifie que pour investir 100 euros, nous dépensons 17 centimes, le placement par une structure collective étant beaucoup moins onéreux que les placements individuels qui s'effectuent pour au moins 150 points de base. J'ajoute que deux tiers de nos coûts correspondent aux commissions versées aux gérants et aux frais financiers divers.
Les trois premiers mois de 2008 ont donc été très difficiles, la performance ayant été de moins 9,6 % au 21 mars – ce qui a conduit la performance nette annualisée depuis juin 2004 à 5,4 %. Au 2 mai, la perte était de 4,4 % et la performance nette actualisée de 6,8 %. Lorsque nous avons arrêté l'allocation stratégique, la trajectoire tendancielle espérée était à 6,3 % par an. Après avoir été nettement au dessus en 2006 et 2007, nous nous situions un peu en dessous au premier trimestre mais, depuis peu, nous repassons légèrement au-delà.
S'agissant des perspectives, nous allons poursuivre la diversification : l'appel d'offres sur les matières premières est en voie d'achèvement, des travaux sont en cours en matière immobilière et infrastructurelle, de même que des investissements dans les pays émergents. Nous allons revoir la structure des mandats en essayant de concentrer la gestion active sur les classes d'actifs où la recherche de gérants susceptibles de produire de la sur-performance relative est la plus évidente. Enfin, nous allons réexaminer l'allocation stratégique, facteur déterminant pour le FRR au-delà de l'allocation tactique et de l'« alpha » des gérants.
Notre stratégie d'investissement responsable passe par la poursuite de la politique d'exercice actif des droits de vote et la prise en compte des critères d'analyse extra-financière dans certains mandats ainsi que dans le lancement de mandats « investissements socialement responsables » – ISR. Nous veillons aussi à mobiliser de nouveaux leviers avec, par exemple, l'analyse des impacts possibles du réchauffement climatique sur la politique d'investissement et nous allons mettre en place un comité pour l'investissement responsable chargé d'apprécier les risques extra-financiers qui peuvent avoir un impact sur la réputation du Fonds – des mesures de désinvestissement concernant quatre entreprises ne respectant pas la convention d'Ottawa sur le mines anti-personnel ont ainsi été prises suite à la présentation du reporting extra-financier du portefeuille.
Nous sommes conscients d'avoir accompli pour l'instant le travail le plus facile mais d'autres sujets se posent notamment en matière de droits du travail en vigueur dans les pays émergents. Nous sommes en situation en veille et de responsabilité sur tous ces sujets.
La place du FRR dans la réforme des retraites est évidemment cruciale. Il importe à ce propos de préciser son rôle dans le financement à long terme du système par répartition. À combien s'élèveront les décaissements ? À quel moment ? Seront-ils linéaires, dégressifs ou progressifs ? Qu'attend-on du FRR après 2020 ? Notre gestion sera d'autant plus performante que nous obtiendrons rapidement des réponses précises à ces questions. Je rappelle que la loi prévoit seulement l'interdiction d'utiliser les ressources du FRR avant 2020. Elle ne dit pas quand les décaissements auront lieu après cette date. Sous des hypothèses de performance annuelle moyenne de 6,3 %, avec l'abondement minimal actuel par an de 2007 à 2020, le FRR pourrait couvrir près d'un tiers des besoins supplémentaires de financement des régimes éligibles de 2020 à 2040. Dans ce schéma, le FRR atteindrait environ 100 milliards d'euros courants en 2020, ce qui générerait 46 milliards de résultat financier positif accumulé à cet horizon, soit 19 milliards de plus que le coût de la ressource publique.
Nous attendons donc une explicitation de la feuille de route du FRR ainsi que de la stratégie d'abondement. Aucune remise en cause des règles actuelles ne semble par ailleurs envisagée, mais il faut au plus vite réfléchir à l'après 2020. Le Gouvernement a demandé au Conseil d'orientation des retraites – COR – de mettre en place, d'ici 2010, des simulations à long terme. Elles sont indispensables pour éclairer le rôle que le Fonds peut être amené à jouer après 2020.
Le Président Didier Migaud : Je note que, parmi les principaux fonds de réserve des pays de l'OCDE, le FRR ne représente que 1,7 point de notre PIB, ce qui en fait le plus petit de tous.
L'investissement en actions dans des pays hors de la zone euro est certes particulièrement important puisque la croissance des pays émergents sera durablement plus forte que la nôtre mais comment gérer le risque des fluctuations monétaires ? Quelle est par ailleurs la stratégie de répartition du FRR ?
Il faut en effet trouver un équilibre entre des considérations parfois contradictoires.
La diversification des risques, qui constitue un principe fondamental, doit conduire le FRR à diversifier ses zones d'investissements, surtout dans un contexte où la croissance potentielle des économies varie beaucoup en fonction de facteurs structurels, dont la démographie. De ce point de vue, il est certain que la vieille Europe est un peu fatiguée par rapport aux pays émergents. Les investisseurs ont tout intérêt à aller capturer la croissance mondiale là où elle se trouve. La part des investissements du FRR dans les pays émergents devrait donc augmenter, même si, en investissant dans de grandes entreprises européennes, nous capturons aussi un peu de croissance mondiale en raison de la présence de ces entreprises dans ces pays.
Le Fonds devra en effet rembourser les régimes bénéficiaires – essentiellement la CNAV – en euros. Or, en investissant hors de la zone euro, nous prenons assurément un risque de change. En 2003 et en 2006, le conseil de surveillance a donc décidé d'utiliser des produits de couverture permettant, après un achat en dollars par exemple, de vendre ce dernier et de revenir à l'euro.
En dépit de cette diversification, le surinvestissement dans la zone euro demeure si l'on considère sa part dans les capitalisations boursières.
Certes, mais aussi parce que tous les investisseurs ont de fait un biais domestique. Tout en conservant cette préférence relative, la diversification est en effet logique pour le FRR de manière à ce qu'il puisse « capter » les potentiels de croissance là où ils sont les plus dynamiques.
Quelles sont la nature et les modalités de vos relations avec le Gouvernement ? Qu'en est-il du hold-up annoncé sur le FRR ? Est-il purement fantasmatique ?
Vous avez parlé de « sur-performance » : jusqu'où prenez-vous des risques avec cet argent ?
Pourriez-vous par ailleurs nous en dire un peu plus sur la politique des droits de vote ?
Qui compose le comité pour l'investissement responsable ? Qui valide ses décisions ?
Menez-vous une réflexion stratégique en matière de placements – je pense, par exemple, à Monsanto ou à Bombardier ?
Le conseil de surveillance est composé de vingt membres dont la moitié sont des représentants des partenaires sociaux, mais également de quatre parlementaires…
M. Laffineur, membre de la commission des Finances, et M. Bur, pour l'Assemblée nationale.
…et de personnalités qualifiées. C'est lui qui définit souverainement la stratégie du FRR. Il est clair que la question de l'alimentation du FRR est particulièrement sensible. La tentation de privilégier le court terme en utilisant ses ressources au profit des finances publiques se fait parfois jour. Pourtant, la ressource fiscale pérenne qui nous est affectée ne pénalise en rien la « maison France » en matière de déficit public. Le problème peut se poser en matière de « dette publique », laquelle se mesure en termes bruts depuis Maastricht. Les 34 milliards du FRR, qui sont un actif, ne viennent pas en diminution de l'indicateur premier d'appréciation de la situation des États. Mais il est clair que le concept pertinent, en termes patrimoniaux, serait celui de « dette nette ». La Commission européenne, d'ailleurs, n'interdit pas aux États de faire valoir l'existence de ces fonds. Fondamentalement, le FRR est un outil de désendettement économique même s'il ne l'est pas au sens « comptable » de Maastricht : le système de retraite par répartition devant être financé, le FRR provisionne cette dette implicite. Cela devrait couper court à la tentation d'utiliser la ressource unique du FRR à des fins différentes.
J'ai en effet évoqué la sur-performance mais celle-ci s'applique aux gérants : si nous les payons, c'est pour qu'ils essaient de faire un peu mieux que le benchmark, qui est l'indicateur de référence.
Certainement mieux ! Nous n'hésitons pas à mettre fin à des mandats lorsque, trimestre après trimestre, nous constatons que certains de nos gestionnaires d'actifs « sous-performent » en faisant moins bien que le marché ou leurs concurrents. Le trimestre dernier, nous avons ainsi mis fin à deux mandats.
Le bilan de gestion fait état de 37. Lorsque je vous avais reçu, à l'automne, vous aviez évoqué 45 mandats. La rotation est-elle forte ?
En effet. De surcroît, plus nous élargissons notre portefeuille, plus la taille moyenne des mandats diminue et leur nombre augmente. Nous nous situons en l'occurrence dans une dynamique d'augmentation significative des mandats.
La loi de 2001 dispose que les droits de vote attachés aux titres possédés par le FRR sont exercés par ses gérants dans le seul intérêt du Fonds. L'exercice de ce droit est donc obligatoire mais il n'est pas facile à mettre en oeuvre tant le droit des sociétés diffère selon les pays.
Nous avons par ailleurs interprété la volonté du législateur selon laquelle les gérants votent dans le seul intérêt du Fonds en considérant qu'il appartient au FRR de définir les critères et les principes de vote. Nous n'avons donc pas abandonné notre souveraineté d'investisseur. Le conseil de surveillance a ainsi procédé à des choix en adoptant une délibération fixant précisément les critères que les gérants doivent suivre de manière à ce que ces derniers votent, certes, mais en prenant en compte les principes fixés par le Fonds. Par exemple, si la plupart des investisseurs – et la commission de Bruxelles également – considèrent que l'exercice du double droit de vote est condamnable en vertu du principe d'égalité concernant les actionnaires, le conseil de surveillance du FRR a jugé, lui, que cet exercice était admissible car il permet de récompenser la fidélité d'investisseurs qui accompagnent durablement la stratégie industrielle des entreprises. En moyenne, le FRR vote à 84 % les résolutions présentées ; les sujets qui fâchent sont classiques : dispositifs anti-OPA parfois très excessifs, conditions d'opérations d'augmentation de capital qui peuvent se faire au détriment des actionnaires existants et, enfin, « packages » de rémunérations de certains dirigeants d'entreprises, à propos desquels le conseil de surveillance a fixé un certain nombre de principes afin de raison garder.
Le texte de cette délibération est consultable en ligne sur le site du FRR.
Chaque année, nous faisons un compte rendu au conseil de surveillance, lequel se livre à un certain nombre de réexamens afin de prendre en compte les évolutions législatives du droit des sociétés. Ce rapport a toujours été adopté à l'unanimité.
Chaque fois que c'est nécessaire, le FRR se reporte aux termes de la loi qui l'a créé. La mission qui lui a été confiée consiste à gérer au mieux ses réserves, compte tenu du degré de risque accepté par la collectivité nationale. Dès lors, des questions se sont posées pour savoir s'il fallait ou non investir dans tel ou tel secteur : armement, nucléaire, alcool, tabac, jeux… Le conseil de surveillance a considéré que, par principe, il fallait « exclure l'exclusion ». En même temps, nous estimons devoir être vigilants à l'endroit d'entreprises dont les pratiques en matière environnementale ou sociale seraient sujettes à caution. Nous allons organiser une revue des 2 000 sociétés dans lesquelles nous avons investi de manière à pointer celles qui font l'objet de critiques sur le plan international. Le comité d'investissement responsable essaiera alors de déterminer l'attitude à avoir à leur endroit. Celui-ci est une émanation du conseil de surveillance et sera constitué par les deux vice-présidents du FRR, MM. Jean-Louis Beffa et Jean-Christophe Le Duigou avec, en outre, M. Jean-Claude Javillier, professeur de droit à Paris II, ancien directeur des normes internationales au Bureau international du Travail (BIT) ainsi que M. Daniel Lebègue, président de Transparency International.
Le Président Didier Migaud : Existe-t-il une liste de ces 2 000 entreprises ?
Elle figure sur notre site Internet et elle est réactualisée chaque année.
Le Président Didier Migaud : Le montant de vos participations dans chacune d'entre elles y figure-t-il également ?
Oui. Je signale en outre que cette pratique n'est pas généralisée et que de grands fonds, néerlandais par exemple, ne cultivent pas une telle transparence. Nous considérons quant à nous que c'est le meilleur moyen de montrer à la collectivité que nous essayons de gérer au mieux les risques éventuels.
Quid de vos relations avec le Gouvernement ? Êtes-vous dans la même situation que le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations qui, s'il ne dépend pas directement du Gouvernement, est néanmoins régulièrement convoqué dans les bureaux ministériels ?
Le président du conseil de surveillance a un mandat de six ans. Il est nommé par le ministre des finances et le ministre des affaires sociales. Aucune interférence n'a été jusqu'ici constatée, ni dans les décisions stratégiques, ni dans la gestion quotidienne du Fonds. Les contacts que nous avons avec les pouvoirs publics sont l'occasion d'évoquer les perspectives financières à long terme du système de retraite et donc du FRR mais aussi, incidemment, les aménagements visant à ajuster les règles qui nous régissent.
Depuis cinq ans, je peux témoigner que je n'ai jamais reçu un coup de fil ou une instruction pour me demander, par exemple, s'il serait possible d'investir dans telle ou telle entreprise ou de choisir tel ou tel gérant d'actifs.
Le tableau comparatif de la taille des principaux fonds de réserve par rapport au PIB est instructif : c'est le fonds français qui est le plus modeste. Estimez-vous que l'écart avec les pays comparables va se résorber ou se combler, dans l'hypothèse où l'abondement du Fonds et la rentabilité des investissements restent constants ?
Il peut aussi paraître paradoxal que le produit représente une part plus importante que l'abondement dans la croissance du Fonds. Comme dans le cas des fonds de pension, l'intérêt des retraités futurs, qui sont les salariés d'aujourd'hui, voudrait que la valeur ajoutée continue d'être distribuée en faveur du capital et en défaveur du travail. À partir de quel niveau d'abondement pourrait-on mettre fin à ce paradoxe en considérant à leur juste mesure les intérêts des salariés d'aujourd'hui en préservant ceux des retraités de demain ?
La soulte d'EDF vous a été versée à hauteur de 4 milliards d'euros. Sauf erreur de ma part, le montant de cette soulte, correspondant à l'adossement du régime de retraite des salariés d'EDF au régime général, était plus élevé. Confirmez-vous que vous n'avez pas perçu la totalité du montant, alors qu'il s'agissait de garantir les retraites des salariés ?
Par ailleurs, vous déléguez une partie de la gestion administrative à la Caisse des dépôts et confiez par adjudication la gestion financière à une quarantaine d'établissements financiers. Le coût de cette gestion a augmenté de 20 millions d'euros entre 2005 et 2007, tandis que les actifs augmentaient dans le même temps de dix milliards. Le chiffre peut apparaître moins flatteur que les dix-sept points de base dont vous avez fait état. Estimez-vous que cette progression du coût, qui finit par représenter beaucoup d'argent, est raisonnable ? Les banques se rémunèrent. N'y a-t-il pas moyen de rendre les opérations plus intéressantes pour la collectivité ?
Pour ce qui est du risque de réputation, les mandats que vous donnez aux gestionnaires bancaires comportent-ils l'instruction de refuser retraites « chapeau » et autres golden parachutes lorsque la question se pose dans les entreprises où le Fonds investit ? Si tel n'est pas le cas, comptez-vous introduire cette clause dans un futur cahier des charges ?
Je ne vois pas comment la différence de taille entre les fonds pourrait se réduire, d'autant que la situation des finances publiques de beaucoup des pays figurant dans cette comparaison est assainie, ce qui n'est pas le cas de la France.
La soulte des industries électriques et gazières comportait deux fractions, l'une en capital et l'autre en annuités. Le fonds était destinataire de la seule fraction en capital, les annuités étant directement versées à la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Je vous confirme que le Fonds a reçu de la Caisse nationale des industries électriques et gazières – la CNIEG – la totalité de la part qui lui revenait, soit 3,06 milliards d'euros.
Il me semble que l'intérêt de long terme des futurs retraités est de disposer d'une retraite qui ne soit pas seulement indexée sur la capacité à produire de la richesse dans notre pays, mais qui capte également une fraction des richesses produites à l'étranger. De ce point de vue, la diversification de l'investissement en actions n'est nullement défavorable aux retraités.
Dans les adjudications, le FRR a la réputation d'être particulièrement exigeant en matière de coûts du fait de sa taille et des perspectives de long terme qui sont les siennes. C'est au point que certains gestionnaires renoncent à concourir à nos appels d'offres, considérant que les frais de gestion ne sont pas suffisamment rémunérateurs.
Permettez-moi de préciser ma dernière question. Le Président de la République avait indiqué lors de sa campagne électorale qu'il mettrait un terme aux parachutes dorés et aux retraites « chapeau ». Avez-vous reçu un ordre – oral ou écrit – pour faire figurer dans le cahier des charges l'obligation, pour vos gestionnaires, de voter contre de telles dispositions ?
Le Président Didier Migaud : Peut-être le faites-vous spontanément…
Nous le faisons en effet spontanément.
Le référentiel adopté par le conseil de surveillance ne comporte pas le principe de l'interdiction des retraites « chapeau », non plus que des modes de distribution des avantages salariaux ou para-salariaux qui font partie des packages de rémunération des dirigeants de certaines grandes entreprises. Il fixe simplement des principes qualitatifs qu'il appartient à nos gérants d'apprécier et d'appliquer pour nous en faire ensuite rapport. Si la législation relative aux dirigeants d'entreprises françaises évoluait, nous le prendrions en compte. Quoi qu'il en soit, étant donné que les règles peuvent être différentes dans d'autres pays, nous nous en tenons à une démarche qualitative qui, il faut le reconnaître, n'est pas simple à mener, d'autant qu'il faut accorder les points de vue des différents membres de notre conseil de surveillance.
Concernant les coûts, le FRR est une personne morale autonome, un établissement public à vocation nationale qui, d'après les textes qui le régissent, externalise certaines missions de gestion administrative – pour l'essentiel de conservateur-dépositaire-valorisateur, ou de back office – à l'établissement public Caisse des dépôts, sur la base d'un contrat qui comporte une tarification. Nous nous attachons à faire peser sur la Caisse les mêmes contraintes d'efficacité, de coût et de benchmarking que sur nos gérants financiers. Cette dernière adhère complètement à cette démarche. Des progrès ont été accomplis ces dernières années et il nous faut persister dans cette direction.
Nous déléguons la sélection de valeurs à des gérants, en mettant aux enchères des mandats de gestion. Nous n'intervenons jamais dans cette sélection de titres : ce serait illégal au regard du droit civil. À supposer qu'un responsable du FRR se laisse aller à exercer une pression, le gérant a la possibilité de dire non : le droit civil le protège.
La quarantaine de professionnels issus du privé a aussi en charge la responsabilité de mener pour le conseil de surveillance l'allocation stratégique, son réexamen, son suivi et sa mise en oeuvre. Nous fixons également les travaux préparatoires à l'allocation tactique, qui prévoit les rééquilibrages de portefeuille sur un horizon d'investissement de trois, six et neuf mois. Nous avons en effet des marges de manoeuvre : nous pouvons aller jusqu'à 69 % en actions à la hausse ou 51 % à la baisse. Il nous faut ensuite rendre compte de la pertinence de ces choix. Depuis la mise en place du dispositif il y a près de trois ans, la performance est significativement positive.
Nous contrôlons de façon très précise l'exécution des mandats. Nos contrats sont extrêmement détaillés. Notre équipe juridique, qui rassemble des compétences en droit français mais aussi étranger, assure leur suivi.
Pour ce qui est des coûts de gestion, il est important de prendre en compte l'étalon de référence. L'investisseur, comme le gérant d'actifs, doit pouvoir identifier l'ensemble des coûts – administratifs, de personnel, financiers, etc. – et les rapporter aux actifs. Il y a trois ans, nous avons demandé à l'agence McKinsey de nous fixer le bon étalon, au vu d'un ensemble d'institutions comparables. Au surplus, nous envoyons chaque année tous nos comptes à un organisme étranger spécialisé qui nous évalue au regard d'un panier de trente institutions comparables – quinze en Europe, quinze en Amérique du Nord – gérant entre 20 et 40 milliards d'euros. Cette évaluation nous permet de connaître les points où nous sommes plus performants et ceux où nous le sommes moins. Au total, nous sommes « dans les clous ».
Le décalage des coûts qu'a relevé M. Cahuzac tient à ce que la mise en place du dispositif a engendré des coûts fixes assez lourds qu'il a fallu payer dès le début, avant la montée en charge du portefeuille, en matière informatique par exemple. Nous avons en effet dépassé l'étalon de référence en 2005, mais celui-ci nous est aujourd'hui complètement opposable.
Pour ce qui est de la rémunération des gérants, nous sommes soumis au code des marchés publics, lequel nous interdit de négocier les commissions dans le cadre de nos appels d'offres, contrairement à la pratique constante du marché. Nous indiquons donc aux personnes qui se présentent à nos appels d'offres ce que nous envisageons de leur confier et à quelles conditions, puis nous leur demandons de nous donner le meilleur prix, sachant que nous ne négocierons pas. Ainsi, il n'existe pas de risque sur le plan déontologique.
Au fond, on peut se demander si votre mode de gestion n'aboutit pas à la péréquation internationale de l'épargne française au profit d'un système mondialisé. Dans votre rapport annuel pour 2007, on constate en effet que la part investie en actions françaises est tombée de 23 à 19 % en quatre ans. En d'autres termes, l'épargne française du FRR est investie à 81 % à l'étranger. Vous parlez de rentabilité au sens financier du terme, comme si le Fonds était un simple organisme de placement. Vous ne tenez pas compte du fait que cette délocalisation de l'épargne affaiblit la croissance en France alors que le Fonds est alimenté par des prélèvements sur la richesse française.
D'autre part, la Caisse nationale d'assurance vieillesse connaît un déficit croissant – environ 4 milliards d'euros cette année. Est-il raisonnable de mettre de l'argent de côté tout en s'endettant ? Le déficit cumulé de la CNAV à la fin de 2007 avoisine 20 milliards d'euros. Ce chiffre doit être comparé aux 34 ou 35 milliards du Fonds, qui risquent de faire l'objet d'un hold-up pour payer la dette actuelle.
La soulte des industries électriques et gazières s'élevait à 3,9 milliards à la fin de 2007. Quel usage en sera-t-il fait, étant donné qu'il existe un fonds CNIEG et un fonds hors CNIEG ?
Vos investissements se portent massivement sur les grandes entreprises – presque dix fois plus que sur les PME dans la zone euro. On pourrait imaginer que vous preniez des participations dans les PME via les organismes intermédiaires. Vous faites cependant beaucoup mieux que les assurances en la matière !
Je suis enfin étonné de constater que 6,9 % des obligations que vous détenez ne font pas l'objet d'une notation. S'agirait-il d'obligations pourries ? Plus généralement, combien la crise des subprimes vous a-t-elle coûté ?
Le FRR a eu le mérite de capter les excédents de la CNAV et du FSV et de les préserver d'utilisations immédiates. On a privilégié par ce biais une utilisation vertueuse de l'argent public. Pour le reste, il est grand temps d'admettre qu'un régime de retraite, fût-il par répartition et fût-il public, doit se gérer sur le long terme. C'est ce que font les partenaires sociaux qui gèrent l'AGIRC et l'ARCCO, avec des horizons fixés à dix ou quinze ans et pour un montant de réserves bien supérieur à celui du régime général. Je considère que l'action menée au travers du FRR correspond à ce que doit faire tout gestionnaire de dispositifs publics en répartition ayant le souci de préfinancer des besoins futurs et de lisser les efforts entre les générations. Le FRR doit permettre de démontrer que l'on est capable de gérer un régime public de retraite selon l'horizon et la temporalité longue qui sont les siens, par-delà les tentations immédiates et les problèmes d'équilibre comptable annuel.
La comparaison entre notre performance financière et le coût de la ressource prouve que nous créons de la richesse pour la collectivité nationale. Notre intime conviction, non démentie par les faits malgré les turbulences que connaissent actuellement les marchés d'actions, est que notre performance devrait dépasser d'environ 2 % le coût de la ressource sur le long terme.
Vous auriez raison si la CNAV était en équilibre. On ne saurait imaginer, au niveau du budget de l'État, d'accroître l'endettement dans l'espoir d'obtenir un petit différentiel. En créant le FRR, on n'a pas tenu compte du fait que le placement à 81 % de cette épargne à l'étranger freine la croissance française.
Serait-il responsable d'utiliser la recette annuelle ou les réserves du FRR pour combler le déficit de la CNAV ? On voit bien que ce déficit appelle des solutions structurelles que l'utilisation du FRR à des fins circonstancielles ne ferait que différer. Solliciter ainsi le FRR ne serait pas de nature à aider la prise de décision publique sur les mesures structurelles nécessaires, puisque cela laisserait entrer entendre aux Français qu'il suffirait de transvaser de l'argent pour se soustraire aux décisions.
Je ne méconnais pas les difficultés que le ministre en charge des affaires sociales éprouve à présenter les comptes du régime général avec 1,5 milliard de recettes en moins. Il m'en parle. Mais cette contrainte a des contreparties vertueuses.
Il fait surtout valoir la difficulté qu'il y a à expliquer à quoi servira le FRR après 2020. Je lui retourne alors la question : si nous faisons l'effort de réfléchir aux scénarios de l'après 2020 et d'étudier en quoi le Fonds, selon la taille qu'il aura atteinte, contribuera à la résolution de nos problèmes, le ministre aura la réponse – mais cette réponse dépend de lui. Or, dans la clause de rendez-vous actuelle, l'horizon est le même qu'en 2003. Comme je l'ai dit à M. Xavier Bertrand, tant que cet horizon restera fixé à 2020, le FRR n'aura d'autre existence que celle d'un objet non identifié, renvoyé à un futur lointain. J'espère que les travaux du Conseil d'orientation des retraites nous permettront se sortir de cette sorte d'apesanteur et de montrer à quoi peut servir le FRR, ce qui sera le meilleur moyen d'écarter la tentation de l'utiliser immédiatement pour combler tel ou tel déficit.
Juridiquement, la soulte des industries électriques et gazières appartient à la CNAV, ce qui se traduit dans notre bilan par une dette à l'égard de cet organisme. Celui-ci redeviendra propriétaire de plein exercice de la soulte au 1er janvier 2020.
Je ne crois pas que la faiblesse de la croissance potentielle française s'explique par le niveau absolu de notre taux d'épargne. Ce taux, malgré une légère tendance à la diminution, reste élevé. Le véritable problème réside dans l'orientation massive de l'épargne vers les titres obligataires au détriment des actions, d'où les difficultés de financement de l'économie française et la forte présence des investisseurs étrangers dans le capital de nos entreprises.
De plus, il ne serait pas simple de renforcer notre biais domestique : rappelons tout de même que la France représente 4 % de la capitalisation boursière mondiale et que la pure logique financière voudrait que nous reproduisions ce taux pour diversifier au mieux nos risques, alors que nous en sommes à quatre fois plus. Si, l'année dernière, nous avions été beaucoup plus présents sur les indices boursiers français, la performance aurait baissé de 15 %. Dans le même temps, les indices allemands augmentaient de 8 %. Nous nous en tenons donc à un principe financier on ne peut plus simple : ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. C'est d'ailleurs ce qui explique que nous investissions dans des actifs – matières premières, immobilier, infrastructures, pays émergents – qui, pris séparément, sont un peu plus risqués que les actions : comme leur évolution est totalement décorrélée des autres marchés, ils réduisent le risque global du portefeuille.
Pour ce qui concerne les PME, il faut prendre en compte notre programme de capital-investissement, qui représente 1,5 milliard d'euros sur trois ans et qui est centré sur ce secteur. Je conviens toutefois que nous avons, comme le marché dans son ensemble, un léger penchant pour les grandes entreprises. En outre, les petites entreprises présentent plus de risques et ne sont parfois pas cotées.
Nous n'avons jamais investi dans des produits de titrisation ou des subprimes. Nous avons subi l'effet de la crise financière sur les grands indices boursiers mais nous n'avons connu aucune perte directement liée à ces actifs dangereux.
En annexe à sa délibération sur l'allocation stratégique, le conseil de surveillance fixe une liste de produits autorisés. Pour ce qui est des obligations, nous pouvons aller jusqu'à la notation BBB-. En effet, se limiter aux risques faibles reviendrait à investir dans la seule dette d'État des pays occidentaux. Or le conseil de surveillance a souhaité, à juste titre, que l'on puisse acheter de la dette de bonnes entreprises. Aujourd'hui, cette partie représente 30 % de notre portefeuille global de dette – soit les 6,9 % auxquels M. de Courson a fait allusion. Dans la limite de son ratio prudentiel, le FRR n'a aucune raison de concentrer ses investissements obligataires sur les titres d'État, privant ainsi les entreprises de ses capacités d'investissement.
En outre, les obligations d'entreprise ont une échéance moins longue que les titres d'État.
M. de Salins affirme que le FRR n'a pris aucune participation dans les produits de titrisation. Mais, au début de 2007, certains de ces produits faisaient l'objet d'une notation AAA avant d'être déclassés.
En outre, certains actifs du FRR pourraient subir les effets de l'exposition de certains établissements bancaires qui proposaient eux-mêmes ces produits. Il semble que le périmètre de l'impact de la crise soit aujourd'hui relativement défini, mais ce phénomène est-il intervenu dans la performance négative de 2007 ?
L'indice de performance du FRR est global : 8,8 % par an de la date de création au 31 décembre 2007. Qu'en est-il pour les trois classes d'actifs isolément ? Par ailleurs, les performances sont comparées à celles des autres fonds de même nature. Ne pourrait-on aussi les comparer à la performance du marché moyen ou à celle des opérateurs intervenant sur le même type d'actifs ?
On met en balance les 8,8 % de performance nette annualisée et les 4,4 % correspondant au financement de l'État sur le marché. Étant donné que vous détenez un capital sur une très longue période, il serait intéressant de disposer de la performance nette, c'est-à-dire déduction faite de l'inflation. Autrement dit, quel est le rendement réel ?
Une part des 10 % de diversification est affectée au marché des matières premières, qui a connu un boom ces dernières années. Ce marché est déterminé par deux types de flux : les flux d'achats réels, visant à l'utilisation des matières premières, et les flux spéculatifs, dont le montant global a été multiplié par cinq ou six en deux ans. Certaines agences commencent à parler d'une bulle. Il s'agit donc d'une exposition particulière sur un marché particulier. Quels outils le FRR emploie-t-il pour s'y positionner ?
Je le répète, le FRR n'a procédé à aucun investissement, direct ou indirect, dans des produits de titrisation. Fondamentalement, nous investissons dans des valeurs mobilières. Nous avons payé le prix de la crise des subprimes via notre exposition dans le secteur financier. Ce choix reflète le poids des grands établissements financiers et des grandes compagnies d'assurance dans les principaux indices boursiers. Ceux-ci ont beaucoup souffert et continuent de souffrir, ce qui explique une bonne partie de la performance négative du FRR.
Aviez-vous des participations dans des établissements qui se sont trouvés en défaut de paiement ?
Non, mais nous aurions pu en avoir. Cela relève de la responsabilité de nos gérants dans le cadre que nous leur fixons.
La décomposition de la performance globale par grandes catégories d'actifs figure dans le rapport d'activité pour 2007. Le chiffre n'est pas très significatif pour les actifs de diversification, qui représentent un montant faible, même si nous avons gagné de l'argent dans les matières premières et les pays émergents. Dès 2003, le conseil de surveillance du FRR a eu l'intelligence de choisir de s'exposer majoritairement au risque actions dans son allocation stratégique. Nous avons réussi à appliquer cette décision rapidement et dans de très bonnes conditions puisque nous sommes entrés massivement sur les marchés actions en 2004 et au début de 2005, donc à un moment très favorable. Ainsi, nonobstant la crise très violente qui dure depuis neuf mois, notre matelas de surperformance nous permet d'atteindre presque 7 % de performance annualisée à ce jour, avec une performance négative de 4 % seulement depuis le début de l'année.
Vous avez raison de souligner que les chiffres de 8,8 % et de 4,4 % ne tiennent pas compte de l'inflation, Monsieur Flory. Les hypothèses d'inflation sont très importantes pour nous puisqu'il s'agit d'un risque majeur sur le long terme. L'objectif de performance à 6,3 % incorpore une hypothèse retenue par le conseil de surveillance, qui est de 2,5 % au sein de la zone euro. Pour le reste, l'écart entre la performance annualisée et le taux d'intérêt resterait le même, déduction faite de l'inflation. Nous tiendrons toutefois compte de votre suggestion pour notre communication à l'avenir.
Le marché des matières premières pose la question de la notion même de spéculation : à partir de quand est-on un spéculateur ? Pour notre part, nous avons décidé d'investir dans les matières premières ni par volonté de spéculation ni par souci de faire comme les autres, mais, j'y insiste, pour diversifier les risques. Les matières premières représentent 2 à 3 % de l'actif du FRR et n'iront jamais bien au-delà. Le risque majeur que nous avons choisi est celui du marché actions. Cela n'interdit pas d'avoir des sources de performance décorrélées des autres. Cette stratégie a payé en 2007.
Nous sommes attentifs à l'hypothèse de la constitution d'une bulle sur le marché des matières premières. À l'évidence, il existe des facteurs de risque. L'allocation tactique permettra, le cas échéant, de faire baisser notre exposition. Nous prenons ces décisions tous les mois.
Pour être complet sur cette question, nous investissons sur des indices représentatifs et non sur des actifs physiques. La gestion est passive et conservatrice : nos gérants ne font pas d'arbitrages entre matières premières.
Dans ce domaine, il existe plusieurs catégories de risque. Le gérant peut ne pas respecter les mandats que nous lui donnons, investissant par exemple dans une autre catégorie d'actifs que celle indiquée. Comme le portefeuille est compris dans notre bilan et est détenu par notre conservateur-dépositaire, nous avons les moyens de le suivre quasiment en temps réel et de détecter de tels accidents. Des pénalités sont prévues en cas de manquement aux règles du jeu.
Il peut aussi arriver que le gérant fasse faillite. Dans la mesure où nous ne prenons pas de risques de fonds propres, nous sommes protégés. Si le FRR était confronté à une telle situation, ce qui lui arrivera peut-être un jour, il rapatrierait immédiatement l'argent, qui est de toute façon « ségrégué » sur un compte sur lequel il a la main. Le gérant ne peut ni « piquer dans la caisse » ni investir une partie de l'argent du FRR en dehors du cadre de son mandat.
L'expérience montre que nous sommes essentiellement exposés à un risque opérationnel lié au départ d'équipes ou de personnes. Le marché de l'emploi dans l'industrie financière est dynamique, ce qui incite aux comportements de mercenaire. Or nous considérons que la qualité des hommes joue un rôle primordial dans notre décision de confier un mandat. Si le risque de départ de la ou des personnes se matérialise, nous mettons tout de suite l'organisme gérant sous surveillance pour établir s'il y a un impact sur la performance. Nous avons mis en place des comités de gestion réguliers. Si la nouvelle équipe se révèle incapable de prendre le relais, ce qui est assez souvent le cas, nous nous séparons du gérant. C'est déjà arrivé quatre ou cinq fois dans la vie du FRR. Ces décisions ne sont jamais simples mais elles sont indispensables si nous voulons maintenir la valeur du label FRR.
Certains fonds vont jusqu'à dénoncer automatiquement les mandats de gestion en cas de changement des équipes en place.
Je tiens tout d'abord à souligner la qualité des réponses qui nous sont apportées au cours de cette audition.
À la différence de l'Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique – l'ERAFP –, le FRR a la chance de ne pas avoir à gérer, pour un coût exorbitant, des parcours individuels. Il peut assurer une bonne gestion profilée, mais à condition de disposer d'un échéancier et de savoir ce qui se passera après 2020. Il faut donc que l'État dise ce qu'il veut faire.
Même si le terme est à la mode, je pense qu'il serait dangereux que le FRR soit un « fonds souverain ». Je préférerais qu'il soit un fonds de pension collectif, conformément à ce que l'on a prévu au départ, jouant un rôle non négligeable dans l'économie française. Il faudrait pour cela que le débat ait lieu dès maintenant. Le Parlement doit vous soutenir, comme l'a déjà fait le Président Didier Migaud, pour interpeller les pouvoirs publics. L'échéance de 2020 n'est pas si éloignée et une gestion profilée exige que l'on détermine le calendrier des sorties, du transfert d'une partie des actifs sur le marché obligataire, etc. Nous souhaitons que le FRR soit une institution pérenne, mais il est essentiel que l'État tranche en 2009.
En tout état de cause, je préfère un fonds de pension collectif à tout autre dispositif visant à utiliser cet argent sur le court terme sans rien régler.
Enfin, ne serait-il pas judicieux d'affecter les excédents et les prélèvements sur les fonds d'épargne, qui appartiennent aux Français mais sont engloutis annuellement dans le budget de l'État, à l'alimentation du Fonds de réserve pour les retraites ?
Je souscris aux propos de M. Balligand. Il est indispensable que la collectivité nationale, notamment par le biais du Parlement, explicite ses ambitions pour le FRR et fixe un calendrier. Il est grand temps de dessiner cette feuille de route, ne serait-ce que pour permettre une gestion optimale des ressources. S'il reste dans le brouillard, le conseil de surveillance se trouvera dans l'embarras et adoptera une conduite prudente et financièrement sous-optimale. Il nous faut déterminer un niveau de risque compatible avec l'horizon des décaissements que l'on aura fixé.
Concernant l'alimentation du fonds, la suggestion de M. Balligand est une des pistes possibles. Cependant, ce serait mal poser le problème que de fixer un montant en valeur absolue pour le FRR – on a parlé de 150 ou de 200 milliards d'euros. Il est préférable de fixer une ambition en termes de taux de couverture des besoins de financement sur une certaine période. Il ne s'agit pas de rigidifier le dispositif, mais d'avoir un cap faisant l'objet d'actualisations régulières en fonction des projections du COR. S'il existe une ambition collective pour atteindre ces objectifs, nous arriverons à trouver la route pour y parvenir. Pour l'instant, l'horizon s'arrête à 2020 et la route n'a pas été fixée. Il est dès lors difficile de progresser.
Le Président Didier Migaud : Je vous remercie pour la qualité et la franchise de vos réponses. Cette audition aura été d'un grand intérêt. Affaire à suivre…