Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 7 septembre 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la deuxième session extraordinaire de 2009-2010, convoquée par décret du Président de la République du 27 juillet 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l'Assemblée nationale de la République d'Arménie, conduite par M. Ara Babloyan, président du groupe d'amitié Arménie-France. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le Premier ministre, nous sommes dans une journée particulière (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : des millions de Français manifestent aujourd'hui avec le soutien de 70 % de l'opinion publique.

Une réforme est nécessaire, mais pas celle-là. Une autre réforme, juste et durable, est possible. Cette réforme, vous auriez pu, vous auriez dû chercher à la construire avec l'ensemble du pays. C'est l'inverse qui s'est passé. Monsieur le Premier ministre, c'est une faute ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J'accuse le Gouvernement (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) de ne pas avoir joué sincèrement le jeu de la négociation avec les syndicats comme avec les partis de l'opposition. Dans aucun pays la réforme des retraites n'a été conduite sur une période aussi courte et avec aussi peu de dialogue social. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le résultat est une réforme injuste et qui, de votre propre aveu, n'est financée que jusqu'en 2018. Votre projet fait porter 95 % de la charge sur les salariés, 5 % sur les grandes fortunes. Vous programmez une baisse des pensions pour les chômeurs de plus de 55 ans ; vous précarisez les femmes ; vous ne prenez pas en compte la pénibilité ; vous privez les générations futures du fonds de réserve qui devait financer leurs propres retraites.

Monsieur le Premier ministre, nous sommes une opposition responsable. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons fait nos propositions. Nous souhaitons que le débat ait lieu sans esquive de votre part, raison pour laquelle nous n'interrogerons pas aujourd'hui votre ministre du travail sur les nouvelles mises en cause dont il fait l'objet.

Les syndicats qui vous font face ont également fait preuve d'une grande responsabilité. Nous revendiquons une réforme juste, c'est-à-dire qui ne repose pas sur les seuls salariés. Tous nos amendements vont dans ce sens.

Alors, monsieur le Premier ministre, ma question est courte et simple : acceptez-vous enfin d'engager la discussion sincère que les Français – qui se sont mobilisés de façon extraordinaire aujourd'hui – attendent de la représentation nationale et surtout de vous, du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le Premier ministre. (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président Ayrault, dans notre démocratie, il est légitime qu'une question aussi fondamentale que celle des retraites suscite de vifs débats.

Je veux d'abord dire que ceux qui ont choisi de manifester aujourd'hui doivent être respectés.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Le Gouvernement entend leurs inquiétudes, écoute leurs propositions et il est ouvert au débat, pour peu que l'on ne perde pas de vue l'objectif de la réforme que nous proposons : faire en sorte en sorte que la retraite des Français soit payée demain, ce qui ne sera pas le cas si nous en restons au statu quo. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Ceux qui ont choisi de ne pas manifester doivent aussi être respectés. Je voudrais en particulier remercier ceux qui ont fait le choix d'assumer leurs responsabilités professionnelles, n'aggravant pas ainsi la situation économique et financière de notre pays. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs.)

Je veux d'ailleurs, mesdames et messieurs les députés, souligner au passage que notre démocratie a progressé grâce à une décision importante que vous avez prise, celle sur le service minimum, puisque aujourd'hui en France on peut d'un côté manifester son opposition, faire grève, et de l'autre côté, faire en sorte que le pays ne soit pas bloqué et que les usagers puissent, dans les meilleures conditions possibles, se rendre à leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

La question des retraites – et vous le savez bien, monsieur Ayrault, il suffit de regarder ce qui se passe autour de nous – n'est pas de gauche ou de droite. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Ben voyons ! C'est une question de riches et de pauvres !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

C'est juste une question démographique (Nouvelles exclamations.) Si nous avons choisi de proposer d'augmenter à 62 ans l'âge légal de départ à la retraite, c'est parce que depuis 1950 nous avons gagné quinze années de vie.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

C'est aussi parce que l'ensemble des pays européens, sans aucune exception, a choisi cette solution. Je dirai même plus : actuellement, dans la quasi-totalité des pays européens, le débat qui est engagé, et que vous appeliez de vos voeux, entre opposition et majorité, syndicats et patronat, porte sur l'éventualité de passer à 65, 66, 67 ou 68 ans. En proposant 62 ans, le Gouvernement a fait un choix à la fois raisonnable et incontournable pour assurer le financement des retraites des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Alors, monsieur le président Ayrault, vous nous dites que nous allons maintenant débattre projet contre projet. Oui, c'est ici, à l'Assemblée nationale, dans votre assemblée, que se joue désormais le sort des retraites des Français et de la réforme que nous proposons.

Projet contre projet, article après article, argument contre argument, je vous demande de vous élever au-dessus des caricatures et des postures. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous allons confronter nos chiffres et nos propositions. C'est la fierté et l'honneur du Parlement – lui qui est le dépositaire de la souveraineté nationale – d'engager ce débat.

Cela étant, monsieur Ayrault, je voudrais terminer par cette remarque : un projet c'est important, mais la crédibilité de ceux qui le portent, c'est aussi important. (Rires, exclamations et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Or, depuis 1993, la gauche n'a jamais tenu un seul des engagements qu'elle a pris en matière de retraite, et les Français doivent le savoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En 1993, vous aviez promis d'abroger la réforme Balladur ; vous ne l'avez pas fait. En 2003, vous aviez promis d'abroger la réforme que nous avions portée ; vous l'avez désormais intégrée dans les propositions que vous faites. En 2007, vous avez combattu la réforme des régimes spéciaux ; dans votre projet, je n'ai trouvé aucune phrase visant à revenir sur cette réforme. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Tout se passe comme si, pour vous, la bonne réforme, c'était la précédente. Au moment où nous en proposons une nouvelle, celle que vous aviez combattue devient la bonne. J'espère que, cette fois-ci, vous saurez ne plus être en retard sur l'histoire. (Mmes et MM les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe NC.)

Réforme des retraites

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Ma question s'adresse à Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Alors que nous connaissons une crise économique sans précédent, la réforme des retraites est essentielle pour préserver leur avenir et celui des Français.

Le projet que vous portez est un projet équilibré qui doit pouvoir nourrir un consensus responsable au sein de notre société. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ce texte est à la fois nécessaire et juste : nécessaire parce qu'il permet le retour à l'équilibre de nos régimes de retraite,…

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

…juste parce que les efforts sont partagés en ménageant les personnes qui ont commencé à travailler jeunes et celles dont la santé est altérée en raison de leur travail.

L'opposition dit qu'elle reviendra aux 60 ans, mais elle sait que ce n'est pas possible ! D'ailleurs, elle n'est jamais revenue sur nos réformes des retraites ! Car nous ne sommes pas seuls au monde : nous sommes en Europe, où tous les pays, y compris ceux dirigés par les sociaux-démocrates, ont engagé des réformes pour augmenter progressivement l'âge d'ouverture des droits à la retraite. Ainsi, L'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont engagé, ou envisagent de le faire, des processus pour passer de 65 à 67 ans.

La majorité a un projet pour sauver les retraites. L'opposition, elle, ne propose que des taxes alors que pousser les entreprises à délocaliser et amputer le pouvoir d'achat des Français n'est pas le remède. Ce matin même, j'ai lu que Martine Aubry était pour une retraite décotée dès soixante ans. Est-ce être responsable ? Bien sûr que non.

Monsieur le ministre, le temps de l'action est venu. Ce qui doit maintenant mobiliser la représentation nationale, c'est la pérennité de notre système de retraite par répartition et la sauvegarde de notre pacte social républicain. Voilà tout l'objectif du projet de loi juste et équitable que nous commencerons à examiner tout à l'heure. Je vous demande de nous en rappeler les grands axes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – « Levez-vous ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur Jacquat, vous avez raison : le projet du Gouvernement est efficace et juste, comme vient de le dire François Fillon. Il n'est jamais facile de réformer les retraites. Ce n'est pas si aisé d'évoquer la modification de systèmes sociaux aussi profondément ancrés dans les traditions françaises. Notre système par répartition fait partie de notre patrimoine national social, que le Gouvernement veut évidemment conserver. Il veut le garantir. Nous voulons le préserver. Mais si demain nous ne changeons pas le système de retraite, il n'y aura plus d'argent pour payer les retraites des Français. C'est ce que nous dit le Conseil d'orientation des retraites : nous en sommes à 30 milliards de déficit aujourd'hui, et à 45 milliards à l'horizon 2020 selon ses projections. Il faut donc évidemment bouger, changer, réformer. C'est ce que nous proposons.

Au coeur de la réforme, il y a certes des mesures d'âge – on passe de 60 à 62 ans – parce que la vie a changé : en 1980-1982, on vivait moins longtemps qu'aujourd'hui. Il est dès lors normal et logique de prolonger le temps consacré au travail. Tous les gouvernements l'ont fait, de droite comme de gauche. Le Premier ministre l'a rappelé : ce n'est pas une réforme de droite ou de gauche,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…mais une réforme pour la préservation des retraites des Français. Les mesures d'âge sont donc essentielles. Mais il faut aussi des mesures de solidarité. C'est probablement la particularité essentielle du système français de comprendre une dimension de solidarité exceptionnelle : quand on est au chômage, d'autres cotisent pour nous ; quand on attend un enfant et que l'on prend un congé parental, d'autres cotisent pour nous. C'est tout cela que nous voulons préserver. Nous y parviendrons bien évidemment, grâce à vous, monsieur Jacquat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Réforme des retraites

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Monsieur le Premier ministre, vous prétendez imposer un recul généralisé de l'âge de départ à la retraite,…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

…pénalisant les salariés les plus précaires, ceux qui exercent les métiers les plus pénibles, privant la majorité des travailleurs d'une retraite pleine et entière, vous voulez faire payer principalement les salariés tout en protégeant une caste de nantis qui se gavent de produits financiers, de dividendes, de bonus et de stock-options ; vous avez refusé toute négociation et, alors que votre gouvernement est en sursis, vous entendez passer en force au Parlement tandis que nos compatriotes manifestent, par millions, contre votre projet – une délégation de notre groupe rejoindra d'ailleurs, tout à l'heure, la manifestation.

Votre mépris pour la démocratie et pour le peuple est intolérable ! Il témoigne de votre volonté, sous surveillance du MEDEF et des agences de notation, d'en finir avec le socle social bâti à la Libération ! Ainsi, après celles de 1993 et de 2003, la réforme de 2010 serait une nouvelle étape dans la casse de la retraite par répartition pour pousser les salariés vers un système par capitalisation. C'est le fond même de votre projet,

Les députés communistes, républicains, citoyens, ultramarins et du parti de gauche ont déposé une texte de loi qui vise, au contraire, à garantir le financement du droit à la retraite à 60 ans. Notre pays en a les moyens : cela passe par une autre répartition des richesses, une véritable politique de l'emploi, l'augmentation des salaires et la décision de faire cotiser tous les revenus financiers, stock-options, participations et bonus, au même niveau que les salaires. Durant l'été, nos propositions ont reçu plus de 100 000 signatures, que nous allons vous remettre.

La retraite, c'est un enjeu de société. Allez-vous donc entendre la colère de notre peuple face à votre projet économiquement inadapté et socialement injuste ? Allez-vous enfin ouvrir de vraies négociations pour garantir le financement du droit à la retraite à soixante ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur Paul, il n'y a nul mépris dans les propositions du Gouvernement, ni dans l'attitude ni dans la méthode, malgré ce que vous dites. À travers cette réforme, le Premier ministre l'a affirmé à plusieurs reprises, nous avons souhaité développer une concertation extraordinairement intense. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Il ne faut pas jouer avec les mots. On a parlé de négociation, mais j'ai indiqué très clairement aux syndicats que nous ne pouvions pas être dans un strict processus de négociation à partir du moment où il y avait au préalable un rejet absolu de toute mesure d'âge. Si on nous dit : « D'accord pour réformer les retraites, mais il ne faut pas toucher à l'âge », il est difficile de se parler. Nous en avons convenu avec les partenaires sociaux, entamant dès lors des discussions extraordinairement fortes, intenses et approfondies sur tous les sujets.

Nous intégrons la pénibilité dans ce texte.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Sans doute pas assez selon vous, monsieur Paul, mais nous l'introduisons à un niveau probablement jamais atteint en Europe. (Protestations sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.) Aucun lien n'est établi entre la pénibilité et la retraite dans un autre pays. Certes, il y a des liens entre la pénibilité et les régimes d'incapacité ou d'invalidité, mais pas avec les régimes de retraite. Pour la première fois, un gouvernement va établir un lien entre la pénibilité, due à l'exposition à des facteurs de risques, et la retraite, offrant ainsi la possibilité aux salariés concernés de prendre leur retraite à 60 ans.

Le fond de notre réforme consiste bien à préserver et à consolider le système par répartition, dans lequel les actifs d'aujourd'hui payent les retraites des retraités d'aujourd'hui, dans le cadre d'un système de solidarité. Tel est le coeur de notre réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, nous allons entamer l'examen du projet de loi relatif à la réforme des retraites, réforme indispensable pour assurer la pérennité du système. (À ce moment, la plupart des députés du groupe GDR, descendus des travées, se massent devant le banc du Gouvernement, où ils tentent de remettre des documents aux ministres. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, veuillez regagner tout de suite vos places !

(De nombreux députés du groupe UMP se lèvent et scandent : « Staliniens ! Staliniens ! », puis : «Voyous ! Fascistes ! ». – Quelques-uns s'approchent également du banc du Gouvernement.)

Réforme des retraites : pénibilité

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures dix-huit, est reprise à quinze heures vingt et une.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est reprise.

Que chacun reprenne sa place et son calme ! L'Assemblée nationale est la maison du dialogue. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La parole est à M. Francis Vercamer, pour poser sa question.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Je tiens à exprimer la désapprobation du groupe Nouveau Centre pour cette manifestation qui est indigne de notre pays.

Je poursuis l'exposé de ma question.

Pour être accepté par les Français, le projet de loi relatif à la réforme des retraites doit être juste et équitable.

Vous avez décidé, monsieur le ministre du travail, d'introduire plusieurs dispositions relatives à la pénibilité, qui semblent pouvoir encore faire l'objet d'améliorations. La pénibilité au travail est un thème majeur, et le groupe Nouveau Centre tient à réaffirmer son attachement à une meilleure prise en compte des situations d'usure professionnelle des salariés. Ainsi, nos propositions relatives à la mise en place d'un observatoire des pénibilités ont été acceptées par le Gouvernement en commission. C'est un pas en avant pour analyser dans la durée les situations de pénibilité et prendre en compte les évolutions techniques au sein des filières professionnelles.

En lien avec les partenaires sociaux, le groupe Nouveau Centre a formulé d'autres propositions pour mieux prévenir l'usure professionnelle des salariés. Nous demandons au Gouvernement d'être ouvert au cours des débats aux dispositions des parlementaires qui permettront à notre pays d'être pionnier en Europe pour la prise en compte de la pénibilité.

Ainsi, en matière de prévention et de suivi des parcours professionnels, une réforme de l'organisation des services de santé au travail est incontournable pour mieux organiser la traçabilité et anticiper les effets de l'exposition des salariés à des facteurs de pénibilité.

Monsieur le ministre, votre projet de loi franchit une première étape pour une meilleure prise en compte de la pénibilité, mais les attentes en ce domaine qui s'expriment actuellement dans notre pays restent fortes. Quelles précisions pouvez-vous d'ores et déjà nous apporter sur les voies d'amélioration de votre texte pour mieux prendre en compte les situations de pénibilité et les enjeux de la santé au travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le député, le groupe Nouveau Centre a effectivement présenté toute une série de propositions et, comme nous l'avons montré en commission, sous la présidence de Pierre Méhaignerie, nous sommes prêts à en écouter beaucoup.

Vous avez insisté sur la question centrale de la pénibilité : comment prendre en compte dans le cadre des retraites l'usure physique prématurée due au travail ? Le terme « usure » n'est guère satisfaisant mais c'est celui qui est employé en général. Une personne qui exerce un travail pénible et en a des marques physiques peut-elle et doit-elle partir à la retraite plus tôt que les autres ? Le Gouvernement a répondu oui à cette question, par le biais, vous le savez, de la branche accidents du travail, maladies professionnelles, à partir d'un taux d'incapacité de 20 % : si un salarié a 20 % d'incapacité, il pourra conserver le droit de partir à la retraite à 60 ans, quand les autres travailleurs partiront à 62 ans. C'est une avancée sociale majeure.

Le groupe Nouveau Centre a fait d'autres propositions, notamment celle d'un observatoire de la pénibilité. Nous y sommes sensibles et en débattrons dans les prochains jours. Le Gouvernement regarde cette proposition de manière positive, d'autant que la vraie réponse à la pénibilité ne saurait être uniquement donnée sous forme de compensation. Il est même presque inhumain de parler de compensation en la matière. Comment peut-on laisser la santé d'un salarié se dégrader ? La bonne réponse relève de la prévention et il est très important que ce volet soit développé dans la loi. Comme vous, je considère que le fonctionnement de la médecine du travail doit être amélioré, et nous ferons des propositions en ce sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marisol Touraine, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Monsieur le ministre du travail, c'est avec beaucoup de gravité que les socialistes s'engagent dans ce débat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) parce qu'il est décisif pour l'avenir des Français. Cela ne semble pas être l'état d'esprit de votre majorité. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) En effet, monsieur le Premier ministre, les postures et les caricatures sont de votre côté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Lorsque je lis sous la plume de M. Copé, ce matin, que les socialistes n'ont rien d'autre à proposer que des prélèvements, des taxes et des impôts, cela signifie que M. Copé n'a pas lu notre projet, pas plus qu'aucun d'entre vous. Vous êtes autistes à l'égard de l'opposition, comme à l'égard des millions de Français qui défilent aujourd'hui dans la rue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Oui, nous avons un projet, qui n'est pas le même que le vôtre.

Notre projet est juste, financé et efficace.

Notre projet est fondé sur l'équilibre des contributions parce qu'il est juste qu'à l'effort nécessaire des salariés réponde aussi une contribution des revenus sur le capital. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Cela, vous le refusez.

Notre projet insiste sur l'importance de tenir compte de la réalité des parcours professionnels. Est-il normal que quelqu'un qui a commencé à travailler à seize ans ou vingt ans soit traité de la même manière qu'un professeur d'université ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

C'est nous, pas vous qui avons pris des mesures à ce sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Est-il normal que quelqu'un qui a subi des conditions de travail pénibles parte à la retraite au même âge ? Nous proposons que la durée de cotisation tienne compte de la pénibilité et des conditions de travail.

Notre projet est fondé sur une mobilisation importante, volontariste, en faveur de l'emploi et, notamment, de l'emploi des seniors, avec une modulation des cotisations patronales vieillesse. Cela, vous ne le faites pas. Vous ne le proposez pas.

Enfin, nous proposons, pour pérenniser notre système de retraite, de maintenir le Fonds de réserve des retraites, que vous sabordez.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Madame la députée, je partage la même gravité sur ce sujet, tout comme le Gouvernement de François Fillon. Nous le traitons avec le même sérieux. Il n'y a pas de caricature de notre part. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous ne cherchons pas aujourd'hui à caricaturer les propositions du parti socialiste, comme je ne me permettrais de caricaturer aucune proposition, en particulier celles des partenaires sociaux. Cela étant, on peut ne pas être d'accord, et il existe des sujets de désaccord entre nous. Je le regrette d'ailleurs. Je pense que nous aurions pu partager beaucoup de sujets d'accord. Mais cela n'a pas été le cas.

J'étais favorable – François Fillon le sait bien – à ce que nous puissions avoir un dialogue au fond qui nous permette de partager, de traiter ensemble, un maximum de sujets sur les retraites. Cela n'a pas été possible. Je ne rejette la faute sur personne. Ce n'est pas la question.

Le projet du parti socialiste sur les retraites existe. Vous l'avez défendu en commission. Mais il est fondé sur autre chose : sur des recettes fiscales, une trentaine de milliards d'euros supplémentaires d'impôts ou de charges.

C'est votre manière de voir les choses. Ce n'est pas la nôtre. Nous pensons que, si nous surchargeons la fiscalité des uns et des autres, c'est la compétitivité du pays qui s'enfuit et se dégrade ; par suite, le chômage devient persistant et, avec lui, d'autres problèmes pour le financement des régimes sociaux comme pour le financement des retraites. Nous serions alors dans un cercle qui serait loin d'être vertueux.

Pour nous, les retraites sont essentiellement un problème d'âge et nous devons tenir compte de l'évolution de la vie. Nous proposons aussi des mesures de recettes, mais pas à votre niveau. Nous aurons un débat à ce sujet, madame Touraine, mais ne caricaturons pas, ni le projet du Gouvernement, ni vos propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Monsieur le président, il n'est pas d'usage que, à l'occasion d'une séance de questions au Gouvernement, je me substitue à l'un de mes amis députés, en l'occurrence Gérard Cherpion, qui devait poser une question importante sur l'emploi. Si je le fais, c'est pour élever ici, au nom de notre groupe, une protestation très calme, mais très solennelle, à l'encontre des députés communistes, dont le comportement est tout simplement inqualifiable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Bien loin de l'Assemblée de dialogue, monsieur Accoyer, nous avons entendu des injures, des clameurs, et les députés communistes nouvelle manière ont eu, vis-à-vis du ministre du travail et du Premier ministre, un comportement qui nous a quelque peu surpris.

Si nous travaillons, tous autant que nous sommes, c'est au service de la France. Chaque avis est respectable. La réforme des retraites est vitale pour notre pays, et nous entendons bien défendre ici l'intérêt des Français, en sauvant le système de retraite par répartition.

Au nom de mes amis députés, je souhaite que ce débat se déroule dans le respect de chacun. Monsieur le président, eu égard au comportement que viennent d'avoir les députés communistes, je demande que nous soyons en situation d'appliquer le règlement. Il me semble que, en pareille circonstance, il prévoit, au minimum, un rappel à l'ordre comme sanction pour marquer que chacun, dans les institutions de la République, doit se respecter. (Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe NC. – Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Mais je ne voudrais pas que les communistes imaginent que nous allons laisser passer cette occasion pour rappeler que les résultats de l'emploi en France se sont améliorés grâce à la croissance, grâce au travail des Français et grâce à la politique économique que nous menons. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je souhaiterais, en pensant à mon ami Gérard Cherpion, qui aurait formulé cette question infiniment mieux que moi, interroger M. Wauquiez sur la situation de l'emploi dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Monsieur le député, c'est bien évidemment en songeant à Gérard Cherpion – qui est, dans votre groupe, l'expert en matière de politique de l'emploi – que je vais vous répondre.

Il nous a en fait interrogés sur la situation et les chiffres de l'emploi. Avec le recul, on mesure que, en la matière, les choix qui ont été faits par le Gouvernement de François Fillon se sont avérés positifs au bout de deux ans de crise. Notre pays a mieux résisté que d'autres, par exemple la Grande-Bretagne ou les États-Unis. D'autre part, depuis plusieurs semaines, les signaux sont en train de se mettre au vert. Nous avons connu deux mois consécutifs de baisse du nombre de demandeurs d'emploi. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Pour la première fois depuis la crise, le taux de chômage a reculé, à 9,3 %. D'autres signes ont été remarqués : la hausse des chiffres de l'intérim, la reprise des embauches, la reprise des offres d'emploi collectées par Pôle emploi, la baisse du nombre de plans sociaux.

Bien entendu, c'est là le résultat d'une mobilisation et des choix du gouvernement de François Fillon, qui ont été à rebours d'un traitement statistique du chômage. La seule proposition du parti socialiste en matière de politique de l'emploi consistait à baisser le taux de TVA, mesure qui fut expérimentée en Grande-Bretagne et qui a obtenu des résultats catastrophiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

À l'inverse, la majorité a choisi de miser sur des dispositifs comme l'activité partielle, les contrats aidés, la reconversion des demandeurs d'emploi, les mesures de soutien à la création d'activité.

Aujourd'hui, ce sont les fruits de ces efforts que nous commençons à récolter. Certes, la situation reste très difficile pour bon nombre de nos compatriotes et nous ne devons rien lâcher sur le front de l'emploi. Mais l'engagement qu'avait pris le Président de la République d'arrêter en 2010 la hausse massive du chômage sera tenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Marie-Jeanne

Ma question s'adresse à Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports.

Madame la ministre, les 27 et 28 août 2010, en votre qualité de ministre de la santé et des sports, accompagnée de Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l'outre-mer, vous avez effectué une double visite, en Martinique et en Guadeloupe, pour vous enquérir de la situation sanitaire suite à l'épidémie de dengue qui y fait rage depuis six mois.

Au total, on dénombre près de 70 000 cas, dont une vingtaine de décès. Dois-je rappeler que la partie sud de la France est elle-même touchée, comme en témoigne la circulaire du 17 mai 2010 relative aux modalités de mise en oeuvre du plan anti-dissémination de la dengue et du chikungunya ?

De plus, l'Organisation mondiale de la santé signale que le phénomène n'a cessé de progresser dans le monde depuis une trentaine d'années. Elle estime à 2,5 milliards le nombre de personnes exposées au risque de contamination.

S'il est vrai que des mesures préventives et logistiques ont été envisagées, demeure néanmoins la problématique des résistances et mutations virales.

En conséquence, madame la ministre, ma question cible plus exactement l'état de la recherche scientifique en ce domaine, sachant qu'il n'existe ni vaccin ni traitement, et que nul n'est épargné. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur Marie-Jeanne, en effet, ma collègue Marie-Luce Penchard et moi-même nous sommes rendues, les 27 et 28 août derniers, en Martinique et en Guadeloupe pour faire le point sur l'épidémie de dengue qui y sévit et sur les nouvelles mesures qu'a prises le Gouvernement en la matière.

Vous l'avez rappelé : 70 000 personnes sont touchées par cette arbovirose, dans un contexte d'extension de la pandémie sans doute liée, d'ailleurs, au réchauffement climatique. Certes, l'épidémie semble marquer le pas, et le prochain bulletin épidémiologique de l'Institut de veille sanitaire devrait le confirmer, mais cette épidémie est particulièrement intense et précoce.

Diverses réunions interministérielles ont eu lieu, qui ont permis de mobiliser de nouveaux moyens. Nous avons pu constater leur mise en oeuvre. Des crédits nouveaux sont destinés à la démoustication. Les militaires ont été mobilisés pour la destruction des gîtes larvaires. J'ai admis au remboursement des méthodes de diagnostic précoce de la dengue.

Nous avons également décidé, avec Marie-Luce Penchard et Jean-Louis Borloo, de mobiliser des crédits pour la destruction des véhicules hors d'usage. Avec Marc-Philippe Daubresse, le ministre de la jeunesse et des solidarités actives, nous mobilisons 300 volontaires du service civique pour former les populations.

Mais il faut agir aussi beaucoup plus en amont avec la recherche. De nombreux programmes, à la fois publics et privés, sont en oeuvre. La recherche française est en pointe sur les arboviroses, par exemple le programme hospitalier de recherche clinique au CHU de Fort-de-France, ou un programme sur l'épidémiologie qui va nous permettre de mieux détecter les formes de contamination par la dengue. Nous attendons enfin, en recherche privée, un vaccin qui devrait être opérationnel en 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, à la suite des graves événements survenus au mois de juillet dernier dans l'Isère et à Saint-Aignan, le Président de la République a rappelé, dans son discours de Grenoble, la totale détermination du Gouvernement à lutter contre les délinquants. Vous-même, monsieur le ministre, avez été omniprésent pendant tout l'été sur le front de la lutte contre l'insécurité. Vous vous êtes attaché à défendre les décisions du Président de la République et à valoriser sur le terrain l'action courageuse des forces de sécurité. Nous le savons, les résultats sont au rendez-vous, et la délinquance globale baisse.

Si j'en crois, par exemple, le dernier rapport de l'Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale, la baisse du nombre d'atteintes aux biens enregistrées par la police et la gendarmerie s'accentue fortement depuis le mois de mai. Ainsi ce nombre recule-t-il de 3 % sur les douze derniers mois.

Quant aux faits de violences et de menaces, leur taux d'accroissement sur douze mois diminue de façon régulière. Il a par exemple été divisé par deux en quatre mois.

Malgré ces résultats encourageants, nous déplorons toujours des actes inacceptables.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Que font les maires ? (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous dire la tristesse et la colère que j'éprouve à la suite du crime atroce commis dans ma commune de Marcq-en-Baroeul le week-end dernier. Dimanche soir, une jeune femme de vingt-neuf ans a disparu. Depuis, on l'a retrouvée assassinée.

Si toutes mes pensées vont vers la famille et les proches de cette jeune victime, à qui j'adresse mes sincères condoléances, je tiens à rendre hommage aux policiers qui, en moins de vingt-quatre heures, ont pu retrouver le récidiviste suspect de ce crime atroce et inhumain.

Pouvez-vous nous rappeler, monsieur le ministre, quelle politique vous menez pour assurer la sécurité de nos concitoyens ? Vous présenterez dans quelques minutes au Sénat le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Pouvez-vous nous dire quelles nouvelles mesures vous avez décidées afin de lutter contre la délinquance et la criminalité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Tout d'abord, monsieur le député, le Gouvernement s'associe naturellement aux pensées que vous avez exprimées à l'égard de la famille de cette jeune femme violée et assassinée.

Vous l'avez dit à juste titre : un suspect a été arrêté, il l'a été rapidement, et je vous remercie de l'hommage mérité que vous rendez aux policiers. Cela me permet de souligner que, dans 93 % des cas, en France, les meurtriers sont identifiés, interpellés et déférés. Cela signifie tout simplement qu'il n'y a pas d'espoir pour un meurtrier : la puissance publique et l'autorité de l'État finissent toujours par l'emporter.

Vous soulignez également à juste titre les résultats obtenus en matière de lutte contre la délinquance. Les atteintes aux biens sont effectivement en diminution constante. S'agissant des violences faites aux personnes, point noir pour toutes les sociétés développées, la spirale à la hausse a été cassée. Au mois de juillet, le mouvement s'est même inversé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est l'Observatoire national de la délinquance, organisme indépendant, qui le dit.

Au-delà de ces résultats positifs, la délinquance évolue, la délinquance bouge, et nous devons toujours être réactifs. C'est pourquoi nous proposons d'aller plus loin dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dont je précise que c'est la seule loi de sécurité intérieure qui sera examinée et votée pendant ce quinquennat. Nous proposons d'aller plus loin, notamment avec une peine-plancher pour les délinquants auteurs de violences aggravées, sans attendre la récidive, et la possibilité de saisir immédiatement les biens des délinquants, pour les frapper au portefeuille, biens qui seraient affectés aux services ou vendus aux enchères publiques.

Je vous le dis donc, monsieur le député : nous sommes totalement, exclusivement, mobilisés au service d'une ambition simple et juste, celle d'assurer la sécurité et la tranquillité de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Selon vous, monsieur le ministre du travail, l'urgence de la réforme procède de la crise, qui a creusé les déficits. C'est vrai, mais vous ne répondez à cela que par des mesures qui n'ont rien à voir avec la crise. Celle-ci n'a évidemment pas changé le contexte démographique, mais nombre de nos concitoyens se sont malheureusement retrouvés au chômage, ce qui explique les pertes de recettes du régime de retraite. Répondre à la situation nouvelle née de la crise supposait d'agir sur ses causes, c'est-à-dire sur l'emploi, ce que vous ne faites pas, et de trouver des recettes nouvelles, ce que vous ne faites pas non plus. Eh bien, c'est ce que nous, socialistes, proposons !

Pour votre part, vous répondez par l'injustice et l'irresponsabilité financière.

L'injustice, c'est tout d'abord le report de l'âge légal de la retraite à 62 ans, en réalité un impôt sur les salariés les plus modestes, qui pourraient prendre leur retraite et qui vont cotiser pour rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

L'injustice, c'est encore une répartition qui laisse presque la totalité du financement, 95 %, à la charge des salariés, tandis que 5 % seulement proviendront des revenus du capital.

L'injustice, c'est enfin celle que subit la jeunesse, car votre réforme n'est pas financée. Rien n'est prévu au-delà de l'année 2018 et, dans les premières années, le seul financement que vous prévoyez, c'est la liquidation du Fonds de réserve des retraites constitué par la gauche. Comment prétendre redonner confiance à la jeunesse quand toute votre politique consiste à ne lui laisser que des dettes et à faire main basse sur les ressources qui lui étaient destinées ?

Nos concitoyens ont compris : votre réforme, c'est l'injustice, et c'est une réforme qui ne résout rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le député, tous les gouvernements d'Europe font la même analyse que le gouvernement français sur les retraites, par-delà les différences qui existent entre les systèmes.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Tous les gouvernements font la même analyse : il faut, à un moment donné repousser l'âge jusqu'auquel on travaille, tout simplement parce que la durée de la vie se prolonge elle-même. Savez-vous qu'après notre réforme, lorsque les salariés partiront à la retraite en 2018 à l'âge de 62 ans, ils passeront trois années de plus en retraite que lorsque la retraite à 60 ans a été instaurée ? La vie a ainsi évolué.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Si un tel partage n'est pas fait, ce sont des charges absolument considérables qui pèseront sur les épaules de tous les actifs. Nous sommes tous attachés, je vous le rappelle, au système par répartition, selon lequel tous ceux qui travaillent, les salariés mais aussi les indépendants, les paysans, tous ceux qui cotisent, participent au financement de la retraite de ceux qui ont travaillé avant eux. C'est cela, le système par répartition : les actifs du moment paient les pensions des retraités du moment. Nous devons protéger, consolider et renforcer ce système, il s'agit bien de cela.

Évidemment, la crise a amplifié les choses, mais elle n'a fait que les amplifier. Les questions qui se posent sont structurelles, et nous y répondons par des réponses structurelles, notamment en matière de retraites.

Lorsque vous prétendez que nous ne prélevons pas de recettes supplémentaires, ce n'est pas exact. Dans le projet de loi de finances ou le projet de loi de financement de la sécurité sociale – vous savez que l'organisation est aujourd'hui un peu différente –, les recettes supplémentaires, prélevées à la fois sur les entreprises et sur les plus aisés d'entre nous, seront de 4 milliards d'euros. C'est une réforme juste, profondément juste, pour l'ensemble des catégories de la population. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Ma question s'adresse à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Le projet de loi de réforme des retraites a pour ambition de renforcer l'équité de notre système par répartition.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

En cela, la convergence entre le public et le privé constitue une équité de traitement logique entre tous les Français.

Pour un montant de pension à peu près similaire dans le public et dans le privé, rien ne justifie le maintien des écarts existants entre les coûts d'acquisition. Aussi, nous nous réjouissons de voir que le Gouvernement a pleinement pris en compte cet aspect en prenant un certain nombre de dispositions essentielles au-delà des seules mesures d'âge qui, elles, s'appliqueront de façon universelle. J'ajoute que ces dispositions sont attendues par nos concitoyens. Nous devons prendre nos responsabilités face à une situation démographique et économique que nous connaissons tous. Il s'agit de pérenniser un système qui a permis une réelle amélioration des conditions de vie des retraités.

Sur la question spécifique du report de l'âge de départ à la retraite, nous ne pouvons pas accepter l'idée, encore défendue ce matin par Mme Aubry, d'une retraite maintenue à soixante ans, mais à taux réduit. Car cela reviendrait, mes chers collègues, à accepter une baisse du niveau des pensions. Or, pour la majorité, c'est inacceptable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de bien vouloir nous indiquer quels moyens vous comptez consacrer à la convergence entre le public et le privé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Madame la députée, vous connaissez très bien ces sujets, et votre participation à la commission des affaires sociales, au mois de juillet, a montré combien vous étiez au fait des questions que nous évoquons ici. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. -Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Je voudrais également souligner combien vous avez raison de dire que les Français sont très attachés, dans le cadre de la réforme que nous mettons en oeuvre, à ce que les principes d'équité entre le public et le privé soient parfaitement respectés ; nul n'aurait compris, dans les formations politiques, quels que soient les bancs, pas plus que dans les syndicats, que nous ne nous attachions pas à régler ce problème dans le cadre de la continuité de la réforme mise en oeuvre en 2003 sous l'autorité de François Fillon.

Vous avez très bien résumé les choses. Quatre moyens vont être mis en oeuvre dans le cadre de cette réforme. Le premier, vous l'avez dit, c'est l'homogénéité des mesures d'âge, puisque nous allons reculer dans la fonction publique, toutes catégories confondues, les limites d'âge de deux ans. C'est vrai pour les catégories actives, sédentaires et militaires. Nous maintenons une exception pour les infirmiers qui opteraient pour l'intégration dans la catégorie A de la fonction publique, dans le cadre de l'article 37 du projet de loi sur le dialogue social.

Nous avons ensuite décidé d'harmoniser les taux de cotisation pour l'acquisition d'une retraite : 7,85 à 10,55. Ce sera 6 euros par mois sur dix ans, parfaitement absorbés dans le cadre des augmentations naturelles du pouvoir d'achat.

En troisième lieu, nous avons décidé d'éteindre, à partir du 1er janvier 2012, le dispositif qui permet aux parents de trois enfants et ayant quinze ans de service de partir à la retraite de façon anticipée. C'est à la fois une demande du corps et de la Commission européenne.

En dernier lieu, nous avons décidé d'harmoniser les conditions d'obtention du minimum garanti par rapport au minimum contributif dans le privé, en demandant que le taux plein soit atteint. C'est l'homogénéité, c'est une demande et c'est justice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur le Premier ministre, vous avez cru utile de souligner la responsabilité professionnelle des non-grévistes. Permettez-moi de vous dire que les grévistes ne sont pas des irresponsables, mais des citoyens qui acceptent de perdre une journée de salaire pour exercer un droit constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Le 25 mai 2010, monsieur le ministre du travail, vous déclariez : « Nous allons intégrer la reconnaissance de la pénibilité dans la réforme. Nous nous appuierons sur la définition des partenaires sociaux, qui ont privilégié l'approche par les facteurs d'exposition, qui est la seule possible. »

Or, trois semaines plus tard, vous avez fait exactement le contraire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Votre projet prévoit en effet que seuls les salariés qui présentent un taux d'incapacité de 20 % pourront continuer à partir à soixante ans. Ce projet est tellement restrictif que, sur les 700 000 personnes qui partent à la retraite chaque année, vous estimez que seulement 10 000 seront concernées par cette avancée. Ainsi, la pénibilité, sujet majeur, ne représenterait que 1,5 % de l'ensemble des salariés.

En confondant la pénibilité et l'invalidité, vous faites le choix délibéré d'ignorer la réalité d'une différence de sept ans d'espérance de vie entre les ouvriers et les cadres supérieurs (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), d'ignorer les travaux du Conseil économique et social sur les risques accrus de cancer engendrés par le travail de nuit, d'ignorer que le salarié qui travaille au contact de l'amiante ou de substances dangereuses ne ressent rien, mais que ses conditions de vie seront définitivement affectées.

Le Conseil d'orientation des retraites avait lui-même défini la pénibilité comme les expositions qui réduisent l'espérance de vie sans incapacité. Le projet soutenu par le groupe socialiste vise à la réparation de cette injustice majeure et reprend cette définition. C'est la seule solution pour que le droit à la retraite, c'est-à-dire le droit d'espérer profiter normalement de ce temps de la vie reste une réalité pour des millions de salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur Vidalies, la pénibilité est un sujet complexe, que vous connaissez bien. C'est un sujet que le Gouvernement a décidé d'intégrer dans le texte. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Ce n'était pas, au départ, évident. Nous aurions pu faire comme les gouvernements allemand, anglais, espagnol ou italien, c'est-à-dire ne pas tenir compte de la pénibilité, mais uniquement prévoir des systèmes de rente pour incapacité, inaptitude ou invalidité. Nous avons voulu établir un lien entre pénibilité et retraite.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous le faisons dans le cadre de la pénibilité immédiate, c'est-à-dire la pénibilité que l'on constate. Car si l'on ne constate pas la pénibilité, il y a beaucoup d'injustices possibles. Pourquoi quelqu'un qui serait en forme au moment de partir à la retraite partirait plus tôt qu'un autre s'il n'y a pas d'élément objectif ? Il faut qu'il y ait une justice en la matière. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

La meilleure façon d'agir est de constater l'état de santé de celui qui va partir à la retraite. Si sa santé est altérée, et c'est la sécurité sociale qui détermine les règles en la matière, nous avons fixé un taux de 20 % d'incapacité, vous avez tout à fait raison. Dans ce cas, une personne conservera le droit de partir à soixante ans.

Il y a également les carrières longues. Ce sont souvent les mêmes gens qui ont commencé à travailler tôt et sont soumis à des facteurs d'exposition plus importants ; 90 000 personnes sont concernées par les carrières longues. Les personnes souffrant de 20 % d'incapacité sont au nombre de 100 000, sur les 700 000 qui pourront continuer de partir à soixante ans.

Le Premier ministre l'a indiqué, le Président de la République nous a demandé de continuer à réfléchir durant l'été, ce que nous avons fait. Nous déposerons des amendements, mais ceux-ci ne remettront pas en cause l'équilibre général du texte. Cela étant, ils l'amélioreront car, sur un sujet aussi grave, il faut continuer d'améliorer les choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail.

Qu'est-ce que le courage ? Le courage, c'est de garder devant l'agitation une âme sereine et un esprit libre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et n'en doutez pas, mes chers collègues, le texte que nous allons étudier dès cet après-midi est un texte courageux. Il eût été plus facile d'annoncer une réduction du temps de travail avec, éventuellement, le passage des 35 heures aux 32 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais nous n'avons pas d'autre choix que de prendre nos responsabilités, et nous les prendrons !

Cette réforme est nécessaire à la fois pour sauvegarder le niveau des pensions des retraités d'aujourd'hui et pour sauver l'avenir des retraites des générations futures, donc de nos enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Nous avons un vrai projet qui traite tous les aspects du problème et ne prévoit pas seulement, comme le préconisent nos collègues socialistes, une pression fiscale supplémentaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Dalloz

Pour la première fois, nous prenons en compte les conséquences, au plan de la santé, des parcours exposés à la pénibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'entends les attentes créées par cette mesure nouvelle et nous allons débattre longuement des modalités de son application. Mais il ne s'agit surtout pas de créer une nouvelle usine à gaz ou de nouveaux régimes spéciaux. Cette prise en compte de la pénibilité sera financée par les entreprises sur la branche accidents du travail. Dans ce cadre, l'impact sur la compétitivité de nos entreprises françaises peut être un risque. Or, on le sait, une perte de compétitivité engendre des délocalisations et des pertes d'emplois.

Monsieur le ministre, comment concilier ces deux approches que sont l'attente légitime de nos concitoyens en matière de pénibilité et les impératifs économiques de nos entreprises françaises ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Madame la députée, vous avez raison : la pénibilité est prise en compte dans le projet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je sais que le parti socialiste dit le contraire, mais la pénibilité est prise en compte, ce que n'a fait aucun gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On ne peut évidemment pas le faire en complexifiant à outrance la manière de la mesurer. Mais nous devons établir des rapports entre les situations de pénibilité et leurs effets. Ainsi, les facteurs d'exposition aux risques ont été répertoriés par les partenaires sociaux et par les médecins ; nous devons en tirer des conséquences en termes d'espérance de vie, par exemple. On ne peut certes pas toujours le faire. Il y a, en la matière, encore beaucoup de manques au niveau scientifique.

Nous rencontrons aussi des difficultés pour assurer la traçabilité des carrières. Que faisait-on il y a vingt ans ? Sur quel type de machine travaillait-on ? À quelles substances cancérogènes était-on exposé ? Tout cela nécessite une longue réflexion.

Ne pas mener cette réflexion et ne pas obtenir de réponse nous donnerait une vision totalement collective et serait, en conséquence, source d'injustice. Nous allons, bien évidemment, prendre en compte, dans ce texte, les attentes des Français. Nous évoluerons naturellement, mais dans une mesure raisonnable et acceptable.

Comme vous l'avez précisé, nous ne devons pas franchir la ligne blanche de la compétitivité de nos entreprises. Nous devons faire très attention à ne pas alourdir l'ensemble des entreprises françaises alors que nous sortons de la crise ! Laurent Wauquiez l'a dit tout à l'heure : l'emploi est aujourd'hui en train de repartir. Nous devons y veiller très attentivement. J'imagine que, quels que soient vos bancs, vous êtes tous d'accord : nous devons sortir de la crise. La vraie réponse, humaine et économique, est au fond d'éviter le chômage. Nous y veillerons bien évidemment. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Monsieur le président, ma question, à laquelle j'associe mes collègues Pascale Crozon et Catherine Coutelle, s'adresse à M. le ministre du travail.

Selon les informations qui nous parviennent, des millions de manifestants battent le pavé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour dire leur désaccord avec votre réforme injuste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ils savent le prix qu'en paieront les précaires, les jeunes, les malades, mais aussi l'ensemble des salariés.

Mais il y a surtout, mes chers collègues, une forte mobilisation des femmes de ce pays qui, plus que d'autres encore, savent ce que pourrait vouloir dire pour elles l'application de votre réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Aujourd'hui déjà, 50 % des femmes touchent moins de 900 euros de retraite ; leur pension moyenne est de 40 % inférieure à celle des hommes et 41 % des femmes seulement valident une carrière complète contre 86 % pour les hommes.

Ces inégalités sont déjà consternantes pour une société prétendument moderne et votre projet ne fera que les accentuer. Ainsi, allonger de 60 à 62 ans l'âge de départ à la retraite et de 65 à 67 ans celui du taux plein fera des femmes les premières victimes. Chacun sait qu'elles subissent des carrières discontinues, plombées par les salaires moindres, les temps partiels et la décote.

J'ajoute qu'en rabotant les mesures compensatoires des inégalités de sexe et les bonifications pour enfants, vous revenez sur des acquis pour l'égalité hommes femmes.

Le Laboratoire de l'égalité révélait, hier, que 91 % des Français pensent que la cause des femmes n'est pas suffisamment prise en compte par votre réforme. Une vingtaine d'associations ont saisi la HALDE pour dénoncer son caractère discriminatoire. Enfin, le Secours Catholique s'alarme que les femmes constituent bientôt l'essentiel des pauvres de notre société.

Monsieur le ministre, que vous faut-il de plus pour que vous compreniez qu'une autre réforme est nécessaire ? Qu'entendez vous faire pour que, contrairement à ce que vous défendez aujourd'hui, la cause des femmes et des plus précaires s'inscrive au rang des priorités de notre système de retraite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le député, il ne fait nul doute que le Gouvernement partage votre préoccupation concernant la situation des femmes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Dans ce projet, nous la prenons bien évidemment en compte. Comme vous le savez, parce qu'il faut présenter les choses telles qu'elles sont (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), les femmes, aujourd'hui, bénéficient dans le système par répartition d'un certain nombre d'avantages liés à leur condition. Lorsqu'elles ont des enfants, elles bénéficient de deux ans d'assurance supplémentaire. C'est la solidarité de notre système par répartition. Les femmes, car ce sont souvent elles qui le font, peuvent prendre des congés parentaux, pendant trois ans au maximum. Elles peuvent alors comptabiliser plus de trimestres que les hommes. Contrairement à ce que je lis partout, les femmes nées dans les années 60 ou 65, lorsqu'elles partiront à la retraite, auront plus de trimestres que les hommes grâce à la majoration de la durée d'assurance. Telle est la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Ne faites pas porter à la réforme des retraites toutes les injustices de notre société ! Un certain nombre d'injustices touchent certes les femmes. La première – et je le dis devant Nadine Morano – est l'inégalité de salaire. C'est parce que la retraite est, en réalité, le miroir de la carrière que les pensions des femmes sont inférieures à celles des hommes. Les salaires des femmes, à responsabilités égales, sont encore dans notre pays, ce qui est absolument scandaleux, inférieurs à ceux des hommes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le Gouvernement a bien l'intention de continuer à travailler sur ce point. Des députés – Marie-Jo Zimmerman, Laurent Hénart et bien d'autres – ont déposé des amendements en ce sens. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Proriol

Ma question s'adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. J'y associe volontiers mon compatriote auvergnat Louis Giscard d'Estaing.

Après de longues et difficiles tractations, un accord est enfin intervenu le 18 août dernier pour fixer des indicateurs de tendance du prix du lait pour l'interprofession laitière. Les producteurs, les transformateurs industriels et les coopératives ont abouti à concrétiser un accord datant de plus d'un an, celui du 3 juin 2009. Pendant plus de douze mois, les négociations et le prix du lait ont fait le yo-yo sans que l'on arrive à définir une rémunération concrète et stable et à avoir une visibilité sur le prix du lait payé en France d'ici à la fin de cette année, et bien sûr au-delà.

Vous avez beaucoup contribué, monsieur le ministre, à la réussite de cette convention interprofessionnelle dont nous nous réjouissons tous. Vous avez porté la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche que nous avons votée ici le 13 juillet. Elle rend obligatoires les contrats écrits à partir du 1er janvier 2011.

Pouvez-vous nous préciser les points forts des accords au-delà des contours du partenariat ainsi réalisé ?

Peut-on espérer qu'ils servent à la mise en place d'un mécanisme pérenne de discussion dans d'autres domaines de la production agricole ?

Enfin, quelles perspectives se dessinent pour une meilleure régulation européenne des marchés ?

J'ai assisté dimanche au concours départemental de labours des jeunes agriculteurs dans une commune de montagne de Haute-Loire. Les agriculteurs ont certes jugé qu'un pas très positif avait été franchi vers la contractualisation pour mettre un terme aux crises à répétition, mais leur inquiétude rodait encore dans leurs sillons. Merci de les rassurer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Monsieur le député, nous nous sommes effectivement battus tout cet été avec le Premier ministre et le Président de la République pour obtenir une augmentation du prix du lait pour tous les producteurs de lait en France. Nous ne pouvons pas en effet accepter que, lorsque les prix du lait s'effondrent, la répercussion soit immédiate sur leur revenu et que, lorsque les prix remontent, ils ne touchent pas le juste retour de leurs efforts et de leur travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

L'accord du 18 août prévoit d'abord une augmentation de 30 euros pour mille litres pour chaque producteur, de façon que le lait soit à plus de 300 euros la tonne en moyenne dans toutes les exploitations françaises.

Il prévoit aussi de maintenir un écart de compétitivité raisonnable avec l'Allemagne car il ne sert à rien d'obtenir une augmentation du prix du lait si des milliers de tonnes de litres allemands se déversent ensuite sur le territoire français. Nous devons rester compétitifs.

Quelles sont maintenant nos priorités ?

La première, c'est évidemment de mettre en place les contrats de long terme sur plusieurs années, qui garantiront aux producteurs un prix et un volume sur une durée déterminée et qui leur permettront enfin d'avoir une visibilité sur leurs revenus pour plusieurs années. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

La seconde, et je me suis rendu en Saône-et-Loire chez Jean-Marc Nesme et Jean-Paul Anciaux il y a quelques jours, c'est d'apporter un soutien à la filière souffrant le plus de l'augmentation du prix de l'aliment et des difficultés structurelles qui existent depuis des années, celle de l'élevage bovin et porcin. J'annoncerai le 14 septembre prochain au salon de l'élevage des mesures fortes en faveur de tous ces éleveurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Monsieur le Premier ministre, toutes les réponses du Gouvernement cet après-midi le confirment, la justice sociale n'inspire pas votre réforme. Ce n'est pas une politique du courage, c'est une politique de classe.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Une nouvelle fois, tournant le dos aux principes établis depuis 1945, la réforme devient avec vous une contre-réforme. Elle abandonne la perspective d'un vrai progrès et refuse les modes de financement équitables que nous proposons.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Cette loi est injuste parce qu'elle va prolonger la précarité des seniors, très nombreux à être condamnés au chômage dans la France en crise, que vous allez priver de retraites. Après soixante ans, seuls 17 % des Français ont un emploi. Vous acculez des millions d'autres aux minima sociaux et à la détresse quotidienne.

Cette loi est injuste parce qu'elle va mécaniquement faire baisser le niveau des pensions. L'effet conjoint de l'allongement de la durée de cotisation et du recul de l'âge légal entraînera aussi la précarité des revenus des retraités eux-mêmes.

Cette loi est injuste parce qu'elle passe sous silence le scandale des retraites les plus faibles : 4 millions de personnes touchent aujourd'hui moins de 900 euros par mois.

Cette loi est injuste, enfin, parce qu'elle ignore aussi l'attente douloureuse qu'expriment les retraités agricoles, mais également leurs conjoints et les aides familiaux, privés de retraites complémentaires, que vous avez baladés de promesses en promesses depuis 2002.

Cette réforme injuste a été voulue par votre majorité, mais d'abord par celui qui restera dans l'histoire comme le président des riches. Vous comprendrez que nous la combattions sans relâche.

Ma question est directe : entendez-vous aujourd'hui ces millions de Français, cette immense majorité, qui ne supportent plus ni les cadeaux faits à quelques-uns, ni l'injustice faite au plus grand nombre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Pourquoi tant de caricatures, monsieur le député ? À quoi cela sert-il ?

Cette loi est juste parce qu'elle permet à celles et ceux qui ont commencé tôt à travailler de continuer à partir tôt et de prendre leur retraite avant 60 ans.

Cette loi est juste parce qu'elle intègre des facteurs de pénibilité qui n'avaient jamais été intégrés.

Cette loi est juste parce qu'elle protège le système par répartition. S'il n'y a pas de réforme des retraites, il n'y aura plus de système par répartition. Ceux qui auront les moyens d'avoir des économies pourront toujours financer leur retraite mais ceux qui sont dans la précarité et dépendent de la solidarité nationale n'en auront plus parce qu'on ne peut pas payer les retraites avec du déficit.

Cette loi est également juste parce qu'elle prend en compte les situations des uns et des autres,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…les étudiants qui n'ont pas commencé à travailler, ceux qui sont en situation précaire, ceux qui sont dans des systèmes de solidarité, pour lesquels l'ensemble de la communauté nationale va continuer à cotiser.

Nous avons plusieurs jours devant nous pour en débattre, monsieur le député. Je suis persuadé qu'à la fin du débat vous conviendrez comme moi que la loi que propose le Gouvernement permettra de garantir la retraite des Français à long terme.

Réforme des retraites

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'informe l'Assemblée que j'ai pris acte, en application de l'article LO 176 du code électoral, de la cessation, le 4 août à minuit, des mandats de députés de Mme Colette Le Moal et de M. Patrice Debray et de la reprise de l'exercice des mandats de M. Christian Blanc et de M. Alain Joyandet, dont les fonctions gouvernementales ont pris fin par décret du 4 juillet 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant réforme des retraites (nos 2760, 2770, 2768, 2767).

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé sur la base d'un temps attribué aux groupes de cinquante heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : pour le groupe UMP, quatorze heures cinquante-cinq ;…

Un député du groupe SRC. C'est trop !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

…pour le groupe SRC, dix-neuf heures cinquante ; pour le groupe GDR, huit heures trente-cinq ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

…pour le groupe Nouveau Centre, six heures quarante. Les députés non inscrits disposent d'un temps de une heure dix.

En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles des rapporteurs et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée du temps du groupe de l'orateur.

Les temps qui figurent sur la feuille jaune ne sont, en tout état de cause, qu'indicatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Il s'agit, monsieur le président, d'une remarque sur l'ordre du jour. Je souhaite, de même que mes amis, que ce débat sur les retraites soit reporté (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP) et je vous explique pourquoi. Nous avons un gouvernement « déchéant », en ce sens qu'il est déchu virtuellement, comme l'a annoncé le Président de la République.

Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Il doit donc s'occuper et s'occupe des affaires courantes. Peut-on considérer que la remise en cause du droit à la retraite à 60 ans relève des affaires courantes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Cela n'est pas acceptable.

Comme le Gouvernement ment, énormément et sciemment, nous souhaitons que ce débat soit reporté…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

…parce que, contrairement à ce qu'affirme régulièrement, la main sur le coeur, le ministre Éric Woerth, il ne s'agit pas de défendre la retraite par répartition, mais de la faire exploser !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Après la première étape que fut la réforme Balladur, suivie de la réforme Fillon en 2003, nous avons affaire à présent au troisième étage de la fusée.

Or, chez nous, les « minteux », comme on dit dans le département du Nord, on les repère de loin ! C'est la raison pour laquelle nous demandons, officiellement et solennellement, que cette grave question du droit à la retraite soit posée avec le nouveau gouvernement, et je demande un vote sur le retrait de l'ordre du jour de ce projet de loi sur les retraites. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Bocquet, je vous rappelle que, selon la Constitution, l'ordre du jour de la session extraordinaire est fixé par un décret présidentiel. En conséquence, il ne peut être donné suite à votre demande.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Dans le prolongement de la démarche de M. Bocquet, il me paraît tout à fait légitime de demander au Gouvernement qu'il nous communique enfin et sans délai, à savoir cet après-midi, la totalité des amendements qu'il entend déposer, en milieu de semaine si l'on en croit la presse et les communiqués de l'Élysée, sur un pan entier du projet de loi, à savoir les questions des polypensionnés, de la pénibilité et des carrières longues.

Alors que le projet de loi a été déposé le 24 juin, que nous avons travaillé trois jours…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…et trois nuits en commission des affaires sociales au mois de juillet, il semble inconcevable que nous démarrions nos débats sans connaître aucune des propositions ou des objectifs du Gouvernement sur un pan entier dont tout le monde s'accorde à considérer qu'il est loin d'être secondaire. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'un ordre du jour dans lequel nous n'examinons qu'un bout du texte sans en connaître la totalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il a raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Ces rappels au règlement ne seront évidemment pas décomptés puisqu'ils concernent l'ordre du jour.

La parole est à Mme Martine Billard, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Mon rappel au règlement concerne également l'organisation de nos travaux.

La commission des affaires sociales s'est réunie de quatorze heures quinze à quatorze heures cinquante pour examiner près de cinq cents amendements et, au milieu de la liasse, nous avons découvert qu'il y avait de fait une réforme de la médecine du travail alors qu'aucun cadre ne nous a été donné préalablement. Les propositions qui sont faites ne sont tout de même pas neutres puisqu'elles visent, d'une part, à modifier la structure de la médecine du travail, d'autre part, à sortir certaines catégories de travailleurs du contrôle de la médecine du travail, notamment tous les travailleurs les moins protégés comme les travailleurs individuels, les travailleurs intérimaires ou les intermittents du spectacle.

Nous avons besoin de temps pour pouvoir examiner ces nouveaux amendements qui modifient quand même très profondément un pan entier de notre protection sociale. C'est un motif supplémentaire pour demander un report du démarrage de l'examen de ce texte de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, le débat qui commence aujourd'hui est un moment essentiel pour notre pays. Sauvegarder nos retraites, c'est préserver un acquis social fondamental – je l'ai dit tout à l'heure dans les questions au Gouvernement –, c'est s'assurer qu'il y a une vie après le travail, que chacun peut profiter d'un temps de repos mérité pour être davantage présent auprès de ses enfants, de ses petits-enfants, de sa famille, ou tout simplement pour s'investir dans des activités associatives, dans l'intérêt commun.

Quand les premiers systèmes de retraite ont été créés, ils étaient simplement destinés à permettre à ceux qui ne pouvaient plus travailler de subsister en attendant de finir leur vie. Grâce au formidable développement de notre système de protection sociale depuis 1945, la retraite est devenue un temps de la vie à part entière. Notre système par répartition a réussi une grande partie de sa mission. Il a permis que le niveau de vie des plus âgés rejoigne le niveau de vie des actifs.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Il a permis que s'exprime la solidarité entre les générations, mais aussi à l'intérieur de chaque génération, parce que lorsque l'on est malade, lorsque l'on est au chômage, lorsque l'on s'arrête pour élever tout simplement des enfants, on valide quand même des droits à la retraite.

La solidarité, le sens que nous donnons au travail, le contrat entre les générations, c'est tout cela, le modèle français de retraite.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Les Français, comme vous tous, quels que soient les bancs sur lesquels vous siégez, y sont attachés. Et pour le conserver, pour le protéger, pour le faire durer, il faut périodiquement le réformer. C'est bien l'enjeu du débat qui est le nôtre aujourd'hui.

La France doit prendre un tournant historique. C'est l'engagement du Président de la République, c'est le projet du Gouvernement.

Depuis la création de notre système de retraite en 1945, notre société a considérablement évolué, elle a changé. Le vieillissement de la population, l'accroissement de l'espérance de vie, qui est une bonne nouvelle, l'arrivée à la retraite des générations du baby-boom, personne ne peut nier l'impact de ces révolutions silencieuses sur nos modes de vie. Personne ne peut nier non plus, par conséquent, que l'équilibre et le financement de nos régimes de retraite par répartition ne sont aujourd'hui profondément menacés.

Notre devoir, c'est de prendre en compte cette réalité, de ne pas la nier.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Notre responsabilité, c'est de donner aux Français des solutions et de ne pas céder aux sirènes de l'immobilisme.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Notre responsabilité, c'est de dire aux Français qu'il faudra bien travailler plus longtemps si nous voulons assurer le financement durable de notre système de retraite, notamment pour nos enfants.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Notre responsabilité, c'est de prendre acte avec lucidité, comme le disait déjà Michel Rocard dans le Livre blanc sur les retraites de 1991 (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC),que « l'âge du départ à la retraite se constate plus qu'il ne se décrète ». Notre responsabilité, c'est donc d'évoluer et non pas de graver les 60 ans dans le marbre.

C'est ainsi que nous redonnerons un avenir à notre système par répartition, qui est le fruit de notre histoire, de notre culture et de nos valeurs, qui fait partie de notre patrimoine social. Ce patrimoine, nous n'avons pas le droit de le laisser se déliter sans réagir. Nous n'avons pas le droit d'en priver nos enfants. Ce patrimoine dont nous avons bénéficié, dont les générations précédentes ont bénéficié, nos enfants doivent pouvoir en bénéficier eux aussi. Nous ne pouvons pas reporter indéfiniment des charges sur nos enfants.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Pouvons-nous attendre ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

La réponse est évidemment non. Nous ne pouvons pas attendre. L'immense majorité des Français partage ce sentiment d'urgence.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Quand on voit que la crise économique que nous venons de vivre a accéléré de vingt ans l'augmentation des déficits de nos régimes de retraite, quand les chiffres du Conseil d'orientation des retraites – chacun y participe – montrent que ces déficits atteindront, si nous ne faisons rien, 100 milliards d'euros en 2050, 45 milliards d'euros à l'horizon 2030, comment peut-on raisonnablement vouloir repousser le débat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Qui a plombé les ressources ? Qui a vidé les caisses ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Ce débat, le Président de la République l'a ouvert devant les Français. Nous répondons à cette attente.

Depuis le mois d'avril, c'est-à-dire depuis six mois, j'ai consulté, au ministère du travail, tous les partis politiques représentés aux Parlements français et européen,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…l'ensemble des partenaires sociaux et des organisations syndicales de la fonction publique, mais aussi des directeurs des ressources humaines, des économistes, des sociologues, des démographes, des médecins du travail, des représentants d'associations.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Tout a été mis sur la table, chacun a pu s'exprimer, et c'est ainsi que cette réforme s'est progressivement dessinée.

Mesdames et messieurs les députés, cette réforme n'est pas la première : en 1993, en 2003, en 2007-2008, nous avons mené des réformes importantes.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Contestées au départ, ces réformes ont été progressivement intégrées à notre pacte social. Aujourd'hui, nous devons aller plus loin.

La réforme que j'ai l'honneur de présenter devant vous aujourd'hui, c'est celle du courage et de la raison.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Cette réforme, c'est le rendez-vous des Français avec leur avenir. C'est une réforme de fond, une réforme structurelle,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…parce que nous ne voulons pas seulement assurer l'équilibre financier de nos retraites dès 2018, nous voulons aussi restaurer la confiance des Français dans leur système de retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est la destruction du programme du Conseil national de la Résistance !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

C'est un élément essentiel de notre pacte social.

Notre réforme apporte des solutions raisonnables, efficaces et justes pour sauver le système de retraite par répartition de notre pays.

Cette réforme est d'abord raisonnable.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

En fixant à 62 ans en 2018 l'âge légal de départ à la retraite, nous avons choisi de répondre tout simplement, en bonne logique, à l'élément principal du défi, c'est-à-dire au problème démographique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Je l'ai dit, il n'y a pas de solution miracle : si nous ne voulons ni baisser le niveau des pensions – et nous ne voulons pas le baisser –…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mais si, vous allez le baisser !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…ni augmenter fortement les impôts de tous les Français, et pas uniquement les impôts de votre voisin, nous devons faire évoluer l'âge de la retraite.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

L'âge est toujours au coeur de tout système de retraite, par principe. C'est une solution de bon sens, parce que dans la logique de notre système par répartition.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous vivons plus longtemps, nous devons donc travailler un peu plus longtemps.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Tous les pays qui ont connu une situation démographique proche de la nôtre l'ont fait, et cela sous des gouvernements de droite comme de gauche.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

L'âge d'ouverture des droits à la retraite doit passer progressivement de 65 à 68 ans au Royaume-Uni, comme l'a décidé M. Blair, de 65 à 67 ans aux Pays-Bas, en Allemagne après M. Schröder…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…ou encore en Espagne avec M. Zapatero.

D'autres pays, qui ont un système un peu différent du nôtre – chaque pays a un peu son système – ont augmenté « l'âge pivot » c'est-à-dire l'âge à partir duquel on peut prendre sa retraite sans subir de décote.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Le Japon a reporté cet âge de 60 à 65 ans et les États-Unis de 65 à 67 ans.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Qui peut croire un instant que nous pouvons rester en dehors de ce mouvement ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Qui peut souhaiter que la France reste immobile quand les autres pays acceptent d'affronter les réalités ?

Il suffit d'écouter, par exemple, ce que déclare le Premier ministre espagnol, M. Zapatero, qui est à la tête d'un gouvernement de gauche, et qui approuve l'élévation de l'âge de départ à la retraite en Espagne : « Reculer l'âge de la retraite est une proposition raisonnable. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous rigolez ou quoi ? C'est une plaisanterie !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Soixante-deux ans, c'est un âge de raison. Nul ne peut prétendre que c'est un recul social : compte tenu de l'allongement de l'espérance de vie, même s'ils partent à 62 ans, les Français passeront trois ans de plus à la retraite qu'en 1980.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Les règles de retraite de nos voisins sont souvent plus dures que les nôtres. Je tiens d'ailleurs à rassurer les Français sur ce point : après la réforme, notre système restera l'un des plus favorables d'Europe.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Si !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

D'abord, parce que notre système a des éléments de protection, de solidarité plus développés qu'ailleurs en Europe, par exemple pour compenser le chômage ou la maladie, et que notre projet va à juste titre encore les renforcer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Vous avez un rapport compliqué à la vérité, manifestement !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Ensuite, parce qu'il y a dans notre réforme deux dispositifs essentiels, les carrières longues et la pénibilité, qui sont sans équivalent en Europe, j'y reviendrai.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Enfin, parce que les comparaisons internationales sont trop souvent caricaturées. Il est faux de dire qu'en Allemagne, on peut partir avec une pension complète au bout de 35 années de cotisation. Quand vous avez cotisé 35 ans en Allemagne, vous ne pouvez partir qu'à l'âge de 63 ans et avec une très forte décote, jusqu'à plus de 14 % en fin de réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Les pensions moyennes sont plus élevées ! Ce n'est pas un bon exemple !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Et que dire de la Suède, souvent citée en exemple ? On oublie de dire que, dans ce pays, même si l'âge de la retraite a été repoussé à 61 ans – c'est moins que les 62 ans, vous avez raison – les pensions de retraite ont baissé, en compensation, de 3 % cette année.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Vous l'avez déjà fait, avec la réforme Balladur !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Le Gouvernement, pour sa part, s'est engagé à ne pas baisser les pensions, ni pour les retraités d'aujourd'hui ni pour les retraités de demain : c'est une différence fondamentale.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

On nous dit : « votre projet, c'est le taux plein à 67 ans ». Là encore, c'est faux et archifaux.

L'âge du taux plein, celui auquel on a une pension complète, c'est 60 ans aujourd'hui, et ce sera 62 ans demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas à 60 ans que l'on a une retraite à taux plein ; 60 ans, c'est l'âge auquel on a le droit de partir !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Quand on a cotisé ce que l'on doit cotiser, on part avec l'ensemble de sa pension ! Il n'y a pas un euro de moins. L'âge normal de la retraite, c'est 60 ans, et il va passer à 62 ans. Soixante-cinq ans, c'est l'âge d'annulation de la décote.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Il passera très progressivement à 67 ans, en 2023, c'est-à-dire dans treize ans.

Je le redis, il n'y a pas aujourd'hui d'obligation de travailler jusqu'à 65 ans, et donc logiquement il n'y aura aucune obligation de travailler jusqu'à 67 ans !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Soixante-deux ans et 67 ans, ce ne sont pas deux choses comparables, car cela ne veut pas dire la même chose ! Il est faux de dire le contraire aux Français. Il est faux aussi de dire que nous allons imposer aux femmes de travailler jusqu'à 67 ans. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Et il est faux de dire que les plus modestes seront pénalisés : j'ai dit dès le départ que le minimum vieillesse, notre filet de sécurité national, serait maintenu à 65 ans.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Cette réforme, mesdames, messieurs les députés, elle est également efficace.

Efficace financièrement, d'abord. C'est un objectif essentiel : financer les retraites, c'est assurer les fondations de tout l'édifice de notre solidarité nationale ; c'est donner un avenir à un système qui bénéficie d'abord aux plus fragiles. Car, ne nous y trompons pas, si nous ne menons pas à bien cette réforme, nous allons vers le « chacun pour soi », alors que le système par répartition c'est exactement le contraire puisque c'est le système de la solidarité entre les générations. Si nous ne faisons rien, nous irons vers un système dans lequel chacun se débrouillera comme il peut pour financer sa retraite. Ce n'est pas aujourd'hui le système social français et ce ne sera pas demain le système social français de retraite !

Rééquilibrer les retraites en partant de notre niveau de déficit – 30 milliards cette année –,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…c'est une tâche extrêmement difficile et je suis fier que nous soyons parvenus à présenter une solution efficace et équilibrée.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Notre solution est efficace, car nous supprimons tout déficit des retraites à partir de 2018. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous finançons le déficit entre 2011 et 2018, et nous maintenons le système à l'équilibre les années suivantes. Telle est l'équation !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Ce n'est pas vrai ! Dites la vérité aux Français de temps en temps ! Ce n'est pas croyable !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Notre réforme est aussi équilibrée, car elle demande des efforts à tous :…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…aux assurés, avec les mesures d'âge qui assurent près de la moitié de l'effort à l'horizon 2018 – grâce à ces mesures, nous finançons 18,6 milliards d'euros sur les 42 milliards de déficit ; aux fonctionnaires, qui font un effort important de convergence avec le privé – 4 milliards d'euros d'effort supplémentaire en termes d'augmentation du taux de cotisation ; aux entreprises, puisque nous réduisons certains allégements de charges dont elles bénéficient – c'est le calcul annuel des allégements de charges à hauteur de plus de 2 milliards ; enfin, aux plus favorisés, qui sont mis à contribution par une augmentation du taux de la dernière tranche de l'impôt sur le revenu et par des prélèvements accrus sur les stock-options, les retraites-chapeaux et les revenus du capital, à hauteur de 2 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Parallèlement, nous avons proposé un schéma de financement des déficits accumulés jusqu'au retour à l'équilibre de notre système, en 2018,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Vous allez utiliser le fonds de réserve créé par la gauche !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…en mobilisant la CADES et le fonds de réserve des retraites. Les déficits de nos régimes de retraites ont pris vingt ans d'avance, malheureusement ! C'est une bien mauvaise nouvelle.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Il est donc normal d'utiliser ces fonds qui ont été créés pour cela. Sinon, la France serait le seul pays au monde qui accumule des réserves tout en ayant des déficits !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Qui a mis de l'argent de côté ? La gauche ! Qui a creusé les déficits ? La droite !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Aucune autre réforme ne permettrait d'atteindre les mêmes objectifs, ni économiquement ni socialement. Si nous avions voulu uniquement agir sur la durée de cotisation pour équilibrer le système, nous aurions dû la porter à 47 ans : tout le monde voit bien que ce n'est pas tenable.

Nous ne pouvons pas non plus choisir de répondre à ce défi démographique en augmentant davantage les impôts. En effet, compte tenu des sommes à trouver, il faudrait les augmenter de façon massive, et pour tous les Français, pas seulement pour les plus défavorisés (« Quel lapsus ! » sur les bancs du groupe SRC)…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…pour les plus favorisés, voulais-je dire. Cela reviendrait à faire peser sur l'emploi, la croissance et le pouvoir d'achat, et donc sur les actifs de demain, sur les jeunes en somme, tout le poids des efforts. Telle n'est pas notre conception de la solidarité entre les générations.

Efficace, cette réforme le sera aussi…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…pour répondre au défi considérable que représente l'emploi des seniors. Au fond, je crois que l'un des plus gros échecs de la société française ces dernières années, c'est de ne pas avoir réussi à changer cette idée selon laquelle à partir d'un certain âge on n'a plus sa place dans l'entreprise.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Cette situation, nous ne pouvons plus l'accepter. Notre majorité a engagé un très important effort pour revaloriser l'emploi des seniors. Cet effort commence à porter ses fruits : les mentalités évoluent et les entreprises s'investissent davantage pour garder les seniors en emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Ils n'ont jamais été aussi nombreux au chômage !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Mais nous devons évidemment aller plus loin, Laurent Wauquiez l'a dit tout à l'heure encore. En repoussant l'horizon de départ à la retraite de 60 à 62 ans les entreprises seront incitées à repenser encore davantage leur politique de formation envers leurs salariés les plus âgés. Pour les y aider, nous créons par ce projet de loi une aide à l'embauche pour les chômeurs de plus de 55 ans.

C'est une réforme raisonnable, c'est une réforme efficace, et c'est une réforme juste (« Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), enfin, parce que ceux qui ont commencé à travailler avant les autres ou qui sont usés par leur travail pourront continuer à partir à 60 ans.

Pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, notre majorité a créé le dispositif « carrières longues »…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…lors de la réforme conduite par François Fillon en 2003. Ce dispositif a représenté une avancée sociale considérable.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Non seulement il sera maintenu, mais il sera même élargi aux salariés qui ont commencé à travailler à 17 ans. Cela signifie que ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans continueront de partir à 60 ans, ou avant, et que ceux qui ont commencé à 14 ou 15 ans pourront partir à 58 ou 59 ans. C'est un élément essentiel de justice et de solidarité.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Deuxième avancée majeure, ceux qui ont eu une vie professionnelle plus dure que les autres bénéficieront d'un droit nouveau : ce droit nouveau, c'est la reconnaissance de la pénibilité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Aujourd'hui, ceux qui souffrent d'avoir été exposés à des facteurs de pénibilité dans leur travail ne peuvent partir à la retraite avant les autres. Désormais, ils seront pris en compte : non seulement ils pourront continuer de partir à 60 ans, mais en plus ils partiront avec une retraite à taux plein, qu'ils aient ou non tous leurs trimestres.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Ces deux dispositifs, « carrières longues » et pénibilité, permettront à 100 000 personnes par an, soit un Français sur sept, de partir plus tôt à la retraite (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP), soit parce qu'ils ont commencé à travailler plus tôt, soit parce qu'ils ont eu une vie professionnelle plus dure que les autres.

Notre réforme renforce aussi les dispositifs majeurs de solidarité de notre système de retraite.

Notre système de retraite est d'abord et avant tout un système solidaire : c'est un système qui protège les plus fragiles contre les aléas de la vie. C'est l'un des objectifs de cette réforme que de conforter, de renforcer cette solidarité.

En particulier, nous avons décidé d'agir pour améliorer la retraite des femmes. Je tiens à rappeler que les femmes auront, dans les prochaines années, une durée de cotisation égale à celle des hommes, et avec l'ajout des majorations de durée d'assurance, cette durée de cotisation sera supérieure, voire très supérieure, à celle des hommes.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

C'est nouveau. Ce n'était pas le cas il y a dix ans.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Il faut regarder les retraites avec les lunettes d'aujourd'hui, pas avec celles d'il y a dix ans ! Pourquoi ? Parce que la société évolue et que de plus en plus de femmes travaillent,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…et parce que notre système de retraite prend en compte les interruptions de carrière pour s'occuper des enfants. Les femmes valident donc des droits à la retraite. Il est évidemment essentiel de préserver, de conforter, de renforcer l'ensemble de ces droits.

Il y a encore, bien sûr, des failles, des injustices. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Aujourd'hui, le fait d'avoir été en congé maternité peut faire chuter la retraite, parce que les indemnités touchées à la place du salaire pendant cette période sont exclues du calcul de la pension.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Avec le texte que propose le Gouvernement, cela ne sera plus le cas. Nous prendrons en compte les indemnités de maternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En réalité, ce n'est plus le mode de calcul des droits qui est la cause des inégalités de retraite entre les hommes et les femmes. La réalité, c'est que ce sont avant tout les inégalités de salaires entre les hommes et les femmes qui sont la cause des inégalités de pensions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

La retraite ne peut pas rattraper trente ans d'écarts de salaire. C'est donc d'abord en faisant progresser l'égalité professionnelle que nous pourrons améliorer la retraite des femmes.

C'est pourquoi ce texte contient des mesures pour que les entreprises s'investissent plus dans la réduction des écarts salariaux. Je sais que beaucoup de députés sont, à juste titre, fortement mobilisés sur ce sujet. Nous en avons discuté en commission et beaucoup d'amendements ont été déposés sur ce point. C'est très important et nous irons plus loin.

Nous avons voulu aussi renforcer la solidarité envers les jeunes. Ceux qui rencontrent des difficultés pour trouver leur premier emploi bénéficieront désormais de six trimestres validés gratuitement en début de carrière, contre quatre aujourd'hui.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous avons pris enfin des mesures pour améliorer le niveau des retraites des agriculteurs, en assouplissant notamment leurs conditions d'accès au minimum vieillesse.

Pour répondre à cette exigence de solidarité, il est normal que certains types de revenus contribuent davantage qu'aujourd'hui au financement de la protection sociale, comme je l'ai dit précédemment. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Il était légitime aussi de continuer à progresser vers une plus grande équité…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…entre les régimes de retraite du secteur public et du secteur privé. Georges Tron en parlera tout à l'heure.

Les réformes de 2003 et de 2007-2008 sur les régimes spéciaux ont permis de progresser en ce sens, mais il fallait aller encore plus loin. À la suite de la concertation avec les partenaires sociaux, nous proposons dans ce texte, avec Georges Tron, de supprimer certaines différences entre le public et le privé qui ne sont plus justifiées par des spécificités propres à la fonction publique.

D'abord, le taux de cotisation acquitté par les fonctionnaires sera porté de 7,85 % à 10,55 % en dix ans afin de l'aligner sur celui qui s'applique aux salariés du secteur privé.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Ensuite, le dispositif de départ anticipé sans condition d'âge pour les parents de trois enfants ayant quinze ans de services sera fermé à compter de 2012, parce que cela pouvait être assimilé à un dispositif de pré-retraite.

Troisième et dernier point, le minimum garanti sera désormais, comme dans le secteur privé, soumis à une condition de taux plein. C'est juste…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…et c'est un moyen de convergence entre le secteur privé et le secteur public qui est évidemment explicable. C'est le contraire qui ne l'était pas.

Les amendements adoptés en commission ont permis d'améliorer ce texte et le Gouvernement va proposer de nouvelles avancées.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Je voudrais remercier les membres de la commission des affaires sociales, son président, Pierre Méhaignerie et le rapporteur du texte, Denis Jacquat, pour la qualité des débats qui se sont déroulés à la fin du mois de juillet.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous avons proposé une cinquantaine d'amendements à la commission, dont un amendement important sur la réduction des écarts de pensions, donc des écarts de salaires, entre les hommes et les femmes. Désormais, les entreprises de plus de cinquante salariés devront être couvertes par un plan ou un accord sur l'égalité professionnelle des hommes et des femmes. À défaut, une pénalité de 1 % sur la masse salariale devra être acquittée. Cette mesure a été proposée par la majorité, elle a été soutenue par le Gouvernement et votée à l'unanimité.

Votre commission a aussi souhaité renforcer l'égalité d'accès aux dispositifs d'épargne retraite. Je sais que, sur ces bancs, beaucoup y sont sensibles.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

La mise en place des PERCO par accords de branches sera encouragée : cela facilitera l'accès des petites entreprises à ces dispositifs auxquelles elles accèdent peu.

Mesdames et messieurs les députés, sauvegarder notre système de retraite par répartition est un devoir d'État. Notre société doit être responsable : elle doit assurer la pérennité de ce modèle, pour aujourd'hui mais aussi et surtout pour les générations futures. Avec votre soutien, nous y parviendrons grâce à cette réforme.

Le texte peut encore évoluer au cours de ce débat, les débats parlementaires sont là pour cela. À la demande du Président de la République, le Gouvernement a travaillé en lien avec les partenaires sociaux pour l'améliorer sur trois sujets : la prise en compte de la pénibilité, notamment pour améliorer la traçabilité et renforcer la prévention ; les carrières longues et les polypensionnés, c'est-à-dire ceux qui cotisent à plusieurs régimes de retraite. Le Gouvernement proposera des amendements qui, sans remettre en cause l'équilibre global de la réforme, permettront d'aller plus loin sur ces trois sujets.

Je le répète : cette réforme est utile, cette réforme est juste, cette réforme est progressive, cette réforme est efficace.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Ce n'est pas seulement une réforme pour moins de déficits, c'est aussi une réforme pour plus de protection et plus de solidarité. C'est une réforme au service des Français, c'est une réforme pour nos enfants. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Où sont les soutiens du Gouvernement ? On ne voit pas beaucoup de députés UMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Après Éric Woerth, j'ai l'honneur à mon tour de vous présenter le projet que le Gouvernement propose aux Français pour assurer la pérennité de notre système de retraite dans son volet concernant la fonction publique.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

C'est un honneur, mais c'est aussi une nécessité, car comme l'a rappelé Éric Woerth, nous avons choisi, en ce qui nous concerne, de regarder la vérité en face, avec courage et détermination.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Préserver notre système de retraite est une obligation sociale, que nous devons évidemment aux générations qui nous succéderont.

Cette réforme est une réforme de société. Ne nous trompons pas de débat et ne nous laissons pas enfermer dans la technicité du sujet des retraites.

Pour la fonction publique, qui compte 5,3 millions d'agents, soit 20 % de l'emploi total en France, la réforme des retraites est partie intégrante de la politique de modernisation de la fonction publique qu'Éric Woerth et moi-même mettons en oeuvre avec le Gouvernement, une modernisation comme jamais la fonction publique n'en avait connue jusque-là. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Une modernisation qui, dans le domaine des retraites, s'est faite attendre.

Les retraites et la fonction publique ont une histoire ancienne et particulière. N'oublions pas que les retraites sont nées au sein de la fonction publique : cela commence avec l'édit du 23 septembre 1673 qui instaure une pension vieillesse pour les officiers de la marine royale. La loi du 8 juin 1853 a fixé les âges minimaux de 55 ans et 60 ans pour partir à la retraite. Depuis cent cinquante-sept ans, ces âges n'ont pas changé alors même que la durée d'espérance de vie à la naissance a augmenté de près de quarante ans.

On observe donc que c'est la fonction publique qui est à l'origine du système des retraites. Et pourtant, de manière très étrange, la fonction publique n'a pas connu de réforme des retraites entre 1948 et 2003. Cinquante-cinq années sans réforme !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et alors ?

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

L'objectif du Président de la République et du Gouvernement, c'est de préserver la retraite par répartition pour tous. C'est pourquoi la réforme vise l'équilibre, c'est-à-dire l'absence de déficit dès 2018, pour pouvoir transmettre aux jeunes générations un régime de retraite rétabli.

Pour la fonction publique, et afin de préserver notre système de retraite, Éric Woerth et moi-même avons retenu comme principe fondamental la convergence des règles entre régimes privés et régime de la fonction publique.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Vous pourriez me dire que ce principe tombe sous le sens. En réalité, loin s'en faut quand on compare les régimes du secteur privé avec celui de la fonction publique.

Il ne s'agit pas, pour autant, de nier les spécificités de la fonction publique. Reste qu'un certain nombre de règles héritées du passé ne sont plus adaptées à la fonction publique d'aujourd'hui. Ces règles ne sauraient donc être considérées comme intangibles. Parfois même, elles vont à l'encontre de l'intérêt des fonctionnaires eux-mêmes ; je pense par exemple aux catégories actives qui ne pouvaient pas travailler au-delà de leur âge limite.

Le projet de loi que nous présentons donc aujourd'hui traduit ce souci de responsabilité et de justice en faisant converger certaines règles de la fonction publique.

Le premier des principes de convergence est que l'augmentation de la durée de cotisation concerne également les fonctionnaires.

Le projet de loi porte l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans en 2018. Cette augmentation sera progressive pour ne pas bouleverser les projets de vie des Français proches de la retraite. Dans la fonction publique, toutes les bornes d'âge et de durée de service bougeront de deux ans.

Pour les catégories actives, c'est-à-dire les corps dont l'âge légal de départ à la retraite est généralement fixé à 50 ou 55 ans, la réforme conduira à autoriser les départs à partir de 52 ou 57 ans ; la durée de services pour le bénéfice de la catégorie active évoluera également de quinze à dix-sept ans.

Pour les militaires, les durées de services passeront de quinze ans et vingt-cinq ans à respectivement dix-sept et vingt-sept années pour une pension à jouissance immédiate.

Comme aujourd'hui, l'écart de cinq ans entre l'âge d'ouverture et celui du taux plein est maintenu : ainsi, l'âge à partir duquel la décote s'annule sera progressivement relevé de deux ans.

Bien entendu, la personne qui aura totalisé le nombre de trimestres suffisant pour atteindre le taux plein dès l'âge de 62 ans pourra prendre sa retraite dès cet âge et bénéficier du taux plein.

Je tiens à souligner que le Gouvernement a souhaité, par exception, neutraliser le relèvement de l'âge d'ouverture des droits à la retraite ainsi que le relèvement de la limite d'âge pour les personnels infirmiers qui feront valoir leur droit d'option dans les nouveaux corps et cadres d'emploi de la catégorie sédentaire dans le cadre de la réforme dite du MLD. C'est l'article 37 du projet de loi sur le dialogue social que le Parlement a adopté et qui est devenu la loi du 5 juillet. Il s'agit là, très clairement, d'une mesure qui permettra de valoriser ce choix et de mieux garantir l'équilibre de la réforme des corps infirmiers.

Si un dispositif particulier concernant la pénibilité est élaboré pour les salariés, le dispositif des catégories actives pour les fonctionnaires n'est pas remis en cause. L'approche historique de la pénibilité dans la fonction publique est conservée, même si cela n'interdit pas une convergence ultérieure.

En second lieu, notre réforme permettra de renforcer l'équité de notre système de retraite par des mesures de rapprochement des règles entre public et privé telles qu'Éric Woerth les a sommairement décrites il y a quelques instants. C'est un thème particulièrement sensible pour nos concitoyens. Leur demande, exprimée tant auprès des élus ou tout simplement dans les enquêtes d'opinion, est l'application de règles identiques quel que soit le statut ou l'employeur : « à carrière égale, retraite égale ».

C'est aussi une nécessité au regard de la forte dégradation de la situation budgétaire du régime de retraite des fonctionnaires, qui, si nous ne faisions rien, passerait de 15 à 21 milliards d'euros pour l'État d'ici à 2020, et à 39 milliards d'ici à 2050. C'est la convention de calcul qui a été établie par le Conseil d'orientation des retraites. Quant à la CNRACL, qui est encore actuellement en léger excédent, le solde en resterait positif jusqu'aux alentours de 2015, son déficit atteindrait 1,3 milliard d'euros en 2020, et 13,6 milliards en 2050.

Le Gouvernement a donc conduit, avec les partenaires sociaux et vous, un examen sur les justifications de différences dont la plupart relèvent d'un héritage de l'histoire. Le projet de loi propose de revenir sur trois différences qui ne sont pas justifiables par des spécificités de la fonction publique.

En premier lieu, le taux de cotisation acquitté par les fonctionnaires sera aligné sur celui du secteur privé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Il passera en dix ans de 7,85 % à 10,55 %. Au terme de ce rattrapage, dont je souligne qu'il est très progressif, puisqu'il est étalé sur dix ans, il aura été mis fin à une différence majeure en matière de retraite entre la fonction publique et le privé : le fonctionnaire contribuera dans la même proportion au financement des retraites que son collègue du privé.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

En deuxième lieu, le dispositif de départ anticipé sans condition d'âge pour les parents de trois enfants ayant quinze ans de services, sera fermé à compter du 1er janvier 2012. Ce dispositif, dont le Conseil d'orientation des retraites avait relevé les imperfections, et qui est sans équivalent dans le privé, sera supprimé progressivement. Comme vous le savez, la Commission européenne a ouvert une procédure qui concerne entre autres ce dispositif.

Le droit à un départ anticipé sera conservé pour les parents de trois enfants répondant aux deux conditions de trois enfants et quinze ans de services au 1er janvier 2012. Parallèlement, la règle de calcul sera harmonisée sur le droit commun, c'est-à-dire la règle générationnelle, afin de traiter en égalité l'ensemble des Français devant la retraite.

Le Gouvernement a entendu les inquiétudes des agents qui ont été nombreux à s'interroger sur l'articulation des conditions d'éligibilité dans le cadre du calendrier de la réforme. Leurs questions ont été relayées, notamment par les organisations syndicales. Soucieux d'y apporter une réponse, nous avons discuté avec les organisations syndicales, et le Gouvernement a modifié le dispositif en précisant que le nouveau régime ne serait applicable qu'aux demandes de pension déposées après la publication de la loi, pour un départ en retraite au plus tard le 1er juillet 2011. Ainsi, les agents disposeront d'un délai suffisant pour arrêter leur choix dans de meilleures conditions. Nous avons également déposé un amendement qui précise que les personnes qui ont atteint ou dépassé l'âge d'ouverture des droits à la retraite conserveront le bénéfice des règles actuelles.

Dernière mesure de convergence, le minimum garanti sera désormais soumis à la même condition d'activité que dans le secteur privé.

Les fonctionnaires bénéficient de ce minimum dès qu'ils atteignent l'âge d'ouverture des droits, même s'ils n'ont pas tous leurs trimestres. Dans le secteur privé, un salarié doit attendre l'âge du taux plein, c'est-à-dire 65 ans. Le Gouvernement ne remet pas en cause le montant du minimum garanti, qui est sensiblement plus élevé que dans le privé. Il ne remet pas non plus en cause la linéarité, qui n'est pas la même dans le secteur privé et le secteur public, et qui constitue un vrai facteur de différence à ce sujet.

En revanche, le Gouvernement va harmoniser la règle d'ouverture du service du minimum garanti sur la règle du régime général, c'est-à-dire l'atteinte du taux plein, soit tout autant le respect de la durée de cotisation complète ou le départ à la limite d'âge à laquelle s'annule la décote.

La solidarité du régime de retraite, et donc des autres assurés, ne peut se déclencher que dès lors que la durée d'assurance exigée de tous est atteinte. Le respect de la durée de cotisation prend en compte bien évidemment toutes les périodes réalisées dans l'ensemble des régimes de retraite.

Mesdames et messieurs, cette réforme permettra de restaurer dans la durée la confiance des Français dans leur système de retraite.

Nous avons une obligation de faire cette réforme de société. C'est une obligation sociale, et tout autant une obligation morale. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) L'obligation morale de transmettre à nos enfants un régime de retraite par répartition viable et équilibré.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Les jeunes doivent pouvoir accepter cet héritage sans réserve d'inventaire pour une simple raison : à la différence d'une succession, on ne peut pas refuser l'héritage d'un système de retraite. Nous devons pouvoir regarder nos plus jeunes générations dans les yeux sans rougir du legs que nous leur faisons. Il faut avoir le courage politique de réformer et de dire la vérité aux Français. C'est ce que nous allons faire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Le système français de retraite par répartition se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins : il a, depuis cinquante ans, pleinement rempli son objectif qui était de réduire la pauvreté parmi nos aînés en garantissant un revenu de remplacement, permettant le maintien du niveau de vie lors du passage à la retraite.

Mais ce système se trouve aujourd'hui fragilisé : dans un système par répartition, les dépenses du présent doivent être financées par les recettes du présent. Or notre système de retraite se trouve en déséquilibre financier depuis quelques années et le déficit a été considérablement creusé par la crise, qui a frappé l'ensemble de notre système de protection sociale ces deux dernières années.

Même si notre pays retrouve rapidement le chemin de la croissance,…

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

…cette crise laissera des traces profondes. D'autant qu'elle se conjugue avec une évolution démographique particulièrement défavorable, malgré la bonne tenue de notre natalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

L'arrivée à la retraite des baby-boomers, qui a déjà commencé et qui va se poursuivre jusqu'en 2030, va structurellement dégrader l'équilibre démographique sur lequel est fondé tout système par répartition.

Face à cette situation financière périlleuse, il est essentiel de réformer, sans quoi c'est l'ensemble du système qui est menacé. Le Gouvernement et la majorité ont donc fait des choix courageux, parfois difficiles,…

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

…mais qui obéissent tous à un triple impératif d'équité, de responsabilité et d'efficacité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Le Président de la République l'avait clairement annoncé lors de sa déclaration devant le Congrès, le 22 juin 2009 : « 2010 sera un rendez-vous capital. Il faudra que tout soit mis sur la table : l'âge de la retraite, la durée de cotisation et, bien sûr, la pénibilité. Toutes les options seront examinées. Les partenaires sociaux feront des propositions. Je n'ai nullement l'intention de fermer le débat au moment même où je l'ouvre. Mais quand viendra le temps de la décision, à la mi-2010, que nul ne doute que le Gouvernement prendra ses responsabilités. C'est une question d'honneur, c'est une question de morale à l'endroit des générations qui vont nous suivre ».

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Nous y sommes. Équité, responsabilité, efficacité disais-je. Je vais illustrer ces trois engagements.

L'équité d'abord, sans laquelle il n'y a pas de réforme juste. Cette exigence d'équité passe d'abord par le rapprochement des règles entre les différents régimes et, en premier lieu, entre le public et le privé. Poursuivant la réforme Fillon, le projet de loi revient sur certains dispositifs spécifiques à la fonction publique qui n'ont plus lieu d'être. C'est le cas en particulier du dispositif de départ anticipé pour les parents de trois enfants, qui s'éteindra à compter du 1er janvier 2012. Soucieux de prendre en compte la situation des femmes ayant planifié un départ dans les toutes prochaines années et afin de ne pas bouleverser leur plan de vie, nous vous proposerons, avec Laurent Hénart et Pierre Méhaignerie, un amendement lissant sur cinq ans la montée en charge du dispositif pour les personnes ayant déjà acquis leurs droits. Je sais que certains de nos collègues auraient souhaité aller plus loin, en particulier sur les modalités de calcul de la retraite, mais, après un examen approfondi de la question, il nous est apparu qu'une telle réforme ne changerait pas grand-chose en ce qui concerne les taux de remplacement, tout en complexifiant le système. Reste un dernier point sur lequel la commission a souhaité que l'on avance : la création d'une caisse spécifique pour les fonctionnaires d'État, sur le modèle de la CNRACL. Cet outil favorisant la clarté et la simplification ne pourra pas être mis en place tout de suite, mais nous souhaitons que le Gouvernement continue de travailler sur ce sujet.

L'équité passe aussi par l'amélioration de la situation des femmes. Malgré un taux d'activité en hausse, elles partent à la retraite en moyenne plus tard que les hommes, avec des pensions inférieures de près de 38 %, en raison des aléas de carrière mais aussi des différences de revenu.

Face à cette situation devenue inadmissible, que faire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Nous devons d'abord renforcer les multiples dispositifs de solidarité de notre système de retraite, tels que la majoration de durée d'assurance ou les bonifications pour enfant, qui permettent de compenser les écarts en matière de retraite. Grâce à ce projet de loi, les indemnités journalières versées durant le congé maternité entreront désormais dans le calcul de la retraite des femmes. C'est une avancée importante qu'il faut saluer.

Mais nous devons aussi nous attaquer aux causes profondes de l'écart persistant entre hommes et femmes en matière de retraite, à savoir les conditions de travail, de formation et de rémunération. C'est pourquoi ce projet de loi, d'une part, prévoit que les entreprises devront désormais passer des accords collectifs et, d'autre part, institue une pénalité financière pour toutes les entreprises qui ne signent pas d'accord relatif à l'égalité professionnelle. Je suis, comme beaucoup d'entre vous, convaincu que l'égalité en matière de retraite est fonction des progrès en matière d'égalité professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Une autre exigence d'équité concerne la pénibilité. Cette question primordiale est, nous le savons tous, délicate, difficile et techniquement complexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Beaucoup a été dit sur cet enjeu majeur pour l'équilibre général de la réforme. La pénibilité est une notion évolutive dans le temps, qui mêle de très nombreux sujets, et nul ne saurait prétendre, de manière péremptoire, détenir la solution en ce domaine. Inutile de revenir longuement, à ce stade de nos échanges, sur le détail des négociations menées par les partenaires sociaux entre 2005 et 2008, ou les différents rapports sur la question, en particulier celui, excellent, de la mission d'information de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre Assemblée, en 2008.

C'est précisément parce que cette question est difficile qu'il convient de la traiter loin de tout esprit de polémique. C'est pour cette raison aussi que le Gouvernement a pris le parti de laisser toute sa place au dialogue (Rires sur les bancs du groupe GDR), à la confrontation des idées. Je souhaite saluer cette démarche que M. Woerth vient de confirmer.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Je voudrais aussi souligner, une fois encore, combien ce projet de loi innove en proposant des solutions pour prendre en compte directement la pénibilité, ce qui n'avait jamais été fait jusqu'ici.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Parce que le traitement de la pénibilité passe par la mise en oeuvre d'une politique de prévention des risques professionnels, donc une meilleure connaissance de l'exposition des salariés concernés à ces risques, le projet consacre le carnet de santé au travail.

Plus encore, le Gouvernement a fait le choix de prendre en compte la pénibilité dans les modalités des droits à retraite (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe SRC) en prévoyant un abaissement de la condition d'âge pour le départ à la retraite,…

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

…avec bénéfice du taux plein pour les assurés dont l'état de santé est dégradé, ce qui constitue un véritable droit nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Avec ces mesures, un pas essentiel est donc franchi, dont on ne peut que se féliciter.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Cela ne signifie pas que ces avancées épuisent le sujet. C'est, nous l'avons tous à l'esprit, le sens de la concertation qui s'est poursuivie cet été entre le Gouvernement et les partenaires sociaux.

La discussion des amendements va donc être capitale. Je n'entre pas maintenant dans le détail des différentes propositions que nous allons être amenés à examiner attentivement, mais, à n'en pas douter, cette discussion permettra d'enrichir encore le texte qui nous est proposé.

Enfin, dernier volet de cette réforme allant vers une plus grande équité, la question des carrières longues. Il s'agit d'une des principales avancées de la loi Fillon, qui a permis à près de 700 000 personnes ayant commencé à travailler très jeunes de partir à la retraite avant 60 ans. Ce que le gouvernement Jospin n'avait pas été capable de faire, cette majorité a su le faire, répondant ainsi aux attentes de milliers d'ouvriers et de salariés. Non seulement le projet de loi prolonge ce dispositif, mais il l'étend aux personnes ayant commencé à travailler avant 18 ans. Mes chers collègues de l'opposition, cette fois-ci, soutiendrez-vous cette avancée sociale exemplaire ?

Car il s'agit ici d'être responsable.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

La responsabilité, mes chers collègues, est un mot sur lequel tout parti qui se prétend de gouvernement devrait se pencher quelque peu s'il souhaite un jour gérer ce pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et la responsabilité, c'est garantir un retour à l'équilibre d'ici à 2020.

Certes, le projet de loi proprement dit ne comporte que des mesures ayant une incidence sur les dépenses des régimes obligatoires, de base et complémentaires. Les dispositions relatives aux recettes figureront dans les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale, que nous examinerons dès le mois prochain. Mais si les aspects financiers de la réforme des retraites sont, par la force des choses, répartis entre différents textes législatifs, le chemin du retour à l'équilibre n'en est pas moins clairement tracé.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Parmi les perspectives financières établies par le COR, la réforme retient le scénario intermédiaire, selon lequel le besoin de financement passerait de 32 milliards d'euros en 2010 à 45 milliards d'euros en 2020.

Une partie de ces montants sera financée par les mesures d'âge et la convergence entre public et privé, à hauteur respectivement de 20 milliards et 5 milliards d'euros. Compte tenu de ce que la réforme tend par ailleurs à améliorer certaines prestations, pour un coût de 1,6 milliard d'euros en 2020, il manque encore 21,5 milliards d'euros pour assurer l'équilibre.

Les nouvelles mesures de recettes rapporteront 6 milliards en 2020. Dès 2011, le gain sera de 3,7 milliards. Il pèsera d'abord sur les entreprises, à hauteur de 2,2 milliards, principalement au travers de l'annualisation des allégements généraux de cotisations sociales. Les prélèvements sur les ménages, quant à eux, se concentrent exclusivement sur les plus favorisés, qu'il s'agisse de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, des contributions sur les stock-options, des retraites-chapeau, des revenus du capital et du patrimoine, des dividendes ou des plus-values de cession de titres.

À terme, l'amélioration de la situation de l'emploi devrait permettre le retour de l'UNEDIC à des excédents et remettre ainsi à l'ordre du jour le basculement de cotisation entre l'assurance chômage et l'assurance vieillesse qui avait été envisagé en 2003. Avec prudence, le Gouvernement estime toutefois que le processus ne devrait débuter qu'en 2015, pour atteindre 1,4 milliard d'euros en 2020. Les 15 milliards d'euros restants résultent du gel de l'effort financier de l'État pour le financement du régime de la fonction publique, dont M. Tron vient de parler.

Il est donc faux de prétendre que la réforme des retraites n'est pas financée : le retour à l'équilibre est atteint dès 2018,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Lisez donc le rapport de la commission des finances ! Il dit le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

…grâce à des mesures justes, équilibrées et se fondant sur des hypothèses économiques raisonnables.

Mais cela ne suffira évidemment pas à régler ipso facto la question de la dette.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Car, à celle déjà constatée en 2010, il faudra ajouter celle qui se constituera à partir de 2011. Ici aussi, le Gouvernement a clairement annoncé ses choix.

La dette du régime général et du FSV antérieure à 2011 et le déficit 2011 de l'assurance maladie seront repris par la CADES, conformément au projet de loi organique, qui est en cours d'examen au Sénat.

Enfin, le financement de la dette de la branche vieillesse pour la période 2011-2017 sera assuré par la mobilisation des actifs et des ressources du fonds de réserve pour les retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

J'ai toujours défendu le FRR, sur lequel j'ai même été rapporteur. Mais j'estime qu'il serait absurde de ne pas recourir aujourd'hui à ses 32 milliards d'euros d'actifs et ses 1,5 milliard d'euros de recettes annuelles alors que la crise a creusé les déficits avec vingt ans d'avance.

Après l'équité et la responsabilité, l'efficacité enfin, qui en est la condition.

Cette exigence d'efficacité passe d'abord par un meilleur pilotage de notre système de retraite, aujourd'hui éclaté entre les différents régimes : c'est l'objectif du comité de pilotage des régimes de retraite.

L'efficacité consiste surtout à utiliser l'ensemble des outils à notre disposition et à utiliser les plus efficaces. C'est le choix qu'ont fait le Gouvernement et sa majorité en relevant, à compter de 2016, l'âge légal d'ouverture des droits de 60 à 62 ans. Ce relèvement prend acte à la fois de l'allongement de l'espérance de vie constaté depuis trente ans et de la situation financière particulièrement périlleuse de notre système de retraite. Comme l'ont reconnu de nombreux responsables politiques de tous horizons, 62 ans aujourd'hui correspond parfaitement à 60 ans en 1982.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

En outre, compte tenu de « l'effet horizon », ce relèvement de l'âge devrait avoir un effet très positif sur ce paramètre essentiel pour la réforme qu'est l'emploi des seniors. Je ne reviens pas sur la nécessité d'approfondir les efforts déjà réalisés pour accroître le taux d'emploi des seniors dans notre pays, taux encore inférieur à la moyenne européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

C'est un défi aux implications économiques et sociales majeures.

Au-delà de l'augmentation de la durée d'activité, ce projet de loi s'attaque à une difficulté spécifique rencontrée par les seniors sur le marché de l'emploi, à savoir un délai de retour à l'emploi particulièrement long après le chômage. Il crée ainsi une aide à l'embauche des seniors, mesure importante, pour laquelle la commission a prévu une évaluation avant le 31 décembre 2012.

En conclusion, il s'agit là d'un texte juste et nécessaire sur lequel la commission des affaires sociales a, dans de très bonnes conditions de travail, grâce à son président, Pierre Méhaignerie, et à l'attitude responsable de l'opposition, longuement travaillé. Elle l'a, je crois amélioré. Ce texte va encore s'enrichir tout au long de cette discussion : ne manquons pas ce rendez-vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, messieurs les présidents de commission, chers collègues, en annonçant un besoin de financement de 45 milliards d'euros pour 2020 – ou plutôt de 30 milliards si l'on soustrait les pensions d'État – et 475 milliards d'euros de déficit cumulé dans les dix prochaines années si rien n'est fait, le Comité d'orientation des retraites a clairement posé la nécessité d'une réforme rapide du système de retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Ce n'est pas un comité mais un conseil : ça commence mal !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

À ce sujet, je vous livre une citation pleine de sagesse : « Dès lors que la situation exige un effort particulier et que tous les pays voisins l'ont entrepris, il importe que la France ne s'en exonère pas, mais cet effort doit être partagé, et chacun doit y participer en fonction de ses capacités. »

Ces propos sont ceux de Didier Migaud, le premier président de la Cour des comptes que nous auditionnions le 23 juin dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Il poursuivait en posant une question : « 62 ans en 2018, est-ce bien différent de 60 ans en 1983 ? »

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Le premier président de la Cour des comptes disait ainsi la nécessité de faire d'une mesure d'âge l'élément central de la réforme tout en affirmant le bien-fondé de celle-ci au regard de l'évolution de l'espérance de vie et de nos choix sociaux.

Dans ses travaux, la commission des finances a souligné le caractère essentiel de la mesure d'âge consistant à reporter de deux ans, de 60 à 62 ans, l'âge d'ouverture des droits à la retraite, ainsi que l'ensemble des bornes d'âge qui lui sont arrimées. Cette mesure représente les deux tiers des 30 milliards d'euros de besoin de financement de 2020, soit un peu plus de 20 milliards. Elle se superpose à la logique actuelle de la loi Fillon qui prévoit que l'évolution de l'espérance de vie donne lieu à une évolution de la durée légale de cotisation. En 2012, la durée légale de cotisation sera de quarante et un an ; elle atteindra probablement quarante et un an et demi en 2020. Les deux mesures se complètent.

D'ores et déjà, l'ouverture des droits à la retraite est fixée à 65 ans dans de nombreux pays voisins de la France, comme la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande l'Irlande, les Pays-Bas et le Portugal ; en Allemagne elle se fait à partir de 67 ans. Comme le souligne Didier Migaud, tous les pays ont adapté une solidarité démographique aux réalités de la démographie, ce que nous faisons aussi avec cette réforme. Nous avons choisi la solidarité entre les générations – les cotisants couvrent les retraites –, il est donc normal que, l'espérance de vie progressant, nous adaptions le curseur entre le temps passé au travail et le temps passé en retraite. Depuis 1960, les hommes ont gagné plus de dix ans d'espérance de vie et les femmes plus de onze ans. Pour la même période, la durée effective du travail est passé de 42 heures hebdomadaires à 37 et le nombre d'années travaillées de quarante-deux à trente-neuf.

Pour un tiers de l'effort nécessaire, la réforme recourt à des mesures d'équité. Je citerai les mesures permettant l'évolution vers un régime universel de retraite, le rapprochement entre le public et le privé, le taux de cotisation aligné à 10,55 %, le minimum contributif du privé rejoint par le minimum garanti de la fonction publique dans ses conditions d'ouverture ou, enfin, la suppression de la possibilité de prendre une retraite anticipée, après quinze ans de services, pour les femmes agents publiques ayant élevé trois enfants. À ce sujet, la commission des affaires sociales a adopté des amendements afin de mettre en oeuvre cette mesure par paliers afin d'éviter des départs massifs de ces personnels – sujet important, notamment dans le secteur hospitalier – et pour garantir un droit à l'information.

Des recettes supplémentaires sont également programmées, pour près de 5 milliards d'euros en 2020, avec l'augmentation d'un point du taux d'impôt sur le revenu appliqué à la tranche marginale la plus élevée, la modification de l'imposition des plus-values, le prélèvement forfaitaire, une taxation plus forte des retraites-chapeau et des stock-options, la suppression du crédit d'impôt sur les dividendes perçus par les actionnaires et avec, pour les entreprises, l'annualisation des exonération de charges.

Les besoins de financement sont donc couverts aux deux tiers par des mesures d'âge et pour un tiers par des mesures d'équité. Il paraît en effet logique, dès lors que les Français considèrent que le système de retraite est un élément de solidarité entre les générations, que l'essentiel de l'effort repose sur une mesure d'âge et un rééquilibrage entre le temps de travail et le temps de retraite. Il est tout aussi logique qu'une part minoritaire de l'effort nécessaire provienne de contributions complémentaires. Si l'on raisonne autrement, on pourrait tout aussi bien faire des retraites un simple poste du budget de l'État dans votre ministère des affaires sociales et de la solidarité, monsieur le ministre, plutôt qu'un élément de protection sociale indépendant de l'État, régi par des règles de délibération spécifiques.

La réforme garantit l'équilibre à l'horizon 2018, elle propose aussi des solutions pour traiter les déficits futurs. Pour ceux de 2009 et 2010, elle prévoit ainsi un prolongement de la durée vie de la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, de 2021 à 2025. Cette dernière aura eu une longévité que personne n'espérait au moment de sa création. Pour les déficits entre 2011 et 2017, elle veut mobiliser les actifs du Fonds de réserve pour les retraites. La commission des finances s'est inquiétée de la gestion de ces actifs, qui doit être prudente. En effet, la crise a eu un impact sur ces derniers : leur placement sur les marchés financiers et leur gestion par différents organismes mandataires doivent être surveillés de près si l'on souhaite que le rendement de la mesure d'affectation du Fonds de réserve pour les retraites à l'absorption des déficits puisse se faire à la hauteur voulue.

La réforme permet aussi à certains publics fragiles d'enregistrer quelques progrès sensibles en matière de retraite. J'insiste, en particulier, sur le départ anticipé, avant 60 ans, des personnes ayant commencé à travailler jeunes. Cette mesure, souvent débattue, n'a été votée que tardivement dans l'histoire de notre République, en 2003. Elle a concerné plus de 630 000 personnes depuis 2004. Aujourd'hui, elle est confirmée, malgré un coût réel pour les comptes sociaux, et elle est étendue à ceux qui ont commencé à travailler à 17 ans, ce qui constitue une juste compensation du report de borne d'âge de 60 à 62 ans.

Je rappelle aussi que la loi Fillon prévoyait un départ anticipé à la retraite pour les travailleurs handicapés, mesure qui est, bien sûr, maintenue par la réforme.

Par ailleurs, Denis Jacquat a été parfaitement précis et éloquent sur la question de la pénibilité. J'ajouterai deux éléments. Premièrement, la commission des finances souhaite que soit étudiée une mesure de ce type au bénéfice des salariés agricoles. Leur situation est analogue à celle des salariés qui ressortissent au régime général. Deuxièmement, avec Pierre Méhaignerie et Denis Jacquat, nous présenterons un amendement préventif afin d'organiser un cadre de dialogue dans les branches professionnelles sur ces questions afin de parvenir à établir une hiérarchisation des métiers pénibles. Il s'agira surtout de mettre en place, grâce à un fonds paritaire, les éventuels droits ouverts pendant la vie professionnelle ou dans le cadre de la retraite pour compenser cette pénibilité.

Je veux aussi citer brièvement, car je suppose que Mme Marie-Jo Zimmermann en parlera de manière détaillée, les mesures prévues au profit des femmes. Les commissions des finances et des affaires sociales sont unanimes à vouloir des sanctions plus fortes pour soutenir l'obligation de négociation et les progrès qui doivent en découler dans le cadre des rapports de situation comparée.

Quant à la mesure prise en faveur des seniors, elle mérite d'être complétée par des éléments de dialogue social. À titre d'exemple, la commission des finances propose que les RTT qui ne sont pas consommées et s'accumulent souvent sur un compte épargne-temps puissent être reportées en fin de vie professionnelle pour permettre une cessation progressive d'activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Et si le salarié est mort, c'est toujours ça de gagné !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Dans les pays scandinaves, cette solution a notamment permis un prolongement de l'activité professionnelle des seniors, le temps partiel venant s'ajouter aux pratiques professionnelles antérieures.

Enfin, je rappelle que la commission des finances a adopté une série d'amendements, repris par la commission des affaires sociales, afin de développer l'épargne-retraite collective. La loi Fillon a créé les PERCO, les plans d'épargne pour la retraite collectifs. Il nous paraît important d'en faciliter l'accès à un plus grand nombre de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Nous avons d'abord prévu des négociations de branches, avant 2012, pour généraliser le PERCO et, notamment, pour permettre son développement dans les PME. Nous avons ensuite prévu que 50 % de la participation puissent être versés au PERCO, de même que cinq jours de RTT – car de nombreuses petites entreprise ne savent pas quoi faire des jours de RTT.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

La commission des finances propose aussi un amendement afin que les entreprises qui procurent des avantages liés à la retraite à certains de leurs salariés, en particulier à leurs dirigeants – en clair, nous parlons des retraites-chapeau –, ne puissent le faire sans que l'ensemble des salariés se voie proposée une épargne-retraite collective. Autrement dit : pas de chapeau sans PERCO.

Je conclus en réaffirmant l'attachement de la commission des finances à la mesure d'âge prévue par la réforme. La commission espère que son intégrité sera respectée au cours de nos débat. Elle proposera sûrement, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des mesures complémentaires permettant de percevoir de nouvelles recettes au profit de notre système de retraite, notamment du Fonds de solidarité vieillesse, en proposant, entre autres mesures, de mieux équilibrer la fiscalité du capital et du travail, par exemple en ce qui concerne la CSG – comme vous le savez, cette contribution montre parfois des « préférences » pour les revenus du capital, qui, dans la situation présente de notre pays, sont, je crois, moins justifiées que par le passé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Émile Blessig, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Émile Blessig

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, parce qu'elle se veut équitable, la réforme des retraites s'applique à l'ensemble du monde du travail. Elle concerne donc le secteur privé comme le secteur public. Compte tenu de sa compétence en matière de fonction publique, la commission des lois s'est saisie pour avis des dispositions du projet de loi qui concernent les fonctionnaires.

Avant d'évoquer les ajustements apportés par la commission, je rappellerai l'essentiel de ces dispositions. Je conclurai en évoquant les questions qui restent posées et pour lesquelles un certain nombre d'évolutions ont déjà été annoncées.

En quoi la fonction publique est-elle touchée par la réforme des retraites ?

Les trois fonctions publiques, étatique, territoriale et hospitalière, sont évidemment concernées par le relèvement des deux principales bornes d'âge au même niveau que celles du secteur privé. D'une part, l'âge d'ouverture des droits à la retraite passera progressivement de 60 à 62 ans, d'autre part, la limite d'âge dans la fonction publique passera progressivement de 65 à 67 ans.

Il ne s'agit là que du cas général, celui de la fonction publique dite « sédentaire », par opposition aux catégories dites « actives ». Pour ces catégories actives, qui rassemblent environ 900 000 fonctionnaires, l'âge de départ varie aujourd'hui, selon les corps, de 50 ans, pour certains policiers par exemple, à 55 ans dans la plupart des autres cas, à la condition de justifier d'une durée minimale de services actifs, généralement de quinze années. L'ensemble de ces bornes d'âge et conditions de durée seront également décalées de deux années. Une exception sera faite, M. le secrétaire d'État l'a rappelé, pour les infirmières afin de tenir compte de leur cas très particulier.

La réforme des retraites s'applique également aux militaires, dont les durées de services et les limites d'âge seront progressivement relevées de deux années.

Le projet de réforme ne remet donc pas en cause les spécificités de la fonction publique ni même les spécificités au sein de la fonction publique : avec le relèvement de deux années, tout le monde évoluera de la même façon mais chacun conservera les particularités de son statut. L'absence de réforme des catégories actives peut même être vue comme le corollaire de l'absence d'application à la fonction publique des dispositions relatives à la pénibilité contenues dans le titre IV du projet de loi.

Du point de vue financier, ce décalage de deux années des différentes bornes d'âge dans la fonction publique est absolument nécessaire compte tenu du poids du secteur public dans notre système de retraite. Ainsi, les dépenses de pensions des trois fonctions publiques représentent près du quart des dépenses de pensions de l'ensemble des régimes, soit 56 milliards d'euros sur environ 250 milliards d'euros.

Au-delà du relèvement des différentes bornes d'âge, la réforme des retraites vise également à rapprocher la fonction publique du régime général.

Quatre dispositions vont dans ce sens.

Premièrement, le dispositif, similaire au secteur privé, de départ anticipé pour carrières longues est prolongé.

Deuxièmement, le taux de cotisation des fonctionnaires sera progressivement aligné sur celui du secteur privé. Actuellement fixé à 7,85 %, ce taux de retenue pour pension sera progressivement porté, en dix ans, à 10,55 %, comme dans le régime général. Je rappelle toutefois que les assiettes ne sont pas comparables. En effet, dans le secteur privé, les cotisations portent sur l'ensemble du salaire brut, alors que, dans la fonction publique, elles ne portent que sur le traitement indiciaire brut.

Troisièmement, les règles d'attribution du minimum garanti sont réformées : désormais, l'âge de départ à la retraite et la durée de services seront pris en compte. Il s'agit d'encourager le maintien en activité et de se rapprocher des règles régissant le minimum contributif dans le régime général. En revanche, le montant du minimum garanti restera financièrement plus intéressant que dans le secteur privé.

Quatrièmement, la possibilité de départ anticipé pour les fonctionnaires ayant élevé trois enfants et effectué quinze années de services effectifs est supprimée. Ce dispositif apparaît en effet comme une source d'iniquités, non seulement entre le privé et le public, mais aussi entre fonctionnaires appartenant à une même génération.

Au total, l'ensemble des mesures du projet de loi concernant la fonction publique devrait contribuer au retour à l'équilibre de l'ensemble de notre système de retraite, en 2018, à hauteur de 7 milliards d'euros, dont environ 3 milliards grâce aux mesures d'âge et 4 milliards du fait du rapprochement des règles entre public et privé.

J'en viens maintenant à mon deuxième point, qui consiste à rendre compte des travaux de la commission des lois.

Je rappelle que celle-ci s'est saisie pour avis de ce texte le 7 juillet dernier et, après avoir auditionné MM. Éric Woerth et Georges Tron, elle l'a examiné le 20 juillet.

Je précise que ce projet de loi ordinaire est complété par un projet de loi organique déclinant les principes de la réforme aux magistrats de l'ordre judiciaire. Parce qu'il a un caractère organique, ce texte a, quant à lui, été renvoyé à la commission des lois, saisie au fond, qui l'a également examiné le 20 juillet dernier. Il sera discuté en séance publique, à la suite du projet de loi ordinaire dont nous commençons l'examen aujourd'hui.

Sur le fond, la commission des lois a approuvé cette réforme des retraites et a entendu en respecter l'équilibre général. C'est pourquoi les amendements qu'elle a adoptés à mon initiative sont essentiellement techniques et consistent en des précisions, corrections et autres coordinations.

Neuf amendements ont ainsi été adoptés par la commission des lois, dont huit ont ensuite été intégrés au texte de la commission des affaires sociales. Je signale en particulier deux amendements : l'un introduit un article 20 bis clarifiant les différentes limites d'âge applicables aux militaires ; l'autre, à l'article 9, garantit que les âges de départ anticipé des fonctionnaires handicapés actuellement en vigueur ne seront pas remis en cause. Ils seront toujours calculés par rapport à un âge de référence de 60 ans, et non de 62 ans.

La commission des lois avait par ailleurs adopté, à mon initiative, un amendement d'appel destiné à attirer l'attention du Gouvernement sur la situation des titulaires sans droit à pension dans la fonction publique. En commission des affaires sociales, j'ai retiré cet amendement, en raison de l'engagement pris par le Gouvernement de traiter cette question par voie d'amendement, en septembre. Nous y sommes.

D'où mon troisième et dernier point : quelles sont les questions qui, à mon sens, méritent de trouver réponse lors de la discussion du projet de loi en séance publique ?

Je me bornerai à en signaler trois.

Tout d'abord, je viens de l'évoquer, la question des titulaires sans droit à pension de la fonction publique. Cette question s'inscrit dans celle, plus large, des polypensionnés. Lorsqu'ils n'ont pas accompli les quinze années de services effectifs exigées par le code des pensions civiles et militaires de retraite, les fonctionnaires civils et les militaires sont rétroactivement affiliés au régime général et à l'IRCANTEC, au terme d'une procédure complexe, mal comprise par les agents et souvent coûteuse. Les appels de cotisations complémentaires, liés aux écarts d'assiette et de taux de cotisation d'un régime à l'autre, peuvent en effet se montrer très onéreux pour les agents.

Le Gouvernement s'est engagé à apporter des réponses à ces difficultés. L'une d'entre elles consisterait à abaisser la condition de quinze années de services, ce qu'un parlementaire ne peut proposer sans contrevenir à l'irrecevabilité financière de l'article 40 de la Constitution. Cette mesure augmenterait le nombre d'affiliés au régime de la fonction publique, mais allégerait d'autant les autres régimes.

Deuxième question qui demeure posée, celle des militaires non-officiers. Le projet de loi fait passer leur durée minimale de services, qui leur permet de bénéficier immédiatement d'une pension, de quinze ans à dix-sept ans. Ce relèvement sera progressif. Il pose cependant le problème des non-officiers dont la durée effective de services serait inférieure à dix-sept ans mais supérieure à quinze ans. D'un côté, cette durée inférieure à la nouvelle exigence de dix-sept ans les priverait d'une pension militaire ; de l'autre, le code des pensions civiles et militaires de retraite continue à ouvrir droit à une pension à tout fonctionnaire, qu'il soit civil ou militaire, ayant accompli quinze ans de services.

Par conséquent, pour éviter que ne se crée une nouvelle « source » de titulaires sans droit, il conviendrait que le Gouvernement propose une disposition spécifique pour ces militaires non-officiers dont la durée de services est comprise entre quinze et dix-sept ans. Il suffirait de s'inspirer de ce que prévoit le projet de loi pour les officiers. Pour ces derniers, l'article 9 du projet dispose que lorsque la durée minimale de services, portée de vingt-cinq à vingt-sept ans, n'est pas atteinte, le droit à pension est malgré tout ouvert lorsqu'ils atteignent l'âge de 52 ans. Il existe ainsi un filet de sécurité, constitué par l'atteinte d'un âge déterminé, pour ceux qui ne satisfont pas à la condition de durée.

Enfin, troisième question qui mérite réflexion : les carrières longues. Il serait souhaitable que le Gouvernement apporte des réponses à ces catégories, par exemple en élargissant le dispositif de départ anticipé pour carrières longues, soit en relevant davantage l'âge à partir duquel le salarié ou le fonctionnaire a commencé à travailler, soit en assouplissant les conditions de durée de cotisation.

Tels sont les principaux éléments que je souhaitais porter à la connaissance de l'Assemblée, suite aux travaux de la commission des lois. J'espère que la discussion qui s'ouvre aujourd'hui sera l'occasion d'enrichir cette réforme des retraites et je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Mes chers collègues, en regardant vos visages, je m'aperçois que votre capacité d'écoute et de réaction est en train de s'émousser. (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Il ne fallait pas nous dire cela, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Calmez-vous, mes chers collègues et écoutons le président Méhaignerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Aussi m'en tiendrai-je à quelques réflexions.

Je veux tout d'abord remercier mes collègues de la commission des affaires sociales, avec lesquels nous avons procédé à de très nombreuses auditions, largement suivies et passionnantes. Au reste, je dois dire qu'elles ont incité beaucoup d'entre nous – c'est mon cas – à modifier leurs positions sur deux ou trois points. J'ajoute que nous avons consacré trois jours pleins à l'examen de quelque 400 amendements. Outre Denis Jacquat, je tiens également à remercier Éric Woerth et Georges Tron, pour cette période de travail en commun, pour leur capacité d'écoute et la qualité de leurs réponses.

Si un référendum était organisé auprès des 500 millions d'Européens, je suis convaincu qu'à la question : « De quel système de retraite aimeriez-vous dépendre ? », la majorité d'entre eux répondraient : « Le système français » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), et ce pour trois raisons.

Premièrement, selon les chiffres de l'OCDE, c'est en France que la durée de l'espérance de vie à la retraite est la plus longue, et elle le demeurera après la réforme. Elle est actuellement comprise entre vingt-trois et vingt-quatre ans pour un homme, de vingt-sept ans pour une femme. Je rappelle qu'en Allemagne – le pays qui nous suit dans ce classement –, elle n'est que de vingt ans et de dix-neuf ans au Royaume-Uni.

Deuxièmement, compte tenu du taux de remplacement, le pouvoir d'achat des retraités est pratiquement identique à celui des actifs ; notre pays est celui où le taux de remplacement est le plus élevé.

Troisièmement, l'âge de 62 ans est l'un des plus faibles âges légaux de départ à la retraite d'Europe. C'est pourquoi j'estime que, si un effort est consenti, celui-ci n'est absolument pas à la mesure de ceux réclamés par les réformes des systèmes de retraite adoptés dans d'autres pays ; nous le rappellerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Par ailleurs, j'ai écouté les alternatives qui nous sont proposées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Quelles sont-elles ? Première proposition : augmenter les cotisations des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Vous savez très bien que ce serait aller dans le sens inverse de celui suivi par tous les pays européens. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe GDR.) Sur ce point, nous avons pris beaucoup de retard par rapport à l'Allemagne. Jacques Delors lui-même (« Ah ! » sur les bancs du groupe GDR) a écrit que l'effort de productivité des Français avait été absorbé, ces dernières années, par l'augmentation des prestations sociales et les dépenses des collectivités locales, au détriment du salaire direct et de l'investissement. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Augmenter les cotisations des entreprises, ce serait encourager la destruction de l'emploi, en particulier de l'emploi industriel. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Deuxième proposition : augmenter les cotisations des actifs. Ce serait facile, mais cela se ferait au détriment de la croissance et de l'emploi. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe GDR.) Au reste, aucun pays n'a retenu cette solution.

Et puis, bien entendu, il y a toujours le Père Noël : la finance peut payer !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

C'est vrai, mais, ainsi que l'a indiqué Michel Rocard (« Ah ! » sur les bancs du groupe GDR), il ne faut surtout pas que le financement des retraites repose sur la fiscalité : l'imposition du capital doit d'abord contribuer à la réduction des déficits.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Chers amis de l'opposition, je rappelle que c'est après les promesses folles de 1981 – en 1982 et 1983 – que la part du travail dans la valeur ajoutée a fortement baissé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) En faisant ces propositions, c'est comme si vous repreniez exactement les mêmes arguments qu'avant 1981, avec le risque, si vous veniez au pouvoir, de vous fracasser sur la réalité du monde actuel. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Nous avons la gauche la plus archaïque d'Europe !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Voilà pourquoi vos alternatives ne sont absolument pas crédibles.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous avons, pour beaucoup d'entre nous, un message sur lequel nous insistons, et il concerne la pénibilité. En permettant à presque 110 000 personnes, chaque année, de partir à 60 ans ou avant, vous avez fait un effort qui n'a pas été accompli dans les autres pays. Toutefois, nous avons tous participé à des réunions avec les salariés, les chefs d'entreprise, et certaines situations continuent de poser problème. Je citerai deux cas. Le couvreur qui a aujourd'hui 54 ans, et qui a commencé à travailler à 18 ans, se dit qu'il partira à la retraite à 62 ans ; il faut que nous lui apportions une réponse. De la même manière, nous devons apporter des réponses à la personne qui a travaillé trente ans à la chaîne. Je suis persuadé que tous les Français seraient prêts à accepter totalement notre réforme si nous allions un peu plus loin sur le traitement de la pénibilité.

Avec de nombreux collègues, que je remercie, nous avons donc déposé un amendement afin de mettre en place les conditions d'un dialogue sur ce sujet au sein des entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons prévu un système de mutualisation. À tous ceux qui invoquent la solidarité, je réponds que les déficits ne sont évidemment pas une solution.

En revanche, une solution existe à l'intérieur même des 590 milliards d'euros de notre système social, le plus développé. Aujourd'hui, l'UNEDIC permet à un demandeur d'emploi de percevoir jusqu'à 5 800 euros d'indemnités par mois durant 23 mois. Avec les ruptures conventionnelles, il y a là, messieurs les ministres, des marges de redéploiement (Exclamations sur les bancs du groupe GDR),…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…et il y en a bien d'autres, dans l'ensemble du système social. Je crois que nous avons un devoir de solidarité vis-à-vis des métiers pénibles, a fortiori lorsqu'ils se cumulent avec des carrières longues.

En conclusion, je veux rappeler deux choses. Premièrement, nous avons pris des engagements collectifs – auxquels le groupe socialiste était associé – à Lisbonne. L'un de ces engagements consistait à revenir à un taux d'emploi des seniors de 50 %. Nous sommes actuellement à 38 %, c'est-à-dire à l'un des taux les plus faibles d'Europe, nombre de pays, en particulier les pays scandinaves, ayant déjà atteint 60 %. M. Bellanger, président de la Confédération française des retraités, a affirmé lors de son audition qu'un relèvement de l'âge minimum est absolument inévitable. Selon lui, « en relevant l'âge minimum de la retraite à 62 ans, le taux d'emploi des seniors remontera mécaniquement ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

C'est le président de la Confédération française des retraités qui le dit ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Le problème, c'est le chômage des seniors !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Deuxièmement, mes chers collègues socialistes, un parti doit faire la pédagogie d'un monde nouveau. Plusieurs, parmi vous, ont appelé à réfléchir à la question du report de l'âge de la retraite de 60 à 62 ans – de Daniel Cohn-Bendit à Dominique Strauss-Kahn en passant par Michel Rocard et beaucoup d'autres. Pour ma part, je considère que cette pédagogie du monde nouveau est absolument nécessaire. Yves Bur, Gilles Carrez et moi-même avons rencontré les représentants du gouvernement allemand et les présidents des commissions. Leur message, que je vous transmets, est le suivant : la société française et les partis français ont-ils bien pris conscience de la mondialisation et des nécessaires adaptations qu'elle entraîne pour sauver les emplois ?

Messieurs les ministres, nous assumons totalement le projet que vous présentez, et le défendrons devant l'opinion publique avec vigueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, ce projet de loi portant réforme des retraites doit être examiné à la lumière de plusieurs hypothèques.

La première est sociale : personne ne doute – pas plus sur les bancs de droite que sur ceux de gauche – que les éventuelles évolutions du texte que nous examinons dépendront de l'ampleur de la mobilisation des salariés et de son éventuelle durée. Des voix se sont d'ailleurs élevées au sein même de la majorité pour dire que, le cas échéant, il ne serait pas possible de ne pas entendre une protestation forte et durable. (« Elle est forte ! » sur les bancs du groupe SRC.)

L'hypothèque sociale se double d'une hypothèque institutionnelle. En réponse aux questions d'actualité, le Premier ministre a eu raison d'indiquer que l'interlocuteur légitime des parlementaires et des syndicats était le ministre nommé dans des conditions régulières et appartenant à un gouvernement qui bénéficie, à ce jour, de la confiance de l'Assemblée nationale. L'interlocuteur, c'est lui, et ce ne sont certainement pas des hommes – quelle que soit leur qualité – qui n'ont jamais été élus, n'ont probablement pas vocation à l'être, et ne sont responsables devant personne ni devant aucune institution de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce sont pourtant ceux-là qui s'expriment au nom du Gouvernement, alors même qu'il a un porte-parole, et peut-être même au nom du Président de la République, alors que le dernier porte-parole de la Présidence de la République a démissionné au bout de quelques semaines seulement pour aller exercer ses talents comme consul de France aux États-Unis. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Dans ces conditions, avec qui discuter, avec qui négocier ? Le Premier ministre a appelé de ses voeux, tout à l'heure, sinon une négociation, une concertation, à tout le moins des discussions, mais entre qui ? Entre les autorités légitimes de notre République ou avec des hommes qui, à mes yeux, se substituent à ces autorités de façon tout à fait abusive – manifestement avec l'accord du chef de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La troisième hypothèque est économique. Comme chacun le sait, l'équilibre du régime des retraites dépend de la croissance de la masse salariale, laquelle dépend de la croissance de la richesse nationale. Or, alors cet équilibre se fondait, il y a encore quelques semaines, sur une hypothèse de croissance de 2,5 %, nous savons désormais que la croissance ne dépassera pas 2 % en 2011. Pour les années suivantes, les économistes estiment de façon consensuelle que la croissance sera encore inférieure. Lorsqu'on prétend sauver les retraites, comment faire l'impasse sur l'hypothèque économique majeure que constitue la croissance de la masse salariale ? Prétendre réformer durablement, pour dix ans, en ignorant ce paramètre fondamental sur lequel personne ne peut aujourd'hui se prononcer avec certitude, c'est très certainement nous faire prendre des vessies pour des lanternes !

L'hypothèque économique en lève d'ailleurs une autre, de nature budgétaire. Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, même avec des hypothèses économiques favorables, chaque régime pris individuellement n'est pas équilibré.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

C'est tellement vrai qu'aucun des deux rapporteurs – ni celui de la commission saisie au fond, ni celui de la commission saisie pour avis – n'a pu obtenir de vos services la moindre indication chiffrée par régime. À vous en croire, et si votre réponse sur ce point n'a pas varié, les régimes de retraite seraient globalement équilibrés. En réalité, la CNAV sera en déficit l'année prochaine,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

…elle le sera encore en 2012 et en 2018, et encore davantage en 2020. Si les régimes de retraite sont globalement équilibrés, c'est parce que vous faites masse de tous les régimes, de base comme complémentaires,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

…préjugeant, me semble-t-il, de ce que serait la décision des partenaires sociaux – qui ont, je le rappelle, la charge de gérer les régimes complémentaires, notamment l'AGIRC et l'ARRCO. Après tout, que peut-on dire dans cette enceinte de ce que seraient leurs décisions si des excédents devaient apparaître ? Comment peut-on affirmer qu'ils ne revaloriseraient pas la valeur du point ou qu'ils ne diminueraient pas les cotisations des régimes complémentaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous faites l'impasse sur une hypothèque extrêmement sérieuse, monsieur le ministre ! Je peux comprendre votre intérêt à faire masse de l'ensemble, mais si vous lisez attentivement les rapports de nos deux collègues, vous constaterez qu'il y est écrit en toutes lettres que chaque régime reste déficitaire. Dès lors, à moins de procéder à une multiplication miraculeuse des pains…

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Les pains, on les prend dans la gueule ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

…on ne voit pas comment l'ensemble pourrait être équilibré.

Ces quatre premières hypothèques en nourrissent une cinquième qui me paraît plus grave encore, celle de la contrainte extérieure. Nous le savons, dans la démocratie qui est la nôtre, les élus que nous sommes et le Gouvernement auquel vous appartenez agissent et exercent leur mandat sous le contrôle du peuple d'où ils tirent leur légitimité. Cependant, nous ne sommes pas sous le seul contrôle du peuple : les autorités légitimes de notre pays agissent aussi sous le contrôle d'investisseurs. En effet, la France a beaucoup emprunté cette année et empruntera encore beaucoup l'année prochaine et les années suivantes ; d'évidence, l'avis que les investisseurs peuvent se faire des politiques menées par notre pays pèsera considérablement sur les très maigres marges budgétaires dont nous pourrions disposer. Vous tentez de lever l'hypothèque que représente la contrainte extérieure, mais en faisant l'impasse sur les quatre premières hypothèques que j'ai citées, vous ne faites que renforcer cette cinquième ! Que l'on soit de droite ou de gauche, nul ne saurait se satisfaire de ce qui constitue une perte de souveraineté nationale – car c'est un fait : le gouvernement actuel ainsi, peut-être, que les gouvernements à venir, seront amenés à prendre des décisions que nos concitoyens ne souhaitent ni n'attendent.

Au-delà de ces hypothèques, votre dossier est fragile sur au moins trois points. Le premier est le déficit de chacun des régimes, dont on voit mal comment, en en faisant masse, vous pourriez parvenir à un quelconque équilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je le répète, la CNAV sera déficitaire chaque année à partir de l'année prochaine et jusqu'en 2020. Quant au régime de la fonction publique, il est structurellement déficitaire.

À cet égard, nous pourrions au moins nous mettre d'accord sur une façon de voir les choses. Il fut probablement maladroit, monsieur le ministre, de mettre en exergue ces fameux 15,6 milliards d'euros qui manqueraient pour équilibrer le régime des pensions. Pour autant, il me semble que compter deux fois ce déficit n'est pas satisfaisant non plus : soit il s'impute sur le budget de l'État et ne doit pas être comptabilisé au titre des retraites de la fonction publique ; soit on l'ignore dans le budget de l'État et il est alors légitime d'estimer que, structurellement, le régime des pensionnés de l'État sera déficitaire de ce montant. Ne pas le compter serait illusoire, le compter deux fois ne serait pas très honnête ; en tout état de cause, il manquera une recette au moins égale à ce montant. Prétendre que vous allez trouver 45 milliards d'euros et que la réforme des retraites va équilibrer les régimes – alors qu'il faudra à tout le moins emprunter cette somme pour parvenir à l'équilibre, y compris en 2018 – ne me paraît donc pas satisfaisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

C'est tout simplement un mensonge, on le sait bien ! Vous êtes trop poli, monsieur le président de la commission des finances !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Mettons-nous au moins d'accord sur le fait de ne compter qu'une fois la somme qui manque : puisque c'est ainsi que les choses se passeront, imputons-la sur le budget de l'État, sans la compter comme un déficit dans les comptes des régimes de retraite. Je n'y reviens pas, mais ce raisonnement ne s'applique pas à la Caisse nationale d'assurance vieillesse.

La deuxième faiblesse de votre dossier est évidemment l'allongement de la durée de vie de la CADES.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

À ce jour, et tant que la loi organique n'est pas modifiée, il n'est pas possible d'allonger cette durée de vie sans transférer des ressources. Comme vous n'avez pas de ressources à transférer, vous souhaitez allonger la durée de vie de la CADES avec un argument qui paraît acceptable : il ne faudrait pas augmenter les impôts. Encore faut-il préciser que, pour ne pas augmenter les impôts en 2011, il faudra les augmenter en 2021 et les trois années suivantes, car allonger la durée de vie de la CADES, c'est demander aux Français de payer, à partir de cette date, des impôts qu'ils ne devraient pas payer – toutes choses étant égales par ailleurs pour ce qui est des lois organiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

On va faire payer les jeunes ! (« C'est honteux ! Immoral ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

C'est là une faiblesse considérable de votre dossier. Il ne me semble pas qu'envisager une future « règle d'or » qui forcerait au respect d'une règle que vous vous apprêtez à défaire – si vous suivez en cela vos collègues du Sénat – constitue une perspective satisfaisante.

La troisième faiblesse de votre dossier, c'est le Fonds de réserve des retraites…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

…pour une raison simple : c'est que vous préjugez de la valeur des actifs, alors que nul ne peut dire ce qu'ils seront. Vous n'avez aucune idée des décaissements auxquels le Fonds de réserve des retraites devra procéder afin de financer précisément les déficits futurs, notamment des régimes vieillesse. Nous ne savons pas si ces actifs, une fois liquidés, permettront de solder les déficits des régimes vieillesse ou ceux du régime d'assurance maladie – loin d'avoir atteint l'équilibre que l'on nous promettait pourtant dès l'année 2007.

Nous ne savons pas ce qu'il en est, et c'est bien regrettable, car avec le Fonds de réserve des retraites, nous profitons de la croissance mondiale, mes chers collègues. La diversification des actifs à laquelle les gestionnaires ont procédé avec l'accord des pouvoirs publics permet en effet à notre pays de bénéficier d'une partie de la croissance mondiale, dont chacun sait qu'elle est supérieure d'une part à la croissance française, d'autre part au coût de l'endettement de notre pays. C'est donc une très mauvaise affaire financière que de liquider ce Fonds de réserve des retraites, sans parler de l'impasse que vous faites sur les nécessités de financement de ce que l'on appelle la « bosse démographique » à partir de 2020 – raison pour laquelle ce Fonds de réserve des retraites avait été créé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Pour en revenir à l'hypothèque de la contrainte extérieure, je ne crois pas que nous la lèverons – ce que nous appelons pourtant tous de nos voeux – en faisant cette triple impasse : la mauvaise affaire que constitue le siphonnage du Fonds de réserve des retraites, l'allongement de la durée de vie de la CADES et cette conséquence obligatoire qu'est l'instauration de nouveaux impôts, qui n'auraient pas dû exister, à partir de 2021. Tout cela pour, en définitive, ne pas parvenir à équilibrer les principaux régimes de retraite – je mets de côté le régime de pensions des fonctionnaires d'État, des collectivités territoriales ou de la fonction publique hospitalière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Au fond, ce projet qui était probablement au moins autant destiné à réformer les retraites qu'à rassurer les marchés, c'est-à-dire au moins autant à se faire sous la surveillance du peuple que sous celle des investisseurs, inquiète nos concitoyens…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

…et ne rassurera pas, je le déplore, celles et ceux qui nous surveillent et dont nous dépendons – puisque, je le rappelle, notre dette est constituée pour les deux tiers auprès d'investisseurs étrangers.

Je vous remercie de votre attention et je vous prie de m'excuser, monsieur le ministre, s'il a pu m'arriver de vous interpeller de manière un peu vive. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Bravo pour avoir dénoncé tous ces mensonges !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes a demandé à être saisie du projet de loi de réforme des retraites et a rendu son rapport en juillet dernier, dans lequel elle formule plusieurs recommandations.

Pourquoi ? Parce que, depuis plusieurs années maintenant, la délégation souligne de façon répétée et unanime les difficultés que rencontrent les femmes quand vient le moment de liquider leur pension, lorsqu'elles constatent que les choix de vie qu'elles ont opérés – pour l'éducation de leurs enfants le plus souvent – pèsent lourdement sur le montant de la pension qui leur sera finalement servie.

Le constat est là : les pensions servies aux femmes sont toujours inférieures à celles des hommes – de 36 % aujourd'hui – et les projections montrent que le rapprochement des durées d'assurance entre les hommes et les femmes ne suffira pas à réduire les écarts de pension en raison des effets de la précarité, des bas salaires et des conséquences du temps partiel. Ces écarts sont d'autant plus inacceptables que les différences au sein des pensions servies aux femmes – entre celles qui ont eu une carrière complète et celles qui ont travaillé de façon interrompue ou précaire – sont plus fortes que celles observées chez les hommes.

De surcroît, la multiplication des séparations implique que de plus en plus souvent les femmes se retrouvent seules à la retraite, ce qui a une incidence importante sur leur niveau de vie, qui n'est plus compensé de la même façon par la retraite de leur conjoint.

Ce constat est le produit des conditions d'exercice de la vie professionnelle – interruptions d'activité, temps partiel ou encore écarts salariaux entre hommes et femmes –, mais pas seulement : les règles d'attribution des droits et de calcul des pensions, en apparence neutres puisqu'elles sont les mêmes pour tout le monde, ont en réalité des effets différents en fonction de la structure des carrières professionnelles. Les femmes n'ont toujours pas les mêmes carrières que les hommes et sont pénalisées par les mesures qui allongent la durée de cotisation ou le nombre d'années prises en compte pour le calcul des salaires de référence, comme l'a fait la réforme de 1993.

C'est pourquoi, monsieur le ministre du travail, j'ai souligné l'importance des études d'impact qui, depuis la loi organique du 15 avril 2009, doivent accompagner le dépôt des projets de loi en analysant notamment les conséquences sociales des mesures proposées. Or ces conséquences sociales incluent l'analyse des incidences des réformes sur l'égalité hommes-femmes.

J'ai personnellement attiré votre attention sur ce point. Ces préoccupations sont manifestes chez nos concitoyennes, qui sont particulièrement inquiètes aujourd'hui des effets de la réforme et nous le font savoir quotidiennement. Les contacts que nous avons pu avoir, puis la discussion du projet de loi de réforme des retraites en commission des affaires sociales ont permis d'entériner des améliorations ou d'en apporter d'autres au texte, et je vous en remercie. Ces améliorations correspondent très souvent à des préconisations de la délégation aux droits des femmes.

Il s'agit d'abord – vous l'avez souligné tout à l'heure – du « report au compte » des indemnités journalières de maternité versées pendant les périodes de congé de maternité. La délégation avait plusieurs fois préconisé cette mesure.

Il s'agit ensuite de la pérennisation de l'allocation veuvage, dont le régime devait s'interrompre au 31 octobre 2010.

Enfin – je crois qu'on ne le met pas suffisamment en avant – il s'agit de la sanction des entreprises qui ne respectent pas leur obligation en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Tout le monde avait la possibilité de le faire, et il est vrai que la loi de 2001 a apporté un début de réponse, mais il faut souligner que l'article 31 du présent texte donne au moins la possibilité d'une sanction et que le travail de concertation réalisé entre le ministre, le rapporteur et la délégation a permis de muscler cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Je tenais à le souligner, et je voudrais vraiment que les uns et les autres reconnaissent le travail qui a été effectué grâce à ces efforts conjugués.

De même, nous proposerons, sur l'initiative de Denis Jacquat et de Laurent Hénart, de lisser, dans la fonction publique, l'application de la décote dans le cadre du dispositif de départ à partir de quinze ans d'annuités pour les parents de trois enfants. C'est là aussi le résultat d'un travail de concertation qui a été mené entre le secrétaire d'État Georges Tron, le rapporteur et le rapporteur pour avis de la commission des finances. Je tiens à vous en remercier.

Reste que des dispositions comme celle du report de 65 à 67 ans de l'âge minimal pour bénéficier du taux plein n'ont pas été modifiées, alors que leurs conséquences seront lourdes pour tous ceux ayant eu des carrières incomplètes, et particulièrement les femmes. C'est le cas de 36 % des femmes ayant liquidé leur retraite en 2009, qui doivent attendre jusqu'à 65 ans pour obtenir le taux plein, avec en moyenne 96 trimestres validés, alors que la proportion n'est que de 12 % chez les hommes.

Il faut également savoir qu'aujourd'hui 80 % des femmes qui liquident leur retraite à 65 ans n'ont plus d'emploi. Par ailleurs, ce projet de loi ne contient pas de mesure significative relative au temps partiel et à ses conséquences en termes de niveau de pension de retraite, qui seront pourtant massives dans les années à venir avec le développement du temps partiel depuis le milieu des années quatre-vingt.

Or, d'une part, pour les personnes dont la carrière est précaire – avec des temps très partiels, inférieurs à un mi-temps –, les règles de calcul des pensions s'avèrent doublement pénalisantes car leur salaire de référence est très faible et ces personnes ne parviennent pas toujours à valider quatre trimestres par an : du fait du temps partiel, elles travaillent moins de 800 heures dans l'année. D'autre part, les conséquences du temps partiel – qu'il soit subi ou choisi – sur la retraite future ne sont généralement pas perçues par les assurés.

C'est pourquoi la délégation a plusieurs fois préconisé l'information obligatoire des salariés sur les conséquences en matière de retraite d'une activité exercée à temps partiel, au moment de la conclusion du contrat de travail ou du passage du temps plein au temps partiel. Nous avons pu, en commission, apporter par voie d'amendement une précision à l'article 3, selon laquelle l'information délivrée aux assurés par les caisses de retraite prévue par cet article devra porter aussi sur les conséquences des modalités d'exercice de l'activité, c'est-à-dire du temps partiel. Je vous en remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

La possibilité pour les salariés à temps partiel de surcotiser à l'assurance vieillesse, de cotiser sur la base du temps plein ou majoré du régime général, qui a été étendue par la loi du 20 août 2003 à l'ensemble des salariés à temps partiel, reste marginale, voire totalement ignorée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Parmi les recommandations de la délégation figure donc l'idée de rendre obligatoire l'ouverture de négociations dans les branches ou dans les entreprises sur l'introduction d'une clause relative à la possibilité de surcotisation en cas de temps partiel, sur sa prise en charge ou sur la compensation de son coût pour le salarié. Un amendement a été déposé en ce sens.

Je souhaite, monsieur le ministre, que nous puissions avancer sur ce sujet. J'aimerais également que, au moins à travers une meilleure prise en compte de la pénibilité, de réelles avancées soient possibles pour ceux et celles qui ont eu des carrières plus difficiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai le privilège aujourd'hui, au nom du groupe socialiste, radical et citoyen, de m'adresser à vous pour vous convaincre qu'une autre réforme des retraites est non seulement possible, mais nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Je le fais avec gravité, car c'est l'avenir même de notre pacte social qui est en jeu. Je le fais aussi avec une certaine solennité, car c'est ici la colère d'une immense majorité de Français…

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…que je veux relayer, ces Français qui ne veulent pas de votre réforme alors que ces trois dernières années ont déjà été pour eux trois années de régression sociale ; ces Français qui, par leur travail au quotidien, font de la France ce qu'elle est, ont la fierté de s'engager et attendent de vous de la reconnaissance, mais ne récoltent que mépris ou indifférence ; ces Français, enfin, chaque jour plus inquiets : inquiets pour le futur de leur emploi, inquiets pour la sécurité de leur retraite et inquiets pour l'avenir de leurs enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

À l'heure où nous parlons, des millions de personnes…

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…terminent de défiler dans toutes les villes de France. Des centaines de milliers de Franciliens étaient mobilisés à Paris derrière les organisations syndicales, rassemblées et solidaires comme elles ne l'ont pas été depuis des années, pour dire ensemble le refus de votre projet et leur volonté d'être enfin écoutées, d'être enfin respectées.

Le 23 mars dernier, ils étaient près de 800 000 à défiler contre votre politique ; le 27 mai, un million ; le 24 juin, deux fois plus ; aujourd'hui, c'est plus de 2,5 millions de Français qui étaient dans la rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Démago ! » sur les bancs du groupe UMP.)

C'est tout un pays, c'est tout un peuple qui vous crie sa colère. C'est, au-delà même de ceux qui étaient dans la rue, l'immense majorité de nos concitoyens qui vous le dit : la France n'en peut plus de votre politique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui casse, qui divise et qui détruit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Vous nous sortez des chiffres, vous nous donnez des statistiques, mais derrière tout cela il y a des histoires de vie. Il y a des hommes et des femmes qui sont fiers de leur travail, qui sont heureux de ce qu'ils accomplissent ; mais il y a aussi des salariés qui sont brisés et qui ne se sentent ni respectés ni reconnus. Est-il besoin de revenir sur ce qu'on a vu ces derniers mois : la souffrance au travail, les suicides dans les grandes entreprises,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…les hommes et les femmes qui ont le sentiment de pouvoir perdre du jour au lendemain leur emploi, celui-ci étant délocalisé dans un État européen sans qu'on leur ait rien demandé ?

Eh bien, tous ces hommes et femmes, votre réforme les insulte, parce qu'ils ont le sentiment – il faut le dire – que l'addition est lourde. Après l'essorage social du printemps, vous leur proposez aujourd'hui le grand matraquage d'automne.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Mais la vérité, c'est qu'il faut bien trouver quelque part l'argent pour faire des chèques de 30 millions d'euros à Mme Bettencourt et à tous les amis du Fouquet's ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Certes, ce ne sont pas les amis du Fouquet's qui étaient aujourd'hui dans la rue.

Pourtant, ceux qui ont défilé aujourd'hui, comme tous les autres, veulent une réforme ; mais ils veulent une réforme juste et efficace. Ils vous le disent très clairement et très fortement : ce n'est pas en remettant en cause les garanties construites depuis 1945, ce n'est pas en exposant les plus fragiles, ce n'est pas en faisant payer ceux qui ont eu les carrières les plus précaires que vous parviendrez à répondre aux défis de la période – car ces défis existent. Nous sommes aujourd'hui à un tournant décisif pour notre pacte social : la mondialisation s'intensifie, le monde du travail est bouleversé et notre démographie se transforme.

Comme en 1945, lorsque le Conseil national de la Résistance inventa notre État social, les défis d'aujourd'hui exigent de nous imagination, audace et esprit de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Ce n'est pas à l'UMP qu'on va trouver tout ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Mais tout cela ne compte pas pour vous. Votre seule obsession, c'est de vous attaquer au symbole de l'âge légal de départ en retraite à 60 ans. Votre unique préoccupation, c'est d'essayer d'arriver dans le moins mauvais état possible à l'échéance présidentielle de 2012.

Les Français veulent d'autant moins de votre réforme qu'elle se fait au prix du reniement de tous les engagements qui ont été pris.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

… - tout feu, tout flamme, comme à son habitude – avait déclaré en 1993, face à Dominique Strauss-Kahn, qu'il était très attaché au maintien de l'âge légal de départ en retraite à 60 ans pour une bonne raison : parce qu'il l'avait voté.

Faut-il rappeler qu'il a été élu député pour la première fois en 1988 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Mais sans doute a-t-il aussi voté l'abolition de la peine de mort, et pourquoi pas la loi Veil sur l'IVG en 1974 ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Je ne vous apprendrai pas, chers collègues de la majorité, que le chef de l'État a tendance à considérer que ce qui est bien ne saurait émaner que de lui !

Pourtant, son attachement à l'une des conquêtes sociales les plus emblématiques du premier septennat de François Mitterrand paraissait sincère ; c'est avec force que, devenu candidat à la présidence de la République, il déclarait dans Le Monde au mois de janvier 2007 : « Le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer, de même que les 35 heures continueront d'être la durée hebdomadaire légale du travail. »

Lorsque, l'année suivante, le MEDEF et Mme Parisot commencèrent à réclamer le relèvement de l'âge légal à 62 ou 63 ans,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…il n'hésita pas à répliquer : « Elle a le droit de dire cela ; mais moi, je dis que je ne le ferai pas, pour un certain nombre de raisons. La première, c'est que je n'en ai pas parlé pendant ma campagne présidentielle. Ce n'est pas un engagement que j'ai pris devant les Français, et je n'ai pas de mandat pour faire cela. Et cela compte, vous savez, pour moi. »

Quelle honte ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Quelle honte : car, non, cela ne compte pas ! Comment les Français peuvent-ils faire confiance à une majorité dont le principal représentant fait valser les promesses de campagne comme s'il s'agissait de vulgaires slogans publicitaires ? Quelle crédibilité accorder à votre parole quand les engagements pris ne sont pas tenus ?

Ce mensonge d'État a dominé toute la préparation de ce texte. C'est au nom de cette même conception de la politique que vous avez refusé, monsieur le ministre du travail, de négocier avec les organisations syndicales, pourtant convaincues de la nécessité d'une réforme. Jusqu'à ces derniers jours, au mépris de tous vos discours sur la démocratie sociale et sur le rôle des partenaires sociaux, vous les avez ignorées ; et alors que les conseillers de l'Élysée – décidément les hommes forts de ce pouvoir – se sont répandus sur les ondes pour annoncer d'éventuelles modifications du texte, pas un seul syndicaliste n'en a entendu parler. Sans doute ces modifications ne changeront-elles rien à l'injustice de votre projet, mais enfin voilà une bien étrange conception de la démocratie sociale – et de la démocratie tout court d'ailleurs car dans cette affaire le Parlement n'est pas mieux traité !

Commission à huis clos,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…procédure d'urgence, et maintenant temps programmé : dix-neuf heures cinquante de temps de parole pour le groupe socialiste, radical et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Ce compte d'apothicaire ridicule prétend mesurer avec un sablier un débat que vous présentez vous-même comme un débat majeur pour le pays !

Mais c'est somme toute logique : vous répétez aujourd'hui encore sur tous les tons que votre projet était le seul possible et que l'opposition n'a rien à dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Non, vous n'avez pas le monopole de la réforme : les Français veulent un autre projet ; les socialistes en proposent un, dont vous avez depuis le premier jour refusé de débattre. Je vais vous le présenter.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Car c'est bien d'une confrontation de projets qu'il doit s'agir.

C'est à ceux dont le travail est la seule fortune que vous demandez des efforts ; nous exigeons la solidarité de ceux qui touchent les revenus du capital. Vous refusez le partage de l'effort ; nous le jugeons indispensable à l'acceptation même d'une réforme par les Français. Vous faites des mesures démographiques le socle unique de votre projet ; nous pensons qu'une réforme durable passe aussi par la recherche de nouvelles ressources et la relance de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Vous choisissez de relever les seuils d'âge, ce qui pénalise les plus modestes ; nous voulons ouvrir de nouveaux droits et moduler les durées d'assurance pour tenir compte de la pénibilité.

La confrontation des idées n'a pas eu lieu. Nous voudrions qu'elle ait lieu aujourd'hui ; mais à entendre vos réponses, c'est un débat tronqué qui s'annonce.

Pourtant, l'enjeu est majeur. Pour nous, socialistes, une réforme s'impose pour trois raisons.

La première concerne le déficit des régimes de retraite. Le Conseil d'orientation des retraites annonce qu'il faudra trouver plusieurs dizaines de milliards chaque année. Nous ne le contestons pas. Mais quel réquisitoire contre votre politique ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

En 2003 – faut-il le rappeler ? – François Fillon déclarait à cette tribune : « La réforme » – la vôtre, donc – « permettra de couvrir l'intégralité des déficits de nos régimes de retraite, tels qu'ils sont aujourd'hui prévus pour 2020. Elle est donc financée à 100 %. »

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Il n'aura pas été nécessaire d'attendre 2020 pour constater votre échec ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Dès 2005, le déficit de la branche vieillesse atteignait près de 2 milliards ; il est monté à 4,5 milliards l'année suivante pour atteindre près de 6 milliards en 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

C'était bien avant que les effets de la crise ne se fassent sentir ! Quel échec que le vôtre – alors même que vous prétendez nous donner des leçons de responsabilité budgétaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il faut donc remettre l'ouvrage sur le métier. L'évolution de la donne démographique est une chance ; mais elle constitue aussi une contrainte financière. Pour cette raison, on ne peut écarter des mesures démographiques ; c'est la plus injuste que vous choisissez.

Car si l'allongement de l'espérance de vie est d'abord une bonne nouvelle, n'oublions pas que d'importantes inégalités demeurent. L'espérance de vie d'un ouvrier est toujours de sept ans inférieure à celle d'un cadre, la différence d'espérance de vie sans incapacité est plus grande encore ; concrètement, au cours d'une vie déjà plus courte, les ouvriers passeront plus de temps en incapacité que les cadres. Ne pas en tenir compte serait une faute.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Une réforme est aussi nécessaire parce qu'il faut renforcer la cohésion sociale de notre pays, parce qu'il faut restaurer la confiance des jeunes générations, des actifs, des classes moyennes dans le pacte social qui nous rassemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Le Gouvernement n'a même pas mentionné les jeunes !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Pour cela, il faut d'abord garantir aux retraités un niveau de pension décent. Or ce n'est plus le cas, à cause de la précarisation du travail, du chômage et du caractère haché des carrières, mais aussi – disons-le – à cause des réformes de MM. Balladur et Fillon.

Ces réformes ont provoqué une diminution du niveau des retraites qui peut atteindre 20 % ! Et l'on assiste au retour de la pauvreté chez les retraités, parmi les femmes surtout. Vous êtes nombreux à évoquer les femmes d'agriculteurs, les femmes de commerçants, les femmes qui ont accumulé les petits boulots. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Avec votre réforme, ce mouvement va se poursuivre.

Enfin, une réforme s'impose parce qu'il est indispensable de prendre en compte l'évolution de la société et du monde du travail. La réforme ne saurait être purement comptable. En idéologues libéraux, vous voulez en profiter pour affaiblir les garanties collectives ; il faut au contraire imaginer de nouvelles protections face aux risques nés de l'éclatement des parcours professionnels et de la diversité des attentes personnelles.

Cette volonté – je me permets de vous le rappeler – était déjà celle du Conseil national de la résistance, qui disait son ambition de renforcer la cohésion sociale comme la cohésion démocratique de la nation.

Depuis 1945, nos pays se sont bien sûr apaisés, mais de nouveaux défis ont surgi, qui imposent de toujours garantir qu'au chacun pour soi seront préférées la solidarité et la responsabilité collective. La discontinuité des carrières, le chômage de masse, la précarité des emplois, mais aussi les changements des métiers, la massification de l'éducation : rien de cela n'aurait d'effet sur notre protection sociale ?

C'est cela qu'une réforme devrait prendre en compte, et ce que vous échouez à faire, car vous n'avez pas le courage de vous confronter aux réels enjeux de la période.

Le courage, pour vous, c'est l'injustice.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Comment osez-vous parler de justice quand l'effort que vous imposez au pays porte à plus de 90 % sur les seules épaules des salariés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Ce n'est pas en expliquant que vous allez relever d'un point la dernière tranche de l'impôt sur le revenu que vous nous convaincrez, car les chiffres sont têtus.

Sur les 45 milliards nécessaires en 2020, 4 milliards seulement proviennent de ressources nouvelles, et 2 petits milliards des revenus du capital. Il est donc faux de dire, comme vous le faites, que vous mettez à contribution les revenus du patrimoine. Le calcul a été fait : pour les mille plus gros bénéficiaires du bouclier fiscal, cette contribution s'élèvera à quelques centaines d'euros par an : entre 500 et 700 euros ! (« Honteux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ils continueront d'ailleurs évidemment, imperturbablement, à percevoir leur chèque-cadeau du fisc qui, lui, s'élève à plusieurs millions d'euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Comment osez-vous parler de justice, quand ce sont les salariés les plus modestes qui vont supporter tout l'effort, quand les inégalités vont s'accroître ? Vous le savez bien, monsieur le ministre : 300 000 personnes chaque année partent à la retraite à 60 ans en ayant déjà cotisé jusqu'à deux années de plus que nécessaire, sans que cela leur rapporte un centime de plus ! Et vous voulez que celles-là cotisent 43 ou 44 ans pour avoir droit à une pension décente ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Parce qu'elles ont mené une carrière d'emplois précaires ou à temps partiel, un tiers des femmes sont déjà obligées d'aller jusqu'à 65 ans pour bénéficier d'une retraite sans décote, et vous allez exiger d'elles deux années de travail supplémentaires : où est la justice ? Vous leur offrez le choix entre l'indigence et l'épuisement : est-ce, cela, la justice, pour vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous nous expliquez que ceux qui ont eu des carrières longues ou des métiers pénibles pourront s'arrêter plus tôt. Mais ce n'est pas vrai ! Il faudra être malade, très malade, pour prétendre bénéficier de votre dispositif. Vous défendez une approche individuelle, médicalisée, de la pénibilité, alors que toutes les études, celles de l'OMS comme celles de tous les laboratoires qui travaillent sur le sujet, montrent l'impact différé sur la santé du travail de nuit, du port de charges lourdes, du travail posté.

La pénibilité, monsieur le ministre, ce n'est ni la maladie, ni l'incapacité. La publicité que vous répandez dans la presse nationale prétend qu'un salarié souffrant du dos pourrait partir à 60 ans : elle est mensongère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Tous les Français ont mal au dos ! Tous les Français pourront-ils partir à 60 ans ?

Comment pouvez-vous, les yeux dans les yeux, dire aux victimes de l'amiante qu'elles n'auraient pas dû être indemnisées ? Avec votre texte, tel aurait pourtant été le cas. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Comment pouvez-vous dire à celles et ceux qui travaillent de nuit, qui portent des charges lourdes, qui sont exposés à des produits toxiques que s'ils ont la chance – la chance ! – de ne pas être malades à 60 ans, ils devraient se réjouir au lieu de penser que leur espérance de vie en bonne santé, une fois retraités, sera plus courte ?

Quant aux carrières longues, parlons-en. Un seul dispositif serait juste : lorsque la durée de cotisation requise pour obtenir une retraite à taux plein est atteinte, il doit être possible de partir. Avec votre projet, ce sont les ouvriers qui vont payer pour la retraite des cadres supérieurs : vous inventez tout simplement la solidarité à l'envers.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Ayez le courage de le dire : votre réforme va décaler l'âge de départ à la retraite de ceux qui ont commencé à travailler jeunes, comme elle décale l'âge de départ à la retraite de tous les salariés.

Le comble, c'est que cette accumulation d'injustices se fait au nom de l'efficacité et de la responsabilité, alors que, comme l'a démontré le président de la commission des finances, vous ne financez le système ni à court, ni à long terme.

En 2011, il manquera au bas mot 25 milliards. En 2018, vous frôlez un équilibre fragile, que la présidente de la CNAV juge elle-même instable. Et encore ! Vous n'y arrivez qu'au prix de deux tours de passe-passe.

Le premier a déjà été évoqué ; c'est une véritable entourloupe comptable puisque 15 milliards restent non financés : vous les appelez benoîtement « contribution nette de l'État », ce qui veut dire tout simplement endettement supplémentaire. Le second est un véritable hold-up sur les générations futures : vous voulez faire main basse sur les 34 milliards qui constituent aujourd'hui le Fonds de réserve des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Votre argument, monsieur le ministre, n'est pas sérieux : c'est demain, dans les années 2020 que le déficit démographique atteindra son maximum. Or ce fonds de réserve a été conçu pour faire face aux déficits structurels, pas pour passer l'éponge sur les mauvais comptes issus de votre mauvaise gestion ! Nous allons donc nous retrouver, en 2019, devant la nécessité de sauter sans parachute dans le vide, dans l'inconnu, parce le défi démographique sera là, mais plus les réserves du fonds. Il n'y aura plus de ressources auxquelles recourir. Et vous n'apportez aucune solution.

Tant d'imprévoyance ne peut que conforter les jeunes dans leur méfiance. Pour un certain nombre de ceux qui sont ici, l'objectif est clair et avoué : inciter les Français à s'assurer individuellement puisque la solidarité collective ne suffira pas. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

« Ouvrons des comptes d'épargne-retraite ! », disent-ils. Quelles ont été les seules avancées à l'issue des travaux que nous avons menés en commission des affaires sociales ? L'introduction d'amendements de la majorité visant à favoriser l'épargne-retraite. Comme vous le faites pour la santé et pour tout le reste, votre réforme prépare le déplacement des financements vers l'assurance individuelle. Votre message s'adresse aux agences de notation et au MEDEF – Mme Lagarde ne se prive pas de le dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Monsieur le ministre, à tout moment, dans tous vos discours, vous dégainez les comparaisons internationales : la France serait le vilain petit canard de l'Europe, un pays de paresseux et de profiteurs sociaux,…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Les profiteurs sociaux sont en face de nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…et il serait inadmissible de ne pas s'engager dans le sens qui a été emprunté ailleurs. Mais comparons ce qui est comparable ! Vous nous dites que chez nos principaux voisins, l'âge de départ en retraite est de 65 ans, mais chez nous aussi : c'est l'âge de départ sans décote !

Dans les autres pays européens, l'âge de référence n'est pas l'âge légal de départ en retraite mais l'âge de départ sans décote. C'est tellement vrai que si l'on se penche non plus sur les âges légaux mais sur l'âge effectif, celui auquel les salariés quittent le marché du travail, la proximité des situations en Europe est frappante : 61,5 ans en France, la même chose en Espagne, 62 en Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

On voit bien que là ou vous prétendez qu'il y a des gouffres ou des abîmes entre la France et les autres pays, il y a en réalité beaucoup plus de proximité et de rapprochements à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Regardons de plus près comment cela fonctionne dans ces pays tellement responsables que vous nous citez à longueur de discours. Qu'en est-il en Allemagne ? On peut partir avec trente-cinq annuités de cotisation contre quarante et une chez nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

C'est pourquoi ils ont dû prévoir des financements supplémentaires, madame Touraine !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Et en Espagne ? Avec quinze annuités de cotisation, on peut bénéficier d'une pension égale à 50 % du salaire de référence, et avec trente-cinq annuités de cotisation, l'on a droit à 100 %.

De plus, il y a une différence que vous n'évoquez jamais : la France est la lanterne rouge européenne pour l'emploi des seniors. Les autres pays européens, eux, se sont occupés de l'emploi avant de s'occuper des retraites, alors que vous, vous vous occupez des retraites pour fabriquer des chômeurs ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Certes, il fallait du courage pour faire une réforme qui soit juste, mais vous avez préféré une stratégie électoraliste de court terme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Votre problème, ce n'est pas la retraite des Français, mais l'élection présidentielle de 2012 ! (Mêmes mouvements.) Alors que pour nous, socialistes, l'enjeu est majeur. Ainsi, dès le mois de mai dernier, c'est-à-dire avant même que vous ne fassiez connaître votre projet, le parti socialiste a décliné le sien et l'a présenté aux Français. À la posture nous préférons l'esprit de responsabilité ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…à la provocation, nous préférons la proposition. Nous prônons une réforme globale, à la fois financière et de société, seule capable de garantir la pérennité de notre système de retraite par répartition. Je vous présenterai notre projet autour de quatre axes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Tout d'abord, l'horizon de la réforme.

Les règles du jeu applicables dans la durée doivent être connues une bonne fois pour toutes parce que notre société a besoin de repères stables. Il est raisonnable de se projeter à l'horizon 2025 tout en se dotant des instruments qui permettront de poursuivre au-delà l'action engagée. C'est pour cette raison qu'il est criminel de siphonner le fonds de réserve des retraites mis en place pour faire face au pic démographique de la prochaine décennie !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Nous proposons non seulement que ce fonds soit préservé, mais qu'il soit abondé par une taxe exceptionnelle sur les profits des établissements financiers (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), pour lesquels aujourd'hui la crise semble n'être plus qu'un mauvais souvenir ! Nous voulons anticiper et dire aux Français que leurs efforts actuels ne seront pas vains : le fonds de réserve comporte aujourd'hui 34 milliards, il en comporterait, si rien n'était changé, 75 milliards en 2020, alors qu'avec notre projet, il atteindrait 140 milliards en 2025, ce qui permettrait d'affronter en meilleure posture la période suivante.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Après l'horizon de la réforme, j'en viens à la nécessité d'un effort qui soit partagé. Il faut en effet un effort partagé si l'on veut qu'il soit accepté et que nos régimes de retraite soient financés. L'effort doit être partagé par tous les salariés, du secteur public comme du secteur privé. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Mais contrairement à vous, mesdames, messieurs de la majorité, qui cherchez sans cesse à opposer le public et le privé (Protestations sur les bancs du groupe UMP), qui décrivez les fonctionnaires comme des privilégiés et présentez les services publics comme des boulets sociaux (Mêmes mouvements), nous, nous ne stigmatisons pas les uns, nous n'exonérons pas les autres ! C'est précisément au moment où vous gelez les traitements des fonctionnaires que vous décidez d'augmenter fortement leurs cotisations ! Vous entretenez des illusions honteuses selon lesquelles la retraite des fonctionnaires serait supérieure à celle des salariés du privé, alors que c'est un mensonge, vous le savez fort bien,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…en raison de la non-prise en compte des primes dans le calcul des pensions et du niveau de qualification dans la fonction publique.

Nous proposons d'uniformiser, si nécessaire, les avantages familiaux, et surtout d'améliorer la situation des polypensionnés, c'est-à-dire de 38 % des retraités.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Nous proposons que soit supprimé le seuil de 15 ans dans la fonction publique pour l'ouverture de droits à la retraite et que soit revue la manière de prendre en compte les vingt-cinq meilleures années pour les polypensionnés.

Mais si l'effort doit être partagé entre les salariés, il doit aussi être assumé par les détenteurs de capitaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) On ne peut pas nous expliquer que la crise précipite les échéances, qu'il y va de la survie même du régime de retraite, sans chercher avec imagination et audace de nouvelles ressources. On ne peut pas nous expliquer, d'un côté, que le déficit est abyssal et, de l'autre, qu'il y a des ressources auxquelles il ne faut absolument pas faire appel parce que, par dogme, par principe, par idéologie, il est impossible de toucher à certains prélèvements. Les socialistes, eux, assument un tel choix : il s'agit bien d'un choix politique majeur quand nous proposons de rapprocher la taxation du capital de celle du travail. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Oui, il faut revenir sur un certain nombre de niches, telles que la « niche Copé » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui aboutit à taxer davantage les petites entreprises que les plus grandes.

L'ensemble de ces mesures permettraient de faire face dès aujourd'hui au déficit actuel né de la crise, et d'engager le rétablissement de l'assurance vieillesse sur des bases assainies.

Pour faire face au déficit à venir, une augmentation modérée des cotisations vieillesse nous paraît normale car, il faut le rappeler, le financement des régimes de retraite repose d'abord sur les cotisations. Il ne nous semble pas choquant de demander à l'ensemble des salariés une augmentation de 0,1 % par an pendant dix ans. Que l'on ne nous parle pas de matraquage fiscal alors que, depuis 2007, la droite a créé dix-neuf nouvelles taxes, des franchises médicales à la hausse de la redevance télé, et qui, elles, pèsent sur l'ensemble de nos concitoyens au lieu de peser sur les plus fortunés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Le troisième axe de nos propositions concerne les mesures démographiques. Elles sont nécessaires. Contrairement à ce que vous soutenez, nous ne les refusons pas, mais nous ne voulons pas en faire le seul pivot de la réforme. Nous refusons les vôtres parce qu'elles sont injustes. Il est évident que l'allongement de l'espérance de vie doit être pris en compte ! Mais il est absurde de faire passer tous les Français sous la même toise. La clé, c'est la prise en compte de l'espérance de vie en fonction de la réalité des parcours professionnels de chacun. C'est pour cette raison que nous faisons de la pénibilité un des enjeux majeurs de cette réforme et que nous affirmons qu'il est temps de proposer un nouveau droit : celui de la prise en compte de la pénibilité. Je l'ai dit : nous refusons votre démarche. Nous défendons une approche collective de la pénibilité, qui n'a rien à voir avec la création de nouveaux régimes spéciaux ! L'exposition d'un salarié à des facteurs de pénibilité au cours de sa carrière doit ouvrir le droit à une majoration de durée d'assurance, par exemple de 10 % du temps d'exposition. Concrètement, un salarié qui a été exposé pendant dix ans à un ou plusieurs facteurs de pénibilité bénéficierait d'une majoration de durée d'assurance d'au moins un an. C'est une question de justice.

Vous nous dites : « Cela n'existe pas, cela ne s'est jamais fait, ce serait une innovation. » La belle affaire ! Pourquoi la France devrait-elle renoncer à être pionnière en matière sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

En plus, ce que vous dites est faux : certains pays commencent à s'engager dans cette voie en mettant en place des mécanismes qui ne s'appellent pas « prise en compte de la pénibilité », mais qui reviennent exactement au même. Rappelons aussi qu'en France, dans le cadre des sociétés de secours mutuel, était admis, dès le XIXe siècle, le principe d'une usure différente selon les métiers et sa réparation par l'attribution plus ou moins précoce d'une pension. La loi du 30 décembre 1975 avait ouvert le droit de bénéficier d'une retraite à taux plein dès 60 ans pour ceux qui avaient travaillé à la chaîne ou au four, ou qui avaient été exposés aux intempéries. Depuis, de nombreux autres dispositifs de cessation anticipée d'activité ont été mis en place.

Nous proposons une approche plus globale, qui ne définisse pas des métiers pénibles mais des facteurs de pénibilité, et qui ouvre le droit à une juste compensation pour tous les salariés concernés.

C'est dans ce cadre, dès lors que nous aurons défini un nouveau droit de la pénibilité, que nous pourrons réfléchir à l'allongement de la durée de cotisation, qui doit passer à 41,5 annuités d'ici à 2020. Nous disons clairement qu'un nouvel allongement ne peut être exclu au-delà, et c'est la raison pour laquelle un grand rendez-vous doit être prévu en 2025 afin d'examiner les conditions dans lesquelles l'effort engagé devrait être poursuivi. L'allongement de la durée d'assurance est le seul juste puisqu'il permet à ceux qui ont commencé à travailler plus jeunes de partir plus tôt. Aux jeunes qui font des études, nous voulons proposer, lors de leur premier emploi, d'opter pour une surcotisation étalée sur une période de dix à quinze ans leur permettant de valider jusqu'à trois années d'études. Nous précisons que les stages de fin d'études doivent ouvrir des droits à la retraite.

Le second levier démographique réside dans les mesures d'incitation. Il ne s'agit pas seulement pour nous d'un dispositif technique, mais d'un choix de société, et c'est la raison pour laquelle nous parlons de « retraite choisie ». Il faut que les conditions de départ en retraite ne soient pas rigides et s'appliquent de façon différente selon les parcours professionnels, selon les choix personnels. Le système actuel a été mis en place à une époque où les rythmes de vie, les carrières, le déroulement de la vie familiale étaient à peu près les mêmes pour tout le monde.

Aujourd'hui, nous le savons bien, on ne peut pas consacrer la première partie de sa vie à la formation, la deuxième à sa carrière professionnelle, pour profiter ensuite de sa retraite. Aujourd'hui, nous vivons au rythme des ruptures de parcours, des changements de métier, des recompositions familiales.

Puisque tout bouge et tout change, il faut articuler autrement le socle des droits sociaux collectifs et leur déclinaison individuelle.

Nous le disons clairement : il faut protéger ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou qui ont eu des métiers difficiles, tout en incitant les autres à travailler plus longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Nous le disons très clairement : l'âge légal de départ en retraite doit rester fixé à 60 ans car c'est une protection pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes, pour les plus modestes, et c'est aussi une liberté pour les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous le disons solennellement : l'âge de départ en retraite sans décote doit rester fixé à 65 ans car c'est le meilleur rempart des hommes et des femmes usés par des parcours chaotiques.

Mais nous le disons aussi : il faut moduler les bonifications d'assurance – les surcotes – et leur mode de versement, et encourager ceux qui le peuvent ainsi que ceux qui le souhaitent sans en avoir toujours la possibilité, par exemple dans la fonction publique, à travailler plus longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Selon nous, l'exigence de justice se réfère à une égalité qui doit être réelle, qui tienne compte des situations différentes des hommes et des femmes, et pas simplement des droits théoriques qui leur sont offerts.

Le dernier axe de notre projet est évidemment celui de l'emploi. Aucune réforme durable n'est envisageable sans une forte amélioration de l'emploi. Sans revenir sur les chiffres déjà donnés, je rappelle que la France est la lanterne rouge européenne en matière de chômage des jeunes et de taux d'emploi des seniors.

Parlons de l'emploi des femmes. L'accumulation des inégalités professionnelles explique que la retraite des femmes soit inférieure de 40 % à celle des hommes. Nous proposons très concrètement une meilleure valorisation du temps partiel pour les droits à la retraite et l'extension dès maintenant de l'assurance vieillesse complémentaire obligatoire aux femmes d'exploitants agricoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Et je le répète : nous sommes résolument hostiles au relèvement à 67 ans de l'âge auquel peut se percevoir la retraite sans décote, car ce sont les femmes qui en sont victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Sur le front de l'emploi des seniors, les nouvelles restent mauvaises. À cause de votre politique, le chômage des plus de 50 ans ne cesse de progresser – plus de 20 % en un an – et la France se situe très loin derrière les pays scandinaves, l'Allemagne et les Pays-Bas.

Monsieur le ministre, pour faire face à cette situation, il ne s'agit pas de proposer un CDD seniors, mais de sonner la mobilisation générale, de s'inspirer de ce qui a été fait au Canada, en Finlande, dans les pays scandinaves ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Alors que vous ne cessez de vous référer aux exemples étrangers, pourquoi ne le feriez-vous pas dans ce domaine ?

Il faut garantir l'accès à la formation après 50 ans, accompagner les salariés tout au long de leur vie professionnelle, adapter les postes aux salariés plutôt que l'inverse.

Tout cela passe par la généralisation des dispositifs de tutorat, l'encouragement aux départs en retraite progressive, la limitation voire la suppression du travail de nuit et des tâches physiques après 55 ans.

C'est par la généralisation de ces pratiques que nous obtiendrons des résultats à l'instar de la Finlande. Afin d'y parvenir, il faut accepter de moduler les cotisations payées par les entreprises, sinon elles ne joueront pas le jeu.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est sur cette base que les socialistes proposent un plan équilibré, financièrement et socialement. C'est sur cette base que nous abordons le débat, pour autant que vous acceptiez enfin d'y participer.

Il vous appartenait de construire une nouvelle étape de notre contrat social, de proclamer que face à la dureté de la mondialisation, face à la violence du monde du travail, vous ne renonciez pas.

Il vous revenait d'entendre ces hommes et ces femmes qui ne veulent pas de la pauvreté pour seul horizon, qui veulent que le travail soit symbole d'émancipation et non de résignation.

Il vous incombait de porter haut et fort les valeurs de notre République, mais vous avez préféré opposer les Français les uns aux autres, distendre les solidarités, imposer en force une réforme d'injustice.

Pierre Mendès France…

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…disait : « La République doit se construire sans cesse car nous la concevons éternellement révolutionnaire, à l'encontre de l'inégalité, de l'oppression, de la misère, de la routine, des préjugés, éternellement inachevée tant qu'il reste des progrès à accomplir. »

C'est cette exigence qui nous guide. C'est cette exigence que les Français attendent de vous. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame Touraine, il faut pourtant bien réformer notre système de retraite ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est bien le sujet. J'écoute,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…comme nous l'avons fait depuis plusieurs mois, vos propositions. Nous l'avons fait aussi en commission. Il me semble – vous me direz peut-être le contraire car chacun défend son projet – que ces propositions…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…ne répondent pas à l'enjeu de la réforme : équilibrer notre système de retraite dans les meilleures conditions de solidarité et de justice sociale possibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Ce n'est pas parce que vous l'affirmez que c'est vrai !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Prenons d'abord l'âge, un critère que vous avez évoqué avec beaucoup de prudence. Faut-il le modifier ? Vous dites qu'il faut remettre cela à plus tard, voire en 2025, regarder, vérifier, en posant beaucoup de conditions préalables. Mais non !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Vous prenez les comparaisons internationales en les tordant un peu, selon votre propre vision de la réalité. Les comparaisons internationales sont assez simples.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Tous les pays du monde qui ont réformé leur système de retraite – Dieu sait qu'il y en a eu beaucoup – ont augmenté, à un moment donné, l'âge légal de départ à la retraite.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Vous prenez ce qui vous arrange ! Vous confondez l'âge pivot, celui d'entrée dans les droits ou celui de sortie. Cela ne fonctionne pas ainsi. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Prenons l'exemple des Allemands, dont vous dites qu'ils vont partir après 35 ans de cotisation. Ils partent à 63 ans après 35 ans de cotisation. À 63 ans, ce que nous n'avons jamais proposé, et avec une décote ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En Allemagne, l'âge pivot est fixé à 65 ans et il va monter à 67 ans en 2031. Telle est la réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Il a même été fixé avec l'accord des socialistes allemands !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Vous affirmez que le niveau des pensions est plus élevé en Allemagne, mais il s'agit d'un système par points (« Et alors ? » sur les bancs du groupe SRC) qui ne permet pas la comparaison (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Regardez les choses en face ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Les Suédois ont un système par points, qui conduit à une diminution des pensions. C'est cela la réalité.

On peut toujours décrire les choses comme vous souhaiteriez qu'elles soient, mais ce n'est pas la réalité. À un moment donné, il faut bien affronter la réalité : les mesures d'âge sont nécessaires. Il ne s'agit pas d'acquis sociaux : les 60 ans ne sont pas gravés dans le marbre.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Depuis quand cet âge est-il gravé dans le marbre ? Il ne l'a jamais été, preuve en est que vous l'avez modifié ! Cet âge de 60 ans correspond simplement à des modalités du régime par répartition.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

C'est le régime par répartition qui importe et non pas ses modalités de fonctionnement.

Nous défendons le régime par répartition, et par conséquent nous en modifions les paramètres et notamment ceux qui concernent l'âge. Il me semble qu'il s'agit d'une bonne façon de regarder les choses en face et de prendre en compte la réalité : nous vivons plus longtemps.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Vous nous dites aussi que notre réforme n'est pas juste vis-à-vis de la fonction publique. Si, elle l'est. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Avec Georges Tron, nous mettons en place des mesures de convergence entre le public et le privé. Le niveau de cotisation est inférieur dans le public et nous le remontons sur dix ans.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Aujourd'hui, les niveaux de salaires et de retraites sont à peu près comparables entre public et privé. En revanche, on ne paie pas sa retraite le même prix dans le privé.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Il est donc logique de prendre des mesures de convergence.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Il est aussi normal de considérer que le minimum garanti dans la fonction publique doit être amené à obéir aux mêmes règles de fonctionnement que le minimum contributif du secteur privé. Ce sont des données fondamentales, et nous les modifions.

Parlons de la solidarité. Évidemment, nous débattrons de la pénibilité, une notion qui a été intégrée dans le projet de loi sur les retraites déposé par cette majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Votre vision de la pénibilité est collective ; la nôtre est individuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous pensons en effet qu'il faut avoir des bases objectives afin de comparer la situation de deux salariés, pour permettre à l'un de partir à 60 ans tandis que l'autre partira à 62 ans.

Nous sommes d'accord sur la création d'un comité scientifique pour continuer à travailler sur les liens entre les facteurs d'exposition à un risque et la réalité de ce risque. Il faut le faire scientifiquement et nous progresserons sur ce point.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Venons-en au financement. Vous voulez injecter entre 25 milliards d'euros quasiment tout de suite et 37 milliards d'euros plus tard. Ce sont des sommes absolument considérables, sachant que l'impôt sur le revenu représente 50 milliards d'euros actuellement.

Je citerai deux exemples, car l'examen de vos propositions en matière de perception montre que les recettes que vous appelez de vos voeux n'existent pas. Vous préconisez une hausse des impôts sur les banques. Comme Christine Lagarde l'a indiqué à plusieurs reprises, nous avons déjà taxé davantage les banques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Vous pourrez réinterroger Christine Lagarde lors des questions au Gouvernement. Elle vous répondra. (Mêmes mouvements.)

Pour ponctionner trois milliards d'euros supplémentaires sur les banques, comme vous le préconisez, il faudrait augmenter leur taux d'imposition sur les sociétés à 70 %. Ce serait la mort du système bancaire !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Quand on parle de recettes, il faut regarder la réalité.

Vous évoquez une niche à laquelle vous avez donné le nom d'un célèbre député…

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Jean-François Copé, ici présent. Il nous coûte cher !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

… en prévoyant une taxe sur les plus-values de cession à long terme de titres pour les entreprises. Cet argent n'existe pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Si vous taxez à cette hauteur, il n'y aura tout simplement plus de plus-values de cession de titres à long terme. Les sociétés iront ailleurs pour vendre leurs titres.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Aucun pays, excepté la Grèce, n'a maintenu cet impôt. Le système de retraite demande des recettes régulières et stables, car les Français ont besoin de retraites stables. Il faut donc abonder le système annuellement, de manière sûre et garantie. En faisant reposer son financement sur des mesures de cette nature, vous avez peu de chances d'y parvenir.

Quant au célèbre Fonds de réserve des retraites, nous avons bien raison de l'intégrer dans le financement du système de retraite puisqu'il permettra à celui-ci d'être en équilibre en 2018. Il a été créé pour les retraites, il est donc normal de l'utiliser quand le déficit de fonds pour financer les retraites est plus grand que nous ne l'attendions, parce que la crise a profondément modifié les choses. C'est si nous ne le faisions pas que ce serait anormal et injuste.

Vous avez créé ce fonds sans faire de réforme des retraites. Son fonctionnement et son utilisation sont nécessairement à reconsidérer après la réforme envisagée : partir à la retraite à 60 ans n'est pas la même chose que de partir à 62 ans.

Tout cela nous oppose, madame la députée. Vous avez une vision du système de retraite différente de la nôtre.

Notre vision est solidaire, juste et courageuse. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous estimons qu'il faut, à un moment donné, tenir compte de l'augmentation de l'espérance de vie des Français, tout en renforçant la solidarité grâce aux réformes que nous menons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Comme le Premier ministre l'a fait remarquer, vous avez plutôt bien accepté les réformes des retraites précédentes, de 2003, 2007 et 2008, tout comme précédemment celle de M. Balladur. La présente réforme s'inscrit dans le droit fil de celles-ci. C'est une réforme significative, importante, qui doit restaurer la confiance des Français dans leur système de retraite. C'est pourquoi je vous demande de repousser cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je me bornerai à quelques mots.

Madame Touraine, le discours de compassion est éminemment sympathique. Tout le monde peut le tenir. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, un peu de respect.

Veuillez poursuivre, monsieur le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Vous avez été au pouvoir pendant de longues années au cours desquelles il y a eu une période où le pouvoir d'achat des salariés a baissé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

C'est vous qui faites baisser le pouvoir d'achat des salariés !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je vous en prie. M. le président de la commission a seul la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Ma conclusion sera simple : quand Mme Aubry cite l'Espagne comme modèle à suivre, tout est dit. Vous vivez dans un monde abstrait et ignorez complètement les réalités du monde actuel. Votre discours est irréaliste et totalement impossible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

J'ai noté cet après-midi que le Premier ministre avait enfin reconnu qu'il y avait bien deux projets : celui du Gouvernement, profondément injuste – ce qu'a brillamment démontré Mme Marisol Touraine (Protestations sur les bancs du groupe UMP) – et le nôtre. Alors, acceptez le débat, acceptez la confrontation et, de grâce, ne continuez pas cette caricature.

Monsieur le président Méhaignerie, qui vous êtes laissé aller à nous traiter de compassionnels, vous êtes vous-même un champion en la matière. Donc n'essayez pas de détourner l'attention.

Monsieur le ministre, qui ne bougez jamais, ne changez jamais et n'écoutez jamais les arguments des autres, pour vous, tout ce que vous proposez est normal, évident, simple. Vous dites qu'il faut comparer avec l'Allemagne et, quelques minutes après, qu'il n'est pas possible de faire de comparaisons avec ce pays parce qu'il n'a pas le même système de retraites. Nous vous demandons de faire preuve d'un peu moins d'improvisation, sinon de mensonge, et d'un peu plus de sincérité. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Je voudrais vous poser une question, à laquelle vous n'avez pas encore répondu. Il s'est passé quelque chose aujourd'hui : près de trois millions de Français ont défilé dans les rues (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC - Protestations sur les bancs du groupe UMP). Ce soir, si j'ai bien compris, vous serez à la télévision. Fortes du mouvement populaire d'aujourd'hui, qui est sans précédent depuis des années, les organisations syndicales exigent que vous changiez votre projet et que vous apportiez des réponses avant ce soir. Par respect pour la représentation nationale, je vous demande de les donner ici avant les explications de vote et la levée de séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-François Copé.

Je rappelle que, si les rappels au règlement ne traitent pas à proprement parler du déroulement des travaux, ils sont décomptés du temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Nous respecterons le règlement de manière très scrupuleuse, monsieur le président.

Par le biais de ce rappel au règlement, j'invite M. Ayrault à ne pas faire semblant de ne pas comprendre le sujet, car c'est un peu facile. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La réalité qui se cache derrière ses propos est très simple et personne ici n'est dupe du numéro de la gauche pour faire croire que la compassion est chez elle. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons, les uns et les autres, un rendez-vous de responsabilité dans cet hémicycle. Il n'y a qu'une seule question à se poser et à poser aux Français, pour vous comme pour nous : quelle solution pour sauver le système des retraites par répartition ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Mme Marisol Touraine vient de le dire. Il faut écouter !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Pour nous, comme pour tous les pays européens qui ont eu le courage de le faire, la seule solution est le relèvement de l'âge de la retraite.

Puisque vous aimez poser des questions, monsieur Ayrault, je vais vous en poser une, à laquelle nous serons ravis d'avoir une réponse : quelle est, à gauche et, plus particulièrement, au parti socialiste, la réponse proposée pour trouver un autre système de financement pour nos retraites que l'augmentation massive des impôts à hauteur de 45 milliards d'euros, qui ne peut qu'encourager les délocalisations, entraîner une baisse de la compétitivité et, on l'a tous compris, provoquer la ruine de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote sur la motion, la parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur Copé, quand on arrive en cours de séance, on peut commettre des erreurs : la compassion a été évoquée par M. Méhaignerie et non par nous. C'est pourquoi nous nous sommes permis de lui faire observer que sa remarque était parfaitement déplacée.

Dans ce débat, une vraie question mérite d'être clarifiée au départ : quelle est la justification que vous apportez à votre projet de réforme des retraites ?

Je citerai deux extraits d'un texte prononcé par M. Fillon. Dans le premier, il dit qu'« on sait que le besoin de financement des régimes de base du privé et du public est chiffré par le Conseil d'orientation des retraites à 43 milliards d'euros en 2020 » et, dans le second, il précise qu'il va prendre des dispositions pour que la solution qu'il propose « permette un financement à 100 % de la réforme. »

Ce discours a été prononcé le 10 juin 2003 devant notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans les six pages qui précèdent les extraits que j'ai cités, M. Fillon explique que l'évolution de la démographie et de l'espérance de vie fait que le nombre de retraités à l'horizon de 2020 sera tel qu'il faudra payer plus pour leur retraite.

On pourrait au moins se mettre d'accord sur un point : il me semble que les gens susceptibles d'avoir 60 ans en 2010 ou en 2020 étaient nés en 2003. Cela veut donc dire que vous êtes en train de nous vendre deux fois la même chose. Vous nous ressortez les mêmes justifications que vous avez avancées pour la réforme de 2003, pour expliquer comment il faut trouver à nouveau 40 milliards, à cette différence près que ces 40 milliards ne sont pas les mêmes : ils sont la facture de la crise.

Vous aviez prévu de transférer une partie des cotisations d'allocations chômage au financement des retraites. Or vous n'avez pas été en mesure de le faire. La crise n'est pas la seule en cause car, en 2005 et en 2006, cela ne fonctionnait déjà pas parce que votre politique avait échoué. Mais cela a été renforcé par la crise.

Dire la vérité aux Français revient donc à reconnaître que, aujourd'hui, vous présentez la facture de la crise.

Qui doit la payer ? Vous avez fait un choix très simple, vous avez décidé d'aller au plus simple.

D'une part, vous siphonnez – il n'y a pas d'autre mot – le fonds de réserve des retraites. En 1997, vous trouviez qu'il n'était pas suffisamment alimenté, M. Bur parlant même de lui affecter 300 milliards. Aujourd'hui, on est un peu plus raisonnable. Or ce fonds constituait d'une certaine façon la caisse de retraite des jeunes et ne devait être utilisé qu'à partir de 2020. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

D'autre part, vous cherchez à faire des économies en modifiant les bornes d'âge. Si cela s'appliquait aux gens ayant les meilleures situations dans notre pays, on pourrait le comprendre. Mais c'est exactement l'inverse. Quand on sait qu'il n'y a que 40 % de gens qui sont encore au travail à l'âge de 58 ans, on est en droit de se demander ce qui va se passer. Que vont-ils faire entre 58 et 62 ans ? Rester deux ans de plus au RMI, au RSA, ou au chômage, sans rien, en attendant 62 ans ? C'est sur eux que vous faites des économies. Et ceux qui ont des carrières incomplètes, c'est-à-dire ceux qui ont rencontré les plus grandes difficultés professionnelles ou familiales, et qui attendent souvent 65 ans pour avoir une retraite sans abattement, que se passera-t-il pour eux ? Devront-ils attendre deux ans de plus ?

Vous financez votre réforme non seulement en ponctionnant le Fonds de réserve des retraites, mais encore en faisant payer ceux qui sont déjà le plus en difficulté. C'est pour cette raison que les gens ne l'acceptent pas. Votre réforme est profondément injuste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans les propositions que nous avons formulées, nous prévoyons aussi un effort en matière de cotisations. Acceptez au moins qu'il y ait un débat à ce sujet.

Comme le président du groupe SRC vient de le souligner, il n'est pas possible de continuer ce débat alors qu'il y a, chaque jour et il y a encore quelques minutes, des déclarations de ministres dans les médias affirmant qu'ils vont finir par entendre le peuple. C'est à l'Assemblée nationale que vous devriez faire ces déclarations et annoncer les propositions que vous comptez faire, si vous comptez en faire, pas dans les médias ! Sinon, à quoi sert le Parlement et quel respect a-t-on de lui ?

Tout le monde ignore ce que vous allez dire, y compris les syndicats. Vous avez encore dit ce matin que vous feriez peut-être une déclaration à la fin de la semaine.

Il aurait pu y avoir une grande réforme. En Suède, ils ont discuté pendant plusieurs années de la question des retraites.

L'intervention de Mme Marisol Touraine a montré que nous pouvions avoir ce débat puisqu'il y a deux projets. Les Français qui ont manifesté aujourd'hui attendent des réponses. Ils savent, dans tous les cas, qu'il y a un autre projet sur lequel ils peuvent fonder une espérance : celui du parti socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC –Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

M. Méhaignerie nous a invités à regarder la réalité en face et a prétendu que les députés de l'opposition ne voulaient pas le faire. Je pense, pour ma part, que c'est M. Méhaignerie et ses collègues de la majorité qui devraient regarder la réalité vécue par les Français en face.

Je tiens à saluer la mobilisation sans précédent qui a eu lieu aujourd'hui dans les rues de France. Les manifestations réunissaient à la fois des salariés et des retraités, qui se sentent directement concernés et solidaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Rien que cette mobilisation serait une raison suffisante pour adopter la motion de rejet préalable défendue par Marisol Touraine.

Je sais que, pour vous, les grèves et les manifestations sont le fait d'une minorité. Vous avez toujours dénié toute légitimité aux mobilisations populaires et aux manifestations. Vous aurez bien du mal à convaincre les Français que ce n'était qu'une minorité. Ce ne sont pas les professionnels de la manifestation ni les professionnels de la grève qui ont manifesté aujourd'hui. Ce sont des millions de gens qui, quand ils ont fait grève, ont accepté de sacrifier une journée de salaire. Je sais que vous avez du mal à vous représenter ce que signifie le prix d'une journée de salaire pour beaucoup de nos concitoyens, notamment pour ceux qui sont au SMIC. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cela vous fait réagir, ce qui ne m'étonne pas. M. Woerth n'est plus là mais je sais qu'il est difficile de se représenter le prix d'une journée de grève quand on fraye quotidiennement avec les plus grandes fortunes de ce pays où les salaires se comptent en centaines de milliers d'euros par an. Les Français sont particulièrement choqués par cet étalage d'injustice et de richesse confisquées depuis trois ans par quelques-uns avec votre aide et votre soutien.

Les Français qui ont manifesté aujourd'hui ne veulent pas le statu quo, ce ne sont pas des conservateurs, ce ne sont pas des gens ignorants des réalités, comme vous semblez le dire avec mépris, monsieur Méhaignerie, comme M. Woerth l'avait dit avant vous, avec autant de mépris et d'arrogance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Le ministre est à la télé, pas à l'Assemblée !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je croyais pourtant qu'il en avait un peu rabattu, mais il a osé dire que Marisol Touraine ne connaissait pas son sujet, qu'elle confondait tout en parlant de l'Allemagne, alors que son exposé était particulièrement précis sur ce point. Monsieur Woerth, si vous pouviez commencer par en rabattre un peu de votre arrogance et de votre mépris, ce serait une première victoire des salariés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

En effet, comme les retraités, comme les jeunes et les moins jeunes, ils demandent une réforme, mais une réforme juste, qui ne concentre pas 95 % de l'effort sur le monde du travail et sur les salariés. Malgré la communication que vous avez faite – aux frais de l'État –, les Français ont bien compris que votre réforme sacrifie les jeunes générations, les femmes et – plus grave – ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt, qui ont souvent eu les carrières les plus pénibles. Cela vous gêne peut-être, mais c'est la réalité.

Vous avez été élus, mesdames et messieurs de la majorité, sur un slogan : « Travailler plus pour gagner plus. »

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Si les Français sont dans la rue, aujourd'hui, c'est parce que votre promesse s'est inversée : travailler deux ans de plus pour ne rien gagner de plus. Voilà le résultat de votre réforme pour des centaines de milliers de salariés dans les prochaines années, et pour des millions de salariés dans les années suivantes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Un ouvrier qui aura commencé de travailler à 16, 17 ou 18 ans et qui sera obligé de partir à 62 ans alors qu'il aura largement dépassé les 41 ans ou les 42 ans de cotisation, travaillera plus pour ne rien gagner de plus.

En demandant l'adoption de la motion de rejet préalable, nous prenons un engagement devant les Français. Si nous revenons au gouvernement en 2012… (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) À votre place, je ferais preuve d'un peu plus de modestie en songeant à telle ou telle étude d'opinion. Mais je vous laisse à votre arrogance ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Décidément, chassez le naturel, il revient au galop. J'ai tendance à penser que les Français nous feront d'autant plus confiance en 2012 que nous aurons pris l'engagement de revenir sur cette réforme. Alors, oui, nous en prenons aujourd'hui l'engagement solennel : nous rétablirons le droit à la retraite à 60 ans. (« Menteur ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce n'est pas une obligation, c'est un droit, c'est une protection, c'est une liberté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Pour toutes ces raisons, nous demandons l'adoption de la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Sur le vote de la motion de rejet préalable, j'ai décidé qu'il y avait lieu de procéder par scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues… (« Le ministre ! Le ministre ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous en prie, mes chers collègues ! Écoutons M. Préel !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Je vais essayer d'expliquer calmement le problème qui se pose à nous. J'ai écouté avec attention notre collègue Marisol Touraine, qui, chacun a pu le constater, a fait une intervention très critique, très virulente, mais peu constructive et assez peu objective – bref, une intervention assez caricaturale.

La retraite par répartition est confrontée à des problèmes majeurs, notamment démographiques. Aujourd'hui, les jeunes cotisent sans avoir la certitude qu'ils percevront une pension plus tard. Il est important de les rassurer. Ne serait-ce que pour eux, il faut réformer notre système de retraite.

La retraite concerne cependant l'ensemble de nos concitoyens. Notre système est fondé sur la répartition. Nous défendons tous ce modèle de solidarité, dans lequel les actifs paient pour les retraités. Nous sommes très attachés à cette magnifique solidarité intergénérationnelle, qui constitue un véritable pacte social.

Je voudrais souligner un paradoxe que personne ne semble relever. (« Le ministre ! Le ministre ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Merci, monsieur le président, mais c'est assez difficile !

Demander un financement par des impôts et des taxes, cela revient à étatiser notre système de retraite et à s'éloigner du système de retraite par répartition. J'aimerais que chacun, ici, en ait conscience.

La répartition signifie que notre système est très dépendant de la démographie. Tous, nous connaissons les problèmes liés au papy-boom, l'augmentation de la durée de vie dont nous nous réjouissons, et l'augmentation du versement de la pension. Ces données, connues de tous, devraient permettre d'aboutir à un consensus, comme dans certains pays. Je suis un peu étonné que nos collègues socialistes ne l'aient pas encore compris. Marisol Touraine et les socialistes le refusent. Comment s'en étonner ? Ils n'ont jamais réformé notre système de retraite. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est Édouard Balladur et François Fillon qui l'ont fait. M. de Rugy annonce que la gauche reviendra sur notre réforme, mais personne, aujourd'hui, n'envisage de revenir sur les réformes précédentes : la raison a fini par l'emporter. Personne ne propose de revenir aux 37 ans et demi – même si, bien sûr, tout peut arriver.

Pour sauvegarder notre système de retraite et donner confiance aux jeunes, une réforme est donc indispensable. Le Nouveau Centre approuve les mesures de report d'âge, qui sont utiles et nécessaires. Il approuve également l'utilisation du fonds de réserve des retraites pour financer les déficits jusqu'en 2018. Nous sommes cependant un peu inquiets car je ne suis pas certain que l'équilibre financier soit assuré d'ici à 2018. Nous ferons donc des propositions. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous regrettons que le projet n'aille pas plus loin vers l'équité, avec un régime unique par points ou de comptes notionnels, avec extinction des régimes spéciaux, que nous sommes pour l'instant les seuls à demander.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Le régime en comptes notionnels permettrait en particulier de prendre en compte l'espérance de vie et la pénibilité.

Cette réforme doit résoudre les problèmes des polypensionnés, des petites pensions, des veuves. Les débats devraient nous permettre d'améliorer encore ce texte, car nous souhaitons prendre mieux en compte la pénibilité et l'employabilité des seniors.

Pour le Nouveau Centre, la réforme est indispensable. Nous voterons donc contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous le savez, en Normandie, nous aimons beaucoup l'impressionnisme. Mais ici, aujourd'hui, ce sont plutôt le surréalisme et le trompe-l'oeil qui prévalent. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il faut vraiment tout le talent d'orateur de Marisol Touraine, écartelée en permanence entre Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry (Mêmes mouvements) pour essayer de nous faire croire que ces prises de position sont cohérentes, que l'opposition aurait de nouveaux arguments qui justifieraient un rejet préalable du projet de loi.

Tout feu, tout flamme, elle lance attaques personnelles sur attaques personnelles. La seule solution qu'elle nous propose, c'est l'augmentation des impôts. Nous avons passé, en commission, de très nombreuses heures à travailler, à discuter, à améliorer ce texte avec le Gouvernement. Pendant ce temps, les ténors de l'opposition, avec un comportement très « médiadépendant », passaient leur temps à côté. Nous, nous voulons travailler. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Lorsque, enfin, vous comprenez que la démographie est un élément important, vous ne proposez que de tenir compte de l'espérance de vie. Savez-vous, madame Touraine, que les femmes vivent en moyenne six ans de plus que les hommes. Est-ce à dire que, pour un métier identique, vous allez proposer aux femmes de partir en retraite six ans plus tard que les hommes ? (Exclamations et huées sur les bancs du groupe SRC.) Est-ce vraiment votre programme ?

Depuis des semaines, les attaques personnelles se multiplient. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Aujourd'hui, osons le mot, nous avons constaté le comportement hystériforme de certains. Il n'est pas digne des débats que nous devons avoir au sein de cette assemblée. La réforme des retraites a un effet paradoxal sur les bancs de l'opposition : elle y rajeunit certains, qui se croient ici dans une cour d'école. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Pour notre part, étant donné l'importance de ce sujet de société, nous souhaitons travailler sereinement et sur le fond. Au mieux, vous proposez 45 milliards d'euros d'impôts supplémentaires. Au pire, vous proposez de ne rien faire – et, dès lors, cela revient à proposer la baisse des pensions servies à nos anciens.

Madame Touraine, vous nous parlez d'audace et de responsabilité. Mais l'audace, c'est nous qui l'avons, puisque nous n'hésitons pas à lancer cette réforme. Nous n'avons pas, nous, de vision électoraliste à court terme. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Sinon, nous aurions attendu l'après 2012 pour lancer la réforme. La responsabilité, c'est nous qui la prenons, avec une réforme responsable, efficace, éthique. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je comprends que cela vous pose quelques problèmes.

Qu'avons-nous entendu, dans cette motion de rejet préalable ? On nous demande de préserver le Fonds de réserve des retraites et de le financer par un déficit exceptionnel permanent. C'est une bonne solution : ça s'appelle de la cavalerie ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Madame Touraine, vous avez en permanence proféré des mensonges : sur l'amiante, sur les carrières longues, sur le travail des Français. Vous voulez leur faire croire que tout est possible, que c'est toujours le voisin qui paie des impôts et jamais celui qui est concerné. (Exclamations continues sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vous nous avez menti sur la convergence entre le public et le privé, vous nous mentez sur les comparaisons avec les autres pays européens. Aujourd'hui, dans cet hémicycle, la gauche, c'est vraiment la démagogie et le mensonge permanent. C'est le coup d'État psychologique tenté auprès des Français et l'irresponsabilité érigée en vertu.

Nous pensons que ce débat doit avoir lieu ici et maintenant, dans cet hémicycle. Il n'est plus temps de reculer. Évidemment, chacun devra prendre ses responsabilités devant la nation. Pour notre part, majorité nombreuse et unie derrière le Président de la République, avec le Gouvernement, aux côtés d'Éric Woerth pour mener à bien cette réforme nécessaire et essentielle, nous refuserons cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Où est-il, M. Woerth ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion de rejet préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 471

Nombre de suffrages exprimés 471

Majorité absolue 236

Pour l'adoption 187

Contre 284

(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le président, je voudrais revenir sur une question très importante. Le ministre a parfaitement le droit de s'adresser aux médias, c'est même une nécessité, mais je crois important de rappeler que les questions que lui pose l'Assemblée nationale, c'est à l'Assemblée nationale qu'il doit y répondre. Nous avons posé des questions précises. Le ministre a refusé de répondre. Que répond-il au grand mouvement populaire d'aujourd'hui ? Je ne sais pas s'il réserve ses réponses à TF1, mais nous, nous demandons que la représentation nationale soit respectée, aujourd'hui et tout au long de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séancede l'Assemblée nationale,

Claude Azéma