Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 7 septembre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

Nous proposons que soit supprimé le seuil de 15 ans dans la fonction publique pour l'ouverture de droits à la retraite et que soit revue la manière de prendre en compte les vingt-cinq meilleures années pour les polypensionnés.

Mais si l'effort doit être partagé entre les salariés, il doit aussi être assumé par les détenteurs de capitaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) On ne peut pas nous expliquer que la crise précipite les échéances, qu'il y va de la survie même du régime de retraite, sans chercher avec imagination et audace de nouvelles ressources. On ne peut pas nous expliquer, d'un côté, que le déficit est abyssal et, de l'autre, qu'il y a des ressources auxquelles il ne faut absolument pas faire appel parce que, par dogme, par principe, par idéologie, il est impossible de toucher à certains prélèvements. Les socialistes, eux, assument un tel choix : il s'agit bien d'un choix politique majeur quand nous proposons de rapprocher la taxation du capital de celle du travail. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Oui, il faut revenir sur un certain nombre de niches, telles que la « niche Copé » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui aboutit à taxer davantage les petites entreprises que les plus grandes.

L'ensemble de ces mesures permettraient de faire face dès aujourd'hui au déficit actuel né de la crise, et d'engager le rétablissement de l'assurance vieillesse sur des bases assainies.

Pour faire face au déficit à venir, une augmentation modérée des cotisations vieillesse nous paraît normale car, il faut le rappeler, le financement des régimes de retraite repose d'abord sur les cotisations. Il ne nous semble pas choquant de demander à l'ensemble des salariés une augmentation de 0,1 % par an pendant dix ans. Que l'on ne nous parle pas de matraquage fiscal alors que, depuis 2007, la droite a créé dix-neuf nouvelles taxes, des franchises médicales à la hausse de la redevance télé, et qui, elles, pèsent sur l'ensemble de nos concitoyens au lieu de peser sur les plus fortunés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Le troisième axe de nos propositions concerne les mesures démographiques. Elles sont nécessaires. Contrairement à ce que vous soutenez, nous ne les refusons pas, mais nous ne voulons pas en faire le seul pivot de la réforme. Nous refusons les vôtres parce qu'elles sont injustes. Il est évident que l'allongement de l'espérance de vie doit être pris en compte ! Mais il est absurde de faire passer tous les Français sous la même toise. La clé, c'est la prise en compte de l'espérance de vie en fonction de la réalité des parcours professionnels de chacun. C'est pour cette raison que nous faisons de la pénibilité un des enjeux majeurs de cette réforme et que nous affirmons qu'il est temps de proposer un nouveau droit : celui de la prise en compte de la pénibilité. Je l'ai dit : nous refusons votre démarche. Nous défendons une approche collective de la pénibilité, qui n'a rien à voir avec la création de nouveaux régimes spéciaux ! L'exposition d'un salarié à des facteurs de pénibilité au cours de sa carrière doit ouvrir le droit à une majoration de durée d'assurance, par exemple de 10 % du temps d'exposition. Concrètement, un salarié qui a été exposé pendant dix ans à un ou plusieurs facteurs de pénibilité bénéficierait d'une majoration de durée d'assurance d'au moins un an. C'est une question de justice.

Vous nous dites : « Cela n'existe pas, cela ne s'est jamais fait, ce serait une innovation. » La belle affaire ! Pourquoi la France devrait-elle renoncer à être pionnière en matière sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

En plus, ce que vous dites est faux : certains pays commencent à s'engager dans cette voie en mettant en place des mécanismes qui ne s'appellent pas « prise en compte de la pénibilité », mais qui reviennent exactement au même. Rappelons aussi qu'en France, dans le cadre des sociétés de secours mutuel, était admis, dès le XIXe siècle, le principe d'une usure différente selon les métiers et sa réparation par l'attribution plus ou moins précoce d'une pension. La loi du 30 décembre 1975 avait ouvert le droit de bénéficier d'une retraite à taux plein dès 60 ans pour ceux qui avaient travaillé à la chaîne ou au four, ou qui avaient été exposés aux intempéries. Depuis, de nombreux autres dispositifs de cessation anticipée d'activité ont été mis en place.

Nous proposons une approche plus globale, qui ne définisse pas des métiers pénibles mais des facteurs de pénibilité, et qui ouvre le droit à une juste compensation pour tous les salariés concernés.

C'est dans ce cadre, dès lors que nous aurons défini un nouveau droit de la pénibilité, que nous pourrons réfléchir à l'allongement de la durée de cotisation, qui doit passer à 41,5 annuités d'ici à 2020. Nous disons clairement qu'un nouvel allongement ne peut être exclu au-delà, et c'est la raison pour laquelle un grand rendez-vous doit être prévu en 2025 afin d'examiner les conditions dans lesquelles l'effort engagé devrait être poursuivi. L'allongement de la durée d'assurance est le seul juste puisqu'il permet à ceux qui ont commencé à travailler plus jeunes de partir plus tôt. Aux jeunes qui font des études, nous voulons proposer, lors de leur premier emploi, d'opter pour une surcotisation étalée sur une période de dix à quinze ans leur permettant de valider jusqu'à trois années d'études. Nous précisons que les stages de fin d'études doivent ouvrir des droits à la retraite.

Le second levier démographique réside dans les mesures d'incitation. Il ne s'agit pas seulement pour nous d'un dispositif technique, mais d'un choix de société, et c'est la raison pour laquelle nous parlons de « retraite choisie ». Il faut que les conditions de départ en retraite ne soient pas rigides et s'appliquent de façon différente selon les parcours professionnels, selon les choix personnels. Le système actuel a été mis en place à une époque où les rythmes de vie, les carrières, le déroulement de la vie familiale étaient à peu près les mêmes pour tout le monde.

Aujourd'hui, nous le savons bien, on ne peut pas consacrer la première partie de sa vie à la formation, la deuxième à sa carrière professionnelle, pour profiter ensuite de sa retraite. Aujourd'hui, nous vivons au rythme des ruptures de parcours, des changements de métier, des recompositions familiales.

Puisque tout bouge et tout change, il faut articuler autrement le socle des droits sociaux collectifs et leur déclinaison individuelle.

Nous le disons clairement : il faut protéger ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou qui ont eu des métiers difficiles, tout en incitant les autres à travailler plus longtemps.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion