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Intervention de Laurent Hénart

Réunion du 7 septembre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Ouverture de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Hénart, rapporteur pour avis :

Le premier président de la Cour des comptes disait ainsi la nécessité de faire d'une mesure d'âge l'élément central de la réforme tout en affirmant le bien-fondé de celle-ci au regard de l'évolution de l'espérance de vie et de nos choix sociaux.

Dans ses travaux, la commission des finances a souligné le caractère essentiel de la mesure d'âge consistant à reporter de deux ans, de 60 à 62 ans, l'âge d'ouverture des droits à la retraite, ainsi que l'ensemble des bornes d'âge qui lui sont arrimées. Cette mesure représente les deux tiers des 30 milliards d'euros de besoin de financement de 2020, soit un peu plus de 20 milliards. Elle se superpose à la logique actuelle de la loi Fillon qui prévoit que l'évolution de l'espérance de vie donne lieu à une évolution de la durée légale de cotisation. En 2012, la durée légale de cotisation sera de quarante et un an ; elle atteindra probablement quarante et un an et demi en 2020. Les deux mesures se complètent.

D'ores et déjà, l'ouverture des droits à la retraite est fixée à 65 ans dans de nombreux pays voisins de la France, comme la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande l'Irlande, les Pays-Bas et le Portugal ; en Allemagne elle se fait à partir de 67 ans. Comme le souligne Didier Migaud, tous les pays ont adapté une solidarité démographique aux réalités de la démographie, ce que nous faisons aussi avec cette réforme. Nous avons choisi la solidarité entre les générations – les cotisants couvrent les retraites –, il est donc normal que, l'espérance de vie progressant, nous adaptions le curseur entre le temps passé au travail et le temps passé en retraite. Depuis 1960, les hommes ont gagné plus de dix ans d'espérance de vie et les femmes plus de onze ans. Pour la même période, la durée effective du travail est passé de 42 heures hebdomadaires à 37 et le nombre d'années travaillées de quarante-deux à trente-neuf.

Pour un tiers de l'effort nécessaire, la réforme recourt à des mesures d'équité. Je citerai les mesures permettant l'évolution vers un régime universel de retraite, le rapprochement entre le public et le privé, le taux de cotisation aligné à 10,55 %, le minimum contributif du privé rejoint par le minimum garanti de la fonction publique dans ses conditions d'ouverture ou, enfin, la suppression de la possibilité de prendre une retraite anticipée, après quinze ans de services, pour les femmes agents publiques ayant élevé trois enfants. À ce sujet, la commission des affaires sociales a adopté des amendements afin de mettre en oeuvre cette mesure par paliers afin d'éviter des départs massifs de ces personnels – sujet important, notamment dans le secteur hospitalier – et pour garantir un droit à l'information.

Des recettes supplémentaires sont également programmées, pour près de 5 milliards d'euros en 2020, avec l'augmentation d'un point du taux d'impôt sur le revenu appliqué à la tranche marginale la plus élevée, la modification de l'imposition des plus-values, le prélèvement forfaitaire, une taxation plus forte des retraites-chapeau et des stock-options, la suppression du crédit d'impôt sur les dividendes perçus par les actionnaires et avec, pour les entreprises, l'annualisation des exonération de charges.

Les besoins de financement sont donc couverts aux deux tiers par des mesures d'âge et pour un tiers par des mesures d'équité. Il paraît en effet logique, dès lors que les Français considèrent que le système de retraite est un élément de solidarité entre les générations, que l'essentiel de l'effort repose sur une mesure d'âge et un rééquilibrage entre le temps de travail et le temps de retraite. Il est tout aussi logique qu'une part minoritaire de l'effort nécessaire provienne de contributions complémentaires. Si l'on raisonne autrement, on pourrait tout aussi bien faire des retraites un simple poste du budget de l'État dans votre ministère des affaires sociales et de la solidarité, monsieur le ministre, plutôt qu'un élément de protection sociale indépendant de l'État, régi par des règles de délibération spécifiques.

La réforme garantit l'équilibre à l'horizon 2018, elle propose aussi des solutions pour traiter les déficits futurs. Pour ceux de 2009 et 2010, elle prévoit ainsi un prolongement de la durée vie de la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale, de 2021 à 2025. Cette dernière aura eu une longévité que personne n'espérait au moment de sa création. Pour les déficits entre 2011 et 2017, elle veut mobiliser les actifs du Fonds de réserve pour les retraites. La commission des finances s'est inquiétée de la gestion de ces actifs, qui doit être prudente. En effet, la crise a eu un impact sur ces derniers : leur placement sur les marchés financiers et leur gestion par différents organismes mandataires doivent être surveillés de près si l'on souhaite que le rendement de la mesure d'affectation du Fonds de réserve pour les retraites à l'absorption des déficits puisse se faire à la hauteur voulue.

La réforme permet aussi à certains publics fragiles d'enregistrer quelques progrès sensibles en matière de retraite. J'insiste, en particulier, sur le départ anticipé, avant 60 ans, des personnes ayant commencé à travailler jeunes. Cette mesure, souvent débattue, n'a été votée que tardivement dans l'histoire de notre République, en 2003. Elle a concerné plus de 630 000 personnes depuis 2004. Aujourd'hui, elle est confirmée, malgré un coût réel pour les comptes sociaux, et elle est étendue à ceux qui ont commencé à travailler à 17 ans, ce qui constitue une juste compensation du report de borne d'âge de 60 à 62 ans.

Je rappelle aussi que la loi Fillon prévoyait un départ anticipé à la retraite pour les travailleurs handicapés, mesure qui est, bien sûr, maintenue par la réforme.

Par ailleurs, Denis Jacquat a été parfaitement précis et éloquent sur la question de la pénibilité. J'ajouterai deux éléments. Premièrement, la commission des finances souhaite que soit étudiée une mesure de ce type au bénéfice des salariés agricoles. Leur situation est analogue à celle des salariés qui ressortissent au régime général. Deuxièmement, avec Pierre Méhaignerie et Denis Jacquat, nous présenterons un amendement préventif afin d'organiser un cadre de dialogue dans les branches professionnelles sur ces questions afin de parvenir à établir une hiérarchisation des métiers pénibles. Il s'agira surtout de mettre en place, grâce à un fonds paritaire, les éventuels droits ouverts pendant la vie professionnelle ou dans le cadre de la retraite pour compenser cette pénibilité.

Je veux aussi citer brièvement, car je suppose que Mme Marie-Jo Zimmermann en parlera de manière détaillée, les mesures prévues au profit des femmes. Les commissions des finances et des affaires sociales sont unanimes à vouloir des sanctions plus fortes pour soutenir l'obligation de négociation et les progrès qui doivent en découler dans le cadre des rapports de situation comparée.

Quant à la mesure prise en faveur des seniors, elle mérite d'être complétée par des éléments de dialogue social. À titre d'exemple, la commission des finances propose que les RTT qui ne sont pas consommées et s'accumulent souvent sur un compte épargne-temps puissent être reportées en fin de vie professionnelle pour permettre une cessation progressive d'activité.

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