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Séance en hémicycle du 1er décembre 2009 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je tiens à saluer l'entrée en vigueur, aujourd'hui, du traité de Lisbonne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Il constitue un progrès pour la démocratie, puisqu'il accroît les compétences des Parlements nationaux en les intégrant dans les processus européens.

Nul doute que nous saurons en tirer profit et saisir cette opportunité de mieux associer la représentation nationale à la construction de l'Europe. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est àMme Danièle Hoffman-Rispal, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

En cette journée mondiale de lutte contre le sida, je souhaite interroger Mme la ministre de la santé, Roselyne Bachelot.

L'Organisation mondiale de la santé a choisi de placer cette journée sous le signe de la lutte contre les discriminations et de l'accès universel aux soins. Le groupe SRC soutient bien entendu ces deux orientations, tout en regrettant que la répartition des contributeurs à la solidarité internationale ne soit ni plus équilibrée, ni plus importante.

Au niveau national, les revendications des associations font écho aux thèmes choisis par l'OMS : elles réclament par exemple que l'on agisse davantage contre les discriminations à l'embauche ou sur le lieu de travail, que l'obtention de prêts bancaires soit facilitée et que l'on développe la prévention ciblée, notamment à l'intention des jeunes.

En matière d'accès aux soins, le témoignage des associations ainsi que le rapport Yéni publié l'année dernière ont malheureusement montré que les socialistes avaient raison de craindre les conséquences de l'instauration des franchises médicales et de l'augmentation des dépassements d'honoraires et du forfait hospitalier. Chaque année, au moins cinq cents euros restent ainsi à la charge des personnes vivant avec le VIH, qui relèvent pourtant du régime des affections de longue durée.

Dans ce contexte, nous nous inquiétons des déclarations de votre confrère, M. Woerth, qui a annoncé, en vue de combler les déficits sociaux, « un travail sur les affections de longue durée qui ouvrent droit à une prise en charge à 100 % ».

Madame la ministre, vous qui refusez obstinément la suppression des franchises médicales, que nous proposez-vous pour réduire le reste à charge des malades du sida et améliorer leur qualité de vie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Madame Hoffman-Rispal, nous sommes tous mobilisés, et le Gouvernement au premier chef, dans la lutte contre le sida et les autres maladies sexuellement transmissibles. Il suffit de voir, en ce 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida, le grand nombre d'entre nous qui arborent le ruban rouge pour témoigner de leur action militante (Exclamations sur les bancs du groupe GDR), parfois – comme vous, chère Danièle Hoffman-Rispal – depuis les débuts de la lutte contre le sida.

Notre pays a déjà enregistré des résultats tout à fait considérables en la matière. Ainsi, au cours des cinq dernières années, le nombre de contaminations a diminué de 22 %. Cela témoigne de l'implication totale de notre pays sur tous les fronts : la prévention, la réduction des risques sexuels, le dépistage, la prise en charge thérapeutique, la lutte contre les discriminations, la prise en charge médico-sociale et la recherche.

Nous devons continuer. Voilà pourquoi nous voulons maintenir un niveau élevé de protection et de prise en charge sanitaire. Nous bénéficions déjà des meilleures au monde, qui s'étendent même aux personnes en situation irrégulière. À cette fin, nous avons sanctuarisé les crédits consacrés par la loi de finances à la lutte contre le VIH-sida. En outre, nous sommes le deuxième contributeur international et le premier en Europe.

Ainsi, madame la députée, dans un contexte de crise économique profonde, nous avons tenu à sanctuariser la lutte contre le sida. Dans quelques semaines, je présenterai en outre un nouveau plan qui abordera tous ces points. Face à cette pandémie, nous devons en effet rester unis et mobilisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Jacqueline Irles, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Irles

Monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, aujourd'hui, mardi 1er décembre, le traité de Lisbonne entre en vigueur. Les dernières pierres de la construction européenne réformée ont ainsi été posées : le fonctionnement de l'Union européenne et sa visibilité dans le monde seront améliorés car nous disposons dorénavant des outils nécessaires pour relever les défis futurs, notamment celui de la sortie de crise de l'Europe d'ici à 2014.

Je tiens à saluer le rôle éminent du Président de la République, Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.). À l'origine du traité simplifié signé par les vingt-sept pays européens à Lisbonne, il a fourni nombre d'efforts avec Angela Merkel depuis plus de deux ans afin d'obtenir ce succès européen.

Désormais, grâce au traité de Lisbonne, l'Europe sera dotée d'un président permanent et d'un haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité pour au moins deux ans et demi.

En outre, vingt-six commissaires européens ont été nommés afin d'assister José Manuel Barroso dans la gestion quotidienne de l'Union européenne, notamment pour oeuvrer à la sortie de crise.

Je veux rappeler que Nicolas Sarkozy, pendant la présidence française de l'Union européenne, avait proposé aux Vingt-sept le renforcement de la régulation des marchés financiers. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Qui peut en effet prétendre aujourd'hui que nous n'avons pas besoin de l'Europe pour assurer une meilleure régulation de ces marchés ?

Au nom de l'ensemble de mes collègues, je tiens à féliciter Michel Barnier qui a été nommé au poste clé de commissaire chargé du marché intérieur. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Madame Irles, le traité de Lisbonne entre en effet en vigueur aujourd'hui même, 1er décembre. C'est à la fois l'aboutissement d'un long processus historique et une nouvelle page qui s'ouvre dans l'histoire de l'Europe.

Depuis 1989, l'Europe s'est ouverte à douze pays. Il le fallait, dans une perspective de paix. Les institutions ont entraîné davantage de difficultés. Comme vous l'avez rappelé, c'est grâce à la vision et la volonté du candidat puis du président Nicolas Sarkozy que ce traité a pu être signé. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cela nous a ainsi permis de sortir de l'impasse dans laquelle nous avait plongés le référendum de 2005.

À cet égard, permettez-moi de rappeler que vous avez voté en faveur de ce traité, à la différence d'autres candidats qui souhaitaient un autre référendum. Pour l'Irlande, c'est également le président Sarkozy qui a obtenu un deuxième vote. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Aujourd'hui, les institutions sont en place avec un président de l'Europe et un haut représentant. Nous avons poussé l'influence française grâce à Pierre de Boissieu, secrétaire général, et Michel Barnier, qui, pour la première fois, obtient le poste des affaires financières au sein de l'Union.

Cela dit, mesdames, messieurs les députés, les institutions ne sont pas une fin en soi, je tiens à le dire. Elles doivent être mises au service d'une volonté et d'un projet, lesquels animent le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement. Le peuple ne nous jugera pas sur les institutions, il nous jugera sur la capacité des États à fabriquer des politiques communes en matière d'industrie, d'énergie, d'immigration, de sécurité intérieure et extérieure.

Voici les grands chantiers qui sont devant nous. Travaillons ensemble pour développer l'influence française en Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, tous les indicateurs économiques et sociaux sont en alerte avec 50 000 chômeurs supplémentaires au mois d'octobre. La pauvreté s'aggrave, les classes moyennes se paupérisent. Les Restos du Coeur s'attendent à un afflux record cet hiver avec plus de 110 millions de repas distribués. Les inégalités sociales explosent.

Pourtant, vous invoquez une croissance au coin du tournant pour mieux vous en remettre à la main invisible du marché. Mais la seule sortie de crise que l'on constate bénéficie aux banquiers et aux actionnaires – la BNP enregistre 4 milliards de bénéfices. C'est le retour des jours heureux pour les dignitaires du CAC 40 et les traders de New York, qui ont accumulé 140 milliards de bonus.

Rien n'a donc changé dans le capitalisme financier. L'argent public dégagé pour sauver les banques n'a servi qu'à nourrir la spéculation et regonfler la bulle financière.

Dès lors, le débat dangereux que vous proposez autour de l'identité apparaît comme une entreprise de division destinée à nous détourner de cette réalité sociale. Ce débat méritait pourtant de rassembler la société française loin des instrumentalisations politiciennes et de la privatisation de l'État par l'UMP.

Vous évoquez la cohésion de la nation, mais comment peut-on parler de cohésion quand 40 % de jeunes des quartiers sensibles sont au chômage et que la moitié vit sous le seuil de pauvreté, selon un rapport publié hier ?

L'égalité républicaine, véritable ADN de notre nation, est bafouée quotidiennement dans ces territoires.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous entendre les Français en difficulté et leur adresser un signe de justice en exonérant les bénéficiaires du RSA de la taxe d'habitation et en augmentant significativement le SMIC au 1er janvier 2010 ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Mesdames, messieurs les députés, un chiffre résume la résistance de notre pays face à la crise : à la fin de l'année 2009, les pays de la zone euro enregistreront un recul de croissance de 4,4 % quand, en France, l'évolution du PIB se situera entre moins 2 % et moins 2,1 %. Bien sûr, monsieur Asensi, je ne fais là aucun triomphalisme. Simplement, je voudrais rappeler qu'il y a tout juste un an, le Président de la République prenait la décision de lancer un grand plan de relance de l'économie par l'investissement. Aujourd'hui, force est de constater…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

…que la situation s'aggrave ! On voit ce que ça a donné !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

…que les choix que nous avons effectués se révèlent pertinents.

Contrairement à ce qui avait été proposé sur ces bancs, nous avons fait le choix de l'investissement. Nous avons fait le choix de sauver la filière automobile : 220 000 primes à la casse étaient prévues, ce sont plus de 500 000 véhicules qui vont bénéficier de ce dispositif cette année. Nous avons mobilisé 350 millions d'euros supplémentaires dans les quartiers que vos évoquez pour la rénovation urbaine.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Nous avons mis en place le dispositif des écoles numériques rurales pour que la relance bénéficie également aux territoires ruraux.

Nous avons veillé aussi à ce que la croissance ne laisse personne au bord du chemin. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Le dispositif d'activité partielle a ainsi permis de sauver 300 000 emplois. Le dispositif « zéro charge » est à l'origine de la création de 600 000 emplois, en pleine crise, dans les très petites entreprises. Enfin, avec le revenu de solidarité active et avec les dispositifs fiscaux, nous avons veillé au sort des plus démunis.

Monsieur Asensi, vous le voyez, nous sommes totalement mobilisés sur le plan économique et les choix que nous avons faits il y a un an s'avèrent aujourd'hui pertinents. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Madame la secrétaire d'État chargée des technologies vertes et des négociations sur le climat, un grand journal économique titre ce matin : « La croissance verte qui fait fi de la crise ». L'article évoque notamment une étude de l'ADEME selon laquelle les marchés liés à la croissance verte ont bondi de 28 %, pour atteindre plus de 5 milliards d'euros d'activité.

Toutefois, le même article pointe aussi des faiblesses, notamment dans certains secteurs, établissant des comparaisons avec nos voisins européens. L'Espagne emploie actuellement 65 000 personnes dans les filières du solaire, photovoltaïque et thermique, alors que notre pays n'en recense que 20 000.

L'étude pointe également un relatif ralentissement des chantiers de rénovation thermique de logements résidentiels, dont la progression s'essouffle puisqu'elle était de 12 % en 2007 contre 4,6 % en 2008, malgré les objectifs très volontaristes affichés par le Grenelle de l'environnement.

Ce matin, vous avez réuni le Comité national de pilotage du plan de mobilisation des filières et des territoires pour le développement des métiers liés à la croissance verte. Ce fut l'occasion pour vous de faire le point sur le travail que vous avez lancé en septembre 2009 et c'est donc l'occasion pour nous, parlementaires, d'en savoir un peu plus sur ces fameux emplois verts, et ce à travers trois questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Premièrement, comment tous ces professionnels que vous avez rencontrés ce matin voient-ils le développement de ces emplois dans leur secteur, tant quantitativement que qualitativement ? Deuxièmement, quels sont les freins les plus importants qui ont été identifiés et comment y remédier ? Enfin, pensez-vous, comme le titre ce quotidien, que la croissance verte soit un vrai remède pour lutter contre la montée dramatique du chômage dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée des technologies vertes et des négociations sur le climat

Monsieur le député, vous avez raison, les métiers du Grenelle résistent à la crise et sont une bonne solution pour relancer l'économie de notre pays. La croissance verte, c'est une réalité qui transforme progressivement et profondément notre économie. Voilà pourquoi nous avons lancé, en septembre dernier, à la demande de Jean-Louis Borloo, et en lien avec Laurent Wauquiez, un plan de mobilisation autour des métiers de la croissance verte. Dix comités de filières, placés sous la direction d'un Comité national de pilotage associant tous les acteurs, branches professionnelles, organismes, ONG, partenaires, Pôle emploi, organismes de formation et, bien évidemment, les régions, nous permettront de travailler à mieux identifier ces métiers, les définir, les clarifier, pour mettre en adéquation l'évolution de l'offre et de la demande.

Ce que nous faisons est très concret. Le métier de demain peut être développeur du parc éolien,...

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée des technologies vertes et des négociations sur le climat

..écocertificateur ou écologisticien. Il sera aussi et toujours couvreur ou électricien, mais avec une qualification renforcée.

Debut de section - PermalienValérie Létard, secrétaire d'état chargée des technologies vertes et des négociations sur le climat

Il ne faudra pas omettre cela pour être au rendez-vous.

Nous voulons accélérer la montée en puissance de ces métiers. L'étude de l'ADEME que vous avez rappelée vient d'être rendue publique ; elle en est l'exemple et nous encourage en ce sens. Elle montre en effet que, malgré la crise, les emplois des secteurs liés à la maîtrise de l'énergie et aux énergies renouvelables sont en forte augmentation.

Ce secteur employait 200 000 personnes en 2006. Fin 2009, nous atteindrons 300 000 emplois. En trois ans, et malgré la crise, ce secteur d'activité a donc progressé de 44 %. La même étude table sur une perspective de 200 000 emplois supplémentaires à l'horizon 2012.

Ces emplois ont d'autres qualités. Ils peuvent se répartir sur tout le territoire et s'adressent à tous les niveaux de qualification. Le 28 février prochain, nous présenterons la stratégie pour les territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Pupponi, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Monsieur le Premier ministre, un rapport rendu public hier remet sous les feux de l'actualité la dure réalité sociale de la banlieue. Les chiffres de ce rapport sont terribles : 41,7 % des hommes de quinze à vingt-cinq ans y sont au chômage, 33 % des habitants y vivent en dessous du seuil de pauvreté, contre 12 % pour le reste du territoire national, un mineur sur deux connaît la pauvreté.

J'arrête là la longue litanie de ce constat dramatique qui ne concerne que 2008. À titre d'information, ces résultats s'aggravent encore en 2009 car ces quartiers sont les premiers touchés par la crise.

Alors, pourquoi en sommes-nous là ? Pourquoi, malgré tous les engagements, les déclarations d'intention, les plans Espoir banlieues, la situation s'aggrave-t-elle ?

La première raison tient à ce que votre Gouvernement n'a jamais été capable de mettre en place un vrai plan stratégique interministériel ayant pour ambition de sortir ces territoires et leurs populations de l'état de relégation sociale dans lequel ils se trouvent dans cette France que j'appelle la France d'en dessous.

Vous n'avez pas été capable d'imposer à vos ministres d'agir prioritairement pour ces territoires.

Monsieur le Premier ministre, la politique de la ville est avant tout une politique du chef du Gouvernement.

La seconde raison de votre échec tient au fait que, contrairement aux annonces non financées du plan Espoir banlieues, vous avez supprimé un à un tous les outils de la politique de la ville.

Ainsi l'ANRU n'est plus financée par l'État et sera en cessation de paiements en 2011.

Avec la suppression de la taxe professionnelle, vous avez fait disparaître tous les fonds de péréquation qui permettent aux communes pauvres d'apporter un minimum de services publics à des populations qui souffrent.

Au-delà des actes, monsieur le Premier ministre, ce sont aussi des attitudes qui blessent, celles du Président de la République en particulier. Les habitants de banlieue en ont assez que le plus haut représentant de l'État vienne en banlieue uniquement pour leur parler de Kärcher et de délinquance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Il n'y a pas que des délinquants qui vivent dans ces territoires, il y a surtout une grande majorité de talents et de citoyens qui, dans la difficulté, se battent avec pour seul espoir de donner un avenir à leurs enfants, dans un pays qu'ils aiment et qui s'appelle la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous, vous et le Président de la République, enfin le comprendre, pour ne pas dire l'entendre ? Quand allez-vous enfin leur proposer de participer au pacte républicain ? Eux, ils y sont prêts ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.

Debut de section - PermalienFadela Amara, secrétaire d'état chargée de la politique de la ville

Monsieur le député, dès ma prise de fonctions j'ai toujours souhaité inscrire ma politique dans une démarche d'évaluation régulière. C'est pourquoi j'ai décidé de faire de la remise du rapport de l'ONZUS, l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, un rendez-vous annuel important. Le Gouvernement a voulu faire de l'ONZUS un organisme indépendant pour éclairer et évaluer ce que nous faisons.

Ce rapport est sans concession et note clairement ce qui marche et ce qui ne marche pas.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Rien ne marche !

Debut de section - PermalienFadela Amara, secrétaire d'état chargée de la politique de la ville

Il y a deux lectures possibles de ce document : la lecture optimiste et la lecture pessimiste.

La pessimiste consisterait à voir tout en noir, à penser que tout va mal et donc que la politique de la ville ne sert à rien,...

Debut de section - PermalienFadela Amara, secrétaire d'état chargée de la politique de la ville

..ce qui est faux et extrêmement dangereux. En votre qualité de maire de banlieue, je ne peux croire que tel soit votre point de vue.

Il y a aussi la lecture optimiste, pour ceux qui veulent changer la situation malgré les difficultés. Ce rapport permet de connaître les points de fragilité et d'agir dessus avec efficacité. Tout le monde, les habitants comme les élus, s'accorde à dire que la rénovation urbaine transforme en profondeur les quartiers en lieux où l'on vit mieux, que les mesures prises qui concernent l'éducation donnent de bons résultats.

Il reste évidemment des fragilités et des difficultés, en premier lieu l'emploi avec ses conséquences, et la pauvreté.

Oui, la pauvreté est importante dans les quartiers populaires, oui tout doit être fait pour la réduire.

Deux leviers sont à notre disposition aujourd'hui. Le premier prendra la forme, en 2010, de la réforme de la géographie prioritaire. Il faut évidemment donner plus à ceux qui ont moins. (« C'est du blabla ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il faut concentrer l'aide publique, celle de l'État comme celle des collectivités territoriales, dans les quartiers qui en ont le plus besoin.

Le second levier passera par le renforcement d'une solidarité nationale, ce qui implique la définition d'une nouvelle péréquation qui répondra à cette volonté de concentration des moyens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L'objectif est clair : réduire les inégalités sociales, et je ne doute pas, monsieur le député, de votre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Claude Beaulieu, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Beaulieu

Madame la ministre de la santé, c'est aujourd'hui la journée mondiale de lutte contre le sida, qui touche actuellement 33 millions de personnes dans le monde. Il y a vingt-cinq ans, des chercheurs, en particulier une équipe française, découvraient le responsable de cette pandémie, un virus nouveau qui allait bouleverser notre société mais aussi notre approche médicale.

Aujourd'hui, si son visage a évolué, s'il s'est modifié, grâce à de nouvelles thérapeutiques, il n'a pour autant pas disparu de notre environnement quotidien, touchant 144 000 personnes en France, avec 7000 nouveaux cas en 2008. Nous devons toujours garder présents à l'esprit les chiffres encore plus considérables de la contamination massive en Afrique et en Asie, avec leur cohorte de drames familiaux et d'orphelins.

De tels drames ne peuvent nous laisser indifférents et doivent appeler à la mobilisation de tous pour une prise en charge préventive et curative.

Madame la ministre, quelles mesures concrètes avez-vous l'intention de prendre pour lutter contre ce fléau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Merci, monsieur le député, d'avoir rappelé avec beaucoup d'humanité que cette grande question de santé publique ne devait pas nous faire oublier le drame des personnes atteintes par le virus et de leurs familles.

Vous avez rappelé les chiffres. Certes, le nombre des contaminations a baissé dans notre pays, mais des populations sont encore gravement touchées, notamment celle des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, où le taux de contamination reste de 1 % chaque année, soit deux cents fois plus que dans la population générale. Ces chiffres éclairants doivent guider notre politique de santé publique, que nous avons basée sur un certain nombre de rapports de qualité, en particulier le dernier, rédigé par Mme Lert et M. Pialoux. Ils nous permettront de présenter dans quelques semaines un cinquième plan de lutte contre le VIH-sida. Nous aborderons bien sûr tous les aspects : la prévention, avec des campagnes d'information, le dépistage, notamment grâce aux tests rapides, la prise en charge des soins, la prise en charge médico-sociale - deux cents nouveaux appartements de coordination thérapeutique ont été ouverts cette année - et bien sûr la recherche, où la France occupe une bonne place.

Je dirai un mot spécial pour la Guyane. Je suis particulièrement attentive à ce département français d'Amérique qui est très touché. Un plan est dédié à la Guyane et les mesures que je préconiserai complèteront ce plan.

Oui, monsieur Beaulieu, nous devons rester mobilisés comme nous le sommes depuis vingt-cinq ans, contre le VIH-sida. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Ma question, à laquelle j'associe M. Marc Vampa, s'adresse au secrétaire d'État chargé des affaires européennes, M. Pierre Lellouche. Vous le savez, le groupe Nouveau Centre, depuis la crise du lait, a décidé de faire écho aux préoccupations des agriculteurs français. Au moment de la constitution de la nouvelle Commission européenne, il convient tout d'abord de saluer le nouveau commissaire européen, Michel Barnier, grand connaisseur des questions agricoles, au portefeuille du marché intérieur, et de se féliciter du choix de M. Dacian Ciolos comme futur commissaire en charge de l'agriculture et du développement rural, un homme de qualité issu d'un État membre où l'agriculture et l'ensemble de ses filières ont un poids économique important.

Rappelons par ailleurs que M. Ciolos entretient des liens forts avec la France puisqu'il a suivi une partie de ses études en Bretagne. Nous souhaitons que cette Commission envoie un signal fort en faveur d'une nouvelle régulation européenne. Il n'y aura pas d'agriculture durable sans un minimum de régulation dans les échanges mondiaux et nationaux. Loin de nous l'idée de reconduire la politique agricole du passé, qui ne correspond plus aux réalités d'aujourd'hui. Nous souhaitons que soient véritablement reconnus le marché mondial des produits agricoles mais aussi la réalité des prix.

Les Français et les agriculteurs doivent savoir comment sont fixés les prix et quelles sont les marges que les distributeurs et les différents acteurs de la filière pratiquent.

Parlons simplement : nous voulons plus de transparence dans la répartition des marges et la détermination des prix, pour les producteurs et pour les consommateurs.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous éclairer quant aux propositions défendues par le Gouvernement français en faveur de la rénovation des régulations des productions agricoles et pouvez-vous nous indiquer les mesures que le Gouvernement compte prendre en faveur d'une plus grande transparence du marché agricole ? Je vous remercie par avance de votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, vous avez raison : face à l'instabilité des prix et à la spéculation, la bonne réponse n'est évidemment pas la libéralisation, mais la régulation européenne des marchés agricoles. Comme vous, nous nous félicitons de la nomination de M. Michel Barnier, mais nous saluons aussi la désignation du commissaire roumain, M. Ciolos, au portefeuille de l'agriculture et du développement rural.

Rappelons que, depuis juillet, à l'instigation de la France et de l'Allemagne, vingt-et-un pays se sont réunis autour de la France pour gagner la bataille du retour à la régulation des marchés agricoles.

Comme l'a demandé le Président de la République le 27 octobre,…

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…dans le domaine des marchés des matières premières agricoles, l'Europe doit mettre en oeuvre une véritable régulation.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, nous devons imaginer de nouveaux instruments, déterminer quel budget sera consacré à la PAC, et nous sommes désormais prêts pour entamer les négociations de la nouvelle PAC à partir de 2013.

Pour la France, qui va ainsi prendre la tête du mouvement en faveur de la rénovation agricole commune, M. Le Maire recevra le 10 décembre prochain les représentants des vingt-et-un pays européens favorables à une régulation des marchés agricoles.

Enfin, sachez que nous sommes très attentifs aux travaux en cours du groupe de haut niveau qui s'est mis en place le 5 octobre dernier. Sans attendre ses conclusions en juin 2010, nous voulons que nous soit remis un rapport intermédiaire début 2010 pour remettre à plat les relations contractuelles au niveau national entre producteurs laitiers et industriels afin de limiter les effets de la volatilité des prix et garantir un revenu décent pour les producteurs et un prix juste pour les consommateurs.

Nous sommes totalement mobilisés sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur le Premier ministre, il y a eu 52 400 demandeurs d'emploi supplémentaires pour le seul mois d'octobre. Ce chiffre, deux fois supérieur à celui du mois de septembre, révèle que la crise n'est pas terminée et qu'au contraire, elle constitue une réalité chaque jour plus dramatique pour nos concitoyens. Encore faut-il rappeler que les licenciés économiques bénéficiaires de conventions de reclassement personnalisé ou de contrats de transition professionnelle ne figurent pas dans ces statistiques.

Les jeunes apparaissent comme les premières victimes de la crise, à tel point qu'aujourd'hui beaucoup estiment appartenir à une génération sacrifiée.

En réaction à ces chiffres catastrophiques, M. le secrétaire d'État à l'emploi a déclaré : « Je pense qu'à partir de 2010, on aura besoin de mesures plus offensives. » Où sont-elles ? Le budget pour 2010 ne comporte aucune mesure ni aucun financement à la hauteur de ce défi. (« Rien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Dans le même temps, vous maintenez l'encouragement aux heures supplémentaires, machine à détruire des emplois sur fonds publics. Supprimez cette mesure, et avec les 3 milliards d'économie qui en résulteront, nous vous proposons de créer 150 000 emplois pour les jeunes dans le domaine de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

L'État lui-même participe à la destruction d'emplois en supprimant à nouveau 32 000 emplois, ce qui constitue le plus grand plan social de France. Avec les 3 milliards accordés aux restaurateurs sans contrepartie préalable, vous auriez pu conserver tous les postes de la fonction publique que vous avez supprimés ces dernières années.

Le chômage de longue durée augmente et des centaines de milliers de demandeurs d'emploi vont se trouver en fin de droits, c'est-à-dire en risque d'exclusion sociale. Pour protéger ces victimes de la crise, nous vous demandons de proroger leurs droits d'indemnisation de six mois.

L'emploi est de loin la première préoccupation, j'allais dire la première angoisse, des Français. Si vous voulez vraiment renforcer l'identité nationale, alors répondez aux Français que vous allez enfin mesurer l'ampleur de la crise et enfin prendre des mesures fortes pour combattre le fléau du chômage qui menace notre cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Comme vous l'avez dit, monsieur le député, les chiffres du mois d'octobre ont clairement montré que, sur le front de l'emploi, nous n'étions pas sortis de la crise. Cependant, nous ne devons pas nous laisser abuser par le yo-yo des marchés financiers : la crise est avant tout une crise sociale et humaine et, comme le Président de la République l'a toujours dit, c'est sur le front de l'emploi qu'elle se joue.

La sortie de la crise va nécessiter beaucoup de sang-froid de notre part. Il y aura des mois aussi durs que le mois d'octobre ; d'autres nous apporteront de bonnes nouvelles, mais il ne faudra pas céder à un excès d'optimisme en considérant que la crise est derrière nous. Nous devons garder le cap qui nous a été fixé par le Premier ministre et par Christine Lagarde : faire tourner à plein régime tous les outils de la politique de l'emploi que nous avons élaborés conjointement avec les partenaires sociaux ; par exemple, faire tourner à plein régime le dispositif d'activité partielle, amélioré par les partenaires sociaux ; faire tourner à plein régime et avec zéro charge les embauches dans les toutes petites entreprises ; essayer, comme vous y avez fait référence, de travailler sur le front de l'emploi des jeunes, avec le développement de l'apprentissage et des contrats de professionnalisation ; enfin, en ce qui concerne la baisse de la TVA dans la restauration, que vous avez également évoquée, faire en sorte que cette mesure puisse bénéficier aux jeunes, avec une augmentation de l'apprentissage dans ce secteur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Toutes ces mesures ne doivent pas se faire par à-coups, à grand renfort de marketing politique ; elles nécessitent au contraire un travail sur la durée, tous les partenaires oeuvrant ensemble à améliorer les choses sur le front de l'emploi.

Je veux vous dire que j'ai été un peu choqué des déclarations faites par Benoît Hamon au lendemain de la parution de ces chiffres sur le chômage, dans une tonalité très éloignée de celle que vous avez employée aujourd'hui. M. Hamon…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

On n'attaque pas les absents ! Y a-t-il un député Benoît Hamon ?

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

…a cru bon de déclencher une polémique purement politicienne et personnelle en traitant le directeur de Pôle emploi de canaille. Je préfère votre ton, monsieur Vidalies, car vous vous situez sur le terrain des propositions et c'est ce qu'attendent nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Le 1er décembre 2009 n'est pas seulement, monsieur le président, la date d'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, c'est également le jour anniversaire du vote par l'Assemblée nationale de la loi généralisant le revenu de solidarité active. Ayant eu l'honneur d'en être le rapporteur, j'aimerais poser quelques questions à ce sujet à Martin Hirsch.

Monsieur le haut commissaire, pour garantir le succès de cette loi, nous vous avions fait plusieurs propositions lors d'une séance très constructive sur tous les bancs. La première avait pour objet d'organiser une gouvernance plus simple entre des acteurs multiples : caisses d'allocations familiales, conseils généraux, conseils communaux d'action sociale, Pôle emploi. Nous avons souhaité la mise en place d'un meilleur partenariat. Pouvez-vous nous dire comment cela s'est traduit sur le terrain ?

Notre deuxième proposition consistait à dire que l'âge ne devait pas être une barrière pour les jeunes ayant décidé de retrouver un emploi. Le 12 janvier dernier, le Président de la République vous a confié une mission donnant tout son sens à l'intitulé de votre délégation : haut commissaire aux solidarités actives et à la jeunesse. Comment êtes-vous parvenu à la synthèse entre ces deux exigences consistant d'une part à faire plus pour les jeunes, d'autre part à renforcer les solidarités actives ?

Nous vous avions également demandé comment les droits connexes locaux pourraient être mis en oeuvre de façon plus intéressante, en envisageant le problème dans une logique de situation familiale et sociale plutôt que de statut pour le RMI. Où en êtes-vous sur ce point ?

Enfin, nous avions garanti le financement du RSA, contrairement aux allégations mensongères proférées par certains, qui n'ont pas hésité à prendre en otage les bénéficiaires du RMI pour masquer leurs propres carences.

Monsieur le haut commissaire, pouvez-vous nous faire le bilan de ce financement, nous indiquer où en la mise en oeuvre du RSA ainsi que la publication des nombreux décrets s'y rapportant, nous préciser quels sont vos chantiers pour l'avenir ? Bref, le RSA a-t-il permis aux personnes les plus fragiles de notre société de franchir un cap difficile dans une perspective d'autonomie plutôt que d'assistanat ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse

Monsieur le député, vous avez rapporté, l'année dernière, le texte généralisant le revenu de solidarité active. En l'adoptant, le Parlement a pris le risque du changement et fait le choix de l'amélioration de la situation des plus modestes. Il nous a aussi obligés à lui rendre des comptes sur la manière dont nous avons traduit cette loi. Un an après, qu'en est-il ?

Dans 88 départements sur 95, il existe désormais une convention d'orientation entre le conseil général, la CAF, Pôle emploi, les centres communaux d'action sociale, afin que les gens en difficultés n'aient pas à choisir entre le social et le professionnel. Depuis quelques mois, 400 000 foyers de gens qui travaillent – salariés modestes ou travailleurs pauvres – ont vu leurs revenus augmenter, chaque mois, de 157 euros.

La semaine dernière, le texte réglementaire permettant de transformer les différents contrats aidés en un contrat unique d'insertion est paru. Ce contrat n'exclut plus telle ou telle personne parce qu'elle est trop jeune ou qu'elle est restée trop longtemps au chômage, mais permet de disposer d'un outil unique pour l'ensemble des personnes ayant besoin d'être aidées par la collectivité pour revenir au travail. Grâce à une plus grande souplesse, cet outil permet à son bénéficiaire d'effectuer une période d'immersion dans une entreprise sans voir suspendre ses droits et d'emprunter ainsi le vrai chemin vers l'emploi.

Tout cela, nous le mettons en oeuvre avec l'ensemble des acteurs et nous vous rendrons compte régulièrement de ce que nous faisons. D'ores et déjà, tous les textes réglementaires ont été pris. À l'heure où l'on s'interroge sur l'idéal de notre nation, il me semble qu'il pourrait consister à ne pas opposer le travail et la solidarité, mais au contraire à conjuguer les deux, afin de permettre à chacun de s'en sortir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), de ne pas être condamné à rester chez soi en se demandant ce qui va se passer pendant la crise, mais de savoir qu'on va être aidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Et quand allez-vous décider l'exonération de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle pour les titulaires du RSA ?

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse

Nous faisons le tour des départements – j'étais aujourd'hui dans la Vienne – et je peux vous dire que partout, cela bouge dans le bon sens, même si la période est difficile. Je vous remercie de nous y avoir aidés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

En pleine crise, monsieur le Premier ministre, les collectivités territoriales jouent un rôle majeur. On vient d'entendre qu'elles participent à un certain nombre de conventions. Elles aident ceux qui sont le plus en difficulté. Elles sont aux côtés des entreprises. Elles ont apporté deux fois plus de crédits pour le plan de relance.

J'ai relu toutes les questions qui ont été posées dans cet hémicycle au sujet de la réforme des collectivités territoriales et de la taxe professionnelle. J'ai donc relu toutes les réponses. Qu'y ai-je trouvé ?

J'y ai trouvé, mais je pense que cela n'a pas une grande importance aux yeux de nos concitoyens : « immobilisme des socialistes ». (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.) S'il n'y avait pas eu les socialistes, où en serait aujourd'hui la décentralisation en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J'y ai trouvé : « manipulation des maires ». (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je trouve que c'est un manque de respect à leur égard, parce que les maires de France savent très bien gérer leur commune et savent où ils vont. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

J'y ai encore trouvé : « mensonges ». (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.) C'était en réponse à une question posée par un ancien Premier ministre, Laurent Fabius. D'une part, je trouve que le ton n'est pas juste ; on n'a pas le droit d'utiliser ce type d'argument. Et d'autre part, comment répondre : « mensonges », quand la question est extrêmement précise ? La réforme de la taxe professionnelle vise à baisser, vous l'avez dit, l'imposition des entreprises. Il y aura donc une somme d'argent qui manquera aux collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Vous dites qu'il n'y aura pas de dotations budgétaires. Vous dites qu'il n'y aura pas d'impôt sur les ménages. Le Président de la République dit, lui : « Grâce à l'augmentation des valeurs locatives, que nous allons réviser, vous aurez des marges de manoeuvre. » Là, il s'agit d'un impôt sur les ménages.

Alors, monsieur le Premier ministre, qui, des dotations budgétaires, de l'impôt sur les ménages ou de la révision des valeurs locatives, va combler les 6 milliards qui manqueront en 2011 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Madame la ministre Marylise Lebranchu, vous évoquez essentiellement, dans votre intervention, la question de la taxe professionnelle. Oui, pardon de le rappeler une nouvelle fois, le vrai défi pour notre pays, le vrai défi pour notre société, c'est la compétitivité. Parce que c'est ce qui conditionne son rang, sa place et son avenir.

On ne peut pas à la fois affirmer, d'un côté, que l'on veut défendre l'activité et l'emploi, et, de l'autre, proposer de rester immobile en observant le désert industriel que pourrait devenir notre pays. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Alors oui, c'est vrai, en proposant de supprimer la taxe professionnelle, nous faisons un choix difficile mais courageux, cohérent et logique.

J'ajoute que nous respecterons scrupuleusement le principe constitutionnel d'autonomie financière que nous avons proposé, puisque la taxe professionnelle sera remplacée, pour l'essentiel, par des transferts et non par des créations d'impôts ni par des dotations budgétaires. Concrètement, vous le savez bien, telle qu'elle a été votée par l'Assemblée nationale dans la loi de finances, la réforme maintient un taux d'autonomie financière qui se situe aux alentours de 50 % pour les régions, et qui dépasse 60 % pour les communes et les départements.

Debut de section - PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Madame la députée, vous vous êtes exprimée de manière claire et sereine. Je vous invite à participer de manière aussi calme et sereine au débat sur la réforme institutionnelle des collectivités territoriales. Je vous le dis, je serai attentif à vos propositions, à vos amendements, car la caricature est tellement facile ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Robert Lecou, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Lecou

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et j'y associe mes collègues Jean-Paul Anciaux, Jacques Domergue, Gérard et Michel Voisin.

Areva, leader mondial du nucléaire, possède une branche transmission et distribution. T&D d'Areva, c'est 31 000 salariés dans le monde et 5 500 en France. C'est plus de 13 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 417 millions d'euros de résultats opérationnels au 31 décembre 2008, 30 000 clients dans 160 pays. Cette activité est dynamique et dégage des marges financières au sein du groupe.

Permettez-moi, madame la ministre, d'avoir un regard ciblé sur un département, l'Hérault, qui ne possède pas de vrai tissu industriel, et qui est concerné par trois sites : Fabrègues, Lattes et La Pompignane, lesquels emploient 1 000 salariés : 1 000 emplois industriels qui comptent énormément pour Montpellier et la région Languedoc-Roussillon. Pour Mâcon, autre exemple, c'est 740 emplois.

La cession de T&D ne nous paraissait pas nécessaire et elle nous inquiète, comme elle inquiète les salariés des différents sites français.

Aujourd'hui, le repreneur a été annoncé. Il s'agit du duo Alstom et Schneider, avec lesquels les négociations vont s'approfondir sur la base, semble-t-il, d'une partition de l'activité T&D d'Areva entre les deux groupes repreneurs.

Cette partition avive les inquiétudes et déjà, des signes commerciaux négatifs se manifesteraient. On peut craindre des restructurations et des disparitions de sites. C'est inacceptable dans le contexte économique de nos territoires.

Je rappelle ici les engagements du Gouvernement et de la présidente du groupe Areva. Le Gouvernement a déclaré qu'il était nécessaire que le projet industriel soit complété par un projet social, et que tout cela soit pris en compte en même temps que le projet financier.

La présidente Anne Lauvergeon a précisé, lors de son audition à l'Assemblée nationale, qu'Areva ne vendra pas sa division T&D si les offres de rachat ne sont pas assez attractives, et que ces offres seront examinées en fonction de leur « intérêt financier » mais aussi de leur « intérêt social ».

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Lecou

Comment, madame la ministre, cet intérêt social sera-t-il pris en compte…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le député, et je m'adresse également à ceux de vos collègues que vous avez cités, le plan de cession prévu, concernant l'activité transmission et distribution d'Areva, s'inscrit dans un plan plus global, qui nécessite en particulier d'identifier 9 milliards d'euros pour financer l'activité d'Areva et son développement à travers le monde.

Dans ce cadre, l'activité transmission et distribution a été offerte à la vente dans un processus ouvert, processus réussi puisque nous avons reçu trois offres de reprise. L'une d'entre elles a été retenue par la société Areva à l'occasion de la réunion, hier, de son conseil de surveillance, pour un examen sur une base exclusive. Cette offre sera examinée, vous le savez, au vu non seulement du critère financier, mais aussi du critère industriel et du critère social. C'est bien sur la base de ces trois critères que l'offre conjointe du consortium Alstom-groupe Schneider a été retenue.

Vous m'interrogez sur les conséquences sociales en particulier parce que, dans le département de l'Hérault, vous y êtes sensible. Vous avez attiré mon attention préalablement sur cette question. Le groupe Areva a reçu du consortium Alstom-Schneider trois garanties.

Premièrement, aucune fermeture de site, ni en France ni en Europe, pendant trois ans.

Deuxièmement, aucune restructuration entraînant des départs, ni en France ni en Europe, pendant trois ans.

Enfin, le reclassement systématique dans le bassin d'emploi, à équivalence de qualification et de rémunération, pour tout le personnel concerné.

Vous le voyez, ces garanties sont importantes. Elles préservent l'aspect social du dossier. Par ailleurs, son aspect industriel était également tout à fait satisfaisant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur le Premier ministre, nous auriez-vous caché un remaniement ministériel ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il semble que votre gouvernement se soit doté d'un nouveau ministre de l'énergie. Comment expliquer autrement la teneur très politique des déclarations du nouveau président d'EDF sur la restructuration de la filière nucléaire – nous venons d'en parler – , la remise en cause de la régulation du secteur de l'énergie, la remise en cause du rôle de l'État en matière de tarifs réglementés, la mise en oeuvre de nouvelles alliances capitalistiques avec Veolia.

Votre gouvernement a fait le choix, il y a deux ans, rappelons-le, de privatiser Gaz de France, qui livre désormais, avec Suez, une bataille sans merci à EDF.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Votre gouvernement a lancé le démantèlement d'Areva, au détriment de sa rentabilité et de ses salariés – même votre majorité est inquiète ! – mais pour le plus grand plaisir de Martin Bouygues, qui va bénéficier de la vente de la filiale d'Areva T & D. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guéant, sorte de Premier ministre bis, réorganise actuellement le tour de table de l'offre française pour la construction de centrales nucléaires à Abou Dhabi. Tout cela, avouez-le, donne le sentiment que l'on navigue à vue, dans un moment où l'énergie est au coeur des négociations de Copenhague et où l'on prévoit que, si l'hiver est trop froid, nous manquerons d'électricité en France.

Depuis plusieurs semaines, notre groupe vous dit que le président d'EDF ne peut pas avoir une autre fonction exécutive dans un groupe privé en parallèle de celle qu'il exerce à EDF. Le choix doit être clair.

Après votre décision, monsieur le Premier ministre, de vous payer un Proglio pour le prix de deux Gadonneix, nous savons depuis quelques jours que vous êtes d'accord pour doubler les rémunérations dans le secteur public. C'est sûrement une bonne nouvelle pour le dialogue social. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Depuis des semaines, nous demandons à cor et à cri que l'État vienne expliquer au Parlement la stratégie du Gouvernement pour le secteur de l'énergie : privatiser EDF, nationaliser Veolia – pourquoi pas ? –, dissoudre Areva, mettre fin aux tarifs publics. D'où ma question : quel mandat avez-vous donné à M. Henri Proglio, nouveau président d'EDF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Roy, vous recevez un avertissement qui sera, la prochaine fois, formellement inscrit au compte rendu. (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur Brottes, je ne ferai pas insulte à votre excellente connaissance du secteur de l'énergie et de la situation des sociétés que vous venez d'évoquer en vous faisant un mauvais procès.

Je voudrais appeler votre attention sur le fait qu'EDF, une des plus belles sociétés françaises, est absolument déterminante pour l'approvisionnement en énergie de notre pays, mais aussi pour le rayonnement de la France et son commerce extérieur.

C'est dans ces conditions que le Gouvernement, sous l'autorité de M. le Premier ministre, a souhaité la désignation d'un des meilleurs des industriels de notre pays, M. Henri Proglio.

Premièrement, j'y insiste, c'est un excellent industriel. Deuxièmement, il a pris l'engagement, puisque vous avez émis l'idée qu'il pourrait se dupliquer, de consacrer l'intégralité de son temps, de son énergie et de ses qualités à la direction exécutive du groupe EDF. Il a souhaité conserver la présidence du conseil d'administration au sein du groupe Veolia, dont il s'est occupé pendant plus de trente ans. Nous lui avons donné notre accord. Cela nécessitera qu'il se consacre au conseil d'administration durant trois ou quatre réunions.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

J'ajoute qu'il était préalablement membre du conseil d'administration d'EDF, dont il exerçait la présidence du comité stratégique.

Le choix auquel nous avons procédé n'est donc pas d'avoir « un Proglio pour le prix de deux Gadonneix », mais de confier à un excellent industriel une société stratégique pour la France.

Qu'il ait par ailleurs quelques idées sur la façon dont on doit valoriser EDF, mieux l'organiser pour qu'elle soit au service de nos citoyens, afin que nous puissions bénéficier de la rente constituée par l'ensemble des investissements réalisés durant les dernières années est parfaitement légitime. Mais de telles orientations sont soumises à l'accord préalable du Premier ministre et de moi-même. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jacques Domergue, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Plusieurs députés du groupe SRC. Libérez notre camarade !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Madame la ministre de la santé, après plusieurs semaines de polémique sur la nécessité ou non de se faire vacciner contre la grippe A, je crois que les Français ont aujourd'hui compris que la vaccination était un « plus ». Il n'est qu'à voir les listes d'attente dans les centres de vaccination pour comprendre que nos concitoyens veulent, maintenant, se faire vacciner.

La grippe A serait, a-t-on prétendu, une maladie bénigne. En réalité, elle est extrêmement contagieuse et il existe des formes fulgurantes qui concernent les enfants, les sujets jeunes, les femmes enceintes, et peuvent être mortelles. Le décès d'une fillette, apparemment en bonne santé, a été enregistré hier soir.

Nous sommes, madame la ministre, admiratifs du plan que vous avez mis en place pour lutter contre cette pandémie, de son caractère progressif et de la montée en charge qu'il autorise pour l'ouverture des centres de vaccination. Nous enregistrerons l'ouverture de 1 080 centres de vaccination dans la semaine à venir, alors que la semaine dernière nous n'en comptabilisions que 600. Le Président de la République lui-même a indiqué qu'il serait souhaitable que les centres de vaccination soit ouverts sept jours sur sept, dimanche compris, et que les médecins salariés viennent renforcer les équipes. Cela a été confirmé, ce matin, au cours de la réunion ministérielle autour de François Fillon, Premier ministre.

Les médecins généralistes souhaitent participer à la vaccination. Ne seraient-ils pas plus utiles auprès de nos concitoyens pour soigner ceux qui sont atteints par le virus ? Madame la ministre, quelles perspectives envisagez-vous dans les semaines à venir, en fonction de l'évolution de la pandémie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur Domergue, je veux saluer le sens de la responsabilité des Français. Sur six millions de personnes convoquées dans le cadre de la campagne de vaccination, un million se sont déjà fait vacciner. Il convient d'y ajouter les 240 000 personnels des services de santé et de secours.

Ces Français ont compris l'importance de se faire vacciner, pour soi, et aussi pour protéger les autres. Vous avez eu raison de signaler les formes extrêmement graves que peut revêtir cette épidémie de grippe A. Elles ont été responsables, lors du dernier week-end, de dix décès supplémentaires.

La campagne de vaccination mise en place représente la plus grande opération de santé publique qui ait été menée dans notre pays. Elle mobilise des milliers de personnes, auxquelles je veux rendre hommage.

Il faut cependant procéder à des réglages, car il est inadmissible d'attendre quatre heures dans un centre de vaccination, comme cela a été le cas dans certaines métropoles : en particulier à Paris et Lyon. Nous allons, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, sous l'égide de Brice Hortefeux et des autres ministres concernés (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), élargir les plages horaires de vaccination entre huit et vingt-deux heures ; ouvrir les centres de vaccination le dimanche ; améliorer les conditions d'accueil des personnes les plus fragiles – les femmes enceintes, les enfants – et le fonctionnement des centres, fluidifier les chaînes de vaccination, convoquer le nouveau personnel : internes, médecins du travail, médecins militaires, élèves infirmières pour renforcer les centres de vaccination.

Oui, il s'agit d'une grande opération de santé publique. Nous devons la mener ensemble, avec le sens des responsabilités. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Luc Pérat, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

Coluche disait : « Le monde est partagé en deux ; les riches ont de la nourriture, les pauvres de l'appétit. » Au moment où s'ouvre la vingt-cinquième campagne des Restos du coeur – association qu'il avait créée en 1985, à titre provisoire pensait-il –, personne n'a encore réussi à lui donner tort.

La crise devrait provoquer une nouvelle explosion du nombre de bénéficiaires par rapport à 2008 : peut-être 15 %, selon Olivier Berthe, président des Restos du coeur, sans doute davantage dans les territoires ruraux les plus fragilisés et dans certaines catégories sociales, notamment les jeunes, les personnes âgées, les retraités. Or 2008 avait déjà été une année tristement exceptionnelle, avec une hausse de 14 % des bénéficiaires et même 20 % dans les départements ruraux ou semi ruraux. Cent millions de repas avaient alors été distribués par les 55 000 bénévoles de l'association à près de 800 000 personnes. Ces chiffres en disent long sur l'accroissement de la pauvreté, voire de la très grande pauvreté, dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

Ils expliquent également pourquoi un Français sur deux a aujourd'hui peur du déclassement social.

À l'augmentation des besoins s'ajoutent de lourdes menaces qui pèsent sur l'avenir des ressources des Restos du coeur. Les Français, victimes de la crise, risquent en effet de diminuer leurs dons qui représentent 40 % du budget de l'association. Mais c'est surtout au niveau des subventions publiques que des coupes drastiques sont redoutées. Olivier Berthe parlait hier de 15 % de subventions en moins. En outre, l'Europe devrait diminuer de 1 million d'euros sa participation au titre de la politique agricole commune. Quant à l'État, la non-reconduction de l'aide supplémentaire de 10 millions d'euros accordée l'année dernière mettra en péril les Restos du coeur.

C'est pourquoi, ne pouvant laisser cette association, ses bénévoles et ses bénéficiaires dans le doute, je vous demande, monsieur le ministre, d'indiquer à la représentation nationale la position du Gouvernement vis-à-vis du maintien de cette aide indispensable à nos compatriotes qui souffrent le plus durement de la crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Benoît Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Monsieur le député, je me suis rendu hier au lancement de la campagne d'hiver des Restaurants du coeur, en présence de deux de vos collègues, Philippe Goujon et Jean-François Lamour.

Debut de section - PermalienBenoist Apparu, secrétaire d'état chargé du logement et de l'urbanisme

Je voulais ainsi marquer l'engagement du Gouvernement auprès de cette association et de l'ensemble des bénévoles qui oeuvrent quotidiennement au service des plus démunis.

Dans un contexte de crise économique, l'aide alimentaire est plus que jamais une priorité du Gouvernement. Le programme européen d'aide aux plus démunis était, l'année dernière, doté de 77 millions d'euros. Il sera, en 2010, doté de 78 millions d'euros. Il n'y a donc aucune diminution, il y a au contraire une augmentation des crédits européens. Je sais pouvoir compter sur l'engagement de Bruno Le Maire et de Pierre Lellouche pour convaincre l'ensemble de nos partenaires de maintenir l'aide alimentaire dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune.

J'ajoute que l'État met à disposition des associations 10 millions d'euros supplémentaires qui sont reconduits cette année. Dans le cadre du plan de relance, nous avons investi 20 millions d'euros pour améliorer l'informatique et la logistique de l'ensemble des structures associatives.

Enfin, je recevrai, la semaine prochaine, les quatre associations qui oeuvrent dans le domaine de l'aide alimentaire pour voir avec elles quels sont les besoins nouveaux liés à la crise. Bien évidemment, comme je l'ai dit hier au président de l'association des Restos du coeur, l'État les aidera dans cette crise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Marty, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marty

Ma question s'adresse à Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.

Il y a un mois, j'étais en Colombie, à Bogota, en ma qualité de président du groupe d'amitié France-Colombie de notre assemblée pour renforcer les liens d'amitié avec nos collègues du Congrès colombien.

Durant mon séjour, j'ai rencontré des membres de l'association des familles des vingt-quatre otages, anciens militaires et anciens policiers, concernés par l'échange humanitaire. J'ai pris devant eux l'engagement de rappeler leur situation douloureuse dans notre hémicycle. En prenant la parole aujourd'hui, je respecte cet engagement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Comme vous le savez, de nombreux autres otages sont encore détenus – plusieurs centaines – et attendent le versement d'une rançon. Nous devons, au nom des droits de l'homme, rappeler leur existence et demander leur libération.

Les familles sont inquiètes. Depuis la libération d'Ingrid Betancourt et des otages américains, elles ont l'impression que l'on se désintéresse au plan international de leur situation et elles se sentent abandonnées.

Je rappelle que certains otages sont détenus depuis onze ans. Certaines familles sont restées parfois six ans sans aucun signe de vie et les dernières preuves de vie reçues montrent des personnes qui ont considérablement changé, qui sont fatiguées par les années et les conditions de détention. Je peux vous assurer que la rencontre avec des parents, des frères, des soeurs d'otages est un moment difficile. Devant leur dignité, leur douleur, leur faible espoir d'une libération, nous ne pouvons que nous mobiliser.

Monsieur le secrétaire d'État, même si cette question concerne le gouvernement colombien, quelles actions mène la France pour favoriser la libération des otages ? Quel message d'espoir pouvez-vous adresser aux familles éprouvées ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.

Debut de section - PermalienAlain Joyandet, secrétaire d'état chargé de la coopération et de la francophonie

Monsieur le député, ce n'est pas parce qu'Ingrid Betancourt a été libérée que la France oublie les autres otages. Leurs familles doivent savoir que nous ne les oublions pas. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

La France et sa diplomatie agissent partout dans le monde où les droits de l'homme sont remis en cause. En Colombie, avec Bernard Kouchner, nous rappelons à chaque occasion à nos homologues colombiens que nous attendons ces libérations supplémentaires. Nous nous engageons pour recevoir d'anciens otages en France afin de les former et permettre leur réinsertion professionnelle. Nous accueillons aussi des guérilleros – nous l'avons fait pour l'un d'entre eux – qui veulent changer de camp, et ce pour permettre, en échange, la libération d'otages supplémentaires. Notre ambassade à Bogota est en permanence mobilisée. Notre action humanitaire ne cesse pas, les familles doivent le savoir.

Nous sommes mobilisés en permanence, pas uniquement en Colombie, monsieur le député, mais également dans d'autres pays lointains où des jeunes sont détenus et éloignés de leurs familles pour des années, j'en ai rencontré récemment. La France agit en permanence. L'action humanitaire ne cesse jamais : elle est parfois médiatique – ce fut le cas lorsque Ingrid Betancourt a été libérée, le Président de la République lui-même s'étant impliqué dans cette libération qui a été saluée sur tous les bancs de l'Assemblée – mais, le plus souvent, elle est menée dans la discrétion dans l'intérêt des détenus.

Vous pouvez, monsieur le député, assurer à ces familles que malgré la libération d'Ingrid, nous poursuivons inlassablement notre action. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Action de la France en faveur des otages en Colombie

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public, après engagement de la procédure accélérée, sur l'ensemble du projet de loi relatif au Grand Paris (nos 1961, 2068, 2013, 2008).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote, la parole est à M. Yanick Paternotte, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale, mes chers collègues, ville-monde de rayonnement international, Paris doit aujourd'hui faire face à la concurrence de plus en plus vive d'autres métropoles en pleine croissance, qu'il s'agisse de Pékin, de Shanghai, de Berlin ou de Bombay. Paris doit son rayonnement à son patrimoine architectural et historique, à son animation culturelle, économique et universitaire de renommée mondiale. Elle bénéficie d'un potentiel considérable en termes d'activité, d'emploi et de tourisme, soutenu par la qualité de ses infrastructures de transport.

Si l'on veut qu'elle reste parmi les villes-monde les plus attractives et les plus dynamiques, il est essentiel d'imaginer la région capitale de demain au service de la France des territoires, il est essentiel de fortifier le pouvoir d'attraction de la France et de l'Île-de-France pour favoriser la création des richesses de demain, sans lesquelles aucune solidarité ne pourra exister.

Dans chaque pays majeur, sur chaque continent, les villes-monde aimantent l'économie, la culture et la recherche. Construire le Grand Paris suppose d'imaginer un projet de vie soutenable, combinant une vision architecturale ambitieuse et durable, l'émergence de clusters de recherche et développement de niveau mondial, une armature de transport robuste et un mode de gouvernance efficace.

Nos travaux ont permis d'avancer sur tous ces points. En effet, depuis la fin des Trente Glorieuses, force est de constater qu'en termes d'aménagement du territoire, le mal français réside dans le retard des infrastructures dont les premières victimes sont les habitants de nos territoires, particulièrement ceux de la grande couronne. Il devenait donc urgent d'agir.

La création du réseau de transport public de voyageurs, c'est-à-dire du métro automatique à grande capacité, permettra enfin d'unir les principaux pôles scientifiques, économiques et culturels de la région. Cette dynamique de développement durable et équilibré profitera également, il faut le souligner, à l'ensemble de notre territoire, grâce à des interfaces qualitatives avec le réseau TGV national et européen et avec les trois grands aéroports parisiens.

Nous nous félicitons du travail accompli par notre assemblée pour enrichir ce texte, monsieur le secrétaire d'État, aussi bien en commission du développement durable, que dans l'hémicycle la semaine dernière. Ainsi, l'association des citoyens à la réalisation de ce grand chantier a été renforcée, notamment grâce à l'organisation d'un débat public confié à la Commission nationale du débat public.

De même, sous l'impulsion de la majorité, nous avons voulu que la création de ce nouveau réseau de transport public ne se fasse pas au détriment de l'amélioration du réseau actuel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Nous connaissons parfaitement les attentes des Franciliens ! Nous sommes particulièrement attentifs à ce que ce nouveau réseau soit bien connecté au réseau existant. Pour cette raison, nous avons opté pour un financement indépendant, destiné à permettre la réalisation de ces deux objectifs complémentaires.

Mes chers collègues, c'est la Société du Grand Paris qui sera amenée à concevoir et à assurer la réalisation du schéma d'ensemble du réseau de transport du Grand Paris. Elle le fera en inscrivant son action dans le cadre d'un urbanisme de projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Grâce à nos travaux, les projets d'aménagement ou de construction seront menés par cette Société du Grand Paris, après avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale concernés. En outre, la représentation des élus au sein du conseil de surveillance sera renforcée par la présence de parlementaires et d'un représentant des communes ou des intercommunalités.

Enfin, le développement et l'aménagement des territoires, qui vont connaître une croissance forte grâce à la création de ce réseau de transport, se feront dans le cadre d'une coopération entre l'État et les collectivités territoriales. C'est la logique des contrats de développement territorial, qui définiront notamment pour chacun des territoires les objectifs de développement économique, d'aménagement urbain, de logement et de déplacement. Ce sera le temps des architectes grâce à la création de l'Atelier international du Grand Paris, issu de nos débats.

Un dernier mot pour souligner la création de l'établissement public de Paris-Saclay. Sa vocation est de favoriser le développement et le rayonnement international du pôle de développement du plateau de Saclay. C'est l'outil nécessaire et adapté pour permettre à la région capitale et à la France de faire émerger un pôle technologique et scientifique capable de figurer au premier rang mondial en matière de recherche et développement.

Je voudrais saluer le travail de notre rapporteur Yves Albarello. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ce travail est d'autant plus remarquable qu'il a été effectué dans un délai très court. (« Comme d'habitude ! » sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Et encore, il ne savait pas qu'il y avait urgence !

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Merci enfin à vous, monsieur le secrétaire d'État, et à votre cabinet, pour votre ambition, votre franchise et votre volonté d'ouverture.

Nous attendons avec impatience le débat public, monsieur le secrétaire d'État. Vous ne serez pas surpris que je propose des variantes de tracé pour le Val d'Oise, à cette occasion !

Je souhaite enfin vous sensibiliser à une ambition durable qui m'est chère : concevoir le réseau du métro automatique pour le rendre compatible avec le transport de colis légers de marchandises. Introduire du fret dans le tube du Grand Paris, voilà une idée Grenello-compatible !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il faudrait déjà faire circuler les métros correctement, notamment la ligne 13 !

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi majeur répond aux besoins de développement de la région capitale. Il vise à lui permettre de faire face à la compétition internationale et il favorisera la croissance et l'emploi dans notre pays.

Enrichi par les travaux de notre assemblée, le texte qui nous est soumis est donc équilibré et ambitieux. Pour toutes ces raisons et bien d'autres, le groupe UMP votera pour ce projet de loi avec conviction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Annick Lepetit, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Lepetit

Monsieur le secrétaire d'État, malgré les nombreuses critiques des parlementaires de votre majorité, mais aussi celles des architectes, des urbanistes, des économistes, des associations, des élus locaux et même celles du Medef, malgré les propositions des députés socialistes, vous êtes resté singulièrement silencieux et votre projet de loi relatif au Grand Paris n'a pas évolué.

Vous semblez préférer entretenir l'illusion plutôt que d'apporter des solutions. Vous annoncez, par exemple, la création d'un million d'emplois, alors que toutes les études économiques et démographiques ont démontré le manque de crédibilité de ce chiffre. Vous ne nous avez pas donné d'explication sur ce point pourtant crucial, vous contentant d'en faire une annonce.

Concernant l'autre point essentiel du financement d'un nouveau métro de 130 kilomètres, automatique et souterrain, vos réponses sont restées extrêmement floues. Plusieurs députés de l'UMP ont fait part avec nous de leurs inquiétudes. Vous nous annoncez tout de même 21 milliards d'euros d'emprunt, soit l'équivalent des deux tiers du grand emprunt. Excusez du peu ! Ce sont donc 21 milliards de dette supplémentaire que vous vous apprêtez à voter, mes chers collègues, et le Gouvernement ne dit rien sur la manière de les rembourser.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Lepetit

Pourtant, la mission Carrez avait identifié des pistes qui avaient le double avantage d'être crédibles et consensuelles. Vous ne les avez pas reprises, vous bornant à considérer que la valorisation foncière des terrains entourant les gares serait suffisante.

De plus, baser les financements d'un tel chantier sur cette ressource signifie que votre priorité sera de tirer le meilleur prix de vos terrains. On peut donc s'attendre à ce que le logement social disparaisse au profit des constructions de bureaux et de logements de grand standing.

Le logement est d'ailleurs un des grands absents de ce texte. Les seuls moments où le sujet a été abordé ne sont pas très glorieux. Vous avez ainsi refusé nos amendements et ceux de notre collègue Étienne Pinte, qui étaient pourtant tout à fait légitimes. Où vont donc loger toutes ces personnes qui devraient occuper les nouveaux emplois que vous annoncez ?

Il est tout aussi inacceptable que vous modifiiez en profondeur le schéma de transport francilien sans que le Syndicat des transports d'Île-de-France ne soit partie prenante.

Vous avez agi de même vis-à-vis de la région, alors que vos contrats de développement territorial vont profondément transformer l'urbanisme de la métropole, en remettant en cause la cohérence du schéma directeur de l'Île-de-France qui a été établi, lui, dans la concertation.

Ces deux instruments ont été confiés aux collectivités locales depuis quelques années. Pour la première fois en trente ans, votre projet de loi marque un vrai recul de la décentralisation. Il prouve aussi le peu d'intérêt que vous portez à la concertation avec les élus locaux et les citoyens, qui sont pourtant les principaux concernés.

Vous préférez rajouter une couche au millefeuille administratif en créant la Société du Grand Paris, dirigée par l'État, qui pourra déroger à toutes les règles du droit commun et agir à la place de la région, du STIF et des maires, mais sans rendre de compte à personne.

Dans le seul pôle économique précisé dans ce texte, le plateau de Saclay, vous créez un établissement public aux pouvoirs exorbitants : il pourra déroger aux règles d'urbanisme ou d'organisation des transports ; il sera géré par un président-directeur général nommé par décret, et doté d'un conseil d'administration où les élus ne feront que de la figuration. Bien qu'il s'étende déjà sur une surface grande comme trois fois Paris, il pourra également acheter des terrains ou des sociétés sur le reste du territoire, concentrant à Saclay des entreprises et des laboratoires de pointe qui participent actuellement au développement d'autres régions de France. Notons encore une fois votre curieuse conception de l'aménagement du territoire.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État vous avez montré le peu de respect que vous portez au Parlement. Vous avez décrété l'urgence sur ce texte, la veille de son examen, en prétextant l'encombrement de l'ordre du jour du Sénat. Les deux présidents de nos Assemblées ont demandé au Premier ministre la levée de cette urgence, estimant que cette décision tardive n'était pas justifiée.

Ainsi, nous nous apprêtons à voter un texte, sans même savoir si nous aurons l'occasion de le voir revenir ici, pour une seconde lecture.

Le groupe SRC votera donc contre ce projet de loi inadapté au XXIe siècle, irresponsable financièrement et inquiétant pour la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe GDR.

Au préalable, je fais annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, le projet de loi relatif au Grand Paris est soumis au vote des députés aujourd'hui, mais, puisque vous avez décidé l'urgence, il n'y aura qu'un passage, c'est-à-dire un passage en force.

Le Président de la République et sa majorité s'y connaissent en urgence comme moyen d'affaiblir le débat démocratique. L'urgence se retrouve au fil des annonces publicitaires à la radio et dans les journaux où, sans attendre le vote de ce jour, vous proclamez : « Le Grand Paris, une grande idée qui a besoin de vos idées. »

De quelles idées parlez-vous ? De celles qui ont été formulées par les dix équipes d'architectes missionnées par Nicolas Sarkozy quand, le 29 avril, il déclarait : « Voilà le plus grand défi de la politique du XXIe siècle », ajoutant « C'est cela l'ambition du Grand Paris. »

Je le dis sans détour : le Président a trahi la confiance, l'intelligence, la créativité de ces femmes et de ces hommes de l'art qui avaient répondu à un appel qui aurait pu être réellement innovant s'il n'avait été le prétexte à une opération politicienne. De cette confiance, il ne reste rien !

De quelles idées parlez-vous ? De celles que nous avons travaillées au sein de la commission Carrez, traçant des pistes qui, pour une fois, sans être totalement consensuelles, méritaient d'être approfondies par tous ? Elles ont été détournées.

De quelles idées parlez-vous ? De celles issues du schéma d'aménagement d'Île-de-France, adopté par le conseil régional dont c'est la compétence, par la majorité des conseils généraux et par un grand nombre de villes ? « Pas assez d'ambition », avez-vous déclaré, monsieur le secrétaire d'État, comme pour mieux justifier l'arbitraire qui a conduit à ne pas valider ce schéma et à gagner du temps pour rédiger ce projet de loi sans aucune concertation avec les élus franciliens, malgré vos multiples déplacements.

Vous n'avez pas compris ou pas voulu comprendre qu'il y a dans cette région, la plus riche de France, les plus grandes inégalités territoriales. Bien évidemment, elles se calquent sur les inégalités sociales, fiscales, culturelles et économiques. Des poches de misère côtoient, à quelques centaines de mètres, des richesses insolentes.

Ainsi, vous n'avez pas compris ou pas voulu comprendre que, pour devenir ville-monde, la région capitale de la France devait résoudre ses inégalités : le « mal-logement », l'asphyxie des transports collectifs, les inégalités d'accès au savoir et à la culture, l'inégalité de traitement entre les quartiers défavorisés rejetés par l'État et les villes délinquantes qui refusent d'appliquer la loi SRU, et tant d'autres inégalités encore.

Vous n'avez pas voulu comprendre que, pour être exemplaire, le Grand Paris devait être innovant, ambitieux sur le plan de l'urbanisme, de l'architecture et de l'environnement, nécessairement maîtrisé par la puissance publique.

En définitive, votre projet se résume à un réseau de transport rapide, jalonné de quelques dizaines de gares reliant prioritairement neuf pôles dits stratégiques, les clusters, comme pour mieux faire comprendre que les autres territoires sont de seconde zone. Comme toujours !

Où donc est passé ce grand projet du XXIe siècle ? C'est de la supercherie, car en aucun cas il ne s'agit d'un réel projet d'aménagement. Pour autant, il y a bien un projet politique : l'État veut s'emparer de l'aménagement d'une grande partie de l'Île-de-France, en totale contradiction avec les lois de décentralisation, au détriment des prérogatives dévolues aux instances élues, dans le mépris complet de la citoyenneté.

De ce point de vue, votre Société du Grand Paris est un morceau d'anthologie dans la rubrique du bétonnage politique où l'État s'attribue tous les pouvoirs, jusqu'à missionner un commissaire de la République, afin d'avoir l'assurance d'une ultime censure.

N'allez pas proclamer que la discussion en commission a permis de réaliser des avancées ! Tout cela est faux ! En toutes circonstances, l'État restera majoritaire. Un maire un seul ! participera au conseil de surveillance et les villes seront en définitive dans l'obligation de signer des contrats de développement territorial.

En revanche, ce qui a changé par rapport au texte initial et que vous avez accepté, monsieur le secrétaire d'État, c'est un amendement visant à l'éclatement de la RATP, mesure qui, liée au démantèlement des actifs du STIF introduit dans la loi relative au fret ferroviaire, annonce la privatisation des transports collectifs en Île-de-France. C'est inacceptable, et pas seulement pour les députés franciliens. Accepteriez-vous en effet, mes chers collègues, que l'avenir de Lyon, de Marseille, de Bordeaux, de chacune de nos villes et de nos régions, échappe à la légitimité de nos assemblées élues ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Non, bien sûr ! C'est pourquoi je vous invite, au nom du groupe GDR, à voter contre ce projet de loi relatif au Grand Paris, le mal nommé. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Ce projet de loi, acte I du Grand Paris, est la première pierre d'un grand dessein :…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

…celui de faire de Paris et de sa région l'une des quatre ou cinq grandes métropoles qui compteront dans le monde au XXIe siècle. Cette aventure, en réalité, ne concerne pas que l'Île-de-France : elle aura des retombées économiques pour de nombreuses régions françaises et renforcera l'influence de notre pays dans le monde.

Avec le présent texte vous avez pris, monsieur le secrétaire d'État, le problème dans le bon ordre. Souvent, en effet, on construit la ville avant de réfléchir à l'organisation des transports. En posant, avec le schéma des transports, la première pierre du projet, vous ouvrez de réelles capacités de dynamiser l'économie de la région, de relier entre elles, pour les désenclaver, les zones qui ne le sont pas encore – centres de recherche, pôles économiques et lieux d'habitation –, et ce par un moyen de transport moderne, rapide et écologique : le métro automatique à grande capacité, qui pourra transporter plus de trois millions de passagers. L'État offre ainsi à la région, à travers neuf grands pôles économiques, des capacités de développement en termes d'emplois et de richesses, et des moyens de lutter contre certaines inégalités territoriales. L'enjeu, dans la continuité du travail fourni avec les architectes, dépasse donc le seul réseau de transport : il s'agit de réaménager la ville, de trouver un meilleur équilibre entre l'emploi et les logements, qu'il faut diversifier dans toutes les zones de nos agglomérations.

On vous a intenté, monsieur le secrétaire d'État, beaucoup de procès ; j'en dénoncerai deux. Le premier consiste à critiquer l'implication de l'État dans les transports franciliens – non pas dans ceux gérés par la région, dont on ne peut hélas pas dire qu'ils donnent satisfaction –, en faveur desquels il investira 21 milliards d'euros. Je suis sûr que beaucoup de nos collègues de province aimeraient que l'État finance aussi largement les transports dans leurs territoires ! Ceux qui se plaignent ont donc bien tort ; rappelons d'ailleurs que tous les métros et les RER ont été financés par l'État avant d'être confiés à la région.

La seconde critique porte sur la prétendue recentralisation. Ceux qui vous adressent ce reproche n'ont absolument pas lu le texte, puisque celui-ci prévoit que tout reposera, à partir du schéma de transport qui fera l'objet d'un débat public, sur la contractualisation avec les collectivités. Aucun élu local, me semble-t-il, n'a lieu de craindre un contrat proposé par l'État pour favoriser le développement harmonieux de sa collectivité !

Quant au plateau de Saclay, il peut devenir, en regroupant 10 % des chercheurs français, le principal pôle scientifique et technologique d'Europe. Pour atteindre cette ambition, tout le monde doit travailler de concert ; telle sera précisément la tâche de l'établissement public que le Gouvernement entend créer.

Parce que le projet de loi porte une vraie ambition nationale, parce qu'il prévoit un engagement de l'État sans contreparties et repose sur la contractualisation, le groupe Nouveau Centre le votera des deux mains. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 518

Nombre de suffrages exprimés 515

Majorité absolue 258

Pour l'adoption 299

Contre 216

(Le projet de loi est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Hervé Gaymard et de plusieurs de ses collègues relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre (nos 1302, 2077).

La parole est à M. Hervé Gaymard, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture et de la communication, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, mes chers collègues, sous sommes réunis aujourd'hui pour examiner la proposition de loi n° 1302 relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre, adoptée le 17 novembre dernier par la commission des affaires culturelles et de l'éducation à l'unanimité des membres présents.

En France, comme vous le savez, le secteur du livre est régi depuis des siècles par un système plus ou moins sophistiqué de prix fixe, dans lequel le prix de vente au public des livres est fixé ou conseillé par l'éditeur. La loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, votée à l'unanimité, n'est donc que la suite logique de siècles de régulation du secteur par la qualité et le conseil plus que par les prix.

Ce système original de prix fixe a d'ailleurs fait des émules, en Europe et dans le monde. Le groupe de travail, constitué au sein du Conseil du livre, que j'ai eu l'honneur d'animer et qui était chargé de procéder à l'évaluation de la loi et de sa pertinence dans le contexte du développement de l'économie numérique, a rendu ses conclusions le 10 mars dernier.

Le constat est clair : le prix unique du livre n'a rien perdu de son efficacité, il a structuré la filière tout en permettant son développement.

Rappelons en effet que l'achat d'un livre est d'abord un achat d'impulsion qui, pour se concrétiser, requiert deux conditions. Premièrement, le prix doit être identique partout, faute de quoi les acheteurs potentiels risquent de différer leur achat en espérant trouver l'ouvrage moins cher ailleurs, au risque de ne point l'acheter en définitive. Deuxièmement, les points de vente doivent être aussi nombreux que possible. En effet, chaque livre étant un prototype, son succès n'est jamais une certitude : certains ouvrages publiés en toute discrétion deviennent des succès ; d'autres, programmés pour être des best-sellers, ne se vendent pas. Comme disait Jérôme Lindon, « rien n'est plus triste qu'un best-seller qui ne se vend pas ». Et Malraux disait aussi : « Au-delà de mille exemplaires, tout succès est un malentendu. » L'un des grands mérites de la loi sur le prix unique est d'avoir maintenu en France un système de diffusion du livre inégalé à l'étranger : on dénombre davantage de points de vente de livres en France que dans tous les États-Unis.

Tel est l'objet de cette proposition de loi : si nous ne réglons pas le problème des délais de paiement, notamment entre libraires et éditeurs, compte tenu de l'extrême faiblesse de leurs marges et de leurs rémunérations, la survie d'au moins un tiers des librairies est menacée. En effet, l'arrivée d'un livre entre les mains de son lecteur est le résultat d'une somme impressionnante d'opérations et fait intervenir l'ensemble de la « chaîne du livre », de l'imprimeur au libraire. Or, si le prix unique a structuré la filière, certaines évolutions récentes, notamment législatives, risquent de déstabiliser ce secteur.

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé, dès le mois de décembre 2008, une proposition de loi visant à traiter en urgence ce sujet particulier des délais de paiement.

Cette proposition de loi, composée d'un unique article, a un objectif simple : elle vise à exempter l'ensemble de la filière de la mesure de plafonnement des délais de paiement entre entreprises, instaurée par l'article 21 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, pour revenir au système conventionnel antérieurement en vigueur.

Je vous rappelle que des députés représentant trois des quatre groupes politiques de l'Assemblée nationale ont cosigné la proposition de loi : M. Jean Dionis du Séjour pour le Nouveau Centre, MM. Michel Françaix et Marcel Rogemont pour le groupe socialiste, radical et citoyen, ainsi que M. Christian Kert et de nombreux députés UMP. Par ailleurs, le groupe socialiste a déposé une proposition de loi n° 1422 identique à la présente proposition de loi. Je me félicite que le dispositif proposé fasse l'objet d'un accord quasi unanime sur les bancs de notre Assemblée, tout comme, en son temps d'ailleurs, la loi sur le prix du livre.

Avant de rentrer dans le détail du dispositif de la proposition de loi, peut-être peut-on procéder à un rapide rappel des faits ayant conduit à sa rédaction.

L'un des objectifs de la loi de modernisation de l'économie était de favoriser le développement des petites et moyennes entreprises en protégeant les fournisseurs de demandes de délais de paiement démesurément longues venant de leurs clients, c'est-à-dire principalement de la grande distribution. Dans ce contexte, l'article 21 de la loi LME modifie l'article L. 441-6 du code de commerce pour plafonner à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours calendaires le délai maximal de paiement entre les fournisseurs et les clients. Ce plafonnement des délais de paiement devait prendre effet à compter du 1er janvier 2009.

Ce dispositif, qui est peut-être louable dans certains secteurs de l'économie, est particulièrement inadapté au secteur du livre, pour au moins trois raisons.

En premier lieu, si, dans le secteur de la distribution alimentaire, les PME sont essentiellement des fournisseurs, il en est tout autrement dans le secteur du livre où les PME sont, à l'inverse, principalement du côté des clients détaillants.

Le premier circuit de diffusion du livre, la librairie, qui représente près d'un quart des ventes, est surtout composé de petites entreprises – le chiffre d'affaires de la majorité d'entre elles est inférieur à 1 million d'euros – qui se fournissent à 80 % auprès de cette demi-douzaine d'acteurs dont les capacités financières sont sans commune mesure avec les leurs. Les deux premiers groupes d'édition – fournisseurs de ces détaillants –, Hachette Livre et Editis, représentent environ 35 % des ventes de livres. Plus largement, les douze premiers groupes de l'édition française réalisent à eux seuls près de 80 % du chiffre d'affaires de l'édition.

En deuxième lieu, le commerce de la librairie se caractérise par des délais de paiement longs qui permettent aux libraires de présenter au public l'ensemble de la production éditoriale, les livres publiés depuis plus d'un an représentant 83 % des titres vendus en librairie et plus de la moitié de leur chiffre d'affaires. De même, 40 % des titres vendus sont publiés depuis plus de cinq ans. Ainsi, la diversité de l'assortiment de livres et le nombre important de titres de fonds expliquent que la rotation des stocks est particulièrement lente dans le secteur du livre : 3,4 fois par an en moyenne pour les librairies et 4,7 fois par an en moyenne pour les grandes surfaces spécialisées.

Ainsi, selon les études les plus récentes, le délai de paiement moyen tous circuits confondus – librairies, grandes surfaces, grossistes, librairies en ligne – se situe à 94,2 jours.

En troisième lieu, l'article L. 441-6 du code de commerce est également inadapté au secteur, puisque 30 % à 40 % de l'approvisionnement des librairies est constitué par des envois « d'office » de nouveautés pour lesquels il serait paradoxal de raccourcir les délais de paiement des librairies, les invendus étant retournés après plus de trois mois d'exposition.

Certes, dès l'adoption de la loi de modernisation de l'économie, l'ensemble de la chaîne du livre s'est saisie de la possibilité prévue par l'article 21 de cette loi de signer un accord dérogatoire sectoriel. Ce fut chose faite le 18 décembre 2008. Cet accord a été étendu à tous les opérateurs dont l'activité relève des organisations professionnelles signataires de l'accord par un décret du 26 mai 2009, après avis favorable de l'Autorité de la concurrence en date du 9 avril 2009.

Mais il s'agit d'une solution transitoire qui ne saurait être satisfaisante à moyen terme, puisque le secteur doit progressivement réduire les délais prévus par l'accord pour entrer dans le cadre de la loi en 2012.

Par ailleurs, l'accord dérogatoire n'est pas satisfaisant dans certains cas, en particulier lorsque les délais de paiement sont beaucoup plus longs que les moyennes constatées souvent même supérieurs à cent cinquante, voire à cent quatre-vingts jours –, notamment à l'occasion de la création ou de la reprise de librairies, de la création ou du développement d'un fonds éditorial particulier dans une librairie existante, lorsque des difficultés de trésorerie conjoncturelles apparaissent, lors d'opérations commerciales de l'éditeur, pour les ouvrages de fonds, ou encore pour les marchés publics, tels les livres scolaires. Avant le vote de la loi LME, chaque situation faisait l'objet de conditions commerciales spécifiques, qui, aujourd'hui, sont très souvent impossibles à mettre en oeuvre du fait du plafond prévu.

Une mesure législative d'exemption complète en faveur du secteur du livre est donc grandement préférable.

Je rappelle que cette demande est parfaitement justifiée, le secteur, régi par un système de prix unique, étant déjà réglementé, ce qui n'est pas le cas d'autres secteurs qui pourraient être tentés de présenter des demandes reconventionnelles de même type. L'enjeu est ici fondamental : maintenir le dynamisme de ce secteur vital à la création artistique de notre pays. En effet, comme le dit Denis Guedj dans Le Théorème du perroquet, « le chiffre d'affaires des librairies est un fichu baromètre pour la société ».

Le dispositif prévu par l'article unique est simple : il s'agit d'autoriser par la loi le secteur à continuer de définir de manière conventionnelle les délais de paiement entre fournisseurs et clients. D'ailleurs, dans son avis sur l'accord dérogatoire, l'Autorité de la concurrence souligne clairement que « le droit de la concurrence reconnaît que les conditions et les modalités de concurrence entre les opérateurs n'ont pas à être identiques, dans la mesure où les différenciations relèvent de considérations objectives », ce qui est le cas pour le secteur du livre.

Au final, je vous propose donc d'adopter cette proposition de loi telle que la commission l'a modifiée sur trois points.

En premier lieu, afin d'écarter définitivement toute velléité de demandes reconventionnelles d'autres secteurs d'activité, la commission a souhaité que cette exclusion de l'application de l'article L. 441-6 du code de commerce ne soit pas codifiée, afin d'indiquer clairement qu'il s'agit de la demande spécifique d'un secteur bien identifié : celui du livre.

En deuxième lieu, la commission a souhaité exclure le courtage du dispositif, puisque ce mode de vente n'est pas concerné par les modalités de paiement entre entreprises.

En troisième lieu, la commission a tenu à inclure les imprimeurs dans le dispositif, tant dans leurs relations avec l'édition qu'avec certains de leurs fournisseurs, mais uniquement pour ce qui concerne la fabrication de livres.

Pour conclure, je reprendrai à mon compte deux citations. La première, de Roland Barthes dans « Qu'est-ce que la critique ? » : « La littérature ne permet pas de marcher, mais elle permet de respirer. » La seconde est de Gao Xingjian, extraite de son discours de réception du prix Nobel de littérature, où il a estimé que « c'est la littérature qui permet à l'être humain de conserver sa conscience d'homme ». Permettons donc à nos concitoyens, où qu'ils se trouvent sur le territoire français, de continuer à s'élever, à s'évader et à s'instruire, en bénéficiant des conseils éclairés de nos libraires et d'une production éditoriale diverse et riche. C'est aussi la « liberté grande » de Julien Gracq. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

Ah, s'ils pouvaient tous être comme ça, à l'UMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, « c'est l'exception qui confirme la règle » : nous connaissons tous cette maxime un peu surprenante, qui semble contradictoire et paradoxale. De surcroît, comment le régime de l'exception, de l'exemption singulière, pourrait-il exister dans notre démocratie sans faire craindre aussitôt le scandale du privilège ?

Et pourtant ! Dans le droit français, nous avons défini un champ de l'exception qui n'est pas celui de l'arbitraire ni de l'égoïsme, mais celui de l'intérêt général : c'est le champ de l'exception culturelle. La culture – qu'il s'agisse des biens ou des services culturels – n'est pas une marchandise comme une autre, elle ne constitue pas un marché identique aux autres, où il y aurait simplement des vendeurs et des acheteurs, des clients, des consommateurs. Non, elle est porteuse de valeurs particulières qui échappent à la seule logique marchande et qui sont fondatrices de la qualité de notre vivre ensemble.

Au sein de ce champ culturel, le livre occupe une place spéciale, une place centrale. Chacun voit pourquoi il est exceptionnel et en quoi il fait exception. Il est, depuis très longtemps, la propédeutique par excellence de la complexité et de la profondeur. Il implique aussi de prendre en compte une temporalité spécifique, celle de la lecture d'abord : par elle, nous ne sommes pas dans l'immédiat du choc, ni dans le zapping, mais dans la durée et la patience, et ce temps se reflète dans toute la chaîne du livre. Vous connaissez sans doute ce récit de Borges, Le livre de sable, emblématique de notre modernité : ce n'est pas un hasard si c'est le même élément qu'on trouve dans le livre et dans le sablier ; c'est bien parce que le livre entretient un rapport très particulier au temps. Le livre est fait de l'étoffe du temps ; le livre est même, d'une certaine façon, le temps.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Ce régime d'exception culturelle ne signifie nullement, bien sûr, et j'y insiste, que le domaine de la culture soit séparé des logiques de l'économie, et que, retirée dans je ne sais quelle tour d'ivoire ou de Babel, elle fasse exception à la règle économique. Tout nous montre aujourd'hui le contraire, à commencer par la capacité de résistance des industries et services culturels face à la crise que nous traversons. Les perspectives tracées par le Forum d'Avignon viennent, par exemple, de le confirmer avec pertinence. Cela signifie que, dans certains domaines, il est de notre responsabilité de recourir à la régulation ; cela veut dire qu'il existe une économie propre au livre et à ses rythmes particuliers.

Pour protéger le livre, les valeurs dont il est porteur et le secteur économique qui les soutient, il est nécessaire que l'État intervienne par la régulation. Celle-ci est notre politique pour le livre, comme elle l'a été lorsqu'il s'agissait de protéger le droit des auteurs sur internet avec la loi Hadopi…

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Il ne faut pas rappeler les mauvais souvenirs, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…et comme elle l'est à l'heure où nous élaborons les conditions d'une meilleure offre légale pour les internautes.

Dans le domaine du livre, la politique de régulation n'est pas nouvelle. Cela vous évoque cette fois de meilleurs souvenirs.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Elle remonte au moins à l'époque des Lumières, avec la lutte, déjà, pour fonder et défendre le droit des auteurs face aux contrefaçons. Plus récemment, la loi Lang de 1981 sur le prix unique du livre – autre souvenir encore meilleur pour vous – a été une grande loi de régulation, comme l'a montré dans son magnifique rapport, remis à ma prédécesseure en mars dernier, l'excellent rapporteur Hervé Gaymard, que je me réjouis de citer eu égard à la qualité de son travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Il est normal que Mitterrand rende hommage à Lang ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Avec le prix unique, me direz-vous, pas d'exception, la même règle s'impose à tous. Soit, mais nous savons bien que ce n'est pas pour uniformiser ; c'est, au contraire, pour donner libre cours à la diversité des ouvrages et des regards particuliers dont chacun d'entre eux est porteur. Le paradoxe, je crois que nous en sommes tous d'accord, n'est bien sûr qu'apparent : cette unité de prix est la meilleure façon d'éviter que les « petits » éditeurs et les « petites » librairies ne soient victimes de la force de frappe des « gros ». L'exception culturelle passe ici par la même règle pour tous et pour chacun. Vous voyez que, dans ce cas, c'est la règle qui confirme l'exception ou plutôt la régulation qui fonde l'exception culturelle.

Or vous avez justement remarqué, cher Hervé Gaymard, que cette loi de modernisation de l'économie, ô combien pertinente, risquait de mettre en péril le secteur du livre, par un effet secondaire involontaire, à travers ce plafonnement des paiements. De quoi s'agit-il ? Je ne vais pas m'étendre longuement sur ce chapitre, pour ne pas répéter inutilement ce que vous avez déjà rappelé tout à l'heure avec brio, mais je voudrais indiquer les grandes lignes du problème induit par cette temporalité singulière du livre.

La loi de modernisation, adoptée le 23 juillet 2008, a plafonné à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours calendaires le délai maximal de paiement entre les entreprises, plafonnement entré en vigueur le 1er janvier 2009. D'ores et déjà, afin de repousser l'échéance et conformément à la disposition de la loi qui prévoit qu'un secteur d'activité peut échelonner jusqu'au 1er janvier 2012 cette réduction des délais de paiement, trois accords interprofessionnels ont été signés pour le livre entre les imprimeurs, les éditeurs, les libraires, les grandes enseignes de distribution et les sites de vente en ligne. Un décret paru le 26 mai 2009 les a validés et a étendu cette mesure dérogatoire à l'ensemble des acteurs du secteur du livre.

Cependant, ces trois accords, indispensables dans un premier temps, ne font que repousser de quelques mois un plafonnement des délais de paiement qui n'est pas adapté à la respiration du livre. Pour éviter cette sorte d'épée de Damoclès, il est donc nécessaire de modifier durablement la règle.

Vous le savez, le commerce de la librairie se caractérise aujourd'hui par des délais de paiement d'une centaine de jours en moyenne, traduisant une rotation des stocks plus lente que dans les autres secteurs et une exposition plus longue aux yeux du public. Il faut rappeler que plus de 60 000 nouveautés paraissent chaque année et que près de 600 000 titres différents sont aujourd'hui disponibles. Cette diversité témoigne bien sûr du talent de nos auteurs et du dynamisme des éditeurs, mais elle est également le fruit de l'action constante des pouvoirs publics en matière de régulation de l'économie du livre et de l'édition.

Quels seraient, en effet, les inconvénients de l'application au livre des dispositions de la loi de modernisation de l'économie qui concernent les délais de paiement ? Ils seraient d'ordre indissociablement économique et culturel.

La réduction des délais de paiement, appliquée au secteur du livre, aurait pour conséquence d'amplifier les difficultés que rencontrent trop de librairies et de limiter le nombre de créations et de transmissions de ces commerces. Elle conduirait également à réduire la durée de vie des livres en librairie et, par conséquent, à favoriser les titres de grande diffusion au détriment des ouvrages de création. L'exception culturelle est ici, comme souvent, au service du meilleur et de l'excellence.

Cette fragilisation du secteur de la distribution de livres risquerait en plus, par contrecoup, d'introduire un cercle vicieux dans la chaîne du livre et d'affaiblir également le secteur de l'édition, donc d'engendrer un appauvrissement de l'offre éditoriale adressée aux lecteurs.

D'un point de vue économique encore et aussi, bien sûr, d'un point de vue social, l'application de la loi de modernisation au secteur du livre risquerait également d'entraîner une délocalisation des marchés français de l'impression de livres, puisque les imprimeurs français consentent actuellement aux éditeurs des délais importants, de l'ordre de cent vingt-cinq jours. Les relations commerciales en amont des imprimeurs doivent aussi être prises en compte. À défaut, les imprimeurs se retrouveraient tiraillés entre les délais très longs qu'ils devraient continuer à consentir à leurs clients et les délais très courts qui leur seraient imposés par leurs fournisseurs, du fait même de la loi de modernisation de l'économie.

Cette interdépendance complète des maillons de la chaîne doit donner lieu à une réponse globale et coordonnée ; c'est précisément l'objet de la proposition de loi que nous examinons. La régulation n'est effectivement pas une décision autoritaire ; elle est, au contraire, ce qui permet à ces différents maillons de s'entendre et de s'articuler. Elle consiste bien à offrir les conditions de la liberté, dans la meilleure tradition républicaine. C'est la souplesse de ce mécanisme qui, me semble-t-il, fait sa force et garantit son efficacité.

Bien sûr, il n'y a pas que la régulation, il n'y a pas que les règles du jeu. Il y a aussi la mise de fonds de l'État, par laquelle il soutient ce secteur clef. C'est en vertu de cette volonté de soutien du secteur que nous avons mis en place, en 2009, un label de « librairie indépendante de référence ».

C'est dans le même esprit que le budget alloué par le Centre national du livre au secteur de la librairie a été triplé. Le ministère a aussi mis en place un fonds de soutien spécifique doté de plusieurs millions d'euros pour la transmission des entreprises de librairie. À travers le développement de structures régionales pour le livre, l'État, au côté des collectivités territoriales, a aussi accentué son soutien à la diffusion du livre.

Cette convergence des différentes actions publiques menées en faveur du livre s'explique par des enjeux considérables : il en va à la fois de la viabilité économique du secteur, de la pluralité de l'offre et, réciproquement, de l'accès de chacun à cette offre culturelle.

À l'heure de la révolution numérique, qui constitue l'un des phénomènes les plus marquants de ce début de siècle, certains pourraient être tentés de voir dans ces mesures en faveur du livre un combat du passé. Ce serait, à l'évidence, une grave erreur : la mutation numérique, les débats sur la numérisation des livres qui l'accompagnent et le développement d'une culture d'écran ne rendent pas caduque, au contraire, une politique du livre, car « ceci ne tuera pas cela ». Il existe, au contraire, entre les supports traditionnel et numérique, une complémentarité et une influence réciproque. Là encore, il importe de bien mesurer, par-delà la rapidité des évolutions, leur longue durée sous-jacente, qui est le sceau de la temporalité du livre.

Vous l'aurez compris, je suis on ne peut plus favorable à cette loi proposée par le rapporteur Hervé Gaymard dans le droit-fil de son remarquable rapport, parce qu'elle prend pleinement en compte la spécificité profonde du livre et de son secteur et l'inscrit dans la logique d'une exception nécessaire et constructive, dans une politique résolue du livre et de la lecture, en parfaite cohérence avec la politique du ministère en la matière. Oui, le livre doit continuer à faire exception à la règle générale des autres échanges économiques dont traite la loi de modernisation.

Je note d'ailleurs avec une grande satisfaction le consensus, voire la concorde, qui règne entre nous tous au sujet de cette loi : c'est, vous en conviendrez, là aussi, une exception, qui confirme, plus encore que la règle générale de la discorde, l'importance de cet enjeu partagé que constituent aujourd'hui l'essor du livre, le maintien de sa pluralité et l'accès de chacun à cette clef de la culture d'hier, d'aujourd'hui et de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tenais à prendre la parole sur cette proposition de loi, car elle est exemplaire à plusieurs titres.

Je rends hommage à Hervé Gaymard, dont nous connaissons tous l'engagement en faveur du livre et des libraires, qui a défendu ce texte avec conviction depuis de nombreux mois, un texte consensuel dont il a rappelé qu'il avait été adopté à l'unanimité des membres de la commission.

Dès l'origine, outre Hervé Gaymard, des députés représentant trois des quatre groupes politiques de l'Assemblée nationale 1'ont cosigné.

L'initiative date de décembre 2008. Ses auteurs ont rapidement pris la mesure des difficultés que pourrait poser la loi de modernisation de l'économie appliquée au secteur du livre.

Je me réjouis que ce texte soit examiné, car j'ai soutenu son inscription à la semaine d'initiative parlementaire et je remercie le président du groupe UMP, Jean-François Copé, d'avoir fait droit à cette demande.

Le rapporteur a détaillé ce qui a motivé le dépôt de ce texte. Je voudrais, pour ma part, réaffirmer l'importance que notre commission attache au livre, à sa bonne santé économique et à son avenir.

Je rappelle que nous parlons ici du premier secteur culturel français…

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

…qui représente un chiffre d'affaires de 3 milliards d'euros et près de 70 000 éditions par an. Ce n'est pas dû au hasard.

Le dispositif législatif s'est développé au fil des ans, en lien avec les attentes du secteur : je citerai notamment le tarif unique, la TVA à taux réduit ou encore la lutte contre le photocopiage. Avec cette proposition de loi, nous allons franchir une nouvelle étape. Le livre est sous tension, cela a toujours été le cas ; c'est un bien précieux, mais fragile.

Mercredi dernier, le 25 novembre, notre commission a tenu à organiser sa première table ronde sur un sujet fondamental : la numérisation des oeuvres de notre patrimoine écrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Nous avons pu entendre dix acteurs majeurs de l'édition, de la culture et de l'internet s'exprimer sur ce sujet qui donne lieu à un débat intense depuis plusieurs mois, en France et à l'étranger. Notre objectif était d'éclairer le législateur sur les enjeux de la numérisation et les adaptations nécessaires, participant ainsi, monsieur le ministre, à la réflexion que vous avez engagée en confiant un rapport sur ce sujet à Marc Tessier.

Notre assemblée doit anticiper la révolution numérique du livre, ce que nous n'avons pas su faire pour la musique ou la vidéo, avec les conséquences que nous connaissons aujourd'hui. Que ce soit face à la numérisation ou dans les relations avec les fournisseurs, il faut conforter l'assise économique de la chaîne du livre, qui fait intervenir des acteurs divers, de l'imprimeur au libraire.

Nous avons une vraie opportunité de réaffirmer notre attachement à ce bien culturel unique. Évitons de contraindre les libraires à réduire le nombre de titres qu'ils proposent à leurs clients, en privilégiant les best-sellers au succès assuré, simplement pour pouvoir payer leurs factures à temps.

Un livre ne peut rencontrer son public en quelques jours seulement. Il faut aussi laisser aux éditeurs et aux libraires la possibilité de miser sur la réussite future d'écrivains méconnus. Ne nous privons pas du plaisir de découvrir des premiers livres de qualité ! C'est à mon sens l'un des principaux enjeux de cette proposition de loi, et je suis certaine que chacun en mesure l'importance.

Jean-Jacques Ampère a écrit : « Les livres font les époques et les nations, comme les époques et les nations font les livres ». Les livres sont autant d'héritages et de témoignages inestimables sur les temps passés. Rappelons-nous de la force de certains écrits qui ont traversé parfois des siècles pour venir imprégner notre mémoire collective et poser les bases de ce qui fait cette identité nationale dont nous débattons actuellement et dont la culture fait partie intégrante. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. André Chassaigne.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je me réjouis que les députés de la majorité aient pris conscience – certes tardivement ! – des graves problèmes posés par la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, votée dans cette assemblée juste avant la crise mondiale. Ce texte portant la libéralisation tous azimuts des pans entiers de notre économie se caractérisait par l'outrance ultralibérale…

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

…qui a créé la crise du capitalisme que nous connaissons aujourd'hui et ses dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires par mois. Ainsi, cette loi a détricoté les acquis unanimement salués de la loi de 1981 sur le prix unique du livre, qui prévoyait que les délais de paiement des fournisseurs soient fixés selon un système conventionnel pour les plafonner à quarante-cinq jours.

Mais, avec cette loi, s'est révélée l'inanité du raisonnement ultralibéral, qui privilégie l'accélération de la circulation du capital et l'impératif de rentabilité immédiate aux équilibres des secteurs économiques. La loi de modernisation de l'économie à peine entrée en vigueur, Hervé Gaymard et des députés de diverses sensibilités déposaient cette proposition de loi visant à abroger certaines de ses dispositions.

Un constat est largement partagé : le secteur du livre n'est pas un secteur comme un autre et la diffusion de la culture, de l'art, de la littérature nécessite une autre régulation que celle qui prévaut sur les autres marchés. Nicolas Sarkozy, pourtant expert en dérégulation et en libéralisation, l'a lui-même affirmé dans son discours du 12 novembre. À titre exceptionnel, je le cite : « La littérature est un élément de l'identité nationale française. En ce sens, le prix unique du livre, pour sauver le livre et les libraires, exprime une part profonde de notre identité nationale. »

Nous considérons qu'il est impératif de défendre les librairies, et notamment les plus petites, indépendantes des grands groupes, qui assurent la diffusion des livres à faible tirage. Les librairies doivent être préservées de la concurrence de plus en plus difficile qu'elles subissent de la part des multinationales de la diffusion culturelle. Aussi, si la fixation conventionnelle des délais de paiement des fournisseurs devrait permettre de mieux protéger les petites librairies, elle peut à l'inverse désavantager les petites maisons d'édition.

L'exposé des motifs s'attarde longuement sur la description des grands groupes de l'édition et sur leur chiffre d'affaires, mais il fait totalement l'impasse sur les géants de la distribution du livre comme la Fnac ou Virgin Megastore. Cette approche unilatérale occulte des données essentielles. Ainsi, en 2007, le chiffre d'affaires de la Fnac a progressé de 7,4 % : il est de 4,58 milliards d'euros, à mettre en regard des deux chiffres d'affaires des géants de l'édition, qui s'élèvent à 2,16 milliards pour Hachette-Lagardère et à 760,2 millions d'euros pour Editis. Les gros opérateurs de la distribution ne jouent pas dans la même cour que les géants de l'édition.

S'il est évident que le monde de l'édition a ses poids lourds, véritables multinationales de l'industrie culturelle, les auteurs de ce projet de loi et les syndicats qui promeuvent cette industrie culturelle sont trop discrets, voire silencieux, sur les centaines de toutes petites maisons d'édition indépendantes. Elles assurent pourtant la diversité de l'offre de livres et défendent l'art et la culture à leurs niveaux les plus exigeants. Il importe en effet de défendre les petites librairies, mais tout autant les petites maisons d'édition. Ce sont ces deux types d'acteurs qui sont la clé de la diffusion de la culture.

Comme l'indique Hervé Gaymard dans son rapport sur la situation du livre de mars 2009, « priver le secteur de délais de paiement suffisamment longs conduirait à réduire la durée de vie des livres en librairie et en grande surface spécialisée et à favoriser les titres à grande diffusion au détriment des ouvrages à tirage plus réduit ». Voilà une belle et juste phrase ! (Sourires.)

Mais il convient de rappeler qu'à l'inverse, des délais trop longs désavantageraient les petites maisons d'édition, celles qui, justement, publient des livres à tirage restreint et sont spécialisées, par exemple, dans le théâtre, la poésie, la recherche littéraire, les livres d'art.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Si le monde de l'édition compte en France des centaines d'acteurs, seule une dizaine d'entre eux présente des chiffres d'affaires supérieurs à 160 millions d'euros. C'est dire que l'immense majorité de ces acteurs sont des structures beaucoup plus restreintes.

Défendre la culture, ce n'est pas défendre les intérêts des groupes multimédias qui fabriquent les best-sellers ; c'est surtout défendre les chefs-d'oeuvre publiés par les petites maisons d'édition qui, avant de rechercher la rentabilité, privilégient la qualité de leur catalogue.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Or, reconnaissons-le, les petites maisons d'édition sont quelque peu oubliées par cette proposition de loi.

Le système conventionnel pose un problème, dans la mesure où les grosses centrales de diffusion ont nécessairement plus de poids dans la négociation des délais de paiement des fournisseurs que les petites librairies. À l'inverse, les gros éditeurs peuvent plus facilement négocier des délais de paiement courts que les très petites maisons d'édition. En un mot, le principal défaut du système conventionnel est qu'il avantage par nature les gros acteurs au détriment des petits.

Pour défendre véritablement le secteur du livre, il nous semble important de mettre fin à la précarité galopante qui règne pour les salariés de ce secteur.

Du côté de la diffusion, les libraires indépendants pâtissent en effet de la concurrence des rouleaux compresseurs que sont la Fnac ou Virgin, et du taux de marge particulièrement faible du secteur, ce qui porte le salaire moyen d'un libraire indépendant à 1 600 euros brut, d'après le syndicat de la librairie française.

Du côté de l'édition, les difficultés structurelles du secteur du livre sont connues de tous et poussent les maisons d'édition à la concentration, au recours systématique aux contrats précaires, sous-payés, ou à l'utilisation abusive de stagiaires en grand nombre.

Pourtant, si les deux géants que sont Hachette-Lagardère et Editis se partagent 35 % du marché des ventes de livres, ils sont loin de représenter l'ensemble du secteur !

Plutôt que de tabler sur un énième abaissement des cotisations sociales patronales réclamé par les représentants patronaux, il conviendrait, monsieur le ministre, de créer des aides massives au secteur, conditionnées à la réalisation d'objectifs d'amélioration qualitative de l'offre d'emploi dans les maisons d'édition et dans les lieux de diffusion. Il faudrait inciter les acteurs à la pérennisation des contrats et à l'amélioration des conditions de travail et de rémunération.

Les politiques publiques doivent également s'orienter vers la promotion de la diversité des publications. Le marché concurrentiel du livre pousse en effet à la concentration des acteurs, et la recherche de la rentabilité immédiate pousse à l'uniformisation. Si les chaînes de la grande distribution culturelle présentent à peu près le même catalogue, il n'en est pas de même pour les petites librairies qui peuvent se spécialiser.

Il s'agit donc de comprendre que le sort des petites librairies est lié à celui des petites maisons d'édition. Il faut trouver le moyen de concilier les intérêts de ces deux types d'acteurs pour que l'exception culturelle française et la diffusion du livre perdurent. Je tenais, monsieur le ministre, à vous faire passer ce message.

Si ce texte présente une amélioration, il ne réglera certainement pas le problème de fond du secteur du livre, qui est la précarisation constante des salariés. Dans ce domaine, nous proposons d'instituer des aides conditionnées à l'amélioration qualitative des emplois du secteur.

Avec toutes les réserves que j'ai évoquées, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront pour ce « mea culpa » de la majorité qui revient sur la loi de modernisation de l'économie.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Mais au-delà, je saluerai l'attachement à l'appropriation du patrimoine culturel qu'exprime ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le marché du livre occupe en France une place majeure dans le secteur de la culture, comme l'a rappelé la présidente de la commission. Pour autant, nous en sommes tous conscients, ce secteur doit aujourd'hui relever de nouveaux défis, ce qui est très bien expliqué dans le rapport, transmettre le goût de la lecture aux jeunes générations, mieux défendre la francophonie à l'étranger et, surtout, défi fondamental – ce sera l'axe majeur de mon intervention –, accueillir le numérique, pour paraphraser un rapport qui fait autorité sur le sujet.

Au centre des préoccupations, il y a la fragilisation des librairies indépendantes, dont la rentabilité est aujourd'hui l'une des plus faibles de l'ensemble des commerces de détail. Il y a plusieurs raisons à cela : la hausse des loyers en centre-ville, la nécessité d'avoir recours à des personnels qualifiés – que je salue au passage – et l'absence de marge de manoeuvre financière qui contraint progressivement cette profession à la précarité.

Or les librairies contribuent de manière essentielle au dynamisme culturel de notre pays grâce à l'enracinement du réseau des librairies, incontournables pour l'animation quotidienne de nos centres-villes. Ainsi, je tiens à remercier la librairie Delbert de ce qu'elle fait pour Agen et, plus généralement, pour le Lot-et-Garonne.

En prenant la mesure de tous ces défis, et parce que l'exception culturelle française ne peut souffrir de perdre ces réseaux de librairies indépendantes, nous avons su, en encadrant le marché du livre, maintenir ce réseau dense et de qualité.

La loi Lang a contribué à l'équilibre du secteur en instaurant, en 1981 – j'insiste sur la date, car il faut prendre acte une fois pour toutes que c'était avant internet –, le principe d'un prix unique de vente du livre fixé par l'éditeur, permettant ainsi l'égalité d'accès des citoyens au livre par le maintien et le renforcement des librairies indépendantes. À l'époque, on se souciait clairement de la grande et moyenne distribution. La loi Lang visait également à favoriser le développement des petites et moyennes entreprises, qui dans ce secteur spécifique du livre, se situent du coté des distributeurs et non des producteurs. C'est d'ailleurs pour cette raison que les conventions en vigueur dans le secteur du livre prévoient des délais de paiement particulièrement longs – de l'ordre d'une centaine de jours – correspondant, en moyenne, au temps de diffusion du livre. Ce délai garantit, de fait, l'équilibre du secteur.

Dès lors, la réduction des délais de paiement aurait des conséquences très dommageables pour la chaîne de distribution du livre : la disparition de nombreuses librairies, la réduction de l'offre éditoriale présentée et plus généralement une remise en cause des mesures prises par l'État et les collectivités territoriales en faveur des librairies. Aujourd'hui, il s'agit, comme cela a été souligné, de mener une politique en faveur de ce réseau, et ce en dépit des marges de rentabilité très réduites.

Les enjeux de la proposition de loi relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre sont donc clairs : c'est pour pérenniser ces dispositions protectrices que nous sommes aujourd'hui réunis. Ce texte, que j'ai cosigné avec beaucoup d'autres, fait l'objet d'un accord unanime sur les bancs de notre assemblée. Il est le résultat d'un travail approfondi, réalisé par Hervé Gaymard au sein du Conseil du livre, sur les enjeux multiples auxquels le secteur du livre est confronté aujourd'hui. À ce titre, je tiens à féliciter personnellement Hervé Gaymard, homme de culture, mais plus que cela, amoureux des livres et de notre langue,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

… pour sa contribution éclairée aux débats, qui a structuré les discussions de cette commission auxquelles j'ai pu participer, certes pas assez, et qui ont abouti au dépôt de cette proposition de loi,

Nous avons eu une lecture politique de ce texte par notre collègue Chassaigne qui veut que nous versions un tonneau de cendre sur notre tête. Non, nous assumons la LME ! La concurrence est tonifiante !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Même pour les fruits et les légumes ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Il est vrai que la LME visait à protéger, à juste titre, nos PME face aux demandes de délais de paiement trop longs en les plafonnant à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours calendaires. Nous sommes fiers de l'avoir votée !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Quand on est contre la LME on fait de la politique et quand on est pour on n'en fait pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Il faut défendre cette excellente initiative de la LME. C'est ce que font les libéraux d'inspiration que nous sommes.

Toutefois, cette règle était clairement inadaptée aux rythmes du circuit de diffusion du livre. Le schéma de cette filière est, en effet, totalement à l'inverse du schéma commercial traditionnel. Dans ce dernier schéma, l'ensemble des PME fournisseurs est petit, éclaté, et le rapport de force est clairement en faveur de la distribution, alors que les PME du livre se situent du côté des distributeurs, leurs fournisseurs étant des groupes d'éditions beaucoup plus « costauds ». Le commerce de la librairie se caractérise donc par des délais de paiement d'une centaine de jours en moyenne, permettant ainsi aux libraires de présenter au public une grande diversité de choix parmi l'offre éditoriale. Alors, oui, il s'avérait réellement opportun de faire une exception, en dehors du raisonnement sur l'exception culturelle, monsieur le ministre. C'est pourquoi le Nouveau Centre, famille politique d'inspiration libérale, s'associe à cette initiative.

Permettez-moi de saisir cette occasion pour vous faire part de quelques réflexions des centristes sur l'avenir du livre.

Ce texte est l'aboutissement d'une réflexion et d'une vision à plus long terme portée par le rapport de M. Gaymard sur l'avenir du livre. Nous pensons, quant à nous, que la question centrale est celle d'internet. Internet aboutit dans tous les secteurs à la disparition des intermédiaires qui ne produisent pas de valeur ajoutée. Quelle sera la valeur ajoutée des libraires dans la société internet ? C'est cette question centrale à laquelle nous devons avoir le courage de répondre aujourd'hui.

Le livre a mieux tenu le choc parce que le papier est un média moderne. Il permet une densité d'informations très intéressante. Il n'est pas trop cher. Il est donc un média portable, moderne et a, de ce fait, bien mieux résisté que les supports de la musique et du cinéma.

Cela dit, nous y sommes et le rapport d'Hervé Gaymard le souligne parfaitement : le choc du numérique dans l'industrie du livre est pour maintenant. Que pouvons-nous faire pour enraciner la valeur ajoutée des libraires à l'époque de la société internet ? Nous avons quelques idées sur ce point que nous voudrions vous soumettre.

Il convient, tout d'abord, de permettre aux libraires de continuer à faire leur métier de stockistes. Permettez à un ingénieur de réfléchir en logisticien. On doit pouvoir trouver un livre plus rapidement chez un libraire que sur internet. Ce n'est pas un objectif facile à atteindre, monsieur le ministre. Il faudra notamment soutenir la création d'un portail internet commun entre les libraires, qui leur permettra d'optimiser leurs stocks et de répondre plus efficacement à la demande des consommateurs dans un délai plus court.

Il conviendra également de mener une véritable politique de soutien à l'emploi de personnels qualifiés. La valeur ajoutée, c'est le conseil en lecture. Les libraires et les conseillers en lecture des libraires doivent être plus réactifs, plus adaptés et plus personnels que ne peuvent l'être les conseils sur internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Parce que ceux qui sont dans les librairies ne sont pas compétents ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Non, mais c'est un défi. Arrêtons la démagogie. Il y aura, en effet, des informations très intéressantes sur internet.

La qualité du service dépend étroitement des libraires dont le rôle est de conseiller, de faire découvrir et de mettre en valeur les ouvrages.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

Vous n'avez jamais dû entrer dans une librairie !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Je pense à nouveau à ce qui se passe chez notre libraire à Agen, Jean-Pierre Delbert. Il serait souhaitable pour lui, comme pour l'ensemble des libraires, d'avoir un soutien public, notamment au niveau de l'allégement des charges, lorsqu'ils emploient des conseillers de lecture qualifiés. C'est un véritable enjeu.

Il y a encore le problème du pilon et la nécessité de trouver des solutions alternatives. Ce débat nous a animés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Le rapport d'Hervé Gaymard y fait allusion.

À titre personnel, je souhaiterais revenir aux motivations qui ont conduit à cette réflexion. Je tiens à rappeler qu'il existe, dans la commercialisation des livres, un gaspillage considérable des invendus. Chaque année, 100 millions de livres sur 500 millions passent au pilon. Peut-on accepter cela ? Non ! Cette pratique, admise par le secteur de l'édition, revêt actuellement un caractère symbolique inacceptable envers un des éléments les plus vénérables de notre culture, au mépris, d'ailleurs, des considérations écologistes. Je le répète, on ne peut pas être de la génération du Grenelle de l'environnement et de Copenhague et se contenter du statu quo sur ce gaspillage. Les meilleurs du monde du livre ont déjà commencé à mettre en place des actions correctrices. Je tiens aujourd'hui à les saluer. Elles permettent, grâce à des méthodes de suivi, de faire baisser significativement les taux de retour.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Il n'y a pas besoin de s'attaquer à la loi, alors !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Je conclus, monsieur le président.

Enfin, nous devons aider nos librairies à devenir, encore plus qu'elles ne le sont, de véritables lieux de vie, ce à quoi appelle, en effet, la société de l'internet et du virtuel.

Voilà quelques pistes, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que les centristes voulaient apporter en complément au rapport sur lequel nous nous retrouvons. Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Ce sont les marchands du temple qui crucifient le livre !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Spagnou

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, le débat sur les délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre nous renvoie de suite au principe de « diversité culturelle » lié à celui d'exception culturelle française. Cette exception culturelle nous fonde à encadrer les échanges de la culture sur le marché pour soutenir et promouvoir notre production littéraire qui, aujourd'hui, est menacée par de nouvelles considérations mercantilistes assimilant les livres à de simples produits alimentaires, au risque de générer une vraie rupture entre l'économie et la création du livre.

Non, un livre n'est pas un produit comme les autres. Ce n'est pas un produit que l'on consomme et que l'on jette ; c'est un objet qui se manipule et que l'on conserve tant dans notre mémoire que dans nos armoires.

Grâce à une organisation éprouvée, le secteur du livre dans notre pays bénéficie, aujourd'hui, d'un équilibre culturel et économique reconnu hors de nos frontières et qui s'est construit au fil du temps, préservant la création éditoriale ainsi qu'un réseau de détaillants dense et diversifié. Dans la commune de Sisteron dont je suis le maire – commune de 8 000 habitants –, en 1990, deux libraires vendaient des livres ; ils sont aujourd'hui quatre. C'est un rempart contre la désertification rurale et l'appauvrissement culturel de notre pays.

Prévoir une exception unique pour le secteur du livre à l'article 21 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie est donc vital. Le groupe de travail constitué au sein du Conseil du livre et présidé par notre collègue Hervé Gaymard, qui a réalisé un excellent travail, va dans ce sens. Ne pas souscrire à la sanctuarisation de ce statut dérogatoire serait tout simplement remettre en cause l'immense héritage culturel de la France.

Voilà pourquoi le groupe UMP votera, bien sûr, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, comment, d'abord, ne pas se réjouir de voir enfin une loi portée par un gouvernement socialiste recueillir la quasi-unanimité de l'Assemblée nationale ? Ne pas souligner ce caractère, sinon incongru du moins exceptionnel, de la situation serait de ma part une faute que je ne veux pas commettre. Saluons donc cette belle unanimité lorsque cette dernière exprime, qui plus est, une légitime réaction à l'initiative de deux députés, qui, sous couvert du pilon, s'en sont pris à la loi sur le prix unique du livre lors de l'examen de la loi de modernisation de l'économie dite LME.

Trop de livres vont au rebut, disaient-ils ; comment ne pas être interpellé par la déforestation évitable, par le taux de CO2 qui grimpe, le réchauffement climatique et tant d'autres événements tous aussi dramatiques les uns que les autres engendrés par le pilon ? Le pilon était porté aux nues pour mieux le pourfendre. Il s'agissait d'attaquer le pilon à la racine directement, comme le poumon dans le malade imaginaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Mais derrière le pilon, une question plus vaste arrivait sur le devant de la scène par des chemins de traverse : celle des appels à la modernité supposée, à la mutation provoquée par la vente sur internet, au livre numérique. Bref, le sujet s'avérait certainement plus vaste que le seul pilon, même si ce dernier servait de cheval de Troie pour mieux abattre et faire place nette, ignorant l'histoire au profit d'une actualité mal maîtrisée qui aborde le sujet par le côté.

Fallait-il alors se laisser séduire par les sirènes du pilon et réduire à néant la loi sur le prix unique du livre ? Non. Il est vrai qu'à l'appel des amendements, j'avais alors réagi fortement en commission, puis lors de la réunion du bureau de la commission des affaires culturelle, pour demander de ne pas les soumettre au vote directement, mais de prendre le temps de la réflexion. Le bureau a organisé, au sein de la commission, une table ronde qui a permis d'y voir plus clair dans la problématique du livre et à la ministre d'accepter que des députés de la commission soient associés à la mission sur le livre qui venait d'être confiée à notre collègue Hervé Gaymard. La distance prise grâce à la table ronde a permis le report du vote sur les amendements et je remercie les deux collègues d'avoir alors retiré leurs propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Je peux témoigner que le travail engagé au sein de la mission a été de grande qualité, parce que, d'une part, elle rassemblait les acteurs de la chaîne du livre et que, d'autre part, les auditions ont été particulièrement bien choisies et édifiantes.

C'est d'ailleurs dans le cadre de discussions préalables à une audition que l'attention des députés fut attirée sur les questions posées par l'application de la loi LME au secteur du livre. Une nouvelle fois, cette loi s'invitait à notre table pour bousculer l'économie du livre.

C'est là que, d'un commun accord, nous avons décidé d'agir, et une proposition de loi a été signée par des députés de différents bancs de l'Assemblée. Certains pourraient y voir une exception culturelle de plus ! Cela n'a cependant pas interdit au groupe socialiste de déposer lui aussi une proposition de loi, qui ne doit pas être oubliée, même si elle ressemble totalement à celle d'Hervé Gaymard, que Michel Françaix et moi-même avons cosignée. Ainsi, nous examinons deux propositions de loi, même si l'une d'entre elles n'a pas fait l'objet d'une présentation.

Le plus curieux fut que notre attention a été attirée par les éditeurs, ceux-là mêmes qui auraient eu intérêt à raccourcir les délais de paiement. Par cette interpellation, ils exprimaient le fait que le secteur du livre, dans sa complexité, était mû par une éthique commune ou, à défaut, des intérêts communs bien compris. Les acteurs du livre nous rappelaient ainsi qu'ils se concevaient chacun comme un maillon d'une régulation du secteur du livre permettant à une économie de se déployer à la satisfaction générale – car chacun a bien conscience que le livre n'est pas un bien comme les autres.

Il y a une singularité du livre, comme des biens culturels, qui, s'ils sont des biens marchands, de consommation, n'en doivent pas moins être considérés comme participant grandement à l'édification de la pensée. Fallait-il garder le prix unique du livre, fallait-il conserver la singularité de l'organisation de ce secteur économique ? Voilà deux questions présentes dans notre débat.

La loi proposée par le gouvernement Mauroy et adoptée par le Parlement le 10 août 1981 visait à répondre à une pratique de prix très bas par les grandes surfaces. Les conséquences commençaient à se faire sentir : une « best-sellerisation » des sorties, dont le résultat aurait été une forte diminution de l'édition de livres, et une limitation des lieux de vente, réduisant ainsi la possibilité pour de nombreux livres de rencontrer leurs lecteurs.

En présentant la loi qui devait porter son nom, Jack Lang en énonçait le principe. Ce régime dérogatoire, disait-il, est fondé sur le refus de considérer le livre comme un produit marchand banalisé et sur la volonté d'infléchir les mécanismes du marché pour assurer la prise en compte de sa nature de bien culturel qui ne saurait être soumis aux seules exigences de rentabilité immédiate. Il poursuivait sur les objectifs : l'égalité des citoyens pour accéder au livre ; le maintien d'un réseau décentralisé ; le soutien au pluralisme dans la création et l'édition.

L'intérêt d'une telle loi vient de son universalité. De nombreux pays confrontés à la même question ont emprunté le chemin que la France avait ouvert : l'Allemagne, le 1er août 2002, l'Autriche, le 1er juillet 2000, la Grèce, en 1997, l'Italie, le 1er juin 2005, pour ce qui est de l'Europe, mais aussi, aux quatre coins du monde, la Corée du Sud, l'Argentine, le Japon ou le Mexique notamment.

S'attaquer au prix unique du livre sans regarder combien cette initiative est emblématique en ce qu'elle interroge fortement la volonté des élus de réguler un marché est une entreprise hasardeuse.

Seule la Grande-Bretagne a supprimé le prix unique du livre en 1995. Conséquence, une hausse sensible des prix de vente, même si le prix de certains livres, plus vendables, a pu connaître une baisse, et, surtout, une déstructuration du réseau de vente, alors qu'en France, la loi a permis de maintenir le réseau et de conserver une offre éditoriale forte et n'a pas eu d'effet inflationniste.

Certes, le réseau est bousculé par la concurrence nouvelle, soulignait Antoine Gallimard dans son rapport, au point de voir certaines librairies connaître un léger recul. Il faut dire que la rentabilité est faible, voire nulle, pour de petites librairies – entre 1,5 et 3. Pour autant, ce réseau reste dynamique, M. Spagnou nous a expliqué tout à l'heure que des librairies ouvraient dans son secteur, et l'on voit se créer chaque année des librairies généralistes ou spécialisées. La part de ces dernières dans la vente de livres reste quasiment stable au fil des années, en dépit de la pression forte des autres distributeurs ou de nouvelles formes de vente.

Une chose est sûre, l'application simple de l'article 21 de la loi de modernisation de l'économie fixant à quarante-cinq jours fin de mois le délai maximal de paiement entre entreprises perturberait gravement la chaîne du livre et particulièrement le fonctionnement des librairies.

Dans la chaîne du livre, on constate des délais de paiements compris entre quatre-vingts et cent jours, parfois cent quatre-vingts jours, suivant le type de distributeur et sa maturité. La réduction à quarante-cinq jours a nécessairement des implications. Le stock doit tourner plus rapidement, et deux questions se posent alors : que faire de l'office dont les retours se font parfois après plus de trois mois d'exposition ; comment assurer le fonds de roulement des librairies dès lors que la réduction drastique des délais de paiements à offre de livres constante pèse lourdement sur la trésorerie ?

Même si la loi permettait qu'il y ait des accords pour déterminer des délais de paiement supérieurs, nous étions conscients du caractère précaire de ces accords, dont la fin est programmée en 2012. Ils auront simplement permis d'attendre une initiative législative afin de sanctuariser un régime dérogatoire au nom même de l'exception culturelle. C'est l'objet de ces propositions de loi.

Bien entendu, certains collègues plus proches de l'orthodoxie « bercyenne » oublieraient facilement que le livre est, depuis 1981, une exception et qu'il n'y a guère d'autres secteurs dans cette situation. Dès lors, le risque, théorique, qu'une exception à la loi LME entraînerait une charrette de nouvelles exceptions n'existe pas.

Aussi, sans que ce soit pour vous une surprise, je vous annonce qu'avec force et vigueur le groupe socialiste votera ces deux propositions de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui revient sur la réforme des délais de paiement, que nous avons adoptée à l'été 2008. Elle avait alors fait l'objet d'un vaste débat dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, débat dans lequel je m'étais beaucoup impliqué.

À l'époque, nous avions procédé à de nombreuses auditions, et les filières intéressées par le sujet nous avaient rapidement contactés afin d'être auditionnées. À aucun moment, la filière du livre ne nous a contactés ou alertés. Je suis donc assez surpris de voir arriver cette proposition de loi, qui fait un peu figure de séance de rattrapage.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

À moins que ce ne soit la LME qui aille trop vite !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Je comprends toutes les spécificités du secteur du livre, seul secteur régi par un système du prix unique, voté à l'unanimité le 1er janvier 1982, mais également l'aspect PME de cette filière, la problématique des envois d'office. Mais le problème est plus large. Je trouve assez dommageable que le législateur soit contraint de revenir sur un sujet parce qu'un secteur n'a pas été assez attentif, ou qu'il souhaite rejouer un match qu'il a précédemment perdu.

C'est en procédant ainsi que l'on est obligé de faire régulièrement passer une voiture-balai appelée « loi de simplification du droit », pour corriger toutes les contradictions produites par notre manière de légiférer. Hasard du calendrier, c'est justement une proposition de loi de simplification du droit que nous allons examiner juste après celle-ci.

Je dois vous l'avouer, monsieur le rapporteur, en dépit de toutes les garanties que vous apportez, et elles sont immenses, je reste très réservé sur cette proposition de loi.

En tant que membre de la commission des affaires culturelles, vous appréhendez ce texte du point de vue du secteur du livre, alors que je le vois, en tant que membre de la commission des affaires économiques, essentiellement du point de vue des délais de paiement. Nos deux approches sont légitimes, le tout est d'arriver à produire un résultat acceptable pour tous.

La situation du secteur du livre est certes très spécifique, et nous en avons largement débattu en commission, mais les autres secteurs vont nous répondre que leur situation est tout aussi spécifique. Qu'allons-nous leur répondre pour justifier notre refus de leur accorder la même dérogation permanente que celle que nous accordons aujourd'hui au secteur du livre ?

Mon inquiétude majeure est que, par cette dérogation permanente, nous n'ouvrions une brèche dans le dispositif de la LME et que, petit à petit, la brèche ne s'agrandisse.

Nous avions voté, dans le cadre de la LME, la possibilité d'une dérogation temporaire pour que certains secteurs puissent arriver au délai légal à leur rythme. Je me souviens des débats où il avait été clairement dit que cela ne devait concerner que quelques secteurs, cinq ou six au maximum. Nous allons allègrement dépasser la quinzaine et la dernière dérogation en date, accordée au mois d'octobre de cette année, concerne le secteur de la pêche de loisir. En gros, à terme, tout le monde aura une dérogation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Entre la pêche de loisir et le livre, il y a tout de même une différence !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Je connais la force de certains lobbies. Je ne voudrais pas qu'en aidant les librairies, on replonge les sous-traitants de l'automobile ou les fournisseurs de la grande distribution dans l'enfer du crédit inter-entreprise.

Monsieur le ministre, je me tourne vers vous, car il est fondamental que cette proposition de loi, si elle venait à être adoptée, soit assortie d'un message politique très ferme sur son caractère exceptionnel. Il ne doit plus y avoir d'autres exceptions sur les délais de paiement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le marché du livre est un marché auquel on ne prête que peu d'attention. Pourtant, il représente 4 milliards de chiffre d'affaires et c'est la première industrie culturelle en France, bien avant le cinéma ou le disque : 10 000 salariés, 450 millions de volumes vendus par an, dont un tiers en format de poche, et 60 000 titres qui paraissent tous les ans.

Il y a un grand groupe, Hachette. Tout le monde se souvient du silence assourdissant de la rue de Valois quand Hachette rachète le numéro deux, Editis.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

C'est Bruxelles, la Commission européenne, celle qui ne fait jamais bien les choses, qui limitera la casse en n'accordant que 40 % d'Editis à Hachette.

Il y a d'autres éditeurs importants par leur taille, La Martinière, Albin Michel, Gallimard, le groupe italien Rizzoli, mais il y a aussi 4 000 éditeurs français qui produisent entre cinq et dix titres par an…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

…et qui représentent 25 % du chiffre d'affaires des cent premières librairies de France.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

L'édition est une école permanente de modestie, car le succès n'est pas programmable, j'en suis désolé pour ceux qui pensent que tout doit être vu de façon cartésienne. L'édition reste encore une activité quasi artisanale et peut encore résister aux concentrations. Par contre, la concentration, il est vrai, est très forte dans le domaine de la distribution : distribuer dans 15 000 points de vente différents, cela exige des machines coûteuses.

Il y a aussi, n'en doutons pas, un risque de survalorisation des livres du groupe Hachette par rapport à ceux de la concurrence, et certains articles élogieux du groupe Lagardère sur les livres qu'il édite pourraient paraître parfois un peu suspects.

En fait, ce qui sauve l'édition française, ce sont les quelque 1 000 libraires indépendants, parce qu'ils sont les seuls à pouvoir vendre un ou deux exemplaires de chaque livre. Ils font exister des livres qui resteraient méconnus chez les grands distributeurs.

Pourtant, on a voulu tuer la vache sacrée, selon l'expression utilisée par Jean Dionis du Séjour, relayé par Christian Kert, souvent mieux inspiré. La loi Lang sur le prix unique du livre a été accusée d'être hors d'âge et, une fois de plus, les socialistes étaient traités d'immobilistes et nos collègues de droite à la réformite aiguë étaient considérés comme de brillants rénovateurs.

Il ne suffit pas d'avoir cent idées par jour, disait le Président de la République François Mitterrand à ses conseillers de l'Élysée, il faudrait savoir quelle est celle qui est bonne. Vous devriez parfois vous en inspirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

Autour du prix unique, en effet, grâce à cette régulation intelligente, la diversité culturelle a pu se développer en évitant les drames connus par d'autres secteurs, comme le disque où la diversité a été détruite par le discount.

La mobilisation unanime de tous les acteurs du livre, prolongée par la démarche courageuse de notre rapporteur Hervé Gaymard et des socialistes, a fait reculer des propositions législatives qui revenaient de manière insidieuse à casser cette diversité de création au profit de discounters qui ne pensent, comme certains d'entre vous, qu'en parts de marché.

Aujourd'hui, ce texte de loi permet de répondre au raccourcissement des délais de paiement qui, s'il était appliqué, interdirait aux libraires de conserver les ouvrages de référence à la disposition du public et fragiliserait définitivement l'édition de création.

Il faut permettre aux libraires de présenter au public l'ensemble de la production éditoriale sur le temps long, car le temps long est celui du livre. De fait, 80 % des livres vendus en librairie sont parus il y a plus d'un an, et ils représentent 50 % du chiffre d'affaires des libraires. Et puis, il faut laisser une deuxième chance au Président de la République de découvrir en librairie La Princesse de Clèves ! (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous vivons à l'ère de l'internet et de la communication virtuelle. Cela est bien, mais que valent ces stupéfiantes inventions sans les livres ? Un support électronique n'aura jamais le goût, la couleur ou la sensation d'un livre. Bien sûr, il peut y avoir d'autres supports, chers collègues, mais il y a une dimension anthropologique – je crois que c'est Dominique Wolton qui le dit. Et puis, le livre, c'est un objet personnel, attachant, très fortement chargé émotionnellement.

La littérature est un des moyens pour les hommes et les femmes de notre temps d'être entendus dans leur diversité et, permettez-moi de le dire, d'être exprimés dans notre identité. Cette identité-là, je le sais, n'est pas dans les fiches de M. Besson !

La culture est notre bien commun. Pour cela, le livre est, dans tout son archaïsme, l'outil idéal, et le rôle du libraire dépasse celui du simple vendeur : c'est un passeur de textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

Je conclus, monsieur le président. Dans un moment de grâce, accordez-moi encore trente secondes ! (Sourires.)

Le livre est indispensable – irremplaçable ! – à notre culture, à notre identité. C'est pourquoi ce texte mérite toute notre attention, et les socialistes le voteront. Lorsqu'il existe encore des domaines où la concentration n'est pas excessive, tel Victor Hugo nous pouvons dire : « L'espérance est une mémoire qui désire encore. » (Applaudissements sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires culturelles, mes chers collègues, cette proposition de loi relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre marque une avancée certaine, saluée par tous, élus et professionnels. La commission des affaires culturelles et de l'éducation a d'ailleurs voté ce texte à l'unanimité. Et vous avez rappelé à juste titre, monsieur Gaymard, que le groupe SRC avait déposé une proposition de loi n° 1422 similaire à la vôtre.

Ce texte est très attendu dans la mesure où il permet de revenir sur les modifications introduites par l'article 21 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 à l'article L. 411-6 du code de commerce entrées en vigueur le 1er janvier dernier. En aménageant les délais de paiement, la LME a porté une attaque sans précédent contre les libraires qui doivent lutter contre les fournisseurs.

Dans la version actuelle du code de commerce, un délai de paiement maximal de quarante-cinq jours fin de mois ou de soixante jours nets, au lieu des quatre-vingt-quinze à cent jours propres au secteur, est instauré pour les transactions entre entreprises. Ceux qui y contreviennent s'exposent à des sanctions.

Cette réduction, monsieur le ministre, menace sérieusement tant les libraires, qui risquent de disparaître, que l'offre éditoriale, qui s'en trouverait réduite. Rappelons, chers collègues, que le secteur de la librairie cumule les facteurs défavorables : dépendance et déséquilibre économique à l'égard des fournisseurs, lente rotation des stocks et besoins très importants en fonds de roulement. N'oublions pas non plus que la rentabilité des librairies est une des plus faibles du commerce de détail.

La seule dérogation temporaire possible permet de différer le délai légal de paiement si, dans un secteur particulier, des raisons spécifiques le justifient. La réduction progressive de ce délai par un accord avant le 1er janvier 2010 est cependant prévue.

Votre texte, cher collègue, permet aux parties de définir conventionnellement les délais.

Le secteur du livre – cela a été dit par plusieurs collègues – a ses particularités propres. Les éditeurs consentent aux librairies des délais de paiement qui vont de quatre-vingt-quinze à cent jours environ, et ce pour maintenir les équilibres inhérents au secteur. Cela se justifie par le fait que le commerce et la diffusion du livre reposent sur des cycles d'exploitation relativement longs et lents, la création littéraire ayant besoin de trouver son public.

Les délais de paiement sont des crédits que les entreprises s'accordent à l'occasion de leurs échanges commerciaux. Ils se justifient par des raisons tant économiques que concurrentielles, comme le rappelle l'avis de l'Autorité de la concurrence.

Les librairies sont des entreprises de petite taille qui se fournissent chez des distributeurs peu nombreux mais dont les capacités financières sont bien supérieures. Ces fournisseurs n'ont d'ailleurs pas demandé à bénéficier de ce raccourcissement de délai.

En exonérant, comme vous le faites, monsieur Gaymard, le secteur du livre de la réduction des délais de paiement prévue par la loi de modernisation de l'économie, vous permettez au domaine de l'édition d'être reconnu dans sa particularité de secteur à valeur non marchande. Vous permettez à l'exception culturelle française, que tout le monde nous envie, de perdurer, et vous maintenez un réseau de librairies indépendantes qui participent au maillage de notre territoire. Vous indiquiez qu'il y a en France plus de librairies qu'aux États-Unis. Faisons en sorte que cela continue ! (Applaudissements sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Monsieur le ministre, mes chers collègues, « plus que toute autre création humaine, le livre est le fléau des dictatures. » Cette phrase du romancier Alberto Manguel prouve bien que le livre est à distinguer, comme le monde de la culture et de la création en général, dans nos démocraties.

Le livre suit notre histoire ; l'instruction et la lecture ont écrit l'histoire, permettant aux peuples de s'émanciper et d'acquérir les droits d'aujourd'hui. Est-ce alors à la culture et à la création de s'adapter à l'économie ? Non, bien sûr, mais c'est malgré tout ce qu'a créé la loi de modernisation de l'économie, en plaçant le livre sous le joug économique, en faisant l'amalgame avec la grande distribution. La loi de modernisation de l'économie, adoptée le 23 juillet 2008, protège les fournisseurs des grandes surfaces, mais les distributeurs de livres sont des PME qui n'ont pas les mêmes méthodes.

Cet amalgame se retrouve d'ailleurs pour les détaillants en musique, instruments et partitions. Ce délai de paiement imposé est alors accentué par le caractère transfrontalier, moins fréquent pour le livre, un livre français étant évidemment peu distribué à l'étranger. Un tel délai de paiement pour les fournisseurs de matériels de musique pénalise donc le détaillant, le fournisseur et le client.

Le détaillant n'ayant plus la possibilité de négocier ces délais de paiement, il travaille avec un minimum de stocks, et doit négocier avec les banques au niveau de la trésorerie, ce qui peut poser problème. Ou alors il se tourne vers des fournisseurs étrangers.

Le fournisseur vend moins, le détaillant étant plus frileux à l'achat de stocks. Aussi, notamment dans les territoires transfrontaliers, comme la Lorraine, où l'élu que je suis est interpellé sur cet aspect de la question, les détaillants se tournent vers des fournisseurs étrangers – en Belgique, en Suisse, au Luxembourg – avec lesquels la négociation des délais de paiement est possible, au détriment des fournisseurs français, de l'économie de notre pays et de sa fiscalité.

Pour le consommateur, enfin, la baisse des stocks et le choix de fournisseurs étrangers limitent le choix en magasin, et l'économie nationale en pâtit.

Je souhaite appeler votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que la loi de modernisation de l'économie, aux nombreux dégâts collatéraux, n'a pas été dommageable qu'au livre. Parfois, à la spécificité culturelle peuvent s'ajouter d'autres spécificités, comme la situation transfrontalière, que je viens d'évoquer, qui méritent toute l'attention du législateur pour ce que vous appelez « l'exception qui confirme la règle ». Je pense qu'il y a aussi en ce domaine matière à modifier la loi.

Voter cette loi, c'est adapter l'économie au secteur du livre, disais-je. On parle souvent de spécificité culturelle française, mais il s'agit de bien plus que d'une spécificité. La culture, la création sont le socle de notre identité commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

L'identité nationale ne doit pas se borner aux frontières ou à d'autres arguments obscurantistes dans lesquels on tente de nous entraîner, mais sur ce qui fonde notre République,…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

…l'ouverture, l'émancipation individuelle et le bonheur collectif par l'accès pour tous à la culture – la culture, dont le livre, qui a une place prépondérante, dont la lecture, qui est un apprentissage indispensable à l'évasion et à l'accession à l'autonomie.

Et comment ne pas terminer mon intervention par une citation d'un grand homme de lettres, qui, par cette phrase, préparait sûrement, à l'époque déjà, l'exposé des motifs de cette proposition de loi, Victor Hugo : « La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. » Chers collègues, laissons rayonner le livre en votant cette proposition de loi ! (Applaudissements sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Il aurait fallu parler de La Princesse de Clèves !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, l'examen de cette proposition de loi vient comme une espèce de réconfort. Réconfort car elle permet tout d'abord de se remémorer le travail colossal entrepris dans le domaine de la culture, et en particulier dans le secteur du livre, par la majorité de 1981 à 1982, au point d'ailleurs – et tant mieux – que chacun s'identifie volontiers à cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

Réconfort, ensuite, car en ces temps de déclarations péremptoires, de taillage à la serpe dans la pensée et la réflexion – quand on constate ce qui est fait, par exemple, du travail de Renan sur l'identité nationale –, voir la majorité revenir humblement, sans invoquer autre chose que, je cite M. le rapporteur, « une inadaptation du texte originel », sur l'une des lois phares de ce régime a quelque chose de neuf, dont personne ici ne songerait à se priver.

Mieux encore, entendre la majorité évoquer la sanctuarisation d'un accord dérogatoire à la loi en question au nom de l'exception culturelle vient comme un bienfait dans notre assemblée.

Peut-être qu'au-delà des dispositions spécifiques que nous allons évoquer, c'est le signal que nous retrouvons le chemin de la loi fabriquée avec attention, avec calme, sous la seule pression des choses et non des mots, avec à l'esprit la manière dont le bien commun est à parfaire et non ce que l'on dira demain à la télévision.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

Le texte de loi est bref. Il vient confirmer le caractère désormais établi de cette disposition sur le prix unique. Derrière nous sont la bataille menée par la grande distribution et le décret pénal du 29 décembre 1982, confirmé par le Conseil d'État en février 1985 puis, la même année, par la Cour de justice des communautés européennes, qui a reconnu la conformité de la loi de 1981 au traité de Rome.

C'est, de plus, une disposition partagée : l'Espagne, l'Autriche, la Grèce, le Portugal, l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique et l'Italie ont mis en place un tel système.

Le rapporteur a parfaitement décrit l'inadéquation qui existe de fait entre ces dispositions et la loi de modernisation de l'économie. Oui, il fallait que les trois accords trouvés et cumulés permettant de déroger à la loi LME soient remplacés avant 2012 par un dispositif pérenne et stable.

Le consensus en la matière est constaté. Notre groupe a d'ailleurs déposé une proposition quasi identique à celle que nous discutons. Les amendements de la commission sont de bon sens : préciser le mot « précédentes », dire surtout clairement que le secteur touché par l'exemption est celui du livre, et écarter l'activité de courtage, qui sort naturellement de l'esprit dans lequel la loi de 1981 a été adoptée.

En conclusion, et après avoir confirmé que les députés radicaux de gauche et apparentés voteront ce texte, je veux vous dire la satisfaction qui est la nôtre lorsque nous permettons à des commerces, à des compétences de proximité de continuer à s'exercer dans de bonnes conditions. En adoptant ce texte, c'est, je pense, ce que nous allons faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous sommes tous réunis pour examiner cette proposition de loi, ce n'est pas par hasard, mais parce que nous sommes pareillement attachés au livre et à ce qu'il permet : la construction de notre liberté intérieure.

En vous regardant, venus de vos circonscriptions respectives, on ne peut s'empêcher de penser – sans prétendre être exhaustif – aux écrivains qui ont immortalisé leurs paysages et leurs tempéraments, d'Alexandre Vialatte, à Saint-Amand-Roche-Savine – commune dont André Chassaigne est le maire –, à Valéry Larbaud, qui réconcilie Vichy et Annecy, en passant évidemment par Jean Giono à Manosque, Pierre Magnan à Forcalquier, Emmanuel Berl et son Regain au pays d'Auge, sans oublier Les Dames galantes de Brantôme. Ainsi, si ce texte très sérieux et d'apparence technique nous réunit, c'est qu'il dépasse le seul champ de l'économie, puisqu'il touche essentiellement à la création.

Je remercie André Chassaigne de ses propos, en particulier sur les petits éditeurs. Les négociations conventionnelles que l'adoption de la loi permettra d'ouvrir devront en effet tenir compte de la situation particulière de ces derniers, qui diffère objectivement de celle des grands éditeurs en matière de délais de paiement.

Jean Dionis du Séjour a privilégié deux sujets : internet et le pilon. Sur le premier point, et même si ce n'est pas l'objet du présent débat, nous devons prendre garde au risque de destruction des métiers et de la valeur de plusieurs acteurs irremplaçables de la chaîne du livre : l'auteur, confronté aux problèmes de rémunération de la création et de droits d'auteur ; les libraires, naturellement ; les éditeurs enfin, puisque la langue française désigne sous ce seul nom, outre ceux qui publient, ceux qui éditent, c'est-à-dire qui mettent au point un texte pour le rendre accessible au public.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

En effet, certains considèrent que la possibilité de publier directement un livre sur internet permet de se passer de ce travail d'édition, méconnu mais essentiel ; il y a là un problème qu'il faut prendre en considération.

Quant au pilon, il concerne effectivement un trop grand nombre de livres en France – environ 20 %. Mais il est consubstantiel au livre. En effet, puisque l'on ne peut savoir d'avance combien d'exemplaires seront vendus, chaque mise en place suppose un tirage minimal, et l'achat impulsif auquel se prête le livre implique d'imprimer davantage que l'on ne vendra, même si l'on peut également réimprimer lorsque l'ouvrage se vend bien.

La solution de ce problème n'est donc pas législative : ce n'est pas en abolissant la loi sur le prix unique du livre que l'on réduira le nombre d'ouvrages pilonnés, mais en instaurant un système informatisé de suivi des ventes, comme l'ont fait les Britanniques, les Néo-Zélandais, les Australiens et, plus récemment, les Italiens.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Il appartient aux éditeurs et aux libraires de le faire ; il est donc inutile de légiférer.

Je remercie Daniel Spagnou de son attention au réseau des libraires de proximité.

Je remercie également Marcel Rogemont et Gérard Charasse de leur contribution à ce travail. S'il était difficile d'ajouter à cette proposition de loi, inscrite à l'ordre du jour par le groupe UMP, un texte identique du groupe SRC, leur similitude témoigne de la convergence de nos positions sur ce sujet. Vous le savez, je respecte et je défends énergiquement la loi Lang de 1981. Toutefois, avant l'élection présidentielle de 1981, deux des trois principaux candidats s'étaient déclarés favorables à une loi sur le prix unique du livre : François Mitterrand, naturellement, mais aussi Jacques Chirac, conseillé sur ce point par Pierre Emmanuel. Une loi sur le prix unique aurait donc également vu le jour si Jacques Chirac avait alors été élu Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Ce n'est pas sûr (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : Jacques Chirac ne faisait pas tout ce qu'il disait !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Loin de moi l'idée de lancer une polémique ; mais le fait que la loi ait été votée à l'unanimité ne doit pas tout au hasard.

Lionel Tardy l'a dit fort justement : lors de l'élaboration de la loi de modernisation de l'économie, les professionnels consultés n'ont pas mentionné les difficultés que l'application des dispositions relatives aux délais de paiement risquait de poser au secteur du livre. Il n'en est pas moins nécessaire de rectifier notre erreur ; cette proposition de loi le permet.

Merci à Michel Françaix pour son humour, sa culture et son lyrisme – que nous partageons sur ce sujet qui nous réunit. Colette Langlade a également évoqué les petits libraires et, en commission, les petits éditeurs, de même qu'André Chassaigne. Il s'agit en effet d'une question essentielle, bien que méconnue : les maisons d'édition qui publient dix ou quinze titres par an représentent une part importante des ventes et contribuent à la vitalité de la création littéraire et éditoriale française. Quant à Hervé Féron, il a lui aussi mentionné plusieurs questions extrêmement importantes, dont la nécessité de préserver la diffusion d'ouvrages partout dans le pays.

En conclusion, je vous remercie, mes chers collègues, d'avoir participé à ce débat. On dit qu'il faut légiférer en tremblant ; nous n'avons peut-être pas assez tremblé en élaborant la LME, s'agissant – précision utile – des dispositions applicables au secteur du livre. Nous corrigeons donc ce tremblement, si j'ose dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Sans qu'il s'agisse pour autant d'un tremblement de terre !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Pour cette raison, il est important que nous adoptions cette loi ; je ne doute pas que nous le ferons à l'unanimité.

Monsieur le ministre, je vous remercie de l'action essentielle que vous menez dans ce domaine, comme Christine Albanel avant vous. Avec la numérisation et internet, nous sommes en train de vivre une révolution, et les parlementaires que nous sommes devront faire preuve d'une extrême vigilance en la matière. Je remercie Michèle Tabarot, présidente de notre commission : en organisant la semaine dernière une table ronde sur ce sujet, elle nous a permis de commencer de paver le long chemin qui nous conduira à légiférer avec prudence et discernement. (Applaudissements sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je remercie à mon tour Hervé Gaymard de son remarquable rapport, de son excellente présentation du texte et de la qualité et de la grâce de ses propos, où l'on retrouvait tous les signes d'une puissante culture littéraire et humaniste, extrêmement émouvante dans son désir de partage.

Je ne remercierai pas chaque intervenant ; tous m'ont paru remarquables, comme, je crois, à l'Assemblée tout entière. Chacun était animé par ses propres valeurs et par cette valeur supérieure qui nous rassemble autour de ce projet. Je remercie Michèle Tabarot, qui a su une fois de plus, à la tête de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, susciter le concours de tous, afin que chacun se retrouve un peu plus dans le texte.

Au cours des échanges auxquels j'ai assisté, j'ai été particulièrement frappé par les citations. Elles sont le miel que l'on retire de chaque lecture et qui s'inscrit dans la mémoire pour longtemps. Si je devais en tirer un hit parade – pardonnez-moi cet anglicisme –, je retiendrais notamment la formule citée par M. Françaix : « L'espoir est une mémoire qui désire encore. » En effet, nous nous sommes inscrits dans la mémoire de la loi Lang ; mais nous n'en garantissons pas moins que le présent texte s'applique à la régulation du livre et de lui seul, monsieur Tardy.

J'aimerais enfin formuler une observation quelque peu personnelle. À Brive, où j'ai récemment eu l'occasion de me rendre, j'ai été témoin de la floraison fantastique que produisent de modestes éditeurs, ceux-là mêmes dont nous avons longuement parlé tout à l'heure. Pour avoir fait l'apprentissage des grandeurs et des servitudes du best-seller, je sais combien il est important de protéger les petits. (Applaudissements sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous en venons à la discussion de l'article unique.

La parole est à M. Patrick Roy, inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je m'associerai évidemment au concert unanime que suscite ce texte.

La lecture est absolument essentielle : elle constitue le fondement de la culture. Or, pour pouvoir lire, il faut bénéficier de l'accès au livre le plus diversifié possible. Dans ce domaine comme dans tous les secteurs culturels, je suis extrêmement attentif à la préservation de la diversité, qu'il s'agisse de l'actualité immédiate ou du plus long terme. Sur ce dernier point, je suis d'accord avec le ministre : le livre est hors du temps ; mieux, il est le temps lui-même.

Nous devons également sauver le réseau des librairies, ces petits lieux d'échanges culturels, au-delà de leur intérêt économique.

Aux auteurs célèbres cités par M. le rapporteur, j'aimerais ajouter le plus grand poète patoisant de l'histoire du Nord-Pas de Calais, originaire de ma ville, Denain : je veux parler de Jules Mousseron, créateur du personnage de Cafougnette, dont je pourrai vous apporter quelques ouvrages. (Sourires.)

Favoriser la diversité, c'est aussi faciliter l'accès au savoir. Vous le savez, monsieur le ministre, et je n'y insisterai pas : je défends toutes les formes de diversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Pour conclure, moi qui aime lire les grands textes, je citerai une formule particulièrement belle et émouvante de Patrick Bloche (Rires) : « L'amour des mots, des pages, des livres, c'est l'amour de la lumière de l'écriture, c'est l'amour de l'immortelle culture. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Mes collègues Michel Françaix, Marcel Rogemont, Hervé Féron, Colette Langlade, Gérard Charasse et moi-même partageons cette soif de culture. C'est donc, pour une fois, avec enthousiasme que nous voterons une proposition de loi de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans les explications de vote, la parole est à M. Daniel Spagnou.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Spagnou

Monsieur le président, nous aimerions que tous les textes de loi soient examinés dans un climat aussi serein et agréable que celui qui a régné lors de ces deux heures de discussion, que j'ai, pour ma part, trouvé exceptionnelles.

J'étais moi aussi un peu inquiet mais M. le ministre nous a donné toutes les assurances nécessaires en indiquant que ce serait une exception, il est important de le répéter.

Cette sanctuarisation du statut dérogatoire constitue une grande avancée pour le livre. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

M. Gaymard a cité Jean Giono et Pierre Magnan. Il se trouve qu'hier, lors de l'inauguration d'une école qui porte son nom, il m'a dit son espoir de voir ce texte adopté. Ce sera pour moi un plaisir de lui téléphoner pour lui indiquer que le vote, auquel se joint bien sûr l'UMP, a été unanime.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur le président, nous arrivons paisiblement au terme de cette discussion. Séance de rattrapage, disait notre collègue Lionel Tardy ; certes, mais la faute à qui ? Deux propositions de loi aux dispositions identiques ont été déposées et, pourtant, elles n'ont pas la même signification. Pour la droite, il s'agit d'un acte de rédemption libérale. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Pour la gauche, il s'agit d'un acte de régulation. C'est pour nous la confirmation ou la justification de notre opposition à la loi de modernisation de l'économie. Car nous sommes entrés dans le débat d'aujourd'hui avec un avantage, celui d'avoir voté contre cette loi, notamment contre son article 21.

Je ne reviendrai pas sur les termes de ce débat, qui a été l'occasion de rappeler que l'exception culturelle ne vaut que par la diversité. Le livre est un secteur très dynamique, dont le chiffre d'affaires est sans comparaison avec celui de l'édition musicale ou même avec le cinéma, mais c'est aussi un secteur fragile, qui demande à être régulé et protégé. Cette diversité se traduit aussi bien dans la variété des fonds, qui implique la possibilité de trouver près de chez soi le livre que l'on recherche, que dans la multiplicité des points de diffusion. À cet égard, permettez-moi de faire une référence très localiste : dans le XIe arrondissement de Paris dont je suis maire, je me réjouis de voir que des librairies se créent très régulièrement. Actuellement, il y en a 37 pour 153 000 habitants.

Aujourd'hui, il y a donc unanimité comme il y a eu unanimité en août 1981, lorsque nos prédécesseurs ont voté la loi sur le prix unique du livre, à laquelle nous avons rappelé les uns et les autres notre attachement. Sur ce sujet, je n'ai pas la même analyse que notre rapporteur sur ce qui se serait passé si Jacques Chirac avait été élu en 1981 car, en l'occurrence, pour François Mitterrand, il ne suffisait pas de dire, il fallait aussi faire. Et lorsqu'il y avait une volonté, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

… avec lui, oui, il y avait un chemin.

Cette unanimité d'aujourd'hui ne saurait être pour le groupe SRC un appel à la facilité ou la marque d'une paresse intellectuelle par rapport aux enjeux de la numérisation. À l'initiative de Mme Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles, s'est tenue une passionnante table ronde à ce sujet et il faut bien avouer qu'au moment où nous parlons, nous ne savons encore rien de ce que seront les usages que nos concitoyens feront du livre dans les années à venir. En l'occurrence, il faut sans doute anticiper – c'est notre rôle – pour qu'il ne se passe pas pour le livre ce qui s'est passé pour la musique ou d'autres grandes industries culturelles, qui ont commis l'irréparable erreur de vouloir retarder trop longtemps les échéances.

Rappelons enfin que cette unanimité ne signifie pas que l'opposition donne son blanc-seing à la politique du livre menée par le ministère de la culture depuis plus de sept ans. En ce domaine, comment ne pas regretter la passivité du ministère de la culture ces sept dernières années ? Du fait de son laissez-faire et de son laissez-aller, nous avons assisté aussi bien dans le domaine de la distribution que dans le domaine de l'édition à des processus de concentration qui n'ont fait l'objet d'aucune régulation.

Il a été fait référence aux libraires mais aussi aux petits éditeurs. Certes, il est bien d'en parler, mais il est encore mieux d'agir pour assurer leur sauvegarde. Protéger les petits, dites-vous, monsieur le ministre, soit, mais avec quels moyens ? À ce propos, je voudrais dire combien la multiplicité du monde de l'édition doit à la vitalité d'éditeurs régionaux en faveur desquels les collectivités locales sont amenées à intervenir régulièrement. Qu'en sera-t-il demain lorsque celles-ci seront privées des moyens de les soutenir ?

Cela dit, le groupe socialiste, radical et citoyen votera cette proposition de loi qu'il a déposée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Monsieur le président, je reconnais que lors de cette discussion a régné une ambiance un peu spéciale, empreinte de culture. J'ai apprécié le parcours littéraire auquel nous a invités Hervé Gaymard. Il aurait pu citer l'Aquitaine, qui n'est pas en reste avec Montesquieu et Mauriac.

Les centristes voteront avec enthousiasme cette proposition de loi mais sans se verser un seau de cendres sur la tête. La loi de modernisation de l'économie était justifiée pour l'ensemble de notre économie. Le délai de 45 jours a été une excellente nouvelle pour la plupart des PME. Qui affirmerait le contraire, y compris sur les bancs de l'opposition ? La volonté de réduire les délais de paiement et de modifier les rapports de force entre les PME et la grande distribution était d'intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Comme la filière du livre est caractérisée par un schéma inversé par rapport à l'économie générale, c'est la règle conventionnelle qui s'impose.

Nous sommes donc très à l'aise pour corriger l'erreur commise par un législateur dont la main n'a pas assez tremblé et qui n'a pas été assez informé par les socio-professionnels du secteur, comme notre collègue Tardy a eu le mérite de le rappeler.

Cela dit, il ne faut pas trop exagérer l'impact de cette mesure. Le vrai problème, qu'on le veuille ou non, c'est que le secteur du livre sera modelé par internet qui, comme dans d'autres domaines, balaie sur son passage tous les intermédiaires qui ne produisent pas de la valeur ajoutée.

Nous allons voter cette proposition de loi avec enthousiasme mais nous devons aussi en mesurer les limites. Restons mobilisés pour la grande question qui doit nous occuper : enraciner, à l'heure d'internet, la plus-value de chacun des métiers de la filière du livre.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera lui aussi cette proposition de loi.

Je voudrais toutefois revenir à la loi de modernisation de l'économie car cette proposition de loi est née de la nécessité d'y apporter des correctifs s'agissant des délais de paiement relatifs au secteur du livre. Il faut éviter de s'en glorifier. Nous sommes plusieurs ici à nous être penchés sur les conséquences de cette loi. Nous avons procédé à des auditions, rencontré des représentants des organisations syndicales, professionnelles et de différents métiers. Chacun sait que cette loi est une catastrophe.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Les dispositions relatives aux délais de paiement sont certes positives et nous étions favorables à cette réduction.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Mais il faut bien comprendre que ces règles sont systématiquement contournées. Je pourrais citer l'exemple de la grande distribution qui ne paie les fournisseurs que lorsque les marchandises sortent du plateau logistique où elles sont stockées.

Il faut rétablir la vérité sur la loi LME, qui est une mauvaise loi.

Certains ont attiré l'attention sur quelques effets pervers des dispositions que nous examinons. La réponse a été apportée autant par le rapporteur que par le ministre : il faudra être attentif aux conséquences de cette loi pour les petites librairies et les petits éditeurs. Mais, en définitive, c'est une bonne loi.

N'ayant pas fait de citation dans mon intervention, je me suis senti un peu en retrait. Malheureusement, je n'ai pas de citation de Vialatte sous la main, monsieur le rapporteur, mais j'aimerais rappeler ces mots de Paul Eluard : « L'oeuvre accomplie est à refaire car le temps de se retourner, elle a changé ». Cette proposition de loi, si elle n'est peut-être pas à refaire, est d'ores et déjà à améliorer.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

(L'article unique de la proposition de loi est adopté.)

Vote sur l'article unique

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (nos 2095, 1890, 2078)

La parole est à M. Étienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État à la justice, mes chers collègues, j'ai l'honneur de rapporter la troisième loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit de cette législature, et la sixième depuis l'année 2002. La commission des lois, il faut le rappeler, a décidé de faire de la simplification du droit l'une des actions majeures de notre treizième législature.

Les Français, personnes morales ou physiques, les administrations et les collectivités territoriales, les plus hautes institutions judiciaires de notre pays : le Conseil d'État et la Cour de cassation, stigmatisent régulièrement à la fois la complexité, l'empilement et la superposition des 8 000 lois et des 400 000 textes réglementaires qui régissent aujourd'hui notre vie quotidienne et qu'ils ont la charge de supporter ou d'appliquer. C'est pour répondre à leurs exigences que nous nous livrons à ce travail technique, complexe et parfois ingrat qui consiste à clarifier, simplifier, coordonner ou simplement ordonner des textes très disparates.

Ces projets de loi sont alimentés, bien sûr, par la volonté de simplification du président Warsmann, qui s'est entouré d'experts et des services de la commission des lois ; par les suggestions recueillies auprès de nos concitoyens sur le site « simplifions le droit.com » ; par les propositions provenant des différents ministères, alimentés eux-mêmes par les préfectures ou les administrations territoriales qui sont en charge de domaines très divers ; par les rapports annuels du Conseil d'État et de la Cour de cassation, ceux du médiateur de la République, ou encore par les rapports de notre assemblée, comme celui du Président Warsmann remis à M. le Premier ministre le 29 janvier 2009, document qui porte sur la qualité et la simplification du droit.

Nul n'ignore que ce travail de simplification est un exercice à risques, tant il est vrai que l'architecture complexe de notre droit fait que toute modification d'un texte emporte des effets collatéraux, qu'il faut mesurer avec précision quand on touche notamment au domaine du droit pénal. Nous avons pris l'habitude de légiférer ou de réglementer en opérant de multiples renvois à des textes antérieurs, ce qui rend le travail particulièrement ardu.

Ce risque pourrait-il être prétexte à l'immobilisme ? Ce n'est pas en tout cas ce qu'a voulu la commission des lois, qui a émis un avis favorable sur cette proposition. Elle l'a fait d'autant plus volontiers que le texte fut soumis au Conseil d'État, dont les observations figurent intégralement dans le rapport soumis à notre assemblée.

Ainsi, c'est la première fois qu'ont été mises en oeuvre les dispositions du dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution révisée le 23 juillet 2008, alinéa qui prévoit que le président de l'Assemblée, dans les conditions prévues par la loi, peut soumettre pour avis au Conseil d'État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l'un des membres de cette assemblée, à condition d'obtenir l'avis favorable de ce dernier.

Passé au crible du Conseil d'État, le texte qui vous est soumis reprend ses avis et ses observations par l'intégration de multiples amendements adoptés en commission.

Fustigée par les professionnels du droit, stigmatisée par les Français, la complexité de nos normes est devenue un enjeu de société, un mal qui frappe la France comme très de nombreuses démocraties, un mal qui ne peut nous laisser indifférents. La confusion des normes génère une insécurité juridique qui frappe souvent les plus modestes de notre société. La clarté, la simplicité sont souvent synonymes d'accessibilité et de compréhension de règles de droit qui ont pour objet de protéger le plus grand nombre d'entre nous.

Ce texte répond à cette exigence et on peut regretter les multiples amendements de suppression d'articles, amendements qui nous invitent au statu quo ou à l'immobilisme, mais qui ont été largement repoussés par la commission des lois.

Sur le fond, il serait bien difficile de résumer ou de tracer les lignes directrices d'un texte qui comporte plus de 170 articles s'articulant autour de huit chapitres qui concernent les particuliers, les entreprises, les administrations mais aussi la conformité du droit français au droit européen, la simplification de dispositions pénales ou la suppression de dispositions législatives devenues sans objet faute d'adoption de textes réglementaires, de même que de multiples mesures d'amélioration de la qualité purement formelle de notre droit.

Ce texte a pour ambition d'apporter une réponse partielle mais significative au souci d'amélioration de la qualité des normes qui régissent la vie des Français et de nos institutions. C'est en ce sens qu'il est parfaitement utile et que la commission des lois vous invite à l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier le président de la commission des lois, M. Jean-Luc Warsmann, ainsi que le rapporteur de ce texte, M. Étienne Blanc, pour le travail considérable qu'ils ont accompli autour de cette proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Ce texte montre, s'il en était besoin, l'importance des modifications apportées à nos institutions par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Il est la preuve du rééquilibrage opéré au profit du Parlement, qui a désormais l'initiative de textes de loi de grande ampleur, fruit d'un travail approfondi.

La proposition que nous examinons aujourd'hui est la suite d'un rapport stimulant sur la qualité et la simplification du droit dont vous êtes l'auteur, monsieur Warsmann. Il répond à la mission que le Premier ministre vous avait confiée en juin 2008. Ce rapport comporte de très nombreuses propositions, suggestions, améliorations, et je me réjouis que nous puissions examiner, à travers cette proposition de loi, plusieurs d'entre elles.

Ce texte est également le premier à avoir bénéficié de la possibilité ouverte par le dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution, qui permet au président d'une assemblée de soumettre une proposition de loi pour avis au Conseil d'État avant son examen en commission. Je crois savoir que le Conseil d'État ne s'en est pas privé et qu'il a effectué, plusieurs sections confondues, un travail approfondi.

Cette proposition de loi comprend des mesures de simplification importantes. Simplifier est un art difficile dans lequel vous avez excellé.

Ces mesures concernent tout d'abord nos concitoyens. Ainsi, les administrations auront désormais l'obligation d'échanger entre elles les pièces justificatives nécessaires aux démarches des usagers lorsque ce sont elles qui les détiennent. Les usagers n'auront pas à produire à nouveau des justificatifs qu'ils ont déjà adressés à une administration. Je prends cet exemple car les élus que nous sommes sont constamment confrontés à ce type de critique. Voilà un pas important en termes de simplification et de respect du citoyen face à ce qu'il perçoit comme étant souvent d'une grande complexité.

L'administration devra inviter l'usager à régulariser sa demande si celle-ci ne respecte pas les formes prescrites au lieu de lui opposer un refus. Là aussi, combien de fois avons-nous affaire à des citoyens qui ne comprennent pas que, face à une pièce qui manque, la sanction soit à ce point définitive !

Des consultations ouvertes pourront être menées sur certaines réformes importantes pour mieux associer l'ensemble des personnes intéressées grâce à l'utilisation d'internet.

Les simplifications concernent également les acteurs économiques. Ainsi, les entreprises soumises au régime simplifié d'imposition, c'est-à-dire les petites sociétés, pourront-elles utiliser une annexe comptable extrêmement simplifiée selon un modèle qui sera fixé par l'Autorité des normes comptables. Cela répond également à des critiques maintes fois entendues. Ces entreprises pourront également tenir leur comptabilité en cours d'exercice selon des règles simplifiées.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Il en résultera une réduction des coûts pesant sur ces entreprises sans nuire à la fiabilité de la comptabilité et de l'information financière.

D'autres simplifications sont les conséquences de la directive relative aux services dans le marché intérieur, que nous devons transposer avant le 28 décembre. Je n'y reviens pas car nous aurons l'occasion d'en parler lors de la discussion des articles.

Ces simplifications concernent enfin le fonctionnement de l'administration ce qui, in fine, ne peut qu'alléger les charges pesant sur les entreprises et les particuliers.

Les annulations de décisions administratives pour vice de procédure seront limitées. Si une procédure consultative est irrégulière, la décision ne sera annulée que si l'irrégularité a affecté le sens de la décision.

Un certain nombre de commissions administratives inutiles seront supprimées de même que seront abrogées des dispositions législatives devenues inutiles ou caduques.

Les groupements d'intérêt public se voient doter d'un statut cohérent et souple ; cela permettra de mieux utiliser cette formule qui permet à des personnes morales de droit public de travailler ensemble, voire avec des personnes morales de droit privé. Les élus locaux que nous sommes pour la plupart savent que nous disposerons ainsi d'un outil amélioré.

Le droit de préemption fait l'objet d'une réforme d'ensemble pour le simplifier et le sécuriser. Je ne vais pas résumer l'essentiel de cette réforme importante : M. Apparu viendra lui-même en parler le moment venu. Nous tenons là, je pense, un dispositif très concret et très attendu par les collectivités locales.

J'en viens aux mesures qui relèvent plus particulièrement du ministère de la justice et des libertés – je m'exprime au nom de Mme la garde des sceaux que je représente ici.

S'agissant tout d'abord des articles qui modifient la loi Informatique et libertés, le présent texte renforce l'encadrement des fichiers intéressant la sécurité publique en énumérant limitativement les finalités que ces fichiers pourront poursuivre. Si le Gouvernement décidait de créer un fichier répondant à une finalité différente, il devrait revenir vers le législateur pour y être autorisé. Cette proposition permet d'atteindre un équilibre satisfaisant entre les contraintes de l'action administrative et la protection des droits et des libertés du citoyen, à laquelle nous sommes attentifs. Le Gouvernement soutient ces dispositions.

Nous serons également vigilants en ce qui concerne la mise à jour de ces fichiers car ils portent par définition atteinte à nos libertés, même si cette atteinte est nécessaire à la protection du citoyen. Elle doit par conséquent être strictement proportionnée aux nécessités opérationnelles. La recherche de ce point d'équilibre est délicate : il ne s'agit ni de porter excessivement préjudice à l'exercice des droits individuels ni d'obérer l'efficacité opérationnelle de ces fichiers qui représentent des outils précieux d'aide à l'enquête. C'est l'un des points dont nous discuterons lors du débat, dans un esprit constructif.

En matière pénale, la proposition comporte également de nombreuses dispositions de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, qui reçoivent le plein accord du Gouvernement. Certaines de ces dispositions, notamment en matière de procédure pénale, répondent à des suggestions figurant dans le rapport annuel de la Cour de cassation pour l'année 2008. Ainsi, le rejet des demandes en révision manifestement irrecevables pourra être décidé par ordonnance du président de la commission de révision. De même la cour d'assises qui condamne une personne à une peine privative de liberté ne sera plus obligée de délivrer le mandat de dépôt à l'audience, le titre de détention résultant logiquement de la décision elle-même.

Les améliorations du droit pénal mettant fin à des incohérences répondent également à des suggestions de la Cour de cassation.

Ainsi, les dispositions du code pénal aggravant les violences lorsqu'elles sont commises au sein du couple seront étendues aux violences contraventionnelles y compris lorsque celles-ci sont commises contre les ex-conjoints, ex-concubins ou ex-pacsés, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, seules étant visées les violences délictuelles ou criminelles. Est-il besoin de souligner l'importance pratique de cette amélioration de notre droit alors que la lutte contre les violences faites aux femmes constitue une priorité du Gouvernement et qu'elle vient de donner lieu à une proposition de loi ? L'extension aux infractions contraventionnelles, outre son pouvoir de dissuasion, permettra de s'attaquer à ce type de violence dès ses premières manifestations.

Autre amélioration notable, suite à des difficultés signalées par la Cour de cassation : la diminution des peines encourues en cas d'enlèvement lorsque la personne a été libérée avant un délai de huit jours. En effet, cette disposition qui incite les criminels à libérer au plus vite la personne enlevée ne s'appliquait pas dans toutes les hypothèses.

Des initiatives intéressantes ont été prises par ailleurs dans le domaine du droit pénal spécial, dont la technicité et le caractère évolutif rendent nécessaire sa constante adaptation. Sont ainsi mises en cohérence les dispositions pénales contenues dans différents codes élaborés puis modifiés à des époques et par des personnes différentes sans souci d'harmonie ou de cohérence globale. La loi pénale n'en sera que plus effective et la sécurité juridique renforcée.

Certaines dispositions de la proposition de loi appellent, dans le cadre de la discussion, quelques clarifications. Il en va ainsi de la publicité comparative dans le domaine du droit pénal économique et financier, dont de nombreux aspects ont été heureusement simplifiés par ce texte.

S'agissant encore de la saisine du service central de prévention de la corruption par les particuliers ou de la suppression de l'autorisation préalable du tribunal administratif pour qu'un contribuable puisse exercer une action en justice au nom de la collectivité territoriale à laquelle il appartient, nous devrons examiner précisément les conditions dans lesquelles devraient pouvoir s'exercer ces droits de telle sorte que des droits nouveaux puissent être ouverts aux citoyens lorsque cela paraît judicieux sans favoriser pour autant des excès qui pourraient également, dans notre société moderne, voir le jour. C'est une discussion que nous aurons, là aussi, dans un esprit très constructif.

Dans le domaine culturel, la suppression de la disposition portant répression du trafic illicite des billets de théâtre est l'un des points dont il faudra vérifier s'il ne peut pas être harmonisé avec une réforme en cours d'élaboration. Dans l'attente de l'aboutissement de ce travail, le maintien de cette disposition est-il indispensable ? Nous en discuterons. Nous sommes ouverts à toute proposition.

Dans le domaine administratif, obligation est faite aux administrations, à l'article 2, d'échanger entre elles les informations nécessaires au traitement des demandes des usagers. Ce principe intéressant permettra d'alléger les formalités demandées à nos concitoyens. Peut-être d'ailleurs faudrait-il réfléchir à la manière d'indiquer encore plus clairement la période pendant laquelle l'administration peut être tenue à de tels échanges, afin que cette période ne se confonde pas avec le délai de conservation des informations qui est, quant à lui, régi par le code du patrimoine. Nous en discuterons au cours de l'examen des articles.

Bref, sur l'ensemble de ces points somme toute mineurs mais dont il faut débattre, je pense que nous pourrons progresser. Nous devrons également discuter des dispositions qui visent à clarifier la rédaction des incriminations de corruption afin de faire expressément apparaître la suppression de l'exigence d'antériorité du pacte de corruption, réalisé en 2000 et complétée en 2007.

En tout cas, et c'est là l'essentiel, je me réjouis au nom du Gouvernement de l'intérêt porté au travers de cette proposition à une simplification et une clarification du droit qu'attendent nos concitoyens et les professionnels du droit.

Je renouvelle mes remerciements au rapporteur, pour la qualité de son travail, et au président de votre commission, qui s'est investi dans cette tâche avec la compétence, le talent et la liberté d'esprit qu'on lui connaît. Assurément, cette proposition de loi marquera notre droit positif.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Et aussi la Ve République tant que nous y sommes !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suit de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit .

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma