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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 1er décembre 2009 à 15h00
Délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

…qui a créé la crise du capitalisme que nous connaissons aujourd'hui et ses dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires par mois. Ainsi, cette loi a détricoté les acquis unanimement salués de la loi de 1981 sur le prix unique du livre, qui prévoyait que les délais de paiement des fournisseurs soient fixés selon un système conventionnel pour les plafonner à quarante-cinq jours.

Mais, avec cette loi, s'est révélée l'inanité du raisonnement ultralibéral, qui privilégie l'accélération de la circulation du capital et l'impératif de rentabilité immédiate aux équilibres des secteurs économiques. La loi de modernisation de l'économie à peine entrée en vigueur, Hervé Gaymard et des députés de diverses sensibilités déposaient cette proposition de loi visant à abroger certaines de ses dispositions.

Un constat est largement partagé : le secteur du livre n'est pas un secteur comme un autre et la diffusion de la culture, de l'art, de la littérature nécessite une autre régulation que celle qui prévaut sur les autres marchés. Nicolas Sarkozy, pourtant expert en dérégulation et en libéralisation, l'a lui-même affirmé dans son discours du 12 novembre. À titre exceptionnel, je le cite : « La littérature est un élément de l'identité nationale française. En ce sens, le prix unique du livre, pour sauver le livre et les libraires, exprime une part profonde de notre identité nationale. »

Nous considérons qu'il est impératif de défendre les librairies, et notamment les plus petites, indépendantes des grands groupes, qui assurent la diffusion des livres à faible tirage. Les librairies doivent être préservées de la concurrence de plus en plus difficile qu'elles subissent de la part des multinationales de la diffusion culturelle. Aussi, si la fixation conventionnelle des délais de paiement des fournisseurs devrait permettre de mieux protéger les petites librairies, elle peut à l'inverse désavantager les petites maisons d'édition.

L'exposé des motifs s'attarde longuement sur la description des grands groupes de l'édition et sur leur chiffre d'affaires, mais il fait totalement l'impasse sur les géants de la distribution du livre comme la Fnac ou Virgin Megastore. Cette approche unilatérale occulte des données essentielles. Ainsi, en 2007, le chiffre d'affaires de la Fnac a progressé de 7,4 % : il est de 4,58 milliards d'euros, à mettre en regard des deux chiffres d'affaires des géants de l'édition, qui s'élèvent à 2,16 milliards pour Hachette-Lagardère et à 760,2 millions d'euros pour Editis. Les gros opérateurs de la distribution ne jouent pas dans la même cour que les géants de l'édition.

S'il est évident que le monde de l'édition a ses poids lourds, véritables multinationales de l'industrie culturelle, les auteurs de ce projet de loi et les syndicats qui promeuvent cette industrie culturelle sont trop discrets, voire silencieux, sur les centaines de toutes petites maisons d'édition indépendantes. Elles assurent pourtant la diversité de l'offre de livres et défendent l'art et la culture à leurs niveaux les plus exigeants. Il importe en effet de défendre les petites librairies, mais tout autant les petites maisons d'édition. Ce sont ces deux types d'acteurs qui sont la clé de la diffusion de la culture.

Comme l'indique Hervé Gaymard dans son rapport sur la situation du livre de mars 2009, « priver le secteur de délais de paiement suffisamment longs conduirait à réduire la durée de vie des livres en librairie et en grande surface spécialisée et à favoriser les titres à grande diffusion au détriment des ouvrages à tirage plus réduit ». Voilà une belle et juste phrase ! (Sourires.)

Mais il convient de rappeler qu'à l'inverse, des délais trop longs désavantageraient les petites maisons d'édition, celles qui, justement, publient des livres à tirage restreint et sont spécialisées, par exemple, dans le théâtre, la poésie, la recherche littéraire, les livres d'art.

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