La séance est ouverte à seize heures quinze
Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation.
Merci beaucoup, Madame Dia, d'avoir accepté notre invitation. Notre Délégation a entrepris d'entendre des femmes qui exercent des métiers d'homme. Il faut déjà franchir un parcours particulièrement difficile pour devenir chef cuisinier et obtenir la reconnaissance de ses pairs, et encore plus pour exercer dans une grande maison – et si jeune : 36 ans ! Je suis curieuse de savoir comment une femme arrive à se faire un nom dans ce milieu. Quel genre d'équipe dirigez-vous ?
À part moi, l'équipe n'est composée que d'hommes. Toutefois, j'ai déjà eu des équipes avec autant de femmes que d'hommes, voire plus.
Non. On est sans cesse mis à l'épreuve, y compris les hommes. Toutefois, les femmes sont davantage testées pour voir si elles sont résistantes, si elles font ce qu'elles ont dit… Elles sont jugées un peu plus durement que les hommes.
N'aimant pas l'école – ce qui a changé par la suite –, je suis entrée à 15 ans en préapprentissage dans une pâtisserie, puis au drugstore Matignon. J'ai alors voulu passer un CAP, mais j'ai commencé à rencontrer des difficultés liées à mon nom et mon origine – auparavant, j'étais dans un cocon, bien protégée, et la question ne s'était jamais posée. Quoi qu'il en soit, lorsque j'avais trouvé un maître d'apprentissage, je ne trouvais pas d'école et vice-versa… Bref, durant deux ans, j'ai travaillé dans la restauration mais sans pouvoir m'inscrire au CAP.
J'ai alors voulu entrer dans l'armée : j'aime les défis et j'avais envie de prouver de quoi j'étais capable. Mais il fallait un diplôme ! J'ai eu à ce moment-là l'impression que toutes les portes se fermaient devant moi, avant qu'une personne de la mairie ne m'oriente vers un centre de formation rémunéré par l'État, l'Astrolabe, à Bondy. Là, j'ai passé mon CAP de cuisine en un an au lieu de deux. Puis mon professeur m'a poussée, alors que cela ne m'attirait pas du tout, à passer un CAP de salle, afin de connaître cette partie du métier pour pouvoir un jour entreprendre moi-même quelque chose. Je me suis plue dans les études et j'ai passé mon BEP de salle en un an au lieu de deux, puis mon bac. Enfin, j'ai voulu passer un BTS, mais c'était au moment de reprendre la vie active ; j'ai donc repoussé ce projet, mais je ne l'ai toujours pas abandonné !
C'est au moment de mon bac professionnel – ayant donc fait une grande partie de mes études en salle – que j'ai rencontré M. Faré, avec qui je me suis très bien entendue. Je travaillais en salle, mais la cuisine était très proche. Certes, on m'a testée, pour savoir si j'étais correcte et autonome, mais c'est le cas pour tout le monde. J'ai plu et, mon bac passé, on m'a proposé une place aux Persiennes, rue Marbeuf, à Paris. J'étais très heureuse de revenir en cuisine. C'était en tant que commis, le plus grade le plus bas, mais comme c'était une petite structure, j'ai gravi les échelons et suis passée chef de partie puis second très rapidement.
Puis M. Conticini a proposé à cette brigade où je travaillais de le rejoindre chez Petrossian. J'ai accepté alors de redescendre dans la hiérarchie, pour m'aguerrir et mieux connaître cette maison prestigieuse. Je suis passée par tous les postes – y compris la pâtisserie – en tant que chef de partie et, lorsque le second est parti, on m'a demandé de le remplacer.
Puis un jour, M. Petrossian m'a appris que M. Faré partait et m'a proposé son poste. Tout au long de la semaine de réflexion qu'il m'avait donnée, j'ai pensé refuser. Après m'être tant battue pour prouver que j'étais à ma place, j'avais envie de souffler et d'apprécier le moment, mais, à la dernière minute, j'ai dit oui. Peut-être un peu pour embêter certains, parce que je savais que cela n'allait pas plaire à tout le monde. Et aussi, puisque j'étais sur ma lancée, autant continuer !
Je suis donc devenue chef en avril 2005, à 29 ans. J'étais sur mes gardes : on m'avait dit que certains chercheraient à me couler. Mais M. Petrossian me soutenait et le défi me plaisait. J'ai prévenu tout de suite l'équipe : avec ceux qui resteraient, nous avancerions tous ensemble ; pour ceux qui auraient du mal à supporter ma nouvelle autorité, il valait mieux se séparer tout de suite. Au final, des départs ont eu lieu, mais huit mois plus tard, en décembre. J'ignore si c'était à cause de moi, ou simplement pour changer.
Depuis, j'ai pu garder tout mon personnel pendant plusieurs années et je suis toujours en contact avec ceux qui, entre - temps, sont partis. Ce qui n'exclut pas les difficultés : de l'eau a été mise dans mes sauces, des oignons ont mystérieusement brûlés… Ça n'a pas été facile. Mais l'on craque chez soi, et l'on revient ensuite. Il est hors de question d'abandonner, ce serait donner raison à ceux qui souhaitent vous voir partir. Cela m'a forgé le caractère, moi qui avais été très gâtée et protégée, m'a appris à prendre sur moi, à devenir calme alors que j'étais impulsive. J'ai aussi d'autres activités en dehors de mon métier, d'autres priorités, c'est ce qui me permet de me détendre, d'avancer. Et j'essaye toujours de voir le côté positif des choses.
Pas forcément. Les hommes sont durs parce qu'ils vous testent tout le temps. Les femmes peuvent avoir l'air satisfaites sans l'être : certaines seront fidèles, solides, travailleuses acharnées, mais d'autres non. Dans ce métier, on apprend à observer. Il faut prendre garde à ne pas laisser abîmer la brigade qu'on a construite.
Oui. Chacun a ses soucis, il n'est pas possible de les laisser totalement de côté. Il faut aussi savoir stimuler les gens, et les écouter. Pour ma part, j'ai eu la chance d'avoir des chefs qui ont su m'entendre. Cela dit, un chef a besoin d'inspirer une certaine peur pour être respecté. Aussi, j'ai appris à me montrer moins accommodante, à dire leur fait aux gens. On a besoin d'être dur, même si ce n'est pas sa personnalité.
Le plongeur et le voiturier, mais cela ne leur pose aucun problème. Il faut dire que je tiens à la politesse, ainsi qu'à la cohésion de l'équipe. Nous sommes là tous ensemble pour faire plaisir au client. Si quelqu'un veut se mettre en valeur tout seul, c'est le client qui en pâtit.
Dans d'autres maisons, le régime est beaucoup plus dur. Les membres de mon équipe savent qu'ailleurs, on ne leur dira pas toujours « S'il te plait». Pour moi, c'est important. Et également de dire « Merci ». D'ailleurs quand j'ai été absolument odieuse avec eux et que la pression se relâche, je les remercie d'avoir été patients.
Avec quelques unes. J'ai eu l'occasion de dire à Anne-Sophie Pic que j'étais très heureuse qu'elle obtienne sa troisième étoile. J'ai également rencontré Hélène Darroze… Pour autant, je n'ai pas envie que ces contacts donnent naissance à un réseau d'entraide. Quand nous nous voyons, nous échangeons entre nous, nous nous soutenons. Il arrive aussi que nous nous téléphonions avec Fatéma. En fait, entre nous, nous nous comportons comme nous pouvons le faire avec les chefs hommes.
Cela aide beaucoup. Par exemple, pour savoir comment travailler avec quelqu'un, gagner du temps, trouver un extra… Et cela motive, aussi.
Peu nombreuses. C'est dur, il faut être sévère, sans parler de la difficulté de mener à côté une vie de famille. Il est sans doute plus facile pour un père de famille de retourner sur son lieu de travail. Certes, aujourd'hui, les pères s'occupent plus des enfants, mais encore faut-il trouver le bon !
Étiez-vous en concurrence avec d'autres personnes quand vous êtes devenue chef chez Petrossian ?
Bien sûr. Ce qui est étonnant, c'est que certaines personnes avec lesquelles j'avais eu des rapports très difficiles m'ont écrit après qu'elles étaient heureuses pour moi.
Plus on progresse dans la hiérarchie, moins il y a de places. Tout le monde veut devenir chef, moi comme les autres. Mais, jamais je n'aurais cassé quelqu'un pour avoir le poste : j'aurais eu le sentiment de ne pas l'avoir réellement mérité.
Je pense que oui. Certes, tous les chefs, femmes ou hommes, ont le souvenir d'une femme en cuisine. Mais nous avons toutes été formées par des hommes et nous tenons tout d'eux, y compris le vocabulaire ! Ainsi, lorsque quelqu'un essaye de me mettre mal à l'aise, je peux parfaitement lui répondre de façon choquante. Pour autant, cela n'empêche pas de garder son côté féminin.
Il est plus facile pour un homme d'inspirer le respect, surtout s'il a une carrure de rugbyman… Pour ma part, je suis une femme et fière de l'être. Je peux être incroyablement tatillonne, tout le monde le sait. Cela étant, l'on me teste sans cesse, c'est normal.
En bâclant un assaisonnement, en arrivant en retard, en me demandant si je sais lever les poissons…
En tout état de cause, je porte des poids aussi lourds que ceux que portent les hommes de la brigade et je mets les mains dans l'huile sale quand ils refusent de le faire. Cela les vexe, mais l'on avance mieux ensuite – toujours dans l'intérêt du client.
De fait, ce qui importe, c'est le respect du client : par exemple, en lui disant « Bonjour » quand il rentre dans le restaurant, ou en évitant les odeurs dans la salle. Pour ma part, si l'on ne me dit pas « Bonjour » quand je rentre dans un magasin, je ressors aussitôt!
Oui, parce qu'il en a beaucoup été question dans les médias. Je passe aussi parfois en salle, et j'en invite certains à venir voir comment nous travaillons. Parfois, comme j'ai un petit gabarit, on me demande si je goûte ma cuisine ! Et quand une personne s'étonne que je dirige des hommes, je réponds qu'il s'agit d'une brigade, pas d'hommes ou de femmes.
Il semble en être des cuisines comme des écoles : les chefs sont mis à l'épreuve comme les professeurs…
A-t-il été difficile de succéder à un homme en gardant son équipe ?
Quelles sont vos relations avec votre direction ?
Recevez-vous autant de considération qu'un homme ?
Devez-vous vous en faire plus qu'un homme au même niveau d'implication et de responsabilités ?
Comme j'étais déjà second lorsque j'ai remplacé M. Faré, la brigade savait comment je travaillais. Je suis même moins dure aujourd'hui, plus à l'écoute. Au début, certains ont refusé de m'appeler chef : ils s'en tenaient à mon prénom. Je leur ai montré que cela ne m'atteignait pas, puis j'ai fini par leur dire que la façon dont ils m'appelaient ne changeait rien à mon titre sur ma fiche de paye. J'ai toujours été largement soutenue par M. Petrossian, mais il y a eu beaucoup d'éclats, de disputes, de tests, voire d'insultes. Au début, cela me touchait, mais, au bout d'un certain temps, j'ai considéré qu'il convenait d'ignorer de tels comportements.
Non, c'était juste pour me pousser à bout, pour pouvoir dire que j'étais agressive. Des mensonges étaient également colportés, certains disaient que je n'en faisais pas assez alors que je n'arrêtais pas de la journée. Au début, cela me blessait car je faisais tout pour avoir une belle brigade. Par la suite, je me suis dit que de si petites choses ne devaient pas me perturber dans mon activité – j'ai réellement autre chose à faire.
D'autres personnes de l'équipe avaient-elles été testées au même titre que vous pour ce poste ?
Non, c'est M. Petrossian qui a choisi. Au moment où il m'en a parlé, personne ne savait encore que le chef partait.
Oui. Certains sont partis. Quant à moi, je me suis fait violence pour faire savoir que ce qu'on racontait était faux. Ainsi, quand M. Petrossian m'a dit qu'on me reprochait d'avoir pris la grosse tête, je lui ai répondu que ce n'était pas possible puisqu'on me faisait tous les jours comprendre que je n'étais pas la bienvenue ! Cela dit, j'ai toujours eu d'excellents rapports avec M. Petrossian. Et s'il lui arrive de me reprocher d'être radine quand je fais des achats, je lui réponds que c'est pour le bien de la maison !
Non contente d'être femme, vous êtes de couleur. Avez-vous l'impression d'avoir eu encore plus à vous justifier ? Si vous aviez été blanche, le parcours aurait-il été plus facile ?
Je l'ai ressenti, mais je n'aime pas en parler et j'essaye de ne même pas y penser. Certains penseront toujours que je fais forcément une cuisine ethnique même si mon plat préféré, c'est la blanquette !
Encouragez-vous des jeunes filles d'autres origines à y croire ? Militez-vous pour leur dire qu'elles peuvent franchir le plafond de verre ?
Je suis marraine dans une école de la deuxième chance de l'Essonne, où je vais souvent discuter avec les élèves. Je raconte mon parcours de la façon la plus positive parce qu'ils n'ont pas besoin de savoir tout ce que par quoi je suis passée. Ils en subissent d'ailleurs autant que moi : récemment, à un jeune qui venait de se faire traiter de « sale blanc », j'ai dû dire que, même si cette insulte resterait gravée dans sa mémoire toute sa vie – comme c'est le cas pour moi qui suis une « sale noire » –, il devait passer outre et avancer.
Il y a peu de temps, j'ai eu des soucis entre une stagiaire malienne et d'autres membres de la brigade. Je n'ai pas cherché à savoir qui avait commencé, mais pour calmer le jeu et faire en sorte que chacun donne le maximum, j'ai fait en sorte que chacun garde sa fierté mais fasse un geste envers l'autre.
Aujourd'hui, êtes-vous prête à faire le grand saut, à prendre la responsabilité de votre propre restaurant ou préférez-vous avoir une hiérarchie au-dessus ?
Je pense qu'un jour, je franchirai le pas. Bien sûr, je subirai encore davantage de pression, mais ce sera pour avoir mon propre restaurant, choisir ma brigade et mes produits ! C'est un défi, et c'est ce qui me motive. Je sais que ce sera un restaurant de cuisine française, avec une grande attention portée à l'accueil. Dans beaucoup de restaurants aujourd'hui, surtout à Paris, je suis choquée par l'attitude du personnel. Le mien devra sourire, avoir envie de faire plaisir et respecter le client.
Votre parcours, votre caractère, votre maturité impressionnent. Beaucoup de femmes qui exercent des métiers d'hommes sont des personnes d'exception. Arrive-t-il aux femmes chefs de se réunir le 8 mars par exemple ?
Non, nous travaillons ! Nous nous retrouvons de temps en temps, par hasard ou lors d'un événement. Ou parfois autour d'un repas, un dimanche.
Oui. Il est important que l'équipe les connaisse, pour pouvoir travailler si je suis absente. Plus tard, ce seront eux les restaurateurs ! Les recettes ne m'appartiennent pas.
Quand on entre dans la cuisine d'un autre chef, on goûte les plats qu'il prépare, on se fait donner des explications. Pour ma part, si on me demande une recette, je la donne.
Je n'en reviens pas qu'on ait mis de l'eau dans vos sauces. Il y a de quoi devenir méchante !
Il ne faut pas tomber dans le piège : les responsables – souvent deux ou trois personnes de mèche – n'attendent que ça pour dire qu'on est hystérique.
Vous êtes toujours sur la sellette ! Si vous ne dites rien, ne risquez-vous pas de conforter ces gens ?
On me reproche souvent d'être trop coulante. Mais tout finit un jour… Et surtout, les responsables de ces incartades peuvent se retrouver un jour dans une brigade où l'on n'ouvre la bouche que pour dire « oui, chef » ! Ce n'est pas le cas avec moi. En revanche, je suis tout à fait capable de dire à un membre de ma brigade que ce qu'il fait, « c'est infect », que je ferai bien mieux que lui la mise en place du réveillon et qu'il peut rentrer chez lui, ou encore qu'il peut abandonner la préparation d'un risotto parce qu'il ne sera pas assez bon pour la cliente qui l'a commandé. Pour quelqu'un qui aime ce qu'il fait, c'est horriblement vexant, surtout venant d'une femme.
Cela doit demander beaucoup d'énergie et de concentration en plus de votre propre travail. S'il y a le moindre problème, c'est vous qui serez responsable alors qu'on vous a savonné la planche.
C'est aussi un moteur. Lorsque je suis devenue chef, j'avais l'intention de rester un ou deux ans, juste pour prouver à M. Petrossian qu'il avait eu raison de me choisir et le remercier d'avoir osé mettre une femme noire à ce poste. Mais plus on essayait de me pousser dehors, plus je me suis accrochée ! Il y a eu des moments très difficiles, pendant lesquels l'ancien chef et l'ancien pâtissier m'ont beaucoup soutenue. J'ai pu craquer chez moi, mais, au restaurant, pas question de baisser les bras – on prend des vitamines et on va travailler.
M. Petrossian a relevé un défi en vous nommant. Fait-il régulièrement le point avec vous ?
Lorsqu'il y a eu de gros clashs, il a toujours été présent. Il essaye de calmer tout le monde, mais je sais que j'ai son soutien. J'ai toujours pu parler franchement avec lui, y compris pour dire des choses difficiles à entendre.
Il y a des femmes vraiment admirables. Moi, je ne fais que mon travail.
Non, c'est pareil : on est testé. Il y a des gens ouverts, qui s'intéressent moins à l'école que vous avez faite et aux gens avec lesquels vous avez appris qu'à votre envie de travailler. Je recrute de cette façon et je ne dois pas être la seule.
Avez-vous envie de mettre des touches personnelles dans vos recettes, d'apposer votre marque au menu ? Vous laisse-t-on de l'autonomie ?
Certains plats ont été mis à la carte au dernier moment, sans que M. Petrossian ne soit au courant… Il est très ouvert, il a laissé faire. Mais pour pouvoir continuer, il ne faut pas le faire trop souvent ! Beaucoup de plats de la carte sont construits autour des produits Petrossian, mais je peux assortir avec de la patate douce ou de l'igname. Quant aux autres plats, c'est moi qui décide de la façon dont je les exécute et, généralement, Mme Petrossian les goûte. Ainsi que je le rappelle souvent à la brigade, nous devons être conscients que nous exerçons notre métier grâce à l'argent de la famille Petrossian, à laquelle des comptes doivent être rendus : il est donc normal que nous soyons supervisés.
Vous avez ouvert une porte. M Petrossian vous a facilité les choses, et je suppose que vous lui êtes reconnaissante. Considérez-vous qu'à votre tour, vous devez passer le témoin, inciter des femmes de toutes origines à entrer dans cette profession ? Les jeunes des lycées hôteliers ne rencontrent que des chefs hommes. Vous pouvez décomplexer les jeunes femmes afin que l'exception que vous êtes aujourd'hui se banalise.
Ainsi que je l'ai déjà indiqué, je suis marraine d'une école de la deuxième chance. Lors de mes jours de repos, je vais discuter dans des établissements. Les jeunes – et pas seulement les filles – me posent des questions sur de nombreux sujets, qu'ils n'osent pas aborder dans leur famille. Récemment, avec des jeunes qui ont tâté de la prison, nous avons parlé des préjugés, y compris les leurs.
J'essaye de motiver les jeunes de leur faire comprendre qu'il n'y a pas de sot métier. Certes, ce qu'ils veulent savoir avant tout, c'est combien ils vont gagner dans la restauration. Mais, moi, je leur parle du reste : de la plonge, de l'épluchage des légumes, des engueulades…
Au travail, c'est pareil, il faut parler aux jeunes : la moindre remarque, et ils sont contrariés. Il faut les mettre en garde contre certaines dérives, oser discuter de tous les sujets Parfois, j'ai l'impression d'être une maman ! Par exemple, à un jeune qui sort de prison, il faut apprendre à réagir quand on le bouscule, à réfléchir aux conséquences de ses actes…
Que pensez-vous de l'évolution de la restauration scolaire vers le bio, de l'éducation à l'alimentation ?
C'est très intéressant. Cela conduit toutes les parties intéressées à respecter l'agriculture, qui est à la base de notre métier. Et puis, les enfants découvrent qu'une tomate n'est pas forcément ronde…
La séance est levée à dix-sept heures trente.