Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné le rapport sur la mise en application de la loi n° 2009-697 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (MM. Stéphane Demilly et Philippe Tourtelier, rapporteurs).
J'invite immédiatement nos rapporteurs Stéphane Demilly et Philippe Tourtelier à prendre la parole. Ils avaient été chargés, le 15 septembre 2010, de suivre l'application de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite « loi Grenelle I ».
Philippe Tourtelier et moi-même avons mené conjointement le travail de suivi de la mise en application des dispositions de la loi Grenelle I, en toute amitié et en toute complicité. Nous avons pensé intituler notre rapport « une ambition bridée » : de longues discussions ont eu lieu à propos de ce titre, portant notamment sur l'adjonction d'un point d'interrogation ou de points de suspension !
Je reviendrai rapidement sur la démarche participative et innovante du Grenelle, puis vous présenterai synthétiquement les principaux éléments du rapport concernant la lutte contre le réchauffement climatique, le bâtiment, l'urbanisme, les transports et l'énergie. Philippe Tourtelier interviendra, pour sa part, sur les articles 23 et suivants pour évoquer la biodiversité, les ressources en eau, l'agriculture, la gestion de la mer et du littoral, la santé et la prévention des risques, les déchets, l'exemplarité de l'État, la gouvernance et l'outre-mer.
Le point de départ du Grenelle est le « pacte écologique » que Nicolas Hulot avait soumis à la signature des candidats à l'élection présidentielle. Deux semaines après celle-ci, le nouveau ministre d'État chargé de l'écologie Alain Juppé annonçait l'organisation d'un « Grenelle de l'environnement ». Le processus préalable au travail parlementaire s'est déroulé en quatre phases :
– la mise en place de six groupes de travail : « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser la demande d'énergie » (présidé par le climatologue Jean Jouzel et l'économiste Nicholas Stern), « Préserver la biodiversité et les ressources naturelles » (présidé par le sénateur Jean-François Le Grand), « Instaurer un environnement respectueux de la santé » (présidé par le professeur Dominique Maraninchi), « Adopter des modes de production et de consommation durables » (présidé par le professeur Jean-Robert Pitte), « Construire une démocratie écologique » (présidé par Nicole Notat) et « Promouvoir des modes de développement écologiques favorables à l'emploi et à la compétitivité » (présidé par Roger Guesnerie). Ces groupes ont présenté leurs conclusions en septembre 2007 ;
– l'organisation d'une consultation élargie du grand public : quatorze mille contributions sur Internet, trois cent mille consultations d'internautes sur le forum du Grenelle, dix-neuf réunions régionales ayant accueilli quinze mille personnes ;
– en octobre 2007, deux cent soixante-huit engagements en faveur de l'environnement sont présentés, en présence du Président de la République, du Président de la Commission européenne José-Manuel Barroso et du Prix Nobel de la paix Al Gore ;
– à partir de décembre 2007, les trente-quatre comités opérationnels (COMOP) sont lancés. Ils achèvent leurs travaux en mai 2008.
Commence alors la phase du travail parlementaire. Le projet de loi est déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 11 juin 2008. En octobre, l'Assemblée examine le texte au cours de quinze séances, soit cinquante et une heures de débat nécessaires pour venir à bout des 2 110 amendements déposés (dont 387 seront adoptés). Le projet est voté en première lecture le 21 octobre 2008, par 526 voix contre quatre. Le texte prend ensuite la direction du Sénat, où il est débattu en début d'année 2009. L'adoption finale par le Parlement intervient le 23 juillet 2009. Au final, la loi de programmation est structurée en six titres et comprend cinquante-sept articles.
Notre mission était de faire le point sur la mise en application de la loi Grenelle I. Ce fut un travail compliqué et, comme disent les logisticiens, nous avons fait du picking : en d'autres termes, nous avons dû également nous pencher sur des dispositions et des mesures figurant dans la loi Grenelle II, qui rassemble les mesures normatives nécessaires à la mise en oeuvre des engagements du Grenelle I – 257 articles dans la loi votée en juin 2010 –, dans les différentes lois de finances – qui se sont très « verdies » au fil du temps – mais également dans d'autres textes de loi portant sur les transports ou le logement. Nous avons essayé d'analyser l'ensemble des mesures et des sources d'information avec objectivité et sans l'influence extérieure de quelque rapport que ce soit. Au total, le Grenelle s'est traduit dans l'ordre législatif par près de 450 articles de loi et 70 dispositions fiscales.
Les articles 2 à 22 concernent la lutte contre le réchauffement climatique.
L'article 2 rappelle nos engagements généraux, à savoir de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 et, afin de prendre pleinement part aux objectifs intermédiaires retenus par l'Union européenne, de porter la part des énergies renouvelables à 23 % d'ici 2020. Au-delà de ces aspects généraux, cet article traite également de beaucoup de sujets. On y mentionne ainsi le soutien de la France à la création d'un observatoire scientifique international de l'Arctique – territoire dont le rôle est central dans l'équilibre climatique mondial : cette création est en cours. L'article évoque des mesures nationales comme la mise en oeuvre d'actions ciblées de lutte contre la précarité énergétique, en partenariat avec l'ANAH : j'aurai l'occasion d'y revenir ultérieurement de manière plus spécifique.
L'article aborde l'extension du système européen d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre à de nouveaux secteurs : c'est en bonne voie, puisque ce système – qui ne couvrait précédemment que les secteurs producteurs et les industries grandes consommatrices d'énergie – a désormais été étendu à la chimie, à l'aluminium, aux métaux ferreux et non ferreux ainsi qu'à la fabrication du plâtre.
La fameuse « contribution climat-énergie » figure également dans cet article, reprise du « Pacte écologique » proposé par Nicolas Hulot. L'étude de faisabilité de cette contribution avait été confiée à Michel Rocard. L'article 5 du projet de loi de finances pour 2010 la prévoyait à hauteur de 17 € par tonne. Le Conseil constitutionnel a censuré ce dispositif à la fin de 2009 et le Gouvernement, qui envisageait un nouveau texte pour application au 1er juillet 2010, a finalement décidé d'y renoncer le 23 mars 2010.
Les articles 3 à 6 concernent spécifiquement le bâtiment. Je rappelle qu'il s'agit là d'un secteur gros consommateur d'énergie (42 %) et responsable d'un quart des émissions de gaz à effet de serre. Il fallait donc, au regard de ces réalités, que le Grenelle puisse proposer un projet ambitieux. C'est le cas, puisqu'on y évoque la réduction de la consommation du parc existant de 38 % au moins d'ici 2020. La réalisation d'un tel objectif passe par cinq canaux : la rénovation complète de 400 000 logements par an à partir de 2013 ; la rénovation de l'ensemble des logements sociaux avec, d'ici 2020, des travaux sur les 800 000 logements sociaux les plus énergivores ; la généralisation des bâtiments à basse consommation énergétique (BBC) à l'horizon 2012 et des bâtiments à énergie positive d'ici 2020 ; l'engagement, d'ici 2012, de la rénovation de tous les bâtiments de l'État afin de réduire leur consommation de 40 % et leurs émissions de gaz à effet de serre de 50 % ; l'accompagnement des professionnels du bâtiment pour relever ces défis, en termes de recrutement, de formation et de qualification.
Pour évaluer la mise en oeuvre de ces différentes ambitions, nous avons auditionné plusieurs interlocuteurs, dont Jean Jouzel et Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment Grenelle (PBG) et ancien président de l'ANAH. Le PBG est précisément la structure de pilotage qui assure le suivi applicatif de ce secteur du Grenelle I. De l'avis de nos interlocuteurs, les résultats de terrain sont très satisfaisants. Les professionnels anticipent d'ores et déjà les dates de mise en oeuvre : la plupart des constructions actuelles se font aux normes BBC (50 kWhm²an de consommation énergétique primaire). Les engagements ont été globalement tenus dans la construction neuve.
Dans le résidentiel privé et social, 250 000 logements ont été rénovés entre l'été 2009 et l'été 2010 grâce à l'éco-PTZ dans le résidentiel privé, grâce à l'éco-prêt logement social et grâce à l'éco-subvention pour les ménages les plus modestes. L'objectif de 400 000 logements rénovés par an à partir de 2013 sera néanmoins très difficile à tenir.
L'éco-PTZ est la plus importante mesure fiscale et financière : mis en place en avril 2009, il permet d'emprunter jusqu'à 30 000 € pour financer les travaux d'amélioration de la performance énergétique du logement. Le démarrage a été rapide : 100 000 éco-prêts la première année et, fin 2010, aux alentours de 170 000 réservations.
Le parc résidentiel logement social compte 4,5 millions de logements. Avec une moyenne de 170 kWhm²an, la performance énergétique de ce parc est meilleure que la moyenne du parc des logements privés. Les organismes HLM se sont très fortement impliqués dans le mouvement. L'éco-prêt logement social au taux de 1,9 % sur quinze ans, distribué par la Caisse des dépôts et consignations, a été mis en place. 43 500 logements sociaux en ont bénéficié – contre 100 000 prévus pour les deux premières années. Une dynamique est en place, qu'il convient de consolider pour atteindre l'objectif de 2020. J'ajoute que l'Union sociale pour l'habitat (USH) évalue à 21 % la réduction de la consommation énergétique moyenne – soit 134 kWhm²an réalisés (contre 170 kWhm²an constatés précédemment).
S'agissant de l'éco-subvention pour les ménages les plus modestes, elle a été mise en place par l'ANAH : 40 000 subventions de cette nature ont été accordées en 2009, pour 330 millions € de travaux.
Si j'en viens maintenant au parc tertiaire, il faut rappeler en premier lieu qu'il s'agit de 850 millions de m². Ce volume est composé pour partie de bâtiments publics – à hauteur de 400 millions de m², dont 120 millions de m² pour l'État et ses établissements publics (notamment les universités et les hôpitaux) et 280 millions de m² pour les collectivités territoriales (dont 150 millions de m² pour les seules constructions scolaires) – et, pour une proportion comparable, de bâtiments privés – à hauteur de 450 millions de m². L'État a lancé des audits sur près de la moitié de ses surfaces de bâtiment et financé partiellement quelques opérations de rénovation : la loi dispose en effet que les rénovations doivent être engagées pour la fin de 2012 et donne jusqu'à 2020 pour les finaliser. Le plan de relance a réservé 150 millions € à la première phase de rénovation des bâtiments publics de l'État et un programme spécifique « Entretien des bâtiments de l'État » est inscrit au budget 2010, à hauteur de 170 millions €. Le tertiaire privé n'est pas en reste, car les propriétaires ont compris l'intérêt de la « valeur verte » dans la valorisation de leur patrimoine : les directions immobilières des grands groupes ont fait de la maîtrise des coûts d'exploitation une priorité. Deux tiers des grands utilisateurs se projettent désormais dans des bureaux certifiés, la certification HQE connaissant un intérêt croissant. Seize grandes entreprises françaises, représentant deux millions de salariés dans le monde, ont présenté le 29 septembre dernier leur engagement à améliorer l'efficacité énergétique de leurs bâtiments tertiaires.
L'article 6 de la loi de programmation traite de l'accompagnement des professionnels du bâtiment. Selon les chiffres du ministère chargé de l'écologie, 29 000 stagiaires avaient suivi une formation FEE-Bat à la fin novembre 2010.
Le Grenelle I peut avoir, doit avoir un impact important sur l'économie et, en particulier, sur les entreprises du bâtiment et de l'artisanat. Le coût de l'audit, augmenté de celui de la rénovation du parc tertiaire public, est estimé à 80 milliards €. Une véritable « révolution dans les têtes » est en cours et une étude de la FNAIM démontre que la bonne performance énergétique du logement est désormais un critère important d'achat pour 93 % des français. La filière du bâtiment représente 4 millions d'actifs et la formation représente donc un enjeu essentiel pour la réussite du programme Bâtiment du Grenelle. Dans ce cadre, il faut admettre que le déploiement des dispositifs a pris du retard et le regretter : pour le programme FEE-Bat, on n'en est encore qu'à la moitié des objectifs (cinquante mille professionnels formés entre 2008 et 2010).
La deuxième partie de la loi est consacrée à l'urbanisme (articles 7 à 9).
L'article 7 évoque l'établissement, par les collectivités territoriales, de plans climat-énergie territoriaux avant 2012. L'application de ce dispositif passe par le « verdissement » des SCoT et les PLU. En octobre 2010, selon nos informations, 23 % des PCET étaient lancés et 6 % étaient adoptés. Le même article dispose que le droit de l'urbanisme devra évoluer afin de lutter contre la régression des surfaces agricoles et naturelles, de lutter plus globalement contre l'étalement urbain et de préserver les continuités écologiques.
Ceci me conduit naturellement à évoquer le plan « Villes durables », avec la création d'écoquartiers. L'appel à projets a été lancé dès 2009 et a rencontré un large succès, puisque 60 dossiers ont été déposés, 28 ont été retenus et le Grand prix national attribué à la ZAC de Bonne-Grenoble. A l'occasion de la deuxième conférence nationale de la ville durable, le 19 janvier 2011, Benoist Apparu a lancé un deuxième appel à projets pour les écoquartiers. Parallèlement, la démarche « EcoCités » a été lancée : elle vise à identifier et à mettre en oeuvre des stratégies innovantes de développement urbain. Pour sa première édition, 13 candidatures ont été retenues pour participer à la phase dite « dialogue avec l'État ».
Nous sommes néanmoins inquiets, car les financements destinés aux écoquartiers ont baissé dans le budget 2011. Enfin, le Fonds « Ville de demain » a été mis en place dans le cadre du grand emprunt pour les investissements d'avenir, à hauteur d'un milliard d'euros, pour aider notamment les écocités.
J'en termine ainsi avec l'urbanisme et j'en viens aux transports (articles 10 à 17). L'objectif est de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020, pour les ramener au niveau observé en 1990.
Pour ce qui concerne le volet routier, largement évoqué, l'État doit favoriser l'adoption de comportements responsables au regard des exigences écologiques. En moins de trois ans, le secteur automobile a réduit les émissions moyennes de dioxyde de carbone des véhicules neufs de 149 à 130 g CO2km. On doit insister sur le gros succès des dispositifs incitatifs de type bonus-malus, qui a permis d'augmenter de 70 % la part « propre » du marché français. On doit également souligner la véritable dynamique industrielle qui s'est créée autour de la voiture électrique de demain : une ligne de 750 millions € est ouverte dans le grand emprunt pour le développement des véhicules du futur. La part des véhicules électriques, selon le ministère, pourrait représenter 15 % du marché français en 2020.
L'article 11, consacré au transport de marchandises, pose le principe selon lequel priorité doit être donnée aux transports fluvial, ferroviaire et maritime, la part modale du non routier non aérien devant passer de 14 % aujourd'hui à 25 % en 2022. Cela passe par plus de moyens donnés par l'État et ses établissements publics à la modernisation du réseau ferroviaire : un chiffre est cité, celui d'atteindre 400 millions € supplémentaires par an en 2015. Le même article mentionne la création de trois autoroutes ferroviaires et le lancement du très attendu « canal Seine – Nord Europe », permettant le report sur la voie d'eau de 4,5 milliards de t-km par an. Le coût de ce canal avait été estimé, à l'époque, à 4 milliards d'euros, avec un financement dans le cadre d'un partenariat public-privé. J'ai cru comprendre que le Président de la République annoncerait le lancement du « dialogue compétitif » la semaine prochaine, dans le département de la Somme.
Dans le cadre du schéma national des infrastructures de transport, 2 000 km de nouvelles voies LGV doivent être déployés d'ici 2020 pour un montant de 53 milliards €. Huit cent kilomètres ont déjà été lancés : Rhin-Rhône, LGV-Est, Tours-Bordeaux et Bretagne-Pays de Loire.
La création de l'ARAF, autorité de régulation des autorités ferroviaires, correspond à l'engagement n° 38 du Grenelle. Elle a été réalisée, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence.
En 2009, il avait également été considéré que le partage du fret entre le routier et le non routier non aérien devait s'inverser. Force est de constater qu'en réalité, les écarts continuent de se creuser et qu'il demeure donc important de soutenir le développement de ces transports alternatifs.
Dans le chapitre « transports », la création d'une écotaxe prélevée sur les poids lourds à compter de 2011 était évoquée (engagement n°45). Cet engagement initialement prévu en 2010 avait été reporté en 2011, du fait de la complexité technique liée au transport transfrontalier. On parle maintenant de mi-2012, voire 2013. Était également mentionnée l'amélioration de la desserte des ports par leurs arrière-pays. Le Grenelle a été de peu d'influence, ces questions étant d'ores et déjà traitées dans le cadre des contrats de projets État-région.
L'article 13 traitait des plans de déplacements urbains, du développement du covoiturage, de l'autopartage, du télétravail, etc. Le label « autopartage » a été créé (engagement n°20) et de nombreuses expérimentations sont en cours. Un autre point positif est le développement des transports en commun en site propre hors Île-de-France, qui est bien engagé et était très attendu.
S'agissant de la mise en place de modulations des péages autoroutiers en fonction de la plage horaire, du taux d'occupation des véhicules et de leur niveau d'efficacité énergétique, les services du ministère estiment que la portée utile de telles modulations se limite aux portions d'autoroute urbaines les plus chargées en trafic. Il s'agit néanmoins d'une mesure compliquée, car de nombreuses sections concernées sont libres de péage, soit parce qu'elles appartiennent au réseau non concédé, soit parce qu'elles se situent dans la partie « hors péage » du réseau concédé. La modulation liée à l'efficacité énergétique suppose d'identifier les véhicules : si cela marche en théorie, c'est beaucoup plus complexe en pratique !
L'article 14 portait sur la question particulière des transports en Île-de-France et évoquait la rénovation des réseaux RATP et SNCF franciliens. Le dossier a évolué au cours des dernières semaines, puisqu'un protocole d'accord « Grand Paris Express » a été présenté le 26 janvier dernier : c'est un investissement de 32,4 milliards € d'ici 2025.
J'en termine avec quelques mots sur le chapitre « énergie » (articles 18 à 21). L'article 18 évoque le soutien de l'État à la production décarbonée – mais cet objectif implique une rupture fondamentale – ainsi que le bilan des administrations et des entreprises en émissions à gaz à effet de serre – une idée reprise par l'article 75 du Grenelle II. Un débat est en cours sur les seuils qui doivent déclencher cette obligation. Il y avait aussi l'étiquetage énergétique, les ampoules et les compteurs intelligents.
L'article 19 traite des énergies renouvelables. Trois ans après, il apparaît que certains secteurs ont « bien avancé ». Pour ce qui concerne l'éolien, le parc augmente – 1 000 MW supplémentaires raccordés annuellement au réseau. La grande question est de savoir – et il est encore trop tôt pour le dire – si le Grenelle II va accélérer ou brider ce rythme. S'agissant de l'éolien offshore, le lancement prochain d'un appel d'offres pour 3 000 MW a été annoncé, soit 600 éoliennes et un investissement de 10 milliards €. Pour mémoire, le Grenelle I prévoyait le double, soit 6 000 MW, d'ici 2020. Je ne reviendrai pas sur le photovoltaïque, dont nous avons d'ores et déjà l'occasion de débattre à maintes reprises ici. Pour ce qui concerne la biomasse, la Commission de régulation de l'énergie a lancé différents appels d'offres. S'agissant de la méthanisation, on peut saluer le nouveau cadre de soutien annoncé le 24 février. Sur les biocarburants, le pourcentage d'incorporation augmente chaque année, même si l'on demeure en deçà des objectifs. Je rappelle que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie a publié un rapport assez favorable à ces carburants, sous réserve de l'analyse du changement d'affectation des sols.
Je serai beaucoup plus bref que Stéphane Demilly, car les thèmes que je vais évoquer devant vous apparaissent dans la loi de façon beaucoup plus éclatée.
La biodiversité fait l'objet des articles 23 à 35, qui visent à mieux la connaître, à la restaurer et à favoriser son évolution. Le premier objectif consiste à connaître cette biodiversité. Certains dispositifs fonctionnent correctement, comme les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) et les conservatoires botaniques nationaux. La mise en place d'un observatoire national de la biodiversité apparaît plus laborieuse : il a fallu onze mois pour tenir une réunion de préfiguration en juin 2010. Quant à la Fondation scientifique pour la biodiversité, créée en 2008, elle a vu ses crédits passer de 3 millions € à 6,7 millions € en 2010.
L'article 26 prévoyait que l'État dresse un inventaire des mesures fiscales défavorables à la biodiversité, tandis que l'article 48 ordonnait la présentation au Parlement d'une évaluation de l'impact environnemental des aides publiques à caractère budgétaire ou fiscal. En tant que parlementaires, nous imaginons tous combien ces documents nous seraient utiles. Un audit interministériel a été réalisé entre septembre 2009 et juillet 2010, mais le Gouvernement a refusé de nous le communiquer dans l'attente d'une validation finale qui tarde depuis six mois. J'ai lu qu'un autre groupe de travail se penchait sur la question. Ce défaut de transparence porte hautement préjudice dans notre suivi des lois.
Le second objectif de la loi tient à la préservation de la biodiversité. Le bilan de la protection des espèces me semble assez positif. Des actions de conservation et de restauration des espèces en danger ont été mises en oeuvre ; on s'interroge aujourd'hui sur la nécessité d'un plan. Deux circulaires attestent que ce travail est en train de s'accomplir. Un autre plan est en cours pour lutter contre les espèces exotiques envahissantes, en partenariat avec le Muséum d'histoire naturelle pour la faune et la Fédération des conservatoires botaniques nationaux pour la flore.
En ce qui concerne les territoires, il était espéré que 2 % des terres françaises bénéficient d'un statut protecteur en 2020 ; on était à 1,23 % au 1er janvier. Il reste donc un effort à consentir, mais la tenue d'un comité de pilotage et la définition de priorités laissent une impression favorable. Au-delà, il me semble que la question se pose en termes qualitatifs plutôt que quantitatifs. La création de trois nouveaux parcs nationaux devrait aboutir dans les mois à venir. Nous nous interrogeons cependant sur l'articulation entre l'échelon national avec la stratégie nationale de biodiversité, le niveau régional avec les schémas régionaux de cohérence écologique et les actions locales avec la trame verte et bleue. L'Agence des aires marines protégées s'était vue assigner, enfin, l'objectif de protéger 10 % des espaces en d'ici 2012 en et d'ici 2015 outre-mer. Fin 2010, nous en sommes à 1,5 %. Lors de la récente table-ronde sur la biodiversité marine, il a été indiqué par le directeur de cette Agence que cet objectif serait très facile à atteindre « optiquement », qu'il suffirait pour ce faire de créer un ou deux grands parcs dans le Pacifique mais que la question resterait ouverte du contenu qualitatif de ces parcs. Je crois donc qu'il vaut mieux, par conséquent, éviter de se laisser aveugler par les pourcentages.
Les capacités d'évolution de la biodiversité constituent le dernier volet du texte sur ce point. Je ne reviens pas sur les dispositions du Grenelle II qui ont affaibli la trame verte et bleue en la privant de son opposabilité aux instruments d'aménagement régionaux. La finalisation attendue fin 2012 accusera un retard certain, à la fois pour des raisons de compensation de financement et du fait de la nécessité de s'articuler avec les schémas régionaux de cohérence écologique, lesquels en sont encore au stade de leur rédaction.
En ce qui concerne la ressource en eau, dont traitent les articles 27 à 30, nous espérions un bon état écologique en 2015. Le décret d'interdiction des phosphates dans les lessives à compter de 2012 est en cours de finalisation : c'est un bon point. Les obstacles à la migration des poissons persistent malgré un travail certain : le nombre de cours d'eau, de barrages, de moulins et autres biens dont les propriétaires ne sont pas toujours identifiés complique l'action publique. Le plan de protection des cinq cents captages les plus menacés semble plus incertain car la délimitation des aires en 2010 doit maintenant être suivie de mesures agro-environnementales à la mi-2012 : nous veillerons à ce qu'une volonté politique forte se manifeste en ce sens. Le temps nous a manqué pour contrôler la mise aux normes des stations d'épuration, dont 10 % poseraient encore problème.
Quant à la réduction des substances dangereuses dans les milieux aquatiques, il suffirait presque de suivre le plan Écophyto 2018, présenté par le ministre de l'agriculture en septembre 2008. Je pense néanmoins que nous devrions avoir une réflexion d'ensemble sur le thème des produits phytosanitaires, qu'on retrouve à divers endroits du texte – dans la partie concernant la protection des abeilles, dans le retrait des produits les plus préoccupants dans le domaine agricole et dans l'interdiction des biocides pour les usages non professionnels et dans les lieux publics. Cette question se trouve donc « éclatée » entre divers articles du Grenelle I et il serait au contraire intéressant de tout regrouper, pour dresser un véritable bilan. Enfin, une circulaire a été publiée pour améliorer la surveillance des milieux aquatiques, l'Union européenne s'étant émue du faible nombre d'infractions constatées par la France : il ne suffit pas de faire des lois, encore faut-il les appliquer.
L'agriculture fait l'objet des articles 31 à 34. La dynamique de la production biologique a connu un second souffle avec le Grenelle de l'environnement. Pourtant, l'objectif de 6 % des surfaces en bio en 2012 (contre 2,5 % en 2009) ne sera pas atteint. Ce seront plutôt 4 % des surfaces, mais bien 6 % en nombre d'exploitations – car les fermes biologiques sont souvent plus petites que la moyenne. L'émergence des exploitations à haute valeur environnementale est suspendue à la publication de décrets ordonnés par le Grenelle II. Tout ceci prend du temps, sans doute trop par rapport au Grenelle I, puisque celui-ci assignait une ambition de 50 % d'exploitations en cours de certification en 2012. Cet objectif est maintenant hors de portée.
Le temps nous a fait défaut pour étudier certains points relatifs à l'agriculture identifiés dans le Grenelle I. Je souhaiterais en mentionner spécifiquement deux : d'une part, la maîtrise énergétique des exploitations agricoles, puisqu'il existe un débat actuel sur la méthanisation et le photovoltaïque ; d'autre part, la question des protéagineux, dont nous savons qu'ils pourraient se substituer à nos importations de soja transgénique.
Un plan d'urgence de préservation des abeilles était prévu en 2009. Il n'a pas été mis en place. Depuis, nous avons eu le rapport de notre collègue Martial Saddier. En revanche, les statuts d'un Institut technique et scientifique de l'abeille et de la pollinisation ont été adoptés en mars 2010.
L'article 34 concernant la forêt, le bois certifié et la valorisation de ces forêts, devra être suivi et repris dans le cadre du contrôle de l'application du Grenelle II.
L'article 35, relatif à la gestion de la mer et du littoral, prévoit une stratégie et une instance nationales qui se déclinent en actions et en structures locales. L'éco-labellisation des produits de la pêche fait l'objet d'un décret en cours de finalisation, dont le retard s'explique par la nécessité d'une concertation entre les différents acteurs pour la définition d'un référentiel commun. Enfin, la lutte contre les pollutions marines s'appuie sur des textes qui existaient déjà et il n'est donc pas nécessaire d'y revenir.
Le quatrième chapitre traite de la prévention des risques environnementaux et sanitaires (articles 36 à 47). Nos travaux, en particulier l'audition du professeur Dominique Maraninchi, ont montré que le Grenelle I avait favorisé la mobilisation des acteurs dans le cadre du plan national santé-environnement. Un rapprochement sensible de ces acteurs s'est produit. Le contrôle de l'air intérieur, l'étiquetage des produits ou encore la création de postes de conseillers en environnement intérieur donnent lieu à des expérimentations. Des actions ont également été entreprises sur les risques visuels et sonores, notamment dans le voisinage des aéroports. Les risques émergents ont été abordés dans le Grenelle II : un décret sur les nanotechnologies est en préparation, malgré la vivacité du débat, et les ondes électromagnétiques sont placées sous surveillance. La ministre a, en outre, promis l'adoption du plan d'adaptation au changement climatique dans le courant de l'année. La prévention des risques majeurs se décline notamment dans le plan « séisme » aux Antilles ; je renvoie ici aux préconisations contenues dans le rapport consécutif à la tempête Xynthia.
En ce qui concerne les déchets, la fiscalité incitative évoquée aux articles 46 et 47 en reste à des expérimentations. L'objectif de réduction des ordures ménagères de chaque Français de 7 % par an pendant cinq ans devrait être atteint, mais la hausse simultanée des dépôts en déchetterie pose la question de la réalité de cette réduction, qui pourrait n'être finalement qu'un simple transfert. Ceci me conduit à évoquer le recyclage, dont les résultats diffèrent suivant les secteurs. Il y a une difficulté pour les matières organiques, que les machines peinent à trier. Les déchets industriels ne font pas l'objet de mesures. Quant aux emballages ménagers, les débats entre Éco-emballage et les collectivités soulèvent un doute quant à la pertinence de l'arbitrage opéré par le Gouvernement. En fait, la question n'a pas changé : faut-il faire porter l'effort sur le recyclage, en aval de la chaîne de consommation, c'est-à-dire sur les collectivités locales, ou sur la conception des produits, en amont de cette même chaîne ?
Le chapitre V est celui de « l'État exemplaire ». La conclusion est claire : la puissance publique pourrait mieux faire. Les audits et les diagnostics demandés ne sont pas tous réalisés. Le parc automobile « propre » fait l'objet de tant de dérogations qu'il a perdu sa signification. Des efforts ont été consentis dans la restauration collective. Finalement, la volonté politique fait défaut. Or comment l'État peut-il demander des avancées s'il n'est pas lui-même à la pointe de l'action environnementale ?
Le chapitre VI, consacré à la gouvernance, a été repris dans le Grenelle II. Le décret sur la représentativité des associations est pratiquement finalisé. Le débat sur les seuils d'application aux entreprises (article 225) devrait aboutir à un décret échelonnant les obligations, plus intéressant que celui sur le bilan carbone mentionné par Stéphane Demilly. L'information des consommateurs fait l'objet d'expérimentations sur l'affichage. La « TVA verte » a été abandonnée en échange de la baisse de la TVA sur la restauration, ce qui est dommage. Le manque de sérieux des diagnostics de performance énergétique a été révélé par une étude de l'UFC-Que choisir ? Cette faiblesse nous avait d'ailleurs conduits à renoncer à rendre ces diagnostics opposables lors du vote de la loi Grenelle II. Un groupe de travail a été constitué pour renforcer leur fiabilité et restaurer la confiance autour de cet outil mis à la disposition des consommateurs. Plus anecdotique, nous demandions le renforcement de l'éducation au développement durable dans les lycées agricoles : c'est en cours, et j'y suis particulièrement attaché en tant qu'ancien enseignant.
Outremer enfin, les objectifs énergétiques et la préservation de la biodiversité ont donné lieu à des législations spécifiques.
L'évaluation du « Grenelle I » a fait l'objet d'un rapport établi, à partir d'une approche quantitative, par le cabinet Ernst & Young. La nôtre a pris comme point de comparaison non les engagements du Grenelle, mais bien les dispositions législatives qui en ont été issues. Nous avons porté un regard de parlementaires sur un texte de loi voté par le Parlement. Un problème cependant a fait son apparition : l'absence de données relatives à l'année 2010, qui n'étaient pas encore disponibles lorsque nos travaux ont débuté.
Le titre choisi – « une ambition bridée » - reflète une appréciation nuancée, qui fait considérer que le verre est à moitié vide ou à moitié plein, selon l'expression consacrée. Deux interrogations ont guidé notre analyse : notre pays est-il engagé sur la bonne voie et le calendrier avancé pourra-t-il être respecté ? Comme l'a dit Stéphane Demilly, la situation paraît contrastée selon les secteurs. Par exemple, le secteur du bâtiment neuf semble avoir adoptées les nouvelles normes de façon quasi systématique, alors que l'ancien accuse un retard indiscutable ; dans le transport, la situation du fret ferroviaire n'a pas été redressée et s'apparente à une vraie catastrophe : on continue d'assister à un report modal du rail vers la route, dans un mouvement qui est aux antipodes des dispositions votées.
S'agissant du transport de voyageurs, l'élan du Grenelle a incontestablement donné un coup de fouet à l'essor des transports en commun en site propre (TCSP), avec des projets co-financés par l'AFITF et le grand emprunt. Pour les lignes à grande vitesse, le « bouclage financier » n'est acquis que dans quatre cas. Dans le domaine de l'énergie, la loi a fixé en matière d'énergies renouvelables des objectifs à atteindre que les récentes évolutions du secteur – je veux parler évidemment des conséquences de la catastrophe de Fukushima et de la nécessaire réouverture du débat sur le nucléaire dans notre pays – ont transformé, à mon sens, en minima.
En résumé, le Grenelle I reste encore très mobilisateur, mais son évaluation reste difficile. Je considère qu'il faut rester dans un état d'esprit positif, tout en restant vigilant sur l'examen des différentes mesures d'application. J'estime cependant nécessaire, pour conclure, de donner un second souffle au Grenelle.
André Chassaigne. À la lecture rapide de ce rapport, j'ai le sentiment qu'il s'agit d'un travail immense, volumineux et précis, même si bien entendu il n'a pas pu aborder dans le détail tous les points de la loi. Ma première question concerne la performance énergétique des bâtiments : sa traduction réglementaire me paraît incomplète, car on assiste sur le terrain à une course entre deux catégories d'entrepreneurs, ceux qui sont sérieux et ceux qui ne le sont pas. La formation des professionnels me paraît en cause, alors que les communes et les pouvoirs publics locaux n'ont pas nécessairement les moyens matériels de contrôler les informations fournies par les maîtres d'ouvrage. Force est de constater, une fois de plus, la nocivité des effets de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) en matière de ressources humaines et de qualité des services publics. Contrôler l'application de la loi est certes important, encore faut-il avoir sur le terrain les moyens d'en mesurer les acquis.
S'agissant du secteur de l'énergie, il est important à mon sens que notre pays se dote d'un dispositif de soutien au biogaz, source importante d'énergie renouvelable, afin d'acquérir les informations nécessaires au comblement de notre retard et de mettre en place un cadre clair pour son développement. Nous devons savoir à quoi nous en tenir en particulier quant aux conditions de rachat et d'injection dans les réseaux de gaz naturel de l'énergie produite grâce à ce procédé, qui ont été précisées dans le cadre du plan de soutien au biogaz rendu public le 24 février 2011 et qui pourraient utilement être mentionnées dans le rapport.
La recherche environnementale souffre d'un paradoxe : on évoque toujours des moyens globaux en augmentation, alors que dans les faits certaines expertises commandées depuis deux ans auprès d'organismes tels que l'INRA ou le CNRS n'ont toujours pas été rendues. Les sommes allouées ont-elles été insuffisantes ? Je citerai deux exemples qui permettent d'en douter : le premier est une commande passée au CNRS et à l'INRA pour une expertise relative à la pertinence agronomique de la fonction de résistance aux herbicides, aux multiples implications environnementales ; le second concerne les OGM et le rapport de l'ANSES, dans lequel le mathématicien Marc Lavielle, membre du Haut conseil pour les biotechnologies, a mis en cause la fiabilité des études sanitaires sur la toxicité et l'innocuité des OGM, en raison de l'utilisation d'un référentiel de l'OCDE qui serait obsolète.
Bertrand Pancher. Je félicite notre collègue André Chassaigne pour sa célérité puisqu'il a réussi à parcourir le rapport que nous examinons et qui compte plus de 214 pages...
André Chassaigne. J'ai parlé de survol…
Bertrand Pancher. ...et je juge comme lui qu'il constitue un travail important, un peu complexe à apprécier pour un document remis sur table et dont une communication a priori nous aurait peut-être permis de mieux apprécier la richesse.
Mon sentiment est que la lourde et complexe « machine » du Grenelle se met en place et que son évolution parfois chaotique nous renvoie aux contradictions de notre société, ainsi qu'aux nôtres. En effet, en tant qu'élus locaux, il nous arrive par exemple de réclamer des routes et des autoroutes, et nous constatons dans le même temps, siégeant en commission, que le schéma collectif de transports n'avance pas assez vite et peine à être financé. Après tout, il ne s'agit de rien de moins que de changer de modèle de société, et pour cette raison il me semble naturel que dans ce processus on s'accorde du temps, qu'on rencontre des oppositions, et qu'on progresse par une succession d'avancées et de reculs. Personne ne peut raisonnablement croire qu'il ne faut que deux ans pour changer de modèle social.
Ce changement implique entre autres de prendre en compte les coûts externes, notamment dans le domaine des transports, ce qui a pour conséquence de renchérir sensiblement le coût du transport routier, puisqu'une nouvelle allocation des moyens, par le biais notamment de la taxe poids lourds est nécessaire pour favoriser d'autres modes de transport, comme le rail.
Faute d'un inventaire plus précis du contenu du rapport, je livre à la commission les réflexions suivantes :
– le processus du Grenelle a eu le mérite de mettre l'ensemble des acteurs sous tension, et pas seulement le Gouvernement, mais aussi, entre autres, les organisations professionnelles et les collectivités locales et les agriculteurs,
– le besoin paraît manifeste d'échéances régulières d'évaluation, au-delà des objectifs mesurables qui ont été fixés à 20 ans, par exemple sur une base annuelle, afin de mesurer à chaque fois le chemin parcouru,
– la démonstration de l'intérêt d'une méthode innovante et je veux ici rendre hommage à tous ceux qui l'ont initiée : je pense notamment au Gouvernement, au ministre Jean-Louis Borloo, mais également à tous les acteurs concernés,
– les résultats contrastés enregistrés sont le fruit de cette démarche itérative que j'évoquais. Dans certains domaines, comme dans celui des énergies renouvelables, nous sommes allés trop vite, et j'en veux pour preuve le dépassement très large des objectifs dans le domaine de l'énergie solaire photovoltaïque ; dans d'autres, comme la basse consommation énergétique dans les bâtiments neufs, nous sommes totalement en phase avec les objectifs fixés dans la loi.
Les explications de ces résultats sont divers : certains retards sont dus à des problèmes techniques, comme dans le cas de la taxe poids lourds, d'autres à des difficultés de mise en place, comme la contribution climat-énergie au plan européen. Sur d'autres enfin planent de réelles incertitudes, je veux parler du Schéma national d'infrastructures de transport.
En conclusion, je voudrais souligner la cohérence de l'ensemble législatif composé du Grenelle I, des lois de finances successives depuis son adoption et du Grenelle II. Je crois que nous jugerons notre politique environnementale après étude des deux cents décrets et des milliers de textes règlementaires nécessaires à la mise en application dudit Grenelle II, dont l'entrée en vigueur s'étalera vraisemblablement sur douze mois. Un premier rapport d'étape, que nous ferons ensemble, est prévu pour la fin du mois de juin. L'ambition du Grenelle n'est, à mon sens, pas « bridée » : elle a contraire besoin, auprès de tous, d'un soutien sans faille.
Je tiens tout d'abord à féliciter les deux co-rapporteurs ainsi que les services de la commission pour la qualité de leur travail.
Les objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement me semblent bien trop ambitieux voire, à mon grand regret, inatteignables. Avant de vous en donner quelques exemples, je souhaiterais vous interroger sur le rapport annuel sur l'application des engagements définis dans le Grenelle, dont la remise au Parlement est prévue par l'article 1 de la loi. Les deux premiers rapports, transmis en 2009 et 2010, présentent-ils effectivement une analyse précise des conséquences de la mise en oeuvre du Grenelle sur les finances locales et les prélèvements obligatoires ?
J'en reviens à présent aux illustrations de l'ambition, trop importante à mon sens, des objectifs du Grenelle. J'évoquerai tout d'abord le secteur du bâtiment. L'État a consacré 170 millions d'euros à la rénovation d'immeubles lui appartenant de manière directe ou indirecte : à ce rythme-là, la rénovation de la totalité des surfaces prendra 140 ans ! Par ailleurs, nous sommes confrontés à une vraie difficulté pour les bâtiments anciens, qui représentent en France 32 millions d'habitations. Le coût de rénovation d'un logement se situe entre 15 et 20 000 euros, soit plus de 600 milliards d'euros au total : comment trouver cette somme ?
Deuxièmement, où en sommes-nous des plans climat-énergie territoriaux ? Ces plans, qui concernent les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants, devaient être élaborés avant 2012. Savez-vous combien ont été mis en oeuvre à ce jour ?
Permettez-moi d'évoquer aussi les transports et particulièrement l'autorisation de circulation accordée aux camions de 44 tonnes. Des mesures non cohérentes avec les exigences fixées par le Grenelle I ont été prises : cette décision se traduira par un transfert modal du rail vers la route. A ce sujet, le Gouvernement devait nous remettre un rapport sur les enjeux et les impacts relatifs de la généralisation de l'autorisation de circulation des poids lourds. Il ne nous a jamais été communiqué.
Quatrièmement et s'agissant de la biodiversité, je doute fort que nous réussissions à mettre en oeuvre la trame verte et bleue.
Je m'interroge enfin sur l'avenir de l'agriculture biologique. Les objectifs ont été clairement fixés : 2,4% de la surface agricole utile (SAU) aujourd'hui, 6% en 2012 et 20% en 2020. Pour les satisfaire, la superficie d'un département devrait chaque année être convertie en agriculture biologique. Serons-nous donc en mesure d'atteindre le chiffre de 20% en 2020 ? J'en doute. Il en va de même au sujet de la faible dépendance énergétique des exploitations, qui devrait être réduite de 30% en 2013.
Permettez-moi également de souligner le travail remarquable des deux rapporteurs. Il s'agit d'un sujet complexe, qui demande précision et investigation. Je remercie tout autant les services de la commission du développement durable, qui sont particulièrement mobilisés sur la question du Grenelle de l'environnement.
Par ailleurs, je comprends le regret de Bertrand Pancher de découvrir le rapport sur table. Néanmoins, je trouve logique de laisser la primeur de la présentation du rapport à ses auteurs.
Enfin, selon l'article 145-7 du règlement, un rapport sur la mise en application des lois peut donner lieu, en séance publique, à un débat sans vote ou à une séance de questions. Je souhaite, si les rapporteurs en sont d'accord, utiliser cette possibilité au sujet du rapport sur l'application du Grenelle I.
Assentiment sur tous les bancs de la commission
Comme le soulignait Bertrand Pancher, en modifiant nos modes de consommation et de production, nous sommes en train de changer la société dans son ensemble. Rien ne peut donc se faire du jour au lendemain. Néanmoins, la mise sous tension de l'ensemble des partenaires et l'organisation de rencontres régulières sont, à mon sens, nécessaires. D'ailleurs et compte tenu de la complexité de la loi Grenelle II, Bertrand Pancher et Philippe Tourtelier, rapporteurs sur l'application de ce texte, pourraient envisager l'organisation de réunions d'étape.
Je crois que le développement durable est le sujet du siècle, une question qui dépasse nos différends politiques. Même si nous constatons des lacunes ou des retards, comme pour le fret ou la biodiversité, la trajectoire d'ensemble existe. Quelle joie de voir les évolutions de notre pays dès lors que nous parvenons à le mobiliser ! En deux ans, nous avons tant changé. Il ne s'agit plus d'une question politique. La réunion de l'ensemble des acteurs a permis de lancer une dynamique. Parfois, celle-ci s'essouffle ou son application tarde à être pleinement effective. Mais finalement, quelques mois ou quelques années de retard, est-ce si grave au regard des enjeux ?
Je pense souvent à la France du XIXè siècle, qui a vu tant d'inventions naître. À mes yeux, le pétrole nous a rendu bêtes car il constituait une solution de facilité.
Même si nous essaierons de répondre aux interrogations exprimées, il nous sera difficile de répondre aujourd'hui à certaines questions très techniques.
En réponse à André Chassaigne, il est vrai que nous n'abordons pas le sujet du biogaz dans le rapport. Pourtant, il s'agit d'une problématique qui m'intéresse particulièrement et je suis d'ailleurs intervenu hier, en séance, sur le gaz de schiste. Le nouveau cadre réglementaire a été présenté le 24 février 2011. Nous n'en sommes donc pas encore à la phase de prise des décrets d'application.
S'agissant des études commandées à l'INRA et au CNRS, certaines ont bien été publiées, sur les biocarburants notamment.
En réponse à Bertrand Pancher, permettez-moi de souligner que le titre n'est pas négatif. Nous avons essayé de trouver un compromis évoquant l'ambition affichée, confrontée à la réalité du terrain. Je partage néanmoins son avis sur la nature du Grenelle, lorsqu'il souligne qu'il ne s'agit pas d'un simple arsenal législatif, mais d'un nouveau modèle de société. Il y aurait ainsi deux lectures possibles : d'un côté, une lecture du « cerveau gauche », analytique, centrée sur l'étude des chiffres ; de l'autre, une lecture du « cerveau droit », enthousiasmante et globalisante. C'est, selon moi cette vision droitière de la pensée, qu'il nous faut retenir (Sourires sur tous les bancs).
Le Grenelle a donné une vraie impulsion et entraîné une réelle révolution des comportements, qui ne sont pas chiffrables. Permettez-moi de vous en donner un exemple : la semaine dernière j'ai inauguré, en tant que maire, une crèche bioclimatique. Le sujet m'aurait-il intéressé avant le Grenelle de l'environnement ? Je n'en suis pas sûr… Désormais, mes services techniques étudient systématiquement la mise en place de pistes cyclables lors de la rénovation des rues.
Quant à l'exemplarité, l'État n'est pas le seul mis en cause mais elle doit animer tous les décideurs et les élus locaux. Tzvetan Todorov le disait déjà : « Donner des leçons de morale n'a jamais été une preuve de vertu ». Au-delà des grandes déclarations, il nous faut agir sur le terrain.
Je ne partage pas l'avis de Jean-Paul Chanteguet sur l'ambition trop élevée des objectifs du Grenelle. Selon moi, il est important de fixer des objectifs lointains et exigeants afin de maintenir la pression sur certains acteurs. D'ailleurs certains engagements ont été satisfaits. De plus, entre les débats du Grenelle I et aujourd'hui, ne l'oublions pas, il y a eu une grave crise économique et financière. Aujourd'hui, les recettes de l'État ont diminué de 20 %. Au-delà de nos différends politiques, le retard pris sur certains points n'est peut-être pas totalement anormal...
Enfin, concernant les PCET, j'avais déjà indiqué les chiffres : 23% ont été lancés et 6 % ont été adoptés.
Je suis bien évidemment d'accord avec le président de la commission : il s'agit d'un sujet d'importance, car nous sommes à la recherche d'un nouveau modèle de société. L'enjeu principal est de ne pas brouiller le message. A mon sens, les objectifs ne sont jamais trop ambitieux. En revanche, les calendriers, peut-être… Mais, ne l'oublions pas, ces derniers - notamment pour ce qui concerne le changement climatique - sont définis par des accords internationaux. C'est le cas du « 3 fois 20 ». Par ailleurs, ces engagements sont eux-mêmes issus de l'approche descendante du GIEC, c'est-à-dire un objectif de limitation des émissions de gaz à effets de serre où chacun prend sa part !
Désormais, dans un contexte plus incertain, chacun annonce sa propre stratégie. Cela ne justifie certes pas l'abandon des objectifs, en particulier la programmation pluriannuelle des investissements (PPI). Mais ces objectifs ne doivent pas être considérés, comme c'est souvent le cas, comme des maxima mais comme des minima, surtout si l'on pense au débat à venir sur le futur du nucléaire.
Soyons donc vigilants à ne pas brouiller le message. Nous avons connu la crise, c'est vrai, mais également un plan de relance. Nous avons débattu à l'époque de l'affectation des moyens alloués à cette relance. L'affectation d'une part d'entre eux à la recherche en développement durable et aux TCSP a permis d'assurer durablement certaines orientations. Ainsi, j'en suis convaincu, le financement des TCSP par le grand emprunt et l'Agence pour le financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est un gage de réussite. Néanmoins, il aurait été peut-être possible de renforcer d'autres secteurs. Et je redis mon regret que nous n'ayons pas eu à disposition une analyse précise des aides fiscales et budgétaires en vigueur dans les secteurs concernés : le Gouvernement a fait ses choix, à lui de les assumer...
André Chassaigne a évoqué la réglementation thermique. Dans le cadre de nos auditions, j'ai rencontré les responsables d'un bureau d'étude certifié pour les activités de diagnostic de performance énergétique. Ces diagnostics existent depuis 2006. Les organismes doivent être accrédités par le ministère, qui délivre une formation minimale par rapport à un référentiel établi. Mais, depuis 2006, de nouveaux acteurs sont entrés massivement sur le marché et aujourd'hui, les organismes accrédités sont trop nombreux. Le cadre référentiel doit être actualisé tous les cinq ans. En d'autres termes, nous avons l'opportunité de nous saisir de la question avant le 1er janvier 2012 afin de redéfinir le référentiel et de crédibiliser la certification.
Au-delà, je tiens à le souligner, la différence de coût entre un diagnostic de performance énergétique et un audit énergétique varie de 1 à 10. Dès lors, se pose la question d'aides éventuelles à accorder aux particuliers. La ministre Nathalie Kosciusko-Morizet s'est d'ailleurs interrogée la semaine d'ailleurs à ce sujet. Consciente du retard pris sur les prêts éco-PTZ et de l'impossibilité d'arriver à 400 000 logements rénovés d'ici 2013, il lui faut trouver des moyens de doper le système pour augmenter le nombre de réhabilitations dans le bâtiment ancien.
Pour ce qui concerne la recherche en développement durable, un milliard d'euros supplémentaires devait lui être affecté. Si l'on se fonde sur les chiffres depuis 2008, c'est-à-dire la date de la loi, l'objectif n'est pas atteint. En revanche, si l'on étudie l'évolution des crédits depuis 2007, c'est-à-dire si l'on fait le bilan de la législature, le milliard est atteint. Tout est une question de point de vue.
En revanche, concernant l'équivalence de la recherche sur le nucléaire civil et les nouvelles technologies propres, on a bien atteint la parité.
S'agissant des remarques de Bertrand Pancher sur la méthode utilisée, nous avons essayé d'être le plus concret possible, en fondant notre analyse sur les réalités du terrain. Comme nous l'a confié une association après la publication du rapport d'Ernst & Young, « on est bien avancés car maintenant on sait que les engagements sont engagés ». Nous avons concentré nos travaux sur une approche qualitative en dressant un bilan des évolutions sur le terrain et en identifiant les blocages. Quant au souci d'être accessible à l'opinion publique, nos conclusions sont, dans la mesure du possible, objectives.
La mise sous tension des acteurs est évidemment une bonne stratégie. C'est d'ailleurs le rôle du comité de suivi du Grenelle, dont les différents groupes de travail ont commenté le rapport réalisé par Ernst & Young. Je vous encourage à consulter leurs travaux.
Par ailleurs, au-delà du rapport du Gouvernement prévu par la loi, il serait utile de disposer d'informations précises complémentaires, comme c'est le cas pour les lois de finances et la vérification de l'application des décrets. Je pense ainsi à la question des seuils définis dans le Grenelle II. Les associations nous encouragent à être particulièrement attentifs aux seuils choisis pour les bilans carbone.
J'ai déjà répondu à l'interrogation de Jean-Paul Chanteguet sur l'ambition des objectifs. En revanche, je confirme que le rapport annuel du Gouvernement ne traite pas de manière détaillée et approfondie des conséquences de la mise en oeuvre des dispositions du Grenelle sur les finances locales et le niveau des prélèvements obligatoires. Nous devrions effectivement étudier cette question plus précisément. S'agissant du temps nécessaire à la rénovation des bâtiments pour lesquels l'État est compétent – 140 ans – soyons effectivement vigilants face aux annonces en trompe l'oeil. L'État se doit d'être exemplaire. A ce titre, je rappelle que l'autorisation de circulation accordée aux poids lourds ayant une capacité de 44 tonnes devait être liée à l'étude de la limitation de la vitesse à 80 kilomètres à l'heure sur les autoroutes et de l'interdiction de dépassement. Cette étude n'a jamais été faite alors que l'autorisation a été délivrée…
Permettez-moi d'abord de souligner la qualité du travail accompli. Il y a un « avant » et un « après » Grenelle. Le Grenelle marque une étape dans la conception de l'action publique et dans les modes de vie de tous les acteurs. Le cycle amorcé sera très long et il est, à ce titre, important d'en suivre l'avancée à travers la réalisation des objectifs fixés.
Je me concentrerai sur le secteur du bâtiment, où la révolution en cours est évidente. Nous l'avons d'ailleurs constaté avec Philippe Tourtelier, lors de la visite du centre de recherches d'un fabricant de matériaux : les nouvelles exigences de performance technique sont présentes en permanence dans la mise au point de nouvelles techniques d'assemblage ou de nouveaux produits. Ainsi, la qualité de l'air intérieur, la limitation de la production de déchets, la performance énergétique et l'analyse du cycle de vie sont au coeur de la réflexion des professionnels. Au-delà, les collectivités publiques et les particuliers s'investissent. Nous avons tous des exemples en tête dans nos circonscriptions. Pour aider les professionnels, il faut aussi développer les actions de formation. Le diptyque « formation-information » des différents acteurs est l'un des défis essentiels pour la réalisation des objectifs du Grenelle.
Je ne partage pas l'enthousiasme de Serge Grouard et de Bertrand Pancher et j'ai été de ceux qui n'avaient pas eu besoin du Grenelle pour être conscient de certains problèmes ! Aujourd'hui, on est loin du nouveau modèle de société dont vous parlez, malheureusement, et que j'appelle de mes voeux. Votre logiciel est toujours celui du libéralisme, avec son corollaire de profit, symbolisé par votre antienne de la « croissance verte ».
Le Grenelle II a représenté un recul dans bien des domaines par rapport au Grenelle I, en particulier dans celui des énergies renouvelables. Les tenants de l'énergie nucléaire ont obtenu que soient successivement portés des coups mortels aux filières éolienne et photovoltaïque. A la lumière des événements de Fukushima, ne croyez-vous pas nécessaire et urgent que soit rouvert, devant le Parlement et notre pays, un débat de fond sur notre production énergétique, sa sécurité et le nécessaire rééquilibrage en faveur du renouvelable ?
Les objectifs du Grenelle ne sont pas trop ambitieux, ils doivent être mis en place au cours des décennies à venir. Il faudra que des rapports d'étape réguliers et successifs viennent en étudier l'avancée.
J'aurais quelques questions très techniques. S'agissant de l'écotaxe sur les poids lourds, plusieurs fois reportée, avez-vous aujourd'hui la certitude que les moyens techniques sont suffisamment avancés pour que la mise en place soit effective dès qu'une volonté politique se sera manifestée ?
En matière de production d'électricité par biomasse, il avait été décidé dans le cadre de la loi NOME de permettre la réalisation de petites unités de production (moins de 3 MWh), notamment dans les scieries. Quelque temps après, on constate qu'aucun projet en ce sens n'a encore été déposé : cela pourrait-il faire partie d'une réflexion dans le cadre de votre rapport, pour que cette possibilité se concrétise au bénéfice des scieries françaises, à l'instar de leurs homologues allemandes ?
Vous évoquez également les nouveaux parcs nationaux et mentionnez une réflexion ministérielle en cours sur de nouveaux sites. J'avais cru comprendre que la ministre envisageait, de son côté, le lancement d'un appel à projets en direction des collectivités territoriales. Où en est-on de l'ensemble de ces réflexions aujourd'hui ?
Merci pour ce travail précis et intelligent. L'idée de le prolonger par une séance de questions au ministre dans l'hémicycle me semble bonne et si certains font part aujourd'hui d'une certaine déception, c'est que le projet était au départ, selon les termes du rapport, « romantique et ambitieux ». Au reste, si l'ambition est aujourd'hui « bridée », toute la question est de savoir qui tire sur les rênes ! N'y a-t-il qu'un problème de financement ou est-ce la volonté politique qui fait défaut ?
Sur le terrain, à l'exception notable des débats pour l'élaboration des SCOT, personne ne me parle jamais du Grenelle …
… et j'en viens à me demander si la grande idée dont parlait notre président n'a pas accouché de simples mesures d'affichage. Une véritable stratégie a-t-elle été mise en oeuvre ? Qu'en est-il par exemple des diagnostics énergétiques ? Ne serait-il pas judicieux de nommer un responsable de la mise en oeuvre du Grenelle par région ? Ne faut-il pas formaliser des clauses de revoyure fixant de véritables obligations ?
Bravo pour ce rapport d'étape. N'étant pas à l'échéance des objectifs du Grenelle, je trouve naturel que tous ne soient pas remplis. Vous ne serez pas surpris que la présidente du conseil national sur les déchets que je suis débute son propos par les déchets, qui font l'objet des articles 47 et 48 de la loi. Depuis que la TGAP est redistribuée aux collectivités, ce domaine est en ébullition. L'ADEME nous accompagne et les programmes locaux de prévention se mettent en place. Je rappelle que le recyclage et le traitement des déchets représentent un marché de 11 milliards d'euros et je me félicite que notre commission auditionne bientôt les éco organismes, lesquels perçoivent, via les écotaxes, une recette, appelée à progresser de manière continue, d'un à deux milliards.
S'agissant de la préservation de la biodiversité, un gros travail a été accompli dans les bassins versants avec des outils de planification comme les SDAGE et les SAGE, en liaison avec les agences de l'eau. Une question reste en suspens : quid de la maîtrise d'ouvrage dans le cadre des commissions locales de l'eau (CLE) ?
J'insiste enfin sur l'importance capitale du tarif de rachat de l'électricité issue du biogaz – pour lequel nous avons rattrapé l'Allemagne. Il faut se pencher à présent sur le tarif d'injection des biogaz dans le réseau car cela constitue un bon canal de traitement des effluents agricoles.
Au final, l'ambition du Grenelle me semble intacte, et non « bridée » !
Merci pour ce rapport précis, concret et de qualité. Contrairement à Catherine Quéré, je constate sur le terrain que la dynamique du Grenelle est bien perçue. Dans ma circonscription, les cinq villes principales sont d'ores et déjà engagées dans une démarche d'«Agenda 21 » ou de conclusion d'une charte de haute qualité environnementale.
Pour autant, je suis tout de même encline à considérer que le Grenelle représente une ambition un peu déçue – sinon bridée ! – et j'illustrerai mon propos par l'exemple du bâtiment. S'il n'y a pas de difficulté dans le neuf, la rénovation thermique de l'existant – en particulier dans le cadre des programmes de rénovation urbaine – se heurte à de réels obstacles et le recul des moyens financiers ne va pas aider. En outre, alors qu'elles devraient se montrer exemplaires, les collectivités ne bénéficient d'aucune aide, et, avec la baisse de leurs ressources du fait de la réforme de la taxe professionnelle et du gel des dotations, n'ont plus les moyens de rénover leurs propres bâtiments.
Enfin, je déplore que la baisse des aides en faveur des écoquartiers.
Je vous félicite pour ce rapport et je persiste à considérer que la démarche du Grenelle est excellente. Elle a entraîné une mutation des comportements et la démarche participative en collèges a bien fonctionné, même si elle repose aussi sur la force et le dynamisme des comités de pilotage exécutifs présents sur le terrain.
Comme l'ont dit certains de nos collègues, il faut donner du temps aux collectivités et veiller à ne pas les asphyxier par une nouvelle forme de sur-réglementation, les capacités d'absorption de leurs services techniques et de leurs bureaux d'études n'étant pas illimitées.
Autre sujet qui me tient à coeur : où en est-on pour ce qui concerne le Conseil national de la mer et des littoraux ? Quel sera le poids des élus dans sa composition ? Le Conseil sera-t-il bien associé à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) ? Jouera-t-il son rôle de « Parlement du littoral » parallèlement aux conseils de façade ?
S'agissant du fret ferroviaire, le Grenelle a fixé des objectifs et un agenda consensuels et ambitieux. Je ne le conteste pas, mais force est d'admettre que nous sommes en train de perdre le pari du transfert modal. Songez que la part du fret non routier a chuté de 18% en 2000 à 12,1% l'année dernière, avec une évolution encore moins favorable pour le seul fret ferroviaire ! Avec l'ouverture de la liaison Perpignan-Luxembourg, l'engagement national pour le fret ferroviaire produit des effets favorables. Mais il faut savoir que la création par la SNCF d'un réseau à priorité fret s'accompagne d'un mouvement de désertification des territoires en desserte de fret ferroviaire à l'ouest d'une ligne Dunkerque-Perpignan. Et je ne m'attarde pas sur la difficile émergence des opérateurs ferroviaires de proximité ou sur l'abandon du wagon isolé.
Renonçons à l'idée que la performance du fret ferroviaire ne repose que sur l'amélioration des infrastructures et actionnons plusieurs leviers : la fiabilisation du service via l'amélioration de la prévisibilité du trafic et de la qualité des sillons, l'innovation technologique, l'enrichissement de la chaîne logistique…
Quant à l'écoredevance sur les poids lourds, je ne partage pas l'optimisme de certains ! Si l'appel interjeté par le Gouvernement n'est pas entendu, cela sera remis à 2015 et l'on se demande comment l'AFITF va tenir jusque là !
Le Grenelle de l'environnement a donné un fantastique élan dans de nombreux domaines. S'agissant de l'eau, les mises aux normes des stations, l'identification des périmètres de captage et le retrait des matières toxiques dans le cadre du programme « Ecophyto 2018 » méritent d'être salués. Et je partage l'analyse de Fabienne Labrette-Ménager sur la gestion des bassins versants.
Je me réjouis que le Grenelle ait permis de poursuivre la dynamique engagée dans le cadre du plan national pour l'agriculture biologique de 2004, avec le maintien de l'incitation fiscale afférente sous la forme d'un crédit d'impôt.
Enfin, je me félicite de l'installation de l'Institut technique de l'abeille, du lancement du plan national pour l'apiculture et de l'adoption par l'ONU, la semaine dernière à Genève, d'un rapport sur la mortalité des abeilles et des pollinisateurs sauvages dont les grandes lignes reprennent le rapport que j'avais eu l'honneur de commettre à ce sujet.
Je salue ce travail, qui me sera très utile pour faire de la pédagogie en circonscription sur le Grenelle.
Je partage les analyses de Philippe Duron sur les transports et je souhaite évoquer une LGV, chère au président Grouard, qui n'a pas été citée : le Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon (POCLE). Pour autant, les LGV ne permettront pas à elles seules de relever le défi du transfert modal et il faut également s'attacher à la modernisation et à l'électrification du réseau. Tout doit être fait pour harmoniser les politiques des transports et de l'énergie. Aussi déploré-je que dans le cadre du projet de centrale électrique de Commentry, dans ma circonscription, le cahier des charges de l'appel d'offres ne comprenne pas une clause de desserte obligatoire du site par voie ferrée – laquelle existe ! Moralité, nous aurons des dizaines de semi-remorques supplémentaires sur des routes déjà saturées. C'est bien au Parlement – et non aux opérateurs de transport – qu'il revient d'imposer la logique du transfert modal.
Qu'il me soit permis, en cette veille d'installation officielle du cent-unième département français à Mayotte, de saluer nos amis Mahorais : puisse notre commission les aider à conforter leur parc naturel marin qui constitue une prodigieuse réserve de biodiversité.
Je pense me faire l'interprète de plusieurs d'entre nous en indiquant que le projet de titre de cet excellent rapport : « Grenelle I : l'ambition bridée » n'est pas satisfaisant. Pourquoi ne pas traduire plutôt l'idée d'un Grenelle « engagé » ?
S'agissant de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), notre commission auditionnera son président, M. Philippe de Ladoucette, le 10 mai prochain, ce qui permettra d'aborder toutes les questions qui vous intéressent.
À Philippe Plisson, je répondrai que, s'il évoque toujours le logiciel du libéralisme, de son côté il n'utilise que celui de la vision négative. Les rapporteurs sont, à l'évidence, favorables à un débat sur la sécurité nucléaire ; ils le sont aussi au principe de booster les énergies renouvelables.
En ce qui concerne l'écoredevance, plusieurs échéances ont été évoquées, jusqu'en 2015. Sur un plan technique, les soumissionnaires avaient présenté des solutions par repérage satellitaire.
À Catherine Quéré, je répondrai que nous ne sommes pas déçus. Mais il est vrai qu'une volonté responsable doit tenir compte des possibilités financières.
Pour ce qui concerne le titre, qui fait débat, il est possible soit de mettre un point d'interrogation après : « Une ambition bridée », soit de choisir un titre neutre comme : « Le Grenelle I : où en est-on ? »
S'agissant du fret ferroviaire, je vois un quatrième levier pour redresser la situation : restaurer un climat de confiance avec les chefs d'entreprise potentiellement clients.
Dans le domaine du bâtiment, qui compte quatre millions d'actifs, la formation constitue un élément primordial. Pour ce qui concerne le bâtiment neuf, avec la RT 2012, on est dans le normatif : les choses avancent. Pour le bâti ancien, on est en revanche dans l'incitation et un retard de un à deux ans est constaté. Comme l'indiquait la semaine dernière la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet, au cours d'un débat, peut-être faut-il désormais étudier l'instauration d'obligations minimales de travaux lors de la revente.
Il faut reconnaître qu'un peu de temps est nécessaire aux régions pour s'approprier l'ensemble des documents et outils mis en place en matière d'éolien ou d'écologie. Il serait donc intéressant de reprendre ce dossier un peu plus tard, dans un ou deux ans. Il est en revanche clair que les régions constituent le maillon essentiel où s'articulent les objectifs et les réalités de terrain.
Au sujet du traitement des ordures ménagères, la situation est très contrastée en fonction des secteurs.
Dans le domaine du fret ferroviaire, je partage les interrogations de Philippe Duron. De grands débats sont devant nous, portant notamment sur l'arbitrage entre les LGV et la modernisation-régénération du réseau. Dans un récent courrier, RFF a attiré l'attention sur le fait que le contrat signé avec l'État n'était pas respecté.
Au sujet de l'écotaxe poids lourds, il est vrai que l'appel d'offres a été contesté en justice. Si appel est interjeté de la décision du tribunal administratif, la mise en place de la taxe pourrait se trouver reportée jusqu'en 2015. Je rappelle simplement que l'allègement de la taxe à l'essieu, supposée être la contrepartie de l'instauration de l'écotaxe, est quant à elle effective depuis 2009. Tout ceci ne favorise pas le transfert modal vers le ferroviaire.
J'ai par ailleurs bien pris soin de noter que l'Institut de l'abeille avait été créé.
De la place que j'occupe, je ne peux que chercher à faire la synthèse de ce qui a été dit. Deux sensibilités s'expriment, qui convergent pour une grande part, dans le constat, mais débouchent sur des appréciations d'ensemble plus contrastées. D'un côté une vision plutôt optimiste, de l'autre un regard un peu plus pessimiste. Nos rapporteurs sont naturellement entièrement libres de leurs appréciations. Mais comme je sens, pour ce qui concerne le titre, que celui-ci fait débat, je pense qu'une solution plus neutre permettrait de dépasser cette contradiction. N'est-ce pas le contenu du rapport qui prime ? Il ne faudrait pas, si le terme «bridé » était retenu , que ce soit lui seul qui reste dans les mémoires.
Ce serait un bien piètre hommage au long travail accompli par l'ensemble des acteurs du Grenelle que de nier les nombreux résultats concrets auxquels ils ont abouti. En ce qui concerne le fret ferroviaire, par exemple, cette question est débattue depuis vingt ans et ce n'est donc pas l'application du Grenelle qui est en cause. Dans ces conditions, un titre neutre est préférable pour le rapport.
Mes chers collègues, Philippe Tourtelier et moi-même vous suggérons le titre suivant pour notre rapport : « Loi Grenelle I : de l'ambition au réel ». (assentiment).
Interrogée sur la publication du rapport, la commission l'autorise à l'unanimité.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 30 mars 2011 à 9 h 30
Présents. - M. Jean-Pierre Abelin, M. Yves Albarello, M. Jérôme Bignon, M. Philippe Boënnec, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Françoise Branget, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, Mme Claude Darciaux, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, M. Raymond Durand, M. Paul Durieu, M. Philippe Duron, M. Albert Facon, M. Daniel Fidelin, M. Joël Giraud, M. Daniel Goldberg, M. François-Michel Gonnot, M. Didier Gonzales, M. François Grosdidier, M. Serge Grouard, M. Michel Havard, M. Antoine Herth, M. Armand Jung, M. Jacques Kossowski, Mme Fabienne Labrette-Ménager, M. Pierre Lang, M. Jacques Le Nay, M. Jean-Pierre Marcon, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, Mme Sophie Primas, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. René Rouquet, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Philippe Tourtelier
Excusés. - M. Jean-Yves Besselat, M. Christophe Bouillon, M. Lucien Degauchy, M. André Flajolet, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Jean-Pierre Giran, M. Jean Lassalle, M. Thierry Lazaro, Mme Annick Lepetit, M. Yanick Paternotte, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Max Roustan, M. André Vézinhet
Assistaient également à la réunion. - M. Bernard Lesterlin, Mme Martine Lignières-Cassou