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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Séance du 13 octobre 2010 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CNIL
  • OCLDI
  • ethnique
  • fichier
  • gendarmerie

La séance

Source

La séance est ouverte à 9 heures 30.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

La Commission procède à l'audition, ouverte à la presse, du général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale, accompagné de M. Laurent Touvet, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, sur la question des fichiers détenus par la gendarmerie.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

L'ordre du jour appelle l'audition, relative à la question des fichiers détenus par la gendarmerie, du général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale, accompagné de M. Laurent Touvet, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Messieurs, la commission des Lois a en effet souhaité – et ce souhait est partagé par la majorité comme par l'opposition, une demande ayant été également présentée en ce sens par Mme Delphine Batho – vous entendre à la suite du dépôt d'une plainte, auprès du procureur de la République de Paris, pour « constitution de fichier non déclaré » et « conservation de données à caractère personnel qui font apparaître les origines raciales et ethniques ». Il s'agirait d'un fichier détenu par l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI).

Je salue à cette occasion le travail accompli par cet office, dont la création, en 2004, a constitué un grand progrès. Au nom de tous les membres de la Commission des lois, je vous prie, mon général, de transmettre à l'ensemble des militaires de la gendarmerie nos remerciements pour leur dévouement quotidien, dans tout le pays, au service de la tranquillité publique.

Nous allons donc nous intéresser ce matin à l'existence éventuelle de ce fichier. Nous comprenons qu'un service comme l'OCLDI ait besoin de renseignements et donc de fichiers de police. Je souhaiterais cependant que vous expliquiez à la représentation nationale, en toute transparence, quels fichiers les gendarmes de l'OCLDI sont autorisés à constituer et à consulter. Nous sommes d'autant plus sensibles à cette question que deux de nos collègues, Jacques Alain Bénisti et Delphine Batho, ont rendu un rapport d'information sur le sujet il y a quelques mois, et que le fichier évoqué n'a pas été porté à leur connaissance.

Permaliengénéral Jacques Mignaux

Croyez-le bien, je suis satisfait de pouvoir, au nom de la gendarmerie nationale, m'exprimer en toute transparence devant vous afin de mettre fin à des allégations qui tendent à jeter le discrédit sur notre institution. Les gendarmes vivent mal ces mises en cause.

Il nous est reproché de détenir des fichiers fondés sur des critères ethniques ainsi qu'un fichier généalogique. Qu'en est-il exactement ?

Nous avons évidemment publié un démenti, mais il a été très faiblement repris. C'est donc avec une certaine satisfaction que j'ai accueilli l'arrivée, vendredi, des contrôleurs de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), à l'OCLDI et au service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD), respectivement commandés par le colonel Stéphane Ottavi et le colonel Francis Hubert, ici présents.

Dès le lendemain de la parution de l'article d'un quotidien du soir, et encore hier, la CNIL a fait procéder à une enquête dans mes services. Ces contrôles ont permis de mettre en évidence, de manière incontestable, l'absence de toute base de données à caractère personnel utilisant des critères ethniques. Vendredi dernier, les enquêteurs de la CNIL sont restés sept heures à l'OCLDI, à Arcueil, et trois heures au STRJD, à Rosny-sous-Bois. Hier, la commission a dépêché à nouveau des enquêteurs, pour des investigations qui n'ont rien fait apparaître d'irrégulier.

Si j'ai bien compris, elle a procédé, dans nos systèmes informatiques, à des interrogations à partir des mots-clés « rom », « gitan », « tsigane », « MENS ». Elle a pu alors constater, tant à Arcueil qu'à Rosny-sous-Bois, que « les requêtes effectuées n'ont pas révélé de données révélant des origines ethniques particulières ». L'intervention de l'autorité administrative indépendante devrait permettre de rétablir la vérité sur ce point.

Le vocable « MENS », acronyme pour « minorités ethniques non sédentarisées », est usité au sein de la gendarmerie depuis une étude sur la criminalité en date du 25 mai 1992. La gendarmerie n'a peut-être pas la paternité de cette appellation ; en tout cas, elle n'est pas la seule à en faire usage ; on le retrouve dans des publications très sérieuses, vous l'avez peut-être remarqué vous-mêmes. En gendarmerie, le vocable a été utilisé pour faciliter le classement et l'échange d'informations, non pour constituer des fichiers d'étrangers ou d'une catégorie de citoyens. Je considère toutefois que l'emploi de cet acronyme, en raison des malentendus qu'il est susceptible d'engendrer, n'est plus opportun aujourd'hui, et je donnerai prochainement des instructions en ce sens : il sera remplacé par « délinquance d'habitude ».

L'OCLDI a succédé à la cellule interministérielle de lutte contre la délinquance itinérante (CILDI), qui avait été créée en août 1998. Le décret de création de l'OCLDI, daté du 24 juin 2004, lui donne pour mission de centraliser, coordonner, analyser et diffuser au niveau national, voire international, les informations recueillies dans son domaine de compétence. Ainsi, l'étude des modes d'opération des malfaiteurs itinérants est clairement au coeur de sa mission.

En raison de la grande mobilité de ses auteurs, actifs tant en France qu'à l'étranger, il est compliqué d'appréhender cette forme de délinquance. Sa répression est également rendue difficile par l'organisation même de cette criminalité, souvent le fait d'équipes de professionnels chevronnés, réitérants ou récidivistes. Celles-ci se livrent à des vols de métaux, de distributeurs de billets ou de fret, ainsi qu'à des agressions extrêmement violentes contre des personnes vulnérables et isolées. Elles opèrent souvent la nuit, ce qui rend difficiles les arrestations en flagrance : seules des enquêtes menées durant plusieurs semaines, parfois plusieurs mois, permettent la résolution de ces affaires, au terme d'un travail de documentation et d'analyse conduit sur la base d'informations provenant des unités de gendarmerie et des services de police.

Je rappelle à nouveau, comme l'a constaté la CNIL, que l'OCLDI ne possède plus de fichier généalogique. Une base de données, intitulée Geneatic, avait certes été créée en 2000 pour faciliter le travail de la CILDI. Le responsable de la cellule avait alors acheté un logiciel de généalogie disponible sur le marché civil en vue de constituer des schémas généalogiques et des présentations des environnements de délinquants. En 2006, la nette amélioration de la qualité de la remontée de l'information judiciaire par JUDEX a fait tomber l'outil Geneatic en désuétude ; d'autre part, toutes les études juridiques démontraient sa non-conformité définitive à la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978. La gendarmerie a alors décidé de supprimer cette base de données, par une note datée du 13 décembre 2007.

Les informations nécessaires à l'OCLDI sont enregistrées dans une base de données temporaire, de travail, appelée « base OCLDI », hébergée sur un serveur du STRJD depuis décembre 2007. Seuls une quinzaine d'analystes – effectif à mettre au regard des quelque 200 000 enquêteurs de police et de gendarmerie – sont en mesure d'effectuer des requêtes dans cette base de données, afin de satisfaire aux demandes des enquêteurs de terrain comme des magistrats.

Cette base de données conserve une trace des demandes adressées par les unités, ce qui permet de rapprocher des faits identiques et d'alerter les services d'enquête territoriaux. Elle fournit également des éléments statistiques pour définir des plans de lutte contre les phénomènes de délinquance itinérante, en évolution incessante. Elle comprend l'ensemble des informations relevant des domaines de compétence de l'OCLDI, transmises par les unités de gendarmerie et les divers services partenaires – police nationale, administration fiscale, douanes –, ou bien recueillies dans le cadre de procédures judiciaires. Elles sont issues des différentes bases judiciaires et des messages opérationnels transmis par les unités ou par les administrations.

Lors de la constitution de cette base de travail, la gendarmerie s'est interrogée sur le statut juridique des données concernées, qui ne constituent pas un fichier d'antécédents, contrairement à STIC et à JUDEX – le système de traitement des infractions constatées et le système judiciaire de documentation et d'exploitation. Il s'agit en effet d'un fichier de rapprochement et surtout d'une base de données, qui a vocation à figurer au nombre des fichiers d'analyse sérielle prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI). Si cette disposition est adoptée, un décret devra être pris, après avis de la CNIL, afin de mettre en conformité notre base de travail. Les délais d'adoption de la LOPPSI expliquent la situation actuelle : une base de données au statut juridique imprécis. Depuis 2006, la gendarmerie n'a eu de cesse de proposer l'élargissement de la définition des fichiers d'analyse sérielle, au-delà de ce que permettent les lois de 2003 et de 2005.

Créé par un arrêté du 22 mars 1994, le fichier SDRF du ministère de l'intérieur permet le suivi des titres de circulation délivrés aux personnes « sans domicile ni résidence fixe ». Déclaré à la CNIL en 1994, il est utilisé par les préfectures. Hébergé par le STRJD, il comporte des éléments d'état civil et n'est pas fondé sur un critère ethnique. Il est également utilisé par les magistrats et, sur réquisitions judiciaires, par les enquêteurs de l'OCLDI.

La CNIL a pu constater que l'OCLDI ne recourt qu'à des fichiers légaux et déclarés. La gendarmerie a procédé à la déclaration des fichiers indispensables à l'activité opérationnelle de l'institution. JUDEX, le fichier des personnes recherchées FPR, des logiciels de rédaction de procédures tels que LRPGN, des registres informatiques des brigades comme PULS@R et le fichier BDSP – base de données de sécurité publique – ont d'ores et déjà été déclarés ou sont en cours de déclaration. Le fichier des objets volés et des véhicules signalés FOVeS et le programme de traitement des procédures judiciaires TPJ – fusion de STIC et de JUDEX – le seront très prochainement. Les outils d'analyse criminelle et d'analyse sérielle, dont nous avons un besoin impératif pour remplir notre mission, seront déclarés dès l'adoption de la LOPPSI.

Depuis 2006, la question des fichiers est devenue extrêmement sensible. Nous avons notamment eu à traiter d'un fichier des saisonniers, dans les Alpes, et nous avons pris toute la mesure des carences qu'il nous fallait absolument combler. La gendarmerie nationale a donc institué, en 2008, une mission permanente de suivi des systèmes d'information à vocation opérationnelle (MPSSI). Ce dispositif structuré et permanent de contrôle coordonne les différents acteurs de la gendarmerie et impulse une véritable politique interne. La mission cherche à développer des outils adaptés aux enjeux opérationnels tout en s'assurant de leur conformité aux règles de protection des données à caractère personnel.

Nous avons également mis sur pied un groupe des référents fichiers, comprenant, pour chaque fichier, un technicien et un administrateur fonctionnel. Il prolonge efficacement l'action de la MPSSI par une politique efficace en matière de gestion des droits d'accès et de contrôle des utilisateurs.

En septembre 2009, nous avons décidé de renforcer encore ce dispositif en mettant en place deux bureaux de contrôle au sein de l'inspection générale de la gendarmerie nationale : le bureau de la sécurité des systèmes d'information, chargé de contrôler les infrastructures techniques et d'en prévenir les failles ; le bureau du contrôle et de l'évaluation des fichiers, chargé de prévenir la constitution de fichiers irréguliers et les utilisations frauduleuses. Leur action a déjà donné des résultats.

Ce dispositif vise à mettre en oeuvre une politique claire, destinée à développer des fichiers répondant aux besoins opérationnels en même temps que conformes à la législation sur la protection des données. Il tend également vers un meilleur contrôle des utilisateurs et permet désormais un recensement permanent des bases de données existantes.

Enfin, la gendarmerie participe au groupe de contrôle sur les fichiers, dirigé par M. Alain Bauer : nous avons ainsi entrepris, depuis plusieurs années, un important travail d'inventaire des bases nationales et locales en notre possession. La gendarmerie, dans ce cadre, a supprimé ses fichiers mécanographiques : prévue à l'échéance du 24 octobre 2010 par une loi de 2004, cette suppression a été opérée par avance et nous avons dégagé des solutions pour leur archivage. Sont concernés le fichier de la batellerie, le fichier des personnes nées à l'étranger FPNE et surtout le fichier alphabétique de renseignements FAR.

Démentant les allégations dont a fait l'objet la gendarmerie nationale, les contrôles réalisés par la CNIL tendent à démontrer l'absence, tant à l'OCLDI qu'au STRJD, de tout fichier contenant des données à caractère ethnique. La gendarmerie n'a rien à cacher, la transparence dont elle a fait preuve au cours de ces contrôles le démontre.

L'institution a toujours été très attachée à la protection des libertés publiques mais elle n'en demeure pas moins blessée par ces tentatives de déstabilisation. Je me fais ici le porte-parole de mes gendarmes, qui oeuvrent quotidiennement au profit de la sécurité de nos concitoyens.

PermalienLaurent Touvet, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

La direction des libertés publiques et des affaires juridiques est un service administratif dont la dimension n'est pas comparable avec celle de la direction générale de la gendarmerie nationale – j'ai sous ma responsabilité une équipe de 180 personnes, à comparer avec les 100 000 gendarmes.

Notre rôle, en matière de fichiers, consiste à présenter à la CNIL les dossiers administratifs du ministère de l'intérieur et à veiller à leur conformité. À cet effet, nous travaillons évidemment avec les services opérationnels de police et de gendarmerie.

Comme la mission d'information l'avait souligné en 2008, il arrive que des traitements soient développés avant la mise en oeuvre de la procédure de déclaration et d'autorisation. Il existe en effet un décalage entre, d'une part, le temps opérationnel, qui requiert des mesures rapides pour répondre à des problèmes d'ordre public ou s'adapter à telle ou telle forme de délinquance, et, d'autre part, le temps juridique, qui est plus long et peut nécessiter des retours d'expérience du terrain, afin d'affiner les objectifs, les catégories de données et la nature des personnes autorisées à y accéder.

C'est pourquoi le ministère de l'intérieur, depuis 2008 ou 2009, a entrepris une vaste action de mise en conformité des traitements centraux et locaux : sur les dix-huit traitements de données dépourvus d'acte juridique recensés par le groupe Bauer, quatorze ont fait l'objet d'une déclaration depuis lors ou sont en cours de régularisation – certains d'entre eux seront éligibles aux mesures contenues dans la LOPPSI.

Les traitements locaux de données sont des outils de travail, développés par chaque brigade de gendarmerie et chaque unité de police pour leurs tâches de gestion quotidienne et par conséquent très nombreux : registres de fourrière des véhicules, des personnes assignées à résidence, des débits de boissons, etc. Pour les régulariser, nous utilisons l'article 26 de la loi de 1978, qui nous permet de définir un acte réglementaire cadre auquel chaque unité locale se réfère pour déclarer la conformité de son traitement local. Cette méthode permet de mettre en conformité un très grand nombre de fichiers, de diffuser les bonnes pratiques et de veiller à une certaine uniformité de l'action des services locaux de police et de gendarmerie. Pour effectuer ce travail, nous sommes évidemment en contact avec la CNIL ; nous avons organisé une réunion spécifique en avril dernier à ce sujet. La question est réglée pour les registres de procurations de vote et j'ai bon espoir d'aboutir prochainement pour les registres de fourrière, pour ceux du contrôle judiciaire et pour ceux des débits de boisson.

Certaines mises en conformité concernent plus particulièrement la gendarmerie. Après l'adoption de la loi du 3 août 2009, la direction des affaires juridiques du ministère de la défense nous a communiqué la liste des trente et un traitements utilisés au sein de celle-ci et dont elle avait connaissance : huit d'entre eux ont été abandonnés, cinq seront caducs à brève échéance – ils seront remplacés par des traitements modernisés ou mutualisés avec la police –, trois relèvent d'une dispense de déclaration et quinze doivent faire l'objet d'une simple procédure de régularisation rédactionnelle consistant, dans les prochaines semaines, à prendre acte du passage sous tutelle du ministère de l'intérieur.

Nous sommes aussi en train de procéder aux autorisations de traitements importants concernant la gendarmerie. Pour le logiciel de rédaction de procédures, la CNIL et le Conseil d'État ont rendu leur avis, et l'arrêté ministériel est en cours de contreseing. Pour la gestion des services et du courrier, la CNIL a rendu son avis et l'arrêté ministériel est en cours de contreseing. Nous avons aussi saisi la CNIL, en août dernier, au sujet du système d'authentification centralisé de la gendarmerie, portail d'accès par lequel passent toutes les requêtes des gendarmes, pour lequel nous attendons un récépissé de déclaration ; ce système nécessite l'usage d'un code et chaque gendarme sera bientôt doté d'une carte individuelle, dans le but de garantir la traçabilité, car l'on pourra alors savoir qui a consulté quelle base à quel moment. Nous avons enfin saisi la CNIL, il y a quelques semaines, au sujet des modules de renseignement de la gendarmerie, qui donneront lieu à des décrets en Conseil d'État, afin d'assurer l'équivalent de ce qui existe déjà dans la police.

Notre troisième domaine d'intervention consiste à rechercher des mesures législatives pour permettre la prise en compte de nouveaux besoins opérationnels, dans le respect des droits et libertés des personnes. Ces mesures ont vocation à s'insérer dans un projet et une proposition de loi.

Premièrement, le projet de LOPPSI traite de trois catégories de fichiers principales. Pour les fichiers d'antécédents, le contrôle serait amélioré par l'institution d'un magistrat référent, magistrat national dédié. Pour les fiches d'analyse sérielle, destinés à renforcer la lutte contre la moyenne délinquance, les seuils seraient abaissés à cinq ans pour l'ensemble des infractions et un magistrat référent serait également institué pour leur contrôle, ces dispositions étant désormais inscrites dans le code de procédure pénale. Les logiciels de rapprochement judiciaire, fichiers de travail destinés à traiter la petite délinquance sérielle, verraient eux aussi les seuils d'infractions abaissés mais, dans un souci de protection de la vie privée, recenseraient, non pas les personnes, mais les faits, les modes opératoires, les techniques ; l'anonymat ne serait levé que lorsque des rapprochements laisseraient supposer que plusieurs faits ont été commis par la même personne.

Deuxièmement, la proposition de loi du président Warsmann relative à la simplification du droit pourrait répondre au souci de mieux associer le Parlement à la création et au fonctionnement des traitements de données de sécurité publique, en définissant, à l'article 26 de la loi de 1978, les onze catégories de traitements susceptibles d'être créés, par décret ou par arrêté selon leur contenu.

Cette proposition de loi institue enfin une procédure d'expérimentation, qui permettrait de résoudre les questions posées par le décalage entre l'urgence opérationnelle et la durée requise pour préparer l'acte juridique. Les services de police et de gendarmerie pourront ainsi déclarer un traitement à la CNIL et le faire fonctionner pendant dix-huit mois, le temps de mettre en ordre l'acte réglementaire d'autorisation. L'État de droit y gagnera, d'autant que les notions figurant dans la loi Informatique et libertés ne sont pas toujours d'interprétation aisée.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je souligne la qualité du travail effectué par nos collègues Delphine Batho et Jacques Alain Bénisti sur ce sujet, qui, depuis longtemps, n'avait pas fait l'objet d'un examen parlementaire aussi approfondi.

PermalienPhoto de Delphine Batho

Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir bien voulu organiser cette audition dans des délais relativement courts.

Étant élue d'un territoire rural, je mesure toute la difficulté du travail de la gendarmerie nationale, particulièrement s'agissant de combattre la délinquance itinérante.

À la suite des révélations sur l'existence d'un fichier « ethnique » et d'un fichier généalogique, le ministre a déclaré qu'il n'avait pas connaissance du premier et a assuré que le second avait été détruit en 2004… tout en demandant un contrôle. Nous voulons simplement savoir la vérité, toute la vérité, sachant que toutes les informations données ce matin ne nous avaient pas été communiquées lors de notre mission d'information. L'exploitation d'un fichier non déclaré est un délit pénal, à plus forte raison s'il se fonde sur des critères ethniques. Si la loi Informatique et libertés autorise, dans certaines circonstances, la collecte de données dites sensibles, il est strictement interdit de procéder à la sélection de données relatives à l'origine ethnique ; ce serait contraire à tous les principes de la République française.

Peut-être serait-il utile, au terme de ses contrôles, d'auditionner la CNIL, de manière à ce qu'elle puisse indiquer ce qu'elle aura pu constater.

Pour l'OCLDI, vous parlez de base de données. Mais il ne faut pas jouer sur les mots : une base de données est un fichier informatique. Ce ne sont pas de simples allégations mais des éléments précis qui sont avancés : des statistiques des années 2000 à 2004, avec des tableaux par nationalité d'une catégorie ethnique, les MENS ; des pièces émanant de l'OCLDI, notamment des correspondances avec les parquets qui mentionnent la consultation du « fichier MENS » ; des documents plus récents, en particulier une présentation PowerPoint de 2007, consultable sur Internet, contenant des statistiques ethniques extraites du fichier JUDEX. Comment expliquer l'existence de ces différents éléments ?

Le général Jacques Morel, ancien responsable de la CILDI, affirme dans une interview à Rue89 : « Ces chiffres proviennent du fichier SDRF. » Or, à ma connaissance, il est formellement interdit de mentionner dans ce fichier des informations relatives à des procédures judiciaires, ce qui inclut toute référence aux interpellations.

J'ai bien entendu vos explications relatives au fichier de l'OCLDI mais je me pose plusieurs questions.

Une circulaire du 7 novembre 1991, adressée à tous les services de gendarmerie, donnait le mode d'emploi des déclarations de fichiers à la CNIL. Comment expliquer qu'un office créé en 2004 par un décret signé du ministère de la défense mais aussi de celui de l'intérieur, Nicolas Sarkozy à l'époque, exploite une base de données non déclarée à la CNIL ? Le ministre affirme lui-même aujourd'hui qu'il n'a pas connaissance de ce fichier et son existence n'a pas non plus été portée à notre connaissance lors de notre mission d'information, comme en attestent les notes que la gendarmerie nous a alors communiquées.

Cette base de données fonctionne-t-elle avec le logiciel d'analyse criminelle ANACRIM, au sujet duquel l'on ne saurait invoquer un vide juridique ? L'article 21-1 de la loi du 18 mars 2003 est en effet extrêmement clair. Du reste, un fichier temporaire n'a pas vocation à se transformer en base de données. Enfin, cela doit être géré sous le contrôle d'un magistrat. Comment expliquer qu'un décret ait été pris pour le système d'analyse des liens de la violence associée aux crimes SALVAC en 2009 et qu'il soit impossible d'en faire de même pour ANACRIM ?

Pouvez-vous préciser la situation exacte du FAR et du FPNE, deux fichiers manuels qui, aux termes de la loi, doivent être détruits au 24 octobre 2010 ? Sur quel outil les brigades de gendarmerie pourront-elles s'appuyer pour remplacer le FAR ? Si j'ai bien compris, un projet de décret serait « dans les tuyaux » pour un système équivalent à EDVIGE (exploitation documentaire et valorisation de l'information générale).

Il serait intéressant d'auditionner le ministre, la CNIL et peut-être aussi, en vertu de l'article 145-8 du règlement, de faire jouer le droit de suite des travaux parlementaires : six mois après avoir remis notre mission d'information, il s'agirait de faire le point sur la mise en oeuvre des recommandations que nous avions formulées.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Étant l'auteur de l'amendement qui a conduit à l'adoption de l'article 145-8, je ne puis qu'être d'accord avec cette dernière proposition.

S'agissant du FAR, l'échéance est effectivement le 24 octobre 2010. Où en est-on du transfert, de la destruction ou de l'archivage des données ? Quelles instructions ont été données à ce sujet aux différents services ?

PermalienPhoto de Didier Quentin

En tant que rapporteur d'une mission d'information relative aux gens du voyage, je profite de votre présence, mon général, pour vous demander de préciser quel est l'intérêt, pour la gendarmerie nationale, du livret spécial de circulation et du carnet de circulation.

PermalienPhoto de Étienne Blanc

Nous vous sommes reconnaissants de vos explications car les informations relatives à la constitution d'un fichier illégal nous avaient un peu ébranlés. Pour l'opinion publique, une information diffusée dans la presse est un fait acquis et certains éditorialistes ont manqué de distance. L'on a pu lire, par exemple : « Il est crucial de savoir qui l'a créé au sein de la gendarmerie, sous quelle autorité militaire ou politique, et quelles communautés françaises ou étrangères étaient visées ». Vous êtes dans une situation bien pénible car vous êtes de bonne foi et vous vous heurtez à une avalanche de communication, à propos de quelque chose qui n'existe pas.

Vos services ont-ils eu à subir des contrôles inopinés de la CNIL ? Dans quelles conditions sont-ils mis en oeuvre ? Sont-ils prévus juridiquement ? Et fréquents ?

Pouvez-vous nous donner des détails sur vos procédures d'autocontrôle ? Sont-elles suffisantes et assez simples pour donner des résultats satisfaisants ?

PermalienPhoto de Éric Ciotti

Vos explications extrêmement claires sont de nature à dissiper les fausses interrogations de la presse et de l'opposition, qui avaient très vite migré sur un champ relevant du débat politique, voire politicien. Des propos excessifs ont été tenus, M. Caresche parlant d'« affaire d'État » et Mme Batho prétendant dans une dépêche que ce fichier était de nature à « heurter profondément l'ensemble des républicains ».

Nous sommes confrontés à beaucoup d'hypocrisie. Voici quelques lignes de la note relative aux sans domicile ni résidence fixe, rédigée le 25 mai 1992 lorsque M. Pierre Joxe était ministre de la défense, dans un style très personnel : « Si l'époque des voleurs de poules est révolue, l'activité délinquante de certains SDRF demeure une constante de leur mode de vie […]. [Ces individus] n'hésitent pas à foncer sur les véhicules des forces de l'ordre ou à user de leur armement, ce qui augmente leur dangerosité. ». Il ajoutait : « Les origines ethniques sont variées : la qualification administrative “SDRF” s'applique aussi bien à des nomades français, depuis longtemps sur le territoire, qu'à des gitans ou manouches plus récemment naturalisés ».

Vous avez présenté les améliorations extrêmement importantes qui ont été apportées. Les articles 10 et 11 ter de la LOPPSI clarifieront opportunément certains points, concernant notamment les fichiers de rapprochement. L'élargissement du champ des infractions pouvant donner lieu à la création de fichiers d'analyse sérielle contribuera à améliorer considérablement les taux d'élucidation et donc de répondre aux attentes des victimes.

Ces échanges, enfin, pourraient ouvrir sur un débat relatif aux statistiques ethniques. À cet égard, je salue la prise de position de M. Urvoas, secrétaire national du Parti socialiste chargé de la sécurité : il y a une semaine, dans une émission de La Chaîne parlementaire, il a indiqué qu'à titre personnel, il n'était pas opposé à la constitution de statistiques ethniques.

PermalienPhoto de Claude Bodin

J'ai été rapporteur d'une mission d'information parlementaire relative aux armes à feu, dont les conclusions ont été adoptées par notre Commission il y a quelques mois. Les services de gendarmerie disposent-ils d'un accès aisé au fichier AGRIPPA, application nationale de gestion du répertoire informatisé des propriétaires et possesseurs d'armes ? Sont-ils satisfaits des informations recensées dans ce fichier ? Que préconiseraient-ils pour l'améliorer ?

PermalienPhoto de Philippe Goujon

J'exprime mon écoeurement face aux tentatives de déstabilisation, par le biais de manipulations de l'information, d'une arme républicaine, la gendarmerie, qui travaille quotidiennement au service de nos concitoyens. Cette déstabilisation ne peut qu'entraver la lutte contre l'insécurité. Je ne fais de procès d'intention à personne mais ces fichiers visent à améliorer la sécurité de nos concitoyens. Chaque texte, qu'il s'agisse de la garde à vue ou d'un autre sujet, suscite des commentaires visant à réduire les moyens dont disposent nos forces de sécurité. Or, pour améliorer la sécurité de nos concitoyens, il faut au contraire s'en donner les moyens.

PermalienPhoto de François Vannson

J'ai été le rapporteur, l'année dernière, du texte relatif au changement de tutelle de la gendarmerie, qui allait dans le sens de la mutualisation des moyens, notamment des fichiers. De ce point de vue, les choses se passent-elles normalement ?

PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Cette audition est intéressante, il ne faut pas s'en étonner : nos collègues de la majorité doivent s'habituer à ce que l'opposition pose des questions.

Quand nous nous interrogeons sur des fichiers, ce n'est pas pour en contester le principe. Les fichiers sont des outils indispensables à la lutte contre la délinquance et personne, dans notre famille politique, n'a contesté leur existence. Mais, pour être efficaces, ils doivent être exploités dans le respect des libertés publiques. Nous recherchions la connaissance parce que la situation était ambiguë. Vous nous apportez des éléments de réponse mais les questions légitimes soulevées par Delphine Batho nous amènent à nous interroger sur le degré d'information de la représentation nationale.

Quel est le statut de l'OCLDI ? Dépend-il de la gendarmerie, du ministère de l'intérieur ou de celui de la défense ?

J'ai le sentiment que ce fichier procède d'une initiative locale, sporadique, de la nécessité de compiler des données dans le cadre d'enquêtes : les services ont l'habitude de récupérer des informations, puis de les effacer mais, un jour, ils se disent qu'il est dommage de ne pas se servir de l'outil informatique pour les stocker systématiquement en vue d'obtenir un fichier de travail. Ai-je bien retracé le processus ?

À quel moment, en votre qualité de major général ou, par la suite, de directeur général de la gendarmerie, avez-vous pris connaissance de l'existence de ce fichier, dont vous nous dites qu'il n'existe plus depuis 2007 ? À quel moment la CNIL a-t-elle été informée de l'existence d'un outil organisé, compilant des informations locales ?

Serait-il utile que nous nous retrouvions dans trois mois pour revenir sur la question ? Autrement dit, estimez-vous nous avoir donné des informations exhaustives sur ce fichier ou est-il possible que vous soyez amené à découvrir autre chose ? Jusqu'à quel point un directeur d'administration centrale est-il certain que ce qu'il dit à la représentation nationale reflète la totalité de la réalité ?

Monsieur Ciotti, la note de Pierre Joxe ne se résume pas à ce que vous en avez lu et le Parti socialiste assume pleinement son contenu.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

L'OCLDI a été créé par un décret du 24 juin 2004, sur le rapport du ministre de l'intérieur, du garde des sceaux et du ministre de la défense de l'époque. Au premier alinéa de l'article 1er, il est précisé qu'il est rattaché à la sous-direction de la police judiciaire de la direction générale de la gendarmerie nationale.

Permaliengénéral Jacques Mignaux

Je vous remercie pour la qualité de vos questions.

Madame Batho, la gendarmerie a suivi avec grand intérêt les travaux que vous avez menés avec M. Bénisti, et a été attentive à vos cinquante-sept préconisations. Nous avons en particulier soutenu votre proposition tendant à distinguer fichiers d'analyse sérielle et fichiers de rapprochement et pleinement participé à sa mise en oeuvre dans le cadre de la LOPPSI, dont nous attendons l'adoption.

Lorsque vous recensiez les fichiers, la gendarmerie ne vous a rien caché. Je vous ai expliqué que l'outil concerné est une base documentaire destinée à effectuer des rapprochements et non à compiler les antécédents judiciaires, sujet sur lequel vous avez principalement travaillé. Cela étant, l'OCLDI vous est ouvert ; si vous souhaitez le visiter, nous vous y accueillerons volontiers. Quant à cette base, elle entrera dans le cadre des fichiers sériels prévus par la LOPPSI et un décret sera pris, après avis de la CNIL.

Le fichier SDRF ne fait pas mention de condamnations pénales, seul le fichier JUDEX permet d'obtenir ces informations. Le tableau des interpellations que vous avez mentionné provient de données JUDEX relatives à la nationalité de personnes interpellées.

Le logiciel ANACRIM est totalement indépendant des bases de travail et des autres applications. Nous ne l'utilisons que dans le cadre d'enquêtes judiciaires complexes.

Depuis 2007, le STRJD a fait l'objet de quatre contrôles de la CNIL : deux sur le fichier des personnes recherchées, un sur le fichier des empreintes digitales et un sur JUDEX, à propos de l'affaire Soumaré. Ces contrôles sont généralement annoncés avec un préavis d'un ou deux jours, mais ceux qui ont eu lieu depuis vendredi étaient inopinés.

SALVAC est un fichier permanent alors qu'ANACRIM est un traitement temporaire, mis en oeuvre dans telle ou telle enquête.

Les fichiers FAR et le FPNE sont totalement neutralisés : ils ont été retirés de toutes les brigades territoriales et de toutes les unités. Toutes les fiches ont été rassemblées dans des armoires fortes, cadenassées, et le moment venu, elles seront détruites.

PermalienLaurent Touvet, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

L'article 36 de la loi Informatique et libertés autorise la conservation de ces données, au-delà de la durée prévue, à des fins historiques. Le code du patrimoine dispose qu'un dialogue doit s'instaurer, à l'issue de la durée de conservation des données, entre le service gestionnaire et le service des archives, afin de sélectionner des fiches. Ainsi, pour le fichier alphabétique de renseignements, la gendarmerie et les archives ont décidé que les fiches de quatre brigades seulement sur 4 000 seraient conservées, à titre de témoignage historique. Pour le fichier national des personnes nées à l'étranger, seul un échantillon constitué des fiches des personnes dont le nom commence par une lettre donnée sera gardé. Le fichier de la batellerie, aujourd'hui inutilisé, sera en revanche conservé dans son intégralité, à titre de documentation historique, car il apporte de multiples informations sur l'organisation et l'économie de la batellerie depuis plusieurs décennies.

Permaliengénéral Jacques Mignaux

En 2009, lorsque j'ai donné l'ordre de fermer le fichier alphabétique de renseignements par anticipation, cela n'a pas été sans poser de problèmes et, dans les brigades, il m'a souvent été reproché de supprimer un outil de travail. En effet, il est demandé aux gendarmes de connaître les populations, qu'elles soient installées depuis longtemps, de passage ou présentes épisodiquement ; or ils en arrivent à ne plus savoir qui vit dans leur circonscription, ce qui pose des problèmes pour des affaires ayant du reste plus souvent trait à l'intérêt des familles qu'à des enquêtes judiciaires. Nous avons donc supprimé cet outil mais nous attendons avec impatience que la CNIL nous autorise à nous doter d'un nouvel outil : la base de sécurité publique.

Monsieur Quentin, la question de l'intérêt du livret spécial de circulation et du carnet de circulation est du ressort du Gouvernement ou du Parlement : quel titre convient-il d'attribuer aux personnes dépourvues de domicile fixe ? Le carnet de circulation est détenu par les personnes exerçant une activité, le livret spécial par celles qui n'en exercent pas. Ces documents doivent être visés dans un service de police ou de gendarmerie, selon une périodicité d'un an pour le carnet et de trois mois pour le livret spécial. C'est un moyen d'établir un contact avec ces populations, qui peuvent faire l'objet de recherches de renseignements de la part des administrations, et de les suivre. Il permet aussi de faciliter les rapports entre élus locaux et groupes itinérants.

Monsieur Bodin, les gendarmes consultent le fichier AGRIPPA au travers de l'office central de lutte contre le crime organisé, qui dépend de la direction centrale de la police judiciaire. Les consultations sont extrêmement rapides, grâce à des liaisons intranet sécurisées ; je n'ai pas entendu parler de difficultés particulières mais nous vérifierons si des points doivent être améliorés.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je crois que notre rapporteur, pour sa part, en est convaincu !

Permaliengénéral Jacques Mignaux

Monsieur Vannson, en quinze mois, nous avons énormément travaillé pour assurer la mutualisation puisque la loi nécessitait l'adoption de plus de cent textes réglementaires, décrets ou arrêtés. Il fallait en outre intégrer une administration qui ne nous connaissait pas, sans pour autant rompre notre appartenance à la communauté militaire. En toute objectivité, je dois dire que nos craintes – partagées d'ailleurs par ceux qui s'apprêtaient à nous accueillir – se sont largement dissipées, grâce à la volonté du ministre de mener la réforme dans un esprit de parité et d'égalité de traitement, afin qu'une force ne se sente pas défavorisée par rapport à l'autre. Le climat, à cet égard, s'est singulièrement apaisé mais, sur certains sujets, il faut savoir marcher lentement.

Monsieur Urvoas, si vous craignez que n'existent encore des fichiers non déclarés, je veux vous rassurer. De Paris, il n'est sans doute pas très facile de recenser tous les fichiers de France et de Navarre, développés parfois par des « bidouilleurs » qui, pour gagner du temps, créent des applications intégrant des fiches nominatives. Ayant pris la mesure de l'écart entre ce que nous connaissions et ce qui existait, sous l'influence notamment de la mission d'information parlementaire et de la commission Bauer, nous avons décidé, depuis quatre ans et plus particulièrement depuis deux ans, de nous montrer beaucoup plus vigilants. En 2008, nous avons donc, comme je l'ai dit, mis sur pied la MPSSI et institué des référents. En décembre dernier, nous avons aussi créé deux bureaux à l'inspection générale. Le plus important est le bureau du contrôle et de l'évaluation des fichiers, dont je m'entretenais hier avec le chef de l'inspection de la gendarmerie nationale, le général Bernard Mottier. Son plan d'action est simple : envoyer des hommes dans tous les départements et procéder à un « vaccin » consistant à sensibiliser, à responsabiliser chaque décideur, de façon que les systèmes cachés soient déclarés ou supprimés ; lorsque ce tour de France sera terminé, retourner sur place et fouiller dans chaque « bécane ». Le sujet est complexe mais nous marchons donc vers une bonne gouvernance et, si vous m'invitez à nouveau dans trois ou six mois, je ferai un bilan.

Nous avons déjà relevé des comportements anormaux : des enquêteurs qui pénétraient dans des bases de données pour y récupérer des informations à des fins personnelles, ont fait l'objet de procédures et ont été condamnés. Nous sommes en train d'organiser une traçabilité : chaque gendarme sera prochainement doté d'une carte d'identité individuelle, qui lui permettra d'accéder à telle ou telle base de données et à tel ou tel niveau d'information que celle-ci contient, en fonction de son intérêt à en connaître. Une trace de la requête sera évidemment gardée, ce qui nous permettra de savoir qui a consulté la base. Lorsque la CNIL a contrôlé JUDEX à propos de l'affaire Soumaré, nous avons constaté des pics de consultation pour un homonyme et nous avons entendu individuellement tous les enquêteurs qui avaient utilisé abusivement leur habilitation : pour une majorité d'entre eux, nous nous sommes aperçus qu'il s'était agi d'assouvir une curiosité professionnelle mal placée.

Nous travaillons donc à une bonne gouvernance. Cependant, il faut aussi s'appuyer sur le professionnalisme de chaque enquêteur en le mettant en face de ses responsabilités. Quant à ma responsabilité à moi, c'est de veiller à la plus grande transparence possible mais j'ai besoin de l'aide du Gouvernement et du Parlement pour disposer d'outils déclarés, sachant que nous devons accomplir nos missions de sécurité publique en permanence.

PermalienPhoto de Delphine Batho

La mission d'information portait sur tous les fichiers, et pas seulement les fichiers d'antécédents.

Vous avez indiqué que le tableau des interpellations par nationalité était tiré de JUDEX, mais vous n'avez pas donné d'explication à propos des notes portant « informations officieuses, consultations du fichier MENS ». Si le fichier MENS n'existe pas, d'où proviennent ces éléments ? J'aimerais obtenir des réponses précises.

Ce qui nous préoccupe, ce n'est pas l'existence de fichiers de travail, mais celle d'un fichier ethnique, d'une nature bien différente.

D'autre part, la base de données de l'OCLDI ne saurait être assimilée à un fichier local utilisé par une brigade de gendarmerie. Si ce n'est pas avec ANACRIM, avec quel logiciel fonctionne ce fichier de rapprochement judiciaire ?

Permaliengénéral Jacques Mignaux

Je n'ai peut-être pas été très clair et je vous prie de m'en excuser. Je vous répète que nous ne possédons pas de « fichier MENS ». Si c'était le cas, je le saurais, mes adjoints ici présents me l'auraient dit – lorsque l'on est auditionné par la Commission des lois, autant dire la vérité, cela évite des désagréments ultérieurs.

L'article de presse à l'origine de cette affaire est une construction élaborée à partir de recoupements et de fuites. Je suis d'ailleurs en train de comprendre d'où proviennent ces dernières et je n'exclus pas des suites, car cela nous a causé un tort considérable.

Nous avons envisagé le problème sous tous les angles. Selon moi, ce qui est désigné comme « fichier MENS » est la base de travail de l'OCLDI, qui n'est pas un fichier ethnique.

La séance est levée à 11 heures.