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Intervention de Delphine Batho

Réunion du 13 octobre 2010 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir bien voulu organiser cette audition dans des délais relativement courts.

Étant élue d'un territoire rural, je mesure toute la difficulté du travail de la gendarmerie nationale, particulièrement s'agissant de combattre la délinquance itinérante.

À la suite des révélations sur l'existence d'un fichier « ethnique » et d'un fichier généalogique, le ministre a déclaré qu'il n'avait pas connaissance du premier et a assuré que le second avait été détruit en 2004… tout en demandant un contrôle. Nous voulons simplement savoir la vérité, toute la vérité, sachant que toutes les informations données ce matin ne nous avaient pas été communiquées lors de notre mission d'information. L'exploitation d'un fichier non déclaré est un délit pénal, à plus forte raison s'il se fonde sur des critères ethniques. Si la loi Informatique et libertés autorise, dans certaines circonstances, la collecte de données dites sensibles, il est strictement interdit de procéder à la sélection de données relatives à l'origine ethnique ; ce serait contraire à tous les principes de la République française.

Peut-être serait-il utile, au terme de ses contrôles, d'auditionner la CNIL, de manière à ce qu'elle puisse indiquer ce qu'elle aura pu constater.

Pour l'OCLDI, vous parlez de base de données. Mais il ne faut pas jouer sur les mots : une base de données est un fichier informatique. Ce ne sont pas de simples allégations mais des éléments précis qui sont avancés : des statistiques des années 2000 à 2004, avec des tableaux par nationalité d'une catégorie ethnique, les MENS ; des pièces émanant de l'OCLDI, notamment des correspondances avec les parquets qui mentionnent la consultation du « fichier MENS » ; des documents plus récents, en particulier une présentation PowerPoint de 2007, consultable sur Internet, contenant des statistiques ethniques extraites du fichier JUDEX. Comment expliquer l'existence de ces différents éléments ?

Le général Jacques Morel, ancien responsable de la CILDI, affirme dans une interview à Rue89 : « Ces chiffres proviennent du fichier SDRF. » Or, à ma connaissance, il est formellement interdit de mentionner dans ce fichier des informations relatives à des procédures judiciaires, ce qui inclut toute référence aux interpellations.

J'ai bien entendu vos explications relatives au fichier de l'OCLDI mais je me pose plusieurs questions.

Une circulaire du 7 novembre 1991, adressée à tous les services de gendarmerie, donnait le mode d'emploi des déclarations de fichiers à la CNIL. Comment expliquer qu'un office créé en 2004 par un décret signé du ministère de la défense mais aussi de celui de l'intérieur, Nicolas Sarkozy à l'époque, exploite une base de données non déclarée à la CNIL ? Le ministre affirme lui-même aujourd'hui qu'il n'a pas connaissance de ce fichier et son existence n'a pas non plus été portée à notre connaissance lors de notre mission d'information, comme en attestent les notes que la gendarmerie nous a alors communiquées.

Cette base de données fonctionne-t-elle avec le logiciel d'analyse criminelle ANACRIM, au sujet duquel l'on ne saurait invoquer un vide juridique ? L'article 21-1 de la loi du 18 mars 2003 est en effet extrêmement clair. Du reste, un fichier temporaire n'a pas vocation à se transformer en base de données. Enfin, cela doit être géré sous le contrôle d'un magistrat. Comment expliquer qu'un décret ait été pris pour le système d'analyse des liens de la violence associée aux crimes SALVAC en 2009 et qu'il soit impossible d'en faire de même pour ANACRIM ?

Pouvez-vous préciser la situation exacte du FAR et du FPNE, deux fichiers manuels qui, aux termes de la loi, doivent être détruits au 24 octobre 2010 ? Sur quel outil les brigades de gendarmerie pourront-elles s'appuyer pour remplacer le FAR ? Si j'ai bien compris, un projet de décret serait « dans les tuyaux » pour un système équivalent à EDVIGE (exploitation documentaire et valorisation de l'information générale).

Il serait intéressant d'auditionner le ministre, la CNIL et peut-être aussi, en vertu de l'article 145-8 du règlement, de faire jouer le droit de suite des travaux parlementaires : six mois après avoir remis notre mission d'information, il s'agirait de faire le point sur la mise en oeuvre des recommandations que nous avions formulées.

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