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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 15 décembre 2009 à 16h15

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • RATP
  • STIF
  • infrastructure
  • productivité

La séance

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La Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire entend M. Christian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes et M. Pierre Mongin, président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), sur un rapport particulier de la Cour des comptes relatif à la gestion de la RATP.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Christian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes, accompagné de magistrats de cette chambre, et M. Pierre Mongin, président-directeur général de la RATP.

Cette audition a été proposée par M. Hervé Mariton, notre rapporteur spécial pour les transports terrestres et maritimes, dès réception, début octobre, d'un rapport particulier de la Cour des comptes relatif aux comptes et à la gestion de la RATP pour les exercices 2001 à 2007.

Il faut dire un mot de la nature de ce document. À la différence du rapport d'enquête sur le spectacle vivant, qui nous avait réunis le 25 novembre dernier, il ne s'agit pas d'un rapport demandé à la Cour des comptes par la commission des Finances. Au contraire, les rapports particuliers sont transmis de façon automatique par la Cour des comptes, en vertu de dispositions législatives anciennes, codifiées à l'article L. 135-3 du code des juridictions financières.

Ces rapports font suite aux contrôles de la Cour sur des entreprises publiques. Ils sont destinés aux ministres intéressés et contiennent des considérations très complètes. En effet, la Cour doit y faire figurer non seulement ses observations sur « les comptes, l'activité, la gestion et les résultats de l'entreprise », mais aussi son avis sur la qualité de sa gestion, sur la régularité et la sincérité des comptes et, enfin, sur les éventuels redressements qui paraissent nécessaires.

C'est pourquoi il s'agit d'une source d'information très précieuse sur le secteur public. Le code prévoit que ces rapports particuliers « sont portés à la connaissance des membres du Parlement désignés pour suivre et apprécier la gestion des entreprises nationales et des sociétés d'économie mixte ».

En conséquence, lorsqu'un rapport particulier me parvient, j'en adresse copie, à la fois au rapporteur spécial compétent pour le secteur public, M. Camille de Rocca Serra, et au rapporteur spécial intéressé au fond – dans le cas de la RATP, le rapporteur spécial pour les transports routiers, ferroviaires, fluviaux et maritimes, M. Hervé Mariton. Le texte de l'article L. 135-3 ne prévoit pas une diffusion générale des rapports particuliers. S'agissant d'entreprises publiques, leur publication peut mettre en cause la protection du secret des affaires.

Je rappelle à la Commission que nous sommes destinataires d'autres documents adressés systématiquement par la Cour des comptes. L'article L. 135-5 du même code prévoit en effet que « les communications de la Cour des comptes aux ministres […] et les réponses qui leur sont apportées sont transmises aux commissions des finances […] à l'expiration d'un délai de réponse de deux mois ». Ces communications, qui portent sur les services de l'État, sont le plus souvent désignées comme des « référés » ; elles peuvent être aussi, mais plus rarement, des lettres d'observations définitives.

Comme vous le savez, depuis le début de la législature, j'ai tenu à informer chacun des membres de la Commission des référés qui nous parviennent. Non seulement les rapporteurs spéciaux concernés les reçoivent au complet, mais les lettres de transmission qui en récapitulent les principaux points sont adressées à tous les commissaires. Il est loisible à chacun de demander au secrétariat de la Commission les référés qui l'intéressent.

Dans l'année, nous recevons en moyenne près d'un référé par semaine et un rapport particulier par quinzaine. En certaines périodes, le flux est bien sûr plus intense encore. Ces différents documents alimentent la réflexion et les travaux des rapporteurs spéciaux, comme le montrent leurs rapports.

Sur ma proposition, le bureau de la Commission a prévu d'aller plus loin, à la faveur de deux initiatives.

Il nous semble d'abord utile de contribuer au débat public en publiant les référés, hormis, bien sûr, les référés confidentiels, sur notre site Internet, à la page d'accueil de la Commission des finances. Ils seraient mis en ligne une semaine après la transmission aux rapporteurs spéciaux concernés, qui auraient ainsi le temps d'en prendre connaissance et d'envisager les suites que mérite chaque référé.

Ensuite, afin de poursuivre le développement de nos activités de contrôle et de contribuer à resserrer encore nos liens avec la Cour des comptes, nous proposons de consacrer, tous les quinze jours, une audition à un sujet relatif à l'évaluation d'une politique publique. Le thème pourra faire suite au contrôle d'un rapporteur spécial, ou à un rapport de la Cour des comptes. Notre réunion de cet après-midi illustre par anticipation ce que pourra être demain cette procédure.

Dans son rapport particulier sur la RATP, la Cour des comptes a identifié quatre sujets principaux. Je ne pense pas nécessaire d'insister sur le fait que la démarche de la Commission prolonge nos travaux d'évaluation, en l'espèce sur la politique des transports collectifs. Vous voyez que nous ne recherchons pas le sensationnel.

Il nous arrive d'être rejoints par l'actualité, et la grève sur la ligne A du RER confirme la déficience de la qualité du service sur certaines lignes, quatrième problème identifié par la Cour des comptes.

Je propose que le président Descheemaeker nous présente les conclusions du rapport particulier, avant que M. Hervé Mariton ne nous indique les observations et les questions que ce rapport lui inspire. Il sera temps alors pour M. Mongin de nous apporter les réponses et les précisions qui lui paraissent nécessaires. Enfin, après que notre rapporteur général se sera exprimé, nous entendrons les collègues qui souhaitent intervenir.

PermalienChristian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes

Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir rappelé la diversité des documents que la Cour des comptes adresse au Parlement, tel que ce rapport « particulier ». Cette qualification, mise en exergue par certains journalistes, n'a rien de mystérieux : les rapports particuliers s'appellent ainsi depuis qu'à l'initiative du Parlement le contrôle des entreprises publiques, auparavant confié à la Commission de vérification des comptes des entreprises publiques, a été transféré à la Cour des comptes. Il s'agit donc d'un contrôle normal de la Cour des comptes, mais appliqué en l'occurrence à une entreprise publique.

Je résumerai, comme vous m'y invitez, les conclusions de la Cour des comptes, en me limitant à celles qui concernaient les comptes, laissant à M. Dov Zerah, conseiller maître, le soin de vous présenter les conclusions relatives à la gestion de l'entreprise publique.

S'agissant des comptes, il faut les replacer dans un contexte institutionnel marqué par la complexité du lien juridique qui lie la RATP au Syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF. On pourrait définir ce lien comme une sorte de « concession perpétuelle ». Or les conséquences pour les comptes diffèrent selon qu'on détient sur des biens une concession à perpétuité ou seulement pour une période donnée. Je vous rappelle qu'en Île-de-France, c'est le STIF qui est l'autorité organisatrice des transports, compétence dévolue normalement à la région.

Autre élément à prendre en considération, les perspectives d'ouverture à la concurrence en application du règlement européen du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, dit règlement OSP. Il s'agit certes de perspectives lointaines, puisque le secteur du transport routier ne s'ouvrira que dans quinze ans, le secteur du transport par tramway dans vingt ans, et les autres transports guidés dans trente ans. Désormais, la « concession » liant le STIF à la RATP ne pourra plus exister en l'état, ce qui ne sera pas sans incidence sur la comptabilité de cette dernière.

Dans le bilan, il faut distinguer entre immobilisations et dettes. Le bilan de la RATP comporte des éléments de déséquilibre, qui ne sont pas forcément imputables à la seule RATP : les tutelles sont aussi responsables de la situation, qui est ancienne.

En effet, le statut juridique des infrastructures gérées par la RATP est d'une complexité et d'une obscurité rares, avec des zones d'incertitude : on ne sait pas toujours très bien qui est propriétaire de quoi. Ce statut résulte de textes de 1948, année de la création de l'entreprise, de 1968, avec la réforme de la région parisienne, et de 1975. Le fameux « rapport Guillaume » a tenté de distinguer les immobilisations gérées par la RATP de celles dont la RATP est propriétaire. Ces dernières ne représenteraient que 49 % de l'ensemble des infrastructures exploitées par la régie. Or la régie les a longtemps inscrites en totalité à son actif. Cette situation a fait l'objet des critiques de la Cour, puisque, avant le 1er janvier 2005, le critère juridique de la propriété est déterminant dans l'inscription d'un bien à l'actif d'une entreprise.

À partir du 1er janvier 2005, les normes comptables changent : peuvent être inscrites à l'actif du bilan les immobilisations dont on a le contrôle. Aux yeux d'un juriste français, cette notion est beaucoup moins claire que celle de propriété, la question de savoir ce que la RATP contrôle recevant des réponses variées. Il n'en reste pas moins que cette nouvelle notion relativise les critiques de la Cour des comptes, car l'idée que la RATP contrôle toutes les infrastructures qu'elle exploite peut se défendre.

Le 1er janvier 2007, les normes comptables changent à nouveau, et la RATP passe aux International Financial Reporting Standards, ou normes IFRS. Enfin, de nouveaux changements sont à attendre du règlement OSP : celui-ci signe la fin, à l'évidence, du statut de quasi « concession » perpétuelle dont bénéficie la RATP, ce qui modifiera la structure de son bilan.

En quelques années, les règles applicables aux immobilisations de la RATP auront changé plusieurs fois, mettant en défaut l'établissement public quant au respect des normes comptables.

Au sujet des dettes inscrites au passif, qui dépassent les 4 milliards d'euros, la Cour relève que le bilan de la RATP n'a pas eu droit à une opération de « nettoyage » similaire à celle opérée au profit de la SNCF grâce à la création de Réseau ferré de France – RFF –, chargé de gérer les infrastructures, et à la distinction entre dette remboursable et dette non remboursable. Pourtant, comme la SNCF, la RATP a financé des infrastructures dont elle savait pertinemment qu'elles ne seraient jamais rentables.

Le problème était donc de rééquilibrer des actifs dont une partie n'aurait pas dû figurer au bilan de l'entreprise, et une dette particulièrement lourde. La solution aurait pu être le transfert des dettes de la RATP à d'autres collectivités, ou au STIF, à qui la loi avait transféré les biens de la RATP. On aurait pu également envisager de transférer à la RATP la propriété des infrastructures.

La loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports bouleverse le statut juridique de la RATP, en faisant de l'entreprise la gestionnaire des infrastructures, comme RFF, et le propriétaire des infrastructures du STIF. Ce changement règle le problème de l'inscription au bilan de la RATP de biens qui n'étaient pas sa propriété et peut-être pas vraiment sous son contrôle. Du point de vue de la Cour des comptes, cette loi a véritablement changé la donne : désormais, l'équilibre bilantiel de la RATP se présente sous un jour beaucoup plus favorable, et le bilan de l'entreprise tient debout.

Reste à examiner la gestion de l'entreprise, sous l'angle notamment de la productivité et du choix des investissements.

PermalienDov Zerah, conseiller maître à la Cour des Comptes

La Cour s'est posé la question de savoir si l'évolution de la situation de la RATP lui assurait un développement économique durable.

La Cour a, pour la période allant de 2001 à 2007, examiné la gestion du personnel, en tenant compte de l'incidence des lois aménageant le temps de travail et réformant le régime des retraites. Cet examen portait sur deux aspects : les ressources humaines, à savoir l'évolution des rémunérations et du nombre d'emplois, et l'organisation du travail.

Force a été de constater que la RATP n'avait pas mis en oeuvre de politique propre à lui assurer une productivité suffisante. En effet, en intégrant les effets sur les comptes de l'entreprise de la réforme du financement des retraites, les salaires et les charges sociales ont progressé de 22,3 % sur la période, soit une hausse de 3,18 % par an, largement supérieure à l'inflation. Quant aux effectifs, ils ont progressé de 8,7 % de 2000 à 2007, en raison notamment de l'aménagement du temps de travail. Les rémunérations brutes ont, quant à elles, progressé de 3,1 %, soit bien plus que l'inflation annuelle, qui a été de 1,77 %. Il en résulte que, sur cette période, la productivité aura été insuffisante pour corriger les déséquilibres d'un budget grevé par une dette considérable.

Il est à noter que la productivité est devenue, depuis, un des objectifs du contrat liant la RATP et le STIF. Dans son « Plan Ambition 2012 », la RATP s'est engagée à atteindre l'objectif de 2 % d'accroissement de la productivité par an, soit nettement plus que le 0,5 % constaté durant la période sous revue. Cet objectif de 2 % est d'ailleurs atteint en 2008. Il faudra suivre de près cet indicateur.

Nous avons recherché si les investissements à l'origine de la dette avaient généré suffisamment de cash flow pour atténuer la charge de la dette. Nous avons dû constater que la RATP a pris des décisions sujettes à caution en matière de choix de projets, faute d'avoir estimé leur rentabilité financière. La RATP a d'ailleurs reconnu que « sans dire que c'est le cas général, il peut être envisageable pour l'autorité publique de considérer que la réalisation d'une infrastructure lourde de transport va avoir une rentabilité positive pour la collectivité au sens du bilan socio-économique, mais une rentabilité négative pour la RATP. » Mais, aussi bien en termes de bilan socio-économique, de rentabilité financière ou de valorisation des gains de temps, les résultats sont éloignés des prévisions initiales.

La Cour met particulièrement en exergue l'abandon de la réutilisation de la petite ceinture ferroviaire, au profit des deux grands projets de tramways en voirie, le T2 prolongé et le T3 sur le boulevard des Maréchaux. Le rapport énumère les erreurs de procédure qui ont conduit la commission d'enquête sur le projet de prolongement de la ligne T2 à émettre un avis unanimement défavorable au projet. La Cour juge qu'il aurait été plus opportun de réutiliser la petite ceinture en améliorant le système de bus existant. Cela aurait permis d'éviter la congestion automobile que nous connaissons actuellement, ainsi que les projets actuels de métrophérique ou d'Arc Express : faute de parvenir à créer un véritable mode de transport régional à la périphérie de Paris, on n'a fait que reporter le trafic et les problèmes.

Quant à Meteor, cette incontestable réussite sur le plan technique a souffert d'un mauvais phasage, en ne faisant démarrer la ligne qu'à Madeleine, et non à Saint-Lazare, comme prévu initialement. Cette erreur initiale a entraîné des retards et des surcoûts, le coût prévisionnel augmentant de près de 65 %.

J'en arrive à la qualité du service. Dès la fin des années quatre-vingt-dix, la RATP a fait preuve de volontarisme dans ce domaine, notamment en édictant des normes qui ont été reprises par d'autres pays, notamment en Europe. Compte tenu de l'explosion du trafic – le record a été atteint en 2007, avec trois milliards de trajets – les résultats sont plutôt satisfaisants en matière de confort, de régularité, d'accueil, de propreté, de disponibilité des équipements et de sécurité. C'est pourquoi l'entreprise a pu, pendant toute la période, bénéficier en partie des bonus prévus par le contrat la liant au STIF.

Mais les points noirs persistent, arbres qui cachent la forêt. Il s'agit, comme nous le savons tous, des lignes 1 et 13 et des lignes RER A et B. il faut ajouter à cela les difficultés rencontrées de 2004 à 2007 par le service des bus, en raison des projets parisiens d'aménagement de voirie.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Je vous remercie. Quelles sont les questions de notre rapporteur spécial ?

PermalienPhoto de Hervé Mariton

La Cour formule des réserves sur les comptes de la RATP pour la période 2001-2007. J'aimerais savoir si le changement de l'état du droit qui a eu lieu depuis lors, notamment en ce qui concerne le régime de la propriété, pourrait amener la Cour à revenir sur ces réserves.

Pour quelle raison la distinction entre dette perpétuelle et dette remboursable n'a-t-elle pas été opérée ? Est-elle aisée ? Comment établir cette distinction ? Une solution similaire à l'article 4 du statut de RFF est-elle envisageable pour RATP ? Je rappelle que cet article impose à l'établissement public de ne financer un investissement que si celui-ci est rentable.

Troisièmement, la RATP doit nous expliquer pourquoi elle est incapable d'évaluer ses investissements. Quels sont ses engagements en la matière ?

Quatrièmement, le régime fiscal particulier de la RATP, qui l'exonère d'impôt sur les sociétés, est-il appelé à durer dans la perspective de l'ouverture du secteur à la concurrence ?

Enfin, quant à l'évolution de la productivité de l'entreprise, sur laquelle la Cour vient de s'exprimer avec une certaine retenue, son rapport donne des chiffres plus percutants. Ainsi, pour les conducteurs, le nombre d'heures travaillées est de 1 286 à Paris et de 1 527 à Berlin. À seize ans d'ancienneté, la rémunération mensuelle des conducteurs est de 1 840 euros à Berlin et de 2 570 euros à Paris. Ces différences ont certes des causes historiques et l'entreprise va dans la bonne direction en se fixant un objectif d'amélioration de la productivité. Mais, sans vouloir compliquer encore le dialogue social dans l'entreprise, si le seul horizon que se donne la RATP est un objectif de 2 % par an, il risque de se passer quelques décennies avant que nous puissions soutenir la comparaison avec d'autres réseaux.

PermalienChristian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes

Je veux d'abord préciser que je ne suis pas nécessairement en mesure de répondre à toutes les questions, si celles-ci sortent du cadre du rapport que je vous ai transmis. En outre, je ne suis pas sûr d'avoir encore saisi toutes les nuances de la toute récente réforme législative, et je ne peux évidemment me permettre d'extrapoler les projets en cours. Toutes choses égales par ailleurs, la Cour ne renouvellerait pas ses critiques, du moins sur le problème de l'inscription à l'actif d'immobilisations dont la RATP n'était pas propriétaire, qui est aujourd'hui réglé.

En revanche, la notion de contrôle n'est pas d'une limpidité totale. Selon certaines analyses de la loi, c'est le STIF qui contrôle les infrastructures exploitées par la RATP. Personnellement, j'ai tendance à y voir des éléments de contrôle par la RATP.

Quant à la question de savoir si la « concession » à la RATP ne sera plus perpétuelle, je ne suis pas en mesure d'y répondre pour l'avenir.

En ce qui concerne la distinction entre dette perpétuelle remboursable ou non remboursable, la Cour fait référence à l'article 4 du statut de RFF, et à la distinction entre la dette dite « article 4 » et la dette « non-article 4 », selon qu'elle finance des investissements rentables ou des investissements non rentables. La Cour estime logique qu'on applique une telle distinction à la RATP, qui ne pourra pas, par définition, rembourser des investissements non rentables.

Même si, comme tout citoyen et comme usager habitant la région parisienne, je regarde avec passion dans la presse les cartes de bouclage du « huit », je ne me sens pas autorisé à parler des projets d'aujourd'hui.

Il n'est pas très normal que la RATP échappe à une imposition de ses bénéfices, dès lors qu'elle en réalise. La question sera tôt ou tard posée par un concurrent.

Enfin, M. Dov Zerah a montré que la Cour des comptes avait vraiment compris l'effort réalisé par la RATP en matière de productivité, notamment dans le cadre de la contractualisation avec le STIF. Cependant, même si, faute de temps, la comparaison avec Berlin n'a pas été développée, une extrapolation à partir des années passées montre qu'un gain de productivité de 2 % par an n'est pas vraiment à la mesure des enjeux des années à venir.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Monsieur le président-directeur général, nous écoutons maintenant votre réaction et vos réponses.

PermalienPierre Mongin, président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens, RATP

Ce débat extrêmement utile est pour moi et mon équipe de direction un encouragement à améliorer nos performances.

Si j'assume bien sûr l'ensemble de la politique de l'entreprise pendant la période sous revue, qui va de 2001 à 2007, seule la période 2006-2007 me concerne directement.

Les relations de la RATP avec le STIF sont un élément clé. Comme l'a exprimé M. le président Christian Descheemaeker, la loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports est un élément de clarification fondamental. Le rapport de la Cour le démontre, son adoption était absolument urgente pour stabiliser le modèle économique de la RATP et lui donner une capacité à assurer une certaine « soutenabilité » dans les années à venir. C'est l'élément le plus fort qui ressort de l'examen par la Cour des questions structurelles.

En application de cette loi, le STIF devient de plein droit l'autorité organisatrice qu'il n'était pas jusqu'ici. Il acquiert la capacité de choix des exploitants ; le régime de propriété ne peut y faire obstacle. À compter du 1er janvier 2010, il devient propriétaire de la totalité des éléments nécessaires à l'exploitation, notamment de l'ensemble du matériel roulant de la RATP. À partir de cette date, la propriété de ce matériel lui est transférée gratuitement par la RATP.

Enfin, le nouveau positionnement du STIF, qui a décidé de s'endetter – pour la première fois de son histoire –, de 2 milliards d'euros d'ici à 2015, impose que le modèle économique de la RATP soit extrêmement clair : il doit faire apparaître avec évidence que ces dettes seront un jour remboursées.

La RATP a été très favorable à l'adoption de cette loi. En rendant à la RATP, établissement public industriel et commercial de l'État, la propriété de la totalité des infrastructures, comme avant la loi de décentralisation de 2004, le législateur lui a confié la mission permanente de leur maintien en bon état. Rappelons qu'elles lui ont été léguées par l'histoire de la région parisienne et qu'elle en a assuré depuis 1948 le bon entretien.

L'ouverture du marché et le règlement OSP ne désignaient pas le futur responsable de la gestion de l'infrastructure. Aujourd'hui, clairement, c'est la RATP. Grâce au cadre comptable et financier instauré en application de la loi, qui identifie les flux de dépenses et de recettes de cette mission, nous pourrons y affecter une part de la dette. Celle-ci deviendra non pas une dette non remboursable – toute dette doit être remboursée – mais une dette revolving, perpétuellement renouvelable. Telle est la décision du législateur. Dans des conditions d'autonomie comptable, nous devrons donc identifier les coûts de la gestion des infrastructures et, conformément à la loi, les faire certifier.

À ce progrès considérable vient s'en ajouter un deuxième, qui répond directement aux observations de la Cour. Dix ans ont été nécessaires à l'adoption du règlement européen OSP. Celui-ci, relatif en réalité à l'ouverture du marché dans le domaine du transport urbain, est applicable de plein droit depuis le 3 décembre 2009. Une législation destinée à donner au modèle économique un cadre d'application devenait donc indispensable à la sauvegarde de celui-ci. En effet, s'il peut s'appliquer directement en région, le règlement mettait à mal la législation qui régissait le transport en Île-de-France.

En conséquence, la concession faite à la RATP est désormais à durée limitée : trente ans pour le métro de Paris et le RER, vingt pour les tramways et quinze pour les bus. L'élaboration de nos calculs économiques doit désormais nous permettre de nous trouver à l'équilibre à son issue, le concédant étant le STIF.

La loi répond aussi à l'essentiel des arguments très pertinents soulevés par la Cour sur les questions structurelles – le rapport de la Cour utilise même l'expression « dette orpheline ». Désormais, nous disposons de règles de conduite pour agir de manière économiquement saine, et éviter de renouveler ce que nous avons fait trop souvent, c'est-à-dire financer ce que les partenaires du contrat de projets État-région (CPER), autrement dit l'État et la région, ne finançaient pas. Depuis cinquante ans, chaque fois que des infrastructures de transport nouvelles ont été créées en Île-de-France, il a été demandé à l'exploitant, la RATP, de participer à leur financement, et ce jusqu'à 17 % de leur montant. À mon arrivée en 2006, j'ai mis fin à cette situation très atypique, qui n'existe nulle part ailleurs en France. Nous payons aujourd'hui les derniers financements consentis.

La RATP a aussi toujours payé les ajustements qui ne pouvaient pas être financés dans le cadre du CPER. À cette fin, le ministère chargé des finances nous autorisait à emprunter. La dette de la RATP a donc pour origine non pas la nécessité de financer son fonctionnement ou encore une éventuelle mauvaise gestion, mais exclusivement le paiement d'infrastructures de transport franciliennes non financées par les collectivités publiques.

Désormais, recourir à la RATP à cette fin est devenu impossible. La RATP et le STIF devront donc redéfinir ensemble les clés de financement des infrastructures du modèle ainsi créé. Des matériels roulants de tramways vont appartenir dès le 1er janvier au STIF. Il nous est demandé, au nom d'une tradition de l'endettement sans limites, de les financer en totalité. Nous allons devoir en débattre assez vite avec le STIF. À cette fin, nous disposons désormais des éléments d'un meilleur cadre structurel.

J'apporterai aussi quelques nuances à la présentation de la gestion par M. Dov Zerah. Les données présentées pour la période sous revue sont bien sûr tout à fait exactes. Cependant, pendant ce laps de temps, le trafic a augmenté de 9,3 % en volume. De 2001 à 2007, l'augmentation a représenté chaque année l'équivalent de 250 millions de voyages supplémentaires, autrement dit l'ensemble cumulé du trafic de Bordeaux et de Marseille. Ce rappel permet de répondre à plusieurs remarques critiques sur nos résultats !

Pendant la période sous revue, la croissance des effectifs de la RATP a été exclusivement due à la progression de ce trafic. Une seule exception est à signaler : pour compenser la réduction du temps de travail, transposée à la RATP ipso facto par l'attribution de dix-sept jours de congés aux salariés – comme ailleurs, notamment dans les administrations publiques –, il a fallu procéder à 2 200 recrutements.

L'évolution de la productivité est donc extrêmement facile à lire : entre 2000 et 2003, la productivité décline du fait de l'absorption de la RTT. Depuis 2003, en revanche, elle ne cesse d'augmenter. Nous avons retrouvé en 2007 la situation antérieure à la RTT, autrement dit celle qui précédait le recrutement des 2 200 salariés nécessaires à la satisfaction de la production. À cette exception près, les augmentations de l'effectif n'ont jamais divergé des besoins de l'entreprise.

La masse salariale de la RATP, sur laquelle la Cour a également formulé des observations, a progressé de 22,18 % entre 2001 à 2007.Cependant, celle de l'État a progressé de 22,19 %, celle de la SNCF de 22,22 %, et celle d'EDF de 22,45 %. Pendant la période sous revue, la progression de la masse salariale de la RATP a donc parfaitement respecté les limites du cadrage national fixé par les autorités de tutelle, c'est-à-dire le ministère chargé du budget. Je rappelle au passage que ces augmentations sont nominales : pour connaître leur valeur réelle, il faut en déduire l'inflation.

Par ailleurs, depuis 2007, le résultat net de l'entreprise est passé de 40 millions d'euros à 80 millions, puis à 120 millions. Cette progression a pour seule origine la productivité. La réalité des résultats n'apparaît néanmoins pas dans les tableaux. Pourquoi ? C'est que les gains de productivité sont partagés en amont avec le STIF. Dans la période de croissance de la RATP, le STIF a récupéré en amont une partie de la croissance de l'entreprise, pour l'investir et accroître l'offre de services. Pour positive qu'elle soit, cette démarche a distrait les montants correspondants du chiffre d'affaires de la RATP. Si, selon la Cour, l'évolution du chiffre d'affaires n'est que de cinq points supérieure à celle de la masse salariale, en vérité cinq autres points ont bénéficié au STIF. Autrement dit, la productivité de l'entreprise s'est accrue de dix points et non de cinq.

J'ai lancé dans l'entreprise un plan visant à un accroissement supplémentaire de la productivité. Son objectif, une augmentation de la productivité de 2 % par an, est très difficile à atteindre dans une période sans croissance de l'offre. Aujourd'hui, sans doute pour des raisons de difficultés financières, le STIF a stoppé les offres nouvelles à la RATP. Ces 2 % n'ont dès lors pour support que les forces physiques de l'entreprise. L'effort est considérable. Sur la durée du plan, fixée en accord avec l'État, actionnaire principal de la RATP, le gain de productivité sera de 10 %. C'est l'équivalent d'un plan d'économies de 250 à 350 millions d'euros. Dans ce secteur, peu d'entreprises sont capables d'une telle performance ! Si atteindre ce double objectif d'une meilleure qualité de service et de productivité est difficile, comme le climat social le montre tous les jours, la réussite mettra l'entreprise hors des atteintes de la concurrence. Une étude réalisée en complément de celle de la Cour par un bureau d'audit, à la demande de l'actionnaire étatique, démontre que les surcoûts que nous devons résorber pour rester compétitifs face à la concurrence correspondent à peu près à l'objectif fixé : 300 millions d'euros. Notre situation au regard des concurrents privés sera alors tout à fait acceptable.

La loi votée, cela suppose que la RATP et le STIF renouent les fils du dialogue. Les efforts internes du management, comme ceux des salariés, qui adhèrent globalement aux objectifs d'efficacité, conduisent à la modernisation de l'entreprise et ne sont pas contradictoires avec ceux poursuivis par le STIF.

Certes, quelques spécificités subsistent. Pour peu qu'elle réalise des bénéfices – et si le législateur le décide – la RATP ne rechignera pas à payer l'impôt sur les sociétés. Je fais néanmoins remarquer que, lors de l'instauration de la RTT, elle n'a pas bénéficié d'exonérations de charges sur les bas salaires. Par ailleurs, si l'État actionnaire ne réclame pas le versement de dividendes, l'ensemble des bénéfices de la RATP – 120 millions d'euros aujourd'hui, résultats des efforts des hommes et des femmes qui y travaillent –, est entièrement investi, en accord avec lui et sous le contrôle du conseil d'administration, au profit de l'amélioration de la qualité du service en Île-de-France et des investissements nécessaires à la pérennité du réseau, c'est-à-dire au profit du service public.

PermalienPhoto de Hervé Mariton

Sur quel calendrier la RATP va-t-elle s'engager pour l'évaluation des investissements et la distinction de la dette perpétuelle remboursable ?

PermalienPhoto de Gilles Carrez

Je poserai trois questions sur les dépenses d'exploitation, les dépenses d'investissement et la qualité du service.

L'exploitation est désormais placée sous le régime de la concurrence. Certes, sur les lignes existantes, celui-ci n'entrera en vigueur qu'après de longs délais : quinze, vingt ou trente ans, selon qu'il s'agit de lignes de bus, de métro ou de RER. En revanche, l'entrée en vigueur est immédiate sur les nouvelles lignes. Or, même si, pour avoir siégé quelque temps au conseil d'administration du STIF, je suis conscient des efforts accomplis depuis quelques années –je pense notamment, en matière de productivité, à la réalisation des résultats prévus par le contrat avec le STIF –, le rapport de la Cour des comptes contient des chiffres inquiétants. Le chemin à parcourir reste très long : sur l'exercice 2005, le coût au kilomètre de la voiture de métro intra muros est de 12 % supérieur à celui des réseaux de métro de Berlin, Londres, Hong-Kong, Madrid, New York, et Tokyo. Hervé Mariton l'a dit, le volume horaire annuel de travail des conducteurs de métro est de 1 527 heures à Berlin et de 1 286 heures à Paris, pour une rémunération mensuelle après seize ans d'ancienneté de 1 840 euros à Berlin et de 2 570 euros à Paris. Les écarts sont donc assez substantiels. Malgré les très longs délais consentis, ils suscitent une réelle inquiétude quant à la capacité de l'entreprise à faire face à la concurrence. La question de la productivité se pose plus que jamais.

La loi du 8 décembre 2009 a, certes, opéré une indispensable clarification des investissements : dès lors que la dette de la RATP figure à son passif, il est sain que les infrastructures figurent à son actif. Néanmoins, ces dispositions ne sont-elles pas dangereuses pour l'avenir ? Alors que, dans le cadre d'une gestion comptable individualisée, les infrastructures figureront à son bilan, et qu'elle en sera responsable, la RATP ne sera-t-elle pas sollicitée pour la réalisation des considérables projets de la Société du Grand Paris ? Le projet de loi instaure une articulation étroite entre les deux structures. Aucun plan de financement précis n'a été établi. Comment pouvez-vous garantir l'étanchéité entre la RATP et les financements des infrastructures du Grand Paris, parmi lesquels le financement du « double huit », voire, de façon plus générale, les travaux particulièrement urgents de prolongement de lignes du RER ?

Enfin, et c'est ici l'usager qui parle, les conditions de transport offertes par la ligne A du RER sont extraordinairement difficiles. Trois jours sur quatre, elle accueille désormais plus d'un million de voyageurs. Cet effectif était encore exceptionnel voici trois ou quatre ans. Eu égard au déséquilibre entre la localisation des emplois et celle des logements, la situation ne pourra que s'aggraver.

Aujourd'hui, une grève sévit précisément sur cette ligne. Pour ce qu'on m'en indique, les dispositions relatives au service minimum n'y sont pas respectées : entre neuf heures trente et seize heures trente ou dix-sept heures, si des rames circulent entre Nation et Étoile, les banlieusards ne se voient plus proposer aucun service ! Ne parlons pas des conditions de transport aux heures de pointe : une rame sur deux seulement circule. Certes, avec, semble-t-il, 95 % des conducteurs en grève, je reconnais le caractère colossal des efforts réalisés par RATP. Pour autant, quelle est l'appréciation du président de la RATP au regard de la qualité du service ainsi que du service minimum ? Quelles sont les pertes prévisibles pour l'entreprise du fait de cette grève ? Quelles pénalités lui seront imposées par le STIF – la convention de la RATP avec celui-ci prévoit un régime de pénalités au titre de la qualité de service ? Enfin, comment les jours de grève seront-ils traités dans le compte d'exploitation de l'entreprise ?

PermalienPhoto de Claude Bartolone

Plusieurs de mes préoccupations recoupent celles du rapporteur général. Y figure bien entendu celle qui concerne la grève sur la ligne A du RER. Monsieur le président Mongin, le retard qu'ont pris les négociations pourrait-t-il être lié à votre venue devant notre Commission des finances ? Plus sérieusement, la comparaison entre la mobilisation de tous les échelons de l'État pour éviter la grève des transporteurs routiers et la prolongation du conflit sur la ligne A du RER m'incite à penser qu'un effort beaucoup plus sérieux est à faire pour mettre fin à ce conflit.

L'entreprise que vous dirigez pilote de nombreux chantiers inclus dans le CPER. Elle sera au coeur du projet de rocade prévu par le projet du Grand Paris. Comment allez-vous assurer la pérennité de la RATP à l'heure de l'ouverture à la concurrence ? Les différences de salaires entre Berlin et Paris ont été évoquées.

Quel montant d'investissements estimez-vous nécessaire à court terme pour mettre à niveau les lignes qui en ont le plus besoin, de façon à éviter que ne se généralisent les conditions de transport de la ligne 13 ou de certaines lignes du RER, causes chaque jour de difficultés considérables pour leurs usagers ?

PermalienPhoto de François Goulard

Les écarts mentionnés entre les conditions de travail et de salaires nous interpellent. Bien sûr, la responsabilité du pouvoir politique, et non pas seulement celle des dirigeants d'une entreprise publique, est engagée. Pour autant, de tels écarts sont difficilement justifiables. S'ils sont avérés, si l'analyse de l'entreprise rejoint celle de la Cour, une réponse ou, au moins, une explication est à cet égard indispensable.

PermalienPierre Mongin, président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens, RATP

Toutes les décisions d'investissement se justifient par leur rentabilité socio-économique : des gains de temps pour les usagers, source d'une moindre fatigue et d'économies, ou encore une réduction des pollutions et des nuisances. Cette rentabilité socio-économique est évaluée selon des modes de calcul précis, d'abord établis par un document de 1998, puis mis à jour par une note de juillet 2001, sur la base de critères établis par le corps des ponts et chaussées et adaptés à l'Île-de-France par le STIF.

J'en viens à la rentabilité économique des investissements du point de vue de l'entreprise – et non de la collectivité dans son ensemble. À la demande de nos partenaires, nous avons accepté de financer le solde d'opérations que ne prenaient pas en charge les autres parties du CPER. Nous avons ainsi été amenés à investir directement dans l'infrastructure et à acheter jusqu'à 100 % du matériel roulant, pour ce qui concerne aussi bien l'achat initial que le renouvellement, ce qui ne se fait nulle part ailleurs en France.

Les amortissements provisionnés en application de la loi ne portant que sur l'assiette de la dépense effective de la RATP, et non sur la partie subventionnée, nous ne pouvons pas assurer par autofinancement le remplacement de ces matériels roulants. Il en résulte un problème pour boucler l'équation économique des investissements, problème dont la responsabilité ne peut pas être imputée à la RATP, et que la loi aura au moins eu l'immense avantage de clarifier, ce qui obligera les uns et les autres à prendre leurs responsabilités.

En matière d'investissements, je précise que la RATP n'intervient qu'en tant que « technicienne », le soin d'évaluer l'opportunité des opérations revenant au STIF, qui établit les schémas de principe.

Je rappelle également, en réponse au rapporteur général, que j'ai instauré au sein du conseil d'administration un comité ad hoc, où siègent notamment des administrateurs salariés, pour évaluer la compétitivité de toutes nos activités d'exploitation, mais aussi de support.

En ce qui concerne les comparaisons internationales, qui reposent en grande partie sur des éléments fournis par nos services, une prudence extrême est de mise. Le réseau berlinois n'est pas structuré de la même façon que le réseau parisien, ce qui a naturellement une incidence sur les coûts de revient. Les interstations, par exemple, sont d'environ 500 mètres à Paris, contre un kilomètre dans la plupart des autres réseaux. Il faut donc plus de personnel pour entretenir et surveiller les stations à Paris, et le matériel s'use davantage.

Une autre particularité tient au développement de la vidéo-protection : nous avons installé 8 500 caméras pour protéger les voyageurs contre les risques d'agression, ce qui a naturellement augmenté les coûts, mais aussi permis de réduire la criminalité et la délinquance dans le métro, et d'obtenir un taux de résolution des crimes et des délits bien supérieur à celui qui est enregistré dans la rue. Nous déployons, en outre, 1 100 agents à temps plein pour assurer la sécurité des voyageurs en complément de l'excellent travail réalisé par la police nationale. Or, rien de tel n'existe dans la plupart des autres capitales. Comparaison n'est pas raison ! En conséquence, une grande prudence s'impose en ce domaine.

Le règlement OSP nous expose à un risque de dégradation de la situation sociale des personnels, ce qui ne me semble pas nécessairement une évolution souhaitable. En effet, je ne considère pas que les salariés de la RATP soient trop payés. Nous allons les mobiliser pour améliorer leur efficacité, pour mieux répondre à la demande des clients et pour accroître la qualité du service, mais je ne suis pas convaincu qu'il faille s'engager dans une spirale à la baisse en matière de salaires – j'y suis même franchement hostile.

Regardons de près la situation : les différences de salaire entre les machinistes de bus employés par la RATP et ceux qui travaillent dans nos filiales, en Île-de-France comme en province, sont extrêmement faibles. Il me semble que la voie à emprunter n'est pas celle de la réduction des salaires, mais plutôt celle de l'amélioration de la productivité : il faut amener nos salariés à rendre le meilleur service possible, en veillant à les associer à cet objectif, et non nous engager dans une dégradation de leur situation matérielle.

En ce qui concerne le projet du Grand Paris, nous attendons la décision définitive du législateur. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'y a pas, dans la rédaction actuelle du texte, de risque de confusion entre les responsabilités financières dévolues au nouvel établissement public, la Société du Grand Paris, et celles qui relèvent de la RATP. Cette dernière sera un prestataire de services pour le compte du nouvel EPIC, qu'elle assistera en matière de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre. Sur toutes ces questions, le rapport de Gilles Carrez constitue une référence.

Je comprends les difficultés actuellement éprouvées par les voyageurs de la ligne A, et je suis consterné par les conséquences du conflit social. Nous aurions pu éviter d'en arriver là si les partenaires sociaux avaient accepté les propositions faites par la direction au terme de plus de dix-huit heures de négociation. Toutes les lignes de transport sont importantes à nos yeux, y compris les plus petites lignes de bus desservant la banlieue, mais nous sommes bien conscients des enjeux particuliers que représente la ligne A, empruntée par un million de voyageurs. Nous étions prêts à une avancée salariale très importante pour les personnels, mais ces derniers n'ont pas voulu accepter nos propositions et ont préféré s'engager dans un conflit social extrêmement dur.

Je précise que nous n'avons pas cessé de faire des propositions et que les négociations se poursuivent au moment où je vous parle. Nous avons ainsi ouvert trois chantiers pour améliorer la situation des salariés.

Le premier de ces chantiers concerne l'exercice quotidien du métier : les conditions de travail, les possibilités de temps de repos, ou encore la gestion des incidents. Nous comprenons les difficultés éprouvées par nos salariés et nous sommes prêts à discuter avec eux d'un certain nombre d'évolutions dans le management.

Le deuxième sujet de négociations concerne les carrières. Je suis hostile à toute augmentation de salaires qui nous exposerait à un risque de débordement : si nous accordions un avantage aux agents de la ligne A eu égard au caractère stratégique de la ligne, cet avantage serait à juste titre revendiqué par l'ensemble du personnel. Or, la RATP ne peut pas se permettre, en dépit de ses résultats qui ne sont pas mauvais, un dérapage général des salaires. C'est ma responsabilité de chef d'entreprise que d'éviter une telle issue. En revanche, j'ai accepté que l'on discute en janvier prochain du déroulement de la carrière de tous les conducteurs de trains, sur toutes les lignes, ce qui constitue une ouverture très généreuse de la part de l'entreprise. Nous allons mettre en révision le protocole partenarial actuel dans la perspective d'améliorer les secondes parties et les fins de carrière.

Le troisième volet de notre offre concerne la reconnaissance des efforts nécessaires pour améliorer la qualité du service, enjeu dont le rapporteur général soulignait tout à l'heure l'importance. Nous sommes prêts à discuter d'une prime spécifique à la ligne A, ne présentant pas de risque d'extension au reste de l'entreprise et conditionnée à des résultats concrets en matière de performance et de régularité conformément aux objectifs fixés par le STIF.

Voilà les enjeux de la négociation que nous avons engagée depuis le début du mouvement de grève dans le but d'arrêter au plus vite le gâchis. La situation est, en effet, inacceptable aussi bien pour les voyageurs que pour l'entreprise, qui subira un coût économique très important. Je ne suis pas en mesure de calculer dès maintenant les pénalités que nous devrons verser au STIF, mais elles ne seront pas négligeables : elles devraient s'élever à plusieurs millions d'euros. J'espère que le conflit s'arrêtera aussi vite que possible et que notre appel à la raison sera suivi.

J'ajoute qu'il faut replacer ce conflit en perspective : la conflictualité sociale n'a jamais été aussi basse qu'aujourd'hui dans l'histoire de la RATP. Selon l'Union des transports publics, elle est restée inférieure au niveau constaté dans les villes de province au cours des trois dernières années, ce résultat traduisant la vitalité du dialogue social que nous voulons instaurer dans l'entreprise. En 2009, plus de soixante accords ont été signés avec les partenaires sociaux sur des aspects essentiels de la vie de nos salariés. Nous sommes donc loin d'une situation de désert social. Nous nous heurtons aujourd'hui à un problème spécifique : il y a cinq cents salariés qui veulent une augmentation, et nous sommes prêts à négocier, mais à condition que cela ne fasse pas déraper les équilibres salariaux de l'entreprise et qu'il y ait des contreparties en matière de qualité de service.

Nous assurons un service minimum, cela n'est jamais suffisant, j'en suis bien conscient, mais nous faisons tout de même rouler un train sur deux aux heures de pointe, dans les deux sens, le matin de sept heures trente à neuf heures trente, et le soir de seize heures trente à dix-neuf heures trente, alors qu'il y a 96 % de grévistes. C'est un résultat sans précédent qui contribue à alléger la souffrance d'un certain nombre de nos concitoyens de banlieue et qui est conforme aux obligations du contrat qui nous lie avec le STIF.

Je précise enfin qu'il n'y a pas eu de retard dans les négociations. Il faut maintenant que nous parvenions à une compréhension mutuelle pour trouver une issue à ce conflit tout à fait choquant.

PermalienPhoto de Claude Bartolone

J'entends bien que vous avez négocié pendant dix-huit heures avec les partenaires sociaux et que vous proposez un certain nombre de mesures qui paraissent tout à fait intelligentes. Cela étant, peut-on attendre le mois de janvier ? Il faut débloquer la situation, car la crise se poursuit !

PermalienPierre Mongin, président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens, RATP

Nous avons négocié dix-huit heures avant le déclenchement du conflit. Depuis lors, nous avons atteint au moins trente heures de négociations et nous continuons le dialogue. J'espère que nous pourrons avancer sur la base des offres que nous avons faites.

J'en viens au pilotage des chantiers du contrat de projets État-région. Nous avons de lourdes responsabilités vis-à-vis des élus, car nous avons la charge de construire un certain nombre d'infrastructures de transport. Jamais les investissements de la RATP n'ont été aussi élevés : nous allons consacrer à cet effort 1,3 milliard d'euros cette année, et contribuer au plan de relance du Gouvernement à hauteur de 450 millions d'euros. Sur ce dernier point, je précise que 93 % des crédits prévus ont déjà été engagés et que notre action a reçu un large satisfecit de la part des entreprises, notamment en province, car elle irrigue le territoire national sous forme d'achats industriels et d'achats de prestations, ce qui a permis de sauver plusieurs entreprises manufacturières. Nous sommes bien conscients de nos responsabilités sociales.

Hors plan de relance, le budget d'investissement pour l'année prochaine, qui vient d'être arrêté par le conseil d'administration, va encore progresser de 33 %. Vous le voyez : nous atteignons des niveaux d'investissement très élevés, qui s'expliquent en particulier par la mise en service d'un certain nombre d'infrastructures de transport guidé, comme les tramways.

PermalienPhoto de Hervé Mariton

J'ai sans doute mal posé ma question, qui s'adresse aussi bien à M. Descheemaeker qu'à M. Mongin, car il n'y a pas été répondu : la distinction entre dette perpétuelle et dette remboursable est-elle facile à réaliser ? Peut-on l'appliquer dès aujourd'hui ? Quel est le calendrier prévu à cet égard ?

PermalienChristian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes

Il n'est pas aisé d'établir une distinction claire entre les investissements rentables et non rentables à moins de se mettre d'accord, au préalable, sur un mode de calcul et sur un critère précis : on peut décider qu'un investissement n'est pas rentable en dessous d'un certain seuil, même s'il en est très proche, et rentable au dessus.

Ce n'est pas aujourd'hui un raisonnement habituel, mais c'est mathématiquement faisable à condition de s'entendre sur le type de rentabilité prise en compte : la rentabilité socio-économique, la rentabilité économique ou la rentabilité financière. L'exercice ne sera certainement pas facile, mais il me semble réalisable. Il reste que je ne suis pas aux commandes, contrairement au président Mongin.

Les comparaisons internationales sont un exercice complexe, comme l'a indiqué M. Mongin, et comparaison n'est pas raison. Cependant, il faut admettre que les écarts avec Berlin sont substantiels. Même si le métro de Berlin est très différent du métro parisien, et même s'il a une histoire différente, les différences de salaires ont de quoi surprendre, surtout si l'on se souvient que l'on était autrefois habitué à ce que les salaires soient plus élevés en Allemagne que dans notre pays.

Je suis d'accord que l'élément le plus important n'est pas le niveau de salaire, mais le nombre d'heures travaillées. Or, les chiffres, qu'il faut bien sûr manier avec la prudence statistique qui s'impose, sont surprenants, voire décevants en ce qui concerne la RATP.

PermalienPierre Mongin, président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens, RATP

Nous avons les moyens de faire le partage, dans le passif de la RATP, entre la dette perpétuelle relevant de l'infrastructure et la dette d'exploitation de type « concession », qu'il nous faut rembourser dans des délais précis, fixés par le Parlement. C'est un sujet sur lequel nous avons déjà travaillé, et nous allons pouvoir aller plus loin maintenant que la loi est votée et que le Conseil constitutionnel a rendu sa décision.

En ce qui concerne la dette future, notre préférence va à une formule proche de celle qui régit les rapports entre EDF et le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, RTE, auquel est imposé un ROCE (résultat opérationnel sur capitaux employés) supérieur à 6 %. Nous avons besoin d'une règle de cette nature, pourvu qu'elle soit définie sur des bases réalistes : si les exigences sont trop élevées, nous ne pourrons pas honorer certains engagements et le STIF pourrait se heurter à un problème de financement. Nous devrons définir, avec le STIF, un taux de rentabilité acceptable par les deux parties dans un esprit de responsabilité, c'est-à-dire dans la perspective d'un remboursement des dettes.

PermalienPhoto de Hervé Mariton

En tant qu'exploitante, la RATP sera désormais redevable envers elle-même, en sa qualité de gestionnaire d'infrastructures. Est-ce exact ?

PermalienPierre Mongin, président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens, RATP

Tout à fait.

PermalienPhoto de Hervé Mariton

En ce qui concerne le stock actuel, vous assimilez dette remboursable et activité de type concessif d'un côté, dette perpétuelle et infrastructure, de l'autre. Comment expliquer cette correspondance parfaite entre la dette perpétuelle et l'infrastructure ? L'infrastructure existante dégageant un certain nombre de recettes, ne peut-on pas imaginer que l'intégralité de la dette liée ne soit pas de nature perpétuelle ?

PermalienPierre Mongin, président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens, RATP

Vous avez raison, mais il nous a paru nécessaire, dans un premier temps, de flécher les flux en fonction du stock actuel. À un niveau de recettes inchangées, notamment de la part du STIF, il devrait apparaître que les financements sont insuffisants.

Ce qui importe, c'est que les acteurs financiers sachent ce que deviennent les fonds empruntés – je rappelle que nous avons pu lever cette année, dans des conditions satisfaisantes, un montant de 700 millions d'euros. Une partie des prêts sera affectée à une mission pérenne, le maintien de l'infrastructure, et l'autre à une mission temporaire.

En application de la loi qui vient d'être votée, nous aurons une durée limitée pour amortir le matériel, quinze ans, par exemple, pour les bus, ce qui impose des exigences de nature concessive en matière de rentabilité. Le solde sera constitué d'une dette revolving de type perpétuel, comme c'est le cas aujourd'hui, cette solution étant acceptable dès lors que la dette concerne une mission pérenne, relative aux infrastructures dont nous sommes propriétaires, ce qui constitue une garantie pour les prêteurs.

Cela étant dit, nous n'en sommes qu'au stade de l'optimisation des flux financiers actuels. Il faudra réaliser par la suite un travail de type normatif si l'on veut respecter des objectifs financiers soutenables pour la fonction de gestionnaire d'infrastructure.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Il me reste à vous remercier, monsieur le président Mongin et monsieur le président Descheemaeker. C'est un dossier qu'il faudra suivre !

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