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Intervention de Pierre Mongin

Réunion du 15 décembre 2009 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Mongin, président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens, RATP :

Toutes les décisions d'investissement se justifient par leur rentabilité socio-économique : des gains de temps pour les usagers, source d'une moindre fatigue et d'économies, ou encore une réduction des pollutions et des nuisances. Cette rentabilité socio-économique est évaluée selon des modes de calcul précis, d'abord établis par un document de 1998, puis mis à jour par une note de juillet 2001, sur la base de critères établis par le corps des ponts et chaussées et adaptés à l'Île-de-France par le STIF.

J'en viens à la rentabilité économique des investissements du point de vue de l'entreprise – et non de la collectivité dans son ensemble. À la demande de nos partenaires, nous avons accepté de financer le solde d'opérations que ne prenaient pas en charge les autres parties du CPER. Nous avons ainsi été amenés à investir directement dans l'infrastructure et à acheter jusqu'à 100 % du matériel roulant, pour ce qui concerne aussi bien l'achat initial que le renouvellement, ce qui ne se fait nulle part ailleurs en France.

Les amortissements provisionnés en application de la loi ne portant que sur l'assiette de la dépense effective de la RATP, et non sur la partie subventionnée, nous ne pouvons pas assurer par autofinancement le remplacement de ces matériels roulants. Il en résulte un problème pour boucler l'équation économique des investissements, problème dont la responsabilité ne peut pas être imputée à la RATP, et que la loi aura au moins eu l'immense avantage de clarifier, ce qui obligera les uns et les autres à prendre leurs responsabilités.

En matière d'investissements, je précise que la RATP n'intervient qu'en tant que « technicienne », le soin d'évaluer l'opportunité des opérations revenant au STIF, qui établit les schémas de principe.

Je rappelle également, en réponse au rapporteur général, que j'ai instauré au sein du conseil d'administration un comité ad hoc, où siègent notamment des administrateurs salariés, pour évaluer la compétitivité de toutes nos activités d'exploitation, mais aussi de support.

En ce qui concerne les comparaisons internationales, qui reposent en grande partie sur des éléments fournis par nos services, une prudence extrême est de mise. Le réseau berlinois n'est pas structuré de la même façon que le réseau parisien, ce qui a naturellement une incidence sur les coûts de revient. Les interstations, par exemple, sont d'environ 500 mètres à Paris, contre un kilomètre dans la plupart des autres réseaux. Il faut donc plus de personnel pour entretenir et surveiller les stations à Paris, et le matériel s'use davantage.

Une autre particularité tient au développement de la vidéo-protection : nous avons installé 8 500 caméras pour protéger les voyageurs contre les risques d'agression, ce qui a naturellement augmenté les coûts, mais aussi permis de réduire la criminalité et la délinquance dans le métro, et d'obtenir un taux de résolution des crimes et des délits bien supérieur à celui qui est enregistré dans la rue. Nous déployons, en outre, 1 100 agents à temps plein pour assurer la sécurité des voyageurs en complément de l'excellent travail réalisé par la police nationale. Or, rien de tel n'existe dans la plupart des autres capitales. Comparaison n'est pas raison ! En conséquence, une grande prudence s'impose en ce domaine.

Le règlement OSP nous expose à un risque de dégradation de la situation sociale des personnels, ce qui ne me semble pas nécessairement une évolution souhaitable. En effet, je ne considère pas que les salariés de la RATP soient trop payés. Nous allons les mobiliser pour améliorer leur efficacité, pour mieux répondre à la demande des clients et pour accroître la qualité du service, mais je ne suis pas convaincu qu'il faille s'engager dans une spirale à la baisse en matière de salaires – j'y suis même franchement hostile.

Regardons de près la situation : les différences de salaire entre les machinistes de bus employés par la RATP et ceux qui travaillent dans nos filiales, en Île-de-France comme en province, sont extrêmement faibles. Il me semble que la voie à emprunter n'est pas celle de la réduction des salaires, mais plutôt celle de l'amélioration de la productivité : il faut amener nos salariés à rendre le meilleur service possible, en veillant à les associer à cet objectif, et non nous engager dans une dégradation de leur situation matérielle.

En ce qui concerne le projet du Grand Paris, nous attendons la décision définitive du législateur. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'y a pas, dans la rédaction actuelle du texte, de risque de confusion entre les responsabilités financières dévolues au nouvel établissement public, la Société du Grand Paris, et celles qui relèvent de la RATP. Cette dernière sera un prestataire de services pour le compte du nouvel EPIC, qu'elle assistera en matière de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre. Sur toutes ces questions, le rapport de Gilles Carrez constitue une référence.

Je comprends les difficultés actuellement éprouvées par les voyageurs de la ligne A, et je suis consterné par les conséquences du conflit social. Nous aurions pu éviter d'en arriver là si les partenaires sociaux avaient accepté les propositions faites par la direction au terme de plus de dix-huit heures de négociation. Toutes les lignes de transport sont importantes à nos yeux, y compris les plus petites lignes de bus desservant la banlieue, mais nous sommes bien conscients des enjeux particuliers que représente la ligne A, empruntée par un million de voyageurs. Nous étions prêts à une avancée salariale très importante pour les personnels, mais ces derniers n'ont pas voulu accepter nos propositions et ont préféré s'engager dans un conflit social extrêmement dur.

Je précise que nous n'avons pas cessé de faire des propositions et que les négociations se poursuivent au moment où je vous parle. Nous avons ainsi ouvert trois chantiers pour améliorer la situation des salariés.

Le premier de ces chantiers concerne l'exercice quotidien du métier : les conditions de travail, les possibilités de temps de repos, ou encore la gestion des incidents. Nous comprenons les difficultés éprouvées par nos salariés et nous sommes prêts à discuter avec eux d'un certain nombre d'évolutions dans le management.

Le deuxième sujet de négociations concerne les carrières. Je suis hostile à toute augmentation de salaires qui nous exposerait à un risque de débordement : si nous accordions un avantage aux agents de la ligne A eu égard au caractère stratégique de la ligne, cet avantage serait à juste titre revendiqué par l'ensemble du personnel. Or, la RATP ne peut pas se permettre, en dépit de ses résultats qui ne sont pas mauvais, un dérapage général des salaires. C'est ma responsabilité de chef d'entreprise que d'éviter une telle issue. En revanche, j'ai accepté que l'on discute en janvier prochain du déroulement de la carrière de tous les conducteurs de trains, sur toutes les lignes, ce qui constitue une ouverture très généreuse de la part de l'entreprise. Nous allons mettre en révision le protocole partenarial actuel dans la perspective d'améliorer les secondes parties et les fins de carrière.

Le troisième volet de notre offre concerne la reconnaissance des efforts nécessaires pour améliorer la qualité du service, enjeu dont le rapporteur général soulignait tout à l'heure l'importance. Nous sommes prêts à discuter d'une prime spécifique à la ligne A, ne présentant pas de risque d'extension au reste de l'entreprise et conditionnée à des résultats concrets en matière de performance et de régularité conformément aux objectifs fixés par le STIF.

Voilà les enjeux de la négociation que nous avons engagée depuis le début du mouvement de grève dans le but d'arrêter au plus vite le gâchis. La situation est, en effet, inacceptable aussi bien pour les voyageurs que pour l'entreprise, qui subira un coût économique très important. Je ne suis pas en mesure de calculer dès maintenant les pénalités que nous devrons verser au STIF, mais elles ne seront pas négligeables : elles devraient s'élever à plusieurs millions d'euros. J'espère que le conflit s'arrêtera aussi vite que possible et que notre appel à la raison sera suivi.

J'ajoute qu'il faut replacer ce conflit en perspective : la conflictualité sociale n'a jamais été aussi basse qu'aujourd'hui dans l'histoire de la RATP. Selon l'Union des transports publics, elle est restée inférieure au niveau constaté dans les villes de province au cours des trois dernières années, ce résultat traduisant la vitalité du dialogue social que nous voulons instaurer dans l'entreprise. En 2009, plus de soixante accords ont été signés avec les partenaires sociaux sur des aspects essentiels de la vie de nos salariés. Nous sommes donc loin d'une situation de désert social. Nous nous heurtons aujourd'hui à un problème spécifique : il y a cinq cents salariés qui veulent une augmentation, et nous sommes prêts à négocier, mais à condition que cela ne fasse pas déraper les équilibres salariaux de l'entreprise et qu'il y ait des contreparties en matière de qualité de service.

Nous assurons un service minimum, cela n'est jamais suffisant, j'en suis bien conscient, mais nous faisons tout de même rouler un train sur deux aux heures de pointe, dans les deux sens, le matin de sept heures trente à neuf heures trente, et le soir de seize heures trente à dix-neuf heures trente, alors qu'il y a 96 % de grévistes. C'est un résultat sans précédent qui contribue à alléger la souffrance d'un certain nombre de nos concitoyens de banlieue et qui est conforme aux obligations du contrat qui nous lie avec le STIF.

Je précise enfin qu'il n'y a pas eu de retard dans les négociations. Il faut maintenant que nous parvenions à une compréhension mutuelle pour trouver une issue à ce conflit tout à fait choquant.

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