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Intervention de Pierre Mongin

Réunion du 15 décembre 2009 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Mongin, président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens, RATP :

Ce débat extrêmement utile est pour moi et mon équipe de direction un encouragement à améliorer nos performances.

Si j'assume bien sûr l'ensemble de la politique de l'entreprise pendant la période sous revue, qui va de 2001 à 2007, seule la période 2006-2007 me concerne directement.

Les relations de la RATP avec le STIF sont un élément clé. Comme l'a exprimé M. le président Christian Descheemaeker, la loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports est un élément de clarification fondamental. Le rapport de la Cour le démontre, son adoption était absolument urgente pour stabiliser le modèle économique de la RATP et lui donner une capacité à assurer une certaine « soutenabilité » dans les années à venir. C'est l'élément le plus fort qui ressort de l'examen par la Cour des questions structurelles.

En application de cette loi, le STIF devient de plein droit l'autorité organisatrice qu'il n'était pas jusqu'ici. Il acquiert la capacité de choix des exploitants ; le régime de propriété ne peut y faire obstacle. À compter du 1er janvier 2010, il devient propriétaire de la totalité des éléments nécessaires à l'exploitation, notamment de l'ensemble du matériel roulant de la RATP. À partir de cette date, la propriété de ce matériel lui est transférée gratuitement par la RATP.

Enfin, le nouveau positionnement du STIF, qui a décidé de s'endetter – pour la première fois de son histoire –, de 2 milliards d'euros d'ici à 2015, impose que le modèle économique de la RATP soit extrêmement clair : il doit faire apparaître avec évidence que ces dettes seront un jour remboursées.

La RATP a été très favorable à l'adoption de cette loi. En rendant à la RATP, établissement public industriel et commercial de l'État, la propriété de la totalité des infrastructures, comme avant la loi de décentralisation de 2004, le législateur lui a confié la mission permanente de leur maintien en bon état. Rappelons qu'elles lui ont été léguées par l'histoire de la région parisienne et qu'elle en a assuré depuis 1948 le bon entretien.

L'ouverture du marché et le règlement OSP ne désignaient pas le futur responsable de la gestion de l'infrastructure. Aujourd'hui, clairement, c'est la RATP. Grâce au cadre comptable et financier instauré en application de la loi, qui identifie les flux de dépenses et de recettes de cette mission, nous pourrons y affecter une part de la dette. Celle-ci deviendra non pas une dette non remboursable – toute dette doit être remboursée – mais une dette revolving, perpétuellement renouvelable. Telle est la décision du législateur. Dans des conditions d'autonomie comptable, nous devrons donc identifier les coûts de la gestion des infrastructures et, conformément à la loi, les faire certifier.

À ce progrès considérable vient s'en ajouter un deuxième, qui répond directement aux observations de la Cour. Dix ans ont été nécessaires à l'adoption du règlement européen OSP. Celui-ci, relatif en réalité à l'ouverture du marché dans le domaine du transport urbain, est applicable de plein droit depuis le 3 décembre 2009. Une législation destinée à donner au modèle économique un cadre d'application devenait donc indispensable à la sauvegarde de celui-ci. En effet, s'il peut s'appliquer directement en région, le règlement mettait à mal la législation qui régissait le transport en Île-de-France.

En conséquence, la concession faite à la RATP est désormais à durée limitée : trente ans pour le métro de Paris et le RER, vingt pour les tramways et quinze pour les bus. L'élaboration de nos calculs économiques doit désormais nous permettre de nous trouver à l'équilibre à son issue, le concédant étant le STIF.

La loi répond aussi à l'essentiel des arguments très pertinents soulevés par la Cour sur les questions structurelles – le rapport de la Cour utilise même l'expression « dette orpheline ». Désormais, nous disposons de règles de conduite pour agir de manière économiquement saine, et éviter de renouveler ce que nous avons fait trop souvent, c'est-à-dire financer ce que les partenaires du contrat de projets État-région (CPER), autrement dit l'État et la région, ne finançaient pas. Depuis cinquante ans, chaque fois que des infrastructures de transport nouvelles ont été créées en Île-de-France, il a été demandé à l'exploitant, la RATP, de participer à leur financement, et ce jusqu'à 17 % de leur montant. À mon arrivée en 2006, j'ai mis fin à cette situation très atypique, qui n'existe nulle part ailleurs en France. Nous payons aujourd'hui les derniers financements consentis.

La RATP a aussi toujours payé les ajustements qui ne pouvaient pas être financés dans le cadre du CPER. À cette fin, le ministère chargé des finances nous autorisait à emprunter. La dette de la RATP a donc pour origine non pas la nécessité de financer son fonctionnement ou encore une éventuelle mauvaise gestion, mais exclusivement le paiement d'infrastructures de transport franciliennes non financées par les collectivités publiques.

Désormais, recourir à la RATP à cette fin est devenu impossible. La RATP et le STIF devront donc redéfinir ensemble les clés de financement des infrastructures du modèle ainsi créé. Des matériels roulants de tramways vont appartenir dès le 1er janvier au STIF. Il nous est demandé, au nom d'une tradition de l'endettement sans limites, de les financer en totalité. Nous allons devoir en débattre assez vite avec le STIF. À cette fin, nous disposons désormais des éléments d'un meilleur cadre structurel.

J'apporterai aussi quelques nuances à la présentation de la gestion par M. Dov Zerah. Les données présentées pour la période sous revue sont bien sûr tout à fait exactes. Cependant, pendant ce laps de temps, le trafic a augmenté de 9,3 % en volume. De 2001 à 2007, l'augmentation a représenté chaque année l'équivalent de 250 millions de voyages supplémentaires, autrement dit l'ensemble cumulé du trafic de Bordeaux et de Marseille. Ce rappel permet de répondre à plusieurs remarques critiques sur nos résultats !

Pendant la période sous revue, la croissance des effectifs de la RATP a été exclusivement due à la progression de ce trafic. Une seule exception est à signaler : pour compenser la réduction du temps de travail, transposée à la RATP ipso facto par l'attribution de dix-sept jours de congés aux salariés – comme ailleurs, notamment dans les administrations publiques –, il a fallu procéder à 2 200 recrutements.

L'évolution de la productivité est donc extrêmement facile à lire : entre 2000 et 2003, la productivité décline du fait de l'absorption de la RTT. Depuis 2003, en revanche, elle ne cesse d'augmenter. Nous avons retrouvé en 2007 la situation antérieure à la RTT, autrement dit celle qui précédait le recrutement des 2 200 salariés nécessaires à la satisfaction de la production. À cette exception près, les augmentations de l'effectif n'ont jamais divergé des besoins de l'entreprise.

La masse salariale de la RATP, sur laquelle la Cour a également formulé des observations, a progressé de 22,18 % entre 2001 à 2007.Cependant, celle de l'État a progressé de 22,19 %, celle de la SNCF de 22,22 %, et celle d'EDF de 22,45 %. Pendant la période sous revue, la progression de la masse salariale de la RATP a donc parfaitement respecté les limites du cadrage national fixé par les autorités de tutelle, c'est-à-dire le ministère chargé du budget. Je rappelle au passage que ces augmentations sont nominales : pour connaître leur valeur réelle, il faut en déduire l'inflation.

Par ailleurs, depuis 2007, le résultat net de l'entreprise est passé de 40 millions d'euros à 80 millions, puis à 120 millions. Cette progression a pour seule origine la productivité. La réalité des résultats n'apparaît néanmoins pas dans les tableaux. Pourquoi ? C'est que les gains de productivité sont partagés en amont avec le STIF. Dans la période de croissance de la RATP, le STIF a récupéré en amont une partie de la croissance de l'entreprise, pour l'investir et accroître l'offre de services. Pour positive qu'elle soit, cette démarche a distrait les montants correspondants du chiffre d'affaires de la RATP. Si, selon la Cour, l'évolution du chiffre d'affaires n'est que de cinq points supérieure à celle de la masse salariale, en vérité cinq autres points ont bénéficié au STIF. Autrement dit, la productivité de l'entreprise s'est accrue de dix points et non de cinq.

J'ai lancé dans l'entreprise un plan visant à un accroissement supplémentaire de la productivité. Son objectif, une augmentation de la productivité de 2 % par an, est très difficile à atteindre dans une période sans croissance de l'offre. Aujourd'hui, sans doute pour des raisons de difficultés financières, le STIF a stoppé les offres nouvelles à la RATP. Ces 2 % n'ont dès lors pour support que les forces physiques de l'entreprise. L'effort est considérable. Sur la durée du plan, fixée en accord avec l'État, actionnaire principal de la RATP, le gain de productivité sera de 10 %. C'est l'équivalent d'un plan d'économies de 250 à 350 millions d'euros. Dans ce secteur, peu d'entreprises sont capables d'une telle performance ! Si atteindre ce double objectif d'une meilleure qualité de service et de productivité est difficile, comme le climat social le montre tous les jours, la réussite mettra l'entreprise hors des atteintes de la concurrence. Une étude réalisée en complément de celle de la Cour par un bureau d'audit, à la demande de l'actionnaire étatique, démontre que les surcoûts que nous devons résorber pour rester compétitifs face à la concurrence correspondent à peu près à l'objectif fixé : 300 millions d'euros. Notre situation au regard des concurrents privés sera alors tout à fait acceptable.

La loi votée, cela suppose que la RATP et le STIF renouent les fils du dialogue. Les efforts internes du management, comme ceux des salariés, qui adhèrent globalement aux objectifs d'efficacité, conduisent à la modernisation de l'entreprise et ne sont pas contradictoires avec ceux poursuivis par le STIF.

Certes, quelques spécificités subsistent. Pour peu qu'elle réalise des bénéfices – et si le législateur le décide – la RATP ne rechignera pas à payer l'impôt sur les sociétés. Je fais néanmoins remarquer que, lors de l'instauration de la RTT, elle n'a pas bénéficié d'exonérations de charges sur les bas salaires. Par ailleurs, si l'État actionnaire ne réclame pas le versement de dividendes, l'ensemble des bénéfices de la RATP – 120 millions d'euros aujourd'hui, résultats des efforts des hommes et des femmes qui y travaillent –, est entièrement investi, en accord avec lui et sous le contrôle du conseil d'administration, au profit de l'amélioration de la qualité du service en Île-de-France et des investissements nécessaires à la pérennité du réseau, c'est-à-dire au profit du service public.

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