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Intervention de Christian Descheemaeker

Réunion du 15 décembre 2009 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes :

Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir rappelé la diversité des documents que la Cour des comptes adresse au Parlement, tel que ce rapport « particulier ». Cette qualification, mise en exergue par certains journalistes, n'a rien de mystérieux : les rapports particuliers s'appellent ainsi depuis qu'à l'initiative du Parlement le contrôle des entreprises publiques, auparavant confié à la Commission de vérification des comptes des entreprises publiques, a été transféré à la Cour des comptes. Il s'agit donc d'un contrôle normal de la Cour des comptes, mais appliqué en l'occurrence à une entreprise publique.

Je résumerai, comme vous m'y invitez, les conclusions de la Cour des comptes, en me limitant à celles qui concernaient les comptes, laissant à M. Dov Zerah, conseiller maître, le soin de vous présenter les conclusions relatives à la gestion de l'entreprise publique.

S'agissant des comptes, il faut les replacer dans un contexte institutionnel marqué par la complexité du lien juridique qui lie la RATP au Syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF. On pourrait définir ce lien comme une sorte de « concession perpétuelle ». Or les conséquences pour les comptes diffèrent selon qu'on détient sur des biens une concession à perpétuité ou seulement pour une période donnée. Je vous rappelle qu'en Île-de-France, c'est le STIF qui est l'autorité organisatrice des transports, compétence dévolue normalement à la région.

Autre élément à prendre en considération, les perspectives d'ouverture à la concurrence en application du règlement européen du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, dit règlement OSP. Il s'agit certes de perspectives lointaines, puisque le secteur du transport routier ne s'ouvrira que dans quinze ans, le secteur du transport par tramway dans vingt ans, et les autres transports guidés dans trente ans. Désormais, la « concession » liant le STIF à la RATP ne pourra plus exister en l'état, ce qui ne sera pas sans incidence sur la comptabilité de cette dernière.

Dans le bilan, il faut distinguer entre immobilisations et dettes. Le bilan de la RATP comporte des éléments de déséquilibre, qui ne sont pas forcément imputables à la seule RATP : les tutelles sont aussi responsables de la situation, qui est ancienne.

En effet, le statut juridique des infrastructures gérées par la RATP est d'une complexité et d'une obscurité rares, avec des zones d'incertitude : on ne sait pas toujours très bien qui est propriétaire de quoi. Ce statut résulte de textes de 1948, année de la création de l'entreprise, de 1968, avec la réforme de la région parisienne, et de 1975. Le fameux « rapport Guillaume » a tenté de distinguer les immobilisations gérées par la RATP de celles dont la RATP est propriétaire. Ces dernières ne représenteraient que 49 % de l'ensemble des infrastructures exploitées par la régie. Or la régie les a longtemps inscrites en totalité à son actif. Cette situation a fait l'objet des critiques de la Cour, puisque, avant le 1er janvier 2005, le critère juridique de la propriété est déterminant dans l'inscription d'un bien à l'actif d'une entreprise.

À partir du 1er janvier 2005, les normes comptables changent : peuvent être inscrites à l'actif du bilan les immobilisations dont on a le contrôle. Aux yeux d'un juriste français, cette notion est beaucoup moins claire que celle de propriété, la question de savoir ce que la RATP contrôle recevant des réponses variées. Il n'en reste pas moins que cette nouvelle notion relativise les critiques de la Cour des comptes, car l'idée que la RATP contrôle toutes les infrastructures qu'elle exploite peut se défendre.

Le 1er janvier 2007, les normes comptables changent à nouveau, et la RATP passe aux International Financial Reporting Standards, ou normes IFRS. Enfin, de nouveaux changements sont à attendre du règlement OSP : celui-ci signe la fin, à l'évidence, du statut de quasi « concession » perpétuelle dont bénéficie la RATP, ce qui modifiera la structure de son bilan.

En quelques années, les règles applicables aux immobilisations de la RATP auront changé plusieurs fois, mettant en défaut l'établissement public quant au respect des normes comptables.

Au sujet des dettes inscrites au passif, qui dépassent les 4 milliards d'euros, la Cour relève que le bilan de la RATP n'a pas eu droit à une opération de « nettoyage » similaire à celle opérée au profit de la SNCF grâce à la création de Réseau ferré de France – RFF –, chargé de gérer les infrastructures, et à la distinction entre dette remboursable et dette non remboursable. Pourtant, comme la SNCF, la RATP a financé des infrastructures dont elle savait pertinemment qu'elles ne seraient jamais rentables.

Le problème était donc de rééquilibrer des actifs dont une partie n'aurait pas dû figurer au bilan de l'entreprise, et une dette particulièrement lourde. La solution aurait pu être le transfert des dettes de la RATP à d'autres collectivités, ou au STIF, à qui la loi avait transféré les biens de la RATP. On aurait pu également envisager de transférer à la RATP la propriété des infrastructures.

La loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports bouleverse le statut juridique de la RATP, en faisant de l'entreprise la gestionnaire des infrastructures, comme RFF, et le propriétaire des infrastructures du STIF. Ce changement règle le problème de l'inscription au bilan de la RATP de biens qui n'étaient pas sa propriété et peut-être pas vraiment sous son contrôle. Du point de vue de la Cour des comptes, cette loi a véritablement changé la donne : désormais, l'équilibre bilantiel de la RATP se présente sous un jour beaucoup plus favorable, et le bilan de l'entreprise tient debout.

Reste à examiner la gestion de l'entreprise, sous l'angle notamment de la productivité et du choix des investissements.

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