COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 21 septembre 2011
La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)
La Commission des affaires sociales entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, en audition ouverte à la presse.
Je suis heureux d'accueillir notre ancien collègue M. Didier Migaud. Après que vous aurez présenté le rapport de la Cour, monsieur le Premier président, je souhaite que notre débat porte avant tout sur l'avenir de notre État providence et sur les adaptations qu'il appelle.
C'est un honneur pour moi de vous présenter les travaux réalisés par la Cour des comptes, en application de sa mission constitutionnelle d'assistance au Parlement et au Gouvernement, pour le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. M'accompagnent pour cette audition MM. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre, Jean-Pierre Laboureix, rapporteur général, Simon Bertoux, rapporteur général adjoint, et Thibault Dornon, auditeur.
Présenté depuis 1996, le rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale est devenu un exercice habituel mais qui est accompli aujourd'hui dans une situation de crise économique et financière particulièrement profonde, dont nous ne sommes pas encore sortis. En cette période d'incertitude, il est important de savoir que les comptes de la sécurité sociale sont vérifiés et que sa situation financière est examinée par une institution indépendante qui en rend compte chaque année au Parlement. Ce dernier ayant dévolu à la Cour la certification des comptes du régime général de la sécurité sociale, celle-ci a fait l'objet du rapport remis en juin dernier sur les comptes de 2010. Après en avoir examiné la régularité, la sincérité et le caractère fidèle, la Cour a certifié huit ensembles de comptes, non sans quelques réserves, et pour la première fois ceux de la branche vieillesse. Elle n'a cependant pas été en mesure de certifier ceux de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles. La trajectoire suivie par les organismes de sécurité sociale en matière de certification des comptes apparaît donc généralement positive, mais le refus de certification pour l'une des branches et les réserves formulées pour d'autres témoignent de la nécessité, pour ces organismes, de poursuivre leurs efforts, spécialement dans le domaine du contrôle interne.
C'est en s'appuyant sur les travaux conduits dans le cadre de la certification, complétés par des vérifications spécifiques, que la Cour a rendu les avis figurant dans le présent rapport, sur la cohérence des tableaux d'équilibre et, pour la première fois, du nouveau tableau patrimonial, relatifs à l'exercice 2010. Ces tableaux seront soumis à votre approbation dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. La Cour a estimé que, présentés sous la forme de comptes de résultat simplifiés, pour le régime général, pour les régimes obligatoires de base et pour le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ils en reflétaient correctement la réalité, même si différentes imperfections les affectent encore.
La Cour a également estimé que le tableau patrimonial institué par la loi organique du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale, sous forme d'un bilan agrégé des régimes de base, du FSV, du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), fournissait une image cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale, sous réserve de diverses observations démontrant le caractère perfectible de certains éléments nécessaires à son élaboration. Ce nouveau tableau, dont la Cour avait suggéré la création dans son rapport de 2007, représente un progrès considérable pour l'information du Parlement, grâce à la vision agrégée qu'il procure des actifs et des passifs de la sécurité sociale comme des organismes concourant à son financement et au portage de sa dette. Il permet notamment, pour la première fois, de disposer d'une appréciation complète de la dette sociale, qui s'élevait à 136 milliards d'euros au 31 décembre 2010. À la dette restant à amortir par la CADES, pour un montant de 86,7 milliards, il fallait en effet ajouter les 49,5 milliards d'euros d'endettement à court terme de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Ce qui montre l'ampleur des enjeux auxquels notre protection sociale est aujourd'hui confrontée et que la Cour a voulu éclairer en fournissant des pistes utiles pour l'action.
Sans entrer dans le détail des dix-sept chapitres du rapport, dont une synthèse est disponible, je souhaite vous présenter les grands axes autour desquels s'organisent nos analyses.
Notre protection sociale est extrêmement fragilisée. Il faut, en priorité, maîtriser les dépenses d'assurance maladie. Les efforts à accomplir à cette fin doivent être partagés de façon équitable et solidaire. Et la gestion des différents régimes doit bénéficier de nouveaux gains de productivité.
La crise économique et financière que nous traversons démontre l'absolue nécessité de notre système de protection sociale pour protéger les plus faibles, mais elle en révèle aussi toute la fragilité, avec un déficit qui a atteint un niveau historique en 2010.
L'INSEE vient de rappeler avec éclat que les plus modestes sont les plus touchés par la crise : 8,2 millions de personnes se situaient en 2009 en dessous du seuil de pauvreté, soit 13,5 % de la population. Ce taux est en légère augmentation par rapport au constat précédent mais on observe aussi que les prestations sociales, entendues au sens large, ont fortement amorti l'impact de la crise sur les plus défavorisés. La commission des comptes nationaux de la santé vient d'ailleurs d'indiquer que la part des dépenses de santé restant à la charge des ménages a légèrement diminué en 2010, s'établissant à 9,4 %. En cela notre sécurité sociale a pleinement tenu son rôle. Mais c'est au prix d'une fragilité considérablement accrue, ce que la Cour met en évidence dans la première partie de son rapport. Cela résulte d'abord de l'ampleur même des déficits, qui n'ont jamais été aussi élevés : 29,8 milliards d'euros pour les régimes de base, dont 23,9 milliards au titre du régime général et 4,1 milliards au titre du FSV. Ils ont en effet triplé en deux ans pour atteindre l'équivalent de 1,5 point de produit intérieur brut (PIB). On constate ainsi un effet de ciseaux entre les recettes, majoritairement assises sur les revenus du travail et donc particulièrement sensibles aux aléas de la conjoncture, et un rythme de progression des dépenses certes affecté par la crise mais également entretenu par de fortes rigidités.
Toutes les branches sont touchées, en premier lieu les branches maladie et vieillesse. Certaines situations sont très fortement dégradées : le déficit du FSV atteint près du quart de ses charges et celui de la branche retraite du régime des exploitants agricoles, qui s'établit à 1,3 milliard d'euros, 14 % des siennes.
Cette fragilisation d'ensemble est aussi largement imputable à la récurrence et à la permanence de la part structurelle des déficits sociaux. En effet, celui, historique, de 2010 ne s'explique pas seulement par la récession de 2009. Pour le seul régime général, qui concentre l'essentiel des difficultés, la crise n'explique qu'un peu moins de la moitié du déficit global, équivalant à 1,2 point de PIB. Le déficit proprement structurel, mesuré avec toutes les précautions nécessaires, serait pour 2010 de l'ordre de 0,7 point de PIB.
Il s'agit là de spécificités françaises. Notre sécurité sociale est en déficit continu depuis dix ans et, en réalité, presque chaque année depuis trente ans. La part structurelle de ce déficit représente, en moyenne annuelle, environ 0,6 point de PIB sur la décennie écoulée.
Ainsi que la Cour l'a déjà souligné, notamment en juin dernier dans son rapport sur la situation et sur les perspectives des finances publiques, ce déficit des comptes sociaux constitue une anomalie. Aucun des grands pays voisins n'accepte un tel déséquilibre de sa protection sociale. Le besoin de financement des administrations sociales françaises – concept un peu plus large que celui de sécurité sociale puisqu'il inclut aussi l'assurance chômage et les régimes complémentaires – est ainsi le plus élevé de la zone euro en 2010. Cette situation nous prive des marges de manoeuvre nécessaires pour conforter nos régimes sociaux en cette période de crise, car il nous faut amortir la dette sociale et en payer les intérêts. Notre pays doit ainsi distraire de la protection sociale directe 15 milliards d'euros de ressources en 2011 afin de les affecter à la CADES. La dégradation sans précédent des comptes et l'accumulation des déficits entretiennent en effet une spirale de la dette sociale particulièrement dangereuse pour la légitimité et la pérennité même de notre protection sociale.
Comme le déficit dont elle procède, la dette sociale est, elle aussi, une anomalie. Notre pays ne peut durablement financer des prestations sociales par l'emprunt et reporter une partie croissante du financement de sa protection sociale sur la génération suivante. C'est pourquoi j'ai qualifié de poison de la sécurité sociale cet état de dépendance à la dette. J'ai aussi déclaré que la dette sociale était une drogue conduisant à masquer les fragilités structurelles du système et à émousser les efforts indispensables à son redressement. La Cour a donc choisi cette année d'insister sur ce problème, mettant en perspective la progression continue de cette dette et les défis qu'elle engendre. Le paradigme de son financement a complètement changé. Il avait été conçu, lors de la création de la CADES il y a seize ans, comme un expédient temporaire prenant la forme d'un prélèvement spécifique à assiette large mais à durée limitée, assorti d'une date de fin de remboursement relativement rapprochée – 2009. Avec l'accumulation des déficits, le système a été pérennisé. La durée de vie de la CADES, dorénavant prolongée jusqu'en 2025, a presque doublé. Son financement est devenu moins lisible, faisant désormais appel à d'autres ressources que la seule contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) dont le taux n'a pas été modifié depuis 1996. Au total, le mécanisme est devenu déresponsabilisant, d'autant plus que l'actuelle modicité des taux d'intérêt réduit la perception du coût de la dette, alors que ses charges d'intérêts atteignent au total 30 milliards d'euros depuis la création de la CADES.
La dette sociale se finance selon une ingénierie toujours plus sophistiquée. L'ACOSS est ainsi devenue, au delà de sa fonction de gestion courante de la trésorerie, une institution de préfinancement de cette dette, ce qui fait d'elle le premier acteur en France sur le marché des billets de trésorerie. La CADES a, depuis sa création, amorti près de 50 milliards d'euros grâce à des ressources pérennes, désormais sous le contrôle du Conseil constitutionnel. L'ACOSS et la CADES sont donc bien connues des marchés monétaire et financier mais le système atteint maintenant ses limites. La nouvelle reprise de dettes décidée à l'automne 2010 a doublé le montant jusqu'ici transféré à la CADES en le portant à 260 milliards d'euros d'ici à 2018. Bien que concernant une décennie de déficits sociaux, un tel transfert ne couvre toutefois que partiellement les déséquilibres anticipés jusqu'en 2014, particulièrement pour l'assurance maladie.
Dans son rapport de juin dernier sur la situation et sur les perspectives des finances publiques, la Cour a souligné que la trajectoire prévue pour le redressement des comptes sociaux reposait sur des hypothèses favorables. En l'absence de nouvelles mesures de redressement, les risques pesant sur les branches maladie, vieillesse et famille nous conduisent à considérer comme indispensable, à l'horizon 2020, un nouveau et important transfert de dettes à la CADES, en sus des 130 milliards d'euros déjà décidés.
Certes, les comptes pour 2011, qui seront publiés demain, devraient traduire une légère amélioration par rapport aux prévisions établies en juin dernier par la Commission des comptes de la sécurité sociale, en raison de la bonne tenue des cotisations. Le Parlement vient aussi d'adopter une loi de finances rectificative dont les recettes supplémentaires bénéficieront majoritairement à la sécurité sociale, pour environ 6,5 milliards d'euros en 2012. En elles résident une indispensable contribution à la réduction programmée de l'ensemble des déficits publics ainsi que les chances d'une amélioration significative de la prévision des déficits sociaux dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Il me faut cependant observer le caractère maintenant un peu moins favorable des perspectives de l'économie française, du moins si l'on en croit la révision, en baisse de trois quarts de point, de l'estimation de croissance du PIB pour 2011 et 2012 – sans que l'hypothèse rallie le consensus des économistes – et tenter d'apprécier les conséquences qui peuvent en résulter sur l'évolution des cotisations sociales. La spirale de la dette sociale va donc se poursuivre : tant que les déficits sociaux dépasseront la capacité d'amortissement de la CADES – de l'ordre de 11 milliards d'euros en 2011 –, la dette sociale continuera d'augmenter. Pour le dire autrement, un déficit de la sécurité sociale limité à 11 milliards d'euros en 2012 ne suffirait pas à inverser la tendance.
L'accélération du redressement des comptes sociaux doit s'accompagner du rétablissement d'un lien direct entre le déficit d'une année et les ressources supplémentaires affectées à la CADES. C'est pourquoi la Cour propose d'inscrire dans la loi organique, dans le cadre d'une programmation précise et fiable de retour à l'équilibre, le principe d'un transfert automatique à la CADES, en fin d'année, de la part de l'endettement de l'ACOSS correspondant au déficit du régime général et du FSV, en privilégiant une hausse de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) pour son amortissement.
Plus que jamais dans le contexte actuel, il nous faut éviter un emballement de la dette sociale, d'autant qu'il existe aujourd'hui un risque de remontée des taux d'intérêt. Nous préconisons pour cela un meilleur pilotage par le solde, une intensification des efforts de redressement, un accompagnement des reprises de dettes par certaines réformes structurelles, enfin une priorité à l'infléchissement de la dépense sur tout prélèvement supplémentaire, compte tenu du niveau déjà très élevé des prélèvements obligatoires dans notre pays.
Trésor plus fragile que jamais, la sécurité sociale représente un acquis inappréciable qu'il nous faut préserver. Fruit d'un élan que porta le Conseil national de la Résistance, il implique des choix collectifs courageux que la Cour s'est, modestement, efforcée d'éclairer.
L'effort de redressement doit porter en priorité sur la maîtrise des dépenses d'assurance maladie. Les réformes successives et indispensables des retraites, dont la Cour appréciera l'incidence dans de prochains travaux, ont relégué au deuxième plan les déficits répétés de la branche maladie, privée d'équilibre depuis un quart de siècle. Or celui de 2010 a atteint 11,6 milliards d'euros, soit 7,5 % de ses charges nettes. La progression tendancielle des dépenses dépasse chaque année 4 %, ce qui nécessite des mesures fortes de redressement. L'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, a été respecté en 2010, mais seulement pour la deuxième fois depuis son institution en 1996. C'est l'effet d'un pilotage plus fin et plus ferme de la dépense comme de facteurs circonstanciels favorables et ce résultat devrait faciliter la gestion de l'ONDAM en 2011. Mais la tenue dans la durée d'un ONDAM resserré exige d'amplifier encore nos efforts et de mobiliser toutes les marges d'efficience possibles. La maîtrise des dépenses de médicaments constitue à cet égard un enjeu considérable au regard de leur niveau particulièrement élevé chez nous par rapport aux autres pays européens comparables.
Les constats de la Cour partent de chiffres publics incontestables. Selon l'OCDE, la dépense de médicaments est plus élevée en France qu'ailleurs, et le ralentissement récent, signalé dans notre rapport, ne suffit pas à résorber des écarts particulièrement importants. Nous consommons huit fois plus de tranquillisants que les Allemands et six fois plus que les Anglais. Notre dépense pharmaceutique par habitant demeure la plus élevée sur les huit principales classes thérapeutiques, représentant presque 40 % du marché. Elle s'élève, selon une analyse récente de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), à 114 euros par habitant en France, contre 70 en Allemagne et 71 aux Pays-Bas. La dépense de médicaments à l'hôpital continue de progresser à un rythme deux fois plus rapide que celle des médicaments de ville. Les prix des médicaments récents ne se situent plus à des niveaux inférieurs à ceux de nos voisins européens et la prescription pharmaceutique en France présente en outre la particularité de se porter de préférence vers les médicaments nouveaux et chers… Pourtant, l'état de santé de notre population n'est pas significativement différent de celui de nos voisins.
La Cour estime notre système d'admission au remboursement et de fixation des prix insuffisamment rigoureux, peu transparent et mal encadré. Les multiples dispositifs adoptés pour réguler les dépenses correspondantes souffrent de faiblesses persistantes ; ils ne constituent que des palliatifs à efficacité limitée. Il en va particulièrement ainsi de la politique de diffusion des génériques, analysée en détail par la Cour. Après dix années d'efforts, notre pays n'a pas rattrapé son retard. La proportion des génériques, certes passée en volume de 10 à 20 % depuis 2002, reste cependant trois fois inférieure à celle de nos voisins allemands et anglais et dépasse à peine 10 % en valeur. Leur pénétration s'essouffle et leur diffusion recule même dans certaines classes thérapeutiques. Il en va ainsi des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) utilisés dans le traitement des ulcères, dont le taux de prescription en génériques est passé de 71 % en 2006 à 63 % en 2009, soit un recul de 8 points en trois ans. Tel est aussi le cas des statines, avec un taux tombé de 57 à 44 %, soit une diminution de 13 points. Analysant les raisons de cet essoufflement, la Cour a notamment relevé les stratégies de « contre génériques » menées par certains laboratoires auprès des prescripteurs et l'absence de généralisation des tarifs forfaitaires de responsabilité. Elle appelle donc à une refonte d'ensemble de la politique suivie depuis vingt ans en la matière, afin de redéfinir des règles claires et précises pour l'admission au remboursement et pour la fixation des prix. Il convient pour cela de développer les démarches d'évaluation médico-économique des médicaments innovants – mission confiée à la Haute Autorité de santé (HAS), mais que celle-ci n'exerce qu'insuffisamment –, de relancer vigoureusement la politique des génériques et de réguler plus fermement les prescriptions médicamenteuses, en particulier à l'hôpital. Ainsi, dans les cas où l'on peut aussi bien prescrire de l'aspirine que du Plavix, 24 fois plus cher, le prescripteur français choisit le second deux fois plus souvent que le prescripteur allemand, trois fois plus que le britannique et quatre fois plus que l'italien.
L'optimisation des dépenses repose évidemment au premier chef sur les professions de santé. Leur évolution démographique, leur répartition territoriale et leur articulation constituent des enjeux majeurs pour l'accessibilité de tous au système de soins et pour une prise en charge de qualité. Dans ce domaine, les évolutions doivent s'inscrire dans une réflexion d'ensemble, suffisamment anticipée pour favoriser les recompositions souhaitables des modes et des lieux d'exercice. La Cour a ainsi analysé l'évolution démographique des médecins ainsi que leur répartition territoriale. Contrairement à ce que l'on entend souvent, il n'y a jamais eu autant de médecins en France ni une densité médicale aussi élevée que de nos jours. Le nombre des praticiens augmentera de nouveau fortement à compter de 2020, après un creux d'ampleur et de durée plus limitées qu'on ne le croit. Cette dynamique ne réglera cependant spontanément ni les questions de répartition entre généralistes et spécialistes, ni les inégalités territoriales actuellement constatées. Une baisse du numerus clausus et une régulation plus fine, comme plus rigoureuse, des flux de formation des médecins apparaissent d'ores et déjà souhaitables si l'on veut éviter une surmédicalisation à long terme, qui pèserait lourdement sur l'assurance maladie.
Dans l'immédiat, les inégalités de répartition territoriale appellent des mesures correctrices nettement plus incisives que celles mises en oeuvre jusqu'ici. Sans être purement comptable, l'approche de la Cour permet de constater, comme d'ailleurs l'a fait la profession elle-même, que les dispositions incitatives sont restées surtout symboliques. Certaines aides ont donné lieu à des effets d'aubaine. La majoration de 20 % de la rémunération des généralistes libéraux exerçant en groupes dans des zones manquant de médecins, telle que prévue par un avenant à la convention médicale de 2005, a provoqué une dépense de l'ordre de 20 millions d'euros, soit en moyenne 27 000 euros par praticien, avec une prime maximale supérieure à 100 000 euros. Le résultat obtenu se révèle plutôt faible : une cinquantaine de médecins seulement se sont installés en vertu de ce dispositif. En outre, la définition des zones déficitaires étant obsolète, ces aides ont parfois été attribuées à des médecins exerçant dans des zones qui n'étaient plus sous-dotées. Des mesures beaucoup plus incitatives sont donc à envisager : ainsi, puisque l'assurance maladie prend déjà en charge une partie importante des cotisations sociales des médecins conventionnés, la Cour propose de renforcer les incitations à l'implantation des médecins dans certaines zones déficitaires en introduisant une modulation généralisée de cette prise en charge en fonction du lieu d'installation.
De même, le nombre de sages-femmes a quasiment doublé depuis 1990. Une plus forte complémentarité avec les autres professionnels de la naissance, notamment avec les gynécologues obstétriciens, serait de nature à valoriser les compétences respectives de ces professions médicales au bénéfice de la sécurité des patientes, de la politique de périnatalité et de l'optimisation des prises en charge par l'assurance maladie.
Toutefois, la recomposition de l'offre de soins doit porter principalement sur l'hôpital, qui représente plus de 72 milliards d'euros de dépenses d'assurance maladie. Ses marges de progrès nous semblent considérables. La Cour, dans le prolongement de ses précédents travaux, a cherché à apprécier l'effet sur la gestion hospitalière de la mise en oeuvre de la tarification à l'activité, dite « T2A ». Le bilan qu'elle en dresse apparaît en demi-teinte. La distorsion du lien entre tarifs et coûts, d'une part, et l'importance des dotations forfaitaires d'intérêt général, d'autre part, n'incitent pas suffisamment les établissements à se mobiliser pour améliorer leur compétitivité. Cela freine également les restructurations. Or celles-ci sont d'autant plus indispensables qu'un alignement total des tarifs entre hôpitaux publics et cliniques privées entraînerait arithmétiquement, pour le système hospitalier public, une perte de recettes annuelle supérieure à 7 milliards d'euros. Des arbitrages majeurs sont donc à prendre quant au périmètre et au niveau de la convergence si l'on veut respecter – vous en déciderez – l'échéance de 2018 fixée par la loi.
Les centres hospitaliers universitaires (CHU), qui sont les « vaisseaux amiraux » de l'hospitalisation publique et dont le positionnement comme le financement font l'objet d'une étude approfondie, devraient être incités à intensifier leurs efforts de réorganisation interne. Leurs spécificités en matière de soins apparaissent en réalité beaucoup plus limitées qu'on n'aurait pu le croire, de même que leurs rôles de recours et de référence : le deuxième CHU de France, à savoir les Hospices civils de Lyon, a pour première source de financement l'activité d'accouchement. Leurs performances en matière de recherche médicale sont particulièrement inégales. Au nom de leur spécificité, ils ont pourtant largement bénéficié des dotations forfaitaires d'intérêt général et des aides contractuelles accordées par les pouvoirs publics, ce qui leur a permis de différer jusqu'à tout récemment l'effort d'efficience demandé aux autres hôpitaux publics.
Une enquête menée par la Cour sur cinq d'entre eux, entre 2006 et 2009, montre que les premiers efforts qu'ils ont faits pour maîtriser l'évolution d'une masse salariale, qui représente entre 60 et 65 % de leurs charge, ne s'accompagnent pas encore des réorganisations en profondeur qui permettraient de parvenir à des résultats durables.
Les coopérations hospitalières ont fait l'objet d'une enquête de terrain conduite par la Cour et par les chambres régionales des comptes. Ce sont des instruments fréquemment utilisés par les hôpitaux. Certains les ont même multipliées : ainsi l'hôpital de Châteauroux a signé quelque 188 conventions sur des sujets aussi divers que l'accès aux équipements lourds, la mise à disposition de médecins spécialistes ou l'organisation des gardes médicales. Toutefois, comme l'illustre le cas du pôle public-privé de Saint-Tropez, le risque d'un déséquilibre au détriment du centre hospitalier public n'est pas toujours suffisamment pris en compte dans ces opérations, qui confortent plus souvent des situations fragiles qu'elles ne s'inscrivent dans une vision stratégique.
Ces coopérations devraient apporter une contribution accrue à la recomposition de l'offre de soins ; cependant, un tout premier bilan de la loi du 21 juillet 2009 dite « HPST » montre qu'on peine à s'orienter en ce sens. Ainsi les communautés hospitalières de territoire se sont peu développées : une région de l'importance de Rhône-Alpes n'en compte à ce jour que deux. Un pilotage plus affirmé, notamment par les agences régionales de santé (ARS), est indispensable pour leur faire jouer le rôle de levier qui doit être le leur pour la réorganisation de l'offre de proximité.
Une attention toute particulière doit être portée, dans le cadre de la stratégie de rééquilibrage des comptes sociaux, à un partage équitable et solidaire des efforts. En analysant les multiples modalités de prise en charge à 100 % par l'assurance maladie obligatoire, la Cour a constaté que celles-ci se révèlent de plus en plus complexes, sinon illisibles, et peu cohérentes. Le coût de cette trentaine de dispositifs est méconnu alors même que les enjeux financiers pour l'assurance maladie sont importants. Même le mécanisme des affections de longue durée (ALD), qui couvre une part croissante de la population – près de 10 millions de personnes en 2009 –, ne fait pas l'objet d'un suivi financier en continu. Il a fallu une étude spécifique de la CNAMTS, réalisée à la demande de la Cour, pour évaluer pour la première fois la charge que représentent les exonérations de ticket modérateur pour les soins de ville – de l'ordre de 10 milliards d'euros, dont 8 au seul titre des ALD –, mais aucune estimation n'existe pour les soins hospitaliers. Pour autant, l'objectif de limitation des restes à charge n'est pas complètement atteint, en particulier dans le secteur hospitalier où ils peuvent être extrêmement lourds.
Des questions majeures d'équité se posent ainsi, certains assurés risquant d'être conduits à renoncer aux soins. Il convient de procéder à une révision d'ensemble tout en préservant une forte solidarité, soit a minima en supprimant certaines exonérations ciblées non justifiées, soit en instaurant après toutes les études nécessaires un régime unifié de prise en charge.
Une même exigence d'équité et de solidarité doit régir, au-delà des régimes obligatoires, les systèmes d'aides publiques destinées à encourager le recours aux mécanismes de protection complémentaire. Ainsi, dans le prolongement de ses travaux antérieurs sur les niches sociales, la Cour s'est intéressée aux dispositifs d'aide au financement de la couverture maladie complémentaire et d'épargne retraite. Les aides publiques qui leur sont consacrées, essentiellement sous forme d'exonérations de charges sociales et de dépenses fiscales, atteignent, respectivement, environ 6 milliards et 2 milliards d'euros, et peuvent occasionner certains effets d'aubaine alors même que les catégories aux revenus peu élevés en bénéficient peu. La Cour préconise donc de rechercher un meilleur ciblage de ces aides. Ainsi le dispositif d'incitation à la couverture maladie complémentaire repose principalement sur une exonération de cotisations sociales destinée aux seuls contrats collectifs pour un coût que nous évaluons à 2,3 milliards d'euros. Or, par rapport aux contrats individuels, ces contrats s'adressent à un public en moyenne plus favorisé et sont plus avantageux en termes de prise en charge pour des cotisations moins élevées. Une réorientation de ce mécanisme permettrait de faire porter l'effort sur ceux qui en ont le plus besoin et, en particulier, de mettre fin aux effets de seuil constatés dans les dispositifs de la couverture maladie universelle complémentaire et de l'aide à la complémentaire santé.
La gestion du système de protection sociale doit être mise beaucoup plus fortement sous tension de productivité.
Même si leur part n'atteint que 3 % des dépenses totales, les coûts de gestion administrative du régime général, qui s'élèvent à 10 milliards d'euros, représentent un poste à forts enjeux. La modernisation des procédures et l'importance des départs en retraite ont permis une réduction non négligeable des effectifs et de réels gains de productivité. Toutefois, ceux-ci sont très variables et les objectifs globalement peu ambitieux. Les marges de progrès restent pourtant considérables, ne s'agirait-il que de la dématérialisation des feuilles de soins, encore peu pratiquée par les médecins spécialistes, et des quelque 500 millions de prescriptions pharmaceutiques qui les accompagnent. Ces gisements de productivité doivent être exploités rapidement et systématiquement, selon une stratégie fermement pilotée par les administrations de tutelle : il n'est pas admissible qu'il ait fallu dix ans pour que les différentes branches s'accordent sur une même définition de ce qu'est un emploi à temps plein. La Cour considère qu'une réduction de 10 % des dépenses de gestion, qui représenterait, toutes choses égales par ailleurs, une économie d'un milliard d'euros, devrait être fixée comme objectif pour la période couverte par les conventions d'objectifs et de gestion en cours et par la génération suivante.
Un pilotage plus ferme des performances des caisses, l'amplification des réorganisations et mutualisations fonctionnelles au-delà des fusions juridiques d'organismes, l'accélération des processus de dématérialisation doivent également être mis au service de cet objectif, ce qui est loin d'être le cas : les audits d'organismes conduits dans le cadre du réseau d'alerte, quand les indicateurs suivis se dégradent, en font foi. À cet égard, la renégociation des dispositifs conventionnels qui paralysent largement la mobilité fonctionnelle et géographique des agents des caisses de sécurité sociale apparaît d'une importance particulière. La mobilité géographique de ces agents, pourtant de statut de droit privé, est ainsi quasi nulle, contrairement à ce qui s'observe dans de nombreux services de l'État. Les efforts d'optimisation doivent également concerner la gestion immobilière des caisses, en net retard sur l'effort entrepris à cet égard par l'État, alors même que les enjeux financiers et fonctionnels sont importants du fait même de la décroissance récente des effectifs. À titre d'illustration, il a fallu attendre 2009 pour disposer d'un inventaire général du parc immobilier interbranches et interrégimes.
Ces problématiques ne valent pas que pour le régime général. La restructuration du réseau de la Mutualité sociale agricole (MSA) reste également à parfaire pour dégager effectivement et rapidement tous les gains d'efficience et de productivité qu'elle autorise. Toutefois, la situation démographique et financière des régimes agricoles appelle plus largement une réflexion stratégique sur leur évolution et sur la possibilité d'un rapprochement par étapes avec le régime général. Cette réflexion structurelle devrait donner lieu à un avenant à l'actuelle convention d'objectifs et de gestion, lors de son bilan à mi-parcours en 2013.
À tous ces égards, les autorités de tutelle doivent assumer pleinement leurs responsabilités. Il en va de même pour l'effort de simplification réglementaire indispensable à la mobilisation de gains de productivité plus importants. L'exemple des prestations servies pour le compte de tiers par la branche famille en atteste clairement. Devenue majoritairement un opérateur au service de l'État et des départements – les prestations servies pour leur compte représentent 45 % de ses dépenses, mais une part nettement majoritaire de son activité –, la branche famille est confrontée à la grande complexité d'aides aussi diverses que les aides au logement, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou le revenu de solidarité active (RSA). Leur simplification est une condition de la meilleure maîtrise de ses coûts de gestion, qui devraient en tout état de cause être systématiquement facturés au réel à ses donneurs d'ordre, sur la base d'une comptabilité analytique.
La Cour ne sous-estime nullement les efforts réalisés au jour le jour par de nombreuses parties prenantes à notre régime de protection sociale. Ils produisent indéniablement des effets dans de nombreux domaines. Toutefois, la pérennisation des déficits sociaux met désormais en cause la pérennité d'un système dont nous mesurons mieux que jamais la valeur en cette période de crise économique. Sa préservation constitue ainsi une priorité vitale, ce qui implique de mettre fin à un déficit injustifiable, notamment en matière d'assurance maladie. Le retour à l'équilibre doit être programmé non comme un objectif de moyenne période, mais comme un impératif collectif à atteindre à terme rapproché, ce qui suppose un calendrier rigoureux et fiable.
Pour redresser les comptes, la Cour ne préconise nullement la baisse des dépenses sociales, mais elle juge indispensable une modération de leur croissance. Ce ralentissement est possible moyennant la mobilisation de tous les acteurs du système pour plus d'efficience, dans le cadre d'efforts justement partagés et solidaires. L'efficacité ne s'oppose pas à l'équité. L'une et l'autre se conditionnent réciproquement.
C'est l'intensification de cet effort collectif de modération de la dépense qui peut justifier la mobilisation de ressources supplémentaires. Cette dernière doit passer prioritairement – la Cour l'a déjà observé – par une réduction du coût des niches sociales, dont notre rapport sur la sécurité sociale de l'an dernier avait montré une nouvelle fois toute la diversité et le coût, estimé à près de 70 milliards d'euros. Je constate d'ailleurs à cet égard que certaines des mesures récemment annoncées sont directement issues de recommandations que la Cour avait précédemment formulées et que votre Commission avait suggérées.
Au total, la réduction rapide des déficits sociaux et le retour à un équilibre durable, qui ne fasse plus peser sur la génération à venir le poids de la dette sociale, supposent un effort de réforme multiple dans ses points d'application, continu dans sa durée et d'une ampleur à la hauteur de l'enjeu : préserver le haut degré de protection sociale de notre pays.
Monsieur le Premier président, vous avez affirmé que la préservation de notre protection sociale imposait des adaptations, pour remédier à la dette et éviter une dégradation de notre compétitivité.
Je tiens à rappeler deux chiffres surprenants, que nous devons garder présents à l'esprit.
La progression des dépenses sociales a été, en France, la plus rapide de tous les pays européens : elles s'élèvent aujourd'hui à 630 milliards d'euros.
Le second chiffre est encore plus frappant : au cours des vingt-cinq dernières, la France a augmenté de 6,1 points de PIB à ses dépenses sociales quand la moyenne des pays de l'OCDE et de l'Allemagne était de 2,4 points – la Suède a même baissé les siennes de 0,4 point.
Nous avons reçu ici les délégations des commissions des affaires sociales du Japon, de la Turquie et de la République tchèque. Elles ont admis que nous avions le système social le plus développé mais ne se sont montrées intéressées que par les résultats de notre politique familiale. En revanche, elles ne prenaient pas pour référence notre système en matière de santé ou de vieillesse.
Monsieur le Premier président, vous avez abordé de nombreuses questions, mais non celle des différences entre régions pour ce qui est des dépenses de santé : les écarts vont jusqu'à 40 %, une fois corrigé l'effet vieillissement. Ce constat, qui me stupéfie personnellement, démontre l'existence de responsabilités inégalement réparties !
Chacun doit avoir également présent à l'esprit l'évolution comparée de l'ONDAM et du PIB en valeur. Le PIB a crû plus rapidement que l'ONDAM en 1999, 2006 et 2007 – année où nous espérions, grâce à la croissance enregistrée depuis l'année précédente, régler le problème de la dette ! En revanche, les dépenses de l'assurance maladie évolué plus vite que le PIB de 2000 à 2002, puis en 2009 et 2010 : les responsabilités sont donc partagées !
Monsieur le Premier président, votre ordonnance a, comme d'habitude, un goût un peu amer : étonnez-vous après cela que les Français aient besoin de huit fois plus de psychotropes que les Allemands !
Estimez-vous que la sécurité sociale est sous-financée, ce qui la priverait des moyens d'assumer la générosité du système de solidarité qu'elle incarne ? Si oui, quels financements seraient à vos yeux les plus efficaces et les plus justes ?
Par ailleurs, tout en déplorant les déficits et la dette qui en résulte, certains considèrent que les réformes et l'optimisation de la dépense sociale sont une maltraitance et se refusent à assumer des mesures exigeantes. Considérez-vous que les réformes visant à rationaliser les dépenses en améliorant l'efficience du fonctionnement, notamment de l'assurance maladie, sont nécessaires ? Sont-elles structurellement suffisantes et efficaces, ou faut-il aller plus vite et plus loin, au risque de heurter l'ensemble des corporatismes des différents acteurs du système de santé ? Quelles priorités conviendrait-il de définir pour agir plus efficacement sur la dépense ? Les 30 milliards d'euros d'intérêts payés depuis la création de la CADES devraient nous interpeller : c'est autant d'argent que les Français versent aux banques et au système financier et ne dépensent pas pour leur santé. Ce chiffre devrait, à lui seul, nous inciter à nous montrer plus efficaces dans la dépense. Je rappellerai également que la dette cumulée de la CADES représente les deux tiers de la dette grecque.
Enfin, considérez-vous que la suppression des médicaments de la classe des 15 % constitue une injustice ? Regardez-vous les tarifs forfaitaires de responsabilité comme un moyen plus efficace d'imposer l'usage des génériques que l'ensemble des dispositifs adoptés jusqu'ici ? Conviendrait-il d'accélérer la réforme de la T2A pour atteindre plus vite la convergence tarifaire ? J'ai parfois le sentiment qu'il en ira en ce domaine comme de la CADES, le terme étant reporté de 2018 à 2025 sous la pression d'acteurs qui ont peur de bouger, et je m'inquiète d'entendre la Fédération hospitalière de France (FHF) déclarer que la T2A devrait constituer un financement marginal, destiné à récompenser les plus vertueux – beaucoup, au sein de cette fédération, considèrent encore que la rente de dotation doit l'emporter sur l'exigence de l'activité.
Monsieur le Premier président, s'agissant de l'assurance maladie, vous avez signalé un point très positif : l'ONDAM a été respecté en 2010 pour la première fois depuis de nombreuses années.
Il conviendrait, dites-vous, de réguler les prescriptions à l'hôpital. C'est un objectif auquel nous songeons depuis très longtemps, mais comment l'atteindre compte tenu du nombre et de la diversité des praticiens à l'origine de ces prescriptions : internes, externes, stagiaires, sans compter les infirmières ?
D'autre part, à propos de la répartition inégale des médecins sur le territoire, vous avez suggéré de baisser le numerus clausus. Ne faudrait-il pas au contraire le relever ?
Pour remédier à la dérive du coût des ALD, vous proposez d'en revoir la liste. Ne peut-on envisager d'autres solutions, par exemple en exploitant enfin le rapport de MM. Raoul Briet et Bertrand Fragonard ?
Comment faire en sorte que la T2A devienne un outil efficace de rationalisation de l'activité hospitalière ? Selon le rapport de la Cour, il conviendrait pour cela de modifier l'organisation de production et les techniques de management. Faut-il ou non aller plus loin dans la convergence ?
S'agissant des préconisations du rapport Briet, relatives au gel des missions d'intérêt général et de l'aide à la contractualisation (MIGAC), en vue d'équilibrer l'ONDAM hospitalier, le rapport précise que l'utilisation d'un tel gel comme instrument de limitation risquerait de pénaliser le système hospitalier : faut-il dès lors continuer dans ce sens ou non ?
Enfin, en matière de coopérations hospitalières, vous notez que la tutelle ne s'est pas montrée suffisamment directive. Quelles solutions devrait-elle mettre en oeuvre pour une utilisation plus intense de cet outil ?
Il conviendrait de faire de la pédagogie auprès des Français, qui ne mesurent pas bien l'ampleur, les causes et le caractère durable des déficits de la sécurité sociale, non plus que l'importance des efforts à fournir pour les combler. Les discours tenus sur le sujet sont souvent trop faciles.
En ce qui concerne les sages-femmes, je tiens à souligner que le Parlement a, à plusieurs reprises, voté des lois allant dans le sens que vous préconisez mais que, malheureusement, le Conseil constitutionnel a censuré certains des dispositifs adoptés, s'agissant notamment des maisons de naissance, sur lesquelles nous devrons revenir.
La construction de l'ONDAM médico-social repose depuis l'année dernière sur les crédits de paiement : il a en effet été plusieurs fois constaté que les crédits délégués n'étaient pas consommés. Avez-vous effectué un suivi des consommations des crédits délégués aux agences régionales de santé ? Avez-vous constaté une amélioration grâce à cette nouvelle disposition ?
On a craint que les nouvelles procédures d'autorisation d'appel à projets par les agences régionales ne retardent l'élaboration des projets pour 2010 et 2011 : quel jugement portez-vous sur ce nouveau dispositif ?
Enfin, le nombre des personnes âgées dépendantes augmentant, il est nécessaire que les départements mettent en place des coordinations plus efficaces entre l'hôpital, l'aide à domicile et les établissements médico-sociaux, ce qui permettrait de réaliser une économie de quelque 2 milliards d'euros par an. Que pouvez-vous nous dire sur le sujet ?
Monsieur le Premier président, quel type de recettes supplémentaires préconisez-vous pour assurer l'équilibre du Fonds de solidarité vieillesse ? Doit-on accroître encore la prise en charge par la solidarité nationale des avantages non contributifs ?
Quel type de ressources suggérez-vous pour rétablir l'équilibre de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles ?
En matière d'épargne retraite, le rapport de la Cour des comptes propose que la France s'inspire du système allemand instauré par la réforme Riester de 2001 qui, pour inciter à l'épargne, prévoit des abondements de l'État dont le montant est lié non seulement aux sommes épargnées mais également aux revenus de l'épargnant – ce système fonctionne parfaitement. Connaissez-vous le coût global du dispositif ainsi que son coût rapporté au montant épargné par les actifs ?
Monsieur le Premier président, la Cour des comptes consacre un des derniers chapitres de son rapport à la gestion par les caisses d'allocations familiales (CAF) des prestations servies pour le compte de l'État et des départements. Il s'agit d'une part croissante de leur activité car on y inclut désormais le versement du revenu de solidarité active, des aides au logement et de l'allocation aux adultes handicapés.
Vous insistez sur la forte proportion d'indus dans les prestations versées pour le compte d'un tiers : des allocataires, qui ont perçu des prestations en trop, doivent les rembourser, alors même que leurs droits diminuent. C'est également un problème financier pour les départements qui en supportent la charge. Ce phénomène est-il imputable aux modifications constantes de la législation ou à un problème de gestion ? Comment, dans ce cas, y remédier ?
J'ai été par ailleurs frappée de constater que c'était le Fonds national de gestion administrative de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), alimenté par ses propres ressources, qui finance les frais de gestion d'une partie des prestations versées pour le compte de l'État ou des départements, alors même que la branche famille a connu récemment de graves difficultés financières et pourrait en connaître de nouvelles demain. Lorsque les frais de gestion sont pris en charge, leur calcul est souvent bien inférieur au coût réel. Que préconisez-vous pour mieux prendre en compte les frais de gestion engagés par les caisses ?
Monsieur le Premier président, j'ai noté que vous préconisiez la diminution des dépenses avant l'augmentation de l'imposition : cela ne peut que satisfaire la majorité de cette assemblée.
Le rapport de la Cour met en évidence les limites du portage à court terme des déficits sociaux par l'ACOSS, en notant que l'agence recourt aujourd'hui au marché pour couvrir les deux tiers de ses besoins de trésorerie infra-annuels, ce qui accroît fortement son exposition au risque de liquidité. Faut-il revenir sur cette réorientation du financement des découverts des comptes sociaux ? Cela sera-t-il au demeurant possible et, le cas échéant, comment procéder ?
Par ailleurs, la Cour considère-t-elle que le contexte financier actuel comporte des risques spécifiques pour le portage de la dette sociale, au regard notamment de la part respective de l'endettement de court terme et de l'endettement de moyen terme de la CADES ?
La Cour a étudié un des postes qui contribuent beaucoup à la croissance des dépenses, celui des ALD : l'écart est impressionnant entre le coût annoncé par le Gouvernement – 78 milliards d'euros – et celui qui a été calculé par la CNAMTS à la demande de la Cour : 8,2 milliards d'euros. Comment expliquer un tel écart ? Comment aboutir à une estimation fiable de manière pérenne ? Qui doit se charger de cette évaluation ? La Cour pourrait-elle y contribuer ? Quels dispositifs permettraient de mesurer l'efficacité médico-économique des ALD ?
Enfin, la Cour a elle-même constaté l'impossibilité d'évaluer les coûts de gestion des prestations servies par les caisses d'allocations familiales pour le compte de l'État et des départements : quels dispositifs faudrait-il pour y parvenir ? Un système conventionnel tripartite, entre la Caisse nationale, l'État et les départements, est-il envisageable ? Qui devrait supporter la charge financière de la part correspondant aux indus ?
Comme le souligne la Cour, notre protection sociale est fragilisée par un déficit structurel. Je concentrerai mon propos sur la question de l'assurance maladie, qui préoccupe fortement nos concitoyens et qui appelle des réponses fortes.
Il est néanmoins étonnant d'entendre certains collègues affirmer que la responsabilité serait partagée entre la droite et la gauche.
On peut aussi remonter aux Croisades !
Cela dit, nous sommes tout prêts à assumer nos responsabilités et à faire valoir nos propositions et nos solutions, et ce dès le mois de mai prochain !
La politique menée par la droite à partir de 2004 s'est aggravée au cours des dernières années. Elle constitue une véritable faute contre notre système de santé, au regard de l'idée de solidarité et à l'égard des Français, qui attendent qu'on leur garantisse l'efficacité, la qualité et la solidarité de leur système de soins.
De ce point de vue, monsieur le président, vos propos sont préoccupants. En affirmant que certains pays, notamment la République tchèque, admirent notre politique familiale mais pas notre système de santé, vous confirmez à quel point ce dernier a été malmené. Jusqu'à présent, la majorité partageait l'idée que nous avions un très bon système de santé et que l'enjeu était de le sauver. Si, désormais, vous proposez d'appliquer en France la politique très libérale de la République tchèque...
Je n'aime pas être caricaturé. Ce que j'ai dit, c'est que j'avais été surpris de constater que nos voisins ne s'intéressaient qu'à notre politique familiale.
Peut-être vous êtes-vous mal exprimé. Toujours est-il que c'est la première fois que j'entends un responsable important de la majorité expliquer que notre système de santé ne doit pas être mis en avant.
C'est faux ! J'ai suffisamment défendu le système français sur le terrain, notamment comme président de conseil général pendant vingt ans, pour refuser cette caricature, madame Touraine. Vous êtes dans la caricature en permanence !
La vivacité de votre réaction, monsieur le président, laisse à penser que j'ai touché juste...
..et laisse présager des débats difficiles dans les prochains mois.
J'aimerais savoir, par exemple, ce que la majorité pense de l'évocation par la Cour d'un abaissement du numerus clausus pour les médecins.
Quant au système suédois, auquel vous avez également fait référence, monsieur le président, nous en reconnaissons l'excellence mais sommes-nous prêts à nous diriger vers ce modèle qui est organisé exclusivement autour de centres publics de santé ? Cela ne correspond pas à la tradition française et à la conception que nous mettons en oeuvre depuis 1945.
Que notre système soit malmené, les propos de Mme Bachelot rapportés par le quotidien Métro de ce matin en apportent une nouvelle illustration. Mme Bachelot estime en effet qu'il n'est pas nécessaire de nous doter de structures spécifiques pour les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer car, selon elle, seuls 200 malades identifiés en France, soit deux par département, souffrent de cette pathologie à un degré d'avancement impliquant une prise en charge spécifique. On est en droit de se demander quel est l'objectif ici poursuivi !
Nous avons besoin d'une politique de régulation. Les déremboursements se succèdent de façon injuste. L'assurance maladie ne rembourse plus aujourd'hui que 75 ou 76 % de la prise en charge contre 78 % il y a quatre ans, sans que l'efficacité du système s'améliore pour autant : les déficits se poursuivent, les déserts médicaux existent toujours, les dépassements d'honoraires flambent.
Parmi les mesures à prendre, nous pensons nous aussi qu'un renforcement des transferts de compétence est nécessaire, en particulier en direction des sages-femmes. En revanche, nous ne partageons pas l'analyse de la Cour au sujet de la convergence tarifaire. À nos yeux, la spécificité de l'hôpital public ne peut s'accommoder d'une convergence avec le système privé.
J'en viens à mes questions.
À la page 68 de son rapport, la Cour précise que l'ONDAM a été respecté du fait de gels de crédits en cours d'année. Quelle appréciation porte-t-elle sur le fait ? Ne peut-on « rentrer dans les clous » qu'en privant en cours d'année les acteurs de santé de ressources sur lesquelles ils comptaient ?
S'agissant de la régulation de l'installation des médecins – à laquelle nous sommes favorables –, la Cour a-t-elle mesuré tous les effets de la modulation de cotisations sociales qu'elle suggère ? La régulation peut-elle se faire par le biais d'incitations financières ? Des études laissent à penser que de telles incitations ne sont efficaces que si elles atteignent un niveau très élevé.
Enfin, pour ce qui est des médicaments, la Cour est-elle à même de chiffrer l'impact d'une politique de moindre prescription, assortie de remboursements assis sur le prix du médicament efficace, lequel n'est pas nécessairement le plus récent ?
Je félicite la Cour pour ce volumineux rapport, je remercie le Premier président de sa brillante synthèse, je souscris à son appel à l'équité et à l'efficience et je me réjouis qu'à une baisse des dépenses sociales, il préfère une modération tenant compte de l'évolution de la croissance. Cela étant, comme chaque année, je regrette que le rapport nous soit remis trop tard pour que nous puissions en prendre connaissance dans le détail.
Concernant le problème majeur de la dette et notre refus de transférer aux générations futures nos propres dépenses, la Cour semble souhaiter un transfert des déficits de l'ACOSS vers la CADES, donc une augmentation de la contribution au remboursement de la dette sociale. Cette proposition est conforme à ce que nous voulons pour l'équilibre des comptes.
Plus généralement, la Cour est-elle comme nous favorable à une « règle d'or » en matière de dépenses sociales, contraignant le Parlement à voter chaque année une loi de financement de la sécurité sociale en équilibre ?
La Cour préconise une diminution du numerus clausus des médecins. Je ne souhaite pas que l'on en revienne à la position, défendue en 1995, selon laquelle moins de médecins, ce serait moins de dépenses : de toute façon, le nombre de malades et de traitements nécessaires ne change pas ! Il est du reste malaisé de savoir quel est le nombre réel de médecins généralistes aujourd'hui, en raison de la difficulté de comptabiliser les modes d'exercice particulier (MEP). À mon sens, l'élément à prendre en compte n'est pas le nombre de médecins mais le temps médical disponible. Les généralistes d'aujourd'hui doivent s'acquitter de davantage de tâches administratives que leurs aînés et ils souhaitent préserver leur temps libre et leur vie familiale. Bref, un abaissement du numerus clausus serait une réponse erronée et même dangereuse.
La Cour, favorable à la convergence tarifaire, est-elle à même de chiffrer les missions de service public, sachant que c'est l'enjeu principal du débat entre public et privé ? Quel regard porte-t-elle sur les MIGAC ?
S'agissant enfin des contrats collectifs complémentaires, la Cour suggère que l'on revienne sur les aides publiques et exemptions, qu'elle estime à 4,3 milliards d'euros. Considère-t-elle qu'il n'y a pas de retour bénéfique de ces aides, au profit d'un dispositif dont le but est d'offrir une bonne protection aux salariés ?
En réaction au rapport de la Cour des comptes et en totale contradiction avec la teneur de celui-ci, la ministre du budget, porte-parole du Gouvernement, continue d'imputer à des raisons conjoncturelles l'ampleur des déficits sociaux au lieu de s'interroger sur les choix gouvernementaux et sur le sous-financement de la protection sociale qu'ils provoquent.
Les travaux de la Cour infirment cette thèse et ils relèvent avec pertinence le caractère déresponsabilisant du dispositif de financement de la dette sociale. Ce gouvernement a poussé ce système à ses limites en modifiant la loi organique pour doubler la durée de vie de la CADES – la règle d'or, en quelque sorte, a été abolie par ses propres auteurs ! – et en transférant 260 milliards d'euros de dette de 1998 à 2018 sans prévoir de ressources pérennes, préférant des hausses de la contribution pour son amortissement.
Soucieuse de maîtriser plus strictement la croissance des dépenses de soins, la Cour pose le problème du prix du médicament, appelle à une réduction des niches sociales et fiscales et suggère de réorienter les huit milliards d'aides publiques au financement de la couverture maladie complémentaire et de l'épargne retraite vers les populations qui en ont le plus besoin. Nous souhaiterions cependant qu'elle soit plus précise sur les raisons structurelles de l'appauvrissement des ressources de la protection sociale : impact des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires durant la dernière décennie, poids des exonérations non compensées – les niches sociales –, déséquilibre entre les prélèvements sur les revenus d'activité et sur les revenus du capital et de l'épargne. Pourrait-elle également être plus explicite sur les réformes qu'elle préconise concernant les recettes et les niches sociales ?
Enfin, comme l'année précédente, la Cour a refusé de certifier les comptes de la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Le rapport fait mention « d'insuffisances des dispositifs de contrôle interne relatifs aux cotisations et à une partie des prestations ». Pourriez-vous apporter des précisions sur ces insuffisances ?
Alors que son coût rend l'aide à l'acquisition d'une assurance complémentaire santé (ACS) particulièrement compétitive par rapport aux contrats responsables, un quart seulement des bénéficiaires potentiels ont demandé à profiter de ce dispositif. Qu'en pensez-vous ?
D'autre part, quelle est l'appréciation de la Cour sur la définition des « contrats solidaires et responsables » que proposent désormais tous les producteurs d'assurance complémentaire, tant les instituts de prévoyance – les « vraies » mutuelles – que les organismes financiers, notamment les assureurs ?
La Cour, monsieur Bur, ne pose pas le problème en termes de « sous-financement » de la sécurité sociale. Elle constate un déficit qu'elle considère comme une anomalie : il ne lui paraît pas normal que les comptes sociaux soient présentés en déséquilibre puisqu'il s'agit de dépenses courantes et que les dépenses courantes doivent être assurées par les générations actuelles et non par les générations futures. Un déficit des comptes sociaux, tout comme une dette sociale, est injustifiable, et il faut tout faire pour restaurer les équilibres nécessaires.
Poser la question du sous-financement revient à ne s'intéresser qu'aux recettes. On passe alors à côté du problème principal, celui de la dépense et de son efficacité. Je le répète, nous pensons qu'efficacité et solidarité ne s'opposent pas. Bien au contraire, elles sont complémentaires. Dès lors, la solidarité et la justice peuvent se trouver remises en cause si nous sommes insuffisamment attentifs à l'efficacité de notre système de soins.
La France dépense beaucoup pour ce système. Est-il pour autant supérieur à ceux des autres pays ? L'état de santé de la population française est-il meilleur qu'ailleurs ? Non. Il faut donc se poser de la question de l'efficacité. La Cour des comptes est dans son rôle en affirmant qu'on ne peut voir le système de santé et de protection sociale à travers le seul prisme du financement et de la recette, et que des adaptations et des réformes de structures sont nécessaires.
Du reste, c'est le mouvement du monde qui le veut ainsi. Certains progrès modifient la nature du travail. Comment ne pas tenir compte, par exemple, de la dématérialisation, qui dégage d'ailleurs des marges pour faire autre chose tout en restant dans le cadre d'une dépense maîtrisée ?
Concernant le médicament, des réformes sont bien entendu nécessaires. Nous n'avons pas chiffré les économies possibles, mais je rappelle que ce secteur représente 36 milliards d'euros de dépenses.
L'hôpital peut également faire l'objet d'adaptations et de réformes de structures, sans remettre en cause l'accès aux soins et la qualité de la prise en charge.
Ne pas aborder le problème globalement, c'est cela qui compromet la pérennité de notre système de santé et de protection sociale.
La Cour n'a pas à dire s'il est juste ou injuste de dérembourser des médicaments. Elle ne raisonne pas ainsi. La question est de savoir s'il y a ou non un service médical rendu. Si ce n'est pas le cas, il n'y a pas lieu de rembourser. C'est pourquoi nous suggérons de renforcer les analyses médico-économiques et de revoir tout le dispositif d'autorisation de mise sur le marché.
Nous sommes par ailleurs favorables au tarif forfaitaire de responsabilité, qu'il faudrait étendre. En Allemagne, où il est beaucoup plus répandu que chez nous, les résultats sont bien meilleurs dans ce domaine.
Quant à la convergence tarifaire entre les hôpitaux publics et les hôpitaux privés, ce n'est pas la Cour qui la demande, c'est la loi. C'est pourquoi nous ne nous exprimons pas sur le fond. Mais nous reconnaissons les spécificités des hôpitaux publics. À l'évidence, ceux-ci assument des charges particulières et leur vocation n'est pas tout à fait la même que celle des établissements privés. Il convient donc d'identifier et d'analyser objectivement les différences entre les deux catégories. Des progrès restent manifestement à faire sur ce point.
En matière de régulation des prescriptions, notre pays fait preuve d'une véritable timidité tant en médecine de ville qu'en médecine hospitalière. Je le répète, des évaluations médico-économiques sont très nécessaires. Cette mission échoit normalement à la Haute Autorité de santé. Or celle-ci ne s'est pas totalement saisie de cette compétence, en raison d'une interprétation excessivement restrictive de la disposition législative qui la lui attribue. Une de nos principales recommandations est de rendre ces études systématiques pour tous les médicaments innovants, comme c'est le cas dans de nombreux pays voisins. Si des propositions étaient formulées à ce sujet dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, cela nous paraîtrait aller dans le bon sens.
J'ai déjà évoqué la question des médicaments génériques, les pratiques en matière de prescription et les stratégies de contournement adoptées par les laboratoires. Là aussi, on pourrait prendre utilement des mesures pour améliorer les résultats.
S'agissant du numerus clausus, la Cour demande que l'on tienne le plus grand compte des dernières estimations de tendance publiées par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) sans pour autant négliger l'évolution de l'exercice médical, rappelée par M. Préel. En 2009, on dénombrait 61 300 généralistes – 53 600 dits « actifs » et 7 700 ayant un mode d'exercice particulier – ainsi que 54 600 spécialistes, soit un total de près de 116 000. La DREES estime que la baisse attendue de la démographie médicale sera moins prononcée et durera moins longtemps que ce qui était généralement admis jusqu'à présent. Il est également démontré que ce léger creux devrait être suivi d'une vigoureuse reprise de croissance. Selon la Cour, il faut aborder dès aujourd'hui la question d'un ajustement à la baisse du numerus clausus afin d'éviter un déséquilibre démographique futur. Le sentiment de pénurie qui peut exister aujourd'hui ne doit pas aboutir à un gonflement excessif dans les prochaines décennies.
Que faites-vous de l'afflux de médecins étrangers, dont la venue est demandée par plusieurs conseils généraux ?
La Cour constate que le creux conjoncturel de la démographie médicale sera moins important et plus court qu'on ne l'anticipait il y a quelques années. Il y a à cela différentes raisons, dont notamment, monsieur Door, l'afflux de médecins étrangers qui fait remonter en partie l'effectif.
Étant donné la durée des études de médecine, il faut avoir une vision de long terme de la démographie médicale et anticiper le numerus clausus en conséquence. Actuellement, celui-ci est à peu près défini jusqu'en 2015. Pour la suite, un effort de prospective est nécessaire.
Nous constatons également que les flux d'étudiants se dirigent de nouveau vers les grandes facultés situées dans les zones les mieux dotées en médecins. Les capacités de formation des facultés situées dans des zones moins attractives sont en effet saturées. Ce problème d'équilibre entre les lieux de formation mérite examen.
Quant aux MIGAC, monsieur Door, elles ont atténué les effets de l'application de la tarification à l'activité, en particulier dans les centres hospitalo-universitaires qui en ont été les grands bénéficiaires. Nous avons observé aussi que la régulation infra-annuelle de l'ONDAM, rendue nécessaire par l'effet indéniablement inflationniste de la T2A, avait été obtenue par le gel de ces dotations. Si cela s'est révélé efficace, il n'est pas cohérent de procéder de la sorte. Aussi recommandons-nous de réfléchir à d'autres modes de régulation infra-annuelle.
Mme Bérengère Poletti s'est inquiétée du respect de l'objectif global de dépenses médico-sociales. La Cour a noté que la sous-consommation affectant le volet « personnes âgées » de ces crédits était moins flagrante que les années précédentes. Tout ce qui tend à asseoir davantage cet objectif global sur les réalisations effectives – et prendre en compte les crédits de paiement plutôt que les autorisations d'engagement y participe – ne peut que contribuer à le rendre plus réaliste.
Après avoir laissé aux agences régionales de santé le temps de s'installer, la Cour mène une première enquête à leur sujet. La nouvelle procédure d'appel à projets des agences régionales pour l'offre médico-sociale n'a pas fait l'objet d'investigations particulières cette année ; cela n'exclut pas qu'il en aille autrement à l'avenir.
Il faut, monsieur Jacquat, s'interroger sur les causes du déficit du Fonds de solidarité vieillesse. Outre l'insuffisance des ressources constatée depuis plusieurs années, l'attribution à la CADES, en 2009, de 0,2 point de CSG a privé le FSV d'une ressource importante – 2,1 milliards d'euros, soit la moitié de son déficit en 2010 – sans que cette opération améliore la situation financière globale de la sécurité sociale. Le FSV finance par ailleurs les cotisations des chômeurs, si bien que la dégradation de l'emploi l'affecte directement. Il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur la nature des recettes à affecter au Fonds, mais elle recommande de mettre fin à son sous-financement structurel, qui s'aggrave.
Le régime des exploitants agricoles est complètement déséquilibré, chacun le sait. En 2006, face à 16,3 milliards d'euros de charges, le produits des cotisations n'était que de 2,7 milliards d'euros. C'est dire que plus de 80 % des ressources étaient assurées par la solidarité interprofessionnelle, par le biais de la compensation démographique entre les régimes, et par la solidarité nationale. En 2011, la situation est la même. Des efforts ont été faits, notamment par la restructuration, en cours, du réseau mais cela n'aboutira dans le meilleur des cas qu'à stabiliser les frais de gestion. La branche retraite de la Mutualité sociale agricole (MSA) s'est vue transférer les droits et obligations du Fonds de financement des prestations sociales agricoles (le FFIPSA), mais aucune ressource nouvelle ne lui a été allouée pour compenser un solde structurel négatif et en voie d'aggravation. La suppression du FFIPSA a contribué à clarifier la situation financière du régime des exploitants agricoles, mais les lois de financement de la sécurité sociale pour 2010 et 2011 n'ont pas défini de solution pérenne. Autrement dit, la situation passée a été apurée mais rien n'a été fait pour l'avenir. En attendant, la Caisse centrale de la MSA, organisme privé chargé d'une mission de service public, doit assurer le portage d'un endettement important. Dans ce domaine encore, il ne nous appartient pas de définir les ressources à affecter à cet objet, mais nous disons que le problème doit être traité.
Selon les chiffres qui figurent dans le rapport d'information rédigé par le sénateur Alain Vasselle en juillet 2010, le montant global des primes versées dans le cadre du dispositif d'épargne retraite inspiré du système allemand a été de 2,5 milliards en 2009, pour 13,5 millions de personnes ayant souscrit un contrat ; le coût moyen est donc de 185 euros par contrat.
Madame Pinville, la forte proportion d'indus dans les prestations versées pour le compte de tiers résulte de la volonté de coller au plus près des variations dans la vie des familles, qu'il s'agisse de leur composition ou surtout de leurs ressources. Elle tient aussi à la complexité des règles applicables, et au temps parfois mis par les caisses d'allocations familiales à détecter les prestations versées à tort. Si les règles étaient plus simples, il y aurait certainement moins d'indus mais les changements de situation des allocataires seraient moins fréquemment pris en considération. Il faut donc trouver le bon équilibre. Cela vaut notamment pour la réforme de l'allocation aux adultes handicapés. Particulièrement complexe et s'appliquant à un nombre réduit de bénéficiaires, elle conduit à s'interroger sur l'équilibre entre coût et avantages. Que l'on considère la réactivité à l'évolution de la situation de l'allocataire, la lisibilité du dispositif ou son coût de gestion, cet équilibre n'a manifestement pas encore été trouvé.
Afin de mieux prendre en compte les frais de gestion administratifs des caisses d'allocations familiales, nous proposons d'inscrire dans la loi le principe d'une facturation fondée sur les coûts réels constatés pour les prestations servies pour compte de tiers. Cela suppose de mettre en oeuvre dans les meilleurs délais une comptabilité analytique qui, malheureusement, n'existe pas encore. Le montant des frais de gestion, qui devrait être défini par convention et réévalué régulièrement, pourrait dépendre du nombre de bénéficiaires ou de dossiers. Le montant du fonds de gestion administrative de la Caisse nationale serait alors réduit à concurrence des sommes ainsi perçues.
Pour l'ACOSS, la Cour préconise un cadre prudentiel plus net et des règles plus claires. Je l'ai dit, nous proposons de réduire le risque en transférant systématiquement à la CADES les déficits pré-financés par cette agence.
Compte tenu de notre endettement, la sensibilité de la sécurité sociale aux taux d'intérêt est très forte : un accroissement de 100 points de base de ces taux représente pour elle une augmentation d'un peu plus de 500 millions d'euros de la charge de sa dette, et une telle variation peut intervenir très vite. L'évolution des taux d'intérêt peut aussi avoir des conséquences terrifiantes sur les marges de manoeuvre de l'État. C'est dire la nécessité de réformes structurelles.
Les dépenses remboursées au titre des affections de longue durée s'élèvent en tout à 78 milliards d'euros ; la dépense de 8,2 milliards, elle, représente le coût de la prise en charge, dans ces cas, du ticket modérateur pour les soins de ville.
Il y a d'un côté un coût, de l'autre un surcoût. Les 78 milliards correspondent à la totalité de la dépense liée aux ALD, soins de ville et soins hospitaliers confondus. Les 8,2 milliards représentent le montant des remboursements supplémentaires versés aux assurés touchés par une affection de longue durée, rapportés aux remboursements dus aux autres assurés pour les soins de ville.
Je pense avoir répondu aux questions de Mme Vasseur. Beaucoup des questions posées par Mme Touraine s'adressaient au président de votre Commission. Je le redis, c'est la loi, et non la Cour, qui propose la convergence tarifaire. Pour notre part, nous recommandons de bien définir les différences et les périmètres respectifs, puisque certaines missions – les urgences ou encore la permanence des soins – relèvent spécifiquement de l'hôpital public.
La Cour se réjouit que l'ONDAM ait été respecté l'an dernier. Elle souligne toutefois qu'il faut se donner les moyens de s'assurer que l'objectif sera respecté dans la durée car certains facteurs circonstanciels peuvent expliquer qu'il ait été tenu en 2010 : des rentrées supérieures aux prévisions et une épidémie de grippe plus tardive que les années précédentes, ce qui a décalé les dépenses.
Nous n'avons pas évalué de manière précise l'impact que pourrait avoir une réforme de la politique du médicament ; en revanche, nous avons suggéré des pistes pur agir sur la dépense dans ce secteur.
Je pense avoir répondu à M. Jean-Luc Préel au sujet du nécessaire équilibre des comptes sociaux. Dire que les comptes de la sécurité sociale devraient être régulièrement présentés à l'équilibre, que le déficit de ces comptes et la dette qui en résulte sont des anomalies, voilà qui est suffisamment clair pour que chacun comprenne l'attachement que la Cour attache à un tel équilibre.
Nous avons constaté que le dispositif de contrats collectifs complémentaires a permis quelques effets d'aubaine. Il y a donc là une piste d'économie possible : parce que la Cour n'est pas convaincue que ces contrats contribuent toujours à une meilleure protection sociale des salariés qui en ont le plus besoin, elle n'est pas persuadée que l'équilibre entre le coût de la niche sociale et l'efficacité de la mesure soit le meilleur.
Monsieur Muzeau, la Cour considère qu'il existe encore des marges de manoeuvre permettant de garantir des recettes supplémentaires pour équilibrer les comptes de la sécurité sociale, notamment en réduisant les niches sociales. Nous avions formulé des propositions à ce sujet l'an dernier ; nous considérons que le sujet n'est pas épuisé, et que l'on peut encore réduire le coût d'exonérations qui ne brillent pas par leur efficacité au regard des objectifs visés. Je l'ai dit, la gravité de la situation de la sécurité sociale oblige à agir sur la dépense mais aussi sur la recette, et nous recommandons que cela soit fait en priorité par la remise en cause de niches sociales.
Par ailleurs, nous disons une nouvelle fois qu'il nous paraît pertinent de recourir à la CRDS pour régler pour partie le problème de la CADES.
Le refus par la Cour de certifier les comptes de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) pour l'exercice 2010 s'explique par les insuffisances du contrôle comptable interne dans une partie des caisses d'assurance retraite et de santé au travail (CARSAT), par des divergences dans les données relatives à la population d'établissements assujettis et par l'incertitude qui demeure sur la détermination des taux de cotisation applicables aux employeurs. Ces défaillances, déjà signalées plusieurs fois par la Cour, n'avaient pas été corrigées par les responsables de la gestion de cette branche ; compte tenu des sondages supplémentaires que nous avons réalisés cette année, nous avons jugé qu'elles entachaient la fiabilité des comptes de la branche.
Ainsi, après que, l'an dernier, la Cour avait exprimé de très fortes réserves sur les comptes de la branche AT-MP pour 2009, elle a refusé de certifier ceux de l'exercice 2010. Cela ne peut rester sans incidence sur les débats à venir sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or les mesures de rétablissement attendues des gestionnaires de la branche sont probablement d'ordre réglementaire, sinon de la responsabilité propre des organismes considérés, où le pouvoir l'intervention du Parlement est des plus limités. Comment, alors, mettre un terme à de telles défaillances ?
En exprimant de très fortes réserves sur les comptes pour 2009 et en indiquant ne pas être en mesure de certifier les comptes pour 2010, nous avons appelé la branche à faire les efforts nécessaires. Elle les a engagés. Notre position doit être comprise par elle comme un encouragement à aller un peu plus loin encore.
La loi dite « HPST » avait ouvert la possibilité d'expérimenter des objectifs régionaux des dépenses d'assurance maladie ; la disposition a été annulée par le Conseil constitutionnel parce que nous n'avions pas précisé la durée de l'expérimentation. Ne serait-il pas judicieux que la Cour travailler sérieusement à des analyses départementales et régionales pour faire apparaître les degrés d'efficience, qui peuvent être divers, et pour mettre en valeur les pratiques vertueuses ?
La Cour recommande d'expérimenter les maisons de naissance. Ayant déposé une proposition de loi en ce sens, je me félicite de l'intérêt que vous portez à ces expérimentations, dont je suis certaine qu'elles seraient d'un grand intérêt pour la santé publique et aussi pour le suivi des malades chroniques en favorisant le travail en réseau. Mais des évaluations qualitatives des réseaux de soins ont-elles été faites ?
Pour combattre les maladies chroniques, les écologistes plaident en faveur d'une lutte résolue contre les pollutions et contre l'usage des produits toxiques, et pour l'amélioration du bien-être au travail. La Cour connaît-elle les conséquences financières de la situation actuelle, qui risque de s'aggraver ?
La Cour souhaite intensifier l'effort de productivité des caisses. À cette fin, elle recommande de réduire de 10 % leurs frais de gestion. Ce faisant, ne risque-t-on pas d'enclencher un sinistre « effet France Télécom » ? Et je ne sache pas que les frais de gestion des caisses méritent l'opprobre.
Vous souhaitez réduire la surconsommation de médicaments. Mais ne peut-on penser que la prescription des génériques et l'allègement des ordonnances ne pourront être effectifs tant que la formation continue des médecins sera aux mains de l'industrie pharmaceutique?
Enfin, le « Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire » propose de revenir à un taux de prise en charge par la sécurité sociale de 80 %, ce qui limiterait les inégalités d'accès aux soins qui, vous l'avez dit, ne sont pas compensées par les aides à l'accès aux assurances complémentaires. Qu'en pense la Cour ?
Je vous remercie, monsieur le Premier président, de nous avoir présenté cet excellent rapport. Excellents, les rapports de la Cour le sont toujours, et incontestables également ; toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté devraient donc faire leurs, sans barguigner, les recommandations qu'ils contiennent. Mais ce n'est pas ce qui se produit, car on ne s'accorde pas sur les moyens de les mettre en oeuvre. Aussi, je proposerais volontiers que les recommandations de la Cour soient systématiquement assorties d'un chapitre expliquant comment les appliquer. On vous éviterait ainsi bien des frustrations !
Ainsi, aujourd'hui, vous nous appelez, sans le dire en ces termes, à instaurer impérativement une « règle d'or » des comptes sociaux, mais nous sommes incapables de nous mettre d'accord à ce sujet. De même, nous n'avons pas su nous mettre d'accord au moment de réformer les retraites. L'unanimité ne s'était pas davantage faite sur la création des communautés hospitalières de territoire prévue dans la loi dite « HPST » ; toutefois, je suis moins pessimiste que vous à ce sujet car certaines s'installent, et je suis certain que le dispositif fonctionnera. La Cour explique aussi que les recettes de notre système social reposent exclusivement sur les charges qui pèsent sur le travail, sous-entendant qu'il faut trouver autre chose ; mais, là encore, nous sommes incapables de nous mettre d'accord sur un autre système. En bref, nous louons tous la sagacité de la Cour mais, quand il s'agit d'appliquer ses recommandations, c'est la débandade. Pour en finir avec ces tergiversations exaspérantes, il serait bon que la Cour dise explicitement comment ses recommandations doivent être mises en oeuvre.
Les observations de la Cour relatives au médicament viennent à point nommé, puisque nous examinerons la semaine prochaine en séance publique le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. On ne s'étonnera pas que le LEEM, syndicat de l'industrie pharmaceutique, conteste les chiffres de la Cour – il est là dans son rôle – mais quelle explication donner à l'explosion de la prescription hospitalière de médicaments depuis 2002 ? La tarification à l'activité, qui conduit à privilégier la prescription plutôt que le colloque singulier, ne va-t-elle pas aggraver cette tendance ?
Hier, lors de l'examen de ce projet de loi, j'ai insisté sur la nécessité de procéder, en vue de la demande d'autorisation de mise sur le marché d'une nouvelle molécule, à des essais cliniques par comparaison avec des médicaments existants pour traiter les mêmes pathologies. Le rapporteur de notre Commission a fait valoir que la législation européenne interdit ce type d'essais. L'amélioration du service médical rendu, dont dépendent le prix, le taux de remboursement et donc la situation des comptes de la sécurité sociale, est pourtant au coeur de la politique française du médicament. Quelle est la position de la Cour à ce sujet ?
Le groupe SRC, qui n'a cessé de mettre l'accent sur le manque de transparence des travaux du Comité économique des produits de santé (CEPS), se félicite que la Cour souligne le flou des critères de fixation des prix et le manque de transparence des décisions prises par cet organisme. Quelles pistes législatives ou réglementaires la Cour recommande-t-elle pour permettre aux parlementaires d'avoir à connaître et des conventions passées par le comité avec l'industrie pharmaceutique et de la fixation des prix ?
Enfin, vous avez parlé de politique de contournement des génériques mais il faudrait également mentionner les doutes que les producteurs de princeps instillent constamment dans l'opinion publique à propos de ces médicaments – comme si les Français les supportaient moins bien que leurs voisins européens. Cette attitude explique la faible pénétration des génériques sur le marché. De même, la suppression de la mention « excipient à effet notoire » sur les boîtes favoriserait certainement leur usage.
Vous l'avez souligné, les incitations visant à favoriser l'installation de médecins en zone rurale restent sans effet. Avez-vous connaissance d'expériences menées dans les autres pays européens en ce domaine et qui, elles, auraient réussi ?
La Cour envisage-t-elle des études comparatives sur l'usage du générique dans les différents pays européens, afin de vérifier si le système français de fixation des prix est efficace et si nos spécialités génériques sont compétitives ?
D'après les pharmaciens de mon département, le contournement des génériques est également le fait des médecins, qui ont tendance à ajouter sur l'ordonnance les lettres « NS », pour « non substituable ». S'ils ont affaire à des patients compréhensifs, les pharmaciens, après avoir expliqué la situation, opèrent tout de même la substitution en masquant cette mention avec la vignette. Ils peuvent ainsi contourner le contournement…
L'Agence technique d'information sur l'hospitalisation (ATIH) a publié en juillet un rapport sur les dépenses d'assurance maladie relatives aux établissements de santé en 2010 qui fait apparaître une décélération de l'augmentation des dépenses dans le secteur public – plus 4,8 %, contre plus 8,9 % en 2009 –, et un ralentissement de leur diminution dans les établissements privés – moins 0,4 %, contre moins 1,5 % en 2009. Quelles sont les causes de ces évolutions, et quelles conclusions faut-il en tirer ?
Vous avez souligné l'importance de l'ACOSS dans le financement des dépenses sociales. Grâce à une ingénierie financière exceptionnelle, l'agence est en effet parvenue à satisfaire ses besoins en financement, soit auprès de la Caisse des dépôts, soit en émettant des billets de trésorerie ou des euro commercial papers sur les marchés monétaires. Sa signature semble aujourd'hui solide, mais une telle situation est-elle durable ? Quelle appréciation portent les agences de notation sur l'ACOSS ? Quels sont les acheteurs étrangers de ses titres de dette ?
Enfin, je constate, sur mon territoire, que la création ou la disparition des réseaux de soins est liée au volontarisme dont font preuve ou non les médecins, ce qui nuit à la continuité de l'action. Ces réseaux vous semblent-ils positifs, ou sont-ils une source de gaspillage ?
Nous sommes tous d'accord avec l'affirmation selon laquelle les dépenses courantes de sécurité sociales doivent être assumées par les générations présentes. Je rappellerai simplement que la dernière période d'équilibre des comptes sociaux était la législature 1997-2002. Une autre politique est donc possible.
Vous avez évoqué la question de l'efficacité – ou de l'efficience – du système : il s'agit de faire mieux avec les mêmes ressources, voire de faire mieux avec moins. L'ennui est que la majorité se contente de faire avec moins.
À propos des niches sociales, un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) est venu récemment s'ajouter aux travaux effectués en ce domaine par la Cour des comptes. L'IGF a recensé des centaines de niches fiscales et sociales. L'une d'elle, l'exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, coûte plus cher aux finances publiques qu'elle ne rapporte à l'économie en général. Elle est donc par définition non efficiente. Que pensez-vous de cette mesure, financée par la dette et qui coûte 4,5 milliards d'euros aux finances publiques ?
Par ailleurs, vous avez rappelé qu'une charge très lourde avait été transférée l'automne dernier vers la CADES : plus de 130 milliards d'euros, avec un report d'échéance sans contrepartie de quatre ans. Il a suffi pour cela d'une simple loi organique, elle-même contredisant une autre loi organique de 2005, en vertu de laquelle tout transfert de charges vers la CADES devait s'accompagner d'un transfert correspondant de ressources. Dans ces conditions, quelle crédibilité peut-on accorder à la prétendue règle d'or que la majorité aurait souhaité inscrire dans la Constitution – d'autant que le projet de loi de loi constitutionnelle prévoyait le vote d'une loi organique que rien n'interdirait de modifier à son tour ?
Selon le rapport de la Cour, la puissance publique verse sous forme de niches fiscales et sociales 4,3 milliards d'euros d'aide publique aux contrats d'assurance complémentaire. Or parallèlement, la politique de déremboursement et de franchises aboutit à transférer une partie de la prise en charge de l'assurance maladie vers les régimes complémentaires, en raison de l'insuffisance des ressources affectées au régime obligatoire. Vous n'avez certainement pas manqué de relever ce paradoxe qui mérite au moins un commentaire.
Je note que votre rapport relève le caractère intrinsèquement inflationniste de la tarification à l'activité (T2A), et suggère, comme évolution possible, l'instauration d'une dégressivité de certains tarifs lorsque l'activité dépasse certains seuils fixés contractuellement aux établissements. D'autre part, vous insistez surtout sur la convergence intersectorielle, pour en souligner les difficultés. Pour notre part, nous y sommes opposés, compte tenu des différences irrémédiables qui séparent les deux secteurs. Mais vous évoquez peu la convergence intrasectorielle, qui permettrait de résoudre la question de la différence de traitement entre les établissements.
Enfin, à propos de la gestion des hôpitaux, votre choix du mot « compétitivité » m'a choqué. S'agissant de service public, le terme « efficience » serait plus adapté. En matière de gestion, le critère de qualité devrait mieux être pris en compte ; il ne faut pas se contenter de quantifier le nombre d'actes produits.
Tous les ans, nous sommes effrayés par la publication du rapport de la Cour des comptes, qui nous rappelle que nous avons succombé à la drogue et au poison. Il faut croire que l'on n'a toujours pas conscience de l'existence de ces déficits, puisqu'on les laisse s'accumuler d'année en année…
En matière de réduction des dépenses, vous avez parfaitement raison de penser qu'il existe encore des marges de progression – on peut penser aux médicaments, aux hôpitaux ou au pilotage général du système de santé. De même, c'est avec raison que vous excluez toute augmentation des cotisations. Pour autant, si le problème de l'assurance maladie se résumait à un excès de dépenses, on aurait sans doute réussi à le résoudre. Il faudra donc bien trouver des recettes supplémentaires, ne serait-ce qu'à titre provisoire. Ne doit-on pas les rechercher dans les niches sociales, qu'il s'agisse des allégements de charges sociales sur les bas salaires ou des exonérations sur les heures supplémentaires ? Le président Méhaignerie objectera sans doute qu'une telle mesure mettrait en péril la compétitivité de notre économie, mais la Cour semble penser le contraire.
Ce n'est en tout cas pas à la Cour de nous dire ce qu'il faut faire, monsieur Dord. Il appartient au Gouvernement et au Parlement de prendre les mesures nécessaires. Le rôle de la Cour est de nous alerter, et elle le fait bien. Si on n'a pas compris ses messages, c'est que l'on est un peu sourd. J'espère donc que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 marquera le début d'un redressement sensible des comptes sociaux.
Chaque année, nous prenons connaissance du rapport de la Cour des comptes, qui est à la fois sérieux, complet et incontestable. Mais il ne nous donne qu'une vision nationale du problème. Nous aurions besoin d'une approche plus régionale, en raison des disparités que connaît le fonctionnement de notre système de santé sur nos territoires et de la répartition inégale des médecins, des maisons de santé pluridisciplinaires et des communautés hospitalières de territoire (CHT).
Ainsi, en région Rhône-Alpes, il n'existe que deux communautés, ce qui m'incite à m'interroger sur la politique d'incitation pratiquée par les agences régionales de santé. Il est vrai qu'il est difficile de faire asseoir autour de la même table des directeurs d'établissement et des médecins afin qu'ils élaborent une véritable stratégie. Ne faudrait-il pas définir, au niveau national, des objectifs régionaux de création de telles communautés ?
Par ailleurs, votre rapport consacre plusieurs pages à la Mutualité sociale agricole. La restructuration juridique du réseau, que vous préconisiez dès 2007 et qui est désormais achevée, n'a eu selon vous qu'un impact limité, si bien qu'une réflexion stratégique resterait à préciser. Quel est votre point de vue sur un rapprochement entre la MSA et le régime général, ou sur l'éventuel transfert aux caisses d'allocation familiales de sa branche famille ?
Comme Dominique Dord, j'aimerais que la Cour nous donne des indications sur la façon d'agir. J'aimerais aussi que soient rappelées, d'une année sur l'autre, les préconisations qui n'ont pas été suivies d'effets.
La Cour serait-elle intéressée, comme le laissait entendre votre prédécesseur, par la possibilité d'analyser et de contrôler les comptes des établissements privés de santé ?
En ce qui concerne l'exonération de charges sur les heures supplémentaires, je rappelle que ces dernières ont un caractère vital dans les bassins très industriels, où il est difficile de trouver de la main-d'oeuvre. Que l'on supprime l'incitation pour les entreprises, soit. Mais les salariés qui font des heures supplémentaires perdent le droit à de nombreuses prestations, de la prime pour l'emploi aux bourses en passant par l'allocation logement. On risque d'éprouver, demain, des difficultés à répondre aux besoins industriels, les entreprises ayant déjà du mal à recruter des gens formés.
La Cour, madame Delaunay, n'a pas compétence pour contrôler les établissements privés, même si une disposition législative récente nous donne le droit de mener des enquêtes – nous avons ainsi lancé une étude sur les soins de suite. En tout état de cause, il appartient au Parlement de faire la loi : s'il décide d'élargir les compétences de la Cour, celle-ci effectuera naturellement le travail qui lui est demandé.
Je rappelle que notre rapport sur la sécurité sociale comporte une annexe sur le suivi de nos recommandations. Nous sommes d'ailleurs les premiers à regretter de devoir renouveler les mêmes observations d'une année sur l'autre. Cela étant, dans une démocratie, le dernier mot revient au suffrage universel et à ses représentants. La mise en oeuvre de nos recommandations ne dépend donc pas de la Cour, mais des responsables politiques que vous êtes.
Depuis quelques années, nous ne nous contentons plus de formuler des constats et des observations. Dans certains cas, nous ne disons pas seulement ce qu'il faudrait faire, mais aussi comment vous pourriez le faire. Il en est ainsi pour les dépenses comme pour les recettes.
J'en viens aux maisons de naissance, dont l'expérimentation a été annoncée en 2001, puis reprise dans le plan périnatalité 2005-2007, mais sans être mise en oeuvre à ce jour, même si un certain nombre de maisons ont été ouvertes de facto. Nous mettons en garde contre la poursuite de ces expériences en dehors de tout cadre juridique approprié et sans évaluation rigoureuse. Cependant, il ne nous appartient pas de prendre position sur la pertinence de ces dispositifs du point de vue médical. D'après les situations que nous avons pu observer, ils pourraient se révéler très intéressants mais il est nécessaire, je le redis, d'en faire une évaluation médico-économique.
En ce qui concerne les efforts de productivité que doivent effectuer les caisses d'assurance maladie, il ne s'agit pas, pour la Cour, de montrer les personnels du doigt ni de mettre en cause leur travail. Mais comme dans toute entreprise ou dans toute administration, certains métiers évoluent, et les personnels doivent savoir s'adapter. Une telle évolution doit bien entendu se faire dans le cadre de conventions d'objectifs et de gestion, et après concertation et dialogue avec les personnes intéressées. D'ailleurs, les résultats seront d'autant meilleurs que chacun aura pris conscience de l'utilité des efforts requis. Mais ces derniers n'en demeurent pas moins nécessaires.
Nous espérons que la convention passée avec les médecins permettra de réduire les dépenses de médicaments et d'améliorer la prescription des génériques, mais elle n'est pas encore entrée en application, et il faut pouvoir l'évaluer. Quoi qu'il en soit, des marges de progression importantes existent en ce domaine. Nous formulons d'ailleurs d'autres préconisations sur le sujet.
Sur la réponse apportée par les industriels du médicament aux chiffres cités dans le rapport, je n'ai guère de commentaires à faire. Dès lors que l'on ne parle pas de la même chose, il est difficile de se mettre d'accord ; or les chiffres mis en avant par le LEEM ne recouvrent pas les mêmes réalités que ceux avancés par la Cour. Ces derniers sont incontestables. Notre conclusion résulte d'une observation de la situation en France, mais aussi dans des pays comparables. Nous ne sommes d'ailleurs par les seuls à y parvenir.
Il est vrai que la législation européenne encadre les procédures de demande d'autorisation de mise sur le marché. Pour autant, nous ne pensons pas qu'elle interdise des évaluations de type médico-économique. Il est certainement possible de mieux articuler les réglementations nationale et européenne, et nous y sommes bien évidemment favorables.
En ce qui concerne la fixation du prix des médicaments, le dispositif actuel ne nous apparaît pas suffisamment transparent et lisible. Nous formulons donc un certain nombre de recommandations pour y remédier.
Pour favoriser l'installation de médecins en zone rurale, nous proposons de moduler les exonérations de cotisations sociales prises en charge par l'assurance maladie – dont le total atteint 1,2 milliard d'euros – en fonction de l'implantation sur telle ou telle partie du territoire. Un tel dispositif nous semblerait plus efficace que ceux qui ont été adoptés jusqu'à présent.
Si j'ai parlé de « compétitivité » à propos des établissements, c'était surtout pour éviter la répétition du terme « efficience ». Je le répète, il est nécessaire de se montrer attentifs à la qualité de la dépense et de veiller à l'adaptation et à la réforme des structures, sans quoi nous ne résorberons pas le déficit de la sécurité sociale. On ne peut, en effet, dissocier la question de l'efficacité du système de santé et de protection sociale de celle de son financement. Il faut trouver le bon équilibre entre la diminution des dépenses et l'augmentation des recettes. Pour notre part, nous appelons à agir sur les deux leviers. Et en matière de recettes, il convient de s'intéresser en priorité aux niches sociales.
Si la prescription pharmaceutique connaît une croissance considérable à l'hôpital, c'est aussi que les dispositifs de régulation ne s'appliquent pas au bon niveau. En effet, l'assurance maladie a souhaité conclure des contrats de bon usage avec les établissements hospitaliers, mais ce système ne fonctionne pas : les guides de bon usage ne sont pas intégrés à la pratique hospitalière. Ne faudrait-il donc pas envisager que ces contrats soient conclus avec les équipes médicales au niveau des pôles créés dans les hôpitaux ? Cela concourrait à leur responsabilisation, d'autant que l'hôpital – les CHU surtout, mais aussi beaucoup d'hôpitaux généraux – est le lieu de formation des médecins : les jeunes médecins y prennent en matière de prescription des habitudes qu'ils tendront à conserver quand ils exerceront en ville, alors même que la pathologie soignée différera. Un tel changement de niveau produira des effets de régulation sans altérer la qualité des soins prodigués ni l'accès aux progrès thérapeutiques.
J'en viens à la convergence intrasectorielle, c'est-à-dire à l'homogénéisation du financement, à type de pathologie et d'acte identique, à l'intérieur de chacun des secteurs, public et privé. Elle a précédé la convergence intersectorielle, entre cliniques privées et hôpitaux publics, et s'est achevée en 2011, soit un an avant le terme fixé. La Cour a constaté qu'entre 2008 et 2011, il en était résulté une redistribution de 1,2 milliard d'euros entre établissements hospitaliers publics, et de 140 millions d'euros entre établissements du secteur privé. Cela étant, elle relève aussi que cet achèvement n'est à certains égards qu'un faux-semblant. En effet, un élément du vieux dispositif des dotations globales perdure : les tarifs journaliers de prestation, mode de facturation applicable à l'aide médicale d'État, aux systèmes d'assurance maladie complémentaire et aux systèmes de protection sociale étrangers. Or ce mode continue d'avantager certains établissements aux tarifs traditionnellement très élevés. Il fausse ainsi l'égalité au sein du service public, voire, de manière plus marginale, au sein du secteur privé.
Notre analyse est la suivante : les aides publiques à la couverture maladie complémentaire sont à la fois importantes et mal ciblées. Sur un peu plus de 20 milliards d'euros de prestations prises en charge par le système de couverture maladie complémentaire, elles représentent 4,3 milliards, soit un cinquième. Mais elles sont mal ciblées car elles concernent d'abord une population en bonne santé, voire bénéficiant déjà d'autres systèmes de protection. Une partie pourrait donc en être réorientée vers l'aide à la complémentaire santé, dispositif utile mais qui souffre d'effets de seuil : la population éligible est insuffisamment couverte et le défaut d'information n'est pas seul en cause. La Cour se demande s'il ne faudrait pas restreindre la définition du « contrat responsable », en fonction notamment des frais de gestion qui sont parfois considérables.
Monsieur Durrleman, l'aide à la complémentaire santé fera l'objet d'amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour préparer le débat, il nous sera donc utile de disposer de précisions sur l'amélioration du ciblage et sur les économies réalisées.
Surtout, ajouterai-je, depuis le doublement de la taxe sur les conventions d'assurance voté en loi de finances rectificative : cette mesure pénalise les contrats responsables et solidaires, alors que ceux-ci favorisent le respect du parcours de soins et la non-sélection des patients. Ce qui nous reconduit au problème de l'aide à la complémentaire santé. Je vous renvoie à nos échanges avec le rapporteur général lors de l'examen du collectif budgétaire.
Je rappelle que les frais de gestion de ces contrats, ainsi qu'il vient d'être rappelé, sont élevés, et que l'augmentation du nombre d'ALD réduit chaque année le coût que supportent les mutuelles et assurances, leur permettant d'économiser quelque 600 millions d'euros par an.
Nous avons évoqué une piste : au niveau des contrats collectifs, des marges de manoeuvre existent.
La Cour n'a pas travaillé sur l'éventualité d'un objectif régional de dépenses d'assurance maladie, monsieur le président, mais nous constatons comme vous des disparités géographiques dans divers domaines et, parfois, des différences de traitement inexplicables qu'il nous faut étudier. C'est tout le pari fait avec la création des agences régionales de santé : comment régionaliser certaines politiques de santé et mieux articuler les interventions de l'hôpital, de la médecine de ville et du secteur médico-social ? Mais il est un peu tôt pour dresser le bilan de ces agences.
Avez-vous engagé, ou prévu, des études comparatives portant sur la diffusion des génériques dans d'autres pays européens ?
Le rapport comporte des éléments sur les différences existant entre la France, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni.
Nous notons également que la définition du générique en France est plus restrictive que dans les autres pays européens et que les différences de prise en charge sont elles aussi assez significatives.
Merci, monsieur le président, pour ce long échange qui nous permet de mieux cerner les sujets sur lesquels travailler.
Notre Commission ne pourrait-elle auditionner dans le cadre de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale M. Chadelat, président du fonds CMU ?
La Commission examine ensuite, pour avis, sur le rapport de M. Dominique Dord, les articles 28 à 49 et 91 de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives (n° 3706).
(Présidence de M. Pierre Morange, vice-président de la Commission
Je vous propose d'aborder sans trop de délai l'examen des articles, réservant de plus longs discours pour la séance publique. Je me contenterai pour ma part de quelques remarques préalables.
Tout d'abord, il est incontestable que notre droit appelle une simplification. Du reste, ce texte est le quatrième du genre que nous examinons. Cela étant, nous vivons dans des sociétés complexes et nous devons donc assumer une forme de complexité, même si ce point de vue n'est guère populaire. Prenons garde de ne pas verser dans le simplisme.
Entre ces deux écueils, il est une voie assez large que Jean-Luc Warsmann, auteur de la proposition de loi, nous propose d'emprunter dans quelque quatre-vingt-dix articles. Notre Commission n'est saisie, pour avis, que de vingt-trois d'entre eux, qui touchent aux domaines les plus divers du droit de la sécurité sociale et du droit du travail. Ils concernent des questions apparemment anodines – des effets de seuil, des corrections mineures. S'y ajoutent quelques sujets plus politiques et plus délicats sur lesquels nous nous attarderons sans doute davantage, sinon ici, du moins en séance.
Nous débattrons en effet plus longuement de ce texte en séance. Signalons simplement qu'il constitue une sorte de patchwork assez indigeste. Il faut toujours se méfier des mots séduisants de « simplification » et d'« allègement » dont il s'habille : ils sous-entendent que les législateurs qui nous ont précédés ont produit des textes complexes et confus ; mais ces textes n'avaient-ils pas leur raison d'être ? De fait, la simplification du droit ne doit pas conduire à amoindrir les droits des salariés ; or c'est ce à quoi tendent de nombreux articles de la proposition de loi.
En outre, notre Commission en est saisie sans l'être. Le texte a-t-il fait l'objet d'échanges avec les partenaires sociaux ? Nous l'ignorons ; pour notre part, nous ne les avons pas entendus. Sont-ils d'accord avec cette simplification ? Nous pourrions détruire en quelques minutes le droit social qu'ils ont mis des années à édifier : ce n'est pas anodin.
Monsieur le rapporteur pour avis, nous avons appris dans la presse il y a quelques semaines qu'à la suite de son rapport, le sénateur Doligé avait déposé une proposition de loi de simplification administrative. Le saviez-vous ? Les deux textes ne se recoupent-ils pas ?
Je l'ai dit, ce texte de simplification n'est pas le premier, il ne sera pas non plus le dernier. La proposition de loi du sénateur Doligé ne le recoupe pas, non plus qu'elle ne le contredit : elle poursuit le même objectif dans les domaines des normes applicables aux collectivités locales.
Ce texte, que je salue, n'est en effet pas le seul à faire oeuvre de simplification. Je songe aussi à la proposition de loi pour le développement de l'alternance, à laquelle vous faites référence dans votre projet d'avis. Peut-être pourriez-vous nous rappeler au cours du débat les différentes mesures de simplification et d'allègement des démarches administratives adoptées depuis le début de la législature. Nous poursuivrons d'ailleurs dans cette voie.
Je remercie Dominique Dord et j'espère que les mesures adoptées porteront leurs fruits sur le terrain : à en croire ceux que nous y rencontrons, cela n'a pas été le cas des précédents textes de simplification.
J'ai déjà déçu le président Méhaignerie en le prévenant que ce texte ne nous ferait pas vivre le Grand Soir. Je vais vous décevoir aussi, monsieur Colombier : si satisfaisante que soit cette proposition de loi, vous continuerez d'entendre sur le terrain que notre droit est terriblement complexe et contraignant. Ce texte n'est qu'une petite contribution à une entreprise gigantesque. Comme le disait Michel Issindou, tous réclament de la simplification, mais, dans le détail, chaque tentative de simplification peut être source de complexité. On le verra en examinant les articles. Prenons donc garde, en prétendant simplifier le droit, de ne pas le compliquer davantage.
La Commission en vient à l'examen des articles dont elle est saisie pour avis.
Article 28 : Harmonisation des seuils : assujettissement au versement transport
La Commission examine les amendements identiques AS 42 du rapporteur pour avis et AS 1 de M. Issindou.
Comme plusieurs autres articles du texte portant sur des seuils, l'article 28 remplace les mots « plus de » par les mots « au moins ». Dans certains articles, cela ne pose pas de problème ; dans d'autres, comme ici, ce n'est pas sans conséquences. Il s'agit en l'espèce de porter le seuil d'acquittement du versement transport de « plus de neuf salariés » à « au moins dix salariés ». Je suis d'accord pour harmoniser la rédaction des différentes dispositions, mais cette seule modification ferait perdre 20 millions d'euros aux collectivités territoriales. J'ai donc déposé, comme Michel Issindou, un amendement de suppression de l'article.
Le calcul du versement transport se fonde, en effet, sur l'effectif moyen. Or, compte tenu des fluctuations de cet effectif, une entreprise peut compter 9,3 salariés en moyenne annuelle. Aujourd'hui redevable du versement transport, elle ne le sera plus demain si l'article est maintenu. Le nombre d'entreprises potentiellement concernées fait que le manque à gagner pour les collectivités qui organisent les services de transport en commun – en général les communautés d'agglomération – pourrait atteindre 20 millions d'euros. Est-ce vraiment le moment, au nom d'un simple ajustement sémantique, de priver de ces ressources des collectivités… que nombre d'entre nous administrent ?
Dominique Dord est toujours prompt à absoudre le Gouvernement. Pour ma part, je crains qu'on n'ait voulu, sous prétexte d'harmonisation, alléger le versement transport au profit des entreprises. On l'a dit, bien que la rédaction proposée semble de prime abord équivalente à celle qu'elle remplacerait, quelque 18 millions d'euros sont en jeu.
Permettez-moi de rappeler que ce n'est pas le Gouvernement qui est à l'origine du texte, mais Jean-Luc Warsmann.
La Commission adopte les amendements identiques AS 42 et AS 1, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l'article 28.
Après l'article 28
La Commission examine l'amendement AS 43 du rapporteur pour avis, portant article additionnel après l'article 28.
Le fait que l'article 28 évoque le versement transport nous fournit l'occasion de régler un vieux problème. À l'heure actuelle, les collectivités peuvent décider à tout moment de l'année de modifier le taux de ce versement, si bien que les entreprises peuvent être soudainement imposées à un taux supérieur sans l'avoir anticipé. Elles demandent donc régulièrement – mais elles ne sont pas seules à le faire –que les décisions des collectivités en la matière s'appliquent à un moment précis dans l'année, comme pour la taxe d'habitation ou la taxe foncière. Nous proposons par conséquent que toute modification de taux entre en vigueur au 1er janvier ou au 1er juillet de chaque année.
La Commission adopte l'amendement AS 43.
Article 29 : Harmonisation des seuils : participation des employeurs à l'effort de construction
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 29 sans modification.
Article 30 : Déclaration sociale nominative
La Commission examine l'amendement AS 34 du rapporteur pour avis.
Aux termes de l'alinéa 8 de cet article, la mesure relative à la déclaration sociale nominative entrera en vigueur de manière généralisée au 1er janvier 2016. Il s'agit d'un acte de volontarisme de la part de Jean-Luc Warsmann. Cela étant, de l'avis de tous ceux que nous avons auditionnés, c'est irréalisable : la date du 1er janvier 2018 serait préférable. L'amendement est donc moins volontariste que l'article, mais sans doute plus réaliste.
La Commission adopte l'amendement AS 34.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 30 ainsi modifié.
Article 31 : Recouvrement amiable au sein du Régime social des indépendants
La Commission examine l'amendement AS 35 du rapporteur pour avis.
Cet amendement reprend une disposition adoptée dans le cadre de la proposition de loi du sénateur Fourcade, mais censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'il s'agissait d'un cavalier. Compte tenu des échéances politiques, le Régime social des indépendants aurait tout à gagner à ce qu'on reporte d'avril à décembre 2012 le renouvellement du mandat des administrateurs de ses caisses de base.
La Commission adopte l'amendement AS 35.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 31 ainsi modifié.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)
Après l'article 31
Les amendements AS 12 à AS 17 et AS 19 de Mme Pascale Gruny ne sont pas défendus.
Article 32 : Harmonisation des seuils : taxe pour le financement des prestations complémentaires de prévoyance
La Commission examine les amendements identiques AS 36 du rapporteur pour avis et AS 2 de M. Issindou.
Il s'agit de nouveau de modifier la rédaction de dispositions relatives à des seuils. Si, dans certains articles, ces modifications n'entraînent aucune conséquence financière ni sociale, ce n'est pas le cas des articles 32 à 34. Ainsi, en l'état, l'article 32 entraîne une perte de recettes de 2 millions d'euros pour les organismes de sécurité sociale. Certes, c'est beaucoup moins que tout à l'heure, avec l'article 28. Mais la nécessité de protéger les recettes de la sécurité sociale l'emporte à nos yeux sur l'impératif d'harmonisation des textes.
Notre amendement de suppression est défendu. La simplification était ici une fausse bonne idée.
La Commission adopte les amendements identiques AS 36 et AS 2, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l'article 32.
Article 33 : Harmonisation des seuils d'effectifs entrant dans la détermination de la majoration de la réduction de cotisations sociales employeur « dite Fillon »
La Commission examine les amendements identiques AS 37 du rapporteur pour avis et AS 3 de M. Issindou.
Il s'agit d'un cas analogue, à ceci près que la perte serait cette fois de 20 millions d'euros. Nous avons voté l'amendement précédent : nous devrions a fortiori adopter celui-là.
La Commission adopte les amendements identiques AS 37 et AS 3, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l'article 33.
Article 34 : Harmonisation des seuils d'effectifs entrant dans la détermination de la majoration de la réduction de cotisations sociales employeur « dite Fillon »
La Commission examine les amendements identiques AS 38 du rapporteur pour avis et AS 4 de M. Issindou.
Une fois de plus, quelque 20 millions d'euros sont en jeu et une fois de plus, l'efficacité financière devrait primer sur la simplification.
La Commission adopte les amendements identiques AS 38 et AS 4, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l'article 34.
Article 35 : Harmonisation des seuils d'effectifs entrant dans la détermination de la réduction forfaitaire de cotisations patronales dues au titre des heures supplémentaires
La Commission examine l'amendement AS 5 de M. Michel Issindou.
Remplacer les termes « au plus vingt salariés » par « moins de vingt salariés » réduirait le champ d'application de la majoration de la déduction forfaitaire des cotisations patronales appliquée aux heures supplémentaires. En conséquence, nous proposons de supprimer l'article.
Je ne partage pas votre lecture. L'article introduit une simplification rédactionnelle sans conséquences financières, puisqu'il n'existe aucune différence de sens entre « au plus vingt salariés » et « moins de vingt salariés ».
Dans ce cas, pourquoi changer de formulation ? S'agirait-il d'un simple article rédactionnel ?
Pour harmoniser la rédaction avec celle de l'article 39, qui a trait à toute une série d'autres seuils.
La Commission rejette l'amendement AS 5, et émet un avis favorable à l'adoption de l'article 35 sans modification.
Article 36 : Développement du rescrit social
La Commission est saisie de l'amendement AS 39 du rapporteur pour avis.
S'il est opportun d'étendre le champ du rescrit social, qui permet aux redevables d'interroger l'administration sur l'assiette ou sur les taux de leur cotisation, l'alinéa 5 semble aller trop loin. Le Conseil d'État, la Commission des lois et la nôtre y voient un nid à contentieux. Nous proposons de supprimer cet alinéa, et de modifier en conséquence la rédaction de l'alinéa 9.
La Commission adopte l'amendement AS 39.
Elle adopte ensuite l'amendement AS 40 du rapporteur pour avis, et émet un avis favorable à l'adoption de l'article 36 modifié.
Article 37 : Dématérialisation généralisée des déclarations de paiement des cotisations sociales et de la télétransmission des déclarations préalables à une embauche plus systématique
La Commission étudie l'amendement AS 41 du rapporteur pour avis.
L'article opère une simplification effective, puisqu'il tend à dématérialiser les déclarations et les documents transmis à l'URSSAF. Mais, au nombre de ceux-ci, il convient d'inclure expressément le tableau récapitulatif des emplois.
La Commission adopte l'amendement AS 41, et émet un avis favorable à l'adoption de l'article 37 modifié.
Article 38 : Cotisation au Fonds national d'aide au logement
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 38 sans modification.
Après l'article 38
L'amendement AS 18 de Mme Pascale Gruny n'est pas défendu.
Article 39 : Harmonisation des seuils en droit du travail
La Commission examine l'amendement AS 6 de M. Michel Issindou.
Les partenaires sociaux n'apprécieront sans doute pas certaines formulations qui ne sont qu'apparemment anodines. En leur proposant ces modifications décidées à la va-vite, nous leur envoyons un message qu'ils ne manqueront pas d'analyser. J'aimerais savoir ce qui ressort des auditions auxquelles a procédé Jean-Luc Warsmann. Je serais surpris que les syndicats voient d'un bon oeil une nouvelle rédaction du code qui ne sera peut-être pas sans incidences sur l'emploi. D'où notre amendement de suppression.
Je me suis engagé à supprimer toute mesure qui aurait une conséquence financière ou sociale. Hormis deux points sur lesquels je reviendrai, l'article 39 ne fait que simplifier l'écriture du droit. Il n'a suscité aucune question de la part des partenaires sociaux.
Si cette modification du droit du travail était inscrite dans un projet de loi, elle aurait été soumise, en vertu de l'article L. 1 du code du travail, à l'approbation des partenaires sociaux, qui auraient pu en discuter les termes.
Nous avions proposé jadis que l'exigence de consultation préalable, voire de négociation collective préalable, soit étendue aux propositions de loi. Si vous n'avez pas retenu cette disposition, vous avez du moins prévu un protocole aux termes duquel les commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat doivent saisir les partenaires sociaux pour qu'ils donnent leur avis et ouvrent, le cas échéant, une négociation. Je regrette que cette consultation n'ait pas eu lieu sur ce texte.
On ne peut s'abriter derrière le fait que notre Commission n'est saisie que pour avis. Dès lors que le Parlement examine un texte qui réforme le droit du travail, les partenaires sociaux doivent être consultés.
L'analyse de la Commission des lois est que le protocole n'est pas applicable lorsque la proposition de loi est inscrite à l'ordre du jour à la demande du Gouvernement. Par ailleurs, l'auteur de la proposition de loi de même que le rapporteur pour avis ont rencontré les partenaires sociaux.
La Commission rejette l'amendement AS 6.
La Commission examine l'amendement AS 7 de M. Michel Issindou.
L'amendement tend à supprimer les alinéas 11 à 14 de l'article, qui, en remplaçant les mots « de plus de deux cents salariés » par « d'au moins deux cent un salariés », relève le seuil à partir duquel s'appliquent les dispositions concernées – pour les raisons exposées par le rapporteur pour avis à propos du versement transport.
Même si l'auteur du texte ne cherchait sans doute qu'à simplifier la rédaction du droit, je partage votre analyse. Je vous proposerai donc une nouvelle rédaction des alinéas 11 et 14, qui respectera la cohérence rédactionnelle sans avoir d'incidence financière ou sociale. Cette solution me paraît préférable à la suppression de quatre alinéas.
En d'autres termes, vous proposez de remplacer « d'au moins deux cent un salariés » par « d'au moins deux cents salariés ».
La Commission adopte l'amendement AS 44 du rapporteur pour avis, et émet un avis favorable à l'adoption de l'article 39 ainsi modifié.
Après l'article 39
La Commission examine l'amendement AS 45 du rapporteur pour avis, portant article additionnel après l'article 39.
Je propose que les partenaires sociaux soient tenus d'ouvrir des négociations sur les salaires au niveau de la branche professionnelle dans un délai de trois mois quand au moins un coefficient de salaire minimum conventionnel est devenu inférieur au SMIC. On évitera ainsi tout retard dans la prise en compte du réajustement. La mesure ne figure pas dans le texte, mais je serais surpris qu'elle ne rencontre pas l'approbation des partenaires sociaux.
Il ne serait pas sérieux de se prononcer sur cet amendement, que nous venons de découvrir, sans l'examiner plus avant. Le groupe SRC réserve donc sa position.
La Commission adopte l'amendement AS 45.
Article 40 : Respect des accords collectifs de répartition des horaires et d'aménagement de la durée du travail
L'amendement AS 30 de M. Roland Muzeau n'est pas défendu.
La Commission étudie l'amendement AS 8 de M. Michel Issindou.
Nous nous défions de cet article, qui permettra d'augmenter le nombre d'heures de travail du salarié sans modifier son contrat. La simplification ne doit pas s'exercer au détriment du code du travail. Comment croire que les partenaires sociaux aient approuvé avec enthousiasme cette augmentation de la flexibilité ?
Avis défavorable. Votre position ne m'étonne pas, car l'article a une portée politique. Cependant, nous souhaitons respecter la hiérarchie qui régit notre droit du travail, dans lequel l'accord collectif prime sur l'accord individuel, même si la jurisprudence de la Cour de cassation va aujourd'hui pratiquement en sens inverse puisqu'elle soumet l'application du premier au second.
L'article 40, qui revient sur cette jurisprudence, ne permet pas pour autant à l'employeur de modifier unilatéralement la répartition des horaires ou de la durée de travail, puisqu'une telle décision doit s'inscrire dans le cadre d'un accord collectif préalable. Il vise donc à ce que les accords collectifs continuent à s'appliquer, avec les contreparties qu'ils prévoient. Vous avez deviné que les partenaires sociaux préfèrent la double garantie de l'accord collectif et de l'accord individuel, mais les positions sont très nuancées sur ce sujet qui, comme je l'ai dit, soulève manifestement une question politique.
La Commission rejette l'amendement AS 8.
Elle examine ensuite l'amendement AS 46 du rapporteur pour avis.
Le premier alinéa doit être supprimé, car certains partenaires sociaux nous ont dit que les dispositions de l'article L. 1222-8 du code du travail continuaient d'être appliquées dans l'industrie.
La Commission adopte l'amendement AS 46.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 40 ainsi modifié.
Après l'article 40
L'amendement AS 27 de Mme Pascale Gruny n'est pas défendu.
Article 41 : Rupture du contrat de travail en cas de licenciement pour inaptitude physique d'origine non professionnelle
L'amendement AS 31 de M. Roland Muzeau n'est pas défendu.
La Commission examine l'amendement AS 9 de M. Michel Issindou.
Sous couvert de simplification, l'article supprime le préavis et l'indemnité compensatrice de préavis pour le salarié dont le contrat de travail est rompu pour inaptitude, si l'employeur ne peut lui proposer un emploi adapté. La mesure favorisera l'employeur au détriment du salarié. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article.
Nous n'en faisons pas la même lecture que vous. Aujourd'hui, les salariés licenciés pour inaptitude physique se retrouvent dans un vide juridique et financier. Pendant une période qui peut durer presque trois mois, ils ne peuvent ni travailler ni s'inscrire au chômage, de sorte qu'ils ne perçoivent ni droits ni indemnités. L'article 41 leur est favorable, puisqu'il prévoit leur indemnisation dès que l'inaptitude a été constatée, sans attendre toute la durée du préavis.
Il n'est défavorable aux salariés que sur un point, auquel je vous propose de remédier par l'amendement AS 47 : la durée du préavis sera prise en compte dans le calcul de leur ancienneté, afin de ne pas amputer leur indemnité de licenciement.
L'article 13 de l'accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail précise qu'en cas de rupture pour inaptitude d'origine non professionnelle, si le reclassement du salarié dans l'entreprise est impossible, les indemnités de rupture peuvent être prises en charge soit par l'entreprise soit par un fonds de mutualisation à la charge de l'employeur.
Ces dispositions ne changeront pas. Je vous propose de retravailler ces sujets, car vos réticences ne me semblent pas fondées.
La Commission rejette l'amendement AS 9.
La Commission adopte l'amendement AS 47 du rapporteur pour avis, émettant un avis favorable à l'adoption de l'article 41 ainsi modifié.
Après l'article 41
Les amendements AS 22 à AS 26 et AS 29 de Mme Pascale Gruny ne sont pas défendus.
Article 42 : Rémunération des jours fériés chômés
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 42 sans modification.
Article 43 : Ouverture du droit à congé payé
La Commission examine l'amendement AS 10 de M. Michel Issindou.
L'amendement vise à supprimer l'article 43, qui allonge de dix jours à un mois la durée minimale de travail requise dans une entreprise pour ouvrir droit aux congés.
Avis défavorable. Votre position repose sur une mauvaise lecture de l'article. Celui-ci vise non à rendre plus strictes les conditions qui ouvrent droit à congé, mais à supprimer celles qui sont aujourd'hui en vigueur et qui consistaient précisément à exiger d'avoir travaillé au moins dix jours. Désormais, plus aucune condition ne sera requise. La suppression de l'article nous mettrait en outre en porte-à-faux avec la législation européenne, aux termes de laquelle le droit aux congés payés s'exerce quelle que soit la durée de présence dans l'entreprise.
Dans le cadre de la mission d'information sur la compétitivité de l'économie française, nous avons procédé à une trentaine d'auditions d'où il ressort que le premier problème français est l'excès de réglementation et l'incapacité de s'adapter à un monde ouvert. Dans un contexte où les premières priorités sont l'emploi et le pouvoir d'achat, il est dramatique que les PME ne puissent pas grandir à cause des difficultés d'adaptation qu'elles rencontrent.
Je ne suis pas sûr que votre tirade emporte ipso facto l'adhésion à tous les articles du texte et à tous les amendements que vous pourriez nous présenter. La situation est tout de même plus complexe ! Au reste, nous attendons avec impatience le rapport de la mission d'information. Ce qu'on entend dire à son sujet nous laisse penser que vos propos appellent quelques nuances.
Le seuil de dix jours pour bénéficier des congés payés a été introduit dans l'article 22 de la loi du 20 août 2008. Il s'agissait déjà, nous disait-on, de mettre le droit français en conformité avec les exigences européennes, l'amendement d'Alain Gournac ayant alors reçu un avis très favorable de M. Xavier Bertrand, ministre du travail. Ni l'un ni l'autre ne passant pour de dangereux gauchistes, nous sommes surpris que l'on veuille à présent revenir sur cette disposition.
La Commission rejette l'amendement AS 10, et émet un avis favorable à l'adoption de l'article 43 sans modification.
Article 44 : Réduction du nombre de lignes figurant sur les bulletins de paie
L'amendement AS 20 de Mme Pascale Gruny n'est pas défendu.
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 44 sans modification.
Article 45 : Plafond de versement annuel dans un plan d'épargne salarial
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 45 sans modification.
Article 46 : Adaptation des modalités d'évaluation des risques en matière de santé et de sécurité au travail dans les très petites entreprises
L'amendement AS 46 de M. Roland Muzeau n'est pas défendu.
La Commission examine l'amendement AS 49 du rapporteur.
L'amendement tend à supprimer l'article, dont les dispositions relèvent du domaine réglementaire plus que de la loi. En outre, la rédaction laisse entendre qu'il y aurait moins d'accidents du travail dans les très petites entreprises, ce qui entre en contradiction avec les études qui ont été menées sur la santé au travail.
La Commission adopte l'amendement AS 49, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l'article 46.
Article 47 : Harmonisation des seuils en droit du travail
La Commission est saisie des amendements identiques AS 50 du rapporteur pour avis et AS 11 de M. Michel Issindou.
Les dispositions de cet article sont redondantes avec celles qui figurent au deuxième alinéa de l'article 39.
La Commission adopte les amendements identiques AS 50 et AS 11, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l'article 47.
Article 48 : Communication à l'employeur des procès-verbaux établis par les inspecteurs du travail
L'amendement AS 48 de M. Roland Muzeau n'est pas défendu.
La Commission est saisie de l'amendement AS 51 du rapporteur pour avis, tendant à une nouvelle rédaction de l'article.
Sur le fond, je suis d'accord avec l'auteur de la proposition de loi : il faut que le chef d'entreprise soit informé qu'une procédure a été engagée par l'inspection du travail avant d'être convoqué à l'audience. Toutefois, lui transmettre directement le procès-verbal de l'inspecteur me paraît excessif et dangereux. Six fois sur dix, ce document ne donne pas lieu à des poursuites : inutile d'affoler les gens pour rien ! Par ailleurs, il serait nécessaire, pour des raisons de confidentialité, de supprimer plusieurs passages par page.
La nouvelle rédaction que je propose prévoit que le chef d'entreprise est simplement informé des faits qui lui sont reprochés et des sanctions qu'il encourt.
La Commission adopte l'amendement AS 51, exprimant par ce vote un avis favorable à l'adoption de l'article 48 ainsi modifié.
Après l'article 48
L'amendement AS 28 de Mme Pascale Gruny n'est pas défendu.
Article 49 : Obligation de certification des comptes des syndicats et organisations professionnelles
La Commission est saisie de l'amendement AS 52 du rapporteur pour avis.
Soyons clairs : cet article répond à une demande de certains partenaires sociaux. Nous ne pouvons pas l'adopter en l'état, parce qu'il reviendrait à entretenir une zone d'ombre au moment même où nous cherchons à améliorer la transparence financière dans de nombreux domaines. Mon amendement tend donc à exonérer de l'obligation de faire appel à un commissaire aux comptes les personnes morales contrôlées par un syndicat (au sens de l'article L. 233-16 du code du commerce) uniquement lorsque les ressources du syndicat, cumulées avec celles des différentes personnes morales qu'il contrôle, sont inférieures à 230 000 euros – sachant que j'ignore l'origine de ce seuil fixé par le code du travail.
On peut en effet se poser la question ! Pourquoi ne pas reprendre le seuil appliqué aux associations, à savoir 153 000 euros de subventions ? Il me semblerait plus judicieux, dans un souci d'équité et de transparence, d'adopter une règle commune.
Attention tout de même aux comparaisons abusives : les associations sportives n'obéissent pas aux mêmes logiques que les syndicats !
La Commission adopte l'amendement AS 52.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 49 ainsi modifié.
Article 91 : Simplification des procédures d'autorisation administratives relatives à la thérapie cellulaire
Il faudrait s'assurer que cet article ne revient pas à autoriser les banques privées de sang de cordon.
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 91 sans modification.
Pour revenir brièvement sur l'ensemble de ces articles, je regrette que le protocole dont s'est dotée l'Assemblée nationale pour traiter des propositions de loi tendant à modifier la législation relative au droit du travail ne soit pas appliqué.
Le rapport de la Commission des lois fera état des réflexions qu'elle a recueillies au cours des discussions qu'elle a menées.
La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
La séance est levée à treize heures vingt.