–– Audition des représentants des associations de retraités militaires
La séance est ouverte à dix heures.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui les représentants des principales associations de retraités militaires.
Nos armées sont engagées, depuis de nombreuses années, dans un processus de transformation sans précédent. Nous savons tous que ces efforts sont indispensables à la préservation de notre outil de défense compte tenu d'un contexte budgétaire particulièrement difficile. Nous savons également que nos militaires sont soumis à des exigences opérationnelles croissantes et que l'interarmisation suscite chez beaucoup la crainte d'une perte d'identité.
Deux ans après votre dernière audition, à l'occasion de la préparation de la loi de programmation militaire (LPM), nous aimerions que vous nous fassiez part, avec la liberté de ton qui est la vôtre, de votre sentiment sur la transformation de nos forces, l'exécution de la LPM, la réforme des retraites ou encore l'évolution de la condition militaire en général.
À ce propos, la Commission de la défense a décidé la création, il y a quelques semaines, d'une mission d'information sur le dialogue social dans les armées et ses rapporteurs, MM. Gilbert Le Bris et Étienne Mourrut, auront, j'imagine, quelques questions à vous poser.
Je voudrais aborder en premier lieu la suppression de deux escadrons de gendarmerie mobile à Rennes et à Narbonne. Ce sujet d'actualité, qui est préoccupant, tient à l'application de la loi du 3 août 2009 concernant l'intégration pour emploi des forces de gendarmerie au ministère de l'intérieur. Les événements survenus à la suite de l'annonce de la dissolution de deux compagnies républicaines de sécurité (CRS) ont conduit le ministre de l'intérieur à revenir sur cette décision ce qui a logiquement provoqué des réactions parmi les militaires concernés par la suppression des deux escadrons : ceux-ci considèrent qu'il existe deux poids et deux mesures entre les deux forces de sécurité intérieure.
L'UNPRG, au travers de son journal L'ESSOR, a vivement réagi en demandant au ministre de l'intérieur un moratoire sur la fermeture programmée des unités de gendarmerie, en particulier des escadrons de gendarmerie mobile – en raison de toutes ses conséquences sociales et économiques. Il existe une incohérence entre la déflation des effectifs et la montée de la délinquance dénoncée par les médias.
Cette différence de traitement appelle deux questions. D'une part, qu'en est-il de la parité globale mentionnée à l'article 27 de la loi du 3 août 2009 et rappelée – par le ministre de l'intérieur en ces termes : « vouloir marcher sur deux jambes pour assurer la sécurité publique de notre pays et, pour ne pas boiter, traiter à l'identique les deux forces en présence » ? D'autre part, pourrait-on dresser un bilan intermédiaire des gains réalisés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques par la police et la gendarmerie – qui a déjà supprimé sept escadrons de gendarmerie mobile et des brigades territoriales ? Vers quel but inavoué peut conduire une telle déstructuration de la gendarmerie, qui couvre 95 % du territoire national ?
Deuxième sujet de préoccupation : le droit d'expression des militaires. La jurisprudence sur l'affaire Matelly, du 12 janvier 2011, pose une nouvelle fois la question de ce droit, dans la gendarmerie en particulier. En effet, si l'arrêt du Conseil d'État ne conteste pas le principe de la sanction au motif que le chef d'escadron Matelly a enfreint les règles du devoir de réserve, il n'en dit pas moins que la sanction infligée est manifestement disproportionnée aux circonstances de la faute. Il s'agit, je le rappelle, d'un délit d'opinion. Se basant sur l'article L. 4121-2 du code de la défense – tiré de l'ordonnance du 30 mars 2007 – qui reprend les termes de l'article 4 de la loi du 24 mars 2005 sur le statut des militaires, cet arrêt fait une interprétation plus nuancée du devoir de réserve, en tout cas sur le niveau exorbitant de la peine prononcée.
Aussi, il apparaît urgent que le législateur encadre mieux le pouvoir disciplinaire dans les armées, afin de donner à leurs personnels la possibilité de s'exprimer sur les fondements et le coeur de leur métier dans une société où tout le monde donne son avis sur tout. Cela est particulièrement le cas pour la gendarmerie au sein des forces de sécurité intérieure, où la police dispose d'organisations syndicales très structurées et omniprésentes dans le dialogue social.
Par ailleurs, notre association a adressé deux courriers au ministre de la défense et des anciens combattants. Le premier concerne la Commission nationale de la délivrance de la carte du combattant, dont l'arrêté du 3 mai 2010 fixe la composition. Au titre du ministère de la défense, deux représentants des armées de terre, de la marine et de l'air sont désignés alors qu'il n'y a aucun représentant de la gendarmerie. Cette mise à l'écart est-elle liée au rattachement des gendarmes au ministère de l'intérieur ?
Le second courrier a trait à l'attribution de la campagne double en Afrique du Nord, régie par le décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010. Il est en effet aberrant de constater que seuls 1,5 % des anciens combattants pourront peut-être bénéficier de la revalorisation de leur pension pour cette double campagne.
Pour nous, le problème principal est l'exposition des militaires et anciens militaires à l'amiante – sur lequel nous avons sensibilisé plusieurs députés. Pendant des années, il a touché notamment le personnel de la marine.
Contrairement aux personnes relevant d'autres régimes de protection sociale, les militaires, régis par le code des pensions militaires d'invalidité, ne peuvent faire valoir les périodes d'exposition à l'amiante, durant leur carrière, pour la détermination de leurs droits au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA).
Les années de carrière militaire au contact de l'amiante ne sont prises en compte sous aucune forme que ce soit, au point que les anciens marins militaires, qui, dans le cadre d'une deuxième carrière ont exercé une activité au contact de l'amiante et demandent à bénéficier du dispositif de l'ACAATA, ne peuvent faire valoir ces années.
Au surplus, la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 11 mai 2010, a accordé au personnel civil le « préjudice moral d'anxiété », c'est-à-dire l'anxiété de pouvoir un jour tomber malade.
Croyez-vous que les militaires ne soient pas également anxieux ? Ainsi, je suis moi-même un malade de l'amiante et, comme 10 % des personnes atteintes d'épaississements pleuraux, je peux avoir un cancer des poumons. Il est aberrant que les années au contact de l'amiante des militaires et anciens militaires ne soient pas prises en considération : je compte sur vous pour nous aider à faire en sorte que cela soit le cas.
Le monde militaire est soumis à diverses contraintes touchant au budget, aux effectifs, aux structures, ainsi qu'aux engagements – dont certains soulèvent des questions, comme en Afghanistan, où nos jeunes soldats reviennent déçus, pour ne pas dire plus. En outre, les contraintes de calendrier, pour les bases de défense ou l'Afghanistan par exemple, se substituent à une vision stratégique.
Par ailleurs, les dispositions applicables à la fonction publique sont imposées aux militaires sans prendre en compte la spécificité de leur métier : il en est ainsi pour les sanctions financières pour service non fait, instaurées par une instruction ministérielle alors que le statut général prévoit qu'une disposition législative est nécessaire pour créer une nouvelle sanction. Un militaire prisonnier ou porté disparu pourrait donc voir sa solde suspendue.
De même, la défense des intérêts de la nouvelle génération du feu n'est pas prise en compte, car on impose aux militaires des dispositions anciennes, justifiées par les conflits d'autrefois.
Autre point de préoccupation : le statut de retraité, qui est insuffisamment reconnu. Les militaires retraités ont été absents de la concertation sur deux grandes réformes importantes : celle des retraites, qui n'a donné lieu qu'à une réunion d'information le 6 juillet dernier, alors que le 8 juillet le projet était déjà achevé ; celle de la prise en charge du cinquième risque, même si nous faisons valoir notre point de vue au travers d'autres associations de retraités. La défense, de manière générale, est absente des grands sujets de société.
En outre, Unéo, qui est la mutuelle référencée, ne prend pas en compte la situation spécifique du retraité. À titre d'exemple, si l'article L. 115 du code des pensions militaires prévoit que les militaires recevant une pension d'invalidité ont droit à la gratuité des soins et sont les bénéficiaires obligés du service de santé – ce qui veut dire qu'ils ne coûtent rien à une assurance complémentaire santé –, ils payent pourtant comme un assuré ordinaire. De plus, en fonction de l'âge, on leur applique des barèmes très sévères.
Dans ce cadre, la perte du pouvoir d'achat en 2011, compte tenu de l'évolution des prix, notamment pour les pensionnés disposant de faibles ressources, sera sans écho, et donc sans effet, dans un monde où le retraité n'est pas toujours reconnu.
Enfin, certaines décisions sont inéquitables. Il en est ainsi d'abord pour l'attribution des décorations. Lors d'un décès au combat, un sous-officier se voit attribuer la médaille militaire et la légion d'honneur, alors que son camarade officier est seulement décoré de celle-ci. C'est mal comprendre le sens des décorations : la médaille militaire est importante pour les sous-officiers – elle donne accès à certains établissements, comme ceux de la Légion d'honneur ou les prytanées pour les orphelins – mais cette différence de traitement – l'attribution d'une seconde médaille – conduit à méconnaître la spécificité du métier de soldat.
Il en est de même de l'exclusion injustifiée des militaires du bénéfice des dispositions applicables aux fonctionnaires poly-pensionnés. En effet, tous les fonctionnaires, à l'exception des militaires, bénéficient, à la demande des syndicats et sur décision du Président de la République, d'un droit à pension dès lors qu'ils ont accompli deux années de service. Cette exclusion nous surprend et nous choque.
La loi n° 99-882 du 18 octobre 1999, qui a substitué à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord » celle de « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc », ne comporte pas de dispositions renvoyant à un décret pour en préciser les modalités d'application.
Le décret n° 2010-890 du 30 juillet 2010 a été pris à la suite de la requête déposée en 2009 par l'Association nationale des cheminots anciens combattants, résistants, prisonniers et victimes de guerre qui a abouti à l'arrêt du Conseil d'État du 17 mars 2010.
Un décret simple du Premier ministre, pris après avis du ministre de la défense et du ministre du budget, dispose en son article 3 que « les pensions de retraite liquidées à compter du 19 octobre 1999 pourront être révisées en application du présent décret sans ouvrir droit à intérêt de retard à compter de la demande des intéressés déposée postérieurement à l'entrée en vigueur du présent décret auprès de l'administration qui a instruit leur droit à pension ».
Le 10 janvier 2011, dans une lettre répondant aux interrogations de L'UNPRG, le ministre de la défense précisait : « En dépit des difficultés juridiques, le Gouvernement a décidé que le décret du 29 juillet 2010 serait applicable à compter du 19 octobre 1999, ce qui donne une effectivité à la loi du 18 octobre 1999. Cependant, il ne peut réglementairement aller plus loin. ».
Cette réponse est en contradiction formelle avec les dispositions prévues à l'article 3 du décret : elle tend probablement à calmer la communauté militaire.
L'ANFASOCA fait observer à la commission que la procédure du décret simple pour faire appliquer la loi du 18 octobre 1999, d'une part, n'est juridiquement pas conforme et, d'autre part, ne rentre pas dans le cadre du pouvoir réglementaire du Premier ministre défini à l'article 21 de la Constitution.
Cette situation doit être considérée comme un déni de droit, dans la mesure où tous les bénéficiaires de la campagne double – qui ne sont pas seulement des militaires d'active, mais aussi des appelés du contingent qui ont pris part à « une action de feu au combat ou ont subi le feu » – sont exclus du droit à cette campagne pour la période du 18 octobre 1999 au 30 juillet 2010, date de publication du décret n° 2010-890.
En conséquence, l'ANFASOCAF demande le retrait de ce décret.
Depuis le vote de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 qui a modifié la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, ceux-ci ont fait leur deuil de toute évolution de leur statut, au regard des droits politiques et civils.
La loi n° 2005-270 du 24 mars 2005, comme la loi du 13 juillet 1972, rappelle l'exigence en toute circonstance pour les militaires en activité, de la discipline, du loyalisme, de la neutralité et de l'esprit de sacrifice, ainsi que l'interdiction et la restriction de certains droits et libertés reconnus aux citoyens civils, dont l'interdiction d'adhérer à des groupements ou associations à caractère politique.
En effet, les principales dispositions en matière de droits politiques et civils sont mentionnées aux articles 1er, 6 et 9 de la loi de 2005. L'article 1erdispose que « L'armée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et d'assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation. L'état militaire exige en toute circonstance discipline, loyalisme, esprit de sacrifice, disponibilité, neutralité. ».
L'article 6 prévoit que « Les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens. Toutefois, l'exercice de certains d'entre eux est soit interdit, soit restreint dans les conditions fixées par la présente loi ».
Au titre de l'article 9, « Il est interdit aux militaires en activité de service d'adhérer à des groupements ou associations à caractère politique.
« Sous réserve des inéligibilités prévues par la loi, les militaires peuvent être candidats à toute fonction publique élective ; dans ce cas, les dispositions des trois derniers alinéas de l'article 7 ne leur sont pas applicables et l'interdiction d'adhésion à un parti politique prévue par le premier alinéa du présent article est suspendue pour la durée de la campagne électorale.
« Les militaires de carrière et les militaires servant en vertu d'un contrat, qui sont élus et qui acceptent leur mandat, sont placés dans la position de service détaché (…) ».
En résumé, si le militaire est un citoyen à part entière, différentes dispositions l'empêchent de s'impliquer dans la politique locale, nationale et européenne. D'où, d'une part, la prohibition de son adhésion à un parti, un groupement ou une association politique avant toute élection locale, nationale et européenne et, d'autre part, son placement d'office en position de détachement, pour tous les mandats, locaux, nationaux et européens, sachant que seuls ces mandats sont de nature à assurer aux militaires des revenus.
En revanche, les autres agents publics civils et les fonctionnaires ne sont pas placés d'office en détachement pour exercer une fonction publique élective ou un mandat local.
Si certains droits et libertés reconnus aux citoyens sont restreints ou interdits aux militaires, c'est au nom du loyalisme et de la neutralité de l'institution militaire. Le loyalisme se définissant comme la fidélité à une cause ou à un régime, et la neutralité comme l'état de ce qui reste neutre, il est pour le moins surprenant que rien n'interdise la multi-allégeance touchant au loyalisme et à la neutralité : des membres du Gouvernement, des élus et des fonctionnaires peuvent avoir plusieurs nationalités et commander des militaires.
Au vu de l'actualité récente, les militaires ne comprennent plus le sort qui leur est imposé depuis 1972, comparativement à leurs compatriotes hommes, femmes, politiques et fonctionnaires. Ainsi, l'hebdomadaire Marianne du 22 janvier 2011 a fait état de la double nationalité d'un membre du Gouvernement : il précise que Frédéric Mitterrand est surnommé le ministre tunisien du gouvernement français par le site Tunisia watch depuis qu'il s'est vu octroyé par M. Ben Ali la nationalité tunisienne.
Au nom des deux exigences rappelées dans le statut des militaires – la loyauté et la neutralité –, la communauté militaire réclame de la cohérence et de l'éthique.
L'ANFASOCAF considère que le domaine militaire,qui est un point sensible de l'idéologie républicaine, supporte mal qu'un Français puisse se voir opposer une autre nationalité ou s'en prévaloir, alors que le citoyen doit être français à tous égards, avec tous les droits et toutes les obligations qu'implique cette qualité.
Si en matière de double nationalité, la France est partie à quelques conventions internationales, il ne semble pas à l'ANFASOCAF que celles relatives aux obligations militaires aient été modifiées depuis la suspension de la conscription par la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997.
En conséquence, pour reprendre une formule du maréchal de Lattre de Tassigny que l'ANFASOCAF fait sienne – « Ne pas subir » – et pour rester cohérent vis-à-vis de la communauté militaire, notre fédération demande à ce qu'une commission de réflexion pour la prévention des conflits de nationalités soit créée, comme la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique, instaurée par le décret n° 2010-1072 du 10 septembre 2010, à la suite du livre de M. Martin Hirsch.
Contre-amiral Henri Lacaille, président de l'Union nationale de coordination des associations militaires (UNCAM). Créée en 1982, l'UNCAM défend essentiellement le droit au travail des militaires lors d'une deuxième carrière civile. Ses fronts d'action successifs ont été, dans les années 1980, le cumul emploi-retraite et les entraves au droit du travail dans les conventions collectives des entreprises et, à partir de 1992, les réductions d'allocations de chômage au prétexte de la détention d'une retraite.
Vous avez souvent entendu les présidents de l'UNCAM intervenir dans cette enceinte sur ce thème. Vous avez d'ailleurs voté, en 1996, une loi d'accompagnement sur les mesures de la professionnalisation et un amendement présenté par M. Charles Cova qui réglait la question des allocations de chômage pour les anciens militaires de moins de 60 ans ; et, en 2010, dans la loi sur les retraites, un article qui reporte cette limite d'âge à 62 ans. Cela améliore la situation sans la régler tout à fait.
Restent deux situations difficiles : celle des plus de 62 ans, pour lesquels on peut espérer que la limite d'âge rejoindra progressivement 65 ans ; et celle des militaires lésés entre 1992 et 1996 – parfois après – qui ne donnent pas encore lieu à prescription. Ces derniers cas sont traités par la justice, qui n'a cessé d'éviter depuis quinze ans de juger au fond, c'est-à-dire sur l'illégalité des mesures décidées par les partenaires sociaux contre les militaires. De guerre lasse, le conseil d'administration de l'UNCAM a décidé de saisir le Conseil constitutionnel de cette affaire.
Dans les autres domaines concernant les anciens militaires, l'UNCAM soutient dans leurs actions ses associations membres, selon le principe de subsidiarité : je ne reviendrai donc pas dessus.
Je voudrais néanmoins évoquer la situation des premières promotions d'apprentis d'Issoire et la question de la prise en compte de leurs années d'études dans leur ancienneté. Monsieur le président, cette question, dont vous aviez saisi M. Hervé Morin en 2008, n'est toujours pas réglée au niveau administratif : le service des pensions de La Rochelle ne prenait pas en compte ladécision du ministre jusqu'à ces jours derniers. Y aurait-il quelque espoir de voir ce problème se résoudre ?
Vice-amiral Michel Olhagaray, président de l'Association nationale des officiers de carrière en retraite (Anocr). Les 10 000 adhérents de l'Anocr, appartenant aux trois armées, à la gendarmerie et aux différents services du ministère de la défense, sont très attachés aux valeurs de cohésion nationale, qui sont toujours modernes ; ils sont, eux aussi, bien dans leur époque.
Ils déplorent le délitement de l'esprit de défense – qui fait partie d'un délitement général des valeurs – et du sentiment d'attachement de la Nation à son armée.
Ils forment la chair de cette cohésion : ils ne demandent pas que l'on s'intéresse à eux, mais qu'on les intéresse, eux, à l'avenir de la défense et de notre armée dans la Nation.
Ils réclament qu'une action d'envergure coordonnée soit entreprise dans ce domaine afin de contribuer au redressement de l'esprit de défense. Aucun outil n'a véritablement remplacé le service national. Les gouvernements successifs ne s'attaquent pas vraiment à ce problème : il est du devoir de la représentation nationale de le faire de manière globale, au-delà des actions ponctuelles qui ont pu être conduites.
J'assistai récemment à l'Assemblée nationale à un colloque sur le soldat dans la Nation : nous avons bien vu parmi vos représentants l'absence d'une vraie volonté, d'une vraie prise de conscience.
Un tel projet conditionne le dynamisme de la Nation et la confiance qu'elle a en elle.
La situation actuelle se traduit assez couramment par une sorte « d'ignorance ordinaire » envers le fait militaire et l'esprit de défense. La faiblesse du soldat, a dit récemment un ancien chef d'état-major, c'est d'obéir : cela est vrai dans certains domaines.
Nos chefs d'état-major constituent une force de propositions, mais on ne les entend pas : on ne peut les voir s'élever contre une mesure ; ils ne peuvent mettre leur képi au vestiaire.
Donc le militaire obéit sans qu'on lui demande son avis. Ainsi, des décisions sont prises en matière de retraite sans que les militaires ou les états-majors le sachent : certains amendements du Sénat ont été présentés sans que nul ne soit informé – à l'exception, au dernier moment de l'état-major des armées – puis examinés dans les mêmes conditions en commission mixte paritaire, avec au bout du compte, une mesure préjudiciable.
Nous ne sommes pas intéressés par le combat catégoriel, mais par la méthode, qui peut parfois s'apparenter à un certain dédain : on fait des militaires ce que l'on veut, on n'en parle pas ; ils ne sont pas des partenaires.
Nous souhaitons au contraire que les militaires qui peuvent s'exprimer soient considérés comme des partenaires de défense : ils le désirent, comme l'attestent mes rencontres dans le cadre des 55 assemblées générales de notre groupement. Devant nos adhérents, nous disons ce que nous demandons et la façon dont nous sommes entendus ; nous dirons aussi les résultats qui ont été obtenus.
Les retraités militaires sont 650 000 en France, dans une tranche d'âge comprise entre 60 et 90 ans : ils feront entendre leur voix.
Il faut donc une volonté nationale de redressement, un plan d'action cohérent, et que les associations, qui font partie de la chair de la cohésion nationale, soient parties prenantes et considérées comme de vrais partenaires de défense, comme il existe des partenaires sociaux.
Docteur Bernard Lefevre, président du Syndicat national des anciens médecins des armées (SAMA). Cela fait près de quarante ans que le Syndicat des anciens médecins des armées poursuit son aide aux camarades qui se réinsèrent, veille aux intérêts des retraités, tout en restant fermement attaché au service de santé à travers, entre autres, sa participation à la réserve opérationnelle.
Nous sommes très heureux de pouvoir de nouveau vous rencontrer car la situation des camarades qui quittent le corps, comme celle des retraités, a évolué depuis 2009.
Pour les médecins, les problèmes des retraites ne sont pas très différents de ceux de nos camarades militaires – je partage tout à fait ce qui vient d'être dit sur l'idée d'un partenariat et la façon dont la concertation pourrait s'établir – mais, à travers notre observatoire à la reconversion et aux retraites, nous restons vigilants sur l'évolution des carrières. Nous relançons cette année avec l'aide de la direction centrale du service de santé des armées (DCSSA) une importante enquête, que nous ne manquerons pas de vous commenter.
Nous attirons votre attention néanmoins sur la fragilité de nos systèmes de retraite qui inquiète d'autant plus les militaires que leurs pensions sont souvent partielles.
En matière de reconversion, nous nous sommes penchés sur l'ensemble de la problématique des armées. Nous avons participé à vos côtés à l'organisation du premier colloque européen sur la reconversion en mars 2010 : l'importante représentation de douze pays a salué votre initiative et la qualité des débats.
Certes, les conditions de reconversion sont assez différentes selon les pays mais il en ressort l'évidence d'une problématique commune, qui pourrait trouver, au travers de la Commission européenne, une préparation harmonisée par une formation labellisée, en partenariat avec les services dédiés à la reconversion et de grandes entreprises recruteuses. Qu'en est-il de la prochaine étape pour une démarche européenne reconnue ?
En France, l'agence unique de reconversion des militaires est en place depuis un an et demi : qu'en est-il de ses premiers résultats ? Cette importante rénovation est-elle suffisante pour faire face aux nouveaux défis engendrés par la grande restructuration des armées ? Quel est son véritable impact sur la courbe des chômeurs issus des armées et sur le budget dédié ? Quelles avancées sont prévues pour s'occuper davantage de nos jeunes – les moins de 4 ans – qui ne bénéficient d'aucune prime particulière ? Nous savons combien la reconversion des militaires est spécifique pour ce personnel aux qualités humaines exceptionnelles et aux qualités professionnelles certaines, mais qui nécessite souvent une adaptation à la vie civile. Qu'en est-il de la préparation à cette évolution de carrière ? Cette problématique est-elle abordée assez tôt, voire lors de l'engagement ?
Nous restons très sensibilisés par cette épreuve rencontrée par nos camarades, de plus en plus nombreux, qui quittent le service actif et affrontent cette mobilité complexe, à la fois sociale, géographique et psychologique. Cette nouvelle étape ne doit pas être une rupture mais une continuité professionnelle naturelle.
Une bonne reconversion, en fin de compte, est le gage d'un bon recrutement. L'avenir du militaire doit avoir une autre perspective que celle du passage par le Pôle emploi – image bien dévalorisante et qui semble représenter une solution plus administrative qu'efficace, au regard d'une institution déjà débordée et qui n'a que peu de temps à consacrer pour aider une population « privilégiée car déjà partiellement pensionnée » à ses yeux.
Il y a en fait des solutions, qui reposent sur une approche précoce de la reconversion avec des stages professionnels réguliers, la pratique de l'anglais généralisée, un suivi constant personnalisé, en utilisant en particulier le congé spécifique séquencé. Il semble nécessaire de poursuivre l'effort de découverte de l'entreprise par des stages d'insertion mais aussi celle du monde militaire par les responsables d'entreprise. Pourquoi ne pas institutionnaliser un passeport pour la reconversion ? Pourquoi ne pas prévoir dans chaque appel d'offres issu du ministère de la défense une clause concernant des propositions d'embauche par l'entreprise candidate ?
Nous savons combien la représentation nationale est sensibilisée au respect dû à ses enfants qui prennent des risques pour servir leur pays ; nous ne doutons pas de sa volonté de les aider à une reconversion digne et responsable, autant que celle d'un pays voisin, qui a adopté une loi faisant obligation à l'État de reconvertir ses militaires.
Le dernier point que nous aimerions évoquer est celui des critiques vis-à-vis du service de santé des armées, en particulier de la rentabilité de ses hôpitaux. C'est bien mal connaître l'essence même de leurs missions que de vouloir comparer leur gestion à celle des hôpitaux civils : ceux-ci n'ont, par exemple, aucun besoin de former ni d'entretenir des personnels hautement spécialisés pour des antennes chirurgicales, immédiatement transportables sur n'importe quelle zone de conflit ou d'urgence dans le monde. Que dire de l'insuffisance de remplissage de structures au regard de leur obligation légitime de geler une partie de leurs lits pour des urgences militaires ? Si la réputation des grands hôpitaux militaires, le Val de Grâce au premier chef, n'est plus à faire, pourquoi critiquer le fait qu'un certain nombre de spécialistes ne soient pas envoyés en opérations extérieures (OPEX) dès lors qu'ils exercent une spécialité utile pour la pratique hospitalière mais inutile en première ligne (dermatologie, rhumatologie, gynécologie, cancérologie, etc.) ?
Que penser enfin de la discréditation d'un corps de gestionnaires remarquable auquel on impose en permanence des nouvelles donnes, telles la facturation au service de santé du transport aérien militaire d'une antenne chirurgicale ou l'absence de prise en compte du produit de ses consultations ? Bref, nous tenions à manifester ici notre réprobation face à la médiatisation d'un rapport difficilement compréhensible de la Cour des comptes, qui a touché profondément tout le service de santé, actifs et anciens, d'autant qu'il n'a trouvé aucune voix extérieure attentive, pas même au sein de son propre ministère, pour le défendre.
Nous portons une attention particulière à cette question : la Commission a ainsi entendu, en décembre dernier, le président de chambre et les rapporteurs de la Cour des comptes auteurs du rapport sur ce sujet.
Contre-amiral Serge Thebault, président de l'Association des officiers de la marine (AOM). L'Association des officiers de la Marine (AOM) regroupe environ 700 officiers de recrutement interne de la marine. Elle est constituée majoritairement d'officiers des équipages en retraite et d'officiers spécialisés de la marine en activité, dans les réserves ou en retraite.
Les membres de notre association demeurent profondément attachés à « l'ascenseur social » que représente la promotion interne dans la marine. La parution de nouveaux statuts, l'apparition de nouvelles limites d'âge et le dessein d'une nouvelle hiérarchie les inquiètent : ils y voient des perspectives de carrière moins favorables.
Alors que ces dernières années la plupart des officiers spécialisés de la marine recrutés sur concours pouvaient espérer, en fin de carrière, accéder au grade de capitaine de frégate, la même population voit désormais ses ambitions limitées à celui de capitaine de corvette – qui correspond au grade de commandant dans les autres armées.
Nous souhaitons donc que cette question soit examinée.
Je tiens d'abord à évoquer les pensions militaires d'invalidité (PMI) et la différence d'indice concernant le taux applicable aux officiers mariniers et aux sous-officiers des autres armes.
Il ne s'agit pas de demandes de révision de pension au taux appliqué en cas d'aggravation de l'invalidité ou de l'apparition d'une autre maladie en rapport avec l'invalidité, mais d'une demande de réparation d'une iniquité existant depuis 1956 et reconnue comme une discrimination. Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la défense, avait entrepris d'y mettre un terme, mais le dossier est resté sans suite après son départ.
Nous ne pouvions que nous féliciter de la parution du décret du 10 mai 2010, une nouvelle grille mettant fin à cet état discriminatoire. Mais nous avons été déçus en apprenant que ce décret ne concerne que le « flux », c'est-à-dire les pensionnés bénéficiant d'une PMI, quittant l'active à compter du 13 mai 2010. Nous déplorons l'absence de prise en compte du « stock », qui comprend ceux qui réclamaient cette réparation depuis si longtemps.
Leur seule voie d'obtenir un alignement était les recours judiciaires, en s'appuyant sur la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France. Nous constatons que le ministère de la défense, malgré un nombre important de recours favorables, a fait appel des décisions rendues. Les tribunaux ont approuvé l'alignement, mais le ministère a formé un recours devant le Conseil d'État. À ce stade, nous constatons des contradictions entre les avis des sous-sections : certaines rejettent le recours du ministère, d'autres renvoient les jugements devant d'autres juridictions.
Nous demandons, conformément aux positions exprimées au Conseil permanent des retraités militaires, dont font partie les associations ici présentes, que la direction des ressources humaines du ministère (DRH-MD) fasse en sorte que celui-ci ne fasse plus appel lorsqu'un jugement est favorable.
Pour ne pas léser certains pensionnés n'ayant pas entamé de recours pour diverses raisons – état de santé, âge etc. –, il serait bon « d'aligner » tous les pensionnés, d'autant qu'une première tranche de 850 000 euros avait été prévue dans le budget de 2007 et qu'un plan à long terme d'une dizaine d'années avait été envisagé pour réparer cette injustice.
S'agissant des maladies radio-induites, malgré les promesses et les études menées, la seule issue actuelle est la maladie, la souffrance, la déchéance et la mort dans l'oubli. L'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) a enregistré en 2010 environ 45 morts et 800 nouveaux malades.
Nous soutenons l'action de cette association et demandons que les promesses soient enfin tenues. Nos préoccupations méritent d'être prises en compte, ne serait-ce que par respect à l'égard des anciens combattants.
Enfin, si les militaires ont toujours su faire face aux difficultés à réussir les réformes, on peut dire en ce début d'année que le moral des troupes n'est pas au beau fixe.
Depuis vingt ans, nous ne cessons de réformer : il n'est pas un secteur, un métier ni un lieu qui échappe au changement. Entre la révision générale des politiques publiques –se traduisant par 54 000 suppressions d'emploi en six ans –, la refonte de la carte militaire, la réorganisation des états-majors, mais également l'externalisation de nombreux services, tout n'est que sujet à la diminution du budget de la défense après la crise économique. Les armées s'attendent même à une révision de la programmation budgétaire.
Il semble par ailleurs qu'on enregistre certains retards dans la livraison de nouveaux matériels dans les armées de terre, de l'air et la marine. Nous n'avons plus de marge de manoeuvre et le matériel indisponible atteste un manque de ravitaillement en pièces de rechange. À force d'économie, il arrivera bien un moment où l'on ne pourra aller plus loin.
Alors que la diversité des missions – OPEX, Vigipirate, etc. – est maintenue, les effectifs sont réduits : a-t-on pensé à la vie de famille des militaires ?
La spécificité du métier autorise désormais à quitter le service après dix-sept ans, au terme de la réforme des retraites. Impliquant une vie souvent loin de sa famille, ce métier donne lieu à des départs anticipés, qui permettent de disposer d'une armée jeune, en pleine faculté de ses moyens : n'allons-nous pas rencontrer des difficultés de recrutement à l'avenir ?
Je souhaiterais aborder trois points. S'agissant en premier lieu des PMI, déjà évoquées, je me bornerai à dire qu'une décision négative en la matière ne ferait qu'accroître la discrimination entre ceux qui auront été déboutés, ceux qui auront donné lieu à un alignement et les nouveaux ayants droit.
En ce qui concerne la suppression des reçus fiscaux délivrés aux médaillés militaires, en accord avec la plupart des autres grandes associations d'anciens militaires de l'armée française, avec lesquelles nous nous sommes concertés, nous estimons devoir vous faire part de nos émotions, nos craintes et notre désappointement devant les nouvelles dispositions fiscales qui viennent d'être notifiées à certaines fondations, auxquelles nous sommes très attachés et participons financièrement.
Il s'agit de la Société d'entraide des membres de la Légion d'honneur et de l'Association nationale des membres de la médaille militaire. Ces deux entités, dont une grande majorité des adhérents sont des anciens militaires, bénéficient du statut d'association reconnue d'intérêt public. À ce titre, depuis des années, elles étaient habilitées à remettre un reçu fiscal annuel à leurs adhérents donateurs. À notre connaissance, la valeur de ces reçus n'a jamais été contestée par les services du Trésor public et les personnes concernées bénéficiaient d'une modeste mais appréciée réduction d'impôt. Au-delà de la valeur financière, ce geste était considéré par nous, anciens militaires, comme un signe de reconnaissance pour les services que nous avons rendus à la Nation.
Or voilà que les services du ministère du budget viennent d'indiquer que si les associations dont nous prenons la défense sont bien reconnues d'utilité publique, elles ne sont pas d'utilité générale, et que leurs donateurs ne peuvent plus bénéficier de reçu fiscal.
Nous en sommes surpris. Quel est le rôle des services du budget et des comptes publics ? Pourquoi ce qui était jugé bon hier et depuis de longues années ne l'est plus aujourd'hui ? Comment se fait-il qu'on ait mis tant de temps pour se rendre compte d'une telle différence entre l'utilité publique et l'utilité générale d'une association et sur sa capacité ou non de délivrer des reçus fiscaux à ses adhérents donateurs ?
A-t-on décidé de briser le rôle social de ces associations, lesquelles – cela est unanimement reconnu – participent, chacune à leur niveau à l'instruction des jeunes filles, à l'aide à certaines familles, à l'hébergement et aux soins des anciens militaires mutilés, handicapés ou encore nécessiteux ?
Une réaction va nécessairement s'ensuivre. Les donateurs qui s'estimeront sanctionnés alors qu'ils savent que, d'un autre côté, le Trésor public a restitué des sommes très importantes à des personnes notoirement fortunées, se feront bien plus rares et les moyens de ces fondations vont diminuer d'autant. Il en résultera une réduction de l'aide à ceux de nos anciens qui ont servi la France en combattant en Indochine, en Algérie ou ailleurs. D'autant que d'autres fondations risquent également d'être concernées. Est-ce là ce que l'on recherche ?
Au nom de la communauté des retraités militaires, nous sollicitons respectueusement votre appui et vous demandons de bien vouloir intervenir auprès du ministère du budget, afin qu'il révise cette sanction infligée aux citoyens parmi les plus méritants.
Enfin, nous souhaiterions connaître l'avis de votre commission sur la disparition programmée, déjà bien avancée, de quinze escadrons de la gendarmerie mobile, force militaire par son statut, bien qu'elle soit maintenant rattachée au ministère de l'intérieur – et sur les conséquences qui vont en découler pour ses personnels, officiers ou sous-officiers.
En effet, alors que les effectifs de la gendarmerie mobile étaient relativement stables, les rotations provoquées par les services outre-mer, en OPEX, ou pour le maintien de l'ordre en métropole, faisaient peser une lourde charge sur les personnels de ces escadrons. Qu'en sera-t-il maintenant ? Comment vont se dérouler les rotations, les déplacements, les relèves, les indisponibilités, et à quel rythme ?
Les dissolutions déjà entreprises paraissent démontrer qu'elles désorganisent les hommes et leurs familles. Elles brisent la cohésion d'unités bien rodées. Elles ont un impact néfaste et durable et ne sont pas toujours comprises.
Les dispositions sont impératives et contraignantes. Si un changement de dernière minute n'était pas intervenu, un escadron rentrant d'Afghanistan – celui de Rennes – allait être obligé de se disperser. Le moral des troupes et de leurs familles en souffre énormément. La commission de la défense va-t-elle peser de son autorité pour réduire la portée et les effets des mesures envisagées ?
Nous ne pourrons naturellement répondre à toutes les questions que vous avez posées. Sur celle, en particulier, des escadrons de gendarmerie mobile, la commission s'engage à recevoir le ministre de l'intérieur pour avoir des explications.
Monsieur Virolet, j'ai été très choqué que des fonctionnaires d'autorité, en l'occurrence des agents des CRS aient pu se mettre en grève – faire même la grève de la faim comme je l'ai vu à Marseille, dans ma circonscription – et qu'ils aient bénéficié de faux certificats médicaux pour ne pas travailler. Si cela ne dépendait que de moi, des procédures seraient engagées à leur égard.
Je trouve également parfaitement injuste que l'on cède aux CRS fortement syndiquées alors que l'on demande aux militaires d'obtempérer. Sur le fond, il est probable qu'il y ait à l'avenir moins de missions de maintien de l'ordre et que l'on doive procéder à un redéploiement des forces dans ce domaine au profit d'autres missions, telles que celles de la gendarmerie territoriale ou des gardiens de la paix pour les CRS. La dissolution des CRS est d'ailleurs un vieux problème, qui remonte quasiment à la présidence de M. Valéry Giscard d'Estaing : pour certaines, on ne sait plus quel est l'intérêt de leur mission aujourd'hui. On aurait peut-être pu éviter les événements qui se sont produits – et obtenir les mêmes résultats – en facilitant le jeu des mutations et les demandes de sédentarisation exprimées par certains agents.
Nous allons par ailleurs étudier la question de la carte du combattant, car nos gendarmes sont effectivement déployés en OPEX et, depuis le décret du 12 novembre 2010, les conditions d'attribution de cette carte ont été modifiées pour prendre en compte les spécificités de ces nouvelles opérations. Notre rapporteur pour la gendarmerie, M. Alain Moyne-Bressand, aura sans doute à coeur de s'engager sur ce sujet.
Quant à la campagne double, nous avons largement évoqué cette question à l'occasion de la discussion du budget des anciens combattants l'automne dernier. Le décret met en oeuvre la loi de 1999 : la campagne double s'applique donc à compter de 1999. Il est difficile d'aller au-delà sans procéder à des contorsions juridiques contestables.
Concernant les PMI, l'alignement indiciaire entre officiers mariniers et sous-officiers a été réalisé par le décret du 12 mai 2010. Il ne s'applique effectivement qu'au flux de pensions dont la concession intervient à compter de l'entrée en vigueur du décret car seule une mesure législative pourrait avoir une portée rétroactive.
L'avenir du service de santé des armées est un sujet que la commission de la défense a largement traité : M. Christian Ménard a d'ailleurs présenté voici quelques années un excellent rapport en la matière.
Nous sommes très attachés ici, sur tous les bancs, à ce service, qui a été longtemps – et reste – un service d'excellence. Le rôle médical joué – dans l'urgence notamment – par les hôpitaux militaires est incontestable, comme en témoigne par exemple l'hôpital Laveran de Marseille, qui assure jour et nuit un service de garde pour les urgences – comme les hôpitaux de l'assistance publique – à la grande satisfaction de tous.
Nous sommes des ardents défenseurs de ce service et du nombre des hôpitaux militaires qui, au-delà de leurs exigences spécifiques, offrent aussi des prestations au public – ce qui est bien et participe à la bonne image des armées et du service.
Si nous comprenons parfaitement l'émoi qu'a pu susciter la publication du rapport de la Cour des comptes, il ne faut pas oublier que ce même rapport a aussi souligné l'excellence du SSA tout en reconnaissant clairement la spécificité de son activité.
Je relève aussi qu'il contenait des propositions d'évolution intéressantes comme le rapprochement avec le secteur civil, l'optimisation de la formation des praticiens, ou encore l'amélioration du soutien en OPEX avec, notamment, une meilleure prise en charge des pathologies psychiatriques – sans doute plus importante que la gynécologie, par exemple, que vous évoquiez tout à l'heure…
Il m'a semblé à cet égard que vous ne disposiez pas de toutes les informations : je vous invite donc à lire le compte rendu de l'audition par la commission des magistrats de la Cour des comptes sur ce sujet, lesquels n'ont pas été épargnés. Vous verrez les propos que nous avons tenus pour défendre le service.
Même si votre réflexion va au-delà de ce seul service, je tiens à dire que je ne connais pas un seul médecin militaire qui, à l'issue de sa carrière, n'ait trouvé un emploi dans le civil.
En matière de reconversion militaire, je puis attester qu'un travail important a été accompli récemment. Il faut que, dans une armée de métier, la défense aide notamment les jeunes qui s'engagent, en particulier les moins diplômés, comme les voltigeurs de pointe ou ceux qui, sur les ponts, calent les roues des aéronefs.
À ce sujet, certains propos ne me paraissent pas conformes à la réalité : ainsi je n'ai pas trouvé que nos soldats oeuvrant en Afghanistan soient animés d'un esprit défaitiste ; ils sont au contraire motivés, volontaires, disciplinés et fiers de leur mission. Mme Françoise Hostalier, qui s'est récemment rendue dans ce pays, peut en témoigner.
Savez-vous que, chaque mois, on adresse à l'ensemble des militaires une bourse à l'emploi ? À Marseille, les armées organisent avec des entreprises de tous secteurs une grande exposition sur la reconversion – Usinor, située à Fos, propose par exemple 150 offres d'emploi aujourd'hui. Il faut aussi que vous sachiez que certaines entreprises souhaitent offrir des postes de manière officieuse, par crainte de la réaction de certains syndicats face à une militarisation du recrutement.
Sur ce sujet, je préfère laisser la parole à notre collègue M. Daniel Mach, qui a été rapporteur du texte sur la reconversion des militaires l'année dernière.
Concernant la dévalorisation de la médaille militaire, je voudrais rappeler que cette médaille a vocation à être décernée aux sous-officiers, voire aux militaires du rang et, de manière exceptionnelle, aux officiers.
Pour honorer les sous-officiers et militaires du rang qui ont été tués en opération, il a été longtemps de tradition de leur décerner à titre posthume la médaille militaire. Si l'intéressé était déjà médaillé militaire au moment des faits, il pouvait être nommé chevalier de la Légion d'honneur. En 2007, le Président de la République a décidé de nommer directement chevaliers de la Légion d'honneur deux sous-officiers morts au combat, non médaillés militaires, puis les dix militaires tués en opération en Afghanistan en août 2008.
Cette volonté d'honorer les militaires qui ont fait le sacrifice suprême en leur décernant la plus haute distinction honorifique française ne saurait dévaluer le prestige de la médaille militaire, qui a vocation à récompenser les services individuels particulièrement méritoires rendus à la Nation, à titre militaire, par le personnel non-officier. C'est la raison pour laquelle le Grand chancelier de la Légion d'honneur a proposé qu'un sous-officier ou un militaire du rang non médaillé militaire, tué en opération, reçoive simultanément la médaille militaire et la croix de la Légion d'honneur. Mais il n'est pas question d'attribuer la médaille militaire aux officiers.
Quant aux questions portant sur les reçus fiscaux, l'exclusion des militaires du bénéfice des dispositions applicables aux fonctionnaires poly-pensionnés, la prise en compte des années d'étude dans l'ancienneté des apprentis d'Issoire, elles seront posées au cabinet du ministre de la défense et je vous communiquerai ses réponses.
Amiral Olhagaray, vous avez soulevé des questions très pertinentes, notamment celle – qui devrait rassembler tous les parlementaires – de l'intérêt que doit susciter la défense nationale. Votre idée de partenariat est intéressante, mais imaginez-vous celui-ci avec les anciens, libérés des obligations militaires, ou les armées ?
Vice-amiral Michel Olhagaray. Il s'agit bien dans mon esprit d'un partenariat avec les anciens, dont la parole est libre – au travers d'associations comme l'Anocr, apolitiques et indépendantes.
Je connais bien le travail remarquable réalisé par votre association, notamment en faveur des veuves. Nous sommes d'accord : le principe de base de toute force armée exclut le partenariat, mais celui-ci est possible avec les anciens militaires. Nous devons à cet égard réfléchir à la modernisation du dialogue social au sens large dans les armées, ne serait-ce que pour tenir compte de l'évolution de la société. Nous avons beaucoup évoqué ces questions en 2005, lors du débat sur le statut des militaires, qui doit prendre en considération la spécificité de leur métier.
On ne peut pas, par ailleurs, vouloir une chose et son contraire : quand on embrasse une carrière militaire, on sait que l'on va se priver notamment d'être élu. Mais cette situation offre en contrepartie d'autres avantages, tel que celui de servir dans le métier des armes.
Sur les questions de l'esprit de défense et du civisme, je vais vous remettre le rapport de notre collègue M. Patrick Beaudouin sur le parcours de la citoyenneté, du civisme et de l'esprit de défense, intitulé « Vive la France dans la République ! ». Vous verrez que vos préoccupations sont largement prises en compte par la commission de la défense.
J'ai l'impression que nous ne sous sommes pas bien compris : nous ne contestons nullement le statut des militaires dans ses restrictions ; nous avons seulement soulevé un problème de cohérence et d'éthique.
Vos associations s'intéressent au problème de la condition des militaires d'active. Vous êtes ainsi représentés au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) par six retraités : ceux-ci relaient-ils bien vos préoccupations ? Estimez-vous que le dialogue social se passe bien dans les instances nationales de concertation, en particulier à l'égard des différentes catégories de militaires ?
J'ai été très attentif aux points de vue qui ont été exprimés.
Amiral Olhagaray, vous avez parlé de délitement, de manque de cohérence, du regret de ne pas être entendu, de dédain, de souhait de partenariat, traduisant un certain malaise chez les retraités comme chez les actifs.
J'ai eu plaisir à constater que des représentants des retraités de la gendarmerie ne plaidaient pas pour eux-mêmes, mais pour la gendarmerie dans son ensemble.
Il nous faut prendre en compte et relayer ces propos, car ils expriment une situation très grave.
En tant que membre du conseil d'administration de l'Anocr, je représente les officiers de carrière en retraite au CSFM depuis de nombreuses années. En réponse à votre question, monsieur Le Bris, j'essaie personnellement de conseiller certains collègues d'active sur des questions juridiques qui leur sont posées, dont ils ne sont pas familiers. Une des grandes questions de la concertation est précisément d'avoir prise sur les préoccupations de nos camarades en activité. Ce fut le cas par exemple s'agissant du maintien à la défense des fonds de prévoyance : les retraités ont agi au sein du CSFM en liaison avec d'anciens militaires entrés au Conseil d'État.
Comment percevez-vous globalement votre mission, en tant que représentants des retraités, au sein du CSFM ?
Par ailleurs, s'agissant de la reconversion, le Gouvernement a mis en place un dispositif permettant aux collectivités territoriales de recruter de jeunes militaires au sein des polices municipales. Je vais moi-même recruter un troisième agent de la sorte – un fusilier marin qui correspond tout à fait au profil recherché. Ce dispositif judicieux doit être pris en compte.
En écoutant les propos du président de l'Anocr, je n'ai pas tant relevé les termes de délitement ou de malaise, qu'une volonté, au contraire, de renforcer le lien armée-Nation et de revitaliser l'esprit de défense. Je ne peux – comme nombre de mes collègues, je pense – que soutenir cette démarche : nous serons heureux d'avoir connaissance de ses propositions en la matière.
Ces échanges sont très positifs, car ils permettent de faire vivre le lien armée-Nation.
Je partage les propos tenus par le président Guy Teissier sur le service de santé des armées.
Je tiens également à dire que nos jeunes soldats revenant d'Afghanistan sont très fiers de la mission qu'ils ont accomplie dans ce pays et sont tout prêts à y retourner.
J'ai par ailleurs posé une question au Gouvernement sur la gendarmerie. Le groupe centriste souhaite le maintien du périmètre intégral des escadrons de gendarmerie mobile, la territorialisation des unités de CRS – pour répondre aux besoins spécifiques se faisant jour dans les banlieues – et un recentrage des missions de la gendarmerie pour couvrir la totalité du spectre relatif au maintien de l'ordre.
Au sujet des manifestations de CRS, je rappelle que lorsque les gendarmes ont manifesté, la droite – dans l'opposition à l'époque – les avait soutenus et le président Chirac avait appelé les pompiers à les rejoindre.
En matière de reconversion, des rapports ont été réalisés et un colloque s'est tenu sur les sociétés militaires privées (SMP) : ces sociétés constituent-elles une voie possible de reconversion pour les militaires ?
Docteur Bernard Lefevre. Cette question est posée par beaucoup d'anciens militaires. En tant que président d'une société aidant à la reconversion, je considère qu'elle pose un problème éthique, qui doit donner lieu à une réflexion approfondie, portant sur l'esprit dans lequel la reconversion est effectuée. Ce problème doit être réglé au niveau national.
La commission a l'intention de créer prochainement une mission d'information sur cette question. Cette forme de reconversion n'est pas forcément incompatible, certains militaires ayant des missions très proches de celles remplies par ces sociétés. Mais elle pose en effet un problème éthique, exigeant que l'on s'entoure de beaucoup de garanties, afin d'éviter certaines dérives. Un groupe de travail de la précédente session de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) s'est d'ailleurs penché sur cette question.
Nous nous sommes battus pour que les militaires retraités restent partie prenante dans la communauté de défense : majorité et opposition ont soutenu ensemble des amendements en ce sens lors du débat sur le statut des militaires en 2005. Cette mesure a été utile car nous sommes confrontés à une réforme sans précédent de notre outil de défense et à des réformes structurelles importantes de notre organisation sociale, telles que celle des retraites ou de la dépendance. Il faut que l'ensemble de la communauté nationale participe à celles-ci. Je ne suis pas d'accord avec le Président de la République lorsqu'il dit que les grandes réformes suscitent les plus grandes oppositions : je pense au contraire qu'elles mettent en mouvement et font de chacun un acteur à part entière. Il convient de réfléchir à une meilleure façon d'associer la communauté militaire.
Quant aux droits civils et politiques, ils ont été aussi largement évoqués lors des débats de 2005. La question, toujours pendante, devra être réglée : comme je l'ai dit à l'époque, si l'on n'organise pas les choses, on sera condamné à les subir. Il est hypocrite de dire aux militaires qu'ils peuvent se présenter à des élections et de supprimer leur solde une fois qu'ils sont élus ; mieux vaudrait affirmer clairement qu'ils n'ont pas le droit de se présenter : qu'on ne leur dise pas qu'ils sont des citoyens comme les autres tout en créant les conditions pour qu'ils ne puissent l'être ! Selon moi, ce lien est utile dans le cadre de la relation entre la Nation et son armée ; il n'existe pas de problème de lien entre l'armée et la Nation – les militaires le savent bien – mais entre celle-ci et son armée.
Enfin, j'ai été ému par la différence de traitement entre les CRS et les escadrons de gendarmerie mobile. Nous avions d'ailleurs pressenti cette difficulté lors du débat sur la loi relative à la gendarmerie. Nous sommes aujourd'hui devant le mur, d'autant que quand un événement se produit, ce sont les syndicats de police qui s'expriment – donnant le sentiment d'absence de hiérarchie dans la police nationale –, alors que lorsque tel est le cas dans la gendarmerie, la chaîne de commandement est clairement identifiée.
Il est normal que, lorsque survient un problème d'ordre public, les syndicats de police s'expriment, mais il serait utile – ne serait-ce que pour clarifier la relation entre police et gendarmerie – que le ministère de l'intérieur joue vraiment son rôle, que les cadres de la police s'expriment au nom de la police nationale et que les syndicats le fassent au nom de leurs mandants.
Nous sommes confrontés à une difficulté majeure, qui résulte du rattachement juridique et financier de la gendarmerie au ministère de l'intérieur : il ne faut donc pas en rajouter ! Cela dit, je ne suis pas opposé aux réformes structurelles au sein de la gendarmerie ou de la police et j'ai par exemple soutenu la démarche des communautés de brigade en veillant notamment à l'équilibre des territoires.
Je suis également d'accord avec ces propos mesurés.
Concernant la reconversion, je note un décalage entre certains propos exprimés et le travail important réalisé par la commission en la matière. Nous avons procédé à de nombreux déplacements et auditions, rencontré des militaires de tous grades et répondu à leurs demandes. Il est un peu frustrant de s'entendre reprocher de ne pas avoir fait des choses que nous avons réalisées : peut-être devons-nous davantage les faire connaître ou n'y a-t-on pas porté suffisamment d'attention…
Je confirme que la commission effectue un travail important, dont on n'est malheureusement pas toujours conscient à l'extérieur.
Pour avoir travaillé sur un rapport sur l'Afghanistan, je confirme l'esprit positif de nos soldats sur place.
S'agissant de la dualité d'expression des forces de sécurité, je rappelle que la presse est libre, mais qu'elle fait parfois un travail détestable.
Au sujet de la suppression des deux compagnies républicaines de sécurité – dont l'une concerne ma circonscription – je note que celles-ci se situent au centre ville et que leurs agents y sont bien installés : si elles étaient au fin fond de la Corrèze par exemple, je ne suis pas sûr que le mécontentement aurait été le même…
Je suis en tout cas étonné que l'on ait trouvé des médecins pour mettre en arrêt de travail 95 % des agents, sans que cela suscite de réaction – alors que les inspecteurs de la sécurité sociale sont souvent prompts à sanctionner des arrêts maladie. Cet acte est scandaleux.
La séance est levée à onze heures quarante-cinq.