Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Xavier Beulin, président de Sofiprotéol, M. Éric Lainé, président de la confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) et M. Bruno Hot, président du syndicat national des producteurs d'alcool agricole (SNPAA), sur les filières de biocarburants.
Je suis heureux d'accueillir ici Xavier Beulin, Éric Lainé et Bruno Hot pour tirer le bilan et tracer les perspectives de la filière des biocarburants, les deux premiers en tant que représentants des producteurs et le troisième d'un point de vue plus industriel.
Merci de nous donner l'occasion de nous exprimer devant votre commission. Mon propos portera sur la filière du biodiesel.
D'un point de vue environnemental tout d'abord, la filière biodiesel permet, d'après l'ADEME, une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 à 90 % : 59 % par exemple pour un biodiesel produit à partir de colza, 73 % à partir de tournesol. L'utilisation de biodiesel a permis à la France d'économiser environ cinq millions de tonnes de gaz à effet de serre pour 2009. Elle nous permet aussi de remplir nos engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre – en particulier de CO2 – dans le secteur des transports, dans le cadre de la directive Énergies renouvelables. Le taux d'incorporation de biodiesel pour 2009, fixé par le Gouvernement à 6,25 % en valeur pci (pouvoir calorifique inférieur), a été atteint. Globalement, la filière biodiesel contribue largement aux efforts de la France pour atteindre le taux de 10 % d'énergies renouvelables dans les transports pour 2020.
La directive Énergies renouvelables définit des critères de durabilité, basés sur le respect des sols et la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Dans ce cadre, nous avons lancé il y a trois ans une démarche de progrès dont l'objectif principal est d'améliorer le bilan énergétique et les émissions de gaz à effet de serre du biodiesel issu des cultures de colza et de tournesol. Cette démarche concerne tous les maillons de la filière, de la production de semences jusqu'au produit fini, et vise à les rendre plus efficients en matière de consommation d'énergie d'origine fossile, mais également de rendement énergétique. Déjà 12 000 parcelles en France font l'objet d'un suivi précis et quantifié. Elles devraient être 20 000 en 2011 ou 2012.
Du point de vue de l'alimentation maintenant – et à un moment où le prix des matières premières relance le débat sur la concurrence entre alimentation et énergie –, la production de biodiesel de première génération va de pair avec celle de protéines végétales. En effet, une graine est composée d'environ 40 % d'huile et 60 % de tourteaux. La production d'un litre de biodiesel Diester produit donc aussi 1,5 kg de tourteaux riches en protéines, qui se substituent au soja. La France a ainsi pu réduire sensiblement sa dépendance à l'égard des importations de soja de pays tiers – États-Unis, Brésil et Argentine. Son taux d'autosuffisance est passé de 27 % en 1980 à 50 % en 2009 grâce en particulier aux oléagineux.
La production de colza ne fait pas diminuer les cultures à vocation alimentaire en France, et on ne peut pas parler de changement d'affectation directe des sols. En effet, sur un potentiel de surfaces pour oléagineux de 3 millions d'hectares, seulement 2,2 ou 2,3 millions sont déjà cultivés. Il y a donc encore de la marge. Par ailleurs, l'utilisation de tourteaux libère dans les pays exportateurs de soja des surfaces qui pourront être consacrées à des productions alimentaires. La production de biodiesel en Europe a dégagé 4 millions de tonnes de tourteaux de colza, qui se sont substituées à 2 millions de tonnes de soja d'importation. Les prévisions pour 2020 s'établissent à 16 millions de tonnes de tourteaux.
Le biodiesel permet aussi d'améliorer l'indépendance énergétique de la France. La production de 2009, soit 1,9 million de tonnes, s'est substituée à environ 10 millions de tonnes de carburant d'origine fossile, essentiellement importées. La filière favorise en outre le développement de la chimie du végétal, un secteur en forte croissance. La transformation d'une huile en ester produit, à raison de 10 % de la masse volumétrique de l'huile, une glycérine végétale qui donne lieu à nombre d'applications : revêtements de sols, encres, solvants, tensioactifs… Ce nouveau domaine est en train de progresser rapidement.
Il est clair que sans le soutien public, jamais la filière des biocarburants n'aurait pu se développer en France et il faut saluer l'effort consenti depuis une douzaine d'années. Les investissements ont permis de construire un outil industriel performant, d'une capacité totale de 2,5 à 2,8 millions de tonnes. Ils ont permis de créer ou de conserver l'équivalent de 10 000 emplois sur le territoire et sont source de localisation ou relocalisation d'activités, au niveau de la production ou de la transformation.
Ces investissements doivent pouvoir se poursuivre, notamment en matière de recherche. La filière entend participer très activement au programme de recherche sur les carburants de deuxième génération. Les premières unités devraient être opérationnelles à l'horizon 2017-2020 pour produire en particulier du gazole de synthèse et même du kérosène de synthèse – puisque, après les carburants terrestres, nous en sommes à l'aérien. Ce domaine intéresse fortement les constructeurs et opérateurs du secteur, à commencer par EADS.
Mais cela suppose une continuité de l'effort public. Par rapport au gazole fossile, le biodiesel bénéficie d'une défiscalisation qui, de 35 centimes par litre en 2003, est passée à 11 centimes pour 2010 et sera encore ramenée à 8 centimes en 2011. Cette baisse a un impact considérable sur l'économie de la filière. Il est clair qu'en dessous de 8 centimes, nous ne pourrons plus fonctionner. En 2010, compte tenu des prix respectifs des matières premières végétales, surtout du colza et du tournesol, et du gazole, la filière est globalement déficitaire. En effet, le pétrole n'a pas suivi l'évolution des matières premières végétales.
L'ADEME estime les aménités générées par la filière biodiesel, d'un point de vue strictement environnemental, à 15 centimes par litre – sur la base d'un prix de la tonne de carbone de 20 euros sur le marché mondial : si ce prix baisse, l'avantage du biodiesel sera un peu plus faible, et vice-versa. Cet avantage direct de 15 centimes est obtenu pour un coût fiscal de 8 centimes. Mais si la comptabilité publique sait à combien se monte la dépense totale, elle ne sait pas intégrer les aménités dans ses calculs. C'est pourquoi nous insistons sur ce point. Il faut maintenir un avoir fiscal minimum pour la filière, simplement pour établir une parité entre carburant fossile et carburant renouvelable. Il ne s'agit pas de revendiquer un avantage concurrentiel, mais de se remettre à égalité. C'est une revendication essentielle, et je crains que le rapport Carrez n'ait oublié un certain nombre d'externalités en suggérant de réduire encore la défiscalisation.
Je vais vous présenter la filière du bioéthanol du point de vue des producteurs, une filière en plein essor, vecteur de croissance verte. La capacité de production d'éthanol s'est fortement développée ces dernières années – 13 millions d'hectolitres en 2010, contre 1 million avant 2004 – grâce à d'importants investissements : environ un milliard au total pour cinq unités de grande capacité, modernes et performantes, dont trois dues à la coopération, c'est-à-dire aux producteurs. Cette filière est génératrice de richesses et d'activité économique, en particulier dans les zones rurales. Elle a permis de créer ou de maintenir 5 000 emplois directs ou indirects – maintenir car, après la réforme drastique de l'Organisation commune de marché du sucre, elle a permis de soutenir le niveau de la production de betteraves. Son développement a été permis par la politique volontariste de Bruxelles en matière de biocarburants, reprise par le Gouvernement en 2005.
La filière française est parfaitement durable. L'éthanol français est issu pour moitié de betteraves et pour moitié de céréales. Les surfaces qui lui sont dédiées – respectivement 60 000 et 300 000 hectares environ – représentent en 2010 moins de 3 % du total des surfaces cultivées en betteraves et en céréales. En outre, une partie de la production retourne à l'alimentation animale : 50 % pour la betterave, sous forme de pulpes, et 30 à 35 % pour les céréales sous forme de drêches. La mobilisation nette des terres ne dépasse donc pas 2 % pour une production qui excède la demande nationale et dont une partie est par conséquent exportée.
L'étude de 2010 de l'ADEME a confirmé le bénéfice environnemental et énergétique de l'éthanol produit en France. Les réductions d'émissions de gaz à effet de serre varient selon la matière première utilisée : 49 % pour le blé, 56 % pour le maïs, 66 % pour la betterave. Quant au rendement énergétique, c'est-à-dire la quantité d'énergie produite par unité d'énergie fossile consommée, il est le double de celui de l'essence. Les filières françaises de production ont uni leurs efforts pour faire la preuve du respect des critères de durabilité imposés par la directive Énergies renouvelables. Elles mettent en place un schéma volontaire de certification couvrant l'ensemble de la chaîne de production, qui sera opérationnel fin 2010.
Le plan d'action national en faveur des énergies renouvelables, notifié par la France à Bruxelles en août, ouvre des perspectives intéressantes à la filière puisque la consommation nationale de bioéthanol devrait passer de 10 à 13 millions d'hectolitres en 2020. Notre production trouvera aussi des débouchés dans les autres États membres, dont la consommation devrait augmenter, en application de la directive européenne.
Mais pour atteindre ces objectifs, un plan technique est nécessaire, avec pour commencer un déploiement accéléré du sans plomb 95-E10, commercialisé depuis dix-huit mois mais qui n'est distribué que par une station sur cinq. Nous avons besoin également d'une relance vigoureuse du E85, qui ne peut être utilisé que par des véhicules flex-fuel. Les bénéfices environnementaux de ce carburant sont avérés, mais à ce jour peu reconnus puisque l'acquisition de ces véhicules n'ouvre droit ni au bonus, ni à la prime à la casse. Ensuite, il faudra proposer à la consommation une essence à plus forte teneur en éthanol, en passant du SP 95-E10 au SP 95-E15. Nous demandons la réactivation du comité de suivi pour étudier tous ces sujets, le but étant de motiver à la fois les distributeurs et les constructeurs – car sans véhicules, il n'y aura pas de pompes et vice-versa.
Nous avons aussi besoin d'un cadre réglementaire et fiscal cohérent. Depuis 2010, l'éthanol est plus taxé à l'unité énergétique que l'essence, car son contenu énergétique est plus faible alors que la fiscalité est basée sur les volumes de carburant. La teneur croissante en éthanol des essences entraîne une légère surconsommation, qui génère des recettes fiscales supplémentaires en matière de TVA et de taxe intérieure sur la consommation, la TIC. Couplées à la TGAP, qui oblige à l'incorporation de biocarburant dans les carburants fossiles, ces recettes sont largement supérieures au coût apparent de l'exonération fiscale, dont le montant baisse en outre année après année : elle est passée de 33 euros l'hectolitre en 2006 et 2007 à 18 en 2010, et sera encore ramenée à 14 euros en 2011. Les recettes nettes, défiscalisation comprise, ont été de 155 millions pour 2009, dont 101 dus à la TGAP puisque les objectifs d'incorporation, contrairement à la filière biodiesel, n'ont pas été atteints – le taux réel a été de 5,25 %, contre 6,25 % prévu – les 54 millions restants provenant de la TVA et de la TIC.
Il faut donc maintenir la TGAP à son taux actuel pour que le taux d'incorporation soit respecté. Nous souhaitons aussi l'application stricte de la réglementation douanière européenne, pour répondre aux problèmes que posent les éthanols dénaturés, qui ne supportent pas les mêmes droits à l'entrée que l'éthanol pur. L'idéal serait une nomenclature douanière spécifique à l'usage de l'éthanol en carburation.
Je vais vous présenter la filière du bioéthanol d'un point de vue plus industriel. Le SNPAA représente huit groupes industriels ou entreprises familiales de production et de rectification, dix-sept sites de production et une production de 16,5 millions d'hectolitres d'alcool de betteraves et de céréales, dont les trois quarts utilisés pour les biocarburants. Les coproduits, pulpes de betteraves et drêches de céréales, étant utilisés pour l'alimentation animale, la filière ne fait que faiblement concurrence aux surfaces alimentaires. Elle a créé ou préservé entre 5 000 et 7 000 emplois, souvent en milieu rural. Elle fait des investissements importants en recherche et innovation, puisque les entreprises de première génération préparent la deuxième génération. La presse oppose souvent les deux, mais il faut bien comprendre qu'il ne peut y avoir qu'une continuité : on ne peut pas imaginer la deuxième génération sans avoir accompli la première, pas développer la chimie verte sans avoir travaillé sur les produits éthanol. Nous avons investi plus d'un milliard d'euros dans cinq usines, créées pour répondre à la fois aux objectifs communautaires et à la politique nationale. La mobilisation a été totale de la part des industriels.
Il y a déjà de l'éthanol dans l'essence : 5 % dans les SP 95 et 98, et 10 % dans le SP 95-E10. Il existe aussi le Superéthanol E85, qui peut en comprendre jusqu'à 85 %. Ce carburant nécessite des véhicules spécifiques, flex-fuel – qui fonctionnent avec soit de l'essence classique, soit du Superéthanol – mais génère des bénéfices importants en matière énergétique et environnementale. Je ne reviendrai pas sur les bons résultats de la filière dans ce dernier domaine. La dernière étude de l'ADEME confirme celle de 2002, comme d'ailleurs la directive communautaire : le bilan énergétique est deux fois meilleur que celui de l'essence et les émissions de gaz à effet de serre sont réduites de moitié, et même de 66 % pour l'éthanol d'origine betteravière.
L'Union européenne se préoccupe fortement de la durabilité de ces biocarburants et la directive impose des critères à respecter. Le premier est une réduction de 35 % des émissions de gaz à effet de serre dès 2010, et de 50 % en 2017. La filière éthanol a d'ores et déjà atteint les objectifs de 2017 et les marges d'amélioration des process nous permettront de faire encore mieux. Le deuxième critère est d'éviter la production de biocarburants sur des terres de grande valeur pour la biodiversité, telles que les forêts primaires, les zones protégées ou de protection d'espèces ou les prairies à forte biodiversité. Enfin, les biocarburants doivent être produits dans le respect des règles d'éco-conditionnalité de la politique agricole commune.
La directive permettant l'instauration d'organisations professionnelles, toutes les filières amont – oléagineuse, céréalière et betteravière – et les industriels se sont regroupés pour mettre en place un schéma volontaire privé, avec des audits indépendants et une surveillance de l'État quant au respect des critères de la directive. Le schéma a déjà été envoyé à Bruxelles et nous attendons une réponse pour octobre. Tout cela est un signe de la mobilisation de l'ensemble de la filière en faveur de la protection de l'environnement.
Le plan national d'action qui a été notifié à Bruxelles fixe des objectifs de production de bioéthanol : 11 millions d'hectolitres de 2010 à 2016, puis 13 millions en 2020. Cela reste inférieur à nos capacités de production et nous n'aurons aucune difficulté, du point de vue industriel, à remplir ces objectifs, qui sont incontournables pour atteindre les taux fixés pour 2020 : 23 % d'énergies renouvelables au total, et 10 % dans le secteur des transports. Pour cela, il faut poursuivre trois axes de développement : la généralisation du sans plomb 95-E10, qui va devenir le carburant de référence en 2013, la mise en place de l'E15, pour une diffusion à partir de 2015 et le développement du Superéthanol E85, avec la relance du comité de suivi. Les industriels prennent leur part de ces efforts : même si les objectif ne sont pas entièrement atteints, ils dégagent des moyens financiers et discutent avec la distribution pour arriver à augmenter le nombre de pompes de SP 95-E10.
J'en viens à la fiscalité. Deux appels d'offres européens en 2004 et 2006 ont attribué des agréments qui ouvrent droit à une réduction de la TIC. Or, cette réduction s'est amenuisée et perd même encore 22 % entre 2010 et 2011, au prétexte de la lutte contre les niches fiscales – sauf que ce n'en est pas une, puisque l'éthanol rapporte plus d'argent à l'État qu'il n'en coûte. Mais la réduction de TIC n'est pas qu'un outil de compensation des écarts de coûts de production entre carburants pétroliers et d'origine végétale : elle permet également de compenser certaines pratiques de contournements douaniers. Le marché de l'éthanol connaît une très forte concurrence. Lorsque nous produisons un, le Brésil produit cinq et les États-Unis dix. Ces pays investissent très fortement dans ce secteur et leurs exportations, directes ou par le biais de pays qui bénéficient de réductions de taxes à l'importation, tirent les marchés vers le bas. Cela nous oblige à toujours plus de compétitivité. Nous avons amélioré nos prix de revient, ce qui a permis d'accepter la baisse de la TIC de ces dernières années mais nous avons atteint, à 14 euros, un niveau minimal qu'il ne faut pas réduire si vous voulez maintenir une politique de bioéthanol, avec toutes ses conséquences positives.
Je milite depuis longtemps pour le développement des carburants verts, qui sont une facette prometteuse du bouquet énergétique alternatif qu'il faut développer face à l'épuisement des ressources fossiles et au réchauffement climatique. Le dernier rapport du Conseil d'analyse économique sur les effets d'un prix du pétrole élevé et volatile montre que la tendance à la hausse du prix du pétrole est inévitable, que son impact sur l'économie française sera important, voire catastrophique dans certaines filières, et que la priorité doit rester la réduction de notre dépendance à l'égard du pétrole. Les biocarburants ont toute leur place dans cette perspective. Pour autant, il faut être conscient des conséquences qu'aurait un développement mal maîtrisé, ainsi que des dérives choquantes constatées à l'étranger, qui nuisent à l'image des biocarburants. En tant que président du groupe d'étude sur cette question, j'ai toujours défendu un développement des biocarburants respectueux des hommes, des territoires et de l'environnement.
À la veille du début de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, et alors que le rapport Carrez sur l'application des mesures fiscales a pointé du doigt le coût de la défiscalisation des biocarburants pour les finances publiques, il serait opportun de mieux connaître ce régime. Il semble notamment que le coût pour l'État soit moins élevé qu'il ne semble, du fait des recettes supplémentaires de TIC et de TVA qu'il perçoit. Pouvez-vous détailler la question et expliquer également pourquoi la première et la deuxième générations de biocarburants sont parfaitement complémentaires ? En effet, on entend souvent dire qu'il faudrait attendre les produits de deuxième génération, voire que la troisième soit au point, avant de se lancer véritablement dans le développement des biocarburants.
Vous avez évoqué les importations sauvages de biocarburants. La Commission européenne constate un contournement important des droits de douanes. Que préconisez-vous à ce sujet ? Par ailleurs, j'estime que le développement du carburant E85 et des véhicules flex-fuel est indispensable pour atteindre les objectifs d'incorporation, mais pourquoi est-il nécessaire de relancer le comité de suivi de la Charte pour le Superéthanol E85 de 2006 ?
Enfin, j'ai lu dans la presse qu'afin de satisfaire à l'objectif de 10 % de biocarburants dans le secteur des transports d'ici à 2020, des pays européens auraient acheté 4 millions d'hectares de terres africaines. Ce serait choquant pour tous les promoteurs du « bon » biocarburant – à moins de croire que ces cultures énergétiques seraient développées pour une utilisation locale. Cette information est-elle avérée ?
Entre 2004 et 2010, les quantités agréées de biocarburant ont été multipliées par 14. C'est le résultat de l'action des industriels et des agriculteurs, mais aussi d'une politique fiscale spécifique : une TIC réduite, ainsi que l'assujettissement à la TGAP des distributeurs qui n'emploient pas assez de biocarburants. Mais ces derniers sont aujourd'hui contestés, tant en raison de leur bilan environnemental global, bien moins favorable dès lors qu'on prend en compte le changement d'affectation des sols, que de leur coût exponentiel sur le plan fiscal, souligné dans un rapport de juillet de Gilles Carrez. L'étude de l'ADEME sur le bilan écologique et énergétique des biocarburants de première génération, qui ne tient pas compte des changements d'affectation des sols, montre clairement que les biocarburants émettent moins de gaz à effet de serre. Elle a néanmoins fait l'objet de réserves parce qu'elle aurait validé telles quelles, sans pouvoir les vérifier, les informations fournies par les producteurs et parce qu'elle souffre des limites inhérentes à la modélisation des émissions de gaz à effet de serre, sans compter le défaut de prise en compte du changement d'affectation des sols. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Les biocarburants sont produits sur des terres agricoles en Europe et aux États-Unis, mais à la place d'anciennes forêts au Brésil, en Malaisie ou en Indonésie. L'augmentation de la production mondiale se traduit par un changement d'affectation des sols et la destruction de forêts tropicales et de prairies. Les objectifs d'utilisation des biocarburants fixés au niveau européen risquent de se traduire par des importations massives soit de produits agricoles, soit de biocarburants. Combien importe-t-on aujourd'hui de chaque ? Par ailleurs, la réduction des émissions de gaz à effet de serre due aux biocarburants pourrait être annulée par la déforestation. L'Union a pris conscience de l'enjeu que représente le changement d'affectation des sols et a fixé des critères de durabilité des biocarburants durables. J'ai cru comprendre que les propositions que vous avez faites à Bruxelles concernent le contrôle de la mise en oeuvre de ces critères.
Que répondez-vous au rapport Carrez, selon lequel aucune administration, pas même des douanes, n'a jamais été en mesure de connaître les coûts de production réels des biocarburants et qui se demande si les surcoûts de production des biocarburants n'ont pas été surcompensés depuis plusieurs années ?
Enfin, les biocarburants de deuxième génération, qui en sont encore au stade de la recherche, devraient avoir un bilan environnemental particulièrement positif. L'Union européenne a lancé un programme de recherche, auquel participe l'INRA, sur les plantes ligneuses. Il semble que la France soit en pointe dans ce domaine. Quels sont ses programmes de recherche ? Les crédits sont-ils suffisants ? Quand les premiers biocarburants de seconde génération seront-ils produits ?
Nous ne sommes pas tous spécialistes de la question, et je voudrais en revenir à quelques fondamentaux. D'abord, les chiffres de base : quelle est la part aujourd'hui de la filière dans les énergies renouvelables ? Comment pourrons-nous atteindre l'objectif de 10 % à l'horizon 2020, et quels sont les facteurs de retard ou de blocage que vous identifiez ? Sont-ils d'ordre technique, ou plutôt financier – équilibre des prix, fiscalité ? Confirmez-vous que les capacités industrielles soient suffisantes ?
Qu'en est-il par ailleurs de la substitution de cette production à des terres de production vivrière – vous avez parlé de 2 % pour la France, mais au plan mondial ?
Je réponds tout de suite : à peu près 1 %.
Vous avez évoqué des bénéfices très importants en matière d'émissions de gaz à effet de serre, supérieurs à 50 %. Mais quelle est la méthodologie de calcul ? Quelles sont les étapes de la filière prises en compte ? Les intrants sont-ils intégrés ?
Disposez-vous de chiffres plus précis quant au soutien public à la filière, exprimé par unité de production ou par hectolitre par exemple ?
Quant au taux d'incorporation, fixé aujourd'hui à 6,25 %, quelles sont ses perspectives d'évolution ? Est-il limité par des contraintes techniques par exemple ? A votre sens, quel serait le taux optimum ?
Enfin, il semble que tout ne soit pas très clair autour des agréments européens attribués en 2004 et 2006. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Pour ce qui est de la fiscalité, la dernière étude PricewaterhouseCoopers a évalué les bénéfices de l'utilisation du biocarburant pour l'environnement à environ 15 centimes par litre, sur la base d'une tonne de carbone évaluée à 20 euros. Il faut évidemment y ajouter les autres externalités constatées tout au long de la chaîne, de la semence au produit fini : fiscalité directe et indirecte, contributions sociales par exemple, qui elles-mêmes sont estimées entre 15 et 20 centimes par litre. En comparant le tout aux 8 centimes d'avoir fiscal consentis à la filière biodiesel pour 2011, il semble bien que nous soyons contributeurs nets et non, comme on l'entend partout, que nous générions une dépense importante. Par ailleurs, la dépense fiscale en 2010 pour la filière ne sera que de 190 millions au lieu des 230 budgétés, du fait de la crise et du développement de véhicules plus économes qui ont fait baisser la consommation de gazole.
Pour ce qui est du taux d'incorporation, il faut bien distinguer entre valeur pci et volume. Nos agréments sont exprimés en volume. Pour la filière biodiesel, ils sont fixés à 7 % en volume, mais il faudrait en réalité 7,7 % pour atteindre la valeur pci correspondante, puisque le pouvoir calorifique du biodiesel est légèrement inférieur à celui du gazole. Le passage à 7,7 % en volume ferait augmenter la consommation de 200 000 à 250 000 tonnes, pour une consommation actuelle de 2,3 millions de tonnes.
Sur ces 2,3 millions de tonnes de biodiesel, 1,9 sont produites en France. La moitié des 400 000 tonnes restantes sont des importations infracommunautaires qui répondent aux mêmes règles en matière de conditionnalité, de durabilité ou d'agrément communautaire que notre production. Mais 200 000 tonnes, importées généralement par les grandes surfaces, proviennent de pays tiers et bénéficient de taxes différentielles à l'exportation qui créent une distorsion de concurrence. Nous avons fait appel à un panel à l'OMC, qui a produit un premier résultat positif pour les importations des États-Unis et d'Argentine, mais d'autres circuits parallèles perdurent. Bref, la fiscalité nationale est liée à bien d'autres contingences.
Pour ce qui est de l'avenir, nous sommes tout à fait convaincus que la première génération est indispensable pour passer à la seconde. En matière de gazole et de kérosène, la filière va investir, avec ses partenaires, environ 120 millions sur plusieurs sites, notamment en Picardie et en région Centre, afin de développer un pilote industriel visant à fabriquer directement un carburant de synthèse en partant d'une biomasse brute. C'est une somme importante, pour laquelle nous espérons bénéficier un peu du grand emprunt. La filière compte accompagner substantiellement ces investissements. Par ailleurs, il ne sera pas possible, quoi qu'on entende, de satisfaire à la directive qui impose 10 % d'incorporation d'ici à 2020 sans les carburants de première génération.
Ce qui m'amène aux questions sur les proportions. Pour ce qui est du taux d'incorporation, je vous ai dit que notre objectif est de 7,7 % en volume. Quant à l'objectif de 10 %, nous avons parfaitement les capacités d'y arriver, surtout avec la deuxième génération, à partir de 2017 ou 2018. En revanche, je ne connais pas la part précise des biocarburants dans l'ensemble des énergies renouvelables – dont les autres sont essentiellement le photovoltaïque et l'éolien. Je pense qu'elle est supérieure à 50 %. En tout cas, ils sont prépondérants.
J'insiste sur les efforts de la filière en recherche et développement parce que je suis convaincu que la France et l'Europe ne peuvent pas se payer le luxe d'être dépassées dans ces domaines. Les choses s'accélèrent à l'étranger, avec notamment des programmes de recherche extrêmement lourds aux États-Unis. Nous avons encore des marges de productivité et de performance pour la première génération, aussi bien en matière de critères environnementaux que de ratio entre consommation d'énergie fossile et énergie restituée, et nous travaillons déjà à la deuxième génération, voire à une troisième – je pense aux algues, qui pourraient constituer une alternative aux renouvelables. On oublie parfois, face au développement de la propulsion électrique, qu'un certain nombre de secteurs ne pourront pas se passer de carburant liquide, surtout le transport lourd terrestre, maritime et fluvial ou aérien. Ces trois domaines nous intéressent beaucoup, notamment l'aérien : même si l'on parvient un jour à envoyer un avion dans le ciel avec de l'hydrogène, je doute que cela se généralise. Un kérosène d'origine renouvelable pourrait être une solution intéressante.
Pour ce qui est enfin de la méthode de calcul de l'ADEME, il est clair que l'ensemble des paramètres, du champ au réservoir, sont pris en compte. L'étude de l'ADEME, largement commentée, constitue une référence mais il existe des interprétations divergentes. Elle utilise le seul ratio qui nous semble objectif, qui compare toute l'énergie fossile consommée tout au long de la chaîne, de la semence au réservoir, et l'énergie restituée par l'ensemble de la filière. Si l'on inclut d'autres facteurs, comme l'énergie de la photosynthèse qui permet aux plantes de se développer, tous les calculs sont faussés. De tels ratios se trouvent dans la littérature aujourd'hui, mais celui de l'ADEME est le seul qui permette de se rendre compte si nous restons dans le cadre des objectifs de la directive, notamment celui de 50 % de réduction des rejets de gaz à effet de serre pour 2017.
En outre, l'étude n'a pas pris en compte le coût élevé de l'extraction des énergies fossiles, ce qui renforce encore l'intérêt des biocarburants.
Pour ce qui est de la fiscalité, il est clair que l'éthanol n'est pas un coût pour l'État, mais une recette. Le coût de l'exonération pour 2009, soit 165 millions, est largement compensé par la TGAP et par un surplus de TIC et de TVA de 54 millions, dû au fait que le pouvoir énergétique de l'éthanol est plus faible que celui de l'essence. Ainsi, au kilomètre parcouru, l'éthanol est plus taxé que l'essence. Pour que la fiscalité soit équivalente, il faudrait une défiscalisation de 20 euros par hectolitre. Or on en est à 18 aujourd'hui, 14 l'année prochaine. Même si en 2009 le taux d'incorporation de 6,25 % en pci, ce qui fait près de 9 % en volume, avait été respecté, il y aurait quand même eu, du fait d'une plus forte consommation de carburant, une recette nette, exonération comprise, de 57 millions. Bref, s'il y a niche fiscale, ce ne sont ni les agriculteurs ni les producteurs qui en profitent, mais l'État.
Pour ce qui est du changement d'affectation des sols, nous avons déjà donné les chiffres : 1 % sur le plan mondial et 3 % en France, mais beaucoup moins en surface nette puisque 50 % de la betterave utilisée retourne à l'alimentation animale – sans compter, et ce n'est pas neutre, les vinasses qui retournent au sol sous forme d'engrais – et 30 à 35 % des céréales aussi. On ne peut donc vraiment pas parler de changement d'affectation des sols chez nous. Pour ce qui est de la filière betterave par ailleurs, et à la suite à la réforme de l'OCM sucre, les surfaces consacrées à nos exportations de sucre ont été petit à petit réorientées vers la production d'éthanol. Nous n'avons donc pas fait varier les surfaces totales de betteraves en France pour produire des biocarburants. Il n'y a que 3 % de bioéthanol importé en France, et nos surcapacités de production trouvent des débouchés chez nos voisins européens.
La première et la deuxième génération de biocarburants sont complémentaires pour la raison qu'il s'agit de la même molécule : l'éthanol est aussi le point de départ de la deuxième génération. La seule différence importante tient à l'amont : les matières premières sont différentes et il faudra, par fermentation ou intégration de levures, sortir les glucides de la biomasse pour les rendre aptes à produire de l'éthanol. Les cinq grosses usines construites dans le secteur de l'éthanol ont coûté environ 200 millions chacune. Autant dire qu'on ne peut pas se permettre de les multiplier, maintenant que nous avons la capacité de faire face à l'objectif gouvernemental. Il faudra donc se servir des usines actuelles. L'idée est de trouver un premier process, en amont, d'où sorte un produit qui puisse être traité par l'usine comme le sont actuellement céréales, betteraves et oléagineux. C'est donc parce que le coeur de l'industrie existe déjà qu'il y a une réelle continuité entre les deux générations et que les industriels investissent dans la recherche – le programme de recherche Futurol coûte à peu près 70 ou 80 millions d'euros. C'est une nécessité absolue. Les premiers produits sortiront, comme pour la filière biodiesel, en 2017 ou 2018 – peu avant l'échéance pour atteindre l'objectif de 10 % imposé par la réglementation communautaire. La première génération sera donc indispensable pour le gros du bataillon.
Pour ce qui est des importations, le système est un véritable gruyère. L'éthanol est soumis à un droit de douane de l'ordre de 20 euros, ou 10 euros lorsqu'il est dénaturé. Mais lorsqu'il est mélangé à une autre substance, il devient un produit chimique taxé à 3 ou 4 euros. La tentation est donc forte, pour les exportateurs tiers, de faire de petits mélanges, ce qui crée une concurrence déloyale. Il faut absolument réagir, et la fiscalité fait partie des outils disponibles. C'est une question extrêmement importante. Il n'y a que très peu d'importations en France mais des pays qui n'ont pas la même capacité de production, comme la Suède, y recourent systématiquement. Les importations représentent aujourd'hui 20 à 25 % du marché communautaire : elles proviennent essentiellement du Brésil. Il faut veiller à ce que les contraintes de durabilité qui pèsent sur la filière française soient appliquées avec la même vigilance dans les autres pays – la Commission l'a prévu, mais encore faut-il qu'elle le fasse... La filière française peut prouver l'absence de transfert d'affectation des sols sur notre territoire. Je ne garantirais pas qu'il en soit de même partout dans le monde.
Pour ce qui est des objectifs d'incorporation, je confirme que nous avons suffisamment de capacités de production pour y faire face dans les deux filières. Le taux d'incorporation actuel pour l'éthanol est de 7 % en pci et nous visons l'objectif européen de 10 %, ce qui, compte tenu du contenu énergétique de l'éthanol plus faible que l'essence, représente un peu plus en volume. Je rappelle les trois carburants qui existent : l'E85, qui peut contenir jusqu'à 85 % d'éthanol, l'E10, qui en contient jusqu'à 10 %, et l'E15, 15 %.
Pour arriver à l'objectif de 10 %, il faut développer l'E15. C'est une négociation qui prend du temps, et nécessite de modifier les normes communautaires et lever des obstacles réglementaires. Nous mettons donc le sujet sur la table dès maintenant afin que l'E15 soit disponible à partir de 2015. Mais cela ne suffira pas : il faut aussi développer l'E10, qui reste actuellement un peu en dessous des objectifs de réalisation. Les freins ne se trouvent pas dans la production, mais dans la distribution et la compatibilité des véhicules. Toutes les voitures produites après 2000 sont compatibles avec l'E10, et même depuis 1997 pour Renault – Peugeot devrait rapidement pouvoir garantir la même chose, après analyse. Le parc automobile va donc bientôt devenir totalement compatible, ce qui entraînera l'augmentation du nombre de stations E10. Dans ce domaine, les marques pétrolières avaient assez bien joué le jeu mais la grande distribution un peu moins : selon le nombre de pompes à l'entrée des supermarchés, il faut faire des arbitrages entre SP 95, SP 95-E10 et SP 98… Nous allons mener une opération de marketing en direction des consommateurs et travailler avec les distributeurs pour accélérer le mouvement.
L'E85 est aussi indispensable. Il fait partie du bouquet des biocarburants. Or, les engagements pris en 2006 n'ont pas été tenus, y compris ceux de l'État. Il faut donc relancer le comité de suivi. Par ailleurs, le volume d'essence diminuant, il faut pour atteindre l'objectif de 10 % une croissance régulière du volume d'incorporation, et donc de la TGAP. Le taux de TGAP, qui est de 7 % en 2010, devra arriver progressivement au cours de la décennie à 10 % pour maintenir l'encouragement.
Enfin, les agréments ont été mis en place pour une période temporaire qui prendra fin pour nous l'année prochaine. Nous comptons bien entendu obtenir notre renouvellement.
Je précise que l'E85 ne fonctionne qu'avec des véhicules appropriés, dits flex-fuel. La relance du comité de suivi est essentielle pour briser un cercle vicieux : comme il n'y a pas assez de pompes, les constructeurs ne veulent pas produire des voitures flex-fuel, et donc il n'y a pas assez de pompes…
Sauf erreur de ma part, les États de l'Union européenne n'achètent pas de terres en Afrique. En revanche on estime que 30 à 40 millions d'hectares ont été au cours des dernières années soit loués par bail de longue durée – une centaine d'années – soit rétrocédés à des États tels que la Corée, le Japon, l'Arabie Saoudite ou la Chine. Ces pays souhaitent soit prévenir des difficultés dans la satisfaction de leurs besoins, soit exploiter ces terres, mais souvent en-dehors de toute contingence de codéveloppement local. Nous condamnons très clairement ces pratiques.
Pour ce qui est du changement d'affectation des sols, il faut bien distinguer changement direct et indirect. Le premier consiste à remplacer une terre à vocation alimentaire par une terre consacrée à la production énergétique. J'affirme que la France n'est pas dans ce cas de figure – parce que nous avions encore dans les dernières années des taux de jachère à 10 % par exemple, ou parce que nous avons perdu des potentiels d'exportation, notamment dans le secteur des betteraves à sucre. Quant au changement indirect, on est en pleine bataille d'experts ne serait-ce que pour établir une définition. Faute de méthodologie, il n'est donc pas possible de se prononcer.
Enfin, j'ai moi aussi lu que les quantités de biocarburants avaient été multipliées par 14, mais c'est facile, en partant de presque rien ! Les premiers agréments en France datent de 1991-1992. Il y a eu une petite vaguelette dans le milieu des années 90, mais il a fallu attendre 2004-2005 pour enfin passer à une phase plus industrialisée. Voilà l'explication.
Il y a tout de même une concurrence dans l'occupation des sols, notamment avec l'urbanisme. On perd l'équivalent d'un département français de surfaces agricoles en dix ans ! Les énergies renouvelables ont donc à trouver leur place, et la question se pose avec d'autant plus d'acuité après une année céréalière comme nous venons d'en connaître, où les prix flambent à cause de la météo. Voilà qui soulève la question de la deuxième génération – en sachant qu'il faut commencer par assurer la première ! – basée sur la filière bois. Y a-t-il déjà une étude d'impact sur l'affectation des sols de la filière aux autres utilisations du bois ? Mieux vaut anticiper avant de se trouver obligé à acheter des terres en Afrique !
Quelle est la position de la France dans le monde en matière de biocarburants ? Combien d'emplois sont-ils directement concernés ou induits, et quelles sont les marges de progression ?
Puisque la consommation d'énergie est mesurée du puits à la roue, quelle est l'étape qui consomme le plus ? Y a-t-il des marges de progression ? Par ailleurs, est-il vrai qu'il faille, comme le dit un rapport des Nations unies, 1 000 à 4 000 litres d'eau pour la production d'un seul litre de biocarburant ? En outre, les biocarburants ont un mauvais bilan en matière d'appauvrissement en oxygène des milieux. Y a-t-il des marges de manoeuvre ? Et l'E85 émet-il réellement beaucoup plus de composés organiques volatiles que l'essence ?
Enfin, vous avez évoqué la recherche sur les algues, et l'on parle d'essais concluants de la part de Boeing. Je sais que l'échéance est lointaine, mais l'industrie des biocarburants française est-elle prête ?
Louis Gallois, PDG d'EADS, nous indiquait que les motoristes aéronautiques travaillaient beaucoup sur le biomarin et sur les algues. Est-ce complémentaire ou concurrentiel par rapport à votre filière ?
Peut-on imaginer les biocarburants comme un outil de régulation des marchés agricoles – dont on a cruellement besoin ? Les outils de production pourraient-ils être adaptés en fonction de l'offre ? N'aurait-on ainsi pas eu intérêt à garder notre filière betteraves, qui nous aurait permis de produire encore plus de biocarburants ?
Par ailleurs, la filière produit d'autres sous-produits que les tourteaux, comme la glycérine végétale, qui permet notamment de remplacer le propylène dans la fabrication de l'épichlorhydrine. Les chimistes du groupe Solvay s'y sont aventurés. Trois ans après les premiers tests, les résultats sont très satisfaisants : produire avec cette nouvelle technologie permet de diviser par dix la consommation d'eau et par huit les résidus chlorés. Envisagez-vous une action commune en recherche développement avec des chimistes ?
Le développement du bioéthanol à la Réunion permettrait de répondre à au moins trois problèmes considérables : l'incertitude sur la pérennisation de la filière sucre, la dépendance excessive à l'égard des importations de carburant classique et les exigences de la protection de l'environnement. Dans cette perspective, une conversion totale du parc automobile de la Réunion à l'E85 est-elle envisageable ? Notre surface agricole utile, de 44 000 hectares, pourrait-elle approvisionner notre parc de 300 000 véhicules avec un carburant provenant à 85 % de la canne ? J'ai certes bien compris qu'il faudrait adapter les usines de transformation, le parc automobile et les stations mais est-ce pure utopie ou une hypothèse réalisable ? Car nos perspectives ne sont même pas certaines sur l'OCM sucre de 2013-2014, sans même penser à la suivante, cinq ans après.
La filière biodiesel a engagé une démarche de progrès afin d'améliorer son bilan énergétique et ses émissions de gaz à effet de serre. Les effets en sont principalement attendus dans l'amont agricole, mais aussi dans l'aval industriel. La filière bioéthanol a-t-elle engagé une telle démarche ?
Cette démarche de progrès s'intéresse en premier lieu aux engrais, qui ont un impact environnemental important – à la fois sur l'eau et par la production de protoxyde d'azote, un gaz à effet de serre trois cents fois plus fort que le CO2. Elle est aussi axée sur l'impact de la filière oléagineuse sur la biodiversité, notamment des sols, des oiseaux et des abeilles. Quels sont les gains espérés, et comment assurez-vous la transparence et le débat contradictoire sur ces questions ?
Avez-vous des comparatifs à l'échelle européenne sur les coûts de production des biocarburants, hors soutien, bien sûr, des États ?
En matière foncière, je partage vos préoccupations. La récente loi de modernisation de l'agriculture comporte d'ailleurs un volet foncier. Il n'y a aucune commune mesure entre la surface consacrée aux productions énergétiques et celles qui sont utilisées pour l'urbanisation ou les infrastructures par exemple, mais la nécessité d'être économe est réelle. La taille de notre territoire peut nous empêcher de nous en rendre compte, mais la question foncière devient absolument essentielle pour préserver les grands équilibres et assurer les nombreux usages requis. La consommation des surfaces s'accélère – on ne perd plus l'équivalent d'un département de surface agricole en dix, mais en sept ans ! – et je ne suis pas sûr que la loi de modernisation nous permette d'infléchir les tendances.
La deuxième génération n'est pas exclusivement fondée sur le bois : il vaut mieux parler en termes de biomasse, ce qui inclut aussi des cultures dédiées, des résidus de culture, un certain nombre d'intrants. Mais pour ce qui est du bois, on estime aujourd'hui que notre forêt n'est exploitée qu'à hauteur de 40 %. Cela ne veut pas dire que les 60 % restants sont exploitables facilement, mais le potentiel reste important pour tous les usages : papeterie, combustible et énergie. Nous venons de lancer à Grand-Couronne un projet très ambitieux de cogénération à partir de bois, en amont de la plus grosse usine de production de Diester au monde, qui va permettre d'abaisser encore la consommation énergétique du process industriel.
Ce qui m'amène à notre charte de progrès, qui s'intéresse effectivement à la fois à l'amont et à l'aval de la filière. Pour ce qui est de l'aval, la cogénération va contribuer à améliorer les rendements. Quant à la démarche amont, je revendique la plus grande transparence. Les 12 000 parcelles de référence dont j'ai parlé – peut-être 20 000 l'année prochaine – nous ont permis de faire, par exemple, une grande découverte : d'un agriculteur à l'autre, dans la même zone, la consommation d'engrais azotés au regard de la production finale de la parcelle peut varier du simple au double. Il peut y avoir des explications objectives – un accident climatique, un coup de grêle par exemple, qui réduit fortement la production – mais aussi dans certains cas des pratiques à améliorer. D'où l'intérêt de la démarche de progrès ! Elle est à la fois un outil pédagogique pour le monde agricole et une façon de montrer que le raisonnement qui entoure la fertilisation est loin d'être purement théorique. La recherche d'efficacité et d'optimisation des intrants est nécessaire pour des raisons à la fois économiques et de plus en plus environnementales – de qualité des eaux par exemple.
Nous aurons sans doute besoin de progrès technologiques pour nous améliorer encore dans ce domaine. Nous travaillons à une approche système, qui combine plusieurs productions dans une même exploitation, avec des rotations. Je suis de ceux qui pensent qu'il faut réinventer le modèle agricole – pas pour faire cohabiter élevage et culture dans chaque exploitation, mais pour retrouver dans les bassins de production une véritable relation entre le végétal et l'animal. L'avantage est que les animaux produisent des effluents fertilisants – de l'engrais organique qui se substitue au minéral. La future PAC insiste sur ces sujets. L'hyperspécialisation de l'agriculture depuis une quarantaine d'années a entraîné des dysfonctionnements, notamment en matière d'agronomie. Or, la chimie ne peut pas tout résoudre. Il faut réintroduire de l'agronomie dans l'agriculture. Par ailleurs, diverses contraintes, réglementaires ou environnementales, vont sans doute nous imposer de revoir un certain nombre d'approches dites systémiques – ce qui supposera aussi des mesures d'accompagnement ou d'orientation. Nous sommes totalement inscrits dans cette démarche et nous avons envie de progresser.
Pour ce qui est de la troisième génération, réussissons déjà la deuxième avant de nous y mettre ! La recherche a bien sûr déjà commencé, mais ce n'est pas demain qu'on pourra industrialiser une production dans le biomarin et les algues. La littérature est déjà importante sur le sujet, mais manque cruellement de données concrètes. Le passage du labo au pilote, puis au projet préindustriel ne se fait pas sans de nombreuses validations, dont une économique, à laquelle nous devrons être particulièrement attentifs. Autant la production de première génération maîtrise ses intrants et ses coûts – et, hors aspects sociaux et fiscaux, les pays européens ne sont pas bien loin l'un de l'autre – autant il sera indispensable de valider les modèles économiques des générations suivantes. À titre d'exemple, je peux vous assurer que nous n'avons pas pris la décision d'investir sur le site de Compiègne sans trembler un peu ! Je suis comptable des cotisations interprofessionnelles et de nos moyens financiers, et nous ne saurons pas si nous avons eu raison de prendre une telle décision avant 2015 ou 2016.
Pour ce qui est de l'impact des engrais sur la biodiversité, pourquoi avoir pris des indicateurs tels que les oiseaux et les abeilles ? Cela rejoint les questions d'équilibre agronomique que j'ai déjà évoquées. Le monde agricole est la cible de nombreuses attaques qui le disent trop intensif, trop monocultural. Or, notre filière a la chance de travailler à partir de plantes, qui fleurissent et attirent les abeilles. Lui appliquer une approche système permet de sortir d'une approche purement défensive et d'oeuvrer à ce que ce système productif participe à un équilibre et à la biodiversité. C'est le but de la démarche : combiner plusieurs intérêts ou contingences. On peut toujours s'envoyer à la figure que la production ne s'intéresse qu'à l'économie « pure et dure » et l'environnement qu'aux « petites fleurs », mais l'équilibre ne sera que dans le consensus, dans des combinaisons vertueuses. C'est dans ce sens que nous essayons de progresser.
Pour ce qui est de la question portant sur l'oxygène, je n'ai pas de réponse à vous apporter ici.
Quant à la Réunion, mes collègues vous répondront. Je sais que des projets sont en cours d'étude pour la Guyane, qui est un énorme gisement en termes de biomasse.
En ce qui concerne l'affectation des sols dans la production de deuxième génération, il faut savoir que celle-ci ne se fera pas seulement à partir de bois, mais de toutes formes de déchets verts. Pour cela, il faut trouver le process de dégradation de la lignocellulose – c'est le but du programme Futurol. L'intérêt, dans le cas des déchets ménagers par exemple, est que cela ne mobilisera pas de foncier. Or tous les agriculteurs, surtout en bordure des agglomérations, vivent au quotidien le problème de la disparition des surfaces agricoles.
Pour ce qui est de la production de biocarburants dans le monde, l'Union européenne est au troisième rang, mais très loin derrière le Brésil et les États-Unis – le rapport va de un à dix – et la France représente la moitié de la production européenne.
Quant à l'étape qui consomme le plus d'énergie dans le process, c'est la distillation mais cela va considérablement s'améliorer puisque l'ensemble des distillateurs vont, à court ou moyen terme, s'orienter vers des fours à biomasse pour remplacer des énergies fossiles.
Pour ce qui est de la consommation d'eau, les chiffres que vous avez cités sont très loin de la réalité : on a produit l'an dernier en moyenne 95 tonnes de betteraves et 9 500 litres d'éthanol pour un hectare, le tout avec une pluviométrie de 600 millimètres…
Enfin, les démarches de progrès ne se font pas que dans l'industrie. Chez les agriculteurs, on met en place par exemple des systèmes d'évaluation des reliquats azotés. Et, pour la betterave, on utilise beaucoup la vinasse, qui permet d'éviter l'azote de synthèse. Nous avons aussi des modèles qui permettent d'ajuster la protection fongicide par exemple en fonction de l'avancée de la maladie. La recherche est très importante dans ce domaine. Les modèles sont mis en place au niveau de notre institut technique, qui sera un instrument essentiel pour répondre au mieux au plan Écophyto 2018 qui doit faire baisser l'utilisation d'intrants.
Pour ce qui est de l'impact des biocarburants sur les prix des matières premières, il suffit d'observer les cours : elles sont montées très très haut en 2007-2008 et tombées très très bas ensuite, alors que les biocarburants ont progressé régulièrement. La Banque mondiale vient d'ailleurs de confirmer que l'impact des biocarburants était marginal dans le pic de la crise alimentaire de 2008. Lors de mes précédentes fonctions de directeur de l'office national interprofessionnel des céréales, on a craint que le maïs américain ne se détourne de ses usages normaux alimentaires au profit du marché des biocarburants, qui était en forte hausse et a donc été violemment critiqué. Mais les États-Unis n'ont jamais autant exporté de maïs que cette année-là ! L'explication, que ne veulent d'ailleurs pas entendre les ONG, est qu'ils ont diminué la surface utilisée pour le coton, ce qui a en outre permis le développement du coton en Afrique. Bref, tout est lié, ce qui interdit toute vision trop simpliste. En tout état de cause, il est clair que les évolutions des matières premières sont dues à des fluctuations sur les fondamentaux des marchés, auxquelles peut s'ajouter parfois un peu de spéculation, mais pas aux biocarburants.
Pour ce qui est de la consommation énergétique du process, je confirme que les industriels investissent énormément sur des énergies autres que fossiles pour la distillation. Le dispositif a déjà été largement amélioré et l'on s'oriente maintenant vers l'utilisation de fours à biomasse dans la plupart des sites.
Sur l'appauvrissement en oxygène, je n'ai pas de réponse non plus à apporter.
Quant aux composés volatiles, une étude de l'Institut français du pétrole d'il y a trois ou quatre ans montre que l'éthanol réduit de 50 à 60 % les rejets d'oxydes azotés et de monoxyde de carbone, qui sont des gaz à effet de serre importants, par rapport à l'essence. Ce gain s'ajoute à la réduction d'émanations de CO2.
Le biocarburant peut-il participer à la régulation du marché ? Il n'est pas possible de développer une industrie dans cette optique. On peut chercher à contribuer à l'amélioration du revenu des agriculteurs ou à privilégier la contractualisation, mais on ne peut pas produire du biocarburant seulement les années où l'on a des excédents. Il s'agit d'un marché industriel, qui a besoin d'une stabilité d'approvisionnement. Mais le biocarburant participe de façon globale à la régulation du marché.
Les industries sucrières de la Réunion se sont regroupées et ont amélioré leurs performances. Elles utilisent énormément la bagasse, qui est le résidu de la transformation de la canne en sucre et qui fournit 25 à 30 % des besoins énergétiques de la Réunion. La filière canne produit donc déjà un effort considérable dans le secteur de l'énergie. Mais est-il possible de reconvertir tout une partie de la canne en direction de l'E85 ? Cela nécessiterait des équipements industriels, des pompes, des voitures flex-fuel que les constructeurs ne trouveront sans doute pas rentable de construire pour la seule Réunion. Cela ne peut s'envisager que dans le cadre d'un développement plus global de l'E85.
En revanche, les constructeurs pourraient proposer des véhicules essence uniquement flex, comme cela se fait au Brésil.
Pour ce qui est des coûts de production comparés, le rapport Carrez se base sur des données de 2004. Nous nous tenons à sa disposition pour réactualiser ses sources. Depuis, il y a eu deux missions de l'inspection générale des finances sur les coûts de production, en 2006 et 2008, qui ont fait rapport aux ministères de l'écologie, du budget et de l'agriculture. Après 2008, il y a aussi eu des enquêtes conjointes des ministères de l'agriculture, de l'économie et de l'écologie sur les prix de revient des carburants dans les entreprises. En tant que syndicats, nous n'avons pas à intervenir en matière de coûts de production de nos adhérents : c'est un élément de la compétition. Mais l'accusation de manque de transparence est absurde. L'administration dispose de toutes les données qui permettent à l'État de définir sa position, et en l'occurrence de soutenir la demande des professionnels.
Un mot encore sur la chimie, un développement qui va monter en puissance dans les prochaines années. La maîtrise des bases, notamment des esters et des amidons, nous ouvre aujourd'hui des perspectives très intéressantes. Sofiprotéol investit largement dans ce domaine, au travers de deux filiales. La première, Novance, est un centre de recherche pour le développement de nouveaux produits qui ont clairement vocation à se substituer à des matières fossiles. C'est déjà fait pour le propylène, mais on peut encore aller beaucoup plus loin. Quant à Oleon, c'est un des leaders européens sur son marché. Il produit des bases d'origine végétale renouvelables pour des grands de la chimie, Arkema ou Rhodia par exemple, qui laissent entrevoir des débouchés très intéressants pour l'agriculture. De fil en aiguille, on passe donc du biocarburant, un produit basique et éphémère, à des produits plus sophistiqués et à plus haute valeur ajoutée qui participeront utilement à la rentabilité de nos filières.
Je vous remercie d'avoir participé à ce débat et d'avoir apporté des réponses aussi précises.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 29 septembre 2010 à 9 h 30
Présents. - M. Jérôme Bignon, M. Maxime Bono, M. Jean-Claude Bouchet, M. Christophe Bouillon, Mme Françoise Branget, M. Christophe Caresche, M. Jean-Paul Chanteguet, M. André Chassaigne, Mme Claude Darciaux, M. Stéphane Demilly, M. Raymond Durand, M. Philippe Duron, M. Yannick Favennec, M. Daniel Fidelin, M. André Flajolet, M. Jean-Claude Fruteau, M. François-Michel Gonnot, M. Didier Gonzales, M. François Grosdidier, M. Serge Grouard, M. Jacques Houssin, M. Christian Jacob, M. Armand Jung, M. Jacques Kossowski, Mme Fabienne Labrette-Ménager, Mme Conchita Lacuey, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Marc Lefranc, M. Jacques Le Nay, M. Bernard Lesterlin, M. Jean-Pierre Marcon, M. Philippe Martin, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Christian Patria, M. Jean-Luc Pérat, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Max Roustan, M. Jean-Marie Sermier, M. Philippe Tourtelier, M. André Vézinhet
Excusés. - M. Yves Albarello, M. Jean-Yves Besselat, M. Frédéric Cuvillier, M. Lucien Degauchy, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean-Pierre Giran, M. Joël Giraud, M. Michel Havard, M. Jean Lassalle, M. Franck Marlin, M. Yanick Paternotte, Mme Sophie Primas, M. Martial Saddier
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Claude Flory, M. Patrick Lebreton