Merci de nous donner l'occasion de nous exprimer devant votre commission. Mon propos portera sur la filière du biodiesel.
D'un point de vue environnemental tout d'abord, la filière biodiesel permet, d'après l'ADEME, une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 à 90 % : 59 % par exemple pour un biodiesel produit à partir de colza, 73 % à partir de tournesol. L'utilisation de biodiesel a permis à la France d'économiser environ cinq millions de tonnes de gaz à effet de serre pour 2009. Elle nous permet aussi de remplir nos engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre – en particulier de CO2 – dans le secteur des transports, dans le cadre de la directive Énergies renouvelables. Le taux d'incorporation de biodiesel pour 2009, fixé par le Gouvernement à 6,25 % en valeur pci (pouvoir calorifique inférieur), a été atteint. Globalement, la filière biodiesel contribue largement aux efforts de la France pour atteindre le taux de 10 % d'énergies renouvelables dans les transports pour 2020.
La directive Énergies renouvelables définit des critères de durabilité, basés sur le respect des sols et la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Dans ce cadre, nous avons lancé il y a trois ans une démarche de progrès dont l'objectif principal est d'améliorer le bilan énergétique et les émissions de gaz à effet de serre du biodiesel issu des cultures de colza et de tournesol. Cette démarche concerne tous les maillons de la filière, de la production de semences jusqu'au produit fini, et vise à les rendre plus efficients en matière de consommation d'énergie d'origine fossile, mais également de rendement énergétique. Déjà 12 000 parcelles en France font l'objet d'un suivi précis et quantifié. Elles devraient être 20 000 en 2011 ou 2012.
Du point de vue de l'alimentation maintenant – et à un moment où le prix des matières premières relance le débat sur la concurrence entre alimentation et énergie –, la production de biodiesel de première génération va de pair avec celle de protéines végétales. En effet, une graine est composée d'environ 40 % d'huile et 60 % de tourteaux. La production d'un litre de biodiesel Diester produit donc aussi 1,5 kg de tourteaux riches en protéines, qui se substituent au soja. La France a ainsi pu réduire sensiblement sa dépendance à l'égard des importations de soja de pays tiers – États-Unis, Brésil et Argentine. Son taux d'autosuffisance est passé de 27 % en 1980 à 50 % en 2009 grâce en particulier aux oléagineux.
La production de colza ne fait pas diminuer les cultures à vocation alimentaire en France, et on ne peut pas parler de changement d'affectation directe des sols. En effet, sur un potentiel de surfaces pour oléagineux de 3 millions d'hectares, seulement 2,2 ou 2,3 millions sont déjà cultivés. Il y a donc encore de la marge. Par ailleurs, l'utilisation de tourteaux libère dans les pays exportateurs de soja des surfaces qui pourront être consacrées à des productions alimentaires. La production de biodiesel en Europe a dégagé 4 millions de tonnes de tourteaux de colza, qui se sont substituées à 2 millions de tonnes de soja d'importation. Les prévisions pour 2020 s'établissent à 16 millions de tonnes de tourteaux.
Le biodiesel permet aussi d'améliorer l'indépendance énergétique de la France. La production de 2009, soit 1,9 million de tonnes, s'est substituée à environ 10 millions de tonnes de carburant d'origine fossile, essentiellement importées. La filière favorise en outre le développement de la chimie du végétal, un secteur en forte croissance. La transformation d'une huile en ester produit, à raison de 10 % de la masse volumétrique de l'huile, une glycérine végétale qui donne lieu à nombre d'applications : revêtements de sols, encres, solvants, tensioactifs… Ce nouveau domaine est en train de progresser rapidement.
Il est clair que sans le soutien public, jamais la filière des biocarburants n'aurait pu se développer en France et il faut saluer l'effort consenti depuis une douzaine d'années. Les investissements ont permis de construire un outil industriel performant, d'une capacité totale de 2,5 à 2,8 millions de tonnes. Ils ont permis de créer ou de conserver l'équivalent de 10 000 emplois sur le territoire et sont source de localisation ou relocalisation d'activités, au niveau de la production ou de la transformation.
Ces investissements doivent pouvoir se poursuivre, notamment en matière de recherche. La filière entend participer très activement au programme de recherche sur les carburants de deuxième génération. Les premières unités devraient être opérationnelles à l'horizon 2017-2020 pour produire en particulier du gazole de synthèse et même du kérosène de synthèse – puisque, après les carburants terrestres, nous en sommes à l'aérien. Ce domaine intéresse fortement les constructeurs et opérateurs du secteur, à commencer par EADS.
Mais cela suppose une continuité de l'effort public. Par rapport au gazole fossile, le biodiesel bénéficie d'une défiscalisation qui, de 35 centimes par litre en 2003, est passée à 11 centimes pour 2010 et sera encore ramenée à 8 centimes en 2011. Cette baisse a un impact considérable sur l'économie de la filière. Il est clair qu'en dessous de 8 centimes, nous ne pourrons plus fonctionner. En 2010, compte tenu des prix respectifs des matières premières végétales, surtout du colza et du tournesol, et du gazole, la filière est globalement déficitaire. En effet, le pétrole n'a pas suivi l'évolution des matières premières végétales.
L'ADEME estime les aménités générées par la filière biodiesel, d'un point de vue strictement environnemental, à 15 centimes par litre – sur la base d'un prix de la tonne de carbone de 20 euros sur le marché mondial : si ce prix baisse, l'avantage du biodiesel sera un peu plus faible, et vice-versa. Cet avantage direct de 15 centimes est obtenu pour un coût fiscal de 8 centimes. Mais si la comptabilité publique sait à combien se monte la dépense totale, elle ne sait pas intégrer les aménités dans ses calculs. C'est pourquoi nous insistons sur ce point. Il faut maintenir un avoir fiscal minimum pour la filière, simplement pour établir une parité entre carburant fossile et carburant renouvelable. Il ne s'agit pas de revendiquer un avantage concurrentiel, mais de se remettre à égalité. C'est une revendication essentielle, et je crains que le rapport Carrez n'ait oublié un certain nombre d'externalités en suggérant de réduire encore la défiscalisation.