Je vais vous présenter la filière du bioéthanol du point de vue des producteurs, une filière en plein essor, vecteur de croissance verte. La capacité de production d'éthanol s'est fortement développée ces dernières années – 13 millions d'hectolitres en 2010, contre 1 million avant 2004 – grâce à d'importants investissements : environ un milliard au total pour cinq unités de grande capacité, modernes et performantes, dont trois dues à la coopération, c'est-à-dire aux producteurs. Cette filière est génératrice de richesses et d'activité économique, en particulier dans les zones rurales. Elle a permis de créer ou de maintenir 5 000 emplois directs ou indirects – maintenir car, après la réforme drastique de l'Organisation commune de marché du sucre, elle a permis de soutenir le niveau de la production de betteraves. Son développement a été permis par la politique volontariste de Bruxelles en matière de biocarburants, reprise par le Gouvernement en 2005.
La filière française est parfaitement durable. L'éthanol français est issu pour moitié de betteraves et pour moitié de céréales. Les surfaces qui lui sont dédiées – respectivement 60 000 et 300 000 hectares environ – représentent en 2010 moins de 3 % du total des surfaces cultivées en betteraves et en céréales. En outre, une partie de la production retourne à l'alimentation animale : 50 % pour la betterave, sous forme de pulpes, et 30 à 35 % pour les céréales sous forme de drêches. La mobilisation nette des terres ne dépasse donc pas 2 % pour une production qui excède la demande nationale et dont une partie est par conséquent exportée.
L'étude de 2010 de l'ADEME a confirmé le bénéfice environnemental et énergétique de l'éthanol produit en France. Les réductions d'émissions de gaz à effet de serre varient selon la matière première utilisée : 49 % pour le blé, 56 % pour le maïs, 66 % pour la betterave. Quant au rendement énergétique, c'est-à-dire la quantité d'énergie produite par unité d'énergie fossile consommée, il est le double de celui de l'essence. Les filières françaises de production ont uni leurs efforts pour faire la preuve du respect des critères de durabilité imposés par la directive Énergies renouvelables. Elles mettent en place un schéma volontaire de certification couvrant l'ensemble de la chaîne de production, qui sera opérationnel fin 2010.
Le plan d'action national en faveur des énergies renouvelables, notifié par la France à Bruxelles en août, ouvre des perspectives intéressantes à la filière puisque la consommation nationale de bioéthanol devrait passer de 10 à 13 millions d'hectolitres en 2020. Notre production trouvera aussi des débouchés dans les autres États membres, dont la consommation devrait augmenter, en application de la directive européenne.
Mais pour atteindre ces objectifs, un plan technique est nécessaire, avec pour commencer un déploiement accéléré du sans plomb 95-E10, commercialisé depuis dix-huit mois mais qui n'est distribué que par une station sur cinq. Nous avons besoin également d'une relance vigoureuse du E85, qui ne peut être utilisé que par des véhicules flex-fuel. Les bénéfices environnementaux de ce carburant sont avérés, mais à ce jour peu reconnus puisque l'acquisition de ces véhicules n'ouvre droit ni au bonus, ni à la prime à la casse. Ensuite, il faudra proposer à la consommation une essence à plus forte teneur en éthanol, en passant du SP 95-E10 au SP 95-E15. Nous demandons la réactivation du comité de suivi pour étudier tous ces sujets, le but étant de motiver à la fois les distributeurs et les constructeurs – car sans véhicules, il n'y aura pas de pompes et vice-versa.
Nous avons aussi besoin d'un cadre réglementaire et fiscal cohérent. Depuis 2010, l'éthanol est plus taxé à l'unité énergétique que l'essence, car son contenu énergétique est plus faible alors que la fiscalité est basée sur les volumes de carburant. La teneur croissante en éthanol des essences entraîne une légère surconsommation, qui génère des recettes fiscales supplémentaires en matière de TVA et de taxe intérieure sur la consommation, la TIC. Couplées à la TGAP, qui oblige à l'incorporation de biocarburant dans les carburants fossiles, ces recettes sont largement supérieures au coût apparent de l'exonération fiscale, dont le montant baisse en outre année après année : elle est passée de 33 euros l'hectolitre en 2006 et 2007 à 18 en 2010, et sera encore ramenée à 14 euros en 2011. Les recettes nettes, défiscalisation comprise, ont été de 155 millions pour 2009, dont 101 dus à la TGAP puisque les objectifs d'incorporation, contrairement à la filière biodiesel, n'ont pas été atteints – le taux réel a été de 5,25 %, contre 6,25 % prévu – les 54 millions restants provenant de la TVA et de la TIC.
Il faut donc maintenir la TGAP à son taux actuel pour que le taux d'incorporation soit respecté. Nous souhaitons aussi l'application stricte de la réglementation douanière européenne, pour répondre aux problèmes que posent les éthanols dénaturés, qui ne supportent pas les mêmes droits à l'entrée que l'éthanol pur. L'idéal serait une nomenclature douanière spécifique à l'usage de l'éthanol en carburation.