COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 9 juin 2010
La séance est ouverte à dix heures trente.
(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine, sur le rapport de M. Éric Ciotti, la proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire (n° 2487).
Nous examinons aujourd'hui la proposition de la loi relative à l'absentéisme scolaire qui sera examinée en séance publique le 16 juin, probablement en soirée, une inscription complémentaire à l'ordre du jour de la séance du 23 juin étant prévue si les débats devaient se prolonger.
L'absentéisme scolaire est un fléau qui touche près de 300 000 jeunes chaque année, soit en moyenne 7 % des effectifs scolaires, tous établissements confondus. Les derniers chiffres publiés par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale montrent, hélas, que le phénomène touche chaque année davantage d'élèves, de plus en plus jeunes. Le décret du 19 février 2004 n'a pas réussi à l'endiguer.
En ne fréquentant plus l'école, trop d'enfants ruinent leurs chances de réussite. En refusant les règles de la République, ils se retrouvent parfois soumis à la loi de la rue, souvent en marge de la société et presque toujours en situation de détresse. Ces enfants sont en danger : il est urgent d'agir !
Cette proposition de loi repose sur la réhabilitation de l'exercice de l'autorité parentale. Combattre efficacement le fléau de l'absentéisme scolaire exige de trouver un point d'équilibre entre d'un côté l'accompagnement et le soutien des parents, de l'autre la crainte de la sanction, à la fois dissuasive et pédagogique.
Certes, les causes d'absentéisme sont diverses et chaque cas appelle une réponse individualisée. C'était l'un des objectifs du contrat de responsabilité parentale (CRP) institué par la loi du 30 mars 2006 pour l'égalité des chances qui prévoyait, en cas d'absentéisme, la mise en oeuvre d'un dispositif personnalisé, adapté en fonction de la situation de l'élève et de celle de sa famille. Hélas, trop peu de présidents de conseils généraux se sont saisis du dispositif. Je le regrette d'autant plus que, pour l'avoir expérimenté dans les Alpes-Maritimes, j'ai pu constater qu'il fonctionne bien. Nous avons signé 90 contrats depuis le 1er janvier et 150 sont en préparation, avec de premiers résultats tout à fait probants : 80 % des élèves absentéistes ont ainsi retrouvé le chemin de l'école.
Mais, à côté de parents qui, démunis face à l'attitude de leur enfant, acceptent la main tendue, il y en a d'autres qui refusent d'assumer leur responsabilité, démissionnent ou encore estiment que c'est à la société de prendre en charge ce qui pourtant leur incombe à la fois naturellement et de par la loi. Or, le versement des allocations familiales est un droit, en contrepartie duquel les parents sont tenus à des devoirs. Le premier d'entre eux est celui d'assumer leur autorité parentale et de veiller au respect de l'obligation scolaire. En cas de carence avérée, il faut que des sanctions puissent être prises, et aujourd'hui il est d'ores et déjà possible de demander la suspension des allocations familiales.
Face à ces constats, cette proposition instaure un nouveau dispositif équilibré et gradué, au coeur duquel se trouve placé l'inspecteur d'académie. Lorsqu'un chef d'établissement constatera qu'un élève aura eu au moins quatre demi-journées d'absence non justifiées en un mois, il le signalera à l'inspecteur d'académie. Celui-ci adressera alors un avertissement à la famille à la fois pour lui rappeler ses obligations légales et pour l'informer des différents outils d'accompagnement parental. Il saisira parallèlement le président du conseil général pour la mise en place d'un CRP. Si, au cours de la même année scolaire, l'élève est de nouveau absent sans raison valable, l'inspecteur d'académie, après avoir mis les parents en mesure de se justifier dans le cadre d'une procédure contradictoire, saisira le directeur de la caisse d'allocations familiales, qui pourra suspendre immédiatement le versement de la part des allocations familiales afférente à l'enfant concerné. Si, dans le mois qui suit cet avertissement, l'élève est de nouveau assidu, le versement reprendra, et ce de façon rétroactive sauf si, depuis l'absence ayant donné lieu à la suspension, une ou plusieurs nouvelles absences d'au moins quatre demi-journées par mois sans motif légitime ni excuses valables sont constatées. Dans ce dernier cas, à la demande de l'inspecteur d'académie et après que les représentants légaux de l'enfant auront pu de nouveau présenter leurs observations, le versement sera amputé d'autant de mensualités que de mois où au moins quatre demi-journées d'absences injustifiées auront été constatées.
Ce dispositif est équilibré. Il rétablit le lien entre l'attribution de prestations familiales et l'exercice de l'autorité parentale, principe constant et très ancien de notre droit, comme tous les dispositifs le confirment, depuis le décret-loi du 12 novembre 1938, l'ordonnance du 6 janvier 1959 et le décret du 18 février 1966.
Ce dispositif est gradué car il prévoit, à chaque étape, une information détaillée des parents sur les dispositifs d'aide existants et une main tendue. Il doit être dissuasif, son objectif premier étant d'aider les parents défaillants à prendre conscience de leur responsabilité et ainsi de mieux les accompagner. À un premier avertissement, succède une suspension des allocations et ce n'est qu'en dernier ressort au cas où, malgré toutes ces mesures, l'élève ne serait toujours pas redevenu assidu, qu'il y aurait suppression.
Enfin, ce dispositif est proportionné et adapté puisque l'inspecteur d'académie aura la faculté d'apprécier chaque situation individuelle à chacune des étapes, pouvant notamment estimer que les motifs invoqués constituent une excuse valable et légitime.
Ce dispositif, j'en suis bien conscient, ne permettra pas à lui seul de régler totalement le problème de l'absentéisme scolaire. Il constitue cependant un outil complémentaire aux nombreux dispositifs qui existent déjà et à ceux, nouveaux, que mettra en place le Gouvernement dès la rentrée prochaine, comme l'a annoncé le Président de la République dans le cadre de la mobilisation générale décrétée contre l'absentéisme scolaire : médiateurs de la réussite scolaire, dispositifs relais et micro-lycées, « mallette des parents », contrat de responsabilité parentale..., autant de mesures d'accompagnement destinées d'abord à soutenir les parents. Mais il faut aussi pour consolider l'ensemble, remettre certains parents face à leurs responsabilités, replacer l'école au centre de l'éducation et les enfants au coeur des préoccupations de notre société. L'absentéisme scolaire n'est pas une fatalité sociale. Pour l'endiguer il faut raffermir les liens entre les familles et l'école. Tel est l'objet de cette proposition de loi.
Voilà, enfin, une bonne proposition de loi, juste et équilibrée, pour lutter contre l'absentéisme scolaire. Le constat est sans appel : 150 000 élèves qui décrochent de notre système scolaire, dont on ignore ce qu'ils deviennent mais qui se retrouvent souvent dans la rue ; 300 000 élèves absents plus de quatre demi-journées par mois sans raison justifiée. Or, dans la société de droits et de devoirs qui est la nôtre, cela n'est pas acceptable. Aidés dans l'éducation de leurs enfants par le biais des allocations familiales, les parents qui ont choisi l'école comme lieu d'instruction pour les enfants – car, il faut le rappeler, ce n'est pas l'école mais l'instruction qui est obligatoire – doivent veiller à ce que leurs enfants la fréquentent assidûment. De nombreuses expérimentations ont eu lieu pour aider les parents à mieux accompagner leurs enfants et la communauté éducative à mieux accompagner les élèves. Mais il semble qu'on ait atteint aujourd'hui la limite et qu'il faille une réponse plus forte.
Il faut renforcer l'autorité parentale, c'est le souhait de l'ensemble de la communauté éducative. Les enseignants et les chefs d'établissement nous demandent de les aider à gérer le problème au quotidien, car ils n'ont pas les moyens de signaler efficacement les élèves absents. C'est l'inspecteur d'académie qui a été choisi pour opérer le signalement des absentéistes. Cette tâche aurait pu être confiée au préfet, mais il nous a semblé important que le problème reste géré en interne par la communauté éducative. Alerter les parents puis suspendre, dans un premier temps temporairement, le versement des allocations familiales est de nature à les faire réagir.
La loi de 2006 avait déjà institué les contrats de responsabilité parentale, mais cette fois-ci, les parents seront encore davantage responsabilisés, replacés au centre du processus éducatif. Certains feront sans doute valoir que cette proposition risque d'accroître encore la précarité de certaines familles mais nous avons le devoir de protéger à la fois notre société et surtout tous ces jeunes, livrés à eux-mêmes, donc en danger.
Face à cette proposition de loi, nous ne ferons pas preuve d'angélisme ni ne donnerons de coup de menton. L'absentéisme scolaire pose un véritable problème, nous en sommes d'accord avec vous, monsieur le rapporteur, mais il faut y apporter de véritables remèdes. Pour cela, encore faut-il ne se tromper ni de diagnostic ni de cible.
Comme en attestent des documents émanant du ministère de l'éducation nationale lui-même, l'absentéisme touche en moyenne de 5 à 7 % des élèves, avec de très fortes disparités à la fois sur le plan scolaire et sur le plan social. En effet, il n'y a que 10 % d'établissements, en majorité des lycées professionnels situés dans des quartiers sensibles, où le taux d'absentéisme dépasse 30 %. Les élèves de ces établissements se retrouvent, après une orientation le plus souvent subie, dans ces filières, hélas, de relégation. C'est sans doute à ce niveau qu'il faudrait agir. Comment revaloriser l'enseignement technique et professionnel de façon à éviter, voire interdire, ces orientations par l'échec ?
Par ailleurs, les élèves absentéistes sont dans leur grande majorité issus de familles en grande difficulté – monoparentales, issues de l'immigration, ou en situation d'extrême précarité sociale et culturelle, que votre remède ne fera que stigmatiser davantage. Le traitement de l'absentéisme scolaire, qui est d'abord un problème de l'école, ne peut passer par la suspension ou la suppression, à laquelle la première conduira tout droit, des allocations familiales, d'autant que cette mesure collective pénalise la famille tout entière.
Je connais dans ma commune beaucoup de familles nombreuses en grande difficulté, dont souvent un seul des enfants a décroché de l'école. Si votre texte était adopté et appliqué, elles seraient sanctionnées, alors même que certains de leurs enfants fréquentent assidûment l'école et s'impliquent fortement dans leur scolarité. Pour un seul décrocheur, risquerez-vous de mettre en difficulté le reste des enfants ?
Préconisant cette sanction collective, vous êtes d'ailleurs en contradiction avec vous-même puisque vous avez reconnu que le décrochage scolaire était d'abord un problème scolaire et individuel. Parce que vous posez un mauvais diagnostic, ou plus exactement parce que vous refusez de voir le bon, vous vous trompez de cible et apportez le plus mauvais des remèdes, répressif et collectif. Une circulaire du 25 mai 2009 préconise l'individualisation des solutions et surtout la prévention dès les premiers signes de décrochage, autant de mesures qui vont dans le sens inverse de celles que vous nous proposez.
Tous les pays qui ont à un moment donné adopté votre remède, je pense notamment à notre voisin anglais, sont en train de l'abandonner parce qu'il s'est révélé totalement inefficace. En Angleterre, on a même jeté des parents en prison parce que leurs enfants n'allaient plus à l'école – vous n'allez pas jusqu'à proposer cela mais la pente est dangereuse. En dépit de cette politique répressive, l'absentéisme scolaire a augmenté en Angleterre.
Par ailleurs, ce que vous proposez existe déjà. Pourquoi donc en rajoutez-vous, si ce n'est pour appliquer scrupuleusement la feuille de route que le Président de la République vous a donnée lorsqu'il a qualifié l'absentéisme scolaire de « cancer », assimilant aussi de manière scandaleuse absentéisme scolaire et violence scolaire, comme si tout élève absentéiste était un délinquant. Pour avoir été enseignant, je sais que les deux problèmes ne sont pas de même nature.
Cette proposition de loi est inutile parce qu'il existe déjà toute une batterie de mesures permettant de responsabiliser les parents. Elle est aussi dangereuse car elle stigmatisera les familles en difficulté et pénalisera tous leurs enfants quand bien souvent un seul d'entre eux est absentéiste. Bref, elle veut faire croire qu'on prend le problème à bras-le-corps alors qu'il ne s'agit que d'un rideau de fumée, masquant les véritables causes de l'absentéisme – orientations subies, classes surchargées, impossibilité d'individualisation des parcours par manque de moyens. Elle créera au final plus de problèmes qu'elle n'en résoudra. C'est l'école qui doit trouver les moyens de remédier à l'absentéisme scolaire, et cela ne passe certainement pas par la suppression des allocations familiales.
Nous voterons contre cette proposition de loi tout en révélant ce qu'elle cache et en formulant des propositions alternatives. Lors d'un récent colloque organisé par notre groupe sur le thème « réveiller le désir d'école », nous avons avancé, avec tous les partenaires de la communauté éducative, des propositions, à notre avis, mieux à même de lutter contre l'absentéisme scolaire, précisément en restaurant le désir d'école.
Annoncée par le chef de l'État le 20 avril dernier à la préfecture de Bobigny lors de l'installation du nouveau préfet de Seine-Saint-Denis, la suppression des allocations familiales en cas d'absences scolaires récurrentes et injustifiées est un thème de communication de prédilection pour la droite, qui a rétabli ou abrogé le dispositif au gré des circonstances politiques.
En 2003, alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l'intérieur, le Gouvernement de l'époque avait défendu exactement le contraire. On pouvait lire dans l'exposé des motifs de la loi du 2 janvier 2004 : « Le non-respect de l'obligation scolaire est un phénomène complexe. Il est très souvent signe d'un mal-être des élèves, de souffrances qui peuvent être d'origine scolaire, personnelle ou familiale. Le droit en vigueur en matière d'obligation scolaire se caractérise par un dispositif de suspension et de suppression des prestations familiales, dont l'application s'est révélée inefficace et inéquitable. Parce que l'assiduité scolaire constitue un devoir pour les enfants, une obligation pour les parents et une chance pour les familles, le Gouvernement propose de substituer à l'actuel dispositif en vigueur des mesures réactives et graduées pour responsabiliser et soutenir davantage les familles. C'est pourquoi il est proposé d'abroger le dispositif administratif de suppression ou suspension des prestations familiales. » Le fameux article L. 552-3 du code de la sécurité sociale avait alors été abrogé.
Selon l'exposé des motifs de la présente proposition, en 2007-2008, 7 % des élèves en moyenne manqueraient régulièrement l'école sans raison et la tendance irait augmentant. Les indicateurs des projets annuels de performance, annexés aux projets de loi de finances présentés depuis 2004, ne disent pas tout à fait cela. En 2004, l'absentéisme été de 2,2 % au collège, de 4,9 % en lycée général et technologique et 10,8 % en lycée professionnel. En 2008, ces taux sont respectivement passés à 3,1, 5,8 et 15,2 %. Ce n'est pas un hasard si l'absentéisme est plus élevé dans les lycées professionnels, conséquence de l'orientation subie qui y a conduit les élèves. L'évolution est certes préoccupante mais limitée et, tout comme en 2005, la direction de l'évaluation de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale attribue notamment la hausse constatée en 2007 et 2008 aux mobilisations lycéennes.
Votre proposition n'apporte aucune solution sur le fond et fait l'impasse sur toutes les raisons susceptibles de mener à l'échec scolaire et à l'absentéisme. Elle élude complètement les difficultés auxquelles est actuellement confrontée l'Éducation nationale par la faute du Gouvernement : 60 000 suppressions de postes cumulées depuis 2003, suppression de la carte scolaire, problèmes récurrents de remplacement, situation faite aux conseillers principaux d'éducation, aux conseillers d'orientation-psychologues, aux assistantes sociales et aux médecins scolaires. Bien d'autres raisons, signalées notamment par les parents d'élèves, peuvent conduire à l'absentéisme : le faible niveau des bourses qui oblige parfois des lycéens à trouver un travail salarié, une orientation subie, une affectation dans un établissement éloigné du domicile, la fatigue, les emplois du temps surchargés et mal organisés, parfois tout simplement aussi le manque de sens des enseignements pour les élèves, enfin les conséquences de la crise économique, sociale et morale de notre société. Je crains que cette proposition de loi ne soit contreproductive. En effet, la suspension des allocations familiales, outre qu'elle pénalise le reste de la fratrie, rendra encore plus fragile la situation économique et sociale de ces familles alors que, chacun le sait, l'absentéisme sévit d'abord dans les quartiers défavorisés.
Je veux pour preuve de la rédaction hâtive de cette proposition la quinzaine d'amendements rédactionnels que le rapporteur a dû déposer sur un texte qui ne comporte pourtant que quatre articles !
Maire d'une ville populaire, je reçois souvent dans ma permanence des parents, notamment des mères seules qui rencontrent d'énormes difficultés avec leurs enfants. Les réponses apportées tant par l'Éducation nationale, avec un recours trop fréquent à l'exclusion, que par les services sociaux qui manquent cruellement de personnels, de moyens pour l'Aide sociale à l'enfance et pour les centres médico-psychologiques – il faut six mois dans ma commune pour obtenir un rendez-vous ! –, sont le plus souvent inefficaces, même pour les parents qui appellent à l'aide. Ne parlons donc même pas des autres ! Il faudrait remettre à plat toutes nos procédures d'alertes et nos moyens pour aider les parents à exercer leur autorité parentale et prendre le relais quand les relations entre l'enfant et sa famille ont rendu tout dialogue impossible. Je ne connais pas de père ni de mère de famille qui ne s'inquiète pas de l'avenir de ses enfants. Je ne connais que des parents en détresse.
Cette proposition de loi aggraverait leurs difficultés financières sans nullement répondre au défi que représentent pour la cohésion sociale les conséquences de l'absentéisme et du décrochage scolaire. Elle stigmatiserait les familles et accentuerait encore le délitement social des quartiers populaires. Nous nous opposerons donc résolument à ce texte qui fait l'impasse sur les véritables raisons de l'absentéisme et ne propose aucune solution à la hauteur du défi.
J'associe à mon intervention notre collègue Yvan Lachaud, spécialiste de ces questions dans notre groupe. Il y a bien longtemps que l'élève qui fait l'école buissonnière et que l'on va gentiment chercher pour le ramener sur les bancs de la classe n'est plus qu'une image d'Épinal dans notre pays : le devoir d'assiduité scolaire n'est plus perçu parmi certaines populations, et pas seulement dans les quartiers populaires. Je suis stupéfait que certains pensent que c'est le problème de l'école elle-même. Pour avoir été chargé de ces questions dans certains établissements de la Seine-Saint-Denis, je souhaite témoigner ici que les chefs d'établissement, pas plus que les conseillers principaux d'éducation ou les surveillants, n'ont quelque moyen que ce soit d'obliger les parents à prendre contact avec eux pour tenter de faire revenir un enfant à l'école – je me souviens des multiples appels, télégrammes et courriers recommandés avec accusé de réception demeurés sans réponse… Certes, tout élève absentéiste n'est pas nécessairement un délinquant mais, lorsqu'à douze ou treize ans, il traîne dans la rue au lieu d'aller à l'école, il risque, hélas, d'y rencontrer des personnes l'entraînant dans une mauvaise voie. L'école ne peut pas régler seule le problème.
Il est déjà possible de demander la suspension des allocations familiales après quatre demi-journées d'absence non justifiées en un mois – en pratique, ce n'est souvent signalé à la caisse d'allocations familiales qu'après vingt demi-journées d'absence, soit deux semaines – et si cette suspension ne règle pas tout, loin de là, cela permet au moins de remettre la main sur la famille et de renouer un contact. Ce n'est certes pas adapté à tous les cas, mais il ne faut pas se priver de cette possibilité. Le dispositif en vigueur jusqu'à présent, lequel ne reposait que sur la sanction, mériterait, lui, la plupart des critiques que j'ai entendues de la part de certains collègues. Celui qui nous est aujourd'hui proposé est beaucoup plus équilibré. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai cosigné cette proposition de loi qui ne vise pas simplement à supprimer les allocations familiales, mais à imposer un contrat de responsabilité parentale permettant de rétablir un dialogue qui s'est rompu. Je n'ignore pas que les difficultés sociales sont le plus souvent à l'origine de l'absentéisme scolaire et de la démission de certaines familles, totalement dépassées – peu, encore qu'il y en ait, se désintéressent sciemment de leurs enfants. Le CRP, hélas trop peu appliqué, est un moyen de les aider. Certains départements, heureusement, l'ont mis en place, avec des résultats encourageants. Trêve de discours théoriques, allons aux faits : un élève qui décroche de l'école et dont la famille ne réagit pas doit voir sa famille, de manière plus éducative et moins administrative que par le passé, alertée et aidée. Que pèse la contrainte qui peut en résulter en apparence pour la famille face aux conséquences à long terme de l'absentéisme scolaire ? Il ne s'agit pas de retirer une satisfaction morale de punir une famille défaillante en lui supprimant une aide publique mais de trouver le moyen de renouer le dialogue afin que l'enfant revienne à l'école. Je suis toujours surpris, bien que je sois habitué à ce type de discours dans mon département, que l'on craigne de stigmatiser les familles. Pour moi, la véritable stigmatisation, c'est celle qui attend le gamin qui a déserté les bancs de l'école et se retrouve en échec total pour toute sa vie, ce qui coûte très cher à notre société. Tout dispositif permettant d'éviter une telle exclusion mérite d'être renforcé.
Je remercie M. Grosperrin et M. Lagarde de leur soutien. Je partage totalement leur avis, notamment les propos de M. Lagarde sur la nécessité d'accompagner ces enfants que l'absentéisme scolaire met en danger.
Monsieur Durand, vous avez raison de souligner que cet absentéisme est multiforme et que les moyennes masquent de très fortes disparités. Dix pour cent des établissements concentrent 50 % des absentéistes et les lycées professionnels sont en effet les plus touchés, le taux moyen de 15 % pouvant dans certains établissements monter jusqu'à 30 ou 40 %.
Le décret du 19 février 2004 avait été pris sur la base d'un rapport élaboré par Luc Machard, alors délégué interministériel à la famille, ayant conclu que le dispositif antérieur n'avait pas bien fonctionné, les taux d'absentéisme continuant d'augmenter. Permettez-moi de vous rappeler que sous le gouvernement de Lionel Jospin, 6 700 familles ont été concernées par des décisions de suppression des allocations familiales pour cause d'absentéisme scolaire durant l'année scolaire 2001-2002.
Je trouve personnellement efficaces les dispositions de la loi du 30 mars 2006 pour l'égalité des chances, que certains d'entre vous proposeront pourtant, par voie d'amendement, de supprimer. Le contrat de responsabilité parentale, conclu entre une famille et le conseil général et relevant de l'aide sociale à l'enfance, répondait à l'objectif d'approche individualisée que vous préconisez. Il n'a, hélas, jamais été appliqué. L'Association des départements de France, que dirige la gauche, l'a d'ailleurs revendiqué au prétexte que, au bout de la chaîne de prévention, existait la possibilité d'une suspension des allocations familiales. Face à cette carence et alors que la situation s'aggrave, il nous faut agir. Cette proposition de loi prévoit justement des mesures individualisées. Chaque fois que l'inspecteur d'académie, pivot de la communauté éducative, recevra les familles pour évaluer leur situation et les informer des différents dispositifs, il pourra les orienter au cas par cas et faire véritablement du sur-mesure en fonction du diagnostic précis de la situation de chaque enfant.
Une famille dont un seul des enfants serait absentéiste ne se verra pas supprimer la totalité de ses allocations familiales, mais seulement la part afférente à cet enfant-là.
Madame Amiable, les pourcentages que vous avez cités montrent bien que la situation s'est aggravée entre 2004 et 2008. Le décret du 19 février 2004, dont nul n'espérait certes qu'il fût la panacée, n'a pas donné les résultats escomptés, nous sommes les premiers à le reconnaître. Ce que nous voulons aujourd'hui, c'est instituer un dispositif gradué et équilibré, qui constitue aussi une main tendue vers les familles.
J'observe que ni le groupe SRC, ni le groupe GDR n'ont déposé d'amendements visant systématiquement à supprimer les articles, en quoi je veux voir une preuve que ce texte ne vous déplaît peut-être pas autant que vous voulez bien le dire. Encore une fois, je regrette que les CRP n'aient pas été mis en oeuvre car c'était, à mon avis, un moyen pertinent de lutter contre l'absentéisme scolaire. Maintenant que la décision de suspension des allocations ne relèvera plus des conseils généraux, j'espère que ceux-ci accepteront de jouer pleinement leur rôle car il s'agit de mesures d'aide sociale à l'enfance, domaine qui relève de leur compétence exclusive.
Nous en venons à l'examen des articles de la proposition de loi, au cours duquel chacun de ceux, nombreux, qui souhaitent intervenir en aura la possibilité.
Avant l'article premier
La Commission est saisie de l'amendement AC 17 de Mme Marie-Hélène Amiable tendant à introduire un article additionnel avant l'article premier.
Monsieur le rapporteur, n'opposez pas artificiellement ceux qui voudraient lutter contre l'absentéisme scolaire et les autres. Nous souhaitons tous ici éradiquer ce fléau. Nous considérons simplement que votre solution n'est pas la bonne. Vous reconnaissez que le problème se concentre dans les lycées professionnels mais ne répondez pas aux problèmes des élèves de ces établissements, souvent relégués là par défaut. Dans mon département, le taux d'absentéisme pouvait atteindre 40 % dans certaines formations de chaudronnerie, les élèves y étant été orientés ne sachant même pas en quoi elles consistaient ni à quels métiers elles pouvaient conduire. On a pu combattre efficacement ce phénomène en mettant en place des formations liées à l'aéronautique, car dans une ville entourée des aéroports du Bourget et de Roissy, les élèves voyaient à quoi elles pouvaient servir et ils ont d'ailleurs ainsi repris goût à l'école. Visitant il y a peu un lycée professionnel, j'ai aussi entendu des jeunes filles qui y suivaient des formations commerciales dire qu'elles ne voyaient plus l'utilité de venir en cours, dans la mesure où tout le monde leur assurait que, diplômées ou non, elles étaient vouées au chômage et à la précarité. Il a fallu longuement leur expliquer l'intérêt d'un diplôme pour qu'elles retrouvent une motivation. Voilà ce qu'il faudrait faire plutôt que de sanctionner les parents !
Il faut aider ces derniers à exercer leur rôle et ce n'est pas en leur supprimant une partie des allocations familiales qu'on le fera. Pour soutenir les parents, notamment les femmes seules qui ont elles-mêmes eu des relations difficiles avec l'école et élèvent souvent leurs enfants dans de très grandes difficultés, il faudrait multiplier le nombre de travailleurs sociaux.
Pour le reste, je me félicite de la perspective des embauches qui devraient avoir lieu dans les caisses d'allocations familiales et les inspections d'académie pour faire face à tout le travail supplémentaire qui leur sera demandé…
Il est indispensable que les parents aient accès à des dispositifs leur permettant de se réinvestir dans leur rôle de parents. Quels sont les résultats obtenus avec les écoles des parents ? Quels moyens humains requièrent-elles ?
Je me demande si la création d'associations pour aider les femmes seules ou les couples en difficulté dans l'éducation de leurs enfants, comme l'association « Parentèle » dans ma commune, n'est pas une solution plus adaptée pour remobiliser les parents.
Vous savez pertinemment qu'au-delà de l'effet d'annonce, la solution-miracle que vous semblez proposer ne sera jamais appliquée. Il faut revoir notre dispositif de fond en comble. Je n'en donnerai que deux exemples. Qu'a-t-on décidé par exemple pour un collégien de ma commune qui avait été absent six semaines de suite ? Eh bien, tout simplement de l'exclure de l'établissement, sanction allant à l'encontre même de l'objectif recherché. Autre exemple : 80 familles de gens du voyage sont installées depuis six semaines dans ma commune. Après que j'ai demandé à l'inspection d'académie et à la gendarmerie de vérifier si les enfants étaient scolarisés, nous savons que 77 enfants ne vont toujours pas à l'école. Pourtant, personne n'intervient !
Le problème est donc beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît et je suis au regret de vous dire, monsieur le rapporteur, que vous n'avez abordé le sujet que par le tout petit bout de la lorgnette.
J'étais quelque peu réticent vis-à-vis de ce texte, que je n'ai donc pas cosigné. Mais je suis aujourd'hui rassuré, les mesures envisagées étant graduées et proportionnées.
Peut-on encore parler d'absentéisme scolaire au sens strict quand il s'agit de lycéens âgés de plus de 16 ans, dès lors que l'école n'est obligatoire dans notre pays que jusqu'à cet âge ? Il est prévu qu'en cas d'absences répétées non justifiées, l'inspecteur d'académie adressera un avertissement aux familles et saisira le président du conseil général. Mais les départements n'ont compétence que sur les collèges. Quid des élèves des lycées professionnels ? Quel sera le coût approximatif pour les départements des contrats de responsabilité parentale, qu'on les invite à mettre en place « le cas échéant » ? Il y a également des cas d'absentéisme dans le primaire. A-t-on mesuré l'ampleur du phénomène et par quels moyens compte-t-on y remédier ?
Je suis surprise de la hâte avec laquelle nous examinons cette proposition de loi. En effet, notre commission a créé une mission d'information sur les rythmes scolaires, qui nous permet d'appréhender de manière plus globale les difficultés des jeunes à l'école. Nous avons constaté que beaucoup de jeunes ressentent le parcours scolaire comme décousu, voire dépourvu de sens, ce qui peut être un facteur déclenchant d'absentéisme à tous les niveaux. Il me semblerait plus judicieux de repérer les difficultés rencontrées par les élèves et de les traiter grâce à des outils et des réaménagements adéquats au sein des établissements avant de mettre en place un dispositif répressif.
Je ne nie pas que de mauvaises orientations, notamment subies, sont à l'origine de l'absentéisme, notamment dans l'enseignement professionnel. Il faut améliorer les procédures d'orientation et soutenir la parentalité, et telle est bien la volonté du Gouvernement. Les dispositions de cette proposition de loi prennent place dans une « boîte à outils » beaucoup plus vaste et ambitieuse. Des mesures ont été annoncées comme la généralisation de la distribution de la « mallette des parents » à la prochaine rentrée, la mise en place de médiateurs de la réussite scolaire… La mobilisation est générale mais pour que le plan réussisse, il doit être équilibré entre soutien et sanction, avec le souci constant d'une approche individualisée que permettra précisément l'examen des situations particulières par l'inspecteur d'académie. Cela étant, je crois au rôle dissuasif de la sanction, qui peut aider à une prise de conscience.
Madame Dubois, plusieurs écoles des parents fonctionnent sur le mode associatif. Une a été mise en place dans mon département, en partenariat avec l'Éducation nationale, qui associe des travailleurs sociaux du conseil général spécialisés dans l'aide sociale à l'enfance et des chefs d'établissement, et qui fonctionne très bien. Une quarantaine de parents qui avaient signé un contrat de responsabilité parentale, lequel prévoit l'obligation de participer à l'école des parents, ont assisté aux deux sessions déjà organisées. Les parents souhaitent que l'expérience se poursuive. Je déplore que les départements ne soient pas plus nombreux à avoir mis en place ces contrats. Monsieur Françaix, si le conseil général de l'Oise l'avait fait, peut-être les cas difficiles que vous nous avez exposés auraient-ils pu trouver une solution. J'espère en tout cas que ce texte sera l'occasion d'un déclic.
Monsieur Bernier, l'action des conseils généraux ne se réduit pas à leur compétence dans le domaine des collèges. Ils interviennent en ce domaine au titre de la protection de l'enfance en danger. Vous avez raison, les cas les plus graves sont ceux constatés en primaire. Les départements sont tout à fait habilités à intervenir à ce niveau, les signalements parvenant aux services sociaux s'accompagnant d'ailleurs souvent en ce cas d'une saisine parallèle de la justice. Un élève de cours préparatoire qui ne va pas régulièrement en classe est toujours le signe d'un problème dans la famille, souvent grave et nécessitant une intervention rapide des services.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 17.
Article premier : Allocations familiales et absentéisme scolaire
La Commission adopte l'amendement rédactionnel AC 1 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement AC 2 du rapporteur.
L'avertissement adressé aux parents de l'enfant absentéiste doit pouvoir prendre la forme d'un courrier ou d'un entretien avec l'inspecteur d'académie ou son représentant. L'entretien me paraît essentiel.
La Commission adopte l'amendement.
Sur l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite l'amendement AC 18 de Mme Marie-Hélène Amiable.
Puis elle est saisie des amendements AC 24 de M. Jean-Christophe Lagarde et AC 15 de M. Michel Zumkeller, soumis à discussion commune.
Ce texte ne réglera bien sûr pas définitivement le problème de l'absentéisme scolaire, qui a des causes multifactorielles, mais au moins aura-t-il le mérite de proposer autre chose que la seule sanction qui existe aujourd'hui. On ne peut en rester à l'angélisme dont font preuve certains de nos collègues. Au-delà des incantations, il faut aller au vif du sujet. L'absentéisme scolaire est certes l'affaire de l'école mais aussi des familles, que ce texte cherche à responsabiliser. L'inspecteur d'académie est placé au coeur d'un dispositif qui prévoit des mesures graduées. Ne vaudrait-il pas d'ailleurs mieux prévoir d'emblée un entretien qu'un simple courrier ? Les inspecteurs ne pourront bien sûr pas assurer seuls tous ces entretiens, mais ils pourront être secondés par les inspecteurs de l'éducation nationale et des conseillers pédagogiques mandatés pour ce faire.
Ayant enseigné du collège à l'université, si j'ai rencontré des parents désarçonnés et démunis face à l'attitude de leurs enfants, je n'en ai presque jamais rencontrés qui se désintéressaient totalement de leur scolarité. C'est même un sujet de conflit récurrent entre parents et enfants et aucune sanction, quelle qu'elle soit, ne responsabilisera personne davantage. Il ne suffit pas de ramener les enfants à l'école, encore faut-il que cela ait un sens pour eux, que cela s'intègre dans un parcours et dans la construction même de leur vie, et qu'il ne pensent pas qu'il faut aller à l'école par intermittence au moins pour que les allocations familiales ne soient pas supprimées à leurs parents !
Je ne peux pas vous laisser dire que les conseils généraux auraient renoncé à l'exercice de leurs responsabilités. En Haute-Garonne, le conseil général aide quantité d'associations qui oeuvrent dans le domaine de la protection de l'enfance et permettent que l'école contribue, hélas trop peu, à l'égalité des chances et ouvre la voie de l'ascenseur social.
Enfin, pour avoir assisté, comme nombre d'entre nous, aux États généraux de la sécurité à l'école, organisés par Luc Chatel à la Sorbonne, je relève que vos propositions sont en totale contradiction avec les conclusions de ces États généraux. La menace de sanction pesant sur les familles sera davantage perçue comme une violence à leur encontre que comme une aide.
J'ai cosigné cette proposition de loi qui complète judicieusement le dispositif actuel qui reposait, lui, essentiellement sur la sanction. Le contrat de responsabilité parentale peut fonctionner, encore faut-il qu'il y ait une volonté politique.
J'ai moi aussi participé aux récents États généraux de la sécurité à l'école. Les exemples de l'étranger, du Canada notamment, ont montré qu'absentéisme scolaire et violence étaient souvent liés. Je crois beaucoup au dialogue entre l'Éducation nationale et les familles. Pour avoir rencontré ces derniers temps beaucoup d'inspecteurs d'académie, Directeurs des services départementaux de l'Éducation nationale, je suis convaincu qu'ils sauront jouer pleinement leur rôle d'information et de prévention auprès des familles. Ce texte apporte des réponses satisfaisantes, graduées et proportionnées – avec toutefois une faille dans le dispositif pour les familles avec un enfant unique. Certaines familles totalement débordées attendent vraiment qu'on leur tende la main. Nous connaissons tous le cas de collégiens de 13 ou 14 ans, absents à l'école, dont la famille ne sait même pas s'ils ont dormi chez eux la nuit précédente ! Les dispositions proposées permettront précisément d'aider à renouer le dialogue au sein des familles. Elles devront être rappelées dans le règlement intérieur des établissements. L'enfant absentéiste doit avoir face à lui une équipe soudée, de la famille aux enseignants en passant par les élus locaux, seule à même de faire preuve de la fermeté nécessaire.
S'agissant de l'absentéisme dans le primaire, il faudra se poser la question du statut des directeurs d'école et des écoles elles-mêmes. Si une réponse ferme pouvait être apportée dès l'école élémentaire, cela éviterait bien des dérives dans le secondaire.
Personne ne croit ici à l'existence de gènes de l'absentéisme. Un enfant ne naît pas décrocheur, pas plus d'ailleurs qu'un adulte ne naît « Rmiste » ! Le décrochage résulte de facteurs divers, internes à l'école, le plus souvent conjugués à des facteurs externes, liés à l'environnement familial, social, économique. Il ne faut pas apporter le même type de réponse pour les élèves qui ont pu décrocher de l'école incidemment et pour le « noyau dur ». Sur le diagnostic, nous n'avons rien à redire. Nous contestons en revanche les mesures proposées. Nous ne désespérons pas de trouver des remèdes à l'absentéisme scolaire au sein même de l'école, non que nous pensions que les chefs d'établissement aient le pouvoir ni les moyens adéquats pour agir sur les familles, mais que nous croyions aux vertus d'un accompagnement renforcé de l'enfant et de sa famille dans leurs relations avec l'établissement. Les inspections d'académie disposeront-elles de moyens supplémentaires pour que les inspecteurs aient le temps nécessaire pour établir ces relations individualisées dans les établissements, au plus près des familles ? Il m'intéresserait au plus haut point de connaître l'avis des inspecteurs d'académie, que vous avez auditionnés.
Monsieur Marc, un entretien me paraît, en effet, en tous points préférable à une lettre d'avertissement. C'est la réponse vers laquelle je souhaite que l'on s'oriente et j'ai défendu tout à l'heure un amendement en ce sens. Mais il ne faut pas non plus systématiser : dans certains cas, un simple courrier suffira.
Le rapport Bauer remis à l'occasion des états généraux de la sécurité à l'école, madame Martinel, – et je réponds par là même à la question posée par M. Durand tout à l'heure – montre que, si tous les élèves absentéistes ne deviennent pas, heureusement, des délinquants, quasiment tous les délinquants mineurs sont ou ont été en situation d'absentéisme. S'il faut couper court aux caricatures et aux raccourcis qui assimilent les absentéistes à des délinquants, il ne faut pas pour autant nier le lien qui existe entre les deux. C'est la raison pour laquelle les services de l'aide sociale à l'enfance interviennent : il faut protéger à la fois les mineurs et la société.
Monsieur Deguilhem, les inspecteurs d'académie que nous avons reçus – certes de façon un peu rapide – nous ont indiqué que leurs services avaient les moyens de mettre en place les dispositifs de suivi.
Je partage entièrement, monsieur Reiss, votre analyse de la situation et votre diagnostic.
La philosophie de l'amendement AC 24, comme de ceux qui le suivent, est de rendre le contrat de responsabilité parentale automatique à partir du moment où l'inspecteur d'académie aura jugé qu'il y avait une difficulté dans une famille et adressé un avertissement.
Actuellement, ce dispositif n'est pas mis en place dans un certain nombre de collectivités alors qu'il serait utile. Cela pénalise à la fois les élèves qui se trouvent en situation de décrochage et leur famille, à qui ne sont offerts, en guise de soutien, que des mots et des déclarations de principe.
Apporter un soutien à une famille dans le cadre de la protection de l'enfance est une obligation. Cette aide doit donc pouvoir être donnée même si, pour des raisons administratives, financières ou idéologiques, un élu local ne le souhaiterait pas. Dans le cas contraire, cela créerait une rupture d'égalité entre les familles.
L'amendement AC 15 procède du même raisonnement. La présente proposition de loi repose sur deux piliers : la suspension des allocations familiales et la responsabilisation des familles. Il faut veiller à ce que, à chaque niveau de la procédure, cette dernière ne soit pas simplement une possibilité mais une réalité.
De plus, les mots « le cas échéant » sont la porte ouverte à de nombreuses dérives.
Sans créer une obligation pour le conseil général, les deux amendements renforcent le message du texte, qui est la nécessité d'un accompagnement. Avis favorable, avec une préférence pour la rédaction de l'amendement AC 15.
L'amendement AC 24 est retiré.
Je ne vois pas comment un inspecteur d'académie peut imposer quoi que ce soit à un président du conseil général.
Même si j'ai donné un avis favorable à ces amendements, je suis conscient du fait que la suppression des mots « le cas échéant » n'aura aucun effet direct sur le président du conseil général.
Le texte ne sera pas sans effet, nous vous le démontrerons dans les prochains mois.
Deux amendements qui viendront ultérieurement en discussion ont une portée plus forte et, s'ils sont adoptés, répondront à votre remarque.
La Commission adopte l'amendement AC 15.
Elle examine ensuite l'amendement AC 25 de M. Jean-Christophe Lagarde.
Si l'inspecteur d'académie a, dans le cadre de ce dispositif sur mesure, comme l'a qualifié M. le rapporteur, adressé un avertissement au président du conseil général et que ce dernier ne réagit pas, comme cela arrive malheureusement, en particulier dans mon département, nous demandons que, à l'instar de ce qui est prévu dans d'autres cas, quand le responsable exécutif d'une collectivité locale ne remplit pas une obligation légale, le représentant de l'État dans le département se substitue à lui. Quand un enfant se trouve en difficulté ou qu'une famille a besoin de secours, l'aide ne peut pas être optionnelle.
Avis défavorable, d'une part parce que ce pouvoir de substitution pourrait poser un problème constitutionnel par rapport à la libre administration des collectivités locales, d'autre part, parce qu'il me semble important de laisser aux conseils généraux la faculté d'apprécier les réponses à donner suivant les situations.
Je citerai à nouveau mon département pour illustrer mon avis : les 706 informations préoccupantes d'absentéisme que nous avons reçues de l'Éducation nationale au cours des cinq premiers mois de l'année ont donné lieu à 294 procédures de CRP, 287 mesures classiques d'aide sociale à l'enfance et 39 saisines de magistrats de l'enfance.
Si je souhaite que, dans la plupart des cas, ce soit une procédure de CRP qui soit prise, nous ne pouvons pas l'imposer comme réponse obligatoire et systématique aux conseils généraux.
S'il est un argument que je ne veux pas entendre, c'est celui d'inconstitutionnalité, lequel est inopérant en l'espèce puisque la substitution par l'État existe déjà.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC 3, AC 4, AC 5, AC 6, AC 7, AC 8, AC 9 et AC 10 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 1erainsi modifié.
Avant l'article 2
La Commission est saisie de l'amendement AC 19 de Mme Marie-Hélène Amiable, portant article additionnel avant l'article 2.
L'absentéisme scolaire est un drame humain aux causes multiples auxquelles nous ne pouvons pas rester insensibles. Si nous examinons aujourd'hui une nouvelle proposition de loi sur le sujet, c'est parce que la loi de 2006, que nous avions votée dans l'enthousiasme, a échoué, faute pour la disposition relative au contrat de responsabilité parentale d'avoir été mise en application.
Le texte qui nous est présenté aujourd'hui me paraît équilibré. Je ferai deux suggestions.
Premièrement, si l'on ne peut que souhaiter éviter au maximum la suppression des allocations familiales, qui est un aveu d'échec, je souhaiterais que les sommes économisées soient reversées aux associations qui s'occupent d'insertion.
Deuxièmement, si le conseil général a la compétence de la protection de l'enfance, les maires sont en première ligne, notamment avec les contrats locaux. Il serait bien de rappeler dans le dispositif qu'ils doivent également être informés.
Il est déjà prévu qu'ils le soient mais ils le sont rarement, comme l'atteste une observation que m'a adressée la chambre régionale des comptes.
La situation dans le département des Alpes-Maritimes est-elle représentative de celle des autres départements, sachant notamment que, dans certaines zones rurales, 60 % des familles ne paient pas d'impôt sur le revenu ?
On demande de plus en plus aux enseignants de travailler en équipe. J'ai assisté aux auditions organisées par la mission d'information sur la mise en oeuvre du socle commun de connaissances et de compétences au collège. Ce socle commun, qui devrait conditionner l'obtention du brevet de l'année prochaine, me paraît un bon outil de lutte contre l'absentéisme.
Enfin, je suis un peu étonnée de la violence des propos que j'ai entendus ce matin, destinés sans doute à masquer des enjeux financiers... Or, l'élève doit être au coeur de nos préoccupations et le problème que nous évoquons me semble plus relever de l'Éducation nationale que des conseils généraux.
Les échecs de votre majorité en matière d'éducation sont effarants. Après avoir supprimé dès 2002 les aides éducateurs, voilà que vous vous étonnez, de la montée de la violence… Après avoir licencié, année après année, 60 000 professeurs, ce qui pose problème pour assurer les remplacements, vous vous étonnez du taux d'absentéisme des élèves, dont la principale cause n'est autre que l'absence des professeurs eux-mêmes, qui oblige les jeunes à retourner chez eux. Enfin, vous entendez réformer aujourd'hui les rythmes scolaires alors que le ministre précédent avait avancé à marche forcée, sans jamais reconnaître ses torts.
Quand un élève est absent de l'école pour des motifs injustifiés, c'est un drame, à la fois pour lui – car c'est un handicap majeur – et pour la société. Mais vos propositions sont d'un simplisme ahurissant. Sans doute cherchez-vous de la sorte à grappiller quelques voix, mais vous savez bien au fond que soit elles ne pourront être appliquées, soit elles échoueront.
J'ai été instituteur en CM 2 dans une zone très défavorisée. J'ai constaté que, dans une même famille, les enfants sont tous différents : à côté d'enfants en grande difficulté, qui peuvent même ne pas venir en classe, d'autres, très brillants, à force de courage et de ténacité, réussissent parfaitement leur scolarité, même dans des conditions sociales très difficiles. Or, en supprimant les allocations familiales pour l'absentéisme d'un seul enfant, vous pénalisez tous les enfants de cette famille !
L'absentéisme est un vrai problème qui aurait mérité qu'on y réfléchisse tous ensemble pour trouver des solutions. Hélas, vous montrez une fois encore que l'éducation n'est pas votre priorité.
Je souhaite revenir sur les deux volets de cette proposition de loi : la sanction, présentée comme dissuasive, et l'accompagnement des parents.
Certes, une étude d'impact n'est pas obligatoire pour une proposition de loi – encore que, quand on en connaît l'inspirateur, on peut de se demander si nous ne nous trouvons pas face à un projet de loi… Mais a-t-on au moins mené des études sur l'efficacité de la sanction ? Sait-on en particulier pourquoi l'expérience britannique a échoué ? Pourquoi les 6 700 suppressions d'allocations familiales dont vous nous dites qu'elles sont intervenues sous le gouvernement de Lionel Jospin ont-elles été si peu efficaces que l'absentéisme n'a cessé d'augmenter ? Dans ces conditions, quels sont les éléments concrets qui justifient aujourd'hui votre fermeté ?
Concernant les contrats de responsabilité parentale, on ne peut pas imposer aux collectivités territoriales des obligations à la fois de moyens et de résultats. L'Assemblée des départements de France, où ne sont quand même pas représentés uniquement des conseils généraux de gauche, a exprimé ses réticences vis-à-vis des CRP.
La sanction n'a d'intérêt qu'assortie de mesures d'accompagnement. Or, pour que les services de l'inspection académique aient avec chacune des 300 000 familles touchées par l'absentéisme un entretien de 15 minutes, soit au total pas moins de 75 000 heures, il faudrait créer 50 équivalents temps plein. Qui plus est, pour moi un simple contact n'est pas de l'accompagnement. Les caisses d'allocations familiales ont fait tout un travail, pendant des années, sur le métier de parent mais sont aujourd'hui contraintes de supprimer l'action sociale collective et se voient ainsi privées de leur capacité à mener les travaux de recherche importants pour l'accompagnement, à la fois individuel et collectif, des parents et leur responsabilisation.
Le rapport que vous nous avez fait présente donc quelques faiblesses : il n'est pas assis sur une étude d'impact, ni sur un examen de la réalité vécue par les familles, notamment les plus en difficulté, et des moyens que la société met en oeuvre pour les accompagner. N'oublions pas que l'absentéisme est lié à des caractéristiques géographiques, sociales, aux filière d'études mais aussi, de plus en plus, au fait que les enfants sont élevés par des mères isolées.
Il y a là un vrai problème que la seule arme de la sanction ne suffit pas à régler. Pire, elle a tendance à stigmatiser les familles les plus en difficulté en laissant entendre qu'elles ne devraient pas avoir d'enfants.
Les interventions qui viennent d'être faites reprennent des arguments qui ont déjà été largement développés et je ne crois pas que je parviendrai à convaincre ceux qui s'opposent à cette proposition de loi.
Vous semblez considérer, monsieur Rogemont, que les entretiens avec les familles nécessiteraient des moyens considérables. Mais cinquante équivalents temps plein, cela ne représente guère qu'un demi-emploi permanent par département. Les représentants des inspections académiques que nous avons auditionnés nous ont d'ailleurs assurés qu'ils pouvaient dégager les moyens humains nécessaires, sans création de postes.
Les prises de position de l'assemblée des départements de France sont de plus en plus orientées politiquement. Le président de l'ADF a manifestement exprimé ses convictions politiques quand il a affirmé qu'aucun contrat de responsabilité parentale ne devrait être appliqué. De tels propos ont également été tenus par M. Delanoë en tant qu'exécutif du département de Paris. Je m'étonne de ces positions.
Je n'entrerai pas dans la querelle sur les moyens : M. Roy, qui reprend ce thème à tout propos, tient un discours un peu monomaniaque…
Vous ne dites rien des élèves brillants que vous allez sanctionner en retirant des ressources aux familles !
Aucun élève brillant ne sera sanctionné. En la matière votre démonstration était de très mauvaise foi. Je vous ai expliqué le raisonnement qui sous-tend notre démarche. Celle-ci est proportionnée. De nombreux dispositifs d'accompagnement sont prévus et les familles qui voudront s'insérer dans l'un d'eux trouveront la main tendue qu'elles attendent et qu'elles espèrent, ce qui n'était pas forcément le cas jusqu'à aujourd'hui.
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 19.
Article 2 : Modalités de suspension du versement des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire
La Commission examine l'amendement AC 20 de suppression de l'article de Mme Marie-Hélène Amiable.
Je viens de la région d'Europe la plus touchée par le chômage, où 52 % des nôtres vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Je ne puis d'ailleurs m'empêcher d'envisager ce texte à l'aune des deux millions d'enfants qui sont également dans ce cas dans l'ensemble de notre pays.
Votre proposition de loi repose sur le postulat que les parents sont les principaux responsables de l'absentéisme de leurs enfants scolarisés. C'est occulter le fait que, pour la très grande majorité d'entre eux, c'est avec incompréhension et désarroi qu'ils apprennent que leur enfant ne va plus en classe et qu'ils se retrouvent complètement désarmés face à cette situation : pas un seul parent n'est heureux que son enfant n'aille pas à l'école !
Au lieu de rechercher les raisons pour lesquelles un enfant n'a plus envie de se rendre à l'école, vous mettez l'accent sur la sanction financière. Une telle approche risque d'être contre-productive et d'aggraver encore le problème. En effet, quand un enfant multiplie les absences, c'est le signe qu'un équilibre s'est rompu dans son environnement scolaire, dans son environnement familial, dans sa vie. Pensez-vous vraiment rétablir cet équilibre en faisant planer la menace d'une sanction sur l'un des piliers de son environnement ? Là où il faudrait créer ou recréer des liens, cela risque, au contraire, de les rompre.
Saint-Exupéry nous a enseigné qu'il fallait créer des liens. Or l'école de la République n'en crée plus aujourd'hui.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons que l'on abroge le principe de la suspension des aides sociales versées aux familles en faveur des enfants.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC 11 et AC 12 du rapporteur.
La Commission adopte ensuite l'article 2 ainsi modifié.
Avant l'article 3
La Commission est saisie de l'amendement AC 21 de Mme Marie-Hélène Amiable, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 3.
Nous ne sommes pas opposés au contrat de responsabilité parentale, mais au lien que fait cette proposition entre ce contrat et la suspension du versement des allocations familiales.
Vous aurez noté, madame Amiable, que, dans le cas de l'absentéisme scolaire, la proposition de loi supprime justement ce lien. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Article 3 : Modifications du régime du contrat de responsabilité parentale
La Commission examine l'amendement AC 22 de Mme Marie-Hélène Amiable.
La présente proposition de loi est un constat d'échec de la loi pour l'égalité des chances. Tout comme M. Rogemont, je regrette qu'il n'ait pas été procédé à une analyse des raisons de cet échec. Plusieurs questions méritaient examen. Pourquoi la quasi-totalité des présidents de conseils généraux n'ont-ils jamais utilisé le contrat de responsabilité parentale ? Pourquoi, même lorsqu'un président de conseil général UMP l'a fait, ce contrat a-t-il été inefficace ? Quelle valeur contractuelle peut avoir une démarche liée à la menace d'une suspension des allocations familiales ?
Les réponses à ces questions auraient peut-être permis au rapporteur de découvrir que cette proposition apporte la plus mauvaise réponse qui soit à la question de l'absentéisme. L'insuffisance des moyens donnés à l'école de la République ne permet déjà pas de lutter contre la reproduction des inégalités sociales en son sein. Et nous nous apprêtons à infliger une double peine aux perdants du système, en leur supprimant les allocations familiales.
L'alinéa 8 de l'article 1er prévoit la suspension immédiate du versement des allocations familiales. Or les maires savent que remettre en route une allocation, quelle qu'elle soit, demande des semaines d'instruction, tant les CAF manquent de moyens.
La précipitation avec laquelle est examinée cette proposition, son côté « tout répressif », cette volonté de sanctionner à tout prix sont un aveu d'impuissance de la part du pédagogue comme du législateur.
Le fait que, depuis la loi de financement de la sécurité sociale de 2009, le mode de désignation des directeurs des CAF soit beaucoup plus centralisé qu'avant me fait craindre qu'il ne leur soit demandé, ainsi qu'aux inspecteurs d'académie, d'être aux ordres, de faire du chiffre et de rendre des comptes comme certains magistrats doivent le faire pour les peines planchers.
Enfin, le plus grave est que cette proposition stigmatise les parents au lieu de leur proposer un accompagnement dans une démarche d'éducation et de prévention.
Vous avez mis l'accent sur la nécessité d'accompagner et d'aider les enfants en difficulté et de revoir les questions d'orientation. Nous ne pouvons que souscrire à ces intentions. Mais le texte que vous proposez n'apporte aucune réponse en la matière.
Au lieu de réfléchir aux moyens de prévenir le décrochage, il est proposé un dispositif répressif. On a peu parlé ce matin des équipes pédagogiques, des conseillers principaux d'éducation, des professeurs principaux, des assistantes sociales, des infirmières, des médecins scolaires – malheureusement en nombre décroissant – ou encore des conseillers d'orientation, alors que l'erreur d'orientation est la principale cause de l'absentéisme et du décrochage scolaire. Or le corps des conseillers d'orientation est en voie de disparition dans le milieu scolaire : un conseiller sur six est remplacé, leur activité va être recentrée sur des publics plus âgés, les professeurs seront chargés de l'information en matière d'orientation et des centres d'appel sont mis en place alors que l'orientation n'est certes pas « simple comme un coup de fil »...
Les emplois du temps trop chargés de certains lycées professionnels, le passage de la préparation des baccalauréats professionnels de quatre à trois ans peuvent expliquer que des élèves aient besoin parfois de respirer.
Tout ce travail en amont devrait être privilégié et doté de moyens suffisants ou, tout au moins, maintenus à leur niveau actuel.
Enfin, on parle souvent d'école des parents. Je pense qu'à cette expression qui peut rebuter des parents qui ont été eux-mêmes en situation d'échec à l'école, il faudrait préférer celle de « maison des parents d'élèves », que l'on emploie dans ma circonscription.
Monsieur Féron, j'ai été choqué de vous entendre parler d'inspecteurs d'académie aux ordres et astreints à faire du chiffre. Comme tous les hauts fonctionnaires de la République, ils ne sont astreints qu'à une obligation : appliquer la loi de la République. C'est ce que j'attends d'eux et j'ai toute confiance. Tout le reste n'est que polémique politicienne !
Monsieur Mathon, vous en êtes encore à parler de dispositif répressif : je n'ai donc pas réussi à vous convaincre que je proposais d'abord un dispositif d'accompagnement, d'équilibre et de soutien.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 22.
Elle examine ensuite deux amendements identiques, AC 16 de M. Michel Zumkeller et AC 26 de M. Jean-Christophe Lagarde.
Ces amendements procèdent de la même logique que les amendements AC 15 et AC 24 à l'article 1er. Ils visent à ce que les mesures d'accompagnement parental soient systématiquement proposées aux familles.
Pour les mêmes raisons que précédemment, je souhaite le retrait de ces amendements. Nous pourrons toutefois rechercher, d'ici l'examen en séance publique, une formule un peu plus incitative pour les conseils généraux.
Les amendements AC 16 et AC 26 sont retirés.
La Commission examine ensuite l'amendement AC 27 de M. Jean-Christophe Lagarde.
En cas de carence du président du conseil général, nous proposons que le représentant de l'État dans le département se substitue à lui pour proposer la mise en place d'un CRP.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 13 du rapporteur.
Afin d'éviter tout doublon et par souci de cohérence, je propose qu'il ne soit plus possible au président du conseil général de demander la suspension des allocations au titre des CRP proposés ou conclus en cas d'absentéisme scolaire.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 3 ainsi modifié.
Article 4 : Prise en compte de la part des allocations familiales suspendue ou supprimée dans le calcul d'autres prestations d'aide et d'action sociale
La Commission examine deux amendements identiques, AC 23 de Mme Marie-Hélène Amiable et AC 29 de M. Yves Durand, visant à supprimer l'article.
Je résumerai l'ensemble de la proposition de loi en trois mots : simplification, spectacularisation, émotion. C'est parce que nous considérons que l'on ne doit pas légiférer de la sorte que nous demandons la suppression de cet article. Pour reprendre la formule d'Einstein : rendez les choses aussi simples que possible, mais pas plus simples.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AC 14 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 4 ainsi modifié.
Article additionnel après l'article 4 : Rapport au Parlement et création d'un comité de suivi
La Commission examine l'amendement AC 28 de M. Yvan Lachaud, portant article additionnel après l'article 4.
Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement, avant décembre 2011, un rapport évaluant la politique française en matière d'absentéisme scolaire et l'ensemble des dispositifs d'accompagnement des élèves et des parents.
Je suis très favorable à la publication d'un rapport d'évaluation de la loi. Il me semble toutefois qu'il vaudrait mieux écrire que : « Avant le 31 décembre 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les dispositifs de lutte contre l'absentéisme scolaire et d'accompagnement parental et proposant, le cas échéant, les modifications législatives ou réglementaires susceptibles d'y être apportées. »
Il me paraîtrait quant à moi éminemment souhaitable qu'une évaluation soit conduite avant même l'adoption de cette proposition…
La Commission adopte l'amendement AC 28 ainsi corrigé.
Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
La séance est levée à douze heures quarante.