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Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Séance du 14 octobre 2009 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • MDA
  • carrière
  • majoration
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  • père
  • trimestres

La séance

Source

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l'audition de Mme Isabey Mijo, conseillère fédérale de la CGT.

PermalienMijo Isabey

Nous sommes tous deux chargés des questions de retraite : M. Dutour pour les fonctionnaires et moi-même pour le secteur privé. Notre présence conjointe atteste que la CGT refuse d'opposer public et privé, mais au contraire recherche des convergences pour mieux travailler à la parité entre hommes et femmes.

S'agissant de la majoration de durée d'assurance pour enfants (MDA), visée à l'article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, notre organisation a exprimé ses positions par voie de presse, lors d'une intervention au conseil d'administration de la CNAV et à l'occasion des consultations sur le projet de loi. Nous défendons la thèse selon laquelle cette majoration est destinée à réparer les inégalités et les discriminations subies par les femmes au cours de leur vie active – moindres salaires, moins bon déroulement de carrière, etc. –, qui ont des conséquences sur le nombre d'annuités et sur le montant des pensions. Cette inégalité se vérifie pour les pensions du secteur public comme pour celles du secteur privé, même si elle est moins importante dans le premier cas.

Alors que, pour les hommes, le fait qu'ils aient eu ou non des enfants n'a pas d'incidence sur le niveau de leur pension, il n'en est pas de même pour les femmes : il existe un écart entre celles qui ont eu des enfants et celles qui n'en ont pas eu, et l'importance de cet écart varie en fonction du nombre d'enfants.

Notre organisation a toujours considéré que la MDA était destinée à réparer ces écarts constatés durant la vie active. En fait, dès sa création on s'est aperçu qu'en raison de l'augmentation du nombre d'annuités requis, très peu de femmes obtiendraient une retraite à taux plein, faute d'avoir cotisé un nombre d'annuités suffisant. Il s'agissait donc bien dès l'origine de prendre en compte et de compenser l'inégale durée de vie active.

La Cour de cassation a accordé le bénéfice des MDA aux hommes. Nous souhaiterions pour notre part qu'elle soit attribuée à raison de la maternité et de l'accouchement, afin de la garantir aux femmes, sans l'étendre aux hommes. En effet, à enveloppe constante, l'extension de la MDA aux hommes se traduirait par une détérioration des droits des femmes.

Nous sommes conscients des problèmes que ce choix entraînerait pour les femmes ayant adopté des enfants – et, éventuellement, pour les hommes ayant élevé seuls les leurs –, c'est pourquoi, il faudrait prendre des dispositions particulières en cas d'adoption, pour assurer à ces femmes une majoration d'un montant équivalent.

Venons-en aux modifications proposées.

Nous considérons que l'on ne devrait pas faire de différence entre les enfants nés avant 2010 et après 2010. La totalité des huit trimestres devrait être maintenue, et ce sans condition d'arrêt d'activité. A partir du moment où l'on ouvre la MDA aux hommes, comme le propose le texte soit par libre choix, soit sous certaines conditions, des conflits de répartition risquent de surgir.

Pourquoi les hommes ont-ils demandé à bénéficier des MDA? Depuis la création de ce dispositif et jusqu'à maintenant, pratiquement aucun homme ne l'avait fait. Cela s'est produit en 2003 dans le secteur public, puis maintenant dans le secteur privé. La raison en est que certains hommes s'aperçoivent qu'ils n'auront pas une retraite à taux plein, du fait du durcissement des conditions requises pour l'obtenir : on est passé de 37 annuités et demie à 40, puis à 41 et 42. La MDA est devenue un moyen de récupérer les trimestres manquants.

Nous craignons que les ménages ne fassent des calculs d'opportunité en cherchant ce qui sera le plus rentable pour le couple : que la femme conserve la MDA, ou que le mari en bénéficie, sachant que les hommes ont en général des salaires plus élevés. Et je ne parle pas des cas de divorce, chacun des conjoints revendiquant cette majoration. Dans quelques années, on assistera à une « chasse aux trimestres ».

PermalienJean-Louis Dutour

Nous redoutons en effet que la deuxième partie de la MDA, qui serait de quatre trimestres, ne soit considérée comme un moyen d'investir au mieux dans la retraite de l'un ou de l'autre, sans aucun rapport avec la destination d'origine de cette mesure, à savoir reconnaître le rôle dans l'éducation des enfants. Souvenez-vous de ce qui s'est passé dans la fonction publique, au moment du passage aux quarante annuités, avec la jurisprudence Griesmar.

PermalienMijo Isabey

Aujourd'hui, toutes les femmes n'ont pas besoin de la MDA pour obtenir une retraite à taux plein. Mais les hommes, par exemple parce qu'ils ont fait des études plus longues, ou parce qu'il leur manque un certain nombre de trimestres, vont pouvoir partager cette majoration. En conséquence, au lieu de jouer à 80 % par exemple, celle-ci tendra à être utilisée à 100 %. Nous craignons donc une montée en puissance du système.

De plus, si les hommes bénéficient des MDA à la place des femmes, cela coûtera plus cher aux régimes de retraite. Comme on raisonne à enveloppe constante, dans quelques années, on considérera que la MDA coûte beaucoup trop cher et on sera tenté de revoir à la baisse le nombre de trimestres. Tels sont les dangers que nous prévoyons sur le long terme. Certes, tout cela est difficile à mettre dans le débat public …

PermalienMijo Isabey

Aux termes du PLFSS, quatre trimestres devraient être attribués au titre de la maternité et de l'accouchement, et quatre autres au titre de l'éducation des enfants. Nous nous demandons si, du point de vue juridique, cette division d'un dispositif sur la base de deux fondements différents est bien tenable.

PermalienJean-Louis Dutour

Dans la fonction publique, la majoration n'est plus que de deux trimestres et nous devons déjà rendre des comptes à la commission européenne.

En effet, les hommes comme les femmes fonctionnaires peuvent, depuis 2004, continuer à prétendre à une bonification au titre des enfants, à condition d'avoir interrompu leur activité pendant deux mois – période qui couvre, pour les femmes, la durée du congé de maternité. La Commission européenne considère qu'il s'agit d'une mesure discriminatoire à l'encontre des hommes, qui seraient de fait désavantagés. M. Woerth s'est engagé auprès des syndicats à défendre le maintien de la situation actuelle.

PermalienMijo Isabey

Nous ne sommes absolument pas d'accord pour que la MDA soit attribuée au titre de l'éducation, que ce soit au bénéfice du père ou de la mère. Nous maintenons notre position selon laquelle la MDA vient en réparation de la discrimination dont souffrent les femmes pendant leur vie active.

Le rôle éducatif des parents doit être reconnu, mais cela doit relever de la politique familiale, non d'un aménagement des règles des pensions. Il faut prendre des dispositions permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle, aussi bien au bénéfice de l'homme que de la femme, dans la mesure où l'éducation doit être partagée dans le couple. Cela passe par la reconnaissance de droits relatifs à l'accueil de la petite enfance, à la présence auprès d'un enfant malade, etc.

Nous ne sommes donc pas opposés au fait d'accorder des droits aux hommes, mais nous demandons que l'on reconnaisse qu'il existe encore à l'encontre des femmes des discriminations importantes, qu'il faut combattre les effets de ces discriminations et que la MDA y contribue.

Nous demandons parallèlement qu'une obligation de résultat en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes soit instituée. En effet, la situation qui s'était améliorée dans les années soixante-dix, stagne depuis les années quatre-vingt-dix. Si l'on constatait une diminution des inégalités de salaires et de pensions de retraite, on pourrait réduire le nombre des trimestres accordés aux bénéficiaires de la MDA. A terme, si ces inégalités étaient résorbées, on pourrait même supprimer la MDA, qui n'aurait plus lieu d'être. Dans notre esprit, elle a vocation à disparaître.

Cette obligation de résultat devrait s'accompagner de la mise en place de dispositifs responsabilisant et, éventuellement, pénalisant financièrement les entreprises qui ne respectent pas la loi.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Comment expliquez-vous que vous soyez la seule organisation syndicale, avec la CFTC, à avoir adopté cette position ?

PermalienMijo Isabey

Le débat a eu lieu avec les autres organisations syndicales, notamment à la CNAV. Elles ne croyaient pas à la possibilité d'une autre solution pour des raisons juridiques.

PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Dans la mesure où la raison d'être de la MDA est la réparation, cela devrait pourtant être possible.

PermalienJean-Louis Dutour

Pour comprendre l'attitude de l'Europe, il faut prendre en compte le poids des pays anglo-saxons et scandinaves. Leur position ne consiste pas à dire, comme nous le faisons, qu'il convient de supprimer compensations et réparations à mesure que s'effacent les discriminations ; elle est de les éliminer toutes d'emblée, en tablant sur une prise de conscience et une réaction des hommes. Malheureusement, toute l'Europe ne ressemble pas à la Suède.

PermalienPhoto de Danielle Bousquet

J'ai lu des articles très documentés de juristes, dont M. Lyon-Caen, qui considèrent que notre position peut être défendue. Aussi bien, ni l'Europe ni la Cour de cassation ne nous demandent de modifier la loi. C'est le Gouvernement qui le demande. Il faut donc trouver des solutions sans modifier la loi.

On peut admettre que certains hommes ont subi une discrimination parce qu'ils ont dû élever seuls leurs enfants. Mais il y en a sûrement très peu. Quantifions le phénomène et trouvons une solution pour eux. On ne va pas abandonner, pour quelques centaines d'hommes, un dispositif aussi important, alors que les femmes continuent d'avoir de toutes petites retraites !

PermalienMijo Isabey

Pour l'instant, aucune étude ne prouve que les hommes subissent des discriminations du fait d'avoir des enfants. Certes, s'ils ont élevé seuls les enfants et qu'ils ont dû s'arrêter de travailler, ils auront subi des pertes de salaire, mais cela n'aura pas forcément eu des conséquences sur le déroulement de leur carrière.

Autre point : la maternité est encore considérée comme une maladie et les indemnités journalières ne sont pas comptabilisées comme salaire pendant le congé de maternité, même si ce dernier est validé comme durée d'assurance. Les salaires de l'année au cours de laquelle une femme a accouché seront pris en compte sur dix mois, et non sur douze, si elle a été arrêtée pendant deux mois. La chose n'est pas indifférente quand on prend en compte, non plus les dix, mais les vingt-cinq meilleures années pour le calcul du salaire de référence.

PermalienMijo Isabey

Nous avons toujours dit, notamment devant le Conseil d'orientation des retraites, qu'il ne fallait pas considérer l'accouchement comme une maladie. Ce serait déjà remporter une victoire que de faire reconnaître l'accouchement en tant que tel. C'est une question de principe.

Cela avait peu d'importance lorsque l'on prenait en compte les dix meilleures années pour calculer les droits à retraite, d'autant que les naissances interviennent souvent dans les premières années de carrière, qui ne sont pas les mieux rémunérées. Pour l'ARRCO, cela doit tout de même ne pas être sans effet.

Pour en revenir aux aspects juridiques, nous sommes un peu étonnés que la CNAV n'ait pas saisi le juge européen. Dans sa décision de 2003, le Conseil constitutionnel a reconnu que l'on pouvait prendre en compte, dans le calcul des pensions de retraite des femmes certaines inégalités et prévoir, en conséquence, des règles distinctes pour les femmes et pour les hommes.

Par ailleurs, on a l'habitude de parler de la décision de la Cour de cassation. Or, il s'agit de décisions de sa deuxième chambre civile, qui ne traite pas habituellement de tels dossiers.

PermalienJean-Louis Dutour

A la Cour de cassation, il y a des chambres spécialisées : criminelle, sociale, civile, etc. Mais, depuis quelques années, un certain nombre de dossiers relatifs à la protection sociale ont été confiés à la chambre civile, pour cause d'encombrement de la chambre sociale. En l'occurrence, la chambre sociale n'aurait peut-être pas tenu le même genre de raisonnement.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Dans l'affaire en question, les personnes concernée dossier étaient tous deux enseignants. Ils avaient les mêmes conditions de vie professionnelle, ils ont participé à l'éducation de leurs enfants d'une façon équivalente. Le père a avancé qu'il les avait amenés à l'école, au cours de danse, etc. Il aurait été discriminé dans sa vie de travail, comme sa femme ?

PermalienMijo Isabey

Il n'a pas fait la preuve de la discrimination que la MDA est censée corriger. Cela dit, encore une fois, nous considérons que l'éducation n'a pas à être prise en compte et que c'est le fait d'être mère qui justifie une différence de traitement entre les hommes et les femmes.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Le problème est que l'on s'est fondé sur la différence de traitement entre hommes et femmes pour remettre en cause des règles qui tendaient pourtant à rétablir l'égalité.

PermalienJean-Louis Dutour

A ce propos, on ne peut que s'inquiéter en comparant la version de l'article 38 du PLFSS dont nous disposions depuis quelques jours et celle que vous venez de nous communiquer. Initialement, le début du II était ainsi rédigé : « Une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres est attribuée, pour chaque enfant mineur, à ses parents, au titre de son éducation … » On lit maintenant : « Il est institué au bénéfice du père ou de la mère assuré social une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres, … » Le père est mentionné en premier !

PermalienMijo Isabey

Lors des rencontres avec le ministre, lors de nos auditions ou à la CNAV, tout le monde était d'accord pour ne pas toucher aux droits des femmes et faire en sorte que les huit trimestres leur reviennent, même si on était obligé de procéder à quelques modifications pour tenir compte des jugements rendus. Or je constate qu'on ne garantit pas aux femmes que tous les trimestres leur reviendront, puisque l'on ouvre aux hommes la possibilité de bénéficier de trimestres supplémentaires à leur place.

Le II de l'article 38, dans la première version, disposait que la majoration au titre de l'éducation était attribuée « à la mère de l'enfant » sous réserve des troisième à cinquième alinéas. Ceux-ci autorisaient le partage d'un commun accord et, en cas de désaccord, prévoyaient que la majoration serait « attribuée à celui des deux parents qui [établirait] avoir contribué à titre principal à l'éducation de l'enfant pendant la période la plus longue ou, à défaut, partagée par moitié. »

PermalienJean-Louis Dutour

Selon la nouvelle rédaction, « Il est institué au bénéfice du père ou de la mère… » une majoration et « Les parents désignent d'un commun accord le bénéficiaire de la majoration (…) En cas de désaccord exprimé par l'un ou l'autre des parents (…), la caisse désigne celui des parents qui établit avoir contribué à titre principal à l'éducation de l'enfant pendant la période la plus longue ou, à défaut, décide que la majoration sera partagée par moitié entre les deux parents. »

Par cette modification, on confie à la caisse le soin de désigner le parent qui bénéficiera de la majoration de quatre trimestres liée à l'éducation.

PermalienMijo Isabey

La Cour européenne des droits de l'homme admet les différences de traitement s'il y a inégalité de situation pendant la vie active. Il faut développer cet argument, en insistant sur la maternité, l'accouchement et les inégalités.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Mais le projet est déjà écrit, même si des amendements sont possibles ! Pour la première fois, la Délégation prendra la parole dans le cadre du PLFSS, mais nous n'avons pas de garantie que cette majoration sera maintenue aux femmes dans son intégralité.

PermalienMijo Isabey

On ouvre la porte à l'octroi de trimestres supplémentaires à tous les hommes qui ont des enfants.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Je crois profondément à la communication mais vous êtes seuls, avec la CFTC, sur cette position.

PermalienMijo Isabey

Comme je l'ai dit au début de cette audition, nous souhaitons ne pas accentuer la différence entre le secteur privé et le secteur public. Il nous semble néanmoins opportun de reconnaître huit trimestres de MDA aux femmes du privé et quatre trimestres de bonification aux femmes du public. Si ces avantages viennent en réparation des inégalités subies au cours de la vie active, la différence se justifie dans la mesure où ces inégalités sont moins importantes dans le public que dans le privé. En défendant cette revendication, nous n'oublions cependant pas qu'en 2003, il y a eu de profondes remises en cause des bonifications, qui ont affecté la retraite des femmes.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

J'ai vu plusieurs fois le ministre et je ne comprends toujours pas la précipitation avec laquelle on a réagi à l'arrêt de la Cour de cassation. On m'a dit que de très nombreux hommes faisaient la même demande…

PermalienMijo Isabey

C'est possible : en raison du durcissement des conditions pour obtenir une retraite à taux plein, certains hommes se rendent compte qu'ils risquent de ne pas avoir le nombre d'annuités suffisant.

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a ensuite procédé à l'audition de Mme Annie Rosès, directrice de la retraite et du contentieux à la CNAV et de M. Vincent Poubelle, directeur chargé des statistiques et de la prospective.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Je vous remercie d'avoir accepté cette audition, mais je ne vous cache pas que j'aurais aussi aimé rencontrer votre présidente.

Nous avons des questions à vous poser sur le projet de réforme de la MDA.

Selon vous, le régime transitoire, qui concerne les enfants nés avant 2010, répond-il aux prescriptions européennes en matière d'égalité des sexes ? Est-il de nature à éviter les recours ultérieurs ?

Quelles sont les raisons qui ont conduit à retenir la durée de quatre ans pour opérer le choix du partage de la MDA entre les parents ? En cas de conflit entre eux, sur quels critères les caisses s'appuieront-elles pour affecter la MDA à l'un ou à l'autre des deux ? La formulation « la caisse désigne celui des parents … » vous paraît-elle adaptée ? La mention selon laquelle il ne peut être revenu sur le choix des parents sera-t-elle de nature à écarter les recours ?

Peut-on imaginer qu'en cas de conflit, la MDA revienne à la mère, comme cela était initialement envisagé ?

PermalienAnnie Rosès

Je répondrai à vos questions sur la base des informations dont nous disposons à l'heure actuelle, en particulier du projet de PLFSS dans sa version transmise pour avis à notre conseil d'administration. Les contentieux qui ont abouti à l'arrêt défavorable de la Cour de cassation, en date du 19 février 2009, sont fondés sur la Convention européenne des droits de l'homme, plus précisément sur un article très général traitant de la non-discrimination – l'article 14.

Je ne peux pas vous assurer qu'il n'y aura pas de contentieux dans le cadre du nouveau dispositif. Son objectif est de garantir une MDA de huit trimestres aux femmes dont les enfants sont déjà nés et qui ont pris en compte, pour leurs choix de carrière, cette majoration qui vient en compensation des inégalités de carrière, et donc de retraite, dont elles sont victimes. Le fait que la MDA pourra être attribuée au père, dans des conditions certes restrictives, et que le législateur prenne des dispositions différentes pour l'avenir – puisque la MDA pourra alors éventuellement être partagée entre le père et la mère –, peut amener le juge à considérer que les pouvoirs publics français ont tenu à régler le problème qui se posait, en prenant en compte la jurisprudence, mais sans remettre en cause les droits des femmes qui avaient déjà intégré dans leur stratégie de carrière et de retraite le bénéfice de la MDA.

Cela me semble pouvoir être plaidé en cas de contentieux, mais je ne peux bien entendu pas prédire dans quel sens iront les jugements qui pourront être prononcés en la matière.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Avez-vous eu connaissance d'un nombre important de recours formés par des hommes, ce qui pourrait expliquer la « précipitation » du Gouvernement à répondre à la Cour de cassation ?

PermalienAnnie Rosès

L'arrêt Kierzkowski du 19 février a été suivi d'autres arrêts, notamment en juillet, ce qui a laissé penser que la jurisprudence de la Cour de cassation était bien établie. Je précise qu'il s'agissait toujours de la même chambre, la chambre civile et non de la chambre sociale.

Dans le cas de l'arrêt Germenot de 2006, il s'agissait d'un père qui avait élevé seul ses enfants. Dans les autres cas, il s'agissait de pères qui revendiquaient le bénéfice d'une majoration de retraite au même titre que les mères.

Cette jurisprudence a conduit les pouvoirs publics à essayer de trouver les moyens pour que les recours ne s'amplifient de façon exagérée. Je pense que, si on laisse la situation perdurer pendant plusieurs mois ou plusieurs années, les cas se multiplieront. Or, la majoration étant selon cette jurisprudence de huit trimestres pour le père et de huit trimestres pour la mère, il en résulterait un coût non négligeable.

Pour autant, pour le moment on ne peut pas parler de raz-de-marée. Nous avons comptabilisé entre quatre-vingts et cent litiges au niveau de la branche retraite, à tous les degrés de juridiction : depuis la commission de recours amiable, le tribunal des affaires de la sécurité sociale et jusqu'à la cour d'appel. Mais si les recours se multiplient auprès des commissions de recours amiable, ces dernières risquent de considérer qu'elles peuvent faire droit aux demandes en appliquant la jurisprudence de la Cour de cassation, d'où un risque de dérives importantes et un coût élevé pour le régime. Il importe donc de ne pas laisser « traîner » la situation.

Vous avez demandé les raisons qui ont fait retenir une durée de quatre ans. Dans le dispositif que propose le PLFSS, il y a deux majorations de durée d'assurance pour enfants : la première, de quatre trimestres, servie au titre de la maternité – grossesse et accouchement – ; la deuxième, de quatre trimestres également, servie au titre de l'éducation. Pour que cette notion d'éducation ait un sens, elle doit s'établir sur une certaine durée. C'est en tout cas la raison qui a été mise en avant par les pouvoirs publics lors de la présentation du PLFSS. Quatre trimestres, quatre années : le dispositif a pour lui une certaine logique. Certains ont proposé de retenir plutôt une période de trois ans, qui est la durée du congé parental et qui correspond à l'âge d'entrée à l'école maternelle. Ce sera au législateur d'apprécier.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Cette période de quatre ans me paraît déjà très courte. Imaginez que les parents divorcent sept ou huit ans après la naissance des enfants et après avoir déclaré qu'ils avaient participé l'un et l'autre à l'éducation des enfants. La femme se retrouvera seule avec ses enfants, qu'elle élèvera jusqu'à l'âge de vingt ans, dans des conditions de carrière difficiles. Est-il possible de revenir en arrière ?

PermalienAnnie Rosès

Le projet précise que : « La décision, y compris implicite, des parents ou l'attribution de la majoration selon les modalités prévues aux alinéas précédents ne peut être modifiée ». On pourrait prendre en compte certains cas d'impossibilité liés à la carrière, mais pas la situation que vous évoquez. Lorsque les trimestres ont été répartis, ils sont portés sur les relevés de carrière à titre définitif. Il convient en effet de sécuriser le dispositif.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Le mari peut partir avec les trimestres et sans les enfants…

PermalienVincent Poubelle

Je voudrais revenir sur les raisons du choix de la période de quatre ans. Il avait été, au départ, envisagé de subordonner le partage des trimestres à une condition d'interruption d'activité. On s'est aperçu que les femmes s'arrêtaient très fréquemment dans les deux, trois ou quatre ans après la naissance des enfants, et l'on a remarqué que, plus on allongeait le délai pris en compte à partir de la naissance, plus nombreux seraient les hommes pouvant justifier d'une interruption d'activité. C'est la raison pour laquelle la période de quatre ans avait été retenue.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Sans choisir une période trop longue, on pourrait accepter que, dans certains cas particuliers comme le divorce ou l'abandon de famille, la décision puisse être réétudiée.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

On est en train de construire une « usine à gaz » comme cela a été fait pour les majorations dans le secteur public et, dans quelques années, nous devrons en répondre à nouveau devant les instances européennes !

PermalienAnnie Rosès

Il faudra arrêter les critères permettant de déterminer, en cas de conflit ou de désaccord, celui des deux parents qui a contribué à titre principal à l'éducation des enfants. Nous allons devoir, avec les pouvoirs publics, établir une liste de justificatifs pour ne pas laisser la décision à la subjectivité des caisses et pour réduire autant que possible la marge d'interprétation. On peut très bien imaginer qu'une interruption d'activité après la naissance – congé parental, affiliation à l'AVPF (assurance vieillesse des parents au foyer), congé sans solde, etc. – soit considérée comme un élément probant pour déterminer que le parent qui a pris ces congés a contribué à titre principal à l'éducation de l'enfant.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Je suis opposée à tout dispositif lié à l'arrêt d'activité qui incite les femmes à quitter leur travail. Il faut trouver le moyen de leur permettre de continuer à travailler à temps plein – si elles le désirent – même lorsqu'elles ont des enfants.

Par contre, on pourrait imaginer que les caisses qui auront à désigner le parent ayant contribué à titre principal à l'éducation des enfants demandent au père de prouver qu'il a arrêté son travail pendant un certain temps.

PermalienAnnie Rosès

Il faudra que nous disposions de critères et de justificatifs objectifs. Nous sommes opposés, au fait de laisser une marge d'interprétation aux caisses. Celles-ci désigneront le parent sur la base de justificatifs ou de situations très précisément énumérées. Il peut y avoir des séparations pendant cette période de quatre ans. La femme peut interrompre son activité pour se consacrer à l'enfant, etc. Nous travaillons sur les critères à prendre en compte, car il n'est pas question de transformer les caisses en juges de paix. Il faudra un décret d'application.

PermalienPhoto de Edwige Antier

Si aucun des deux parents ne prend de congé parental, quelles données objectives faudra-t-il prendre en compte ? Supposez que le mari mène sa carrière tambour battant et, gagnant plus que sa femme, lui fasse valoir qu'ils pourront tous deux vivre sur sa retraite à lui. Après quatre ans, ils divorcent alors qu'elle a mis sa carrière en veilleuse…Que se passera t-il ?

PermalienAnnie Rosès

Dès lors que l'on ne pourra pas établir lequel des deux parents a contribué à titre principal à l'éducation des enfants, le texte précise que la majoration sera partagée par moitié.

Par ailleurs, le fait de prendre en compte une période proche de la naissance diminue le risque d'un effet d'aubaine qui profiterait au père. Cet effet d'aubaine serait en revanche très fort si le choix pouvait être fait quelques années avant l'âge de la retraite, par exemple, à soixante ans.

PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

En cas de séparation ou de divorce, le juge ne pourrait-il pas, déjà, donner une orientation ? Lorsque l'on est proche de la retraite, on sait à quoi s'en tenir, mais ce n'est pas le cas lorsque l'on a trente ou trente-cinq ans. Fournira-t-on des récapitulatifs pour informer les intéressés ?

Si par malheur la mère décède au moment de l'accouchement, que peut revendiquer le père ?

PermalienAnnie Rosès

Pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010, il est clair que, si le père a élevé seul ses enfants de la naissance à l'âge de quatre ans, il se verra attribuer la majoration de quatre trimestres liée à l'éducation – mais non, bien évidemment, les quatre trimestres liés à la grossesse et à l'accouchement. Pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2010, ce n'est pas expressément prévu, mais il serait assez logique qu'il en soit de même.

Votre première question renvoie à une notion qui s'impose de plus en plus, au niveau européen : celle du caractère patrimonial des droits à retraite. Dans certains pays, l'Allemagne en particulier, en cas de liquidation du patrimoine, notamment au moment du divorce, le juge prend en compte les éléments de retraite de chacun des conjoints. Mais notre droit ne le prévoit pas. En cas de divorce, le montant éventuel de la retraite peut être invoqué par l'un des deux conjoints ou par les deux, mais cela sert à évaluer la pension alimentaire et la capacité de chacun des conjoints de la recevoir ou de la payer.

Une fois la loi votée et publiée, la CNAV mettra en place les éléments d'information nécessaires pour que le maximum de personnes soit au courant du dispositif adopté.

On saura, dans les six mois suivant le quatrième anniversaire de l'enfant, à qui seront affectés les quatre trimestres de majoration : soit attribués en totalité à la mère, soit partagés entre la mère et le père, soit partagés à part égale en cas désaccord entre le père et la mère et si la caisse n'a pu déterminer qui a assuré à titre principal l'éducation de l'enfant. A partir de là, ils pourront être lportés sur le relevé de carrière, qui est accessible tout au long de l'année sur le site Internet de la CNAV et envoyé systématiquement aux intéressés tous les cinq ans à partir de l'âge de trente-cinq ans.

PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

Allez-vous informer les assurés ou bien attendre qu'ils se manifestent ?

PermalienAnnie Rosès

Nous n'avons pas encore approfondi le sujet, car nous attendions de disposer d'une version stabilisée du texte pour commencer à travailler sur les éléments de recueil, de communication et de stockage de l'information. Ce n'est pas simple : à la naissance de l'enfant, il faut déterminer le terme du délai de quatre ans, prendre en compte les indications venues des parents pendant ce délai, attendre que soient passés six mois après le quatrième anniversaire de l'enfant et reporter ces informations.

Je pense que nous privilégierons une communication générale, aussi large que possible. On ne peut pas dispenser une information individuelle à chaque personne susceptible d'avoir un enfant, d'autant que, dans la branche retraite, nous ne gérons pas les adresses tout au long de la vie. Ce sera ensuite aux personnes de se manifester et de venir nous dire : nous avons décidé de partager, etc. De toute façon, en cas de silence pendant quatre ans, c'est la mère qui se verra attribuer les quatre trimestres.

PermalienPhoto de Edwige Antier

Nous avons parlé de la grossesse, mais je crois qu'il faut aussi parler de l'allaitement. Le programme national « Nutrition Santé » indique la meilleure façon de nourrir un enfant : un allaitement complet jusqu'à six mois, avec sevrage à un an. Vous allez me dire que ce n'est pas possible d'allaiter en travaillant. En France, non, mais en Suède, oui, alors que les femmes travaillent autant que chez nous ! Je pense que l'allaitement pourrait entrer dans les critères pour la deuxième année de la MDA. Certes, toutes les femmes ne peuvent pas allaiter, mais cela constituerait un encouragement à l'allaitement maternel. De même, le congé parental pourrait constituer un critère. Les hommes s'apercevraient qu'ils auraient intérêt à en prendre.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Initialement, on avait envisagé que la MDA revienne à la mère en cas de conflit. Or ce n'est plus le cas. Comment faire ?

PermalienAnnie Rosès

Si l'on veut éviter des contentieux, il faut donner un signe en prévoyant par exemple que, dans un certain nombre de cas, le père pourra bénéficier de quelques trimestres de majoration de durée d'assurance. Si l'on maintient un système dans lequel les trimestres reviennent systématiquement à la mère, on nous opposera la discrimination hommes-femmes, y compris pour l'avenir.

PermalienPhoto de Edwige Antier

Le parcours vers l'adoption est long, et la femme doit souvent suivre des traitements lourds contre la stérilité avant de s'y résoudre. Ce parcours doit être reconnu.

PermalienAnnie Rosès

Le III du texte proposé pour article L. 351-4 du code de la sécurité sociale prévoit le cas de l'adoption. Il y aurait une majoration de quatre trimestres accordée aux parents adoptifs au titre de l'accueil de l'enfant et des démarches. Ils désigneraient d'un commun accord le bénéficiaire de la majoration ou, le cas échéant, définiraient ensemble la répartition entre eux de cet avantage. Les quatre trimestres accordés au titre de l'éducation pourrait aussi être partagés ? Il nous semble que oui, mais je vous dis cela sous toutes réserves.

PermalienAnnie Rosès

Je reconnais que le III de l'article 38, sur l'adoption, mériterait d'être clarifié.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

On pourrait imaginer d'amender l'alinéa : « La décision, y compris implicite des parents ou l'attribution de la majoration selon les modalités prévues aux alinéas précédents, ne peut être modifiée. » pour viser certains cas particuliers, lorsque l'un des deux parents se retrouve seul, au-delà du délai prévu.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

J'aimerais que vous disiez quelques mots du VIII de l'article L. 351-4, relatif à la non-prise en compte des majorations dans les durées validées pour les départs anticipés.

PermalienAnnie Rosès

Pour les retraites anticipées – le cas le plus courant est celui des carrières longues–, il y a trois critères : un critère de durée d'assurance totale, qui est la durée d'assurance normale retenue pour le taux de la pension; un critère de durée cotisée, à l'intérieur de cette durée d'assurance totale ; un critère d'activité avant seize ou dix-sept ans.

Le VIII exclut de la durée totale validée les majorations de durée d'assurance pour enfants, qui sont normalement incluses dans la durée d'assurance retenue pour le taux ; le congé parental ; l'AVPF et la majoration de durée d'assurance au titre de l'éducation d'un enfant handicapé.

Cet article a sans doute été conçu pour éviter un effet d'aubaine dans le cas où les hommes bénéficieraient de trimestres de MDA. Comme ce sont les pères qui, en général, remplissent, plus que les femmes, les critères d'obtention de la retraite anticipée, ils auraient pu s'accorder ces trimestres pour bénéficier des dispositions en faveur des carrières longues.

Faut-il exclure seulement une partie des trimestres de MDA ? On pourrait imaginer conserver les quatre trimestres au titre de l'accouchement dans la durée d'assurance totale prise en compte pour la retraite anticipée. En revanche, on pourrait ne pas retenir les trimestres au titre de l'éducation puisque ce sont ceux-là qui pourraient être partagés entre le père et la mère, ou donnés en totalité au père.

Cette mesure semble s'appliquer à la fois pour les enfants nés avant et après le 1er janvier 2010. On pourrait envisager que ce dispositif nouveau ne s'applique que pour l'avenir. En effet, c'est introduire, s'agissant de ces retraites anticipées, une restriction qui n'existait pas dans le dispositif tel qu'il a été conçu en 2003-2004.

Par ailleurs, exclure la majoration de retraite au titre de l'éducation d'un enfant handicapé – qui bénéficie aux deux parents – aura peu d'incidences, étant donné le faible nombre de parents concernés, mais, en termes d'affichage, cela semble excessif.

PermalienVincent Poubelle

En dehors de ce dernier cas, le VIII aurait comme incidence, pour exclure des hommes, d'exclure aussi des femmes de la retraite anticipée. En 2010, 900 femmes seraient ainsi obligées de décaler leur départ en retraite d'un an. Je ne connais pas le nombre des pères qui seraient exclus.

PermalienPhoto de Edwige Antier

Le pourcentage des enfants handicapés élevés uniquement ou en grande majorité par leur mère est considérable. Ces mères n'auraient donc pas de compensation, au moment de leur retraite, pour le temps qu'elles ont consacré à cet enfant ?

PermalienVincent Poubelle

Pour ces derniers, nous ne disposons pas de chiffres. Mais je suis assez d'accord : il serait choquant d'exclure les parents d'enfants handicapés de la prise en compte de la majoration de durée d'assurance pour leur permettre d'anticiper leur départ.

PermalienAnnie Rosès

Les personnes handicapées subiraient une double peine : les majorations pour enfant seraient exclues de la durée totale validée pour le dispositif de retraites anticipées existant pour les adultes handicapés et il en irait de même de la majoration spécifique qui existe pour l'éducation d'un enfant handicapé pour les deux dispositifs de départ anticipé.

PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Ce n'est pas normal, surtout qu'il ne s'agit pas de sommes considérables.

La séance est levée à dix-neuf heures vingt.