a introduit son propos en rappelant pourquoi l'Union européenne s'est dotée d'une « directive relative aux services dans le marché intérieur ». La directive sur les services s'inscrit dans le cadre général de la réalisation du Marché unique, puisqu'elle vise à concrétiser l'une des quatre libertés fondamentales inscrites dans le traité de Rome. Elle s'inscrit également dans la « stratégie de Lisbonne ». Le constat de départ était le suivant : alors que les services représentent 70 % du PIB de l'Union européenne, les échanges de services ne représentent que 20 % des échanges commerciaux au sein de l'Union. Les échanges de services au sein de l'Union représentent moins de 5 % du PIB de l'UE, alors que depuis 2007 le volume de PIB produit par les activités de services dépasse le PIB lié à l'industrie manufacturière.
Le rapporteur a ensuite indiqué que la présente communication est une nouvelle étape dans le suivi attentif que la Délégation a effectué depuis la présentation de la proposition initiale de la Commission.
L'adoption de la directive en décembre 2006 n'a pas constitué la fin du processus, mais le début d'une seconde phase, plus longue : la phase de transposition. C'est à ce stade que l'on se trouve aujourd'hui. L'étape de la transposition en droit national est cruciale. Et elle est extrêmement difficile. Pourquoi ? Chaque Etat membre doit transposer la directive dans un délai de trois ans, ce qui est bref vu le nombre important de secteurs, d'activités et de textes concernés. Mme Evelyne Gebhardt, la rapporteure du Parlement européen sur cette directive, a estimé que respecter ce calendrier va être difficile. Son collègue, M. Jacques Toubon, a quant à lui considéré que ce délai ne sera sans doute pas tenu. Les services de la Commission ont confirmé cette crainte : la chef d'unité en charge du suivi de la directive, interrogée par les rapporteurs à la fin du mois de juin 2008, a déclaré que la Commission a le sentiment que les Etats prennent du retard, y compris la France.
La première difficulté tient au fait que chaque Etat doit dresser la liste exhaustive des textes devant être modifiés : lois, décrets, arrêtés, etc… D'autre part, et c'est le second problème majeur, la transposition comporte le risque que chaque Etat interprète différemment les dispositions de la directive. Or des différences d'interprétation impliquent des différences dans l'application du texte, ce qui pourrait être préjudiciable à la réalisation effective du marché unique des services, qui est l'objectif final.
Les gouvernements et les parlementaires des Etats membres ont une responsabilité majeure à assumer : celle de veiller à ce que la directive soit transposée dans le délai imparti, et transposée de manière complète et exacte.
A ce stade, il n'appartient pas à la Délégation d'examiner dans les détails le contenu de la directive. Il appartient en revanche à la Délégation de suivre l'évolution des travaux de transposition en ce qui concerne la méthode choisie par les autorités françaises, le respect du calendrier, la manière dont s'opère la coopération ou la concertation avec les autres Etats membres et avec la Commission européenne, et de signaler les principales difficultés auxquelles le processus de transposition risque de se heurter. Tel est donc l'objet des travaux des rapporteurs, qui se poursuivront dans les mois à venir.
La directive a été définitivement adoptée le 12 décembre 2006, et publiée au Journal Officiel le 27 décembre 2006. Les Etats membres disposaient dès lors d'un délai de trois ans pour la transposer, courant jusqu'au 28 décembre 2009. Il reste donc moins d'un an et demi avant l'expiration du délai. Où en sont les Etats membres ?
Les services de la Commission européenne ont présenté à l'occasion du Conseil « Compétitivité » des 29-30 mai 2008 une note d'information sur l'état des travaux de transposition de la directive « services ». La Commission s'est engagée à faire rapport de manière périodique au Conseil des ministres « Compétitivité » sur les progrès réalisés et sur les difficultés rencontrées. Le rapport présenté fin mai souligne que la mise en oeuvre de la directive « services » est une tâche extrêmement lourde pour les Etats, car elle requiert non seulement d'introduire des changements dans leurs législations, mais aussi de mener à bien plusieurs chantiers de grande envergure : la mise en place des « guichets uniques », la création d'un système de coopération administrative entre Etats membres, et un passage en revue exhaustif de la législation nationale existante.
S'agissant des « guichets uniques », le rapport relève que le travail dans les Etats membres s'est jusqu'à présent concentré sur des questions organisationnelles, car les Etats doivent commencer par décider quelles structures – existantes ou à créer – vont jouer ce rôle. Les « guichets uniques » ont donné lieu à de nombreuses discussions entre les Etats membres et la Commission, car il s'agit d'un dispositif destiné à être visible et concret pour les Européens. La France a sur ce point l'avantage de disposer d'ores et déjà des centres de formalités des entreprises, liés au réseau des chambres de commerce et d'industrie, et qui vont servir de base au dispositif.
Le deuxième volet de la transposition évoqué par le rapport de la Commission est celui des procédures électroniques. En effet, l'un des objectifs de la directive est de permettre aux prestataires de services d'accomplir les formalités nécessaires à l'exercice de leur activité par des moyens électroniques. Ainsi, des procédures électroniques devraient être créées aussi bien pour les nationaux de chaque Etat membre que pour les prestataires originaires d'autres Etats membres. La notion de « e-government » ou « gouvernement électronique » est une priorité politique depuis plusieurs années au niveau européen, mais la directive « services » en fait une obligation légale contraignante.
Dans ce domaine également, les situations nationales sont très contrastées. Dans certains Etats membres, il existe déjà des procédures électroniques, de portée nationale, mais ces Etats rencontrent des problèmes techniques pour leur donner une dimension transfrontalière. La Commission souligne que ce volet de la directive ne pourra devenir une réalité sans une volonté politique ferme et l'affectation de moyens suffisants dans tous les Etats membres.
Le troisième volet de la transposition est le « passage en revue », ou « screening », des législations nationales. La directive oblige les Etats membres à mener un recensement et une évaluation exhaustifs de leurs règlementations relatives aux activités de services, l'objectif étant de simplifier ou de supprimer celles qui ne sont pas justifiées. Plus précisément, il s'agit d'identifier les régimes d'autorisation qui devront faire l'objet de dispositions législatives ou règlementaires pour assurer leur compatibilité avec la directive. Une estimation qui a été communiquée au Conseil « Compétitivité » du mois de mai évoque au moins 5 000 textes concernés par la transposition de la directive pour l'ensemble des 27 Etats membres.
Enfin, le quatrième et dernier volet est l'obligation pour les Etats membres de se fournir une assistance mutuelle pour la mise en oeuvre effective de la directive. Le texte prévoit que les Etats membres doivent coopérer avec la Commission pour développer un système électronique permettant aux autorités nationales de se contacter directement pour échanger facilement des informations. Sur cette base, les Etats sont actuellement en train de travailler avec la Commission pour « greffer » sur le système en cours d'élaboration appelé IMI (Internal Market Information System) une « branche » consacrée aux services. Un projet-pilote sera lancé au début de l'année 2009. Il reste aux Etats membres à désigner les organes et administrations qui vont participer à ce réseau et à assurer une formation préparatoire à ces administrations.
Le rapporteur a ensuite présenté un résumé des conclusions d'une enquête publiée en janvier 2008 par l'association européenne des Chambres de commerce et d'industrie, Eurochambres, qui apporte des éléments intéressants de comparaison entre Etats sur l'état d'avancement des travaux de transposition de la directive.
Cette étude montre notamment que les structures chargées de préparer la transposition varient d'un pays à l'autre ; il peut s'agir d'organes interministériels ou de structures administratives ad hoc, comme au Danemark, en République tchèque, en Estonie, en Lettonie, à Malte, en Espagne, ainsi qu'en France où une structure interministérielle a été co-organisée par le SGAE et le ministère de l'Economie ; il peut s'agir d'un ministère « pilote » travaillant en collaboration avec les autres ministères concernés ; il peut s'agir de « groupes de travail » pouvant inclure des représentants des organisations professionnelles, comme à Chypre, en Suède et au Royaume-Uni ; il peut aussi s'agir de séminaires ou de sessions de formation organisés par le ministère en charge et destinés aux acteurs économiques. Le cas des Etats fédéraux est plus complexe. En Belgique, des structures administratives ont été établies aux différents niveaux de gouvernement. En Allemagne, un groupe de travail réunit des représentants du gouvernement fédéral et des représentants de chacun des Länder.
L'enquête indique que pour certains pays, l'établissement des « guichets uniques » semble être le problème majeur de la transposition de la directive.
S'agissant du « passage en revue » de la législation en vigueur, le degré d'avancement de ce travail est très variable. En Italie, le « screening » n'a commencé qu'en novembre 2007, alors qu'au même moment il était en voie d'achèvement en Finlande et au Danemark. La méthode choisie pour mener cet examen de la législation est également différente d'un pays à l'autre, mais dans une majorité d'Etats chaque ministère se voit confier la responsabilité d'effectuer le « screening » dans son domaine de compétence.
Enfin, l'enquête indique que les gouvernements nationaux prennent part aux réunions du groupe de travail mis en place par la Commission européenne, et que des échanges de vues sur la transposition de la directive ont également lieu dans d'autres cadres, notamment dans le cadre d'un dialogue bilatéral très actif entre Etats membres. Mais tout ceci ne permet pas d'augurer le respect du délai de transposition.
a poursuivi la présentation en évoquant le travail de la rapporteure du Parlement européen, Mme Gebhardt, et en exposant la situation française ainsi que les problèmes liés à la définition du champ d'application.
Les rapporteurs ont salué le travail remarquable accompli par Mme Gebhardt, qui a réussi à élaborer un accord entre les groupes politiques du Parlement européen pour éliminer le « principe du pays d'origine » et sortir la directive de l'ornière. Elle a ainsi « rebâti » la directive, accomplissant ce que la Commission n'est pas parvenue à faire. Malgré ce travail, il reste un certain nombre d'incertitudes sur le champ d'application de la directive. Les rapporteurs ont perçu à cet égard une divergence d'appréciation entre Mme Gebhardt et la Commission qui est tentée de promouvoir une interprétation extensive, notamment dans le domaine social. Mme Gebhardt a décidé de continuer son travail sur cette directive et d'en suivre la mise en oeuvre ; elle présentera un rapport à l'automne.
M. Christophe Caresche a souligné, s'agissant de l'application de la directive, qu'il ne s'agit pas de démanteler la réglementation d'un certain nombre de professions. Ainsi, pour exercer en France le métier de coiffeur, il faudra toujours posséder un diplôme de coiffure. Le but est que des prestataires de l'Union européenne puissent venir travailler en France et que des prestataires français puissent aller travailler ailleurs dans l'Union européenne. L'objectif est de rendre possible et de faciliter le travail des entreprises européennes sur l'ensemble du territoire de l'Union. Il reviendra aux commissions compétentes du Parlement d'examiner les mesures législatives de transposition.
La situation française est marquée par un contexte, notamment politique : on se souvient des oppositions extrêmement fortes que la proposition de directive avait fait naître au moment du référendum en 2005, et des inquiétudes autour de la polémique sur le « plombier polonais ». Le droit français étant très complexe, cette transposition constitue l'occasion de mener un travail transversal de modernisation et de simplification.
En juin 2006, le ministère de l'Economie a été désigné comme ministère « pilote », et une mission interministérielle a été créée en mars 2007. Cette structure, dirigée par Mme Marie-José Palasz, est une petite équipe – quatre personnes – mais s'appuie sur un réseau d'une trentaine de correspondants dans l'ensemble des ministères concernés, c'est-à-dire dans tous les ministères sauf les Affaires étrangères et la Défense. Le rôle de la mission interministérielle est de piloter les travaux, d'assurer leur cohérence, mais pas d'opérer elle-même la transposition. Chaque ministère est responsable de l'établissement de la liste des régimes d'autorisation existant dans son secteur, de la rédaction des textes nécessaires et des contacts à prendre avec les professions concernées.
Le travail de recensement par les ministères a commencé en avril 2007, et il semble en bonne voie. Plus de 600 régimes d'autorisation ont ainsi été identifiés. Le travail de la mission interministérielle, qui semble se dérouler dans de bonnes conditions, se fait en relation avec la Commission européenne, qui a d'ailleurs publié un guide, une sorte de « mode d'emploi » dépourvu de force juridique. Mme Gebhardt a exprimé des réserves sur le contenu de ce « mode d'emploi ».
Concernant les régimes d'autorisation identifiés lors du « passage en revue », il convient d'insister sur le fait que ces régimes ne vont pas être systématiquement et mécaniquement supprimés : la directive édicte des critères permettant aux Etats membres d'apprécier dans quelle mesure le maintien de chacun de ces régimes est justifié. Par ailleurs, même si le nombre de modifications législatives est encore inconnu, il sera nécessairement assez faible car en France beaucoup de régimes d'autorisation sont du domaine règlementaire. Pour autant, il serait très regrettable que le gouvernement français fasse le choix de demander au Parlement l'autorisation de transposer la directive par voie d'ordonnances.
La question la plus épineuse qui demeure est celle du champ d'application de la directive. La directive « services » à vocation a s'appliquer par défaut à toutes les activités de services non régies par d'autres textes communautaires, mais ce principe ne suffit pas à définir clairement son champ d'application réel, d'autant que les exclusions explicitement prévues par la directive ne sont pas contraignantes. Cette dernière remarque signifie que, s'agissant d'une activité figurant dans la liste des exclusions, les Etats membres peuvent décider de faire bénéficier les prestataires de ce service des mesures de simplification administrative qu'ils ont par ailleurs l'obligation de prendre pour les activités couvertes par la directive.
Parmi les questions en suspens concernant la délimitation du champ d'application, la principale est celle de l'exclusion relative aux services sociaux.
Comme l'indique l'avis rendu le 11 juin 2008 par le Conseil économique et social sur « les conséquences pour l'économie française de l'application de la directive ‘services' », le problème vient de ce que les services sociaux ne sont exclus du champ d'application de la directive que s'ils sont assurés « par l'Etat, par des prestataires mandatés par l'Etat ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l'Etat ». L'exclusion n'est donc pas définie par activité, mais en fonction des personnes qui exercent ces activités. Cette disposition soulève la question de la définition du mandatement. Est-ce le droit reconnu par la loi d'assurer un service social, ou bien l'obligation, établie par la loi, d'assurer ce service ? Chaque pays, et notamment la France, doit définir le champ de ce qu'il entend par « mandatement ». Il y a des frontières à établir.
Les rapporteurs ont ensuite présenté leurs propositions de conclusions, en soulignant qu'il y a un travail préalable important d'explication à fournir auprès des professions concernées, pour que celles-ci comprennent que la mise en oeuvre de la directive « services » peut avoir des conséquences très positives pour elles, compte tenu des performances de l'économie française dans le secteur des services.
, après avoir remercié les rapporteurs pour leurs explications, a souligné que c'était la première fois qu'une directive avait suscité autant d'intérêt dans l'opinion publique, à tort et à raison. Ce texte est ambigu à bien des égards. Il concerne en fait deux libertés fondamentales : la libre prestation de services et la liberté d'établissement. Il faut relativiser sa portée, qui fige une jurisprudence datant des années 1970 sur l'applicabilité directe de ces deux libertés. Cependant, ce texte n'est pas neutre, il va au-delà du droit existant, en prévoyant un passage en revue de l'ensemble des législations pour examiner leur conformité à la libre prestation de services et à la liberté d'établissement.
Il convient d'être attentif aux effets de la directive. Elle doit être articulée avec la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, qui vient d'être transposée. Si l'on prend aussi en compte les travaux de la DG Concurrence sur les professions réglementées, cela peut aboutir à un cocktail explosif, particulièrement pour la France, où le nombre de professions réglementées est le plus élevé d'Europe. Ainsi, la France a longtemps été la seule à réglementer la profession d'administrateur et de mandataire judiciaires mais aujourd'hui, d'autres Etats membres vont dans le même sens. Il faut avoir une approche au cas par cas au lieu d'aller systématiquement vers la déréglementation.
De nouvelles directives sectorielles sont nécessaires. Il est par exemple regrettable que les notaires n'appuient plus l'adoption d'une directive sur le notariat en Europe.
La question du champ d'application est très importante ; il faut déterminer si celui-ci doit concerner des activités ou des professions. Selon la France, il faut tenir compte de l'article 45 du traité, ce qui exclut les huissiers, les mandataires judiciaires. La Commission européenne a une conception différente.
En France, il faudrait que le gouvernement aille au-delà de la pédagogie avec les professionnels et qu'il les associe pleinement aux travaux de transposition. Cela éviterait bien des méprises, bien des conflits et bien des soucis.
Evoquant ensuite le rôle du Royaume-Uni dans le groupe de travail de la Commission et dans le dialogue bilatéral, alors que cet Etat était favorable au principe du pays d'origine et souhaitait aller plus loin que ce qui a été adopté, M. Daniel Fasquelle a estimé qu'il convenait de veiller à ce que l'équilibre atteint lors de l'adoption de la directive ne soit pas remis en cause au moment de sa transposition. Il a souhaité savoir si la France participait au groupe de travail mis en place par la Commission.
, prenant l'exemple de la profession de coiffeur, a souhaité des précisions sur les conditions dans lesquelles s'exercerait la liberté d'installation.
a observé que la délimitation des notions de liberté de prestation de services, de liberté d'établissement et de reconnaissance des qualifications professionnelles était délicate. Pour progresser, il faut agir sur ces trois volets.
Alors que chaque Etat va choisir les secteurs qu'il privilégiera dans l'application de la directive, ne serait-il pas préférable de fixer des priorités à l'échelle européenne et de demander aux Etats membres de progresser secteur par secteur ? En l'absence d'une telle démarche, il existe un risque de déphasage entre Etats membres. Il est étonnant qu'il n'y ait pas d'efforts d'harmonisation et de régulation et que la mise en oeuvre de la directive dépende du bon vouloir des Etats membres. Quelles sont les sanctions prévues pour d'éventuels retards de transposition ?
a souligné qu'en France, la réglementation de l'accès à certaines professions avait aussi pour objectif la protection des usagers.
, après s'être réjoui de l'initiative du suivi de la transposition de la directive « services » par la Délégation, a remercié les rapporteurs pour leur communication très équilibrée et objective. Compte tenu de l'historique de la directive, et de l'impact du débat sur le référendum de 2005, il existait un risque de ne l'appréhender que sous un angle négatif.
M. Jean-Claude Fruteau a ensuite indiqué qu'en tant que membre de la commission du marché intérieur du Parlement européen, il avait suivi de près les travaux préparatoires et qu'il avait pu apprécier la qualité du travail de Mme Gebhardt, qui est une grande amie de la France.
Lorsqu'on parle de « zones grises » à propos de la directive, il faut bien avoir à l'esprit que le processus législatif européen est très différent du nôtre. La règle de la majorité ne joue jamais, puisqu'un consensus relatif est toujours recherché, que ce soit au Parlement européen ou au Conseil. Le fait que la directive prévoie des exclusions mais qu'elles ne soient pas contraignantes pour les Etats s'explique par cette recherche de consensus.
Si l'on est favorable à l'achèvement du marché intérieur, la directive est indéniablement un progrès. Elle a fait l'objet d'améliorations très importantes au cours du processus d'adoption et Mme Gebhardt a beaucoup travaillé avec les Français. Elle a raison aujourd'hui de vouloir s'en tenir à la lettre de la directive, alors que la Commission européenne a une vision extensive.
Les délais de transposition constituent un défi, du fait de la complexité du travail à accomplir et du nombre de textes concernés. Il faudra être vigilant car le champ d'application comporte des « zones grises », notamment en matière sociale et médico-sociale. Il faut aussi veiller à ce que le Parlement français joue pleinement son rôle. La transposition ne doit pas se faire par ordonnances. Les parlementaires sont fréquemment interpellés par des professionnels inquiets, il serait anormal que la transposition échappe au Parlement. Il est également important qu'une concertation avec les professionnels soit organisée.
Même si elle présente des inconvénients et suscite des inquiétudes, la directive aura des effets positifs pour la France, qui est exportatrice de services dans l'Union européenne et dans le monde.
a précisé qu'aux termes de l'article 4 de la directive, on entend par service toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l'article 50 du Traité. Par ailleurs, en vertu du même article, un prestataire est toute personne physique ressortissante d'un Etat membre ou toute personne morale visée à l'article 48 du Traité et établie dans un Etat membre, qui offre ou fournit un service. Le destinataire est toute personne physique ressortissante d'un Etat membre ou toute personne morale qui, à des fins professionnelles ou non, utilise ou souhaite utiliser un service.
A partir de ces définitions, on peut avoir de cette directive une approche protectionniste ou bien au contraire la considérer comme une chance. Dans ce dernier cas, il s'agit pour nos prestataires d'avoir un champ d'application large et dès lors, on se heurtera à des difficultés de libre établissement et de prestation ainsi que de libre reconnaissance des compétences. Afin que la situation ne soit pas déséquilibrée, il faudrait qu'il y ait une approche convergente de tous les Etats membres. En tout état de cause, l'intervention des Parlements sera limitée dans la mesure où de nombreux textes relèvent du pouvoir réglementaire, ce qui restreint la portée des actes législatifs de transposition. Il faut noter que les contacts avec les professions sont abordés dans les Etats membres de façon très différente. Ainsi, dans les pays anglo-saxons, l'approche retenue associe les professionnels très en amont, alors qu'en France, chaque ministère a une relative liberté de négociation avec la profession, ce qui équivaut à environ 600 contacts, autant de régimes d'autorisation et donc de motifs d'inquiétude. Il a souligné que Mme Marie-José Palasz et ses collaborateurs pilotent avec l'appui d'un réseau l'application de la directive au niveau national. On peut évidemment s'interroger sur le point de savoir si ces moyens seront suffisants, mais il est trop tôt pour en juger.
a rappelé qu'en tout état de cause, la directive « services » est un élément central de la stratégie de Lisbonne et que la Commission européenne en attend beaucoup, en termes de dynamisme et de création d'emplois. La France aurait tort de passer à côté. Les difficultés d'application de la directive sont liées au fait qu'elle est le fruit d'un compromis et qu'elle a en fait buté sur la position de la Grande-Bretagne. Mme Evelyne Gebhardt a évoqué devant les rapporteurs la manière dont elle est parvenue à débloquer les discussions, en faisant une nouvelle proposition qui échappait à une définition secteur par secteur. La marge d'interprétation de la directive est par ailleurs liée à l'histoire de chaque pays, qui ont chacun des réglementations différentes. Le rapport de Mme Gebhardt viendra préciser les choses. Ainsi s'agissant des coiffeurs, il faut noter que cette profession est très attachée à la notion de qualification professionnelle, comme on l'a vu aux réactions à l'annonce des propositions contenues dans le rapport de la « commission Attali » sur la libération de la croissance française. Ils font notamment valoir qu'ils sont amenés à manipuler des produits dangereux et nocifs.
a précisé que cette profession est en quelque sorte victime d'une discrimination à rebours. Ainsi, pour s'installer en France, il est nécessaire d'être titulaire du brevet d'études professionnelles alors qu'en Allemagne, le niveau du certificat d'aptitude professionnelle est suffisant, ce qui permet à des professionnels allemands de s'installer en France. Cependant, dans la mesure où il s'agit de reconnaissance de diplômes, la directive « services » n'y changera rien.
Il a ensuite proposé, concernant le point 2 des conclusions, de préciser que les professionnels concernés doivent être associés.
et Emile Blessig, rapporteurs, se sont dits favorables à un ajout concernant l'association des professionnels aux travaux, et à la mention d'une meilleure articulation entre la directive « services » et la directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Ils ont aussi estimé nécessaire d'appeler le Gouvernement à clarifier rapidement la délimitation exacte du champ d'application de la directive.
a considéré qu'il n'est pas suffisant de raisonner dans un cadre national et que deux questions se posent : celle du pilotage de la mise en oeuvre de la directive « services » dans l'ensemble des Etats membres et celle du parallélisme de cette mise en oeuvre dans ces Etats.
a précisé que cette directive était une priorité forte de la Commission européenne et que, même si celle-ci était sur une orientation « libérale », elle avait déployé des moyens importants, qui lui permettent de suivre les travaux de transposition pays par pays.
A l'issue du débat, la Délégation a adopté les conclusions suivantes :
« La Délégation,
Vu la directive 2006123CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur,
Considérant que cette directive, d'une importance et d'une complexité particulières, prévoit que les Etats membres doivent en avoir achevé la transposition dans leur droit national avant le 28 décembre 2009,
1. Demande au gouvernement de poursuivre résolument les travaux préparatoires à la transposition de manière à ce que la France soit en mesure de respecter le délai imposé par la directive elle-même ;
2. Juge indispensable que, préalablement à l'adoption des mesures législatives et réglementaires de transposition, un large travail d'explication et de pédagogie soit effectué par les autorités françaises pour dissiper la confusion et les craintes que ce texte a pu susciter dans l'opinion publique et associer les professionnels concernés ;
3. Demande que, s'agissant des mesures de transposition de nature législative, le ou les projets de loi correspondants soient déposés sans retard sur le bureau des Assemblées, et que le Parlement soit tenu informé de la manière la plus complète de l'état de la transposition au niveau règlementaire ;
4. Appelle le gouvernement à clarifier rapidement la délimitation exacte du champ d'application des dispositions de la directive, et à rechercher un accord le plus large possible avec ses partenaires de l'Union européenne, dans la mesure où la marge de manoeuvre qui est laissée aux Etats membres leur permet en principe de tenir compte des sensibilités et spécificités nationales mais risque de conduire à des divergences d'interprétation de ces dispositions selon les pays ;
5. Demande au gouvernement de veiller à une bonne articulation de la directive relative aux services avec la directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. »
, a d'abord rappelé que les biens et technologies à double usage faisaient depuis longtemps l'objet d'un contrôle à l'exportation, étant donné la possibilité de les utiliser à titre non seulement civil, mais également militaire. En France, le régime de 1939 a d'abord été complété par l'adhésion aux différents mécanismes de non prolifération et de contrôle de dissémination mis en place durant la guerre froide. Un régime communautaire n'est intervenu que tardivement, en 1994, et les règles actuelles sont fixées par le règlement (CE) n° 13342000 qu'il convient d'adapter, en raison du changement du contexte international après les attentats du 11 septembre 2001 comme avec la problématique des Etats voyous qui renforcent les exigences de la lutte contre la prolifération.
Le régime actuel repose sur plusieurs principes : une conception large des biens et technologies à double usage, une notion étendue de l'exportation, qui permet de viser également l'immatériel, un régime d'autorisation préalable pour assurer le contrôle de transactions et la traçabilité des produits, ainsi que la faculté d'imposer également des autorisations pour les biens et technologies hors liste. En outre, les critères de délivrance des autorisations sont harmonisés et des sanctions sont prévues en cas d'infraction. Il s'agit en France de sanctions douanières à caractère pénal, fixées par le code des douanes. Enfin, différentes dispositions permettent aux Etats membres de faire valoir et de garantir la protection de leurs intérêts essentiels de sécurité.
Pour tenir compte des exigences posées par la résolution 1540 de l'ONU, de 2004, ainsi que du plan d'action de Thessalonique de juin 2003 et de la stratégie de l'Union contre la prolifération des armes de destruction massive, sont ainsi proposées pour l'avenir, d'une part, l'insertion du transit et, d'autre part, la prise en compte du courtage dans les champs du futur dispositif. Les Etats membres pourront en fonction du risque imposer une autorisation préalable à ces opérations. Est par ailleurs prévu le renforcement des sanctions pénales, ce qui est d'ailleurs cohérent avec la réflexion menée en France sur la création d'un délit de prolifération. Au-delà de l'harmonisation de principe, l'harmonisation effective des sanctions pénales prononcées en cas d'infraction est cependant loin d'être réalisée entre les Etats membres.
Les travaux préparatoires au Conseil ont conduit, à ce stade, à revenir sur plusieurs éléments de la proposition initiale de la Commission. Ainsi le passage à la comitologie pour la modification des listes et autres annexes du futur règlement n'est pas retenu, car il met en cause la règle du consensus qui a jusqu'alors présidé en la matière. De même, il n'est pas envisagé de suivre la Commission sur la suppression de l'autorisation préalable pour les transferts intracommunautaires entre les Etats membres, et de remplacer cette autorisation par une notification préalable. Si évolution il doit y avoir, c'est plutôt sur la liste des biens concernés, inscrite à l'annexe IV. Enfin, il n'est pas jugé utile d'aller aussi loin que la Commission le proposait sur les licences d'exportation nécessaires au fonctionnement des projets financés par la Communauté, à savoir Galileo, compte tenu notamment du faible nombre des Etats concernés.
Au-delà du futur règlement, il convient néanmoins de ne pas méconnaître trois questions : d'une part, la nécessité pour la France d'améliorer les délais d'instruction et de délivrance des autorisations d'exportation, en liaison avec la réforme en cours des structures administratives chargées de ces opérations et l'augmentation prévue des effectifs affectés à ces tâches ; la prise en compte de l'intérêt marqué par les entreprises pour le « modèle américain », qui repose sur la délivrance d'une information d'autant plus nécessaire qu'elle permet très tôt d'anticiper s'il est ou non opportun de signer un contrat ; la nécessité de développer à terme une logique de certification pour les entreprises les plus concernées.
Suivant l'avis du rapporteur et sous le bénéfice de ses observations, la Délégation a ensuite approuvé la présente proposition d'acte communautaire.
Point A
Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.
Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les textes suivants :
Ø Institutions européennes
- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant adaptation à la décision 1999468CE du Conseil, telle que modifiée par la décision 2006512CE, de certains actes soumis à la procédure visée à l'article 251 du traité, en ce qui concerne la procédure de réglementation avec contrôle (documentE 3734) ;
- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n°117298 du Conseil relatif au relevé statistique des transports de marchandises par route, en ce qui concerne les compétences d'exécution conférées à la Commission (documentE 3738) ;
- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 9992001 en ce qui concerne les compétences d'exécution conférées à la Commission (documentE 3782) ;
- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant adaptation à la décision 1999468CE du Conseil, telle que modifiée par la décision 006512CE, de certains actes soumis à la procédure visée à l'article 251 du traité, en ce qui concerne la procédure de réglementation avec contrôle. Adaptation à la procédure de réglementation avec contrôle. Quatrième partie (présentée par la Commission) (documentE 3788).
Ø PESC et relations extérieures
- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 16382006 arrêtant des dispositions générales instituant un instrument européen de voisinage et de partenariat (documentE 3886).
Ø Questions budgétaires et fiscales
- avant-projet de budget rectificatif n° 5 au budget général 2008 - Etat général des recettes (documentE 3770-5) ;
- avant-projet de budget rectificatif n° 6 au budget général 2008. État des dépenses par section - Section III – Commission (documentE 3770-6) ;
- proposition de décision du Conseil autorisant la République italienne à appliquer une mesure dérogeant à l'article 285 de la directive 2006112CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (documentE 3901).
Ø Santé
- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 200182CE et la directive 200183CE en ce qui concerne les modifications des termes d'une autorisation de mise sur le marché de médicaments (documentE 3817).
Point B
La Délégation a approuvé les deux textes suivants.
Ø Agriculture
- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine (« règlement relatif aux sous-produits animaux ») (documentE 3890).
Ø PESC et relations extérieures
- position commune du Conseil modifiant la position commune 2007140PESC relative à des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran (documentE 3896).
Ø Santé
- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des procédures communautaires pour la fixation des limites de résidus des substances pharmacologiquement actives dans les aliments d'origine animale et abrogeant le règlement (CEE) n° 2377090 (documentE 3504).
, a préalablement indiqué que la proposition ne visait qu'à modifier le règlement de 1990, dont les dispositions s'articulent avec le code communautaire du médicament vétérinaire et la directive 9623CE relative aux mesures de contrôle. Ces dispositions sont nécessaires à la protection de la santé publique, qui dépend de la qualité des produits ingérés.
L'objectif de la Commission est pour l'essentiel de pallier l'indisponibilité actuelle de médicaments vétérinaires, notamment pour les espèces dites mineures, en réduisant la charge administrative ainsi que le coût de développement des produits.
Pour l'essentiel, la proposition s'avère opportune avec, outre une clarification formelle, une reprise des limites maximales de résidus (LMR) définis au niveau international par le Codex alimentarius avec vote favorable de la Communauté, de nouvelles méthodes alternatives à la dose journalière acceptable, qui peuvent être utiles dès lors qu'elles reposent sur des bases scientifiques, le principe d'extrapolation, ainsi que la détermination de LMR pour des substances qui ne sont pas destinées à être utilisées comme des médicaments vétérinaires.
En revanche, l'approche proposée par la Commission pour les valeurs de référence n'est pas acceptable, dès lors qu'elle conduit à utiliser les limites minimales de performances requises (LPMR) exigées des laboratoires pour tolérer la présence dans les denrées importées de substances interdites en Europe. La position exprimée par la France dans son mémorandum sur les « importations d'aliments, d'animaux et de végétaux : sécurité sanitaire et conformité aux règles communautaires » est à cet égard tout à fait légitime.
et Jacques Desallangre ont relevé que le règlement repose sur la disponibilité d'informations extrêmement précises sur les denrées introduites sur le marché européen. Or, ces exigences de « traçabilité » sont difficiles à satisfaire dans de nombreux pays émergents.
En réponse, le rapporteur a rappelé que les exigences de santé publique impliquent nécessairement une grande rigueur, qu'il conviendrait d'ailleurs de ne pas affaiblir en ouvrant la porte, via la notion des « valeurs références », aux substances les plus nocives. Il a ensuite précisé que les contrôles sont déjà harmonisés grâce à la directive 9623CE.
Suivant l'avis du rapporteur, la Délégation a adopté les conclusions suivantes :
« La Délégation,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des procédures communautaires pour la fixation des limites de résidus des substances pharmacologiquement actives dans les aliments d'origine animale et abrogeant le règlement (CEE) n° 2377090 (COM [2007] 194 finaln°E 3504),
Vu la résolution législative du Parlement européen du 17 juin 2008 sur cette même proposition de règlement,
Vu également le mémorandum présenté par le gouvernement français au Conseil « Agriculture » du 24 juin 2008 et intitulé « Importation d'aliments, d'animaux et de végétaux : sécurité sanitaire et conformité aux règles communautaires »,
1. Se déclare favorable aux principes comme aux dispositions essentielles de la proposition de règlement précitée, en ce qu'ils visent à renforcer la sécurité alimentaire ;
2. Estime cependant que cette proposition ne peut être adoptée qu'après suppression de toute disposition qui conduit à créer une tolérance pour la présence dans les denrées importées de substances interdites en Europe. »