La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a procédé à l'audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, sur le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue, monsieur le premier président, cette rencontre annuelle étant particulièrement précieuse pour nous tant les problèmes qui se posent sont multiples.
Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour, M. Laurent Rabaté, rapporteur général du rapport sur la sécurité sociale, Mme Marine Camiade, conseillère référendaire, M. Maximilien Queyranne, auditeur, et moi-même sommes très heureux d'être aujourd'hui parmi vous.
Comme chaque année, le rapport sur la sécurité sociale examine, dans une première partie, les conditions dans lesquelles la loi de financement de la sécurité sociale a été appliquée. La Cour, en particulier, donne son avis sur les tableaux d'équilibre, présente une analyse de l'ensemble des comptes, rend compte des contrôles exercés sur les organismes de base ou de la manière dont l'État s'acquitte de ses obligations sociales.
Les tableaux d'équilibre, construits par branches pour le régime général puis, pour l'ensemble des régimes et pour les fonds de financement, sont l'outil qui permet au Parlement de fixer pour ces diverses entités les objectifs de dépenses et de prévision de recettes, d'en suivre la réalisation et d'en vérifier les résultats. Constitués de trois agrégats – produits, charges, résultats –, ils doivent donner au Parlement une image aussi fidèle que possible de la situation des régimes. Tout en reconnaissant le progrès qu'ils constituent, la Cour continue néanmoins d'en signaler les défauts de construction.
C'est en l'occurrence la deuxième année que la Cour exprime un avis sur les tableaux d'équilibre de l'exercice clos, avis qui confirme d'ailleurs certaines remarques déjà faites l'an passé : les contrôles en amont sur les comptes agrégés dans les tableaux demeurent lacunaires et, en aval, leur construction donne lieu à des contractions d'écritures non justifiées sur le plan comptable qui diminuent les montants des charges et produits d'environ 20 milliards d'euros, les soldes n'étant pas modifiés.
Cette année, en outre, la question se pose des conséquences à tirer des désaccords exprimés dans le cadre de la certification des comptes. En effet, la Cour a refusé de certifier les comptes de la branche recouvrement du régime général en raison de plusieurs désaccords qui l'ont conduite à réviser à la baisse d'environ un milliard les produits de l'exercice 2007 et, donc, à dégrader le solde du même montant.
Les tableaux d'équilibre inclus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) sont fondés sur les chiffres non révisés présentés devant la commission des comptes. La Cour ne fait pas grief à l'administration de n'avoir pas tenu compte de ces désaccords dans la présentation des tableaux d'équilibre relatifs à 2007, mais il n'en demeure pas moins que cette situation n'est pas satisfaisante et a conduit à s'interroger sur la portée de l'opinion exprimée par le certificateur. En principe, les désaccords du certificateur devraient conduire l'organe qui approuve les comptes à demander leur rectification. En l'état actuel des textes, l'État n'étant ni le producteur de ces comptes ni l'autorité chargée de les approuver n'a pas le pouvoir de les rectifier. Il y a là matière à réflexion, même si nous espérons que les refus de certifier resteront rares. L'extension, à compter de l'exercice 2008, de la certification aux comptes des autres régimes peut cependant élargir le risque.
La Cour appelle en outre à recentrer la commission des comptes sur sa mission de prévision et à en modifier l'intitulé afin d'éviter toute confusion avec la mission de certification et d'analyse des comptes.
L'analyse de l'ensemble des comptes présentés dans ce rapport – qui en constitue une deuxième mission obligatoire – s'est logiquement fondée sur les données non rectifiées du gouvernement. Pour autant, et malgré ce désaccord, les comptes montrent la persistance d'une situation financière dégradée, avec un déficit cumulé – pour l'ensemble des régimes et des fonds de financement – de 11 milliards contre 10,2 milliards l'an passé. Ainsi, 2007 est la cinquième année consécutive où les déficits dépassent 10 milliards. Cette situation est d'autant moins acceptable que la protection sociale correspond par principe à des dépenses de fonctionnement qui ne doivent pas être reportées sur les générations futures et que la conjoncture était encore favorable en 2007.
Le dynamisme constaté pour les recettes a permis d'atténuer l'incidence du rythme toujours élevé des dépenses. La branche maladie, dont les produits ont progressé de 5 % de 2006 à 2007, a pu réduire son déficit malgré une hausse des prestations, tous régimes confondus, de plus de 4 % sur la même période. Le déficit de la branche demeure néanmoins important (– 4,6 milliards), le déficit « structurel » corrigé des opérations non reconductibles étant quant à lui estimé par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) à 5,7 milliards.
Ce dynamisme a été moindre pour la branche retraite mais la progression des prestations a été particulièrement marquée – plus de 6 % – ce qui a conduit à une forte dégradation du solde, passé de 1,9 à 4,6 milliards. Pour l'essentiel, il s'agit de l'effet du « papy boom » mais également des départs anticipés en retraite, beaucoup plus nombreux que prévu.
Le résultat de la branche accidents du travail est également dégradé ; seule la branche famille est en équilibre – avec, même, un léger excédent.
Si, par ailleurs, la situation du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s'est redressée, celle du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA) s'est dégradée, les recettes pour 2006 ayant été majorées de manière artificielle. Au total, les deux fonds ont connu en 2007 un déficit de 2,2 milliards.
La persistance d'une situation financière aussi dégradée conduit à examiner d'un oeil critique les évolutions introduites par la récente loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Cette loi visait en effet à mettre en place une démarche de développement de la performance avec les programmes de qualité et d'efficience (PQE) et devait également renforcer la crédibilité de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) en l'insérant dans des prévisions pluriannuelles. Ce sont-là autant de progrès potentiels indéniables mais dont les effets sont trop lents ou trop partiels.
La Cour a analysé les PQE annexés pour la première fois au PLFSS pour 2008 –comme l'avait souhaité votre président, à juste titre très soucieux que la performance des politiques sociales puisse être mieux appréciée. Les PQE constituent une batterie d'indicateurs de performance portant sur les politiques de sécurité sociale et s'inspirent des projets annuels de performance (PAP) créés par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Cette opération, qui a fortement mobilisé les administrations de l'État, représente un vrai progrès dans l'information du Parlement. L'exercice est cependant perfectible et la Cour donne quelques pistes afin d'améliorer ces nouveaux outils qui devraient être plus opérationnels en devenant de vrais outils de pilotage et d'amélioration de la performance. Cela implique notamment de mieux définir les priorités stratégiques et de préciser partout où cela est possible les leviers d'action dont disposent les administrations et les régimes afin d'atteindre les objectifs fixés. La Cour appelle également le Gouvernement à donner une place plus importante à des indicateurs d'efficience, sans pour autant dupliquer ceux déjà inscrits dans les conventions d'objectifs et de gestion passés avec les caisses nationales des régimes.
Enfin, le rapport procède à une analyse de la réalisation de l'ONDAM en 2007. Le dépassement constaté a été important puisqu'il s'est élevé à 3 milliards d'euros – pour un montant voté de 145 milliards. Il se concentre en particulier sur les soins de ville, l'examen plus détaillé mettant en évidence le caractère manifestement irréaliste du sous-objectif « soins de ville » fixé pour 2007, même si le Parlement avait, de manière inédite, majoré ce sous-objectif par rapport aux propositions du Gouvernement – faisant ainsi passer son taux d'évolution de 0,8 % à 1,1 %. La Cour souligne qu'une économie particulièrement optimiste de 2,5 % était prévue sur le poste « médicament » alors que nous avons pu constater une progression des dépenses de 5 %. L'importance de ce dépassement a d'ailleurs justifié, pour la première fois, la mise en oeuvre de la procédure d'alerte prévue par la loi du 13 août 2004 et destinée à favoriser un meilleur respect de l'ONDAM voté par le Parlement. Les décisions correctives prises par le Gouvernement pendant l'été de 2007 – parmi lesquelles la pénalisation des consultations hors du parcours de soin – se sont révélées insuffisantes et trop tardives.
Pour mieux comprendre les difficultés à tenir l'ONDAM « soins de ville », la Cour a procédé à deux analyses thématiques.
Elle a tout d'abord constaté une envolée des dépenses de soins des infirmiers libéraux de plus de 9 % entre 2006 et 2007, progression symptomatique de la difficulté à mettre en place des outils de régulation du nombre d'actes et de la démographie de la profession : la densité des infirmiers libéraux varie de un à sept entre départements et, encore, sans tenir compte des taux d'un département insulaire (Sourires). La convention nationale des infirmiers libéraux signée en 2007, par ailleurs, a tardé à être suivie d'effet. L'avenant conclu au début du mois de septembre devrait permettre d'expérimenter pendant deux ans un dispositif de régulation des installations dans les zones qualifiées de « sur-denses ». La Cour relève néanmoins avec inquiétude que, à la demande des infirmiers libéraux, le gel des installations dans le cadre de ce dispositif a été étendu aux places des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), ce qui consacre donc un partage du marché de soins de nursing à destination des personnes âgées dépendantes entre SSIAD et infirmiers libéraux. Or, pour la Cour, les interventions des SSIAD pour ces prestations de confort et d'hygiène sont à la fois mieux adaptées et probablement moins coûteuses puisqu'elles sont réalisées pour l'essentiel par des aides soignantes.
Une deuxième analyse a ensuite porté sur le lien entre l'ONDAM et les négociations conventionnelles. Elle explique comment les négociations avec les professions de santé, largement déléguées à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM), sont menées sans articulation suffisante avec l'enveloppe fixée par le Parlement. L'État approuve les accords sans toujours en connaître l'impact financier et il intervient même parfois dans le domaine des partenaires conventionnels pour inciter les caisses à accorder des majorations d'honoraires. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que l'ONDAM ne soit pas respecté.
Le vote d'objectifs de dépenses volontaristes, allant à l'encontre de l'évolution tendancielle des dépenses de santé, suppose des outils puissants et une forte volonté de les mettre en oeuvre. L'institution d'un cadrage pluriannuel des finances sociales annexé à la loi de financement n'a pas permis de progresser sur ce plan. La Cour montre ainsi que l'objectif de rééquilibrage du régime général en fin de période pluriannuelle, largement déconnecté de l'évolution tendancielle des dépenses de santé, n'a pas été accompagné d'une programmation rigoureuse des mesures d'économie permettant de l'atteindre.
Le rapport rend également compte de travaux sur la gestion hospitalière – qui constitue près de la moitié des dépenses d'assurance maladie – sur laquelle vous avez souhaité que la Cour et les chambres régionales des comptes (CRC) mettent l'accent. La Cour a examiné cette année deux sujets : la politique de restructurations hospitalières et la situation des systèmes d'information hospitaliers (SIH).
La question des restructurations renvoie plus exactement à la suppression ou à la reconversion de services ou de structures dont le maintien ne se justifie plus. L'analyse menée dans trois régions – Centre, PACA et Nord-Pas-de-Calais – ainsi que dans trois filières – obstétrique, chirurgie et soins de suite – confirme en effet que, malgré les efforts des agences régionales de l'hospitalisation (ARH), les réalisations sont restées en deçà de ce qui est nécessaire. C'est particulièrement vrai pour la chirurgie : de nombreux petits établissements se maintiennent au détriment de la sécurité des patients. De même, dans certains CHU, les restructurations restent à la fois trop lentes et trop coûteuses : cela tient certes à l'insuffisance des outils mis à la disposition des ARH mais aussi et surtout à la trop grande résignation des pouvoirs publics face aux protestations locales – qui couvrent d'ailleurs tout l'éventail politique. J'espère que le projet de loi « hôpital, patient, santé, territoire » examiné à l'automne permettra de donner aux futures ARH les moyens d'une réorganisation vigoureuse de l'offre de soins, qui ira au-delà d'un simple regroupement juridique des établissements. Une information objective et une pédagogie active doivent accompagner les nécessaires évolutions du parc hospitalier.
S'agissant des SIH, l'enquête menée par la Cour et quatorze chambres régionales des comptes a mis en évidence l'usage variable mais le plus souvent décevant des outils informatiques nouveaux, que ce soit pour le « dossier patient informatisé » ou pour la gestion des établissements. Le pilotage national des plans d'investissement successivement engagés – par exemple, pour les urgences – n'a pas été assez fort, ce qui a conduit à un gaspillage des crédits. Pour éviter la reproduction de tels égarements, la Cour préconise donc de retarder, afin de mieux préparer les hôpitaux, la distribution des 1,5 milliard de crédits prévus pour les systèmes d'information dans le cadre du plan Hôpital 2012, dont 500 millions en 2008.
Un autre thème abordé dans le champ du risque maladie est l'évolution du réseau officinal et de la marge des pharmaciens. La Cour rappelle qu'au regard des normes réglementaires, le trop grand nombre de pharmacies en France a notamment pour effet indirect un système de rémunérations élevées permettant de garantir un revenu suffisant aux petites officines. Ainsi, les marges – réglementées – sur les produits remboursés ont dans l'ensemble progressé depuis une dizaine d'années alors même que la croissance des ventes, l'élévation du prix du médicament et le maintien à un niveau élevé des remises et marges arrière auraient pu permettre de les réduire. Dans les DOM, ces marges échappent au droit et, sans doute également, au sens commun.
La Cour, en outre, montre que le niveau de marge sur les médicaments génériques s'établit à un niveau très avantageux pour les pharmacies – lequel est devenu sans doute excessif dès lors qu'il atteint plus de 100 % du prix fabricant hors taxes. Au final, les mesures de maîtrise du réseau officinal prévues par la loi de financement pour 2008 ne seront sans doute pas suffisantes pour impulser une dynamique de regroupement des officines. La Cour recommande donc de réduire les marges des officines pour accélérer ce mouvement et produire des économies pour l'assurance maladie, laquelle finance 5 milliards d'euros de marges.
Un mot sur les dossiers médicaux accessibles en ligne – DMP, historique des remboursements développé par la CNAM, dossier pharmaceutique mis en oeuvre par l'Ordre des pharmaciens.
S'agissant du dossier médical personnalisé (DMP), des perspectives exagérément optimistes avaient été annoncées en 2004 aussi bien en ce qui concerne son calendrier de réalisation qu'en matière d'économies – chiffrées en milliards – qui auraient pu en résulter ; or, en 2008, l'échec est patent. Certes, la ministre de la santé a annoncé récemment des réformes importantes de la gouvernance de ce type de projets, suivant en cela les recommandations de la Cour, mais la Cour a également estimé que le rappel des écueils rencontrés et, surtout, des pré-requis indispensables à la mise en place de ces outils n'était pas superflu.
Dans le champ de l'assurance maladie, la Cour a analysé, à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat, la répartition des dépenses de santé entre financeurs – assurances obligatoires (AMO), complémentaires (AMC) et usagers. La Cour a cherché à déterminer quelle a été la réalité des transferts opérés jusqu'en 2007 entre l'AMO, les AMC et les assurés eux-mêmes. L'étude réalisée montre que les économies décidées pour l'AMO ont visé l'ensemble des assurés – affections longue durée (ALD) incluses – puisque les participations forfaitaires créées depuis 2004, qui s'ajoutent aux tickets modérateurs, ne peuvent pas, dans la plupart des cas, être prises en charge par les AMC dans le cadre des contrats responsables. Mais, au total, la participation de l'AMO n'a pas diminué car celle-ci doit financer une partie des dépenses croissantes dues à l'augmentation des pathologies lourdes, au progrès thérapeutiques et au vieillissement de la population.
La Cour a également mis en évidence deux autres caractéristiques de ces transferts qui ont beaucoup intéressé la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de votre Assemblée. Elle a ainsi montré que la couverture complémentaire génère des coûts supplémentaires : les coûts de gestion des complémentaires sont en effet plus élevés du fait, notamment, de leur situation concurrentielle. La Cour rappelle par ailleurs que ces couvertures complémentaires sont fortement subventionnées par les fonds publics sous l'effet des exonérations de prélèvements sociaux et fiscaux dont elles bénéficient ou de la CMUc. En conséquence, le transfert à des complémentaires, qui pourtant, en première intention vise à réduire les coûts pour l'assurance de base – et peut-être à ne pas augmenter les prélèvements – induit des coûts non négligeables pour les assurés et pour la collectivité, alors même que leur effet anti- redistributif est démontré.
Une récente enquête de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) indique que les primes versées par les ménages aux AMC « représentent 10 % du revenu des ménages les plus pauvres et moins de 3 % pour les ménages les plus riches sachant que les premiers, pour un taux d'effort trois fois plus élevé, bénéficient de contrats offrant des garanties inférieures à ceux des seconds. » Voilà des données qui devraient nous interpeller…
Les travaux de la Cour ont également porté sur les branches famille et retraite.
L'examen des aides à la petite enfance qui vient préciser, à la demande de votre commission, les travaux menés l'an dernier sur « l'efficience des aides aux familles », témoigne d'une situation insatisfaisante. Fondée sur des prévisions peu réalistes, la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) a eu un coût beaucoup plus élevé que prévu : entre 2003 et 2006, le coût moyen d'un enfant gardé a augmenté de 60 %. Pour autant, les résultats sont décevants puisque le nombre de places en crèche ou chez les assistantes maternelles n'a que peu progressé. Parallèlement, le taux de scolarisation des deux-trois ans a fortement chuté. Ainsi, l'objectif visant à permettre aux familles de choisir un mode de garde n'a pas été atteint et nombre de parents sont contraints d'interrompre leur activité professionnelle pour garder leurs jeunes enfants. Le nombre d'enfants pris en charge par les familles a même augmenté de 7 % !
Le rapport constate également l'absence de corrélation entre le taux d'effort financier des familles et leurs revenus, ce qui soulève la question de l'équité. Les aides devraient être mieux ciblées en direction des familles les plus modestes. La Cour considère surtout que l'importance des fonds consacrés à la garde des jeunes enfants doit permettre d'accroître l'offre de solutions à coût constant. Cela implique notamment que les acteurs de la politique familiale – éducation nationale comprise – coordonnent mieux leur action.
S'agissant des retraites, la Cour aborde cette année plusieurs points : les outils de pilotage des régimes, l'adossement au régime général du régime de retraite des industries électriques et gazières (IEG) et envisagé pour d'autres régimes spéciaux et, enfin, la question du minimum de pension, connu sous la dénomination de « minimum contributif » ou MICO. Cette prestation, créée en 1983 et modifiée en 2003, touche désormais plus de 40 % des nouveaux retraités du régime général et même 70 % des anciens salariés agricoles. Il semble donc évident que le ciblage s'étend au-delà des seules petites retraites : ainsi, 30 % de retraités polypensionnés ayant eu une carrière complète et disposant d'une pension supérieure à 1 400 euros ont bénéficié du MICO. Le coût, pour la collectivité, avoisine 5 milliards d'euros. La Cour propose donc de recentrer cette prestation sur les plus petites retraites.
Vous le voyez, les travaux dont il est ici rendu compte sont divers mais leur finalité est souvent identique d'une branche ou d'un régime à l'autre : il s'agit de rendre notre système de protection sociale plus efficace dans un contexte économique difficile. Bien entendu, pour être utiles, ces travaux doivent être suivis d'effet et c'est pourquoi nous avons cherché cette année à vérifier dans quelle mesure c'était bien le cas.
Une disposition législative impose depuis 2003 au ministère chargé de la sécurité sociale de faire un rapport annuel sur les suites données aux précédentes recommandations de la Cour sur la sécurité sociale. Dans le présent rapport, nous avons fait le point sur les enseignements des cinq premiers rapports de suivi réalisés dans ce cadre. Il montre que le bilan est loin d'être négligeable même s'il faut se méfier d'une approche trop quantitative : toutes les recommandations n'ont pas la même importance et l'appréciation de leur degré de prise en compte n'est pas facile à quantifier, dans les cas très fréquents où une recommandation n'est qu'en partie ou que progressivement mise en oeuvre. Avec ces précautions, on peut considérer que plus d'un tiers des recommandations est rapidement pris en considération et un autre tiers, à moyen terme, au bout de deux ou trois ans.
Bien entendu, il ne s'agit pas, pour la Cour, de se flatter du travail accompli par d'autres. Même préconisée par un rapport de la Cour, la mise en oeuvre d'une réforme dans le champ social n'est jamais simple, je le sais par expérience. Cette évaluation est cependant précieuse car elle est révélatrice d'un climat de confiance entre la Cour et les administrations, lesquelles, au terme de procédures lourdes de contradictions, nous aident à affiner nos constats et nos recommandations ; en retour, elles reçoivent de la Cour une aide à la décision.
Je crois également que les liens tissés entre la Cour et les commissions du Parlement sont particulièrement importants : c'est en effet souvent grâce aux travaux de vos commissions que nombre de recommandations se trouvent reprises ou approfondies et, finalement, appliquées.
S'agissant du volet « recettes » de la loi de financement de la sécurité sociale, le rapport reprend des travaux réalisés pour votre commission sur les exonérations de charge. La Cour préconise de réduire la plage d'application des exonérations générales et de revoir de manière plus sélective les mécanismes d'exonérations ciblées. Je sais que votre rapporteur général a lui-même réalisé un important travail pendant l'été sur ce point et qu'il s'agit d'une question ouverte au débat, en vue du prochain PLFSS.
L'an passé, la Cour avait présenté un état des « niches sociales » et préconisé en particulier de soumettre aux cotisations les stock-options et les indemnités de licenciement. Là encore, le débat se poursuit en vue du prochain PLFSS sur les autres niches et, en particulier, sur ces indemnités.
La qualité des échanges que nous avons ainsi nourris sur le volet des recettes me paraît précieuse pour une raison de fond : les économies sur les dépenses demandent du temps, dans la mesure où elles exigent le plus souvent des modifications dans les comportements des patients assurés ou qu'elles supposent de réviser des droits acquis ; de telles économies sont évidemment indispensables mais le retour à l'équilibre des comptes sociaux, programmé d'ici à 2011, supposera un effort significatif d'accroissement des recettes.
Le consentement à l'impôt a été et reste un des fondements du pouvoir législatif : il en va de même, dans le champ social, pour les cotisations. L'orientation affirmée vers une « co-production » de la norme législative partagée entre le gouvernement et le Parlement y trouve donc un champ privilégié d'application. La récente loi constitutionnelle du 23 juillet dernier a confirmé la mission d'« assistance » de la Cour des comptes dans le contrôle de l'application des lois de financement au profit à la fois du gouvernement et du Parlement. Nous espérons donc qu'avec ce rapport, cette année encore, vous trouverez des pistes utiles pour vos travaux dans la perspective du prochain PLFSS comme dans celle des autres projets dont vous aurez à débattre.
Je souligne une fois encore le grand intérêt que représentent pour notre Assemblée les travaux de la Cour des comptes et, plus particulièrement, ceux qui concernent les finances sociales.
Il me paraît souhaitable que les divergences d'interprétation sur la présentation des résultats repris dans les tableaux d'équilibre tels que nous serons appelés à les voter soient aplanies afin de lever toute suspicion quant à la sincérité des comptes, s'agissant notamment des comptes de l'activité de recouvrement pilotée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). De même, j'appelle la branche famille à remédier aux insuffisances de contrôle interne et à la sous-évaluation de certaines charges pour obtenir enfin la certification de ses comptes.
Le travail d'analyse sur les transferts de charges entre contributeurs entre 1996 et 2006 nous aidera à mieux appréhender les conséquences de l'évolution de la structure des consommations et de ce que nous appelons communément une plus grande responsabilisation des assurés. Outre le fait que les transferts de charges ne résolvent pas de manière structurelle le problème posé par le rythme de croissance des dépenses de santé, vous suggérez que ces évolutions conduisent plutôt à un transfert entre assurés car l'augmentation des dépenses liées à un accroissement du nombre des ALD est financée partiellement par les assurés eux-mêmes. Nous devrons y réfléchir avant de penser à de nouveaux transferts.
Pour autant, votre analyse corrobore celle du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) quant à la stabilité de la prise en charge de la dépense de santé depuis 1996 – autour de 77 % pour l'AMO et de 22 % pour les AMC et le reste à charge des ménages.
Les frais de gestion des assureurs complémentaires, c'est notable, tournent autour de 25 % quand ceux de l'assurance maladie représentent moins de 5 %. Au lieu de penser d'abord à augmenter les cotisations de leurs assurés, les assurances complémentaires pourraient mieux maîtriser leurs coûts internes, sans entamer pour autant le montant de leurs substantielles réserves !
Je partage par ailleurs votre exigence d'une clarification des objectifs, non seulement pour améliorer l'information du Parlement mais également pour accroître la performance des politiques publiques.
Ma première question concerne la gestion de la dette sociale, que vous situez à 97,5 milliards à la fin de 2007, dont 73 milliards portés par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), 20 milliards portés par l'ACOSS et 4,7 milliards cumulés au sein du FFIPSA. Le coût de la dette accumulée et portée par ces organismes s'élève à 3,7 milliards d'intérêts par an. En incluant l'amortissement du capital, nous consacrons 6,3 milliards par an pour les réformes que nous ne faisons pas ! De plus, vous estimez que la dette générée par les déficits futurs de 2008 à 2011 se situera entre 28,2 milliards et 32,6 milliards. Face à cette insuffisance de financement, estimez-vous que la mobilisation du FSV puisse apporter une réponse suffisante et ses excédents constituent-ils une recette pérenne qui n'affaiblira pas la qualité de la signature de la CADES sur les marchés ?
En outre, votre rapport met en exergue les errements des politiques de restructuration hospitalière depuis 1996 – pour lesquelles il n'existe pas de bilan. Vous soulignez l'échec de la mise en oeuvre de la tarification à l'activité (T2A), trop progressive sur cinq ans, avec des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) détournées de leur objet pour compenser des surcoûts structurels et des contrats de retour à l'équilibre financier (CREF) qui semblent surtout avoir été utilisées pour différer les adaptations. Le constat est sévère et met en lumière les faiblesses du pilotage par les tutelles qui sont aussi mises en cause pour les retards ainsi que les lacunes du SIH. Face à la crise hospitalière, une remise à niveau de la gouvernance des établissements ainsi que les orientations envisagées pour la création des agences régionales de santé vous paraissent-elles efficaces ? Quel rôle les CRC peuvent-elles jouer pour mobiliser de manière plus efficace les acteurs hospitaliers ?
Enfin, il semble nécessaire de donner à l'ONDAM voté une portée plus contraignante. Quelles sont les conditions pour qu'un ONDAM pluriannuel fiabilisé permette d'éviter les dépassements annuels sans conséquence autre que l'accroissement de la dette et, dès lors, de quels outils faut-il doter l'UNCAM afin que les négociations conventionnelles soient mieux articulées avec le cadrage financier d'un tel ONDAM pluriannuel ?
Je remercie M. Bur pour ses appréciations.
Avant de s'interroger sur le financement de la dette sociale, il conviendrait tout d'abord d'éviter son augmentation ! Afin d'éviter un report de la charge de la dette sur les générations futures, le Parlement a voté un mécanisme qui fait obligation d'accompagner toute nouvelle reprise de dette par la CADES d'une ressource. Cette dernière doit avoir par ailleurs deux caractéristiques : être à la hauteur des besoins créés et être pérenne.
Nous constatons par ailleurs un redressement du FSV en 2007 lié à l'amélioration de l'emploi – il devrait d'ailleurs se prolonger en 2008. Je rappelle tout de même que le FSV est lui-même endetté à hauteur de 4,8 milliards, ce qui génère bien entendu un coût financier important pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV). Nous pensons que les excédents du FSV devraient être affectés en priorité à son désendettement, l'affectation des excédents du fonds à la CADES privant par ailleurs le Fonds de réserve des retraites (FRR) de ces fonds.
S'agissant de la restructuration hospitalière, notre constat est en effet sévère. L'amélioration de la gouvernance interne des hôpitaux est, bien entendu essentielle, mais elle ne permettra pas de faire l'économie d'une politique rigoureuse de restructurations. Les évolutions techniques et sociales conduisent en effet à modifier le rôle et le mode d'intervention de l'hôpital dans le système de soins ; la France est hélas en retard dans la concentration des plateaux techniques, dans le développement de la chirurgie ambulatoire publique et dans la nécessaire spécialisation des équipes.
En ce qui concerne les missions des CRC, le rapport détaille une intervention auprès du syndicat interhospitalier (SIH) de Juvisy-sur-Orge ; dans ce cas, les recommandations de la CRC ont été entendues par le conseil d'administration qui a décidé, pendant l'été, de fermer les services de chirurgie et de maternité. Les CRC, néanmoins, ne doivent pas être en première ligne sous peine de déresponsabiliser les ARH ou les ARS. Il importe donc de trouver un équilibre.
Pour qu'un ONDAM pluriannuel soit fiable, il faut fixer des objectifs réalistes au vu des mesures pouvant être effectivement prises et du rendement qu'elles auront sur la durée. À défaut, l'ONDAM ne serait qu'incantatoire. La feuille de route doit donc être claire pour tous. Il convient, de surcroît, que les mesures prévues et chiffrées soient effectivement mises en oeuvre et, à cette fin, les négociations conventionnelles doivent être enfermées dans une contrainte d'enveloppe liée à l'ONDAM. Le directeur de l'UNCAM doit pouvoir négocier dans le cadre d'un mandat qui respecte la volonté du Parlement.
Je vous remercie, monsieur le premier président, pour ce rapport très important qui met en lumière, en effet, de graves dysfonctionnements dans le financement de l'assurance maladie.
La Cour préconise que l'État réorganise le dispositif de régulation des soins de ville afin de fiabiliser l'ONDAM et de renforcer son caractère opposable : d'une part, de quelle manière et, d'autre part, comment concilier cette préconisation avec le risque d'en faire une enveloppe fermée qui pourrait donc relever d'une maîtrise comptable, ce qui est aujourd'hui pointé du doigt par les partenaires conventionnels ? S'agissant des missions respectives de l'État et des partenaires conventionnels, la Cour juge-t-elle nécessaire de revoir l'équilibre défini par la loi d'août 2004 ? Si oui, dans quel sens ? Concernant la question du nombre et de la répartition géographique des officines de pharmacie, la Cour juge insuffisantes les mesures prises par la loi de finances pour 2008 mais n'est-il pas un peu prématuré d'en évaluer l'impact ?
Le rapport de la Cour pointe au nombre des facteurs qui ont interrompu la dynamique de restructuration hospitalière une articulation difficile entre différentes réformes et, notamment, celle de la T2A. Ce constat semble paradoxal dans la mesure où l'un des avantages attendus de la T2A vise précisément à ce que les hôpitaux fassent évoluer leur organisation, restructurent leurs services ainsi que leur offre de soins. Comment définir les conditions d'une T2A réellement optimale au regard des nécessaires opérations de restructurations ? Le rapport, par ailleurs, met en évidence le caractère contreproductif de l'implication du ministère de la santé à travers notamment des interférences avec des décisions des ARH. Dans quelle mesure la nouvelle gouvernance permettra-t-elle d'éviter cet écueil ? Le rapport, enfin, dresse un constat assez sombre sur l'utilisation des outils informatiques et souligne notamment que les systèmes d'information sont inadaptés pour suivre les restructurations. Cette faiblesse des systèmes ne remet-elle pas en question la possibilité d'un constat objectif et partagé sur les écarts entre les tarifs publics et privé sans lequel le processus de convergence ne peut pas s'effectuer ?
Enfin, les dernières préconisations concernant le DMP sont-elles licites, surtout en ce qui concerne son caractère non obligatoire ?
« Fiabiliser l'ONDAM et renforcer son caractère opposable » signifie, je le répète, qu'il faut le fixer à un niveau réaliste et crédible, qu'il est nécessaire d'assortir toute correction par rapport aux tendances constatées de mesures de nature à en assurer le respect, et qu'il convient de l'inscrire dans une démarche pluriannuelle volontariste.
Cela dit, il n'est pas question pour la Cour de préconiser que l'ONDAM se transforme en enveloppe fermée. Les assurés ont des droits en vertu de la loi et non pas selon les fonds disponibles. Il n'y a alors que trois solutions pour rétablir l'équilibre : réduire les droits, modifier les comportements – ce qui suppose de la constance – ou majorer les recettes. Mais ce n'est pas en fixant des objectifs incantatoires que l'on y parviendra.
Je vous avoue que je n'ai jamais bien compris ce que signifie l'opposition que l'on établit entre maîtrise comptable et maîtrise médicalisée de la dépense. Dans les deux cas, il s'agit de maîtriser les dépenses avec une palette de moyens qui devrait permettre de répartir les efforts entre les acteurs du système : les contributeurs, les bénéficiaires de prestations et les professionnels.
Actuellement, il nous semble que l'on privilégie fortement la maîtrise de la demande via les réductions de droits à remboursement, tandis que la croissance des ALD empêche de l'assurance maladie de réaliser les économies prévues.
Les observations de la Cour sur la répartition des pharmacies d'officine sont-elles prématurées ? Deux chiffres, en tout cas, n'ont rien de prématuré : plus de 5 000 pharmacies, c'est-à-dire un surnombre par rapport aux normes, et seulement cinq demandes de regroupement d'officines par an entre 1999, date d'entrée en application de la loi, et 2007. Je vous concède que l'élargissement des possibilités de regroupement prévu par la LFSS pour 2008 n'a pu encore produire ses effets. Mais, sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, ce que l'on a relevé est dans la stricte continuité des chiffres précédents : nous avons vérifié qu'à la mi-2008 quatre demandes seulement avaient été présentées. Aussi semble-t-il quelque peu optimiste d'espérer que la mesure déclenchera un très fort mouvement de regroupement. D'où la proposition que nous formulons.
S'agissant du mode de gouvernance, la loi de 2004 introduit des mécanismes que la Cour a jugés, dans son rapport de 2007, globalement positifs. Ces mécanismes sont néanmoins perfectibles, en particulier pour ce qui concerne le champ des négociations conventionnelles et leur articulation avec l'ONDAM. Nous avions bien accueilli la création de l'UNCAM. Son directeur général était doté de pouvoirs et d'une certaine autonomie, et les rapports entre cet organisme et l'État étaient clarifiés, notamment par la création de la Haute Autorité de santé. Mais nous avions aussi pointé le risque que les partenaires ne jouent pas le jeu et que l'État intervienne dans le champ de compétences laissé à l'UNCAM, ce qui n'a pas manqué de se produire.
Certes. Quoi qu'il en soit, nous avons réitéré notre critique d'une trop large délégation de pouvoir accordée aux partenaires conventionnels. Les pouvoirs transférés à l'UNCAM sont en réalité exercés dans le cadre des relations conventionnelles, si bien que chaque avancée en termes d'organisation des soins a pour contrepartie des rémunérations supplémentaires. Nous ne demandons pas de revenir sur la réforme de 2004 : nous souhaitons simplement que le domaine couvert par les conventions soit réduit et que les avantages en termes de rémunération soient conditionnés au respect des engagements au lieu d'être considérés comme des préalables à la signature de ceux-ci. Nous espérons que la mise en place des ARS permettra de revoir le partage des rôles entre le niveau régional et le champ conventionnel national.
Le rapport souligne également que de nombreuses réformes presque concomitantes – plans de santé publique successifs, réforme de la gouvernance hospitalière, tarification à l'activité… – ont laissé moins de disponibilité aux ARH pour poursuivre les actions de restructuration hospitalière. La Cour pense qu'il est difficile de leur jeter la pierre, compte tenu de l'avalanche de responsabilités qui leur est tombée dessus.
Sans doute, mais il faut prendre la mesure de ce que l'accumulation de réformes – et c'est probablement un mal nécessaire – peut représenter en termes de perte de repères, de temps consacré, etc. Toutes choses égales par ailleurs, il est arrivé aux ARH ce qui est arrivé aux administrations centrales avec la mise en application de la LOLF, qui s'est traduite par des réformes de tous ordres. Il ne faut donc pas s'étonner qu'il y ait quelques difficultés et quelques ratés.
Pour autant, la tarification à l'activité contribue à ces restructurations puisqu'elle pousse à la vérité des coûts et donc à l'adaptation des moyens en fonction de l'activité. Il faut cependant souligner le caractère progressif de la réforme : taux d'application assez réduits au départ, mesures d'adaptation – souvent légitimes – comme les contrats de retour à l'équilibre, tout cela a quelque peu différé l'effet vérité. De même, l'attribution des dotations aux MIGAC n'était guère fondée sur des missions précises et effectives.
Nous avions mené, pour 2006, une première analyse de la mise en place de la T2A qui signalait les risques éventuels d'effets pervers et qui soulignait la nécessité de contrôles adaptés. Nous avons l'intention de reprendre cette enquête en vue du prochain rapport. La réforme sera alors déployée depuis plusieurs années et notre jugement n'aura aucun caractère prématuré.
Que dire, au sujet de la nouvelle gouvernance, qui n'apparaisse comme une prise de position trop brutale ? Nous avons, à tout le moins, relevé des exemples d'interventions ministérielles contreproductives, et ce de la part de gouvernements de différentes couleurs politiques. Par contre, le ministère n'a pas produit d'informations qui fussent claires et pédagogiques sur la nécessité des restructurations, du point de vue médical d'abord et du point de vue des coûts ensuite. L'effort pédagogique reste à consentir. Il nous semble que, si l'on affirme suffisamment au plan national cette mission de pédagogie et de définition des règles, il deviendra plus difficile de les contredire par des interventions ponctuelles et les ARS se trouveront confortées dans leur action.
En matière informatique, la convergence intersectorielle n'est pas au premier chef une question de systèmes d'information. Les missions du secteur public et du secteur privé sont-elles identiques ? Peut-on mieux valoriser les spécificités comme l'accueil plus fréquent dans les hôpitaux publics de cas lourds, de cas sociaux, de polypathologies ? Telles sont, sans doute, les questions essentielles qui constituent des préalables à la convergence. La Cour a déjà eu l'occasion d'exprimer certains doutes, non pas au sujet des systèmes d'information, mais à propos de l'importance des pré-requis à satisfaire.
Cela dit, M. Door a raison d'affirmer que la réussite de la T2A dépend de la poursuite des efforts en matière de systèmes d'information, notamment en ce qui concerne la comptabilité analytique. Celle-ci est encore très insuffisamment mise en oeuvre dans les établissements.
S'agissant de pédagogie, les événements de l'hôpital de Carhaix montrent qu'il est très difficile de faire passer l'information. Celle-ci n'est pas forcément relayée par la télévision ou par la presse. Entre la volonté pédagogique et la capacité à faire passer un message, il peut y avoir un abîme.
Certes, monsieur le président. Néanmoins, lorsque l'on passe un examen, il est de bonne pratique de réviser avant l'épreuve. De même, il serait préférable de ne pas attendre d'être devant l'événement pour engager un effort pédagogique.
Au sujet de l'assurance vieillesse, la Cour des comptes aborde cette année trois thèmes.
Répondant tout d'abord à une demande parlementaire, elle examine l'adossement des régimes spéciaux au régime de droit commun. Nous ne pouvons que souscrire à son avis, qui met en exergue le respect du principe de neutralité financière.
Elle aborde ensuite la question des outils de pilotage des régimes de retraite. C'est un sujet important mais qui relève plus du domaine réglementaire que du domaine législatif.
Elle analyse enfin le minimum contributif dont elle rappelle que la véritable dénomination, au départ, est le minimum de pension. Le rapport propose de réorienter le dispositif afin de concentrer les attributions du minimum contributif sur les personnes ayant effectivement travaillé tout au long de leur carrière et celles ayant les retraites les plus basses.
Ces objectifs sont effectivement ceux qui avaient présidé à la mise en place du minimum de pension en 1983. Comme le relève la Cour, aujourd'hui, environ 70 % des bénéficiaires du minimum contributif n'ont pas accompli une carrière complète et des polypensionnés bénéficient du dispositif alors même que le total de leurs pensions tous régimes confondus leur procure un revenu nettement supérieur à la moyenne.
La réforme proposée est pertinente. Elle aurait d'ailleurs l'avantage de revaloriser le minimum contributif par rapport au minimum vieillesse alors que le montant servi au titre du second tend actuellement à se rapprocher de celui du premier, ce qui ne valorise pas le travail. La Cour des comptes relève toutefois un écueil : valoriser les carrières complètes risque de pénaliser fortement les femmes, qui bénéficient souvent du minimum contributif grâce aux validations de trimestres au titre de l'assurance maternité, voire de l'assurance chômage. Comment, selon elle, éviter cet écueil ?
La Cour a en effet mentionné qu'une telle réforme pénaliserait les femmes, dont les durées de cotisation sont en général plus brèves. Pourquoi ce choix ?
D'abord parce que tout parent bénéficie déjà d'une validation gratuite d'annuités n'ayant pas donné lieu à cotisation de l'intéressé. Il s'agit là d'avantages de solidarité indéniables et importants – assurance vieillesse des parents au foyer, majoration pour trois enfants, bonification d'années pour chaque enfant, etc. Faut-il y ajouter encore un étage de solidarité sans conditions de ressources, alors que certaines de ces femmes disposent d'autres sources de revenus et que les autres peuvent être prises en charge par le dispositif de solidarité global que constitue le minimum vieillesse ? Le gouvernement s'est du reste engagé à revaloriser le montant de cette prestation qui sera alors, comme la Cour l'a démontré, très proche du montant du minimum contributif.
Compte tenu des perspectives des régimes de retraite, la Cour a considéré qu'il fallait rechercher toutes les pistes d'économies afin de sauvegarder les principes de base de notre régime de retraite contributif, auquel tous les Français sont attachés.
J'ai été par ailleurs frappé par le tableau comparatif des cotisations chômage dans les différents pays européens. À taux de chômage identique, la plupart sont au-dessous de 4 % alors que nous sommes à 6,4 %. Un effort de pédagogie important reste à faire au sujet du passage de cotisations UNEDIC vers le financement des dépenses vieillesse, ne serait-ce que pour faire admettre la dégressivité, au moins pour les cadres, des prestations chômage.
Je m'exprime au nom de M. Hervé Féron, rapporteur pour la famille, qui ne peut assister à cette audition.
Pour la deuxième année consécutive, la Cour des comptes a considéré qu'il était impossible de certifier les comptes 2007 de la branche famille en raison des déficiences générales du contrôle interne, dues notamment à l'absence de fichier national des bénéficiaires de prestations : il est en effet difficile de constituer un fichier national enregistrant l'ensemble des ayants droit. Cet état de fait est préoccupant alors que les missions de la branche famille vont être considérablement étendues avec la gestion du revenu de solidarité active (RSA) et la réforme annoncée du droit de garde opposable du jeune enfant.
La branche famille a-t-elle les moyens suffisants pour assurer convenablement ses missions ? Au moment où la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) entame de nouvelles négociations avec l'État pour la nouvelle convention d'objectifs et de gestion 2009-2012, qui définira notamment les moyens en personnel, la Cour considère-t-elle que la branche famille peut faire face à ses nouvelles missions à moyens humains et informatiques constants ? Dans quels domaines des gains d'efficience sont-ils possibles sans nuire à la qualité du service rendu aux allocataires ?
En deuxième lieu, la Cour a souligné à plusieurs reprises la nécessité d'harmoniser le niveau de financement public des différents modes de garde. Pouvez vous expliquer les inconvénients du système actuel ? Est-il opportun que le financement des modes de garde collectifs, en investissement comme en fonctionnement, soit assuré par les crédits d'action sociale de la CNAF ? Ne faut-il pas envisager un financement spécifique et pérenne ?
La troisième série de questions porte sur la préparation de la réforme du droit de garde opposable du jeune enfant. Dans son dernier rapport, la Cour préconise de renforcer la cohérence des différents acteurs concernés par la garde des jeunes enfants – ministère en charge de la famille, ministère de l'éducation nationale, collectivités territoriales et branche famille de la sécurité sociale. Pour parvenir à structurer l'offre de garde, serait-il utile de créer une nouvelle compétence obligatoire pour les collectivités territoriales ? L'échelon communal paraît-il adapté pour coordonner et développer l'offre ? Quels sont les facteurs qui bloquent actuellement ce développement ?
La Cour souligne que les quatre plans crèches devaient permettre de créer 75 000 places d'accueil dans la période 2000-2007 mais que le nombre de places disponibles en crèches collectives et en crèches familiales n'a été finalement que de 37 800. Dans le même temps, la scolarisation des enfants de deux à trois ans a diminué : moins 27 % entre 2003 et 2007. La demande de garde s'en est trouvée accrue alors même que le développement de l'offre prenait du retard.
Quelles sont les préconisations de la Cour pour permettre une augmentation de l'offre de garde assurée par les assistantes maternelles ? Quelle appréciation porte-t-elle sur la contribution des entreprises de crèches pour le développement de l'offre ? Est-il avéré que cette sorte de « délégation de service public » de la garde d'enfant est source d'économies pour les communes par rapport à la gestion directe ?
Les questions soulevées par la certification des comptes de la branche famille concernent les procédures de contrôle, dont l'amélioration ne nécessiterait pas de mobiliser des effectifs particulièrement importants : il s'agit plutôt de méthode. Il faudrait sans doute renforcer les services comptables et les cellules d'audit interne, mais cela peut se faire par redéploiement.
Les moyens nécessités par la gestion d'une prestation nouvelle sont d'une autre nature. N'y voyez pas une échappatoire, mais nous ne pourrons estimer si la branche famille a ou non les moyens de gérer le RSA tant que nous serons dans l'ignorance des modalités qui seront finalement retenues. Cependant, le cumul des tâches peut constituer une difficulté temporaire pour la caisse nationale, qui est chargée de mettre à disposition le réseau, les moyens et les outils nécessaires pour permettre la mise en place du RSA. Les caisses d'allocations familiales (CAF) devront aussi faire un effort d'adaptation. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, l'observatoire national des charges de gestion a précisément pour mission de mesurer l'impact des réformes sur l'activité des caisses et de veiller à leur efficience.
Deuxième thème important, le niveau de financement public des différents modes de garde. La collectivité aide les familles à financer la garde de leurs jeunes enfants par deux canaux : d'abord, la PAJE sous forme d'un transfert monétaire accordé en fonction du mode de garde choisi ; ensuite, des allégements fiscaux – sous forme de crédit d'impôt et d'exonération partielle de charges patronales – pour les enfants gardés par une assistante maternelle ou gardés à domicile.
La combinaison de ces deux modes de financement ne nous apparaît pas optimale pour deux raisons. Premièrement, si la PAJE a entraîné une diminution générale du taux d'effort des familles tous revenus confondus, les familles les moins aisées ont toujours un taux d'effort supérieur à celui des familles plus aisées – j'entends par là les revenus supérieurs à six fois le SMIC. Deuxièmement, la garde à domicile, qui reste souvent inabordable pour les familles les plus modestes, est aussi un mode de garde coûteux pour la collectivité. L'effort public se trouve paradoxalement concentré sur les familles les plus aisées.
En dépit de l'augmentation de cet effort, donc, les inégalités n'ont été que très partiellement résorbées. Dans un contexte où la montée en charge de la PAJE et des allégements fiscaux a accru de 60 % entre 2003 et 2006 le coût moyen de la garde d'un enfant pour la collectivité, il est souhaitable de reprendre la réflexion et de réorienter les aides au bénéfice des familles les plus modestes.
Le recours aux crédits d'action sociale de la CNAF pour le financement des modes de garde collectifs est une question sensible, certains envisageant de transférer ce financement vers les collectivités territoriales. Bien que la Cour n'ait pas approfondi cette question, permettez-moi une observation : l'intercommunalité est-elle suffisamment développée sur le plan institutionnel et financier pour être un support adéquat et, à l'inverse, la commune n'est-elle pas généralement un support trop réduit ? D'ores et déjà, il semble bien que l'inégalité dans l'accueil des enfants de deux ans en maternelle résulte moins d'une position générale de l'éducation nationale que, souvent, de décisions municipales.
Répondre à toutes les questions que vous avez soulevées, madame Génisson, supposerait de longs développements et m'entraînerait probablement au-delà des constats du rapport. J'interprète vos propos comme une demande implicite pour que la Cour reprenne des investigations conjointes avec les chambres régionales des comptes sur ces thèmes.
En ce qui concerne une éventuelle compétence obligatoire nouvelle pour les collectivités territoriales, je vous renvoie à ma réponse précédente. Un transfert permettrait-il vraiment de gagner une stabilité des financements dans le temps et une meilleure répartition sur le territoire ? On peut en douter. Selon moi la véritable question porte sur l'articulation entre l'action des CAF et celle des collectivités locales ou du secteur associatif. C'est un sujet dont j'ai pu faire l'expérience en d'autres temps, et je parle en présence de mon premier adjoint de l'époque !
En tout état de cause, la Cour a constaté que les structures de coordination prévues par le législateur depuis 2002 tardaient à se mettre en place. Les commissions départementales de l'accueil des jeunes enfants, qui ont pour mission d'identifier les besoins et de coordonner le développement de l'offre de garde, n'existaient en 2007 que dans une soixantaine de départements.
Les facteurs qui bloquent l'offre sont multiples. Le désengagement des écoles maternelles de la scolarisation précoce à deux ans a une incidence évidente sur la demande. En application du 2° de l'article 58 de la LOLF, nous venons d'ailleurs de remettre un rapport sur l'école maternelle, dans lequel nous faisons le point sur ce dossier.
La Cour a par ailleurs observé que, parmi les modes de garde, la garde collective est plébiscitée non seulement par les parents mais aussi par les communes. Or c'est un mode coûteux, c'est le plus long à mettre en place, et il est paradoxalement sous-utilisé. Selon les données de la caisse nationale, le taux de remplissage constaté n'est que de 67 %. Il convient à l'évidence de se pencher sur ce phénomène.
Parallèlement à l'engouement pour les crèches, la Cour a observé que l'offre assurée par les assistantes maternelles est un peu considérée comme le parent pauvre. Diverses pistes ont été repérées pour améliorer l'image de marque des assistantes : révision des modalités d'obtention d'agrément et des normes de logement – probablement trop exigeantes à l'heure actuelle –, réforme du cadre juridique des crèches familiales pour permettre la mise à disposition de locaux à des assistantes maternelles, etc.
S'agissant enfin des entreprises de crèches, malgré le caractère partiel de ses investigations, la Cour a noté que l'acceptation culturelle par les CAF et les collectivités territoriales de cette forme de partenariat était, si vous me passez l'expression, « à parfaire ».
Pour avoir testé en tant qu'élu local les différentes formules, je constate que les entreprises privées de crèches permettent d'accueillir 15 à 20 % d'enfants en plus. La souplesse de gestion permet un coefficient de remplissage beaucoup plus élevé et une adaptation des postes en fonction du nombre d'enfants et non pas l'inverse. Beaucoup de collectivités seront tentées de suivre cette orientation.
Il faut bien distinguer crèches privées et crèches d'entreprise. Je crois comme vous, monsieur le premier président, que la qualité des relations avec les CAF et les collectivités territoriales est perfectible. En outre, les crèches d'entreprise ne sont pas la panacée mais elles peuvent tout à fait trouver leur utilité, surtout lorsqu'elles sont interentreprises. Par contre, on ne traite pas assez du problème de la garde d'enfants en milieu rural.
La règle du maximum de neuf enfants et les autres normes entourant les micro-crèches ont été à ce point rigidifiées qu'elles tuent la possibilité de créer des crèches en milieu rural. Il existe un vrai problème de normes excessives.
À force d'augmenter les exigences en matière d'encadrement, de normes incendie, etc., on ne cesse d'accroître les coûts de fonctionnement. C'est ce qui explique que ces microstructures soient trop peu nombreuses : elles ne répondent même pas à 30 % des besoins. De plus, à force d'exiger des qualifications supplémentaires, on finit par éloigner de ces emplois de la petite enfance des personnes tout à fait aptes à les exercer. Si les exigences concernant les assistantes maternelles paraissent excessives, que dire des autres personnels – puéricultrices, éducatrices de jeunes enfants, etc. – que les crèches collectives doivent employer ? Une assistante maternelle peut s'occuper de trois ou quatre enfants à son domicile mais il lui faut une qualification supplémentaire pour exercer en crèche collective. Ce n'est pas acceptable. Qui plus est, pour des enfants que l'on nous demande de scolariser en maternelle à l'âge de deux ans, un enseignant et un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) sont censés suffire alors que, la nuit, la norme est d'une personne pour trois enfants qui dorment ! Vraiment, on peut se poser des questions sur la complexité de notre système et sur ses contradictions.
Je demanderai à madame la ministre de la santé et à madame la secrétaire d'État chargée de la famille de venir répondre conjointement à notre commission sur les adaptations qu'il est urgent d'apporter pour les normes d'encadrement des établissements d'accueil des jeunes enfants.
Je félicite la Cour et son premier président pour la synthèse qu'ils nous ont fournie. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un rapport de 500 pages et qu'il nous serait utile, comme je le répète tous les ans, d'en avoir communication un peu plus tôt.
En matière d'assurance maladie, l'ONDAM est le point essentiel. La Cour estime à juste titre que son respect devrait être la préoccupation prioritaire. Si tel n'est pas le cas, c'est sans doute que l'ONDAM est aujourd'hui fixé de manière économique et que les gouvernements successifs ont tendance à sous-évaluer la dépense pour présenter un équilibre qu'en définitive on n'atteindra pas. En 2003 déjà, le rapport fait par M. Alain Coulomb au nom de la commission des comptes de la sécurité sociale préconisait la médicalisation de cet objectif. Qu'en pense la Cour des comptes ?
Comment maîtriser les dépenses sans responsabiliser les professionnels de santé, qui aujourd'hui se comportent comme un lobby ? La réforme annoncée du pilotage régional du système de santé pourrait les impliquer dans des conseils régionaux de santé, ce qui permettrait de les associer en amont aux décisions et en aval et la gestion. N'est-ce pas une piste pour leur responsabilisation ?
On a aussi évoqué la mise en place de nouvelles lettres-clefs flottantes. J'ai cru comprendre que la Cour des comptes n'y était pas franchement favorable, dans la mesure où cette disposition mettrait à mal la politique conventionnelle et risquerait de déresponsabiliser les professionnels. Ne devrait-on pas plutôt tenter de généraliser les bonnes pratiques médicales, en mettant notamment en place des logiciels d'aide au diagnostic et au traitement ?
Quelle est l'appréciation de la Cour sur les sous-objectifs votés par la Représentation nationale ? Comment financer les réseaux de soins ? Une ordonnance délivrée à la sortie de l'hôpital relève-t-elle des soins de ville ou des soins hospitaliers ? Les futures agences régionales de santé (ARS) ayant pour vocation de devenir les responsables uniques de la santé au niveau régional, la logique ne serait-elle pas de supprimer les sous-objectifs de l'ONDAM pour aller vers des objectifs régionaux ?
Après les 5,1 milliards d'euros en 2007, où en est-on en 2008 pour ce qui est des exonérations non compensées ?
Vous avez évoqué la CADES, monsieur le premier président. Mais les déficits pour 2007 et 2008 ne sont pas aujourd'hui financés. Vous avez également estimé les frais financiers à 3,9 milliards d'euros. La logique du système ne veut-elle pas que l'on confie les déficits à la CADES, et partant que l'on augmente la CRDS pour que le déficit ne soit pas financé par les générations futures?
Vous souhaitez, semble-t-il, intégrer le FFIPSA dans le régime général. Qu'en sera-t-il alors du déficit de ce fonds, qui atteint sans doute 10 milliards actuellement en montant cumulé ?
Je comprends les remarques de la Cour sur les marges réalisées par les pharmacies d'officine. Mais la diminution du nombre d'officines entraînera-t-elle une diminution du déficit de l'assurance maladie ?
Je vous remercie, Monsieur Préel, pour l'appréciation que vous portez sur le travail de la Cour. J'ai déjà fait état de ma perplexité quant à la différence entre la maîtrise médicalisée et la maîtrise comptable. Il m'est donc difficile de répondre sur la médicalisation de l'ONDAM. Pour le reste, je laisse à Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, le soin de répondre à vos questions.
L'ONDAM est forcément économique puisqu'il consiste à déterminer une enveloppe. La question est ensuite de déterminer les mesures que l'on prend pour s'en tenir à cette enveloppe : gestion du risque, mesures de bonne pratique, bref, tout ce qui peut encadrer l'activité quotidienne des professionnels de santé. Une telle réforme ne se fait pas en un jour. Beaucoup de progrès ont été réalisés même si l'on n'a pas encore établi de référentiels et de protocoles pour tous les soins. Lorsque ces référentiels et ces protocoles existent, il faut s'assurer qu'ils sont respectés, ce qui pose tout le problème de la mise en place de l'évaluation des pratiques professionnelles. De même, le chantier de la formation est constamment rouvert depuis dix ans mais reste en stand by.
Il faut bien entendu mener à bien ces réformes. Le problème est que cela produira des effets difficilement mesurables à court terme et que cela nécessitera une volonté permanente, forte et puissante, des piqûres de rappel, un effort pédagogique constant.
Ce n'est pas seulement un problème économique, c'est aussi une condition pour des soins de qualité. Par exemple, la Cour a travaillé cette année sur le cancer et a constaté – sans, bien sûr, s'aventurer sur le terrain médical – des différences considérables dans les thérapeutiques.
Pour autant, on ne peut garantir par ces seuls moyens le respect de l'objectif. Il faut, à un moment donné, prendre des mesures plus contraignantes. La Cour demande notamment que l'on s'assure du respect des engagements pris dans les conventions avant d'accorder de nouvelles augmentations d'honoraires. Celles-ci ne doivent pas être comprises, comme c'est le cas actuellement, comme le prix de l'entrée dans une démarche conventionnelle, sans que l'on vérifie par la suite le respect des engagements. Ce que le Parlement a voté l'an dernier – une sorte de moratoire de six mois permettant de juger des évolutions avant de rendre les revalorisations effectives – constitue déjà un progrès.
Même s'il ne faut pas opposer médicalisation et économie, le cadre reste tout de même économique.
Oui, c'est de la sémantique.
La Cour n'a pas pris position en ce qui concerne les lettres-clefs flottantes. Il ne faut pas oublier que le système a fonctionné pour les cliniques et les laboratoires bien avant le « plan Juppé ». La T2A est un peu bâtie sur ce principe : quand les volumes augmentent, les tarifs baissent. Je me garderai de porter une appréciation sur l'opportunité d'étendre aux professionnels de santé un dispositif qui existe déjà pour les établissements de soins. Le sujet est complexe. On va dire, je le sais bien, que c'est de la maîtrise comptable, mais le déficit nous met dans une situation très difficile, et je ne pense pas que la situation sera plus facile à gérer l'année prochaine. Le vote des sous-objectifs a constitué un progrès. Cela a permis au Parlement de décider du partage entre les différents segments de soins et d'avoir connaissance des outils prévus pour respecter ces sous-objectifs.
La mise en place des ARS remettra-t-elle en cause ce dispositif ? Il n'est pas envisagé, en l'état de nos informations, d'établir des enveloppes régionales de santé. J'ai cependant cru comprendre que le ministère avait cette disposition en perspective puisqu'il a envisagé d'annexer au budget des ARS des états récapitulatifs et prévisionnels de toutes les sommes consacrées à la santé dans chaque région, qu'elles viennent de l'assurance maladie, de l'État ou de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (UNSA). L'idée est donc bien de commencer à repérer le coût de la santé région par région avant d'élaborer peut-être, un jour, des enveloppes régionales.
Les exonérations que la loi ne prévoit pas de compenser représentent un montant d'environ 3 milliards d'euros de pertes sèches pour la sécurité sociale. Il s'agit, pour l'essentiel, d'exonérations antérieures à la loi de 1994. Pour le reste, la reconstitution des dettes de l'État à l'égard de la sécurité sociale au titre de 2007 représente 1,5 milliard d'euros. Le rapport relève également que des insuffisances de crédits budgétaires pour 2008 dessinent une perspective de dette, à moins qu'une loi de finances rectificative ne prévoie, avant la fin de l'année, d'abonder le budget en conséquence.
En ce qui concerne la CADES, je ne peux que reprendre les propos du premier président. Il n'y a d'autre solution qu'une recette supplémentaire pérenne, régulière et suffisante.
La CRDS, c'est 0,5 % d'une assiette à peine plus large que celle de la CSG. Dans les deux cas, il s'agit d'un prélèvement obligatoire : il n'y a pas de miracle ! Mais il est vrai que la CRDS était la recette dédiée à la CADES.
Pour ce qui est des pharmacies, nous avons démontré que, si la rémunération était en effet favorable, elle avait été fixée à ce niveau dans le but de permettre à de petites officines de survivre. Avant que le Parlement ne vote une nouvelle disposition, les préfets accordaient toutes les autorisations par dérogation – et ce depuis 1941, date à laquelle a été institué le système des quotas. L'excédent du stock de pharmacies sera long à résorber. En attendant, nous avons établi que les marges étaient importantes et que l'on pourrait peut-être les abaisser si les officines avaient un champ plus large. Voilà pourquoi la Cour a estimé que, pour encourager au regroupement, il fallait peut-être durcir les conditions de rémunération.
Jean-Luc Préel soulève tous les ans – comme le faisait Claude Évin – l'hypothèse de transmettre aux régions une enveloppe globale dont seraient responsables les dirigeants de l'assurance maladie. Cela revient à mettre en place une fongibilité. Si l'on expérimentait une enveloppe globale, verriez-vous des objections à ce qu'il y ait des différences de remboursement selon les régions ? Si l'on n'expérimente pas des enveloppes régionales dans le cadre d'« ORDAM » (objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie), je ne vois pas comment on parviendra à une responsabilisation.
À l'évidence, les agences régionales de santé se heurteront à des difficultés si elles ne maîtrisent pas une enveloppe. Cela étant, l'instauration d'une « enveloppe régionale de santé » risque de faire peur à beaucoup d'acteurs du monde de la santé : il faudra partager le gâteau, privilégier, le cas échéant, telle partie du territoire ou tel secteur actuellement sous-équipé, et distribuer les montants entre les différents segments à l'intérieur d'une même région. Il s'agit sans doute d'un levier puissant : encore faut-il que les ARS montent en charge et installent bien leurs positions.