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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Séance du 30 avril 2008 à 11h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Émile Blessig, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant réforme de la prescription en matière civile (n° 433).

PermalienPhoto de Émile Blessig

, a rappelé que la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile avait été adoptée en première lecture par le Sénat le 21 novembre 2007. Il a précisé que cette réforme était issue d'une longue réflexion, notamment marquée par un avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, rédigé sous la direction de M. Pierre Catala. Il a souligné que la proposition de loi était également le fruit des travaux d'une mission d'information de la commission des Lois du Sénat sur le régime des prescriptions civiles et pénales, présidée par M. Jean-Jacques Hyest.

Il a indiqué que la réforme de la prescription en matière civile était particulièrement attendue tant la complexité et la multiplicité de ses règles sont dénoncées. Il a précisé que la réforme portée par la présente proposition de loi reposait sur trois axes : la réduction du nombre et de la durée des délais de la prescription extinctive, la simplification de leur décompte et l'autorisation encadrée de leur aménagement contractuel.

Il a estimé que les deux mesures les plus importantes étaient le raccourcissement du délai de droit commun de trente ans à cinq ans et l'institution d'un délai butoir de vingt ans, corollaire de la définition d'un point de départ de la prescription « glissant ».

Après avoir précisé que la modernisation du droit de la prescription civile devait permettre de jeter les bases de la réforme à venir du droit des obligations, il a rappelé que la proposition de loi avait fait l'objet d'un large consensus au Sénat, puisque seul le groupe CRC s'était abstenu.

Il a souligné que la question du traitement de la prescription en matière salariale avait fait l'objet de vives inquiétudes.

Il a rappelé que, selon les articles L. 3245-1 du code du travail et 2277 du code civil, la prescription en matière de paiement des salaires était de cinq ans et que ce principe était confirmé par l'article 8 de la proposition de loi. Après avoir indiqué que la discrimination syndicale était définie par l'ancien article L. 412-2 du code du travail, repris par les actuels articles L 2141-5 à L. 2141-8 du même code, il a souligné qu'elle se prescrivait selon le délai de droit commun, actuellement de trente ans. Il a précisé, que, dans le silence de la loi quant à la combinaison de différents délais de prescription, la Cour de cassation avait rappelé, dans une affaire qui concernait à la fois une action en réparation de la perte de salaire et une discrimination, que « l'action en réparation du préjudice résultant d'une telle discrimination, se prescrit par trente ans » et avait ainsi renoncé à isoler la question de la réparation de la perte de salaire.

Il a constaté qu'en l'état, la proposition de loi adoptée par le Sénat prévoyait un délai de droit commun fixé à cinq ans et un point de départ de ce délai correspondant au moment où « le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». Il a donc observé que ces dispositions semblaient moins favorables au salarié que le droit en vigueur.

Il a indiqué que le président de la commission des Lois du Sénat, M. Jean-Jacques Hyest, avait souhaité régler cette question à l'occasion du débat sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Il a indiqué que l'article 4 bis de ce projet de loi visait, d'une part, à préciser que l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrivait par cinq ans « à compter de la révélation de la discrimination » et, d'autre part, à préciser que les dommages et intérêts réparaient « l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée ».

Il a donc affirmé que l'amendement du président Hyest réglait sans le moindre doute la question de l'ampleur de la réparation du préjudice. En revanche, il s'est demandé si le délai de prescription courant à compter du jour de la « révélation » de la discrimination faisait taire toutes les inquiétudes. Il a précisé que, selon la doctrine, cette notion pourrait être comprise comme « la connaissance du manquement et du préjudice en résultant ».

Il a rappelé que la discrimination se caractérisait par le fait qu'il était très difficile de déterminer un « fait générateur » identifiable, puisqu'elle prenait la forme d'une série de décisions de l'employeur.

Il a indiqué que la « révélation » de la discrimination était un point de départ issu de la jurisprudence, notamment d'un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 22 mars 2007.

Il a insisté sur le fait que la « révélation » n'était pas la simple connaissance de la discrimination par le salarié, mais qu'elle correspondait au moment où le salarié disposait des éléments de comparaison qui mettent en évidence la discrimination. Il a donc estimé que tant que le salarié ne disposait pas d'éléments probants, la discrimination ne pouvait pas être considérée comme révélée et, donc, que le délai de prescription de l'action du salarié ne pouvait pas courir.

Il a donc conclu que, compte tenu de cet encadrement, la réduction de trente ans à cinq ans du délai de prescription ne nuirait pas aux capacités d'action des salariés.

Il a ensuite indiqué qu'il souhaitait procéder à une harmonisation des dispositifs applicables aux différentes professions juridiques. Il a également annoncé son souhait de préciser, en matière de dommage corporel, que la notion de « consolidation » d'un dommage s'appliquait tant au dommage initial qu'à l'éventuel dommage aggravé. Enfin, il a souhaité consolider la construction jurisprudentielle selon laquelle les actions en responsabilité contre les constructeurs et leurs sous-traitants se prescrivent de manière identique, qu'elles relèvent ou non du droit commun.

Tout en convenant de la nécessité de réformer les délais de prescription civile, M. Jean-Michel Clément a estimé que la proposition de loi ne mettrait pas fin à la persistance de délais spécifiques en la matière. Il a souhaité plus particulièrement insister sur deux aspects du texte critiquables à ses yeux, sans qu'ils épuisent à eux seuls les contestations du groupe SRC à l'endroit de la proposition de loi.

Il a ainsi jugé, en premier lieu, que la diminution de 30 à 5 ans du délai au terme duquel les actions en matière civile seront prescrites risquait de placer brutalement l'ensemble des relations contractuelles dans un rapport de forces inégal. Dans la lignée de ce constat, il a fait valoir qu'un délai alternatif de prescription au bout de 10 ans apparaissait préférable et davantage compatible avec les conditions d'exercice des rapports contractuels, ce sentiment étant partagé non seulement par les magistrats de la Cour de cassation mais aussi par une grande partie de la doctrine.

Il a considéré, en second lieu, que la possibilité offerte par le texte de négocier les délais de prescription comportait en elle le germe d'une déstabilisation des relations contractuelles, cette éventualité ne pouvant concrètement jouer qu'à la baisse des délais au profit des acteurs économiques les plus puissants, vis-à-vis desquels les autres parties se trouvent dans une situation de dépendance. Pour cette raison, il a qualifié de déplacée toute affirmation selon laquelle les cocontractants resteraient, aux termes de la proposition de loi, sur un pied d'égalité.

En conclusion, il a observé que la proposition de loi soumise à l'examen de la Commission avait des conséquences plus profondes que son aspect technique laissait penser, y compris vis-à-vis du droit du travail. Il a ainsi annoncé que le groupe SRC défendrait un certain nombre d'amendements visant à rétablir un nécessaire équilibre dans les relations contractuelles et à supprimer le délai butoir qui, sous couvert d'un allègement de la charge de travail de l'institution judiciaire, affaiblira la situation des personnes se trouvant déjà dans un état de dépendance.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

a observé que la proposition de loi constitue incontestablement un texte important puisqu'elle vise à définir le délai au terme duquel les Français se verront privés de leur droit de recours en justice. Il a considéré que ses effets ne seront réellement perçus que six mois à un an après son adoption et appelé à la plus grande vigilance sur les choix effectués par le texte, qui lui ont paru devoir être discutés et contestés.

Remarquant que même la doctrine n'accorde pas un satisfecit au dispositif proposé, il a estimé que la représentation nationale ne devait pas prendre pour argent comptant un compromis issu de suggestions déraisonnables de certains universitaires proposant de ramener les délais de prescription en matière civile à 3 ans.

S'interrogeant sur le bien-fondé du choix d'un délai de 5 ans, alors même qu'un consensus semblait se dessiner autour de 10 ans, à la suite des travaux de la Cour de Cassation et du Gouvernement précédent, qui avait déposé sur le Bureau du Sénat, en juillet 2006, un projet de loi de simplification du droit visant justement à l'habiliter à ramener la prescription trentenaire à une prescription décennale, il a estimé que le délai de 5 ans représentait un risque considérable pour la collectivité tout entière. Il a alors annoncé que le groupe SRC défendrait le passage de ce délai à 10 ans.

Critiquant ensuite les dispositions relatives au délai butoir et aux aménagements conventionnels, il a surtout insisté sur les conséquences de la version adoptée par le Sénat s'agissant des discriminations, en jugeant que les travaux des sénateurs avaient failli créer une bombe à retardement aux effets désastreux. Se félicitant que, à la suite de son intervention auprès du Président de la Commission, des solutions, mêmes incomplètes, aient pu être envisagées, il a fait valoir qu'il n'était pas certain que l'ensemble des implications de la proposition de loi aient été prises en considération, notamment en matière de maladies professionnelles. Il a ajouté que les dispositions adoptées par le Sénat sur proposition de M. Jean-Jacques Hyest ne remédiaient pas totalement aux dégâts provoqués, notamment s'agissant des problèmes entourant le point de départ de la prescription.

Pronostiquant que le déroulement des procès en discrimination portera essentiellement, désormais, sur la prescription, les accusés actionnant ce motif pour tenter d'échapper à leur responsabilité, il a estimé que l'objectif politique relativement consensuel de la lutte contre les discriminations risquait de s'en trouver remis en cause et profondément altéré. Il a d'ailleurs souligné que la HALDE elle-même s'était inquiétée des problèmes engendrés par la proposition de loi.

Pour toutes ces raisons, il a indiqué que le groupe SRC ne pouvait qu'adopter une position critique à l'égard de ce texte et il a invité la Commission à réparer les dégâts causés par le Sénat, non encore frappés de prescription.

Observant que la proposition de loi avait un objet relativement large en matière de prescription, M. Jérôme Lambert s'est interrogé sur les raisons justifiant cette réforme en exprimant ses doutes quant à l'existence de problèmes majeurs nés de l'état actuel de notre droit. Il a en outre observé que le délai de prescription au bout de 2 ans prévu à l'article 6 s'agissant de la perte ou de la destruction de pièces par les huissiers pouvait apparaître trop court, notamment au regard des effets potentiels de telles éventualités sur le déroulement, voire l'extinction, d'une procédure engagée par un particulier.

PermalienPhoto de Étienne Blanc

a jugé, pour sa part, que la proposition de loi était au contraire très attendue par les professionnels et les associations de conseil aux justiciables. Constatant la confusion immense résultant de l'empilement de dispositions différentes en matière de prescription civile, il a souligné que ce texte s'inscrivait parfaitement dans le prolongement de la politique de simplification et de clarification du droit poursuivie par le Gouvernement et la majorité.

Il a ajouté que la proposition de loi permettra de résoudre un certain nombre de problèmes juridiques, ayant trait notamment au point de départ du délai de prescription ou à la computation de ce délai.

Il s'est enfin interrogé sur l'interruption de la prescription. Relevant qu'actuellement, outre l'action en justice, cette interruption peut intervenir, aux termes de la jurisprudence, sur simple lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extra-judiciaire, il a souhaité savoir si une sommation interpellative ou un commandement de payer, par exemple, pourraient à l'avenir interrompre la prescription civile.

Après avoir indiqué qu'il répondrait aux préoccupations de MM. Clément et Vidalies en détail lors de l'examen des amendements, le rapporteur a insisté sur la nécessité de la présente réforme. En effet, il a jugé l'état du droit trop complexe, notamment parce que le législateur n'avait pas conduit une réflexion globale sur la question de la prescription. Il a estimé que cette réforme était aussi rendue nécessaire du fait de l'internationalisation croissante de l'économie qui conduit à mettre en concurrence les systèmes juridiques.

S'agissant de l'action en responsabilité contre les huissiers à raison de la perte ou de la destruction de pièces, il a rappelé que le délai de prescription de deux ans était celui actuellement prévu par l'article 2276 du code civil, en vigueur depuis 1971.

Il a indiqué que la proposition de loi ne proposait pas de créer de nouveaux cas d'interruption de la prescription par lettre recommandée, mais il a souligné que tous les cas d'interruption existants étaient maintenus, notamment en matière d'assurances.

Chapitre Ier De la prescription extinctive et de la prescription acquisitive

Article 1er(Titre XX du livre troisième, chapitre Ier, II, III et IV et art. 1792-4-1 et 1792-4-2 [nouveaux], 2219 à 2254, 2270 et 2270-2 du code civil) : Réforme des règles de la prescription extinctive :

Le rapporteur a présenté un amendement consolidant une jurisprudence de la Cour de cassation qui harmonise le régime de prescription des actions contre tous les constructeurs et leurs sous-traitants, qu'elles relèvent ou non du droit commun.

La Commission a adopté cet amendement ainsi qu'un amendement de clarification du même auteur.

— Art. 2219 du code civil : Définition de la prescription extinctive :

PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

a présenté un amendement précisant que la prescription extinctive peut également être un mode d'extinction d'une action. Il a estimé que la définition retenue par la proposition de loi était trop restrictive et ne permettait pas de savoir clairement si la prescription éteint le droit lui-même ou simplement l'action.

Le rapporteur a rappelé que cet amendement avait pour objet de faire trancher par le législateur le débat entre la thèse substantialiste (la prescription a pour effet d'éteindre un droit) et la thèse processualiste (elle éteint seulement une action). Estimant que ce débat devait rester d'ordre doctrinal, il a donné un avis défavorable à l'amendement que la Commission a alors rejeté.

— Art. 2224 du code civil : Réduction à cinq ans du délai de droit commun de la prescription extinctive :

PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

a présenté un amendement réduisant le délai de prescription de droit commun de trente à dix ans, contre cinq ans dans la proposition de loi. Au-delà des arguments développés dans la discussion générale, il a estimé, après avoir consulté de nombreux professionnels, notamment les avoués, que les objectifs ayant motivé le choix d'un délai aussi court ne seraient pas atteints. En effet, face à cette réduction de la durée de prescription, les professionnels sauront trouver des réponses, notamment par la multiplication d'engagements d'actions « préventives » en responsabilité afin de préserver leurs intérêts à l'avenir.

Le rapporteur a rappelé que le délai de prescription de trente ans était largement critiqué et avait motivé de nombreuses propositions de réformes. Certains, comme les auteurs de l'amendement, sont favorables à un délai de dix ans, d'autres, comme le rapport Catala, préconisent un délai de trois ans. Au total, le choix d'une durée de cinq ans semble donc équilibré, en phase avec une tendance observée dans toute l'Europe, sous l'impulsion notamment d'Unidroit qui est favorable à une durée de prescription de cinq ans.

Le rapporteur a souligné que les systèmes juridiques devaient savoir évoluer, pour tenir compte du mouvement d'internationalisation des agents économiques et des citoyens, ainsi que du mouvement d'accélération des processus dans un monde en perpétuelle mutation. Il a enfin indiqué que la Cour de cassation s'était ralliée à cette durée de cinq ans dans une étude publiée en 2007.

La Commission a alors rejeté l'amendement.

— Art. 2226 du code civil : Prescription des actions en responsabilité civile tendant à la réparation d'un dommage corporel ou d'un préjudice causé par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur :

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Jean-Michel Clément fixant à trente ans, contre vingt dans la proposition de loi, la prescription des actions en responsabilité lorsque le préjudice a été causé par des tortures, des actes de barbarie, ou des violences ou agressions sexuelles commises contre des mineurs. Compte tenu de la gravité du préjudice, il est normal de retenir le délai de prescription le plus long, identique à celui applicable en matière de dommages causés à l'environnement.

Le rapporteur a rappelé que la prescription de droit commun pour les dommages corporels est de dix ans, un délai de vingt ans permet donc de tenir compte de la spécificité du préjudice subi. Par ailleurs, il semble cohérent d'aligner la prescription civile sur la prescription pénale, qui est de vingt ans.

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

a interrogé le rapporteur sur le délai de prescription pénale en matière de dommages à l'environnement.

Le rapporteur a précisé qu'en matière d'environnement, il n'existe pas d'incrimination générale, mais plusieurs types d'infractions.

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

a rappelé que ces incriminations pénales existaient en matière de dommages causés à l'environnement et que leur délai de prescription était inférieur à trente ans, délai de prescription en matière civile. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de s'opposer au délai de trente ans proposé par l'amendement.

Après que le rapporteur eut maintenu son avis défavorable, la Commission a rejeté l'amendement.

— Après l'article 2227 du code civil :

PermalienPhoto de Alain Vidalies

a présenté un amendement concernant l'action en réparation du préjudice résultant d'une situation de discrimination. Il a précisé que cet amendement, qu'il a largement eu l'occasion de présenter au cours de la discussion générale, résultait d'un travail mené en concertation avec les principales associations concernées, à l'origine de la prise de conscience des dangers induits par le texte du Sénat. Il s'inscrit par ailleurs dans le cadre des préconisations de la HALDE.

Le rapporteur a estimé que l'amendement qu'il présentera à l'article 8, reprenant celui présenté par M. Hyest dans le cadre du projet de loi sur les discriminations, permettra de répondre aux problèmes soulevés par M. Vidalies. Ainsi, sur la réparation de la totalité du préjudice et sur le point de départ, fixé au moment où le salarié dispose de l'ensemble des éléments, l'amendement aura satisfaction. Le seul point de divergence porte donc sur la durée de prescription que le groupe socialiste souhaiterait porter à 10 ans, ce qui est cohérent avec le délai que ce même groupe propose pour le délai de droit commun.

La Commission a alors rejeté l'amendement.

— Art. 2232 du code civil : Création d'un délai butoir :

PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

a présenté un amendement supprimant le délai butoir instauré par la proposition de loi. Ce délai butoir fait l'objet de nombreuses critiques, notamment de la part du groupe de travail de la Cour de cassation qui a soulevé un risque d'inconstitutionnalité. L'instauration d'un délai butoir couplée à la réduction importante de la prescription de droit commun risque d'entraîner une réduction drastique du droit d'agir en justice, notamment pour les personnes qui ne maîtrisent pas parfaitement l'ensemble des paramètres du régime des prescriptions civiles.

Le rapporteur a considéré que l'existence d'un délai butoir est justifiée compte tenu de l'instauration d'un point de départ glissant du délai de droit commun de la prescription. Cette contrepartie est nécessaire afin d'assurer un équilibre entre les droits de chacun car la prescription est aussi un facteur de paix sociale.

Néanmoins, il faut tenir compte des situations dans lesquelles la personne lésée ignore l'existence d'un droit en sa faveur. Or, le projet de loi vient par ailleurs consacrer la jurisprudence selon laquelle la prescription ne court pas tant que le créancier ignore l'existence ou l'étendue de la créance.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

a estimé que le rapporteur était manifestement d'accord avec les auteurs de l'amendement sur le fond. Mais il se trompe en pensant que la consécration de l'adage qu'il a cité permettra de résoudre le problème. Au contraire, l'instauration législative d'un délai butoir constituera la seule exception au principe selon lequel la prescription n'est pas opposable à une personne qui ignore l'existence de son droit. Cette interprétation est très claire à la lecture des travaux parlementaires au Sénat. Une telle solution, au nom de la paix sociale, est très choquante puisqu'elle permettra par exemple de prescrire des actions, alors même que celles-ci n'ont pas été engagées sous la contrainte de la violence.

Le rapporteur a indiqué que s'il était indispensable de préserver la paix sociale en instaurant un délai butoir de vingt ans, il était néanmoins possible de discuter sur les modalités de mise en oeuvre de ce délai butoir.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

a considéré que si l'interprétation du rapporteur était retenue, la disposition devenait effectivement moins nocive, mais également totalement inutile.

La Commission a ensuite rejeté l'amendement.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur écartant l'application du délai butoir pour la prescription entre époux ou partenaires d'un pacte civil de solidarité, par cohérence avec le principe de suspension de la prescription pendant le mariage.

Puis elle a été saisie d'un amendement de M. Jean-Michel Clément tendant à interdire la signature de clauses contractuelles modifiant les règles de prescription, son auteur ayant jugé préférable que ces dernières soient d'ordre public car les rapports contractuels sont fréquemment déséquilibrés en faveur de l'une des parties. Le rapporteur ayant rappelé que cette faculté est déjà reconnue par la jurisprudence et ne s'applique ni au droit du travail, ni au droit des assurances, ni au droit de la consommation, la Commission a rejeté cet amendement.

— Art. 2233 du code civil : Créances soumises à condition, actions en garantie et créances à terme :

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Michel Clément fixant le point de départ de la prescription, lorsque la créance dépend d'une condition suspensive, au jour de la réalisation de cette condition, le rapporteur ayant émis un avis défavorable.

— Art. 2254 du code civil : Extension des possibilités d'aménagement conventionnel de la prescription :

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Michel Clément tendant à supprimer l'article 2254 du code civil, le rapporteur ayant émis un avis défavorable.

Elle a ensuite adopté un amendement d'harmonisation rédactionnelle du rapporteur, puis l'article premier ainsi modifié.

Article 2(Titre XXI du livre troisième et art. 2258 à 2260, 2266 à 2269 et 2271 à 2273 du code civil) : Réforme des règles de la prescription acquisitive :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Chapitre II Dispositions diverses et de coordination

Article additionnel avant l'article 3(art. 924-4 et 2337 du code civil) : Coordination :

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur.

Article 3(Chapitre VII [nouveau] du titre III du livre premier et art. L. 137-1 et L. 137-2 du code de la consommation) : Interdiction des modifications contractuelles de la prescription applicable aux actions des professionnels pour les produits et services qu'ils fournissent aux consommateurs :

La Commission a rejeté un amendement de coordination de M. Jean-Michel Clément, puis a adopté l'article 3 sans modification.

Article additionnel après l'article 3(art. L. 111-12 du code de la construction et de l'habitation) : Coordination dans le code de la construction et de l'habitation :

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur.

Article 4(art. L. 114-3 [nouveau] du code des assurances et L. 221-12-1 [nouveau] du code de la mutualité) : Interdiction des modifications contractuelles de la prescription :

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. Jean-Michel Clément, puis a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5 (art. 181, 184 et 191 du code civil) : Actions en annulation de mariage :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jean-Michel Clément tendant à rétablir la référence au moment où l'époux victime d'un vice du consentement a acquis sa pleine liberté comme point de départ de l'action en nullité du mariage, afin que la prescription ne courre pas à l'égard des conjoints victimes de violences. Après avoir indiqué que l'article 5 corrige un défaut résultant de la loi du 4 avril 2006, qui a supprimé une disposition prévoyant l'irrecevabilité des actions en nullité lorsque les époux ont cohabité pendant plus de six mois, le rapporteur a expliqué que les actions en nullité sont désormais possibles dans un délai de cinq ans à compter du mariage ou de la découverte du vice du consentement, sans réelle limitation dans le temps. Le rapporteur ayant jugé préférable de définir un délai de prescription de cinq ans à compter du mariage, la Commission a rejeté cet amendement.

Puis elle a adopté l'article 5 sans modification.

Article 6(art. 2 de la loi du 24 décembre 1897 relative au recouvrement dus aux notaires, avoués et huissiers et art. 2 bis [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers) : Prescription de l'action des notaires et des huissiers en recouvrement de leurs frais et de l'action en responsabilité contre les huissiers :

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur.

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Jean-Michel Clément fixant à cinq ans le délai de prescription des actions en responsabilité contre les huissiers de justice pour la perte ou la destruction de pièces qui leur sont confiées, le rapporteur ayant émis un avis défavorable.

La Commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 6(art. L. 321-17 du code de commerce) : Prescription des actions en responsabilité engagées à l'occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur appliquant le délai de prescription de droit commun de cinq ans aux actions en responsabilité professionnelle engagées à l'occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques.

Article additionnel après l'article 6(art. 6-3 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971) : Prescription des actions en responsabilité des experts judiciaires :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant le délai de prescription de dix ans applicable aux actions en responsabilité dirigées contre un expert pour des faits se rapportant à l'exercice de ses fonctions, afin que le délai de droit commun de cinq ans s'applique.

Article additionnel après l'article 6(art. 22 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985) : Coordination :

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur.

Article additionnel après l'article 6(art. 9 de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986) : Coordination :

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur.

Article 6bis (nouveau) (art. 10 du code de procédure pénale) : Effets du raccourcissement de la prescription pénale sur la prescription de l'action publique :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 6ter (nouveau) (Chapitre II [nouveau] du titre V du livre Ier et art. L. 152-1 [nouveau] du code de l'environnement) : Prescription des obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l'environnement :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 7(Art. L. 110-4 du code de commerce) : Réduction du délai de prescription applicable aux actions entre commerçants, ou entre commerçants et non-commerçants :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 8(Art. L. 3243-3, L. 3245-1 du code du travail) : Prescription en matière salariale :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Alain Vidalies tendant à revenir sur la suppression du second alinéa de l'article L. 3243-3 du code du travail, qui dispose que la remise d'un bulletin de paye ne vaut pas arrêté de comptes. Le rapporteur a expliqué que cette disposition est supprimée par coordination, car elle fait référence à l'article 2274 du code civil, par ailleurs supprimé par le projet de loi. Après que M. Alain Vidalies a confirmé son opposition à cette suppression, au motif que les règles relatives à la prescription quinquennale en matière de salaires ne sont pas modifiées, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur prévoyant, d'une part, que l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination et, d'autre part, que les dommages et intérêts réparent le préjudice subi pendant toute la durée de la discrimination.

Son auteur a précisé qu'il s'agissait de la reprise de l'amendement de M. Jean-Jacques Hyest au projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Puis elle a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9(Art. L. 135-7 du code de la sécurité sociale) : Affectation au Fonds de réserve des retraites de sommes résultant de la liquidation de certains instruments financiers :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 10(Art. L. 211-19, L. 243-2 L. 422-3 du code des assurances) : Coordinations au sein du code des assurances :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 11(Art. L. 111-24, L. 111-33 et L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation) : Coordinations au sein du code de la construction et de l'habitation :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 12(Art. L. 1126-7, L. 1142-28 du code de la santé publique) : Prescription de l'action en responsabilité pour dommages résultant d'une recherche biomédicale et exclusion du délai butoir pour les actions en responsabilité contre les professionnels de santé :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 13(Art. L. 2321-4 du code général de la propriété des personnes publiques) : Prescription des produits et redevances du domaine public des personnes publiques :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 14 (Art. L. 518-24 du code monétaire et financier) : Coordination au sein du code monétaire et financier :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 15 (Art. 3-1 [nouveau] de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution) : Délai pour poursuivre l'exécution d'un titre exécutoire :

La Commission a adopté un amendement de clarification du rapporteur, puis l'article 15 ainsi modifié.

Article 16 (Art. 2503 du code civil) : Coordination relative à Mayotte :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 17 (Art. L. 143-4 et L. 143-15 du code du travail applicable à Mayotte, art. 101 et 106 de la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant du ministère de la France d'outre-mer, chap. VIII [nouveau] du titre III du livre premier et art. L. 138-1 [nouveau] du code de la consommation et art. L. 193-1 et L. 193-2 du code des assurances) : Application outre-mer :

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur, puis l'article 17 ainsi modifié.

Article 18 : Compensation des conséquences financières :

La Commission a maintenu la suppression de cet article.

Article 19 : Application des règles nouvelles aux prescriptions en cours :

La Commission a adopté un amendement d'harmonisation rédactionnelle du rapporteur, puis l'article 19 ainsi rédigé.

Puis elle a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.