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Séance en hémicycle du 9 juin 2011 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Patrick Bloche et plusieurs de ses collègues visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe (n°s 586, 3462).

La parole est à M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en faisant inscrire à l'ordre du jour de notre Assemblée une proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe, qui a été déposée une première fois en 2006, le groupe socialiste, radical et citoyen, par la voix de son président Jean-Marc Ayrault, a souhaité d'abord répondre à l'interpellation qui a été celle du Conseil constitutionnel le 28 janvier dernier.

Le Conseil constitutionnel avait en effet été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation et posée par deux femmes désirant se marier ensemble. À cette occasion, tout en déclarant que les articles 75 et 144 du code civil, qui font explicitement référence au mariage entre homme et femme, n'étaient pas contraires à la Constitution, le Conseil a tenu néanmoins à rappeler que, aux termes de l'article 34 de la Constitution, « il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité ». En un mot, chers collègues, la balle est désormais et plus que jamais dans notre camp.

L'autre raison pour laquelle notre groupe a souhaité débattre de cette question aujourd'hui dans cet hémicycle, c'est que la France, pionnière en 1999 lors du vote du PACS, est aujourd'hui à la traîne et que, sans tarder, il est nécessaire de franchir une nouvelle étape sur le chemin de l'égalité des droits.

Aborder la question de l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe, c'est incontestablement répondre à une demande sociale comparable à celle qui a fait le succès du PACS au cours de ces douze dernières années : 203 882 déclarations de PACS ont en effet été enregistrées l'année dernière, année où l'on a compté trois PACS pour quatre mariages, et c'est le 1er janvier 2010 que le cap du million de pacsés a été franchi.

Soulignons, à ce propos, le paradoxe qui amène aujourd'hui ceux des députés de la majorité qui sont hostiles à l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe à attribuer toutes les vertus au PACS, qu'ils ont pourtant combattu hier, parfois si violemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Au-delà du rappel, s'il était nécessaire, que le PACS et le mariage, ce ne sont pas les mêmes droits et, de fait, les mêmes devoirs, votre rapporteur souhaiterait récuser deux arguments souvent avancés par les opposants à l'ouverture du mariage aux couples de même sexe.

Le premier, c'est la visée censément procréatrice du mariage. Avouons qu'il ne résiste pas au fait que 56 % des premiers enfants naissent aujourd'hui hors mariage.

Le second pointe la démarche communautariste qui sous-tendrait la revendication de l'ouverture du mariage aux couples de même sexe. Nous rejetons d'autant plus cette objection que la démarche des auteurs de cette proposition de loi se veut républicaine et universaliste (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC), fondée à la fois sur l'égalité des droits et sur la liberté de choix ayant conduit hier à ouvrir le PACS aux couples hétérosexuels et conduisant aujourd'hui à vouloir ouvrir le mariage aux couples homosexuels. Il s'agit de donner un droit supplémentaire à certains, sans réduire les droits des autres.

En ce domaine, comme dans d'autres, on ne saurait envisager que, au sein de l'Union européenne, il y ait une exception française. Nous l'avons déjà dit, nous le répétons, la France qui a joué un rôle pionnier en 1999 est aujourd'hui à la traîne des autres pays européens. Or l'Europe connaît un mouvement général de progrès dans la lutte contre les discriminations et la reconnaissance du mariage homosexuel. Le Parlement européen a ainsi adopté plusieurs résolutions en ce sens, en 1994, en 2001 et encore en 2003. Durant la dernière décennie, sept États européens ont ouvert le mariage aux personnes de même sexe : les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne, la Norvège, la Suède, le Portugal et l'Islande. Trois États extra-européens ont fait de même : le Canada en 2005, l'Afrique du Sud en 2006 et, plus récemment, l'Argentine en 2010, ce à quoi on peut ajouter la ville de Mexico, cinq États des États-Unis ainsi que Washington.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Force est de constater que ces sociétés si comparables aux nôtres, certaines étant même de culture catholique très marquée, n'ont assurément pas été ébranlées dans leurs fondements par la reconnaissance du mariage homosexuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Cette reconnaissance par certains États européens a, du fait de la libre circulation des personnes au sein de l'Union, des implications dans les autres pays, notamment en France.

En l'état actuel de la jurisprudence, les juridictions européennes comme nationales se refusent à déclarer les dispositions actuelles du code civil contraires aux normes supérieures, laissant au législateur national, c'est-à-dire à nous, le soin de trancher la question. De ce fait, une évidence s'impose, la reconnaissance du mariage des couples de même sexe ne peut être que législative.

Votre rapporteur tient de fait à rappeler l'effet incontestablement déclencheur qu'a eu l'initiative prise par notre collègue Noël Mamère lorsqu'il a célébré, en tant que maire de Bègles, le 5 juin 2004, un mariage entre deux hommes. En effet, cela a permis aux tribunaux français de préciser la portée des articles du code civil relatifs au mariage.

Ce mariage a certes été annulé sur décision du tribunal de grande instance de Bordeaux du 27 juillet 2004, l'annulation étant confirmée en appel en avril 2005 et en cassation en mars 2007. Or, lors de l'audience de la première chambre civile de la Cour de cassation, l'avocat général avait déclaré que, compte tenu des enjeux de société importants et de la dimension politique des réponses pouvant être apportées à la question, « abandonner à la seule autorité judiciaire le soin de se prononcer » paraissait « exiger du juge qu'il accomplisse une tâche excédant les limites permises de son action ».

Cette jurisprudence de la Cour de cassation comme celle du Conseil constitutionnel déjà évoquée par votre rapporteur ou celle de la Cour européenne des droits de l'homme nous invitent, chers collègues, à un choix politique : il revient en effet aujourd'hui au législateur de déterminer sa conception du mariage en 2011.

Prenant la mesure des attentes fortes de nos concitoyens, qui y sont, faut-il le rappeler, majoritairement favorables, et des enjeux que soulève cette question, la présente proposition de loi entend ouvrir le mariage aux couples de même sexe, sans modifier les règles actuelles régissant le mariage hétérosexuel. Il est ici question seulement d'ajouter un droit nouveau, non de réduire les droits des couples mariés hétérosexuels.

Le texte se compose de quatre articles, répartis en trois chapitres.

L'article 1er, qui constitue le coeur de la proposition de loi, rétablit au sein du code civil un article 143 précisant désormais que « le mariage peut être contracté par deux personnes de sexes différents ou de même sexe ». Les articles suivants tirent les conséquences de cette reconnaissance en matière d'interdiction de mariage au sein des familles – article 2 –, et procèdent à un toilettage des termes utilisés dans différents articles du code civil pour tenir compte de ces évolutions – article 4.

Afin de ne remettre en cause aucun droit des couples hétérosexuels mariés, l'article 3 précise que les dispositions relatives à la filiation biologique sont maintenues en l'état dans tous les cas, le principe de la présomption de paternité figurant à l'article 312 du code civil étant désormais explicitement réservé aux seuls couples mariés composés d'un homme et d'une femme.

À l'issue de cette présentation, il revient malheureusement à votre rapporteur de vous informer que la commission des lois a rejeté cette proposition de loi. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

De ce fait, il regrette que la commission, au moment de se prononcer, ait singulièrement manqué d'audace en ne tirant pas toutes les conséquences de l'observation si pertinente faite par Irène Théry en 1998 : « Le mariage est une institution vivante, et une institution vivante ne se défend pas de façon négative et apeurée, comme une citadelle assiégée. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Plusieurs députés du groupe SRC. Courage, monsieur le garde des sceaux !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi que vous examinez aujourd'hui aborde un sujet de société important, le mariage entre personnes de même sexe. Si le texte qui vous est proposé était adopté, il introduirait un changement de taille dans les valeurs de notre société, dont il nous faut mesurer toutes les conséquences. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je le dirai très simplement, et je pense que vous ne serez pas surpris, le Gouvernement n'y est pas favorable. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

La condition d'altérité sexuelle a été inscrite par le législateur dans notre droit avant même le code Napoléon. La loi française définit depuis plus de deux siècles le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme. Nos textes sur le mariage ont été plusieurs fois modifiés. Ainsi, l'article 75 du code civil relatif aux formalités de la célébration du mariage a connu de nombreuses évolutions, et encore récemment à l'occasion de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation.

De même, l'article 144 du code civil, selon lequel « l'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus », a été considérablement amendé par la loi du 4 avril 2006 afin que l'âge nubile de la femme soit aligné sur celui de l'homme.

En chacune de ces occasions, le Parlement souverain a clairement fait le choix de maintenir pour le mariage la condition d'altérité sexuelle.

La jurisprudence ne vient en outre pas contredire cela. La Cour de cassation, notamment, a rappelé, dans un arrêt du 13 mars 2007 que vous avez cité, monsieur Bloche, que le mariage, en ce qu'il est l'union d'un homme et d'une femme, n'est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La Cour européenne des droits de l'homme saisie sur cette question a eu l'occasion d'indiquer, dans un arrêt du 24 juin 2010, que l'article 12 de la Convention, énonçant le droit au mariage, n'impose pas aux États parties d'ouvrir l'accès du mariage aux couples homosexuels.

Enfin, le 28 janvier dernier, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de notre législation.

En revanche, le Gouvernement, sensible aux préoccupations exprimées par les associations homosexuelles, s'est attaché à faire évoluer le régime juridique du pacte civil de solidarité institué par la loi du 15 novembre 1999, qui permet à un couple, hétérosexuel comme homosexuel, d'organiser sa vie commune dans un cadre légal souple et fiable, garant d'une sécurité juridique renforcée tant à l'égard des partenaires que des tiers.

Ainsi peuvent être citées : l'amélioration du régime matrimonial des partenaires, qui peuvent choisir entre un régime de séparation des patrimoines ou une indivision organisée ; la protection du partenaire survivant, qui bénéficie d'un droit de jouissance du domicile commun pendant un an après le décès de l'autre partenaire ; l'exonération des droits de mutation par décès ; l'extension au partenaire d'un chef d'entreprise des mesures profitant au conjoint de l'entrepreneur ; la possibilité de représenter son partenaire devant certaines juridictions ; ou encore, dernière évolution en date, dans la loi de simplification et d'amélioration du droit, l'inscription dans l'acte de décès de la mention du partenaire lié par un PACS avec le défunt.

Comme vous pouvez le constater, un fort mouvement vers une égalité des droits entre les partenaires d'un PACS et des époux a été entrepris par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Pour autant, si des rapprochements sont ainsi apparus, le mariage et le PACS n'ont pas, sur le plan familial, vocation à devenir similaires.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ce débat est l'occasion de montrer l'attachement de notre société au mariage, pour la sécurité qu'il apporte par rapport aux autres types d'union et pour le symbole social qu'il représente.

Il reste une institution, à la base de la cellule familiale, même s'il n'est plus le modèle unique d'union et de parentalité. C'est justement en raison de la pluralité des unions possibles – mariage, PACS ou concubinage – qu'il convient de respecter la place et les spécificités de chacune.

Notre législation, dans le respect de nos engagements internationaux et des exigences constitutionnelles, est parvenue à trouver un équilibre entre les différentes unions possibles.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Cet équilibre doit être préservé, objectif que, j'en suis convaincu, vous partagez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

J'espère qu'elle va corriger la vision étriquée du ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il y a douze ans, au siècle dernier, en 1999, était adopté le PACS, première reconnaissance de droits pour les couples de même sexe. Je veux saluer ici la douce opiniâtreté du rapporteur, Patrick Bloche, qui, inlassablement, a conduit, avant l'adoption du PACS et depuis lors, cette patiente bataille de l'égalité, cet indispensable combat du droit à l'indifférence.

C'était il y a douze ans, c'était au siècle dernier, et je veux revenir sur les arguments développés alors par les adversaires les plus résolus du PACS. Je n'évoquerai pas les insultes et les anathèmes, qui souilleraient le temple de la République qu'est cet hémicycle, mais je veux revenir sur les craintes alors exposées et les prophéties de celles et ceux qui voyaient dans le PACS une terrible menace pour la société et la civilisation.

Certains y voyaient une insupportable menée communautariste, mais le PACS est tout l'inverse. Il a correspondu à la création d'un nouveau droit pour tous dont se sont saisi tous les couples : 94 % des pacsés de 2010 sont des couples hétérosexuels.

Certains annonçaient la fin du mariage, et l'an dernier un demi-million de personnes en France ont choisi de se marier, 400 000 de se pacser.

D'autres prédisaient le retour de la répudiation des femmes. À ceux-là je rappelle que le taux de dissolution des PACS n'est que de 17 % alors que, malheureusement, de très nombreux mariages se soldent par un divorce.

Aujourd'hui, cette proposition de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe est le dernier pas à franchir dans la reconnaissance de l'égalité de tous les citoyens au sein de la République. C'est dans cet esprit que la proposition de loi a été rédigée et présentée à l'instant par Patrick Bloche.

J'ai attentivement écouté vos explications, monsieur le garde des sceaux, mais rien ne justifie plus de réserver le mariage, qui est bien autre chose qu'un contrat, à une catégorie de couples.

L'article 1er de la Constitution proclame la République indivisible, assure l'égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction. La République – vous aurez beau chercher – est parfaitement indifférente à l'orientation sexuelle des individus. Dans notre bloc de constitutionnalité, à l'article de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui rappelle que « tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », le terme « hommes » n'est pas à prendre au sens sexuel, il inclut évidemment les hommes et les femmes, et il n'a pas été besoin d'amender la Déclaration pour que l'universalité de ces données soit évidente.

La République est indifférente à l'orientation sexuelle, mais elle ne l'est pas du tout au mariage, dont elle fait même une institution. Car le mariage est d'abord un acte public, juridique, solennel par lequel deux individus s'engagent non seulement l'un envers l'autre dans la durée, mais aussi devant et envers la société. C'est ce qui lui donne son caractère unique et, je dois le dire, très impressionnant.

Le mariage n'est pas, contrairement à ce qu'avancent certains, un engagement à faire des enfants. Patrick Bloche a rappelé que 56 % des enfants naissent hors mariage. Je rappellerai quant à moi que l'on n'interdit pas à des couples stériles de se marier ; on célèbre même des mariages sur le lit de mort de certains malades, dans les hôpitaux.

Le mariage n'a donc rien à voir avec l'instinct de reproduction, avec la procréation, qui se peut se faire et se fait aujourd'hui majoritairement sous toute autre forme que le mariage, mais il a tout à voir avec la civilisation, avec la politique, avec l'organisation de la société. C'est cette revendication d'une reconnaissance de tous dans leurs droits de citoyens qui est portée par cette proposition de loi.

Vous avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, un certain nombre de décisions. Vous avez souligné que l'Europe ne nous obligeait à rien dans ce sens, mais notre Constitution et les fondements même de notre République nous obligent à assumer nos responsabilités, telles que définies, par exemple, à l'article 34 de la Constitution, qui dispose que le législateur définit les régimes matrimoniaux.

Plus rien ne s'oppose à l'avènement de tous les citoyens à la reconnaissance dans cette institution républicaine qu'est le mariage. Nous n'avons pas été convaincus par vos arguments quand vous avez tenté d'expliquer pourquoi le Gouvernement s'oppose encore, au XXIe siècle, à cette avancée citoyenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes quelques-uns ici à garder le souvenir du 15 novembre 1999, lorsque notre collègue Patrick Bloche avait présenté sa loi sur le PACS, souvenir douloureux, amer de propos qui restent encore gravés dans notre mémoire.

Je garde aussi le souvenir ému du 5 juin 2004, lorsque j'ai célébré un mariage de personnes de même sexe à Bègles. Ce qui me choque, ce sont les 4 000 lettres d'insultes que j'ai reçues. Ce jour-là, je me suis dit que le rôle des politiques n'était pas de maintenir les gens dans l'ignorance et la peur, mais de lutter contre l'ignorance et la peur de soi-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je ne dis pas que les personnes qui m'ont écrit étaient animées par la haine : elles l'étaient précisément par la peur de soi.

Qu'est-ce qui nous fait peur ? Qu'est-ce qui fait peur au Gouvernement, aujourd'hui, pour ne pas suivre ce qui a été décidé par le parlement hollandais, par le parlement belge, par la très catholique Espagne, par le Danemark, la Suède, la Norvège, le Mexique, l'Argentine, l'Afrique du Sud, pays qui a vécu l'apartheid ? Et je ne cite pas ces États des États-Unis d'Amérique qui ont appliqué le principe fondamental de notre droit et du droit universel : l'égalité des droits pour tous.

En France, une majorité résiste encore, de manière réactionnaire, il faut le dire, à l'ouverture des droits pour tous. Certes, le PACS a été un progrès, mais il reste une sous-catégorie juridique, et je ne vois pas au nom de quoi, parce que l'on a choisi telle ou telle orientation sexuelle, on ne pourrait pas bénéficier des mêmes droits que tous les autres.

Aujourd'hui, des homosexuels ou des lesbiennes qui veulent se marier ne peuvent pas le faire. Cela n'est pas digne d'un pays dans lequel on veut appliquer l'égalité des droits pour tous.

Je rappelle que, dès 1993, Mme Claudia Roth, alors présidente du groupe des Verts au Parlement européen, avait rédigé une résolution et un rapport ouvrant le mariage à des personnes de même sexe. Elle a été suivie, comme je l'ai précisé il y a quelques instants, par de nombreux pays, mais la France résiste encore. Pourquoi donc, monsieur le garde des sceaux, alors que vous savez qu'une majorité de Français sont favorables à l'ouverture du mariage à des personnes de même sexe ? Nous sommes dans une situation qui n'est pas acceptable pour un pays prétendant exporter les principes démocratiques à l'étranger.

La proposition de loi de notre collègue Patrick Bloche va évidemment dans le sens que nous souhaitons. En juin 2004, les députés Verts avaient d'ailleurs déposé une proposition de loi qui allait dans le même sens.

Le texte présenté aujourd'hui s'inscrit directement dans la décision rendue par le Conseil constitutionnel après la question prioritaire de constitutionnalité. Comme on dit chez moi, à Bègles, le Conseil constitutionnel a « botté en touche » en demandant au législateur de prendre ses responsabilités ; c'est ce que nos collègues ont fait et ils doivent être salués. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.)

Cependant, si cette proposition de loi permet des avancées, elle est encore en demi-teinte, car elle laisse de côté un sujet important. Dans les tribunes du public sont présents des responsables et des avocats qui ont fait avancer la cause de l'homoparentalité. On ne peut dissocier la question du mariage des personnes de même sexe de cette question. Vous défendez, mes chers collègues, l'homoconjugalité, vous devez défendre aussi l'homoparentalité.

Ce ne sont pas des sujets annexes. Ils sont au coeur de l'égalité des droits et de la conception que nous avons du vivre-ensemble, de notre mode de vie et de notre société. C'est la raison pour laquelle il me semble important que vous ayez remis l'ouvrage sur le métier en présentant cette proposition de loi, et je suis sûr que, dans le débat des proches élections présidentielles et législatives, le sujet sera de nouveau évoqué, non comme un sujet annexe mais comme un sujet essentiel pour l'égalité des droits.

Mes chers collègues, le groupe GDR votera cette proposition de loi. Ma collègue Marie-George Buffet aura dans quelques instants l'occasion de vous le dire à son tour. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pendant longtemps, et jusqu'à une période très récente, les personnes homosexuelles ont fait l'objet, notamment dans nos sociétés européennes, de traitements discriminatoires : marginalité sociale, opprobre moral, répression pénale. De telles situations sont inadmissibles et doivent être clairement dénoncées. On ne peut que se féliciter de constater que l'esprit de la population a changé et que les dispositifs juridiques ont évolué. On est ainsi passé de la condamnation à la tolérance, de la tolérance à la reconnaissance, de la reconnaissance à l'organisation, de l'organisation à la convergence des droits entre les couples mariés et les couples homosexuels, j'en veux pour preuve la loi sur les successions que notre majorité a votée en 2006.

La question n'est donc plus de savoir s'il faut stigmatiser l'homosexualité. Il faut la reconnaître et la respecter. Je pense qu'un certain nombre d'entre vous se souviennent des propos tenus, pendant la campagne présidentielle, par le candidat Nicolas Sarkozy :…

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Le jour où il tiendra ses promesses, on le saura !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

…il a dit que les sentiments partagés par deux personnes, un homme et une femme ou deux personnes du même sexe, dès lors qu'ils sont sincères et désintéressés, sont toujours éminemment respectables, et qu'il en va ainsi de l'amour comme de tous les autres sentiments. Il n'est donc plus question, je le répète, de stigmatiser qui que ce soit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Il s'agit à présent de savoir – c'est le coeur de notre débat – si la convergence des régimes juridiques doit être totale, si l'union entre deux personnes de même sexe doit relever des mêmes règles que le mariage d'un homme et d'une femme. Répondre à cette question, c'est d'abord donner son analyse du mariage. Celui-ci est une institution, et donc la réponse sera de caractère juridique, mais c'est aussi un principe d'organisation de la société, et, par conséquent, la réponse aura également un caractère social.

D'un point de vue juridique, il faut souligner que rien n'oblige notre parlement à faire évoluer le droit (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), rien ne l'oblige à aller jusqu'au bout de l'alignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

C'est la glaciation ! Facile d'être législateur, dans ces conditions : rien ne change jamais !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

J'ai trouvé extrêmement intéressant le rapport établi au nom de la commission des lois parce qu'il me paraît tout à fait éclairant. Il rappelle les résolutions du Parlement européen qui invitent les différents États à faire évoluer leur droit vers plus d'égalité, et qui ont d'ailleurs été inspirées, dans la plupart des cas, par des parlementaires issus de pays qui, eux, ont reconnu le mariage homosexuel. Mais nous savons que les résolutions du Parlement européen ne comportent aucune obligation juridique, n'ont aucun caractère contraignant.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Il y a tout de même eu une majorité pour voter ces résolutions !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Il y a également les jurisprudences nationales, évoquées par les précédents orateurs, dont la jurisprudence de la Cour de cassation et celle du Conseil constitutionnel, en particulier sa décision du 28 janvier 2011. Mais la lecture qu'en a donnée notre collègue Patrick Bloche me paraît singulièrement réductrice. Certes, le Conseil constitutionnel affirme qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, mais il avait auparavant souligné que les dispositions actuelles du code civil, qui définissent le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme, n'ont rien de contraire à la loi fondamentale. C'est dans le même sens qu'a tranché la Cour européenne des droits de l'homme. Elle a en effet affirmé, en particulier dans l'arrêt Schalk et Kopf contre l'Autriche, que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'impose pas aux États parties l'obligation d'instituer le mariage de personnes du même sexe. Dans cet arrêt, elle énumère les États signataires de la Convention qui ont reconnu le mariage homosexuel, et je veux rectifier la présentation quelque peu tendancieuse sur ce point de notre collègueNoël Mamère : certes, six États l'ont reconnu, mais sur un total de quarante-sept ! Ils constituent par conséquent une minorité. (« Et alors ? » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Et si une majorité d'États l'avaient reconnu, cela changerait votre position ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Quand on a aboli la peine de mort, combien d'États l'avaient déjà fait ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

J'ajoute que, dans la plupart de ces pays, le droit du mariage n'est pas le même qu'en France. Ainsi, ils ne font pas la distinction entre le mariage religieux et le mariage civil. Par conséquent, ce qui relève de la législation matrimoniale dans ces pays évoque davantage, en France, le PACS que le mariage.

Notre assemblée est donc tout à fait libre de se prononcer sur ce sujet difficile. La réponse que nous devons apporter ne doit être imposée ni par des considérations d'ordre juridique – puisqu'il n'y a pas d'obligation – ni par des options d'ordre moral. La décision que nous prendrons exprimera notre conception de l'organisation sociale et de cette cellule de base de la société qu'est la famille. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.) Nous devons tenir compte de la singularité du mariage : celui-ci se définit comme l'union de deux personnes de sexes opposés, et de cette seule union peuvent naître des enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Parce que tout mariage donne naissance à des enfants, c'est bien connu !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

C'est au Moyen Âge qu'ont été posées les bases du droit de la famille. À cet égard, ce qui est très frappant dans l'évolution européenne du droit de la famille, c'est que celui-ci a toujours eu pour souci de protéger le plus faible. Lorsque, en 1215, le concile de Latran s'est penché sur le sujet, sa préoccupation essentielle a été de protéger la femme.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

C'est pour cette raison qu'il a posé des règles sur l'âge minimum pour se marier, sur la liberté du consentement et sur sa publicité. Il s'agissait de bien s'assurer de la protection des droits de la femme.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Depuis lors, la société a changé, et nous avons accompli des progrès, bien qu'ils ne soient pas complets, dans le sens de l'égalité des droits ; les moeurs ont progressé et, aujourd'hui, la préoccupation essentielle du législateur me paraît devoir être la défense de l'intérêt des enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Bien sûr, madame Billard, mais il peut aussi y avoir des mariages avec enfants ! Or un couple homosexuel ne peut pas en avoir. Notre collègueNoël Mamère l'a très bien dit : reconnaître le mariage homosexuel, c'est ouvrir la porte à l'adoption, et par conséquent institutionnaliser le fait qu'un enfant puisse être élevé par deux pères et aucune mère ou par deux mères et aucun père. Nous savons bien que des situations de cette nature existent dans la société d'aujourd'hui et que, en France, probablement plusieurs dizaines de milliers d'enfants sont élevés par des couples du même sexe. Il n'est évidemment pas question de fustiger ces parents adoptifs ; au contraire, élever un enfant qui n'est pas le sien est toujours un très beau geste, une marque de générosité qu'il faut saluer. Mais est-ce une raison pour inscrire de telles situations dans notre droit ? C'est le coeur même de notre débat.

Les auteurs du texte vont valoir que d'autres pays l'ont fait, essentiellement en Europe, mais, pour compléter les propos de notre collègue Noël Mamère sur ce point, je lui ferai observer que les expériences qu'il a citées sont extrêmement récentes. La reconnaissance du mariage homosexuel aux Pays-Bas date de 2001,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

…en Belgique de 2003, en Espagne de 2005, en Norvège de 2008, en Suède de 2009, au Portugal et en Islande de 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Est-ce à dire que vous y serez favorable dans dix ans ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Cela veut dire que, dans ces différents pays, aucun des enfants qui ont été adoptés postérieurement à ces dates n'est encore arrivé à l'âge de l'adolescence. C'est dire que, aujourd'hui, personne ne peut mesurer les conséquences psychologiques sur les jeunes et sociales sur l'ensemble de la communauté d'une telle évolution, évolution que personne n'avait jamais réalisée et qui représente, par conséquent, un véritable saut dans l'inconnu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Bref, c'est l'application du principe de précaution !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Dans cette affaire, nous ne voulons blesser personne, juger personne, condamner personne, et pas davantage protéger la famille dite traditionnelle contre la concurrence que constitueraient les homosexuels : nous voulons simplement nous assurer que la loi des hommes est respectueuse de cette loi de la nature… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Chacun a le droit d'avoir son opinion, mes chers collègues ! N'est-ce pas vous qui le dites tout le temps ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Ce qui nous intéresse, ce sont les lois de la République, monsieur Diefenbacher !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

…qui veut qu'un enfant ne peut naître que de l'union d'un homme et d'une femme que l'intérêt de l'enfant est d'être élevé dans une famille ainsi structurée, que l'éducation n'est pas la négation des réalités ni des différences, mais au contraire la capacité de les comprendre, de les assumer et de les gérer. J'ai beaucoup de mal à imaginer que mes collègues de l'opposition ne soient pas conscients de ces réalités évidentes.

Je conclurai en disant oui, mille fois oui à l'égalité des sexes, oui, mille fois oui au respect absolu de la liberté de chacun, mais non, mille fois non à l'indifférenciation des sexes dans la société : la femme n'est pas un homme comme les autres (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), l'homme n'est pas une femme comme les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Mes chers collègues, je vous demande, dans vos interventions, de ne pas dépasser la durée maximale fixée par vos groupes.

La parole est à M. Olivier Dussopt.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, je commencerai en allant à mon tour droit au but : si nous proposons l'ouverture du mariage civil à tous les couples, c'est uniquement pour abolir une discrimination.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

Nous proposons de mettre fin à une inégalité et de protéger tous les couples indifféremment, dans le hasard et la diversité de leur composition et des épreuves qu'ils traversent.

Cela dit, il faut aussi se remémorer le chemin parcouru jusqu'à ce jour. Le 27 juillet 1982, il y a presque trente ans et sous les cris de l'opposition, Robert Badinter proposait à l'Assemblée de mettre un terme à la répression de l'homosexualité en la sortant du code pénal. Depuis, ce sont les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle qui sont entrées dans le code pénal et qui sont désormais condamnées par l'article 225-1. Aujourd'hui comme hier, notre responsabilité, c'est de faire disparaître toutes les discriminations, et, lorsque c'est la loi qui discrimine, notre devoir est donc de modifier la loi.

J'en viens au coeur de notre proposition de loi : le mariage. Le mariage, c'est l'institution républicaine qui protège le couple dans la société et chaque époux à l'intérieur du couple. Dans ces conditions, comment accepter plus longtemps que la République refuse encore cette protection à des citoyens en fonction de leur seule orientation sexuelle. À travers notre texte, nous affirmons que nous accordons autant d'importance à l'amour entre deux femmes, entre deux hommes, qu'à l'amour entre une femme et un homme. Nous disons qu'il est temps de reconnaître à tous les couples le bénéfice des mêmes droits. C'est d'ailleurs à cette fin et pour affirmer que la valeur d'un couple ne se mesure pas à l'aune de son orientation sexuelle que nous sommes nombreux à organiser, certes de manière symbolique, des cérémonies de PACS dans les salles de mariage de nos mairies.

En deuxième lieu, nous n'ignorons pas la vertu pédagogique de notre texte – à écouter certaines interventions, je pense même que c'est une vertu utile. En effet, monsieur le garde des sceaux, vous le savez bien, lorsqu'elles s'ouvrent à tous sans discrimination, les institutions républicaines portent un message : message d'encouragement à ceux qui attendent un signe de la République pour vivre leur vie sans crainte et s'affirmer tels qu'ils sont, message de condamnation de ceux qui, à la maison, à l'école, au travail ou dans la rue se rendent coupables de violence à l'égard de ceux qu'ils jugent inférieurs parce que leur orientation sexuelle est minoritaire. Elles portent aussi un message à nos voisins, belges, hollandais, espagnols ou portugais, évoqués par le rapporteur, dont le mariage n'est aujourd'hui pas reconnu en France parce qu'ils sont deux époux ou qu'elles sont deux épouses. Il est temps de rattraper ce retard qui plonge la France dans le passé. Autrefois à la tête du combat pour les libertés individuelles avec la reconnaissance du PACS, la France est désormais à la traîne.

Et c'est d'ailleurs justement du PACS que je veux maintenant dire un mot. C'est la fierté, justifiée, de notre famille politique et de notre rapporteur que d'avoir créé cette union civile en 1999. Force est de constater son succès, avec plus de 200 000 PACS en 2010, dont 90 % ont été contractés par des couples hétérosexuels. Mais force aussi est de constater que, si cette union civile convient à de nombreux couples, elle n'ouvre pas les mêmes droits que le mariage.

C'est le cas pour ce qui concerne la décision de le dissoudre, la transmission du patrimoine et du nom, l'accès à des informations relevant du secret médical ou encore les questions liées à la retraite et les pensions de réversion.

L'ouverture à tous du mariage civil permettra enfin à chacun d'accéder aux mêmes droits. Finalement – et c'est peut-être là le coeur de notre proposition de loi –, nous proposons de consolider le mariage, pierre angulaire du droit de la famille.

Vous qui doutez, ne croyez pas que notre texte mette la famille en danger. En réalité, le principal danger qui guette le droit de la famille, ce serait de s'enfermer dans des traditions sans lien avec les évolutions de notre société. C'est d'ailleurs un fait qui a été rappelé : la majorité des enfants naissent actuellement hors du mariage, et, dans l'histoire de notre droit, conjugalité et filiation ont toujours suivi des chemins bien différents.

En proposant l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, nous proposons en réalité une réhabilitation de l'institution même du mariage, dans ce qu'elle apporte de reconnaissance, de stabilité et de protection à un couple. Nous renforçons le cadre juridique du mariage en lui permettant de s'ouvrir à tous. Nous le laisserions s'affaiblir si nous le laissions tel qu'il est, ouvert aux uns et fermé aux autres, en contradiction avec les valeurs de la République et l'évolution de notre société.

En 1998, une parlementaire, seule dans son groupe politique, appelait notre assemblée à avancer vers l'égalité des droits. Elle rejetait le dégoût comme la commisération à l'égard de celles et ceux qui portaient la revendication du PACS. Elle disait surtout que nous ne devions reconnaître qu'une seule communauté, la République.

C'est en rappelant ces propos et tous ceux qu'ont tenus les défenseurs du PACS et des autres textes demandant l'ouverture du mariage à tous les couples que nous vous invitons à faire un nouveau pas vers l'égalité des droits. Gardons en tête cette phrase de Condorcet, en réponse à celles et ceux qui renvoient sévèrement et hypocritement des hommes et des femmes vers leurs choix de vie : « Il ne peut y avoir ni vraie liberté ni justice dans une société si l'égalité n'est pas réelle. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, les hommes et les femmes naissent « libres et égaux en droits ». C'est ainsi que les révolutionnaires de 1789 ont choisi de poser les bases de la République et cela reste d'une grande actualité et d'une grande modernité.

Pourtant, les hommes et les femmes n'ont pas tous et toutes les mêmes droits. Aujourd'hui, deux personnes qui s'aiment, si elles sont de sexe différent, peuvent sceller leur union comme elles l'entendent : elles peuvent vivre en concubinage, se pacser, se marier. Deux personnes de même sexe ne le peuvent pas : le mariage leur est interdit.

Des membres de cette assemblée expliquent que le mariage est une institution, une union qui dépasse le contrat signé par deux époux. Mais la République n'a pas à sonder les coeurs de ses citoyens. Le sens que les époux donnent à leur mariage ne regarde pas la collectivité. Le mariage est, du point de vue de la République, un acte d'état civil.

Ces mêmes députés expliquent que le mariage a pour finalité de fonder une famille. Pourtant, force est de le constater, de plus en plus de naissances ont lieu hors mariage et de nombreux mariages n'aboutissent pas à des naissances. La famille évolue avec la société. On parle de familles recomposées, monoparentales. Il existe aussi des familles homoparentales ; elles sont de plus en plus nombreuses et toutes les études montrent que leurs enfants en sont heureux. Les règles d'alliance doivent évoluer pour tenir compte de la réalité de la société.

Pourquoi alors, monsieur le ministre, continuer à refuser le mariage aux personnes de même sexe ? Pourquoi avoir peur d'une nouvelle étape émancipatrice ?

Certains propos tenus dans cet hémicycle accréditent l'idée que l'homosexualité est encore considérée par certains comme une déviance qui justifierait l'interdiction de fonder une famille. Cela se ressent d'ailleurs très nettement dans les motivations de l'arrêt Fretté rendu en 1996 par le Conseil d'État, lequel refusait une demande d'adoption au regard des « conditions de vie » du demandeur, visant sans aucun doute l'homosexualité de ce dernier.

Nous devons dépasser ces préjugés et établir l'égalité dans l'accès au mariage. C'est le sens de la proposition de loi de Patrick Bloche. C'est aussi le sens de la proposition de loi déposée par les députés communistes en 2005, et redéposée en 2010 après des modifications porteuses de sens, sous l'intitulé : « Proposition de loi visant à ouvrir le mariage à tous les couples sans distinction de sexe ni de genre. »

Ces modifications ne sont pas seulement sémantiques. Lorsque nous avons redéposé le texte, nous avions en tête des exemples de maires refusant de marier deux personnes d'état civil différent pour la simple raison qu'elles étaient transsexuelles, mais aussi des exemples de femmes et d'hommes contraints de divorcer pour pouvoir accomplir leur parcours de changement de sexe. Deux femmes ont pu se marier récemment à Nancy, car les autorités publiques ont refusé à l'une d'elles son changement d'état civil. Quel paradoxe !

J'aurais pu défendre cette prise en compte du genre par voie d'amendement, mais nous pouvons trouver sur ce texte un point d'accord permettant de faire avancer l'égalité.

La liste des propositions de loi demandant la possibilité pour tous les couples de se marier – Martine Billard et Noël Mamère en ont déposé une également – le montre : il s'agit d'une exigence forte de la part de nos concitoyennes et concitoyens, qui se heurte chaque fois au refus de la droite.

Cette exigence est d'autant plus forte que les enjeux sont lourds. Le mariage emporte un grand nombre de conséquences, non seulement pour les époux, mais aussi pour les enfants. Il faut reconnaître les familles homoparentales pour donner à tous les enfants, quel que soit l'orientation sexuelle ou le genre de leurs parents, les mêmes droits et protections.

C'est pour cette raison qu'il faut mettre un terme aux discriminations que les personnes homosexuelles subissent non seulement dans l'accès au mariage, mais aussi en matière de filiation et de droits parentaux. Il faut établir l'égalité dans les possibilités de recours à l'adoption et à la procréation médicalement assistée, dans le partage de l'autorité parentale comme dans l'octroi des congés d'adoption et de paternité.

J'ai élaboré avec les associations LGBT et de parents gays et lesbiens une proposition de loi en ce sens, déposée il y a quelques semaines. Elle prévoit de renforcer les moyens de lutte contre les discriminations de manière générale, afin de briser les schémas de reproduction des préjugés et des violences, pour rendre l'égalité des droits réelle.

Chers collègues, les députés du groupe GDR voteront donc pour la proposition de loi débattue aujourd'hui, en espérant qu'elle sera bientôt enrichie de dispositions concernant les questions de genre, et suivie d'un débat sur la parentalité et les droits des enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe SRC que nous examinons aujourd'hui fait partie, à l'évidence, des textes à vocation polémique (Rires sur les bancs du groupe GDR) que l'on voit fleurir à l'approche des élections présidentielles.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Cette proposition de loi est, pour nos collègues de gauche, de l'ordre du symbole. En effet, s'ils avaient voulu réellement améliorer certaines clauses concernant les couples pacsés, ils auraient déposé un texte sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Ce n'est pas le cas, et, pour répondre à des revendications communautaristes en période préélectorale, ils préfèrent s'attaquer à l'institution civile qu'est le mariage.

Mes chers collègues, selon la loi, le mariage est dans son principe l'union d'un homme et d'une femme.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

C'est la loi, chère collègue ! Le terme même de « mariage » a une valeur symbolique très forte, pas seulement en religion. Il symbolise cette union entre deux sexes, laquelle est le fondement de notre société.

Le mariage repose en effet sur l'association des deux identités sexuelles et témoigne du sens de l'engagement du couple formé par un homme et une femme dans la société, et de la volonté de la société d'accorder des droits privilégiés à ceux qui s'engagent ainsi dans un lien juridique.

Le législateur, dans sa sagesse, a donc estimé que la différence de situation entre des partenaires de même sexe et les couples composés d'un homme et d'une femme pouvait justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille.

C'est donc logiquement que le Conseil constitutionnel, en janvier dernier, a déclaré l'interdiction du mariage homosexuel conforme à la Constitution, estimant que le « droit de mener une vie familiale normale » n'implique pas que les couples de même sexe puissent se marier, soulignant qu'ils sont libres de vivre en concubinage ou de conclure un pacte civil de solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

L'homosexualité est une réalité privée ; elle ne peut pas devenir une norme parmi d'autres. En la présentant comme telle, on entraînerait un changement considérable dans la société qui ne sera plus organisée autour du bien commun mais à partir de singularités qui finiront par desservir le lien social et la cohésion sociale.

La reconnaissance légale du mariage homosexuel bouleverserait à l'évidence dangereusement les structures fondamentales de notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Vous ne voulez pas interdire le divorce aussi, tant que vous y êtes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

En quoi serait-ce dangereux ? Explicitez votre pensée !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Le mariage assure également le renouvellement des générations, la lisibilité de la filiation et de la parenté, et apporte de la sécurité aussi bien aux adultes qu'aux enfants issus de leur communion sexuelle.

Outre la remise en question de la différence sexuelle que pose le mariage entre deux personnes de même sexe, sa conséquence majeure en est la revendication au droit à l'adoption. Car, mes chers collègues, derrière la légalisation du mariage homosexuel se dessine un autre débat : celui de la légitimité de l'homoparentalité avec l'adoption d'enfants par des adultes de même sexe, ou bien le recours à des mères porteuses à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Un tel bouleversement de nos repères va au-delà de l'évolution des symboles. Le mariage doit être protégé de ces dérives.

Le Manifeste pour l'égalité des droits, rédigé en mars 2004, revendiquait déjà d'accorder les mêmes droits aux homosexuels qu'aux hétérosexuels. Il prétendait qu'il est homophobe et discriminatoire de refuser aux homosexuels l'accès au mariage et à l'adoption.

En fait, il n'y a rien de discriminatoire à rappeler que ce sont des hommes et des femmes qui se marient, qui conçoivent, éduquent ou adoptent des enfants. Un critère de sexualité est indispensable au mariage et à l'adoption des enfants. Ceux-ci ont besoin de la double figure de l'homme et de la femme, du père et de la mère, pour se développer de façon cohérente en sachant que seuls un homme et une femme peuvent concevoir un enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Monsieur le ministre, chers collègues, notre système de filiation est fondé sur l'existence d'un père et d'une mère. Revenir sur ce principe reviendrait également à remettre en question les structures fondamentales de notre société, ce que l'immense majorité de nos concitoyens ne souhaite pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je suis fière d'être parmi vous ce matin, aux côtés de Patrick Bloche, pour défendre cette proposition de loi.

Notre société a changé, n'en déplaise à certains de nos collègues de droite, et la République ne saurait plus longtemps l'ignorer. Le droit français doit épouser et accompagner la société réelle.

Il n'existe pas une famille mais une pluralité de familles aux multiples visages : recomposées, monoparentales, homoparentales. En fait, en a-t-il été un jour autrement ? Des siècles d'oppression des femmes et des homosexuels, de tous ceux aussi qui refusaient de se fondre dans le modèle d'une société patriarcale violente pour ceux qu'elle reléguait à ses marges, laissaient pourtant vivre et se développer des amours, des couples, des histoires qui devaient malheureusement se retrancher sous le secret du tabou social.

Nous avons la chance de vivre à une époque où nous pouvons, dans cet hémicycle, débattre d'une avancée majeure de la société en termes d'égalité des droits.

Depuis les années 1960, l'égalité entre les hommes et les femmes a progressé en ce qui concerne le partage de l'autorité parentale. De nos jours, plus de la moitié des enfants naissent hors mariage et la distinction entre les enfants dits « légitimes » et les enfants dits « naturels » a été effacée.

L'ouverture du mariage aux personnes de même sexe est donc une revendication légitime, une évolution du droit nécessaire, parce que la loi ne peut pas ignorer, refuser, rejeter la société réelle. Que certains, à droite, le veuillent ou non, nos concitoyens ne supporteront plus longtemps de se voir priver du type d'union de leur choix.

En 1994 déjà, puis en 2001 et en 2003, le Parlement européen a adopté des résolutions demandant l'abolition de « toute forme de discrimination – législative ou de facto – dont sont encore victimes les homosexuels, notamment en matière de droit au mariage et d'adoption d'enfants ».

En 2004, l'Union européenne a accepté la redéfinition du terme de famille, en y incluant les couples de même sexe. En 2010, enfin, la Cour européenne des droits de l'homme, s'appuyant sur la Charte des droits fondamentaux, a estimé que « rien ne s'opposait à la reconnaissance des relations entre personnes de même sexe dans le cadre du mariage ».

Aujourd'hui, les Français se prononcent à une large majorité en faveur d'une ouverture du mariage aux personnes de même sexe. Nous avons cité tous les pays, européens et autres, où le mariage homosexuel est aujourd'hui possible. De plus, en Belgique, en Espagne et en Norvège, le droit à l'adoption est reconnu aux couples homosexuels.

À l'heure actuelle, la France semble être la seule à faire prévaloir les prétendues vérités biologiques sur les réalités vécues, les réflexes et les traditions sur les idées politiques.

Lors des débats sur les lois bioéthiques, il y a peu, nous avons été confrontés à ce même argument : la nature, le retour de mère nature ! Mais laissez la nature là où elle est !

Pour avoir dit « Deus sive natura » – « Dieu, c'est-à-dire la nature » –, le grand philosophe Spinoza a été mis à l'index. Aujourd'hui, la droite renverse l'argument et répète : « La nature, c'est-à-dire Dieu. » Ce faisant, elle réintroduit ses convictions religieuses dans un débat qui doit être laïque. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Comme l'expose si bien le sociologue Éric Fassin : « Le fondement même des normes sociales ne relève plus d'une transcendance (Dieu, nature ou science). Leur justification est immanente : c'est la société qui les (re)définit et la délibération démocratique qui les fonde. »

Nous n'avons pas à condamner des pratiques qui ne nuisent pas à autrui. Dans les sociétés démocratiques, nous sommes contraints à remodeler indéfiniment les institutions qui nous définissent à la lumière changeante de nos valeurs.

Oui, la loi change. Oui, nous devons la faire changer. Les coups de butoir de la liberté permettront un jour d'ouvrir les portes de bronze de l'hémicycle au mariage des personnes de même sexe. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Mais pourquoi Mme Barèges ne parle-t-elle pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens à saluer l'initiative du groupe socialiste, qui pose la question de droits nouveaux.

La présente proposition de loi constitue une réponse républicaine aux attentes des couples homosexuels, et 61 % de la population en accepte le principe. Il s'agit simplement de répondre à une demande sociale qui participe d'un renforcement du principe d'égalité.

Nous pouvons en effet nous interroger sur la place de la France en matière d'égalité et des droits et libertés individuels. Comme l'a rappelé notre collègue Noël Mamère, les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne, le Canada, l'Afrique du Sud, la Norvège, la Suède, le Portugal, pour ne citer qu'eux, reconnaissent le mariage entre personnes de même sexe. La France veut-elle rester à la remorque de ces pays ?

Comme Robert Badinter le signalait déjà le 20 décembre 1981 dans son intervention à l'Assemblée nationale lors de la dépénalisation de l'homosexualité, « le moment est venu, pour l'Assemblée, d'en finir avec ces discriminations comme avec toutes les autres qui subsistent encore dans notre société, car elles sont indignes de la France ».

Le Président de la République n'a cessé d'affirmer sa détermination à lutter contre toutes les discriminations. Il avait pris, en 2007, des engagements en faveur des homosexuels. Ceux-ci ont-ils été tenus ?

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Le projet d'union civile n'a jamais été présenté et le statut du beau-parent a été enterré.

À ces promesses non tenues s'ajoute l'interrogation sur la sincérité du Gouvernement dans sa lutte contre l'homophobie et les discriminations.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Allons donc !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

En commission, les mots prononcés par certains députés sont édifiants : « texte provocant », « trouble à l'ordre public », « politique de l'absurde ». La question est pourtant simple : jusqu'où voulons-nous aller dans notre lutte contre les discriminations ? Préférons-nous les maintenir ?

Des députés UMP se sont récemment distingués en voulant permettre aux seuls couples mariés de bénéficier de l'avantage fiscal lié à la double déclaration de revenus l'année de leur union, alors que les couples pacsés en profitaient depuis quelques années.

En avril 2010, notre collègue Christian Vanneste a approuvé les propos du cardinal Bertone, numéro deux du Vatican, affirmant l'existence d'une relation entre homosexualité et pédophilie.

Enfin, lors de l'examen de la proposition de loi en commission, le 25 mai dernier, notre collègue de l'UMP Brigitte Barèges a dérapé. Je ne citerai pas l'intégralité de ses propos, mais elle s'est demandée si, « au nom de l'évolution des moeurs, notre société, dont les fondements laïques et républicains sont établis depuis des siècles, devra […] prendre en compte […] d'autres pratiques sexuelles » – je saute quelques mots – « ou la polygamie, si d'autres religions prennent le pas sur notre tradition judéo-chrétienne ». Outre la question du mariage, ces propos font bien peu de cas, dans notre pays laïque, des autres religions. Il y a là une confusion totale entre la République et la religion.

Tous ces propos justifient les discriminations et les violences qui pèsent sur les personnes. La croissance du nombre de propos et d'actes homophobes dénoncée dans le rapport sur l'homophobie 2011 doit nous alerter et nous pousser à légiférer, afin d'engager une véritable politique contre les discriminations. Dans sa décision du 28 janvier 2011, le Conseil constitutionnel nous y invite.

Notre proposition de loi n'est pas « purement symbolique ». Il s'agit tout d'abord de sortir le mariage d'une approche liée uniquement à la filiation alors que, comme beaucoup de collègues l'ont déjà rappelé, 56 % des enfants naissent aujourd'hui hors mariage.

Il s'agit, ensuite, de reconnaître que le PACS ne permet pas d'assurer pleinement l'égalité des droits, comme en matière de succession ou de reconnaissance de la personne pacsée comme le plus proche parent. La vie quotidienne d'un couple n'est pas la même, selon qu'elle est régie par le mariage ou par le PACS.

Il s'agit, enfin de s'inscrire dans un mouvement général, de reconnaissance des couples homosexuels, à l'instar de nos voisins.

Il est de la responsabilité du législateur de lutter contre les discriminations, de reconnaître et d'accompagner les transformations sociales et familiales dans notre société.

Le France ne doit pas rater le coche de l'égalité des droits. C'est tout le débat d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons ce matin une proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux personnes de même sexe.

Comme tout sujet de société, la question du mariage homosexuel est particulièrement sensible, car elle touche à la conscience de chacun d'entre nous et à nos convictions personnelles.

Par ailleurs, elle transcende les clivages traditionnels. Des sensibilités différentes s'expriment à ce sujet, y compris dans ma famille politique, l'UMP. Je tiens d'ailleurs à remercier le président Christian Jacob de laisser vivre le débat au sein de notre groupe.

Au moment du vote, chacun des 577 députés de notre assemblée se prononcera en son âme et conscience.

J'entends et respecte celles et ceux qui s'opposent à cette proposition de loi. Mais, dans notre République laïque qui, dans son histoire, a toujours fait de l'égalité des droits entre les citoyens un principe cardinal, accorder aux couples de même sexe le même droit – celui de se marier – qu'aux couples de sexe différent, n'est-ce pas donner toute sa force à ce mot que l'on retrouve écrit sur le fronton de nos mairies : égalité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Offrir à deux personnes qui s'aiment le choix de s'unir selon le même contrat de vie, quelle que soit leur orientation sexuelle, ne s'inscrit-il pas dans la droite ligne de notre tradition républicaine ?

J'ajoute qu'il s'agit bien d'ouvrir un droit aux uns sans en enlever aux autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Bien sûr, la création du PACS a représenté une avancée importante en termes de droit, ainsi qu'un choix renforcé en termes de contrat offert aux couples. Notre majorité a d'ailleurs, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, grandement contribué à l'amélioration du PACS. Mais ne devrions-nous pas franchir une nouvelle étape ? N'est-il pas de notre responsabilité de permettre aux couples de même sexe, à travers le mariage, de bénéficier des mêmes droits que les autres alors qu'il existe aujourd'hui des différences non négligeables entre PACS et mariage ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Parmi ces différences, je citerai celles existant en matière d'enregistrement, les modalités de séparation et la reconnaissance de droits pour le partenaire survivant, différences qui, à mon sens, doivent être abolies.

Enfin, n'est-il pas important que, symboliquement, la République puisse célébrer, en mairie, l'union pour la vie d'un couple qui s'aime, quelle que soit son orientation sexuelle ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Je sais que, pour certains d'entre vous, le mariage est intimement lié la procréation. Mais que faire alors de ces couples de sexe différent qui s'unissent et ne peuvent avoir d'enfant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

Que faire aussi de ces couples nombreux qui ont des enfants en dehors du mariage ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Riester

On voit que cet argument n'est pas recevable, car il ne prend pas en compte les différentes situations de vie de nos concitoyens.

Mes chers collègues, la société évolue, l'opinion évolue. Aujourd'hui, la grande majorité de nos compatriotes est favorable à l'ouverture du mariage civil aux couples de même sexe. Toutes les enquêtes d'opinion le montrent. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle un grand nombre de démocraties ont déjà, comme vous l'avez rappelé, monsieur Mamère, fait évoluer leur législation : la Belgique, les Pays-Bas, le Canada, tout comme l'Espagne et le Portugal ou encore l'Argentine.

On constate aujourd'hui que, dans ces pays, la société a entériné cette évolution sans drame. Ne devrions-nous pas faire comme eux et répondre, ainsi, aux attentes d'un grand nombre de nos concitoyens ?

Comme vous l'avez compris, mes chers collègues, je voterai cette proposition de loi, qui représente une avancée majeure pour l'égalité des droits dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur Riester, vous êtes courageux ! Vous devriez descendre de la tribune par l'escalier de gauche !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Line Reynaud

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons ce matin une proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe, déposée à l'initiative de notre collègue Patrick Bloche, qui, depuis plus de quinze ans, accomplit sur ce sujet un excellent travail, que je tiens à saluer. Cette proposition permettra d'offrir aux couples de même sexe la même liberté de choix qu'aux couples hétérosexuels quant au mode juridique de leur vie en commun : concubinage, partenariat ou mariage.

Monsieur le garde des sceaux, en matière d'égalité des droits des personnes homosexuelles, vous avez, tout à l'heure, tiré un bilan plus que négatif de votre majorité.

En 1981, ce sont le président François Mitterrand et M. Badinter qui ont fait abroger l'affreux article 331-2 du code pénal, créé sous le régime de Vichy, qui pénalisait tous les rapports homosexuels entre personnes adultes consentantes. Je rappellerai également la suppression, en juin 1981, des fichiers d'homosexuels dans les commissariats de police, l'instauration, en 1985, d'un délit de discrimination fondée sur « l'origine d'une personne selon son sexe, ses moeurs ou sa situation de famille » et la récusation par le gouvernement Mauroy de la classification par l'OMS de l'homosexualité comme maladie mentale.

En 1999, la majorité plurielle a adopté une loi relative au pacte civil de solidarité, dont l'un des objectifs était de permettre une reconnaissance du concubinage homosexuel, accompagnée de droits. Oui, mes chers collègues, le PACS est un succès et, quelle que soit leur préférence sexuelle, les Françaises et les Français, se le sont largement approprié.

Avec le texte qui nous est proposé ce matin, le groupe SRC souhaite franchir une étape supplémentaire dans cette marche vers l'égalité des droits, en permettant aux couples de même sexe de se marier. Pour résumer, nous proposons d'ouvrir un droit nouveau à certains sans réduire les droits existants. Sept pays européens reconnaissent le mariage entre personnes de même sexe : les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne, la Norvège, la Suède, le Portugal et l'Islande. De plus, le Parlement européen a adopté plusieurs résolutions invitant les États membres à modifier leur législation pour abolir toutes les formes de discrimination dont sont encore victimes les homosexuels, notamment en matière de droit au mariage.

À l'heure où l'opinion publique est favorable à cette disposition, le moment est venu d'écrire une nouvelle page de notre code civil. Et c'est à nous, législateurs, que revient cette responsabilité, comme l'a rappelé, en janvier 2011, le Conseil constitutionnel, lorsqu'il a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité. La haute juridiction a estimé qu'« il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité ». C'est donc à nous de nous saisir de cette question, et c'est ce que nous faisons aujourd'hui.

Je ne relèverai pas non plus les arguments de certains de nos collègues de droite qui n'ont trouvé que des propos inqualifiables pour s'opposer à ce texte.

La société française évolue et il est de notre responsabilité, à nous législateurs, gardiens de la loi, de rester vigilants et d'entendre les évolutions et les aspirations des Françaises et des Français.

Comme lors de l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique ou de celui sur la fin de vie, certains élus de la majorité invoquent des raisons morales et religieuses pour s'opposer à cette proposition de loi. Mes chers collègues, croyez-vous vraiment que vous pourrez encore longtemps geler les aspirations profondes de notre société par vos mesures législatives et exclure du code civil et du code des impôts des hommes et des femmes qui ont choisi de vivre leur amour ?

Mes chers collègues, la norme, aujourd'hui, c'est qu'un couple de même sexe puisse avoir la liberté de choisir de se marier, de se pacser, comme la majorité de nos concitoyens. De plus, en application du principe d'égalité, les couples de même sexe doivent bénéficier des mêmes droits ouverts par le mariage comme le droit d'adopter et l'héritage entre conjoints, par exemple. Nous sommes tous des citoyens égaux en droit.

Je vous invite à laisser vos considérations morales, religieuses et discriminatoire à la porte de cette assemblée où est inscrit en majuscules : « Liberté, égalité, fraternité. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Lepetit

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, qu'est ce que le mariage civil aujourd'hui ? En dehors de ces murs, chaque religion peut bien évidemment mettre ce qu'elle veut derrière le mot mariage, mais, pour nous, législateur d'un pays républicain et laïque, quelles sont les valeurs qui donnent son sens à ce mot ?

En France, en 2011, le mariage civil est avant tout une reconnaissance par la société de l'amour que se portent deux personnes. C'est la reconnaissance de leur union, de leur volonté de former un couple portant un projet de vie à deux.

C'est parce que l'amour n'a pas d'âge que même des personnes âgées peuvent se marier. C'est parce qu'ils ne sont pas contraints par la nécessité de la procréation que la société reconnaît également le droit aux couples stériles de s'unir.

La loi actuelle interdit pourtant à toute une partie de la population cette reconnaissance de l'amour, sous le prétexte qu'il s'agit de former un couple avec une personne de même sexe. Ce débat qui vise à élargir le mariage aux couples du même sexe est donc, avant tout, un combat pour l'application réelle du deuxième terme de notre devise républicaine : l'égalité. En créant ce droit nouveau, nous permettons enfin aux personnes qui s'aiment d'acquérir une nouvelle liberté, d'obtenir la reconnaissance par l'État de la légitimité de leur union et de bénéficier des mêmes droits et des mêmes devoirs.

Les parlementaires, élus de la nation tout entière, ont aussi une responsabilité morale. À travers ce texte, nous envoyons un message fort et clair qui honore la République : oui, les couples hétérosexuels et homosexuels, et à travers eux les individus qui les composent, sont égaux, réellement et rigoureusement égaux.

C'est un symbole nécessaire aujourd'hui qui doit participer à l'ouverture des consciences et à l'apaisement des rapports entre les individus, car, même si la reconnaissance et l'acceptation de l'homosexualité progressent dans notre société, l'homophobie, elle, reste prégnante.

L'édition 2011 du rapport sur l'homophobie de l'association SOS Homophobie nous en donne encore une fois la preuve. Ce sont plus de 1 500 témoignages de victimes qui ont été recensés rien qu'en 2010. Si ce rapport ne donne pas une vision exhaustive du phénomène en France, il constitue une esquisse éclairante sur ce que vit au quotidien une partie de nos concitoyens. Il démontre à quel point ce mal insidieux est répandu dans toutes les sphères de notre société. Les cas de violences physiques sont bien sûr les plus graves. On ne compte plus les personnes seules ou les couples agressés, insultés, menacés, frappés, envoyés à l'hôpital juste parce qu'ils sont homosexuels, ou encore les pressions exercées par le voisinage, les collègues de bureau, qui pourrissent la vie au quotidien, et cela, souvent, en toute impunité.

Les discours stigmatisants tenus publiquement encouragent également ces comportements. Certains propos de rappeurs, sportifs ou célébrités quelconques ont émaillé l'actualité ces derniers mois. Ceux-ci font des dégâts auprès de ceux qui apprécient ces personnages publics, notamment les plus jeunes, mais, pour quelques phrases qui font scandale, combien d'insultes sont banalisées, combien d'interventions ouvertement homophobes ne sont même pas relevées ? Les propos de ce genre sont encore plus choquants lorsqu'ils sont prononcés dans les murs même de notre assemblée, mais je vois que ceux qui les tiennent ont, semble-t-il, été interdits d'hémicycle aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Lepetit

C'est la loi elle-même – je m'adresse à mes collègues de la majorité, ici présents, ce dont je les remercie, même s'ils sont peu nombreux – qui, par cette discrimination institutionnelle sur le mariage, accrédite cette inégalité et, de fait, encourage la discrimination.

En laissant la situation telle qu'elle est, comme vous semblez le vouloir, monsieur le garde des sceaux, vous accréditez l'idée sous-jacente selon laquelle les homosexuels seraient inférieurs aux hétérosexuels. Il est donc temps de sortir de cet archaïsme. Oui, les hommes et les femmes doivent bénéficier des mêmes droits, quelle que soit leur orientation sexuelle. Oui, le Parlement doit poser cet acte fort et symbolique en supprimant cette discrimination légale qui n'a, à mon sens, que trop duré. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Je ne souhaite pas tant répondre, monsieur le président, qu'apporter quelques précisions à l'issue de cette discussion générale.

M. Diefenbacher a dit que, s'agissant de l'homosexualité, nous étions passés au cours des trente dernières années de la pénalisation à la tolérance, et de la tolérance à la reconnaissance. C'est exact, et vous avez raison de rappeler le chemin parcouru durant ces trois décennies. Je me permets cependant, cher collègue, de vous dire que tout cela ne s'est pas fait spontanément. Cela s'est fait parce que, chaque fois, dans cet hémicycle, il y a eu une majorité pour modifier le code civil et pour faire bouger le droit. Vous dites que rien n'oblige le Parlement à faire évoluer le droit…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…mais, heureusement, rien n'a empêché le Parlement de faire évoluer le droit sur ces questions ! Plusieurs députés socialistes et, plus largement, de l'opposition l'ont également noté, depuis trois décennies, bien du chemin a été parcouru. En vous écoutant, cher collègue, je me suis souvenu de la photo de François Mitterrand en une de Gai Pied, à la fin de l'année 1980 ou au début de l'année 1981. Comme candidat à l'élection présidentielle, il s'engageait, devant nos concitoyens, de la même façon qu'il s'était engagé pour l'abolition de la peine de mort, à dépénaliser l'homosexualité, projet que Robert Badinter a ensuite défendu devant le Parlement, une fois François Mitterrand élu Président de la République.

Il est vrai que les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix ont été avant tout, pour les majorités parlementaires de gauche, l'occasion d'initiatives qui visaient à faire tomber un certain nombre de discriminations dont les individus homosexuels étaient victimes. Je veux d'ailleurs rendre un hommage particulier à un député très entreprenant, très volontaire sur ces questions, notre collègue Jean-Pierre Michel, aujourd'hui sénateur.

Ce qui s'est passé dans cet hémicycle en 1998 et 1999, durant 120 heures, a été d'une autre nature. Il s'est agi, à ce moment-là, de faire entrer le couple homosexuel dans le code civil. Le débat parlementaire, qui est devenu un débat dans la société, a été essentiel dans la reconnaissance de l'homosexualité. En effet, c'est à ce moment que sont tombés un certain nombre de tabous dans la société française, c'est à ce moment qu'un certain nombre de verrous ont sauté. Le débat sur le PACS a donc été un débat fondateur.

Nous pouvons peut-être regretter – je le dis sans intention polémique – que rien ne se soit passé en la matière depuis 2002. Avec l'honnêteté qui doit être celle d'un rapporteur, je note tout de même que, lorsque Jean-Pierre Raffarin était Premier ministre, il avait des collaborateurs qui s'intéressaient à cette question et essayaient d'y réfléchir. C'est d'ailleurs à ce moment que la majorité actuelle a souhaité améliorer le PACS et les droits des couples pacsés – et nous l'en félicitons.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Il est cependant dommage que vous preniez aujourd'hui prétexte du fait que vous vous êtes approprié le PACS après vous y être tant opposés pour dire qu'il suffit, que nous devons nous arrêter là, qu'il ne faut pas aller plus loin.

Nous vous appelons justement à aller plus loin, nous souhaitons effectivement que le Parlement vote sans tarder en ce sens.

Ceux des députés UMP qui se sont opposés à cette proposition de loi ont déclaré que c'était un texte polémique, présenté parce qu'une élection présidentielle approchait ; je ne parle pas de vous, monsieur Diefenbacher, mais de M. Bodin. Dois-je le rappeler ? Jean-Marc Ayrault, président de notre groupe, a réagi à la décision que le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, avait rendue à la fin du mois de janvier, et nous avons effectivement souhaité prendre la balle au bond. Comme le Conseil constitutionnel disait, après la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l'homme, qu'il revenait au législateur de changer la loi, notre groupe a souhaité inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de sa niche parlementaire.

Je remercie les six députés socialistes – Sandrine Mazetier, Olivier Dussopt, Aurélie Filippetti, Marcel Rogemont, Marie-Line Reynaud et Annick Lepetit – de leurs interventions, qui traduisaient l'engagement, de longue date, de notre groupe sur cette question.

Je remercie évidemment les députés du groupe GDR, ici présents, dont Noël Mamère. Je m'étais d'ailleurs permis, dans mon rapport, de rappeler le rôle déclencheur du mariage célébré à Bègles au mois de juin 2004. Je remercie également Marie-George Buffet. En l'écoutant, j'ai d'ailleurs eu une pensée émue pour Bernard Birsinger, député communiste porte-parole de son groupe lors du débat sur le PACS ; il avait grandement contribué à son adoption en 1999.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Durant cette dernière décennie, sept pays européens ont ouvert le mariage aux couples de même sexe, ainsi qu'un certain nombre de pays extra-européens. Sincèrement, chers collègues de la majorité, a-t-on constaté que ces sociétés, souvent plus marquées que la nôtre par le fait religieux, en étaient ébranlées dans leurs fondements et que l'ouverture du mariage aux couples de même sexe les remettait en question ? Finalement, je trouve quelque paradoxe dans votre défense du mariage comme institution immuable – il faudrait qu'il ne bouge pas – et je pense que, d'une certaine manière, vous le condamnez. Au moment où trois PACS sont conclus lorsque quatre mariages sont célébrés – pour prendre les chiffres de l'année 2010 –, je vous invite, si vous voulez exprimer dans cet hémicycle un attachement particulier à l'institution matrimoniale, à en adopter une conception dynamique, moderne, celle de cette proposition de loi.

Mon dernier mot sera pour notre collègue Franck Riester. Nous avons souvent eu l'occasion de nous opposer dans cet hémicycle, notamment sur les projets de loi HADOPI 1 et 2, parce que nous n'étions pas d'accord, mais chacun respectait les convictions de l'autre. C'est pourquoi je me permets de le saluer ce matin et de le féliciter de sa volonté de traduire par son vote ses convictions personnelles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) J'espère que nombre de députés de son groupe, et plus largement de la majorité, pour ne pas oublier le groupe Nouveau Centre, même si celui-ci ne s'est pas exprimé ce matin…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…voteront, mardi prochain, selon leurs convictions personnelles.

En tout cas, la démarche de notre groupe a été de légiférer sans tarder, sans attendre l'échéance présidentielle de l'an prochain, pour permettre à chaque député de voter, mardi prochain, selon ses convictions. Nous espérons qu'ainsi une majorité d'idées s'exprimera dans cet hémicycle afin de faire disparaître une discrimination. Ayons collectivement l'honneur, voire le bonheur, de permettre à notre pays, qui était pionnier en 1999 avec le PACS, mais qui est aujourd'hui à la traîne, de franchir une nouvelle étape sur le chemin de l'égalité des droits.

Cela ne nous empêche pas d'envisager d'autres étapes, cher Noël Mamère, puisque les différentes organisations politiques de gauche et les groupes parlementaires de l'opposition ont fait des propositions sur l'homoparentalité, qui visent à ouvrir l'adoption aux couples homosexuels et la procréation médicalement assistée aux femmes quelle que soit leur situation en termes de fertilité ou de couple. Mais c'est un autre sujet et c'est la raison pour laquelle nous avons souhaité, ce matin, engager le débat sur la seule question de l'ouverture du mariage aux couples de même sexe. Il reviendra, après 2012, peut-être à une autre majorité…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

…d'aborder non seulement la question de l'homoconjugalité, mais aussi celle de l'homoparentalité. C'est l'honneur du Parlement de faire évoluer le droit pour faire tomber les discriminations, et pour que nous restions fidèles à la devise républicaine, et notamment à ce beau mot d' « égalité ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

En application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve des votes sur la présente proposition de loi. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Vous pourriez tout de même répondre sur le fond, monsieur le garde des sceaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.

La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je voudrais d'abord remercier le rapporteur pour le travail qu'il fait ici depuis plusieurs années et qui vise à lutter contre toutes les formes de discriminations et pour l'égalité des droits.

Deux femmes ont le droit de s'aimer. Deux hommes ont le droit de s'aimer. Une femme et un homme ont le droit de s'aimer. L'amour est exactement le même et deux personnes doivent pouvoir contracter un mariage, qu'ils soient de sexe différent ou du même sexe.

En 1999, le PACS avait marqué une étape essentielle en matière de reconnaissance des droits des couples du même sexe. La France était alors en pointe, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. En écoutant certains de mes collègues, tout à l'heure, je me demandais s'ils souhaitaient que nous soyons le quarante-septième pays européen à aller vers l'égalité des droits, c'est-à-dire le dernier pays, à la remorque. C'est ce que j'ai entendu ce matin et ce n'est pas acceptable. Ce n'est pas le rôle de notre pays, de notre république laïque qui s'est toujours battue pour l'évolution des moeurs.

L'opinion française est aujourd'hui favorable au mariage des couples de même sexe. Et cette envie, ce besoin d'aller vers le mariage dépoussière cette vieille institution. Permettre à tant de gens de se marier, c'est redorer le blason du mariage, lui redonner de la gloire. Oui, les couples homosexuels veulent pouvoir se marier à la mairie.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Si, il y a quarante ans, alors que je prônais plutôt l'union libre, on m'avait dit que je défendrais un jour le mariage, je ne l'aurais pas cru ! Mais aujourd'hui, je suis mariée, comme nombre d'entre nous, et je n'ai pas d'enfants. Il y a aussi, sur ces bancs, des gens qui ne sont pas mariés et qui ont des enfants. Il y a à ce jour toutes formes de couples dans notre société. Accepter l'évolution des moeurs, aller vers l'égalité des droits, lutter contre toutes les discriminations, c'est accepter la proposition de loi que nous présentons aujourd'hui, et la voter pour que notre pays soit à la pointe de tous ces comportements dans notre République laïque. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

La discussion de cette proposition de loi, loin des débats oiseux et dégradants dont nous avons eu l'écho, est l'occasion de réparer une injustice grave que subissent certains de nos concitoyens en raison de leur orientation sexuelle. Voter en faveur de cette proposition de loi, c'est rendre aux homosexuels la liberté et l'égalité républicaine.

L'article 1er propose de rétablir un article 143 du code civil ainsi rédigé : « Le mariage peut être contracté par deux personnes de sexes différents ou de même sexe ».

Il n'y a, dans cet article, rien qui contrevienne à la morale, à la religion ou à l'organisation sociétale, mais seulement la volonté de supprimer toute forme de discrimination et de rétablir juridiquement l'égalité des droits pour les couples de même sexe, ce que ne permet pas le PACS. S'il ne s'agit plus d'être audacieux, puisque nombre de pays autorisent déjà le mariage homosexuel, il appartient au législateur, quelle que soit la doxa – actuellement favorable, d'ailleurs – d'être courageux, et surtout, juste.

Pour terminer – même s'il ne m'a pas remerciée –, je voudrais saluer la force de conviction et la sagesse de Patrick Bloche qui, sans vitupérer, amènera, je l'espère, nombre de nos collègues de la majorité, sans tabou, en conscience et liberté, à voter cette proposition de loi. Un tel vote, monsieur le garde des sceaux, mesdames, messieurs les députés, honorerait notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Biémouret

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans la longue construction de notre modèle républicain, la France a souvent été en avance. En matière d'égalité des droits, et plus particulièrement dans l'ouverture du mariage aux couples du même sexe, la patrie des droits de l'homme accuse un retard vis-à-vis de ses voisins européens.

Lors de l'adoption du PACS, en novembre 1999, sous le gouvernement Jospin, la majorité plurielle avait ouvert la voie à un nouveau droit. Le PACS a permis à des dizaines de milliers de nos concitoyens d'être unis et protégés selon leur volonté. Après une décennie d'application, le PACS n'a en rien déformé la société. En quoi l'ouverture du mariage aux couples de même sexe serait-elle une erreur ? Les conclusions du Conseil constitutionnel ont confié aux législateurs que nous sommes la responsabilité de décider ou non d'autoriser le mariage homosexuel.

Au coeur de notre proposition de loi, l'article 1er scelle la fin de cette discrimination. Aujourd'hui, il n'existe aucune raison valable pour ne pas progresser. L'ouverture du mariage contribuera à lutter efficacement contre l'homophobie et les discriminations.

Enfin, l'opinion s'est majoritairement rangée derrière cette avancée. Il n'existe aucune raison valable pour ne pas progresser, sauf peut-être le conservatisme originel d'une majorité qui a des difficultés à admettre les évolutions de la société.

En présentant cette proposition, notre groupe prend ses responsabilités, comme il l'a déjà fait à propos de l'aide à mourir dans la dignité, de la suppression du délit de solidarité ou de la suppression du bouclier fiscal – nous avions donc raison trop tôt !

Quoi qu'il advienne, nous sommes sur le chemin de l'égalité. Le parti socialiste tiendra cet engagement pris dans son projet pour 2012. Oui, il convient aujourd'hui d'approuver la proposition ouvrant le mariage aux couples de même sexe. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Comme nous sommes en général d'un naturel optimiste, nous espérions franchir aujourd'hui une nouvelle étape dans l'égalité des droits. Or que nous répond le Gouvernement ? Rien, si ce n'est une question de procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Une fois de plus, c'est très décevant.

Il est plus que temps d'aller au bout des principes de notre République laïque. Aux collègues de l'UMP qui ont insisté sur l'article 144 du code civil, je précise que celui-ci a été modifié en 2006, parce que, précédemment, il ne précisait pas la nature hétérosexuelle du couple comme condition pour se marier. L'UMP a donc exigé cette modification pour empêcher toute possibilité, en droit, d'aller devant les tribunaux arguer de cette non-distinction afin d'obtenir le mariage pour des personnes de même sexe.

La lutte contre les discriminations et pour l'égalité des droits passe par le droit au mariage pour toutes et tous, sans distinction d'orientation sexuelle. En effet, même à droits identiques, pourquoi les personnes de sexe différent auraient-elles le droit de choisir entre mariage et PACS, alors que les personnes de même sexe n'en auraient pas le droit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Elle a raison ! Écoutez bien, monsieur le garde des sceaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Si l'on est pour l'égalité des droits, on peut choisir, ou non, de se marier ou de se pacser.

Je voudrais revenir sur le mariage qui a été récemment célébré à Nancy, car il est significatif et symbolique de la situation absurde dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. La justice refuse à une personne de changer d'état civil. Par conséquent, le couple peut se marier, alors que, au regard de ce que défendent certains collègues de l'UMP, c'est absolument impossible. De ce fait, vous vous retrouvez, chers collègues de la majorité, dans des situations invraisemblables.

Il est plus que temps de procéder à la modification que nous proposons. J'ai moi-même défendu cette position à travers plusieurs propositions de loi, en 2004, en 2008 et en 2010 : vous pouvez le constater, ce n'est pas une question d'opportunité électorale. Je voterai donc sans états d'âme la proposition de loi de Patrick Bloche et de nos collègues du groupe SRC. Cela étant, j'espère que nombre de collègues de l'UMP auront le même courage que Franck Riester et Henriette Martinez. Cette loi étant votée, nous pourrons peut-être aller vers la reconnaissance de l'homoparentalité et l'égalité de tous les droits pour les personnes, indépendamment de leur orientation sexuelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henriette Martinez

Je suis venue ce matin écouter ces débats et y faire entendre modestement ma voix.

Je voudrais dire à mes collègues socialistes que c'est une vraie question qui est posée aujourd'hui, même si le contexte dans lequel elle est posée est probablement difficile et s'il manquera sans doute un peu de consensus pour que cette proposition soit adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Henriette Martinez

À titre personnel, j'estime que c'est une vraie question, non seulement parce qu'elle répond à l'attente d'une majorité de nos concitoyens, mais également parce que poser cette question ici, comme pour la fin de vie, contribue à faire évoluer la réflexion. Inéluctablement, nous devrons un jour légiférer sur ce sujet. Je sais aussi que, pour en arriver là, chacun doit suivre un chemin personnel. J'ai fait ce travail sur moi-même et cela n'a pas toujours été évident.

Debut de section - PermalienPhoto de Henriette Martinez

Je tiens à dire que je n'ai fait ce chemin sous aucune pression, d'aucun groupe, et encore moins – vous pouvez vous en douter – par électoralisme ! Ce chemin, je l'ai fait en m'appuyant sur ma conviction profonde de l'égalité des sexes, mais aussi de l'égalité des droits. Ce chemin, je l'ai fait par l'observation, la connaissance et la reconnaissance de la société dans laquelle nous vivons tous. En effet, la réalité sociétale nous confronte à des constats et à des attentes que nous ne pouvons ignorer, à moins d'être sourds et aveugles. D'abord, il y a le constat que la famille est plurielle et difficile à définir.

La mission « L'enfant d'abord », en 2006, présidée par Patrick Bloche et dont Valérie Pécresse était rapporteure, s'est heurtée en premier lieu à la difficulté – difficulté majeure – de définir la famille : nous n'y sommes jamais parvenus. En tout cas, la famille traditionnelle n'est plus le seul modèle social.

Autre constat : de nombreux enfants vivent dans des familles homoparentales. Or ces enfants ont les mêmes droits que les autres, notamment le droit à la sécurité familiale et juridique, le droit au regard bienveillant de notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Eh oui ! Vous devriez écouter, monsieur Diefenbacher !

Debut de section - PermalienPhoto de Henriette Martinez

Je sais que c'est un autre débat, mais comment ne pas le lier à celui que nous avons ce matin ? Si je tiens un tel discours ce matin, c'est que je me suis engagée dans la défense des droits de l'enfant. J'ai fait le chemin inverse de celui que d'autres ont pu suivre. Je suis partie des droits de l'enfant pour arriver à dire, aujourd'hui, que je soutiens cette proposition de loi et qu'à titre personnel j'émets un avis favorable sur l'ouverture du mariage civil aux couples de même sexe, dans le respect des droits de l'homme et de l'enfant. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Le texte que nous examinons aujourd'hui est important car il participe au long combat que beaucoup d'entre nous mènent aux côtés de nombreuses associations de citoyens engagés pour l'égalité des droits pour tous. Cette ouverture du mariage aux couples de même sexe est une étape essentielle sur le long chemin de l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans considération de l'orientation sexuelle.

Au-delà du mariage, je pense également, pour les familles homoparentales, à l'adoption avec l'accès aux mêmes droits et prestations sociales tels que le congé paternité ou plutôt le congé d'accueil à la naissance ouvert à tous les couples. Je veux rappeler à ce propos, monsieur le garde des sceaux, que la Cour européenne des droits de l'homme, dans une très récente décision du 6 avril dernier, a reconnu comme recevable et prioritaire le dossier de deux jeunes femmes – Élodie et Karine – qui ont demandé à bénéficier de onze jours de congé de paternité après la naissance de leurs enfants. Le gouvernement français a été informé de la requête et a été invité à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête. Je souhaite que le Gouvernement se prononce favorablement et dans les meilleurs délais pour faire effectivement et très concrètement évoluer le droit – il avait jusqu'au 6 juin pour le faire. Nous verrons alors si les discours sur l'égalité des droits sont suivis d'effets.

Sur tous ces sujets, notre société a beaucoup évolué. La loi sur le PACS y a contribué. Il convient, j'en suis convaincue, que le législateur en prenne aujourd'hui pleinement la mesure et mette le droit en conformité avec notre société et l'un des fondements de notre République : l'égalité des droits pour tous les citoyens. Comme cela a été souligné, beaucoup de nos voisins européens ont su faire évoluer leur droit. À nous de prendre nos responsabilités et d'en faire autant en France. Il est temps ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à Mme Frédérique Massat, pour deux minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Si nous sommes nombreux à nous exprimer sur cet article 1er, c'est que nous sommes nombreux à vouloir accompagner cette proposition de loi, et ce combat engagé depuis des années.

Les opposants au mariage des personnes de même sexe prétendent qu'une telle union irait à l'encontre de nos principes, de nos traditions et de nos institutions religieuses. Mais, depuis la loi du 20 septembre 1792 qui a instauré le mariage civil en mairie, seul le mariage civil est valable dans notre pays aux yeux de la loi. Les conditions du mariage figurant dans notre code civil ont été établies en 1804. Mais ce n'est qu'au XXe siècle que le texte, selon lequel le mari doit protection à sa femme et la femme obéissance à son mari, disparaît.

Aujourd'hui, nous ne devons pas mettre autant de temps à faire évoluer le droit et à l'adapter à notre société et au choix de vie de chacun. Assurer l'égalité entre les couples de même sexe, aligner le statut des couples de même sexe sur celui des couples hétérosexuels ne traduit que la réparation d'une injustice, comme cela a été souligné. Ce texte ne doit pas être vécu comme une fin en soi : il doit être le début d'une évolution législative plus ambitieuse pour l'égalité des droits pour tous. Soyons des parlementaires responsables, c'est pour cela que nos concitoyens nous ont élus et que nous siégeons dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le garde des sceaux, j'adhère à tous les propos qui ont été tenus par nos collègues ; je n'y reviendrai donc pas. Je remercie Patrick Bloche d'avoir fait référence à Marie-George Buffet et à Bernard Birsinger pour lesquels ce combat ne date pas d'aujourd'hui.

Nous devons être cohérents. Nous arrivons au terme d'un processus de laïcisation qui s'inscrit dans notre histoire au fil des décennies et même des siècles. Il y a ce qui relève de César et ce qui relève de Dieu. César n'est pas Néron. Il s'agit de se proclamer héritiers de Montesquieu et de Rousseau et d'aller, au nom de la liberté de conscience, jusqu'au bout des processus. La présente proposition de loi nous permet de le faire. Nous sommes aujourd'hui dans une totale confusion. Dans certaines traditions religieuses, le mariage ne relève pas des ministres du culte. Or, des religieux, par mimétisme avec la religion catholique, célèbrent des mariages, en toute illégalité d'ailleurs, car ils le font souvent avant la cérémonie civile. Il est donc temps de sortir de cette confusion et de reconnaître le droit à deux personnes du même sexe de se marier, le mariage étant tout simplement une décision de vivre ensemble et de passer un contrat.

Le texte qui nous est soumis, comme à chaque fois qu'il s'agit d'un problème de société, renvoie à la conscience de chacun.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je comprends que ce ne soit pas si simple pour certains de nos collègues, partagés qu'ils sont entre des convictions relevant de la société et d'autres de croyances religieuses. Mais nous sommes ici des députés, donc des laïcs. Ce qui relève de la sphère privée ne doit pas peser sur les décisions de notre société. Le consensus sur un tel sujet – vous y faisiez référence, madame Martinez – est totalement illusoire. Nous devons donc poursuivre la réflexion et en tirer toutes les conséquences. Je pense ici à l'homoparentalité. Je vous renvoie à cet égard à l'excellent travail universitaire du docteur Nadeau qui a notamment établi une comparaison avec ce qui se fait à l'étranger – cela n'étant cependant pas pour moi un critère. La France, au nom des Lumières qui nous ont toujours inspirés, au nom de nos avancées intellectuelles, a vocation à rayonner sur le monde entier par les idées. Or nous avons pris un retard qu'il nous revient de combler au nom de la liberté portée à son terme. Les conditions de sérénité sont aujourd'hui réunies. Nos collègues, au-delà de leurs problèmes de conscience, ne doivent pas accroître ce retard comme ils l'avaient fait pour le PACS. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(Le vote sur l'article 1er est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Sur l'article 3, je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Amendement de précision, rejeté par la commission.

(Le vote sur l'amendement n° 1 est réservé.)

(Le vote sur l'article 3 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Sur l'article 4, je suis saisi d'un amendement n° 2 .

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Amendement de coordination. La réforme des tutelles est en effet intervenue depuis le dépôt de la proposition de loi.

(Le vote sur l'amendement n° 2 est réservé.)

(Le vote sur l'article 4 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je regrette, une fois de plus, que le Gouvernement et la majorité empêchent l'Assemblée nationale de se prononcer à l'occasion de la présentation des propositions de loi du groupe socialiste. Cela vaut également pour celles du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. C'est systématique.

Au-delà de cela, puisque ce n'est pas une surprise, je voudrais dire, au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et, sans m'en faire leur porte-parole, de mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, notre fierté d'avoir ouvert, pour la première fois, un tel débat. J'espère qu'il se conclura positivement. Cette avancée républicaine fondamentale permettrait à la France de mettre en place un nouveau droit, celui du mariage des couples d'un même sexe. Je suis heureux que le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche soit à l'origine d'une telle initiative dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je ne sais si je m'exprime au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, mais je confirme ce qui vient d'être dit par notre collègue Ayrault. Ce débat a une certaine importance, pas tant parce que l'opposition est restée cohérente avec les différentes propositions de loi qu'elle a eu l'occasion de présenter dans cet hémicycle, mais parce que nous avons constaté que, dans la majorité, la cohérence réactionnaire – disons-le – n'était plus tout à fait de mise. Je tiens à dire ici combien j'admire le courage et la position de nos collègues Martinez et Riester. Nous avons d'ailleurs déjà eu l'occasion de défendre le droit de mourir dans la dignité avec Mme Martinez.

Sur ces sujets de société, nous avons, face à nous, une majorité très craintive, très frileuse et qui n'est pas en accord avec l'opinion. Qu'il s'agisse du droit de mourir dans la dignité ou de l'ouverture du mariage à des personnes de même sexe, il se dégage en effet aujourd'hui une majorité dans la société pour accepter cette évolution. On ne peut donc pas continûment rester sur cette position exprimée dans Le Guépard : tout changer surtout pour ne rien changer. Le législateur ne dit pas le droit, cela incombe aux juges. Mais il est de la responsabilité du législateur de faire avancer le cadre dans lequel les juges pourront s'exprimer.

J'évoquerai, à cette occasion, le cas de ce que l'on appelle communément « les mariés de Bègles » . Le Conseil constitutionnel a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité, estimant qu'il appartenait au législateur d'adopter de nouvelles dispositions. Ce couple va pouvoir aller devant la Cour européenne des droits de l'homme, qui a accepté la saisine. Grâce au droit comparé, on saura ce qui se passe dans un certain nombre d'autres pays de l'Union européenne.

Une fois encore, je veux souligner ici notre retard sur tous ces sujets de société. Nous sommes comme vitrifiés. Nous légiférons de manière hors sol, sans tenir compte de l'évolution de la société. Comme vient très bien de l'expliquer notre collègue Riester, ouvrir des droits à des personnes qui ont choisi la même orientation sexuelle ne signifie pas en priver d'autres de droits qu'ils ont déjà. C'est simplement élargir les droits dans la société, c'est respecter notre Constitution, c'est-à-dire notre droit fondamental : l'égalité des droits pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce que j'ai à dire, et je vous prie de m'en excuser, monsieur le président, n'est pas directement lié à cette discussion et ne relève pas non plus d'un rappel au règlement, mais le sujet est extrêmement sérieux.

Nous venons d'apprendre, par une note interne de la direction de Citröen, la suppression de 15 000 emplois, notamment dans les usines d'Aulnay et de Rennes. Je cite ce document : « La fenêtre d'annonce possible dans le calendrier électoral français se situe au deuxième semestre 2012. » Voilà comment un grand groupe français, qui se vantait de produire plus que Renault en France, s'apprête à détruire des milliers d'emplois.

Je pense qu'il s'agit d'un sujet d'intérêt national. Alors que nous examinons ces jours-ci le projet de loi de finances rectificative, il paraît impossible de continuer à raisonner « hors sol », pour reprendre les termes de M. Mamère. En l'occurrence, ce sont les vies des membres de 3 000 familles qui sont en jeu, sans parler du millier de sous-traitants également concernés dans mon département de Seine-Saint-Denis. Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir laissé m'exprimer sur ce point extrêmement important.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Ce n'était pas un rappel au règlement, mais on peut effectivement comprendre votre émotion, monsieur Brard. Ce point aura probablement vocation à être évoqué en commission et pourra faire l'objet d'une question d'actualité.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les articles, à l'exclusion de tout amendement, et sur l'ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auront lieu le mardi 14 juin, après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne de MM. Jean-Marc Ayrault, Pierre-Alain Muet et plusieurs de leurs collègues relative à l'introduction d'une taxe sur les transactions financières en Europe (nos 3439, 3468, 3456).

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous présentons a fait l'objet d'un travail commun avec le groupe parlementaire de nos collègues allemands du SPD. Elle sera présentée au parlement allemand aujourd'hui même ou dans les jours qui viennent.

Cette proposition de résolution recommande aux gouvernements de présenter au plus tard lors du premier conseil européen de l'automne 2011 une proposition législative visant à introduire une taxe sur l'ensemble des transactions financières, y compris les produits dérivés.

Ce n'est pas un hasard si l'idée d'une taxe sur les transactions financières, développée initialement par James Tobin pour le marché des changes, a resurgi après la crise. Au cours des années de folie financière, une gamme toujours plus étendue de produits financiers a été créée. Les échanges financiers ont proliféré, portant principalement sur des produits dérivés et se déroulant la plupart du temps sur des marchés informels et opaques, dits de gré à gré. S'est ainsi édifiée une vertigineuse pyramide de produits dérivés qui sert aujourd'hui de force de frappe à la spéculation financière.

Bien sûr, la première condition est d'améliorer la régulation des marchés financiers. Alors que l'empilement et la multiplication des produits financiers ont mis l'économie mondiale en péril, il est temps de mettre fin à cette aberration qui veut que les produits financiers soient moins taxés que les transactions réelles – ainsi, les transactions sur les produits financiers ne sont pas soumises à la TVA dans notre pays.

La taxe que nous proposons aurait un triple effet. Premièrement, une taxe, même d'un faible montant, permet de décourager la multiplication des opérations spéculatives pour privilégier l'investissement de long terme, dans la mesure où la taxe devient d'autant plus coûteuse pour un opérateur que celui-ci multiplie les transactions sur un même produit financier – on sait que dans la même journée, on peut avoir un millier de transactions successives sur un produit financier.

Deuxièmement, cette taxe contribuerait à la transparence en imposant un suivi précis de toutes les opérations financières. Nous avons également réfléchi à la façon dont on pourrait compléter cette résolution pour faire en sorte qu'elle favorise le développement des plates-formes d'échanges de transactions plutôt que les marchés de gré à gré.

Troisièmement, cette taxe de 0,05 % sur les transactions financières pourrait fournir des ressources importantes : 200 milliards d'euros à l'échelle de l'Europe, plus de 20 milliards d'euros en Allemagne et plus de 12 milliards d'euros en France.

Il y a incontestablement une opportunité historique à saisir pour faire avancer les choses au sujet de cette taxe. La question, évoquée au G20 par la France et l'Allemagne, fait l'objet à la fois d'un consensus franco-allemand et d'un consensus gauche-droite. Dans l'Union, le Parlement européen, après avoir demandé un travail préparatoire à la Commission en mars 2010, a adopté une résolution le 8 mars 2011 à une très grande majorité, demandant « instamment à l'Union, en l'absence d'un accord international dans les prochains mois, de présenter des propositions législatives sur l'introduction d'une taxation des transactions financières à l'échelle européenne » au taux de 0,05 %.

Nous avons choisi la proposition la plus générale et la plus souple, afin que celle-ci ait le plus de chances possible d'être acceptée par l'ensemble de nos partenaires. Nous proposons l'assiette la plus générale qui soit, consistant à taxer l'ensemble des transactions financières, y compris les produits dérivés. On sait que la taxation est relativement facile sur les transactions effectuées sur les plates-formes, plus délicate sur les transactions de gré à gré, mais nous ne devons pas renoncer à la taxation des secondes, sous peine de pénaliser les transactions effectuées sur les plates-formes. Même si nous n'avons pas évoqué cette possibilité dans la proposition de résolution afin de lui conserver un caractère général, il serait pertinent de s'interroger sur la possibilité de taxer plus fortement les transactions de gré à gré, passant la plupart du temps par des institutions financières, afin de favoriser la régulation et l'usage des plates-formes et de réduire ainsi les transactions opaques.

Si l'idéal serait de voir la taxe appliquée au niveau mondial, le champ géographique retenu est l'Europe ; à défaut, cela pourrait être la zone euro, voire un ensemble de pays, à l'image des coopérations renforcées existant déjà en Europe. La France et l'Allemagne sont, en tout état de cause, prêtes à avancer dans ce domaine.

La mise en oeuvre d'une telle taxe à l'échelle d'un groupe de pays plutôt qu'au niveau mondial peut susciter une crainte, celle de voir une partie des transactions financières quitter les pays concernés par un effet d'éviction. Il faut toutefois avoir conscience du fait que les transactions risquant de se faire ailleurs que dans les pays où s'applique la taxe, afin d'y échapper, sont la plupart du temps des transactions largement spéculatives et opaques, dont l'efficacité économique est nulle, voire négative. Le fait qu'un groupe de pays pionniers progresse sur ce point peut permettre d'avancer à l'échelle du monde mais n'est, par ailleurs, pas forcément négatif pour ces pays pionniers.

Nous avons retenu le taux de 0,05 %, qui fait l'objet de l'acceptation la plus générale. Comme je l'ai dit, nous n'avons pas retenu dans cette proposition de résolution l'idée de différencier les taux en taxant davantage les transactions de gré à gré, bien que cette idée nous paraisse, en soi, pertinente.

Une autre question se pose, celle des moyens qui pourraient être employés pour inciter les banques à privilégier leur métier de banquier, c'est-à-dire à gérer des dépôts et accorder des crédits plutôt que de spéculer sur les marchés financiers. Vous connaissez le débat sur la séparation des activités de dépôt et de spéculation des banques. L'idée d'une telle séparation n'est pas nouvelle, puisqu'elle remonte à Roosevelt, qui l'avait mise en oeuvre, et a été reprise par le président Obama sous la forme d'un dispositif contraignant les banques qui détiennent des dépôts à ne pas spéculer sur comptes propres. On pourrait, de la même manière, imaginer de taxer plus fortement la spéculation sur comptes propres que les transactions réelles – mais comme je l'ai dit, nous avons préféré ne retenir que l'idée d'une taxation générale, les pistes que j'ai évoquées ayant vocation à faire l'objet d'une réflexion à l'échelle de l'Europe.

Nous estimons que les recettes de la taxe doivent être affectées en priorité aux budgets nationaux : si la taxe est mise en oeuvre par un groupe de pays, elle sera naturellement affectée aux budgets nationaux de chacun des pays concernés, comme il est de règle, quitte à ce que les pays en question décident ensuite d'affecter une partie des recettes à l'échelle européenne. Si chacun s'accorde à considérer que la taxation des transactions financières pourrait servir à de nombreux usages à l'échelle du monde, que ce soit la lutte contre la pauvreté ou le réchauffement climatique, dans un premier temps, les pays pionniers percevront la taxe au profit de leurs budgets nationaux respectifs, au nom du principe budgétaire d'universalité.

Mes chers collègues, nous avons tous salué la décision du Parlement européen d'avancer sur la question de la taxation des transactions financières. Je pense que dans la situation actuelle, c'est-à-dire après la crise majeure que nous venons de connaître, nous disposons d'une opportunité historique de mettre en place une taxation qui pourra contribuer à la mise en oeuvre d'un certain nombre de politiques de développement et à la réduction des déficits, mais aussi réduire la part excessive des transactions financières dans l'économie mondiale. On sait que la prolifération des instruments financiers peut avoir des effets dramatiques, comme la crise l'a montré. Dans ce domaine, on ne peut se contenter de déclarations, il est temps de passer aux actes. C'est ce que propose cette résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'aborderai l'examen de cette proposition de résolution européenne portant introduction d'une taxe sur les transactions financières en soulignant quelques points.

Pour ce qui est du contexte, il y a, me semble-t-il, une convergence forte sur le constat et sur les objectifs auxquels répondrait utilement une taxe européenne sur les transactions financières. C'est un sujet d'intérêt général, qui doit nous rassembler et sur lequel le Président de la République est en première ligne, sur le plan européen comme sur le plan international.

Rappelons tout d'abord que l'idée d'une taxe sur les transactions financières a, certes, fait l'objet de quelques mises en application, mais toujours circonscrites à des frontières nationales et souvent sur des segments de marché parcellaires. Or, pour être opérante, elle doit être aussi générale que possible. L'idéal théorique serait même qu'elle soit universelle, car cela aurait pour effet positif d'éviter tout dumping fiscal, c'est-à-dire tout report des flux d'investissement vers les produits ou les territoires épargnés.

La crise de la fin des années 2000 a mis en évidence les conséquences extrêmement lourdes, particulièrement sur les titres souverains, des excès de l'industrie financière. À la recherche de profits de plus en plus élevés, celle-ci a tendance à prendre des risques inconsidérés, voire irresponsables.

L'enjeu de cette taxe est double : d'une part, poser une brique supplémentaire sur l'édifice de la régulation et, au passage, contribuer à moraliser le secteur financier ; d'autre part, dégager de nouvelles sources de financement en faveur de grands objectifs d'intérêt général. Chacun de ces deux enjeux suffit en soi pour promouvoir ce futur prélèvement.

J'en viens à l'enjeu de la régulation. L'idée d'une taxe sur les transactions financières n'est pas nouvelle, mais son intérêt devient de plus en plus évident, pour trois raisons : le volume des échanges financiers s'envole, dans des proportions exagérées au regard du rythme de croissance mondiale et des opérations de couverture nécessaires ; les produits titrisés se sont complexifiés au point de donner naissance à des monstres, comme les obligations adossées sur les subprimes ou encore les ventes à découvert à nu ; le shadow banking prend de l'ampleur par rapport au système bancaire traditionnel, faisant échapper tout un pan du secteur à la vigilance des régulateurs et des pouvoirs publics.

La rente du secteur financier a jusqu'à présent bénéficié d'une sorte d'exception fiscale. Soumettre ces produits à taxation rendrait le marché plus transparent, donc plus pur et faciliterait considérablement la tâche de veille et de contrôle du pouvoir politique.

Il s'agit aussi de moraliser les services financiers. Aucun autre secteur ne pourrait servir à ses cadres des bonus d'un niveau équivalent à ceux qui ont cours dans les établissements financiers. Rogner légèrement leur valeur ajoutée contraindrait davantage leurs marges de manoeuvre en matière de rémunération.

Les dettes publiques de nombreux pays – à commencer par les États-Unis – se sont creusées si profondément qu'ils sont désormais soumis à des contraintes budgétaires inédites. Or, dans le même temps, des enjeux planétaires nécessitent des investissements de grande ampleur.

Plusieurs enceintes internationales spécialisées se sont évidemment emparées de la question, y voyant la solution aux problèmes qu'elles sont chargées de traiter : le groupe consultatif de haut niveau des Nations unies sur le financement de la lutte contre les changements climatiques ; le groupe pilote sur les financements innovants, institué dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement ; l'ONUSIDA, dont l'objectif est d'assurer un accès universel aux programmes de prévention et de traitement. Une autre option, évoquée tout à l'heure, consisterait à affecter tout ou partie du produit de la taxe à la résorption des déficits publics.

La proposition de résolution opte pour la mise en place d'une taxe européenne et c'est, à mon sens, le bon choix. En effet, en attendant que la communauté internationale aboutisse à un consensus, la mise en oeuvre à l'échelle de l'Union européenne, principale puissance économique mondiale, est pertinente.

Cette proposition de taxe européenne fait écho aux résolutions successives adoptées par le Parlement européen à une large majorité, d'abord le 10 mars 2010, pour demander à la Commission d'examiner la faisabilité d'une taxation sur les transactions financières, puis le 20 octobre 2010 et le 8 mars 2011, pour inviter la Commission et le Conseil à oeuvrer en faveur de son adoption.

Cette cause a été ardemment défendue par la France, en première ligne sur le sujet. Notre pays a inscrit la taxe sur les transactions financières parmi les priorités de sa présidence du G20, qu'il exercera jusqu'en novembre prochain, avec comme point d'orgue le sommet de Cannes. Le Président de la République, dans sa conférence de presse de lancement de la présidence française, le 24 janvier dernier, a ainsi déclaré : « cette taxe est morale compte tenu de la crise financière que nous venons de traverser, cette taxe est utile pour dissuader la spéculation ».

Soyons conscients, mes chers collègues, qu'une majorité ne se dessine pas encore, au sein du groupe des vingt principales puissances économiques mondiales, en faveur de ce prélèvement. Loin s'en faut. Les États-Unis y sont même résolument hostiles, tout comme le Mexique, qui nous succédera l'an prochain à la présidence du G20, la Grande-Bretagne ou la Suède. Même au sein de l'Eurogroupe, des pays comme les Pays-Bas restent à convaincre.

Nous pouvons en revanche compter sur le soutien de l'Allemagne, dont la classe politique, j'ai pu le vérifier là-bas en début de semaine, droite et gauche confondues, comme en France, est presque unanimement favorable à cette cause. C'est ainsi que notre ministre des finances, Christine Lagarde, a cosigné avec son homologue allemand Wolfgang Schäuble en juillet 2010 une lettre aux autorités belges, qui venaient de prendre la présidence de l'Union, leur demandant d'envisager une taxe européenne sur les transactions financières.

Le Président de la République, déterminé à faire aboutir ce dossier, a obtenu une première avancée significative lors du sommet exceptionnel de l'Eurogroupe du 12 mars dernier. Avec l'appui d'Angela Merkel, il est alors parvenu, contre toute attente, à arracher aux Dix-sept un accord sur « la nécessité de réfléchir à l'introduction d'une taxe sur les transactions financières et de faire avancer les travaux aux niveaux de la zone euro et de l'UE ainsi que sur le plan international ». Une adoption courageuse de la taxe sur les transactions financières par l'Union européenne créerait une dynamique qui conduirait progressivement à sa mise en oeuvre au niveau mondial.

Dans ce contexte, il faut bien préciser, ce que la résolution ne fait pas directement, que juridiquement – et je l'ai rappelé tout à l'heure – l'initiative législative devra revenir, comme toujours au niveau de l'Union, à la Commission européenne.

L'ambition du président de la République, qui travaille en étroite collaboration avec la chancelière Merkel est totale sur ce dossier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce n'est pas parce qu'il lui fait la bise qu'ils sont étroitement liés ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

En pleine présidence française du G8 et du G20, alors que le succès du sommet de Deauville a été reconnu internationalement, il importe, dans l'optique du sommet de Cannes, d'abandonner toute posture partisane.

Dans cet esprit, la majorité, tant en commission des affaires européennes qu'en commission des finances, a décidé de voter en faveur de cette résolution puisqu'elle correspond à l'intérêt général et à la démarche engagée par le Président de la République et le Gouvernement, aussi bien au niveau européen que dans le cadre du G20.

Je regrette un peu que l'opposition ait voté contre sa propre résolution, ou se soit abstenue dans les commissions dans affaires européennes et des finances, ce qui est franchement original, voire surréaliste !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Tout cela parce que cela vous gêne de reconnaître, à travers l'amendement adopté en commission sur ma proposition, une évidence et une vérité, en l'occurrence l'action du Président de la République et du Gouvernement en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Vous avez été mesquin ! On ne manquait pas grand-chose en ne le disant pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

En fait, plutôt que de faire de telles contorsions, mieux vaudrait poser un jalon politique fort, et dans un esprit d'unité, en faveur de l'adoption de cette taxe sur les transactions financières. La capacité de conviction de la France en novembre à Cannes s'en trouverait renforcée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le Président de la République et le Gouvernement sont pleinement engagés en faveur des financements innovants, en particulier pour la mise en oeuvre la plus rapide possible d'une taxe internationale sur les transactions financières.

Comme vous le savez, la France est à l'origine de la création du Groupe pilote sur les financements innovants, pour lequel un groupe d'experts a formulé, dans un rapport remis l'année dernière, des propositions tout à fait concrètes pour « mondialiser la solidarité » et instaurer une taxe internationale sur les transactions financières.

De même, la France a également participé aux travaux du groupe chargé d'examiner de nouvelles ressources pour financer la lutte contre le changement climatique – ce qui a donné le rapport dit AGF –, dont une taxe sur les transactions financières et une taxation, sous forme de taxe ou de permis d'émission, des secteurs maritime et aérien, appelé communément « bunkers ». Ce rapport a d'abord été discuté lors de la réunion du G20 de février, puis il a été décidé, lors du G20 Finances d'avril, de demander à la Banque mondiale et au FMI d'approfondir ce travail sur plusieurs sources de financement pour le climat, dont les bunkers. J'y reviendrai un peu plus loin.

Le Président de la République a fait part à plusieurs reprises de son engagement personnel en vue de la mise en place d'une taxation internationale des transactions financières afin de mobiliser des ressources dans deux domaines de portée globale : le climat et le développement. Avec la Chancelière allemande, il avait, dès juin 2010, adressé une lettre au Premier ministre canadien en vue de la réunion du G20 de Toronto pour exprimer son soutien à la création de cette taxe. Dans le cadre des Nations unies, il a défendu l'idée de financements innovants pour la lutte contre la pauvreté, pour l'éducation et pour la résolution des grands problèmes sanitaires de l'Afrique. De même, comme l'a rappelé à l'instant Pierre Lequiller, lors du sommet de New York sur les Objectifs du millénaire les 20, 21 et 22 septembre 2010, il a notamment défendu l'idée de financements innovants sous la forme d'une taxe sur les transactions financières tendant aux mêmes fins.

Lors du discours de lancement du G20, le 24 janvier dernier, il a indiqué qu'il rappellerait « d'une manière inlassable » que les pays du G20 ont « prévu et promis 100 milliards de dollars par an aux pays en développement à partir de 2020 » pour lutter contre le changement climatique. Cette question est pour la France, selon ses termes, une question cruciale. Il a renouvelé son engagement à l'occasion du sommet de l'Union africaine le 31 janvier dernier : « il y a le discours et il y a l'exemple que l'on montre ». À cette fin, le Président de la République a mandaté M. Bill Gates en vue de remettre un rapport sur le financement du développement et les financements innovants d'ici le sommet des chefs d'État et de gouvernement de Cannes les 3 et 4 novembre prochains. Ce rapport devrait contenir un ensemble de propositions concrètes, dont l'une sur la taxation des transactions financières.

Le Président de la République a également affirmé que, outre une taxe sur les transactions financières, d'autres sources de financements innovants sont possibles. Il s'agit en particulier des fameux « bunkers », qui constituent une priorité pour le G20 Finances en matière de financement innovant en faveur du climat. Le rapport AGF avait souligné l'an dernier la pertinence d'un tel mécanisme. Celui-ci aurait en effet le double avantage de créer une incitation financière à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs maritime et aérien et, en même temps, de générer des revenus utilisés en partie pour financer des actions d'atténuation et d'adaptation au changement climatique dans les pays en voie de développement.

Le G20 Finances a donc décidé de poursuivre l'analyse de cette source de financement innovant. Il a chargé en avril dernier le FMI, en collaboration avec l'Organisation maritime internationale et l'Organisation de l'aviation civile internationale de formuler des recommandations en faveur d'un tel instrument. Ce rapport devra analyser son impact, notamment sur les pays en développement. Il devrait être prêt au mois d'octobre pour le G20 Finances. Bien que cette source fasse encore l'objet de nombreuses oppositions, notamment de la part des pays en développement, nous espérons ainsi, sous présidence française du G20, faire avancer de manière significative et concrète les discussions sur cette source de financement innovant.

Vous le voyez donc, mesdames et messieurs les députés, l'engagement de la France, du Président de la République et du Gouvernement ont été une constante de notre politique étrangère tout au long des dernières années. Nous poursuivons cet objectif dans toute une série d'instances avec lesquelles nous avons travaillé jour après jour : le FMI, la Commission européenne, le Parlement européen, mais aussi les différents groupes d'experts sur les financements innovants et le développement, ainsi que de nombreuses organisations, gouvernementales ou non gouvernementales.

Au niveau européen – cela a été souligné, y compris par le rapporteur –, la France et l'Allemagne ont travaillé ensemble. Le Conseil européen des 24 et 25 mars derniers a notamment acté qu'« il conviendrait de réfléchir à l'introduction d'une taxe mondiale sur les transactions financières et de faire avancer les travaux dans ce domaine. » La Commission européenne doit « présenter un rapport sur la taxation du secteur financier d'ici à l'automne au plus tard. » À l'initiative de la France et de l'Allemagne, le Conseil ECOFIN a débattu du sujet à plusieurs reprises en 2010 et 2011 dans le cadre plus général de la taxation du secteur financier.

Cela étant, il est cependant trop tôt pour préempter le résultat des travaux qui ont été lancés. Les propositions demandées dans le cadre européen à la Commission, au FMI et à la Banque mondiale, ou encore à Bill Gates, en ce qui concerne la contribution du secteur du transport international doivent encore faire l'objet de discussions dans ces enceintes. Plusieurs options sont en effet envisageables et discutées avec certains de nos partenaires, l'Allemagne en particulier : définition de la taxe – assiette et taux –, modalités d'affectation des recettes, champ géographique, modalités de recouvrement. Parmi les pistes envisagées de taxe sur les transactions financières, une taxe mondiale sur les opérations de change apparaît à ce stade comme l'option la plus réaliste techniquement. Le même type de questions se pose d'ailleurs concernant le financement du changement climatique et les options disponibles : taxe sur les bunkers, privilégiée par la France, ou encore taxe sur le tabac.

En tout état de cause, une taxation des transactions financières doit être conçue prioritairement au niveau international, au moins au sein des principaux centres financiers. Il y a en effet une vraie logique à taxer une assiette globale pour financer des biens publics mondiaux. À défaut d'une assiette mondiale, une mise en oeuvre unilatérale au niveau national ou européen se traduirait probablement par une grave perte de compétitivité de notre place financière au profit des autres grands centres mondiaux. Or la France n'ignore pas qu'il sera difficile de faire accepter une taxation des transactions financières au niveau international. Il faudra en particulier convaincre les pays émergents d'y participer.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Cela implique un effort de pédagogie et de conviction. Je garde en mémoire le sommet de Copenhague, qui a rappelé à quel point il était difficile, même quand l'Union européenne est complètement d'accord, ce qui était le cas, d'obtenir des grandes puissances émergentes un engagement à la hauteur du rôle qui est désormais le leur dans l'économie mondiale, c'est-à-dire un cinquième du PIB mondial aujourd'hui pour les seuls BRIC et plus de 50 % d'ici à quinze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Avec le grand Président de la République que nous avons, cela ne devrait pas poser de problème.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Face à ce défi, nous aurons besoin de nous appuyer sur l'Europe et en particulier de maintenir une étroite coopération avec l'Allemagne, comme nous l'avons fait depuis 2010.

Sur ce sujet de la taxation des transactions financières comme sur beaucoup d'autres, le climat ou le commerce international, l'issue dépendra donc notamment de notre capacité à obtenir des nouvelles puissances émergentes qu'elles soient pleinement parties prenantes de l'effort collectif pour la stabilité globale du monde.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Je rappelle que nous aurons cette année, en décembre, immédiatement après le sommet du G20 à Cannes, deux échéances majeures, avec le sommet de Durban et la conférence ministérielle de l'OMC. Face à ces enjeux sur lesquels elle travaille déjà, la France doit jouer un rôle pionnier qu'elle assume parfaitement grâce à l'implication personnelle du Président de la République au sein du G20 depuis trois ans. Je considère que la France est grande quand, comme aujourd'hui, elle promeut les idées pour un monde plus juste et plus sûr.

Ce rappel des initiatives qui ont été prises par ce gouvernement toutes ces dernières années me permet de dire combien nous nous sommes réjouis de voir l'opposition, à travers le président Ayrault et M. Muet, déposer, le 13 mai dernier, une résolution allant exactement dans ce sens.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Plus ces sujets feront l'objet d'un consensus bipartisan, plus ils renforceront la voix de la France dans le monde, dans les instances internationales et européennes, ce qui est une bonne chose.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Je sais que de son côté, mon ami Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes, qui inlassablement promeut les idées de la France auprès des instances parlementaires des pays de l'Union, a été, lui aussi, très heureux de cette initiative venue des rangs de l'opposition.

Je ne vous cacherai donc pas ma surprise lorsqu'il m'a été rapporté qu'après avoir déposé ce texte, le groupe SRC n'a pas souhaité voter sa propre résolution, aussi bien en commission des affaires européennes qu'en commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Parce que nous ne sommes pas monarchistes ! Nous ne voulons pas voter un texte à la gloire du Président.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Monsieur Emmanuelli, je m'étonne simplement qu'après avoir déposé un texte qui recueillait un consensus bipartisan, vous ayez vous-même refusé de le voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Nous ne sommes pas condamnés à faire en permanence l'apologie du Président de la République !

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Ce revirement est aussi soudain que quelque peu léger, pour dire gentiment les choses.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Si j'ai bien compris, le parti socialiste veut bien s'approprier une idée, à condition d'oublier soigneusement de mentionner qui en est l'auteur lorsque cet auteur est le Président de la République ou le Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Tout cela est regrettable. Je le répète, une telle attitude n'est pas à la hauteur des enjeux globaux qui sont devant nous. Je ne doute pas que le Parlement, dans son ensemble, soutiendra le nécessaire travail de conviction qu'il est indispensable de mener auprès de nos partenaires européens pour atteindre ces objectifs qui nous sont communs, mesdames et messieurs les députés.

La présente proposition de résolution renforce sans aucun doute le soutien que notre pays apporte aux financements innovants et en particulier à la taxe sur les transactions financières. Je me permettrai toutefois quelques remarques en conclusion, qui font écho à vos discussions et à celles qui ont lieu dans les différentes instances internationales.

En premier lieu, les modalités de la taxe sur les transactions financières restent à définir, comme l'assiette et le taux de cette taxe – ce n'est pas un sujet simple.

En deuxième lieu, la Commission européenne doit présenter une étude d'impact avant la fin de l'été 2011. Une décision, au plan européen, sur les options d'une taxe sur les transactions financières ne pourra que s'appuyer sur ses résultats.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Mais non, monsieur Emmanuelli, c'est prévu pour cet été. Soyez un tout petit peu patient !

En troisième lieu, il convient de bien évaluer l'ensemble des risques pour la compétitivité des places européennes qu'une telle taxe impliquerait. Une étude approfondie des risques de contournement et de délocalisation devrait en toute hypothèse être préalablement mise en oeuvre.

Enfin, la question de l'affectation des recettes de la taxe reste à définir, au minimum entre nous Européens. Il me semble prématuré de la trancher dès à présent si nous ne voulons pas préempter le débat que nous devons avoir entre nous, avec les Allemands et le reste de l'Union européenne.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement soutiendra naturellement la démarche politique qui est la vôtre ce matin, sous réserve des remarques juridiques et de fond que je viens de lister. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Mesdames et messieurs, je n'entrerai pas dans la petite polémique introduite par le secrétaire d'État et même par le président de la commission des affaires européennes car je pense que ce n'est pas du niveau de notre débat.

À l'heure où nous parlons, le Bundestag à Berlin débat d'une résolution identique. Ces résolutions ont été déposées à l'initiative du groupe socialiste de l'Assemblée nationale de notre pays et du groupe social-démocrate du Parlement allemand. Nous avons considéré que le temps des velléités devait céder la place à celui de la volonté.

La crise financière a, en tout cas il faut l'espérer, ouvert les yeux de tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

J'ai dit, il faut l'espérer, monsieur Emmanuelli.

La dérégulation financière a conduit à la mise en place d'une véritable économie de casino, et cela depuis le début des années 80, sans rapport avec les échanges réels de biens et de services.

La catastrophe mondiale n'a été évitée qu'avec l'intervention massive des puissances publiques. Il est de notre responsabilité d'agir pour imposer progressivement de nouvelles règles d'un jeu qui a coûté à la collectivité endettements records, destructions massives d'emplois, faillites économiques et drames humains. La crise financière, ce sont 6 000 euros par citoyen de l'Union européenne de dettes publiques supplémentaires et ce sont 7 millions de nouveaux chômeurs sur notre seul continent.

Les transactions financières, qui, à l'origine, permettent une couverture assurantielle des échanges de biens et de services, ont été détournées de leur fonction première. Une part croissante d'entre elles contribue non plus à des activités de production mais bien à des mouvements spéculatifs erratiques d'autant plus difficiles à contrôler qu'ils se font au moyen d'outils de plus en plus sophistiqués, protégés par une opacité empêchant toute surveillance effective des pouvoirs publics. Le système financier représente désormais un volume soixante-dix fois supérieur à l'économie réelle.

Cette situation n'est plus acceptable. De nombreux chefs d'État et de gouvernement s'expriment désormais au plus haut niveau, européen et mondial, en faveur d'une taxe sur les transactions financières mais sans dépasser jusqu'à ce moment le stade des déclarations d'intentions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Il subsiste chez nombre d'entre eux, en arrière-pensée peut-être, une réticence. Sommés par l'opinion publique d'agir, ils abusent d'un discours volontariste mais le soumettent à tant de conditions qu'ils préparent déjà les esprits à de nouveaux renoncements. Oui à une taxe mais à condition que tout le monde soit d'accord pour la mettre en oeuvre.

Il est ainsi prétendu que la mise en place au niveau national d'une taxe sur les transactions financières conduirait à une fuite de capitaux. C'est faux. À l'heure actuelle, sept États membres sur vingt-sept appliquent déjà une forme de taxe sur les transactions financières, ne serait-ce que la principale place financière européenne, le Royaume-Uni, qui, avec son droit de timbre, son fameux stamp duty, récolte quelque 3 milliards d'euros par an.

Cette taxe porterait atteinte aux marchés financiers, nous dit-on. Cela aussi est faux. Elle permettrait au contraire de décourager les activités hautement spéculatives et encouragerait celles basées sur le plus long terme, comme les investissements productifs.

La mise en place d'une taxe sur les transactions financières, on le dit aussi ici ou là, coûterait trop cher et serait trop compliquée à mettre en oeuvre. Mais cela aussi est faux. La plupart des transactions financières sont dématérialisées, elles se font de manière électronique, via des chambres de compensation centralisées. En outre, le projet de règlement européen EMIR contribuera prochainement à étendre cette procédure aux produits dérivés de gré à gré qui échappent à tout contrôle. Il suffirait donc d'ajouter une ligne au code de logiciels utilisés. C'est simple.

Aussi grandes que soient les compétences requises pour mettre en oeuvre une telle taxe, on ne peut se retrancher derrière sa technicité ou sa complexité pour renoncer, je le rappelle, à une ressource potentielle de 200 milliards d'euros. La taxe sur les transactions financières ne doit pas devenir le nouveau serpent de mer de la politique européenne et mondiale, toujours espérée mais jamais appliquée.

C'est pourquoi nous avons pris l'initiative, avec mon homologue, le président du groupe SPD au Budenstag Franck-Walter Steinmeier, de proposer cette résolution visant à demander la mise en oeuvre rapide d'une taxe sur les transactions financières.

Cette initiative ne s'inscrit pas dans un contexte et un paysage vierges. Dès 2000, la majorité de la gauche plurielle avait fait adopter le principe d'une taxe, que l'UMP avait à l'époque refusée. Depuis 2009, l'ensemble des socialistes européens s'efforcent de trouver les voies de la mise en oeuvre d'une telle taxe dans leur pays respectif.

Notre proposition de résolution commune SRC-SPD fait suite à l'engagement du président du parti socialiste européen, Poul Rassmussen, et des différents leaders socialistes européens d'introduire de manière concertée, en lien avec la Confédération européenne des syndicats et des grandes ONG européennes, une proposition de loi sur une taxe sur les transactions financières. C'est à une véritable mobilisation déterminée que nous assistons. Elle a abouti, cela a été rappelé, à un vote soutenant l'initiative dans plusieurs rapports adoptés au Parlement européen – ce sont des étapes qui se sont succédé.

Cette proposition de résolution, que Pierre-Alain Muet a rapportée, constitue donc un nouveau pas. Mais, à l'automne, si rien n'a avancé – c'est la demande qui est faite dans cette résolution notamment au Gouvernement – le Parlement devra prendre l'initiative, en rédigeant une proposition de loi visant à mettre en oeuvre une taxe sur les transactions financières au taux de 0,05 %. Il faudra passer à l'acte. Si cette résolution traduit, ce que j'espère, une volonté unanime lors du vote la semaine prochaine, il faudra s'en féliciter. Nous verrons ensuite s'il s'agissait simplement de bonnes intentions ou d'une vraie détermination. En tout cas, je souhaite que l'on sorte de cette impression d'absence de volonté, d'absence de capacité à peser sur le cours des choses. La profondeur de la crise, ses conséquences sociales et humaines exigent de la détermination mais également beaucoup de courage et d'audace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

D'abord, je voudrais informer notre assemblée qu'une délégation du groupe GDR va se rendre prochainement au Budenstag à Berlin pour rencontrer nos collègues Die Linke sur les questions de l'énergie, que nous recevrons à l'automne une délégation de Die Linke sur les questions financières et fiscales et que nous accueillerons bientôt Gregor Gysi, le président de Die Linke, de passage à Paris.

Certains pourraient dire que nous avions du retard sur le sujet, ce qui n'est pas tout à fait faux : vous pouvez constater que nous mettons les bouchées doubles. Nous éviterons les hésitations que les uns et les autres ont connues puisque nous partons de peu de choses, mais nous tenons à être exemplaires du point de vue de la coopération avec nos collègues du Bundestag, considérant que le socle franco-allemand doit jouer un rôle essentiel pour le futur, même s'il est altéré par les manières parfois bizarres, pour ne pas utiliser d'autre adjectif, du Président de la République à l'égard de la Chancelière. Vous êtes forcément d'accord avec moi, monsieur le secrétaire d'État !

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Pas du tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…car cela relève plutôt de France Dimanche ou d'Ici Paris !

Venons-en à notre sujet. Trois ans après le début de la crise, cette proposition de résolution européenne sur l'introduction d'une taxe sur les transactions financières en Europe offre l'occasion au pouvoir politique de prouver sa détermination à contraindre un tant soit peu le pouvoir hégémonique de l'économique.

Depuis plus de dix ans, de projets de loi de finances en projets de loi de finances rectificative, les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine se battent pour instituer un tel dispositif qui limiterait l'appétit sans limite des spéculateurs. Notre persévérance et notre constance dans l'analyse payent enfin. Tous ceux qui considéraient cette taxe comme une licorne très belle, mais hélas chimérique, se sont donc trompés puisque, aujourd'hui, sur tous les bancs de la représentation nationale semble dominer un même sentiment : la spéculation doit être freinée et les spéculateurs doivent être mis à contribution. Mais comme dirait le Premier ministre, il y a les croyants et les pratiquants, et nous, nous souhaitons ajouter la pratique à la foi. De ce point de vue, monsieur le secrétaire d'État, vous avez des marges de progression, il n'y a pas de doutes, et pour vous cela risque d'être un chemin de Damas !

Depuis trois ans, le Président de la République a multiplié les déclarations favorables à la mise en place d'une taxe sur les transactions financières, une taxe – je vous livre la citation exacte tant certains mots sont étranges dans sa bouche – « morale compte tenu de la crise financière, utile pour dissuader la spéculation et efficace pour trouver de nouvelles ressources ». C'est ce que disait le Président de la République le 24 janvier 2011.

Mais, au lieu de défendre son idée dans une enceinte où ses chances d'aboutir étaient bonnes – je veux parler de la zone euro – Nicolas Sarkozy, en quête de reconnaissance internationale et soucieux d'apparaître en bon génie de la finance, a courageusement choisi de porter cette taxe au G20. Le Président de la République ne pouvait ignorer que, pour le G20, la régulation financière doit s'arrêter là où commencent les affaires juteuses des marchés financiers. La tentative du chef de l'État était vouée, dès le départ, à l'échec. C'était donc une manoeuvre pour pouvoir faire porter à d'autres la responsabilité de bloquer une décision que le président des riches ne souhaitait en aucune façon prendre.

En effet, de la réglementation des hedge funds à l'encadrement des bonus, voilà maintenant trois ans que le Président de la République égrène son chapelet de fables et veut nous faire croire que, sous son action efficace, le capitalisme a été régulé et la finance moralisée. J'ai bien entendu, monsieur le secrétaire d'État, ce que vous avez dit en réponse à Pierre-Alain Muet. Le Président de la République a au moins réussi à convaincre quelqu'un : c'est vous ! C'est sûrement le début de quelque chose, mais il reste beaucoup à faire.

Malheureusement pour Nicolas Sarkozy et pour nous, les 135 milliards de dollars de bonus accordés …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Vous avez seulement cinq minutes de temps de parole, monsieur Brard, et je vois que vous avez encore de nombreuses pages de discours !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je pensais avoir le double, monsieur le président ! Je vais donc conclure !

Les mécanismes de spéculation actuels sont particulièrement destructeurs pour l'économie dite réelle, l'emploi et l'environnement. Ils symbolisent l'échec fracassant des théories du marché libre apte à répondre aux défis du progrès humain. La mise en place d'une taxe sur les transactions financières dans la zone euro matérialiserait le retour de la volonté politique face à la pression de marchés financiers devenus tout-puissants. Plutôt que de durcir indéfiniment les politiques d'austérité dans l'espoir de « rassurer » ces mêmes marchés, elle permettrait de dégager des ressources très substantielles, ô combien nécessaires, afin de libérer les États et les peuples de la tutelle des marchés. C'est pourquoi nous voterons la proposition de nos collègues du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la résolution européenne dont nous débattons aujourd'hui appelle un certain nombre d'éléments de réflexion.

Depuis près de quatre ans, l'économie mondiale traverse une crise financière sans précédent dont les conséquences économiques et sociales sont extrêmement graves et se font malheureusement encore ressentir.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Les raisons qui ont conduit à cette crise sont connues de tous. Elles reposent pour l'essentiel sur des pratiques spéculatives et des prises de risques inconsidérées par le secteur bancaire, ayant entraîné un surendettement des entreprises, des ménages et, par ricochet, des États.

Avant la crise, les grands groupes bancaires réalisaient effectivement 30 à 50 % de leurs profits grâce à des produits spéculatifs, sans engager en contrepartie de fonds propres. C'est une évolution très dangereuse et très coûteuse. Il est donc légitime aujourd'hui de viser à décourager cette spéculation qui atteint un volume annuel considérable, de l'ordre de 400 fois le produit intérieur brut.

À l'initiative de la France et de l'Union européenne, des décisions majeures ont été prises pour moraliser et sécuriser les pratiques financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

N'oublions pas les leçons de cette crise ! Aussi l'idée de taxer les transactions financières est-elle plus que jamais à l'ordre du jour. En effet, le financement du développement doit devenir un impératif moral et il faut aujourd'hui tirer le meilleur bénéfice de l'interdépendance financière des marchés internationaux en prélevant une fraction des transactions quotidiennes sur une base volontaire.

Quels sont les objectifs d'une taxation des transactions financières ? Lutter contre la spéculation, renforcer la transparence des marchés financiers et procurer des recettes publiques supplémentaires.

Concernant les initiatives françaises en termes de régulation du secteur financier, j'observe que l'« alinéa de la discorde » a été adopté en commission à l'initiative de la majorité. Cet alinéa modifie l'intitulé de la résolution européenne. Le groupe Nouveau Centre y est évidemment favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Nous appuyons en effet « la démarche, engagée de longue date, du Président de la République et du gouvernement français, conjointement avec la Chancelière et le gouvernement fédéral allemand, au sein des institutions européennes et dans le cadre du G20, en faveur d'une taxe sur les transactions financières au service des financements innovants. »

Résolument européen, le groupe Nouveau Centre salue une initiative franco-allemande. Le symbole est fort puisque, comme l'a rappelé Jean-Marc Ayrault, le Bundestag se penche aujourd'hui même sur le sujet de la taxation des flux financiers. Il s'agit en effet d'une étape significative pour que cette taxe, que nous appelons de nos voeux depuis de longues années, voie enfin le jour. Il faut que des pays leaders, comme la France et l'Allemagne, se décident à la mettre en place. Car, une fois n'est pas coutume, le moteur franco-allemand a toute légitimité à émettre ce type de proposition. Nous venons de le rappeler, et nous le répétons souvent dans le débat budgétaire, une bonne taxe doit avoir une assiette large et un taux faible.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

L'enjeu n'est pas exactement le même !

Avec un taux de 0,05 %, la taxe pourrait générer 465 milliards d'euros par an de ressources. Avec de telles recettes, il y a matière à agir en faveur de l'économie verte et de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement qui, vous en conviendrez, ont du mal à progresser.

L'instauration d'une taxe sur les transactions financières permettrait également d'agir pour la redistribution de la richesse et contribuerait à la stabilisation des marchés financiers en réduisant la spéculation à court terme, coupée de l'économie réelle. Tout cela sans que les contribuables ne soient affectés.

L'idée d'une taxe sur les transactions financières était partagée avant la crise économique ; elle ne peut être que renforcée quatre ans après les déboires financiers de l'économie mondiale que l'on connaît et que nous avons tous subis.

C'est enfin une première étape vers la concrétisation de cette taxe au plan mondial. Mes chers collègues, trop souvent les débats droite contre gauche ont stérilisé cette idée. Nous avons tendance à penser que la régulation est un sujet qui vient d'un camp ou d'un autre. Il n'en est rien ! Selon moi, il ne s'agit ni d'un sujet de droite ni d'un sujet de gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est un sujet du centre, c'est-à-dire un trou et rien autour ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

C'est un enjeu d'ordre public mondial.

À terme, la taxation sur les mouvements financiers n'aura de sens que si elle est acceptée et mise en oeuvre par un nombre élevé de pays. Les modalités pratiques peuvent être débattues même si je crois qu'aujourd'hui, à travers ce texte déclaratif, c'est plutôt l'esprit et la portée d'une telle taxe qui nous animent. En ce qui me concerne, je suis pour le principe d'un taux faible à assiette large, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

…afin, vous l'aurez compris, de pouvoir taxer un maximum de mouvements financiers.

En conclusion, le groupe Nouveau Centre voit d'un bon oeil cette résolution européenne visant à taxer les transactions financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Il va falloir mettre la main au portefeuille, monsieur Perruchot : l'oeil ça ne suffira pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Nous abordons ce débat avec d'autant plus de sérénité que nous faisons, depuis un certain temps maintenant, la promotion de cette taxe. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la résolution que nous examinons ce matin n'a qu'un seul objet : recommander au gouvernement français de proposer au Conseil européen la création d'une taxe sur les transactions financières.

Cette résolution s'inscrit dans la droite ligne de la politique gouvernementale. Elle ne fait l'objet d'aucun désaccord au sein de l'UMP. Par conséquent, dès qu'elle a été présentée par le groupe socialiste à la commission des affaires européennes, nous avons marqué notre accord avec cette initiative.

Cette observation d'ordre général étant faite, je profiterai de ce débat pour mesurer la difficulté du sujet et pour rappeler l'historique de ce dossier. L'idée de créer une taxe sur les transactions financières est très ancienne. Elle date de la fin des années 60 et il aura fallu plus de vingt ans pour que cette idée passe des milieux universitaires à la réflexion proprement politique. C'est en France, dans le courant des années 90, que, pour la première fois, un Premier ministre s'est prononcé en faveur de la création d'une taxe de cette nature. C'était Édouard Balladur en 1993.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Pour passer de l'intention à l'action, il fallait évidemment un minimum de consensus. Celui-ci a longtemps fait défaut, et il n'existe d'ailleurs toujours pas complètement aujourd'hui. Comme l'ont clairement dit les orateurs précédents, l'élément nouveau c'est la crise financière que nous connaissons depuis 2008 avec ses conséquences sur l'économie et les finances publiques de tous les États.

Il est évident que, dans ce contexte, la création d'une taxe présenterait trois avantages majeurs. Elle permettrait une meilleure transparence des marchés financiers. Elle permettrait de lutter de manière plus efficace contre la spéculation internationale. Et elle constituerait une ressource budgétaire supplémentaire non négligeable pour les États qui l'instaureraient.

Mais pour qu'il soit possible de passer de l'intention à l'action, il est indispensable d'abord qu'il y ait une volonté politique, ensuite que soit défini le cadre international dans lequel ce consensus serait recherché.

Ce cadre, c'est pour nous d'abord l'Union européenne mais également l'ensemble des pays du G20. Quant à la volonté politique, c'est celle du Président de la République française, qui a fait de cette réforme l'un des axes forts de la présidence française du G20.

Je voudrais, à ce stade de la réflexion, revenir à la résolution ou, plus précisément, à la proposition de résolution initialement présentée par le groupe socialiste. Autant nous sommes d'accord sur son contenu, autant nous estimons qu'on ne peut faire l'impasse sur le rôle moteur de la France dans l'émergence de ce dossier ; c'était tout le sens de l'amendement présenté par le président Lequiller à la commission des affaires européennes, qui n'était en quelque sorte qu'un amendement de précision. Mais quelle n'a pas été notre surprise de voir nos collègues socialistes, pourtant à l'origine de cette démarche, se prononcer contre cette résolution, comme s'il était plus important pour eux de gommer l'action du Président de la République que de moraliser les marchés financiers internationaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Le tir a été fort heureusement rectifié par la commission des finances, non que le groupe socialiste se soit résigné à voter pour le projet de résolution, mais au moins a-t-il accepté de s'abstenir, et j'ai trouvé encourageants les propos du président Ayrault évoquant la possibilité d'un vote unanime, ce qui serait à l'évidence dans l'intérêt de la France et dans l'intérêt des marchés financiers internationaux.

Pour ce qui concerne l'UMP, nous n'avons pas changé de position et nous n'en avons pas l'intention.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Nous ne sommes pas idolâtres, monsieur Brard, et, puisque vous m'y poussez, laissez-moi vous lire les lignes qui furent l'objet de notre différend en commission des affaires européennes : nous avons voulu que l'Assemblée nationale « appuie résolument la démarche, engagée de longue date, du Président de la République eu du gouvernement français, conjointement avec la Chancelière et le gouvernement fédéral allemand, au sein des institutions européennes et dans le cadre du G20 ». Y a-t-il là quelque idolâtrie que ce soit ?

Soyons réalistes, nous sommes favorables à cette recommandation, mais nous tenons à ce que soit rendu à César ce qui est à César – pour reprendre une expression que vous avez utilisée, monsieur Brard –, au Président de la République française et à la Chancelière allemande ce qui relève de leur responsabilité. En conséquence, nous voterons pour la résolution telle qu'amendée par la commission des affaires européennes et adoptée par la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec cette proposition de résolution, nous voulons d'abord et avant tout envoyer un signal politique fort à nos concitoyens et aux peuple européens qui s'interrogent, après la crise, sur les politiques mises en place.

Je prenais connaissance hier de l'avis de la Commission sur le programme de stabilité, avis critique en particulier sur les hypothèses de croissance. Mais j'y ai vu surtout des préconisations extrêmement inquiétantes sur le niveau du SMIC dans notre pays ou sur notre droit du travail.

Les peuples européens, à qui l'on impose aujourd'hui des politiques d'austérité et de rigueur, ont le sentiment qu'il existe deux poids, deux mesures quand ils constatent l'impunité dont semblent bénéficier les acteurs du système financier, qui ont pourtant leur responsabilité dans l'amplification de la crise, et il nous semble que les bonnes résolutions prises lors du premier G20 tardent aujourd'hui à se traduire dans les faits.

En instaurant une taxe sur les transactions financières, nous adresserions donc aux Européens un signal fort sur notre volonté d'améliorer la régulation financière et de faire en sorte que ce qui s'est produit ne se reproduise plus. C'est essentiel, car les peuples de l'Union européenne n'accepteront plus très longtemps le traitement qu'on leur inflige, tandis que le système financier se rétablit et continue de s'hypertrophier.

Si cette taxe est politiquement souhaitable, elle est aussi pertinente économiquement. Notre débat a montré qu'il existait sur ce point une manière de consensus et, y compris parmi les chercheurs, les critiques qui lui étaient adressées semblent aujourd'hui s'atténuer. La taxe sur les régulations financières peut être un moyen de régulation du système financier, en particulier à l'heure du trading à haute fréquence. Elle peut permettre de « refroidir » le système financier, en diminuant les mouvements de transaction et leur fréquence, ce qui veut dire une forme de spéculation nocive. Nous avons donc là un outil qui permettra d'obtenir des résultats tout à fait positifs.

Par ailleurs, cette taxe peut nous permettre de dégager de nouvelles ressources, indispensables non seulement à notre développement mais aussi pour régler le problème de notre endettement et financer le budget européen, aspects que notre débat ne doit pas occulter.

Quant à l'initiative du Président de la République dans le cadre du G20, il ne s'agit ni de la sous-estimer ni de la dévaluer, et je n'ai aucun problème à la soutenir. Néanmoins, nous savons que cette initiative a très peu de chances d'aboutir dans le cadre du G20, que d'ores et déjà elle a suscité des oppositions extrêmement fermes et pas uniquement de la part des pays émergents : le premier pays qui s'est montré hostile à toute initiative dans ce domaine, ce sont les États-Unis, qui ne veulent pas de cette taxe sur les transactions financières.

Compte tenu de ces obstacles, ne devons-nous pas faire en sorte, dès lors, d'amorcer une démarche qui aboutisse au plan européen ? C'est dans ce sens que nous avons présenté cette résolution, en accord avec le parti social-démocrate allemand. Il existe en Allemagne et en France une volonté d'avancer dans ce domaine : essayons donc d'avancer au niveau européen !

Il ne s'agit pas d'opposer les deux démarches mais d'admettre que, tandis que la démarche initiée par le Président de la République s'inscrit inévitablement dans le long terme, la nôtre a des chances d'aboutir assez rapidement. C'est donc sur elle que doivent porter nos efforts.

Cela étant, ne nous le cachons pas, elle suscite, en France comme en Allemagne, un certain nombre de résistances. Je n'ai notamment pas la certitude que la Commission soit prête à s'engager dans cette voie, surtout quand je vois la manière dont elle a décidé de traduire les mesures prudentielles prises dans le cadre de l'accord de Bâle 3, choisissant de ne pas retenir l'idée d'un dépôt sur les fonds propres.

Si nous voulons aboutir, il faudra donc soutenir efficacement l'instauration de cette taxe, et c'est ce que nous vous proposons avec cette résolution. Les Européens sont désormais au pied du mur : soit ils poursuivent leurs incantations, soit ils passent aux travaux pratiques pour faire en sorte que, rapidement, l'Europe se dote d'un tel outil de régulation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte présenté par les députés du groupe SRC est un texte que je qualifierais d'utilité publique. Cela fait des années que l'on parle de cette idée défendue depuis 1972. Ainsi, en 2001, notre assemblée avait voté un amendement introduisant son principe. Cette question a déjà fait l'objet du rapport Landau, commandé par Jacques Chirac en 2004, qui a servi de base à un accord quadripartite entre le Brésil, le Chili, l'Espagne et la France, adopté en septembre 2004, aux Nations unies, entre 117 pays. Ce qui a donné naissance à une taxe sur les billets d'avion, qui contribue aujourd'hui à financer la lutte contre les pandémies. Ce simple fait montre que, contrairement aux coups médiatiques récurrents du Président de la République annonçant la fin des paradis fiscaux ou la lutte contre la spéculation financière, il est possible pour un pays de développer une politique volontariste. Depuis, malgré la crise de 2008, nous n'avons pas avancé d'un pouce. C'est pour cela que le texte proposé ici est important.

Le concept, inventé par James Tobin et popularisé par ATTAC, est simple : la dégradation de la planète et la crise actuelle sont le résultat d'un système économique global dont le critère ultime de décision est la rentabilité financière. Depuis les années 1980, les régulations publiques – en particulier, les accords de Bretton Woods de 1944 ainsi que la plupart des systèmes de protection sociale – ont été démantelées pour laisser opérer les seuls marchés au profit des pays riches et des détenteurs du capital.

La taxe sur les transactions financières représente avant tout un moyen d'affronter des intérêts économiques et financiers qui sont hostiles à toute politique de contrôle des mouvements de capitaux. Ces intérêts, favorisés depuis trente ans par des politiques néolibérales, ont été privilégiés au détriment des revenus du travail. Contrairement aux remèdes appliqués d'ordinaire lorsqu'éclatent les crises financières, la taxe Tobin aurait un double rôle préventif et curatif. Préventif quand la spéculation inquiète, curatif en cas de crise spéculative. De plus, aussi faible que soit le taux proposé, cette taxe rapporterait, à l'échelle mondiale, plusieurs centaines de milliards, qui pourraient être affectés au développement durable des pays du Sud. Par ailleurs, la mise en place de la taxe Tobin impliquerait une nouvelle forme de relation entre États. La taxe Tobin n'est pas la panacée mais un moyen de réduire l'instabilité financière mondiale, présentée par beaucoup d'experts comme la rançon inévitable des bienfaits apportés par la libre circulation des capitaux. Il s'agit de redistribuer équitablement les ressources entre les 6,5 milliards d'êtres humains de la planète. Cette taxe globale ne se substitue en aucun cas à l'aide publique au développement que les pays riches se sont engagés à verser aux pays en développement. Aujourd'hui, cette aide ne représente que le tiers de l'objectif de 0,7 % du PIB qui avait été fixé. En aucun cas, la taxe sur les transactions financières ne doit être le moyen pour les pays riches de se dédouaner.

Nous préconisons donc une rupture radicale par rapport à la mondialisation financière devenue insoutenable. Une voie de ce changement est la préservation et la production de biens publics mondiaux comme la santé, l'éducation, la sécurité alimentaire, le climat.

La production de ces biens publics, ou biens communs, exigera des ressources publiques, à peu près 1500 milliards, soit 2,5 % du produit mondial. La réorientation écologique de l'économie mondiale répondant aussi à une exigence de justice sociale est à ce prix. Réorienter une fraction faible mais stratégique de la richesse mondiale produite par an est l'objectif de cette taxe. Nous ne devons plus nous contenter de beaux discours mais les mettre en oeuvre.

De nombreux dirigeants de pays de la zone euro – France, Allemagne, Luxembourg, Espagne, Autriche, Belgique, Portugal – se sont positionnés en faveur de la taxe. Seuls les Pays-Bas ont manifesté leur hostilité mais dans un contexte marqué par l'exaspération des opinions publiques contre les spéculateurs et par les attaques récurrentes des marchés financiers contre l'euro, comment croire que ce pays pourrait seul s'opposer à une forte volonté politique de ses partenaires ? La décision est mûre politiquement, elle l'est également sur le plan technique, comme l'ont montré de récents rapports d'experts.

Cette année, en avril, plus de mille économistes originaires de cinquante-trois pays, dont une centaine sont Français, ont relancé l'appel à la taxation des transactions financières dans le monde, pressant le G20 d'accepter la taxe Tobin. Le Gouvernement s'est déclaré intéressé, malheureusement dans ce cénacle du G20, les opposants sont nombreux et puissants. Autrement dit, les chances d'une décision positive du G20 en 2011 sont égales à zéro. La seule manière de changer la donne est pour l'Union européenne de montrer elle-même l'exemple. La mise en place d'une taxe sur les transactions financières dans la zone euro matérialiserait une réelle volonté de créer des solidarités positives face à la pression des marchés financiers, au lieu de durcir indéfiniment les politiques d'austérité dans l'espoir de « rassurer » ces marchés. Elle permettrait aussi de dégager des ressources très substantielles, dans une période où les déficits budgétaires sont chroniques et les besoins de financement urgents, en particulier pour la lutte contre la pauvreté et le réchauffement climatique global.

À rester dans une posture « proclamatoire », Nicolas Sarkozy s'expose à voir ses partenaires du G20 enterrer une fois de plus sans difficulté une demande si peu consistante. Il doit immédiatement demander à la Commission de préparer un projet de directive dans les six mois. Faute de quoi la crédibilité des dirigeants européens continuera à se désagréger aux yeux des marchés financiers – pire, des citoyens. Le texte proposé par le groupe SRC va dans ce sens. Il faut un effet un levier politique qui peut être soit l'Union, soit les pays de la zone euro, soit le couple franco-allemand. Nous devons faire bouger les lignes en livrant un message fort avant la tenue du G20. Voilà pourquoi un vote consensuel honorerait cette Assemblée. Voilà pourquoi les députés Europe Écologie-Les Verts appellent à soutenir ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la proposition de résolution européenne relative à la taxation des transactions financières ;

Proposition de loi visant à lutter contre le décrochage scolaire ;

Proposition de loi simplifiant le vote par procuration ;

Deuxième lecture de la proposition de loi relative à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma