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Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du 9 juin 2011 à 9h30
Ouverture du mariage aux couples de même sexe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, les hommes et les femmes naissent « libres et égaux en droits ». C'est ainsi que les révolutionnaires de 1789 ont choisi de poser les bases de la République et cela reste d'une grande actualité et d'une grande modernité.

Pourtant, les hommes et les femmes n'ont pas tous et toutes les mêmes droits. Aujourd'hui, deux personnes qui s'aiment, si elles sont de sexe différent, peuvent sceller leur union comme elles l'entendent : elles peuvent vivre en concubinage, se pacser, se marier. Deux personnes de même sexe ne le peuvent pas : le mariage leur est interdit.

Des membres de cette assemblée expliquent que le mariage est une institution, une union qui dépasse le contrat signé par deux époux. Mais la République n'a pas à sonder les coeurs de ses citoyens. Le sens que les époux donnent à leur mariage ne regarde pas la collectivité. Le mariage est, du point de vue de la République, un acte d'état civil.

Ces mêmes députés expliquent que le mariage a pour finalité de fonder une famille. Pourtant, force est de le constater, de plus en plus de naissances ont lieu hors mariage et de nombreux mariages n'aboutissent pas à des naissances. La famille évolue avec la société. On parle de familles recomposées, monoparentales. Il existe aussi des familles homoparentales ; elles sont de plus en plus nombreuses et toutes les études montrent que leurs enfants en sont heureux. Les règles d'alliance doivent évoluer pour tenir compte de la réalité de la société.

Pourquoi alors, monsieur le ministre, continuer à refuser le mariage aux personnes de même sexe ? Pourquoi avoir peur d'une nouvelle étape émancipatrice ?

Certains propos tenus dans cet hémicycle accréditent l'idée que l'homosexualité est encore considérée par certains comme une déviance qui justifierait l'interdiction de fonder une famille. Cela se ressent d'ailleurs très nettement dans les motivations de l'arrêt Fretté rendu en 1996 par le Conseil d'État, lequel refusait une demande d'adoption au regard des « conditions de vie » du demandeur, visant sans aucun doute l'homosexualité de ce dernier.

Nous devons dépasser ces préjugés et établir l'égalité dans l'accès au mariage. C'est le sens de la proposition de loi de Patrick Bloche. C'est aussi le sens de la proposition de loi déposée par les députés communistes en 2005, et redéposée en 2010 après des modifications porteuses de sens, sous l'intitulé : « Proposition de loi visant à ouvrir le mariage à tous les couples sans distinction de sexe ni de genre. »

Ces modifications ne sont pas seulement sémantiques. Lorsque nous avons redéposé le texte, nous avions en tête des exemples de maires refusant de marier deux personnes d'état civil différent pour la simple raison qu'elles étaient transsexuelles, mais aussi des exemples de femmes et d'hommes contraints de divorcer pour pouvoir accomplir leur parcours de changement de sexe. Deux femmes ont pu se marier récemment à Nancy, car les autorités publiques ont refusé à l'une d'elles son changement d'état civil. Quel paradoxe !

J'aurais pu défendre cette prise en compte du genre par voie d'amendement, mais nous pouvons trouver sur ce texte un point d'accord permettant de faire avancer l'égalité.

La liste des propositions de loi demandant la possibilité pour tous les couples de se marier – Martine Billard et Noël Mamère en ont déposé une également – le montre : il s'agit d'une exigence forte de la part de nos concitoyennes et concitoyens, qui se heurte chaque fois au refus de la droite.

Cette exigence est d'autant plus forte que les enjeux sont lourds. Le mariage emporte un grand nombre de conséquences, non seulement pour les époux, mais aussi pour les enfants. Il faut reconnaître les familles homoparentales pour donner à tous les enfants, quel que soit l'orientation sexuelle ou le genre de leurs parents, les mêmes droits et protections.

C'est pour cette raison qu'il faut mettre un terme aux discriminations que les personnes homosexuelles subissent non seulement dans l'accès au mariage, mais aussi en matière de filiation et de droits parentaux. Il faut établir l'égalité dans les possibilités de recours à l'adoption et à la procréation médicalement assistée, dans le partage de l'autorité parentale comme dans l'octroi des congés d'adoption et de paternité.

J'ai élaboré avec les associations LGBT et de parents gays et lesbiens une proposition de loi en ce sens, déposée il y a quelques semaines. Elle prévoit de renforcer les moyens de lutte contre les discriminations de manière générale, afin de briser les schémas de reproduction des préjugés et des violences, pour rendre l'égalité des droits réelle.

Chers collègues, les députés du groupe GDR voteront donc pour la proposition de loi débattue aujourd'hui, en espérant qu'elle sera bientôt enrichie de dispositions concernant les questions de genre, et suivie d'un débat sur la parentalité et les droits des enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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