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Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 9 juin 2011 à 9h30
Ouverture du mariage aux couples de même sexe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il y a douze ans, au siècle dernier, en 1999, était adopté le PACS, première reconnaissance de droits pour les couples de même sexe. Je veux saluer ici la douce opiniâtreté du rapporteur, Patrick Bloche, qui, inlassablement, a conduit, avant l'adoption du PACS et depuis lors, cette patiente bataille de l'égalité, cet indispensable combat du droit à l'indifférence.

C'était il y a douze ans, c'était au siècle dernier, et je veux revenir sur les arguments développés alors par les adversaires les plus résolus du PACS. Je n'évoquerai pas les insultes et les anathèmes, qui souilleraient le temple de la République qu'est cet hémicycle, mais je veux revenir sur les craintes alors exposées et les prophéties de celles et ceux qui voyaient dans le PACS une terrible menace pour la société et la civilisation.

Certains y voyaient une insupportable menée communautariste, mais le PACS est tout l'inverse. Il a correspondu à la création d'un nouveau droit pour tous dont se sont saisi tous les couples : 94 % des pacsés de 2010 sont des couples hétérosexuels.

Certains annonçaient la fin du mariage, et l'an dernier un demi-million de personnes en France ont choisi de se marier, 400 000 de se pacser.

D'autres prédisaient le retour de la répudiation des femmes. À ceux-là je rappelle que le taux de dissolution des PACS n'est que de 17 % alors que, malheureusement, de très nombreux mariages se soldent par un divorce.

Aujourd'hui, cette proposition de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe est le dernier pas à franchir dans la reconnaissance de l'égalité de tous les citoyens au sein de la République. C'est dans cet esprit que la proposition de loi a été rédigée et présentée à l'instant par Patrick Bloche.

J'ai attentivement écouté vos explications, monsieur le garde des sceaux, mais rien ne justifie plus de réserver le mariage, qui est bien autre chose qu'un contrat, à une catégorie de couples.

L'article 1er de la Constitution proclame la République indivisible, assure l'égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction. La République – vous aurez beau chercher – est parfaitement indifférente à l'orientation sexuelle des individus. Dans notre bloc de constitutionnalité, à l'article de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui rappelle que « tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », le terme « hommes » n'est pas à prendre au sens sexuel, il inclut évidemment les hommes et les femmes, et il n'a pas été besoin d'amender la Déclaration pour que l'universalité de ces données soit évidente.

La République est indifférente à l'orientation sexuelle, mais elle ne l'est pas du tout au mariage, dont elle fait même une institution. Car le mariage est d'abord un acte public, juridique, solennel par lequel deux individus s'engagent non seulement l'un envers l'autre dans la durée, mais aussi devant et envers la société. C'est ce qui lui donne son caractère unique et, je dois le dire, très impressionnant.

Le mariage n'est pas, contrairement à ce qu'avancent certains, un engagement à faire des enfants. Patrick Bloche a rappelé que 56 % des enfants naissent hors mariage. Je rappellerai quant à moi que l'on n'interdit pas à des couples stériles de se marier ; on célèbre même des mariages sur le lit de mort de certains malades, dans les hôpitaux.

Le mariage n'a donc rien à voir avec l'instinct de reproduction, avec la procréation, qui se peut se faire et se fait aujourd'hui majoritairement sous toute autre forme que le mariage, mais il a tout à voir avec la civilisation, avec la politique, avec l'organisation de la société. C'est cette revendication d'une reconnaissance de tous dans leurs droits de citoyens qui est portée par cette proposition de loi.

Vous avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, un certain nombre de décisions. Vous avez souligné que l'Europe ne nous obligeait à rien dans ce sens, mais notre Constitution et les fondements même de notre République nous obligent à assumer nos responsabilités, telles que définies, par exemple, à l'article 34 de la Constitution, qui dispose que le législateur définit les régimes matrimoniaux.

Plus rien ne s'oppose à l'avènement de tous les citoyens à la reconnaissance dans cette institution républicaine qu'est le mariage. Nous n'avons pas été convaincus par vos arguments quand vous avez tenté d'expliquer pourquoi le Gouvernement s'oppose encore, au XXIe siècle, à cette avancée citoyenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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