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Intervention de Pierre Lequiller

Réunion du 9 juin 2011 à 9h30
Introduction d'une taxe sur les transactions financières en europe — Discussion d'une proposition de résolution européenne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'aborderai l'examen de cette proposition de résolution européenne portant introduction d'une taxe sur les transactions financières en soulignant quelques points.

Pour ce qui est du contexte, il y a, me semble-t-il, une convergence forte sur le constat et sur les objectifs auxquels répondrait utilement une taxe européenne sur les transactions financières. C'est un sujet d'intérêt général, qui doit nous rassembler et sur lequel le Président de la République est en première ligne, sur le plan européen comme sur le plan international.

Rappelons tout d'abord que l'idée d'une taxe sur les transactions financières a, certes, fait l'objet de quelques mises en application, mais toujours circonscrites à des frontières nationales et souvent sur des segments de marché parcellaires. Or, pour être opérante, elle doit être aussi générale que possible. L'idéal théorique serait même qu'elle soit universelle, car cela aurait pour effet positif d'éviter tout dumping fiscal, c'est-à-dire tout report des flux d'investissement vers les produits ou les territoires épargnés.

La crise de la fin des années 2000 a mis en évidence les conséquences extrêmement lourdes, particulièrement sur les titres souverains, des excès de l'industrie financière. À la recherche de profits de plus en plus élevés, celle-ci a tendance à prendre des risques inconsidérés, voire irresponsables.

L'enjeu de cette taxe est double : d'une part, poser une brique supplémentaire sur l'édifice de la régulation et, au passage, contribuer à moraliser le secteur financier ; d'autre part, dégager de nouvelles sources de financement en faveur de grands objectifs d'intérêt général. Chacun de ces deux enjeux suffit en soi pour promouvoir ce futur prélèvement.

J'en viens à l'enjeu de la régulation. L'idée d'une taxe sur les transactions financières n'est pas nouvelle, mais son intérêt devient de plus en plus évident, pour trois raisons : le volume des échanges financiers s'envole, dans des proportions exagérées au regard du rythme de croissance mondiale et des opérations de couverture nécessaires ; les produits titrisés se sont complexifiés au point de donner naissance à des monstres, comme les obligations adossées sur les subprimes ou encore les ventes à découvert à nu ; le shadow banking prend de l'ampleur par rapport au système bancaire traditionnel, faisant échapper tout un pan du secteur à la vigilance des régulateurs et des pouvoirs publics.

La rente du secteur financier a jusqu'à présent bénéficié d'une sorte d'exception fiscale. Soumettre ces produits à taxation rendrait le marché plus transparent, donc plus pur et faciliterait considérablement la tâche de veille et de contrôle du pouvoir politique.

Il s'agit aussi de moraliser les services financiers. Aucun autre secteur ne pourrait servir à ses cadres des bonus d'un niveau équivalent à ceux qui ont cours dans les établissements financiers. Rogner légèrement leur valeur ajoutée contraindrait davantage leurs marges de manoeuvre en matière de rémunération.

Les dettes publiques de nombreux pays – à commencer par les États-Unis – se sont creusées si profondément qu'ils sont désormais soumis à des contraintes budgétaires inédites. Or, dans le même temps, des enjeux planétaires nécessitent des investissements de grande ampleur.

Plusieurs enceintes internationales spécialisées se sont évidemment emparées de la question, y voyant la solution aux problèmes qu'elles sont chargées de traiter : le groupe consultatif de haut niveau des Nations unies sur le financement de la lutte contre les changements climatiques ; le groupe pilote sur les financements innovants, institué dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement ; l'ONUSIDA, dont l'objectif est d'assurer un accès universel aux programmes de prévention et de traitement. Une autre option, évoquée tout à l'heure, consisterait à affecter tout ou partie du produit de la taxe à la résorption des déficits publics.

La proposition de résolution opte pour la mise en place d'une taxe européenne et c'est, à mon sens, le bon choix. En effet, en attendant que la communauté internationale aboutisse à un consensus, la mise en oeuvre à l'échelle de l'Union européenne, principale puissance économique mondiale, est pertinente.

Cette proposition de taxe européenne fait écho aux résolutions successives adoptées par le Parlement européen à une large majorité, d'abord le 10 mars 2010, pour demander à la Commission d'examiner la faisabilité d'une taxation sur les transactions financières, puis le 20 octobre 2010 et le 8 mars 2011, pour inviter la Commission et le Conseil à oeuvrer en faveur de son adoption.

Cette cause a été ardemment défendue par la France, en première ligne sur le sujet. Notre pays a inscrit la taxe sur les transactions financières parmi les priorités de sa présidence du G20, qu'il exercera jusqu'en novembre prochain, avec comme point d'orgue le sommet de Cannes. Le Président de la République, dans sa conférence de presse de lancement de la présidence française, le 24 janvier dernier, a ainsi déclaré : « cette taxe est morale compte tenu de la crise financière que nous venons de traverser, cette taxe est utile pour dissuader la spéculation ».

Soyons conscients, mes chers collègues, qu'une majorité ne se dessine pas encore, au sein du groupe des vingt principales puissances économiques mondiales, en faveur de ce prélèvement. Loin s'en faut. Les États-Unis y sont même résolument hostiles, tout comme le Mexique, qui nous succédera l'an prochain à la présidence du G20, la Grande-Bretagne ou la Suède. Même au sein de l'Eurogroupe, des pays comme les Pays-Bas restent à convaincre.

Nous pouvons en revanche compter sur le soutien de l'Allemagne, dont la classe politique, j'ai pu le vérifier là-bas en début de semaine, droite et gauche confondues, comme en France, est presque unanimement favorable à cette cause. C'est ainsi que notre ministre des finances, Christine Lagarde, a cosigné avec son homologue allemand Wolfgang Schäuble en juillet 2010 une lettre aux autorités belges, qui venaient de prendre la présidence de l'Union, leur demandant d'envisager une taxe européenne sur les transactions financières.

Le Président de la République, déterminé à faire aboutir ce dossier, a obtenu une première avancée significative lors du sommet exceptionnel de l'Eurogroupe du 12 mars dernier. Avec l'appui d'Angela Merkel, il est alors parvenu, contre toute attente, à arracher aux Dix-sept un accord sur « la nécessité de réfléchir à l'introduction d'une taxe sur les transactions financières et de faire avancer les travaux aux niveaux de la zone euro et de l'UE ainsi que sur le plan international ». Une adoption courageuse de la taxe sur les transactions financières par l'Union européenne créerait une dynamique qui conduirait progressivement à sa mise en oeuvre au niveau mondial.

Dans ce contexte, il faut bien préciser, ce que la résolution ne fait pas directement, que juridiquement – et je l'ai rappelé tout à l'heure – l'initiative législative devra revenir, comme toujours au niveau de l'Union, à la Commission européenne.

L'ambition du président de la République, qui travaille en étroite collaboration avec la chancelière Merkel est totale sur ce dossier.

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