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Commission de la défense nationale et des forces armées

Séance du 10 mars 2009 à 16h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • LPM
  • cession
  • fréquence
  • inflation
  • programmation
  • relance
  • équipement

La séance

Source

Audition de M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, dans le cadre du projet de loi (n° 1216) relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014.

La séance est ouverte à seize heures quinze.

PermalienPhoto de Guy Teissier

C'est avec un très grand plaisir que j'accueille M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. C'est la première fois que notre commission entend le ministre chargé du budget sur un projet de loi de programmation militaire (LPM), même si nous rencontrons régulièrement vos services et notamment le directeur du budget dans le cadre de notre mission sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense.

Les orientations financières sont essentielles à la réussite de la future LPM. Le plan de relance est déjà venu bousculer certaines dispositions du projet de loi et le Gouvernement déposera, je crois, des amendements pour le prendre en compte.

La crise économique actuelle nous conduit aussi à nous interroger sur la viabilité du montage financier tel qu'il est décrit dans l'article 3. Le montant des recettes exceptionnelles tirées des cessions immobilières et des cessions de fréquences ne semble plus tout à fait assuré. Il importe que vous nous informiez sur les perspectives en la matière. Au-delà de cet aspect presque conjoncturel, des questions demeurent, comme la garantie du financement des opérations extérieures (OPEX), l'enjeu des reports de crédits ou l'application de la TVA aux externalisations.

PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

En préambule, je tiens à couper court à toute rumeur : le ministère du budget n'est en aucun cas à l'origine du report de la discussion parlementaire du projet de loi.

Nous consacrons un effort financier très important à la défense, deuxième budget de l'État. La France est l'un des pays développés dans lequel l'effort de défense est le plus significatif : il est équivalent à celui du Royaume-Uni et supérieur à celui de l'Allemagne. Cet effort nous permet de rester l'une des principales puissances mondiales dotée d'une capacité militaire globale, ce qui nous confère une force diplomatique considérable. Je considère en effet que la souveraineté s'exerce à la fois par l'armée et par l'autonomie financière, les deux allant de pair.

L'État n'a jamais consacré autant d'argent à sa défense : hors impact de l'inflation et hors pensions, 185 milliards d'euros sont ainsi programmés pour les six prochaines années. Cet effort est d'autant plus considérable qu'il s'effectue dans un contexte financier difficile.

Vous souhaitez que nous parlions des recettes extrabudgétaires, je le sais, mais je commencerai par aborder le volet budgétaire qui pèse considérablement.

Hors effet du plan de relance, entre 2008 et 2011, alors que les budgets de l'ensemble des ministères sont stabilisés en valeur, celui de la défense augmentera de 1,1 milliard d'euros. En clair, cette progression des crédits est financée par des économies d'un même montant sur les budgets des ministères civils. De plus, la défense bénéficiera de 3,5 milliards d'euros de recettes exceptionnelles entre 2009 et 2011, complétés de 200 millions d'euros d'ici à 2014. C'est donc clairement notre priorité budgétaire, avec la recherche et l'enseignement supérieur.

Le plan de relance accentue encore cet effort : le profil de la dépense d'équipement sera accéléré à hauteur de 1,7 milliard d'euros, dont 1 milliard d'euros au titre de 2009 et 700 millions d'euros au titre de 2010.

Au total, le budget de la défense augmente donc en 2009 de 10 % hors pensions. Aucun ministère ne connaît une telle progression. Cet effort financier est crédible parce qu'il a été construit en cohérence avec le reste du budget de l'État, programmé pour la première fois sur une période trisannuelle, courant de 2009 à 2011. Les augmentations de crédits du ministère de la défense pour 2010 et 2011 sont d'ores et déjà prévues dans les équations budgétaires de l'État ; ces orientations ont d'ailleurs été confirmées par le Premier ministre dans ses dernières lettres de cadrage.

Cet effort se fonde sur des hypothèses très prudentes. Nous anticipons un prix du baril de pétrole de 95 dollars ; si ce prix s'éloignait sensiblement et durablement du cours prévu à la hausse, un mécanisme d'abondement des crédits prévus pour le carburant serait activé.

Les OPEX sont budgétisées de manière transparente et sincère : le niveau de budgétisation initial est porté de 460 millions en 2008 à 630 millions en 2011, alors que cette provision n'était que de 100 millions en 2005. En outre, vous savez bien que lorsque le contexte l'exige, les crédits dans ce domaine sont augmentés.

En contrepartie de ces moyens importants, la défense se réformera profondément, en s'appuyant sur les conclusions concordantes, d'une part, du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et, d'autre part, de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Tout d'abord, s'agissant des aspects opérationnels, le Livre blanc constitue le socle de la nouvelle stratégie de défense et de sécurité de la France jusqu'en 2025. Il prévoit à la fois l'amélioration de la disponibilité et la modernisation des équipements de nos forces. Il a conduit à redéfinir le format des forces armées en fonction des nouveaux objectifs opérationnels. Et, en la matière, la nécessité stratégique a primé les considérations budgétaires. Cela a conduit le Président de la République à attribuer à la défense une enveloppe globale de 377 milliards d'euros d'ici à 2020.

Ensuite, la RGPP, à travers une série de décisions complémentaires au Livre blanc a permis de revoir l'organisation du soutien dans les armées qui mobilise plus de 50 % des effectifs. Après la professionnalisation des hommes, c'est donc celle des organismes qui est engagée. Cette seconde étape de transformation se concrétisera notamment par la création de quelque 90 bases de défense et la mise sur pied d'un service interarmées de soutien. Elle passera par la mutualisation et la rationalisation des fonctions d'administration et de soutien, jusqu'alors assumées par chacune des armées, ainsi que par un resserrement de la carte militaire, au bénéfice de l'activité opérationnelle. Ces bases de défense sont en pleine expérimentation. Leur calendrier d'extension est en cours de définition mais vous savez que le ministère de la défense souhaite être offensif sur ce sujet.

On peut ainsi espérer gagner 1,5 milliard d'euros par an à l'horizon de la réforme, qui seront intégralement affectés à l'amélioration de la condition du personnel et à la modernisation des équipements : 100 % des économies réalisées seront conservées par le ministère de la défense, ce qui est unique au sein de l'État.

Grâce aux réductions d'emplois programmées, 46 000 sur la période de programmation et 54 000 au total, la masse salariale baissera. Grâce aux efforts de rationalisation, les dépenses de fonctionnement seront maîtrisées, tandis que les dépenses d'équipement augmenteront très fortement, passant de 15,4 milliards d'euros en 2008 à 18 milliards d'euros en 2014, avec une moyenne de 16,9 milliards d'euros sur les six exercices de la programmation. Ces dépenses représenteront au final 101 milliards d'euros sur un total de 185 milliards d'euros, soit une augmentation extrêmement importante par rapport à la précédente LPM qui programmait 92 milliards d'euros de dépenses d'équipement, étant entendu qu'il s'agit d'euros 2008.

J'en viens maintenant aux recettes extrabudgétaires. La LPM prévoit que le ministère de la défense perçoive 3,7 milliards de ressources exceptionnelles, pour l'essentiel concentrées sur la période 2009-2011. En 2009, 1,6 milliard d'euros sont prévus ; ils se décomposent en, d'une part, 600 millions d'euros pour compenser les effets d'une inflation estimée à 2 %, alors que notre prévision est à l'heure actuelle de 0,4 %, et, d'autre part, un milliard d'euros pour financer le pic de besoins de paiement sur les dépenses d'équipement, ce que l'on appelle la « bosse de paiement ». Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, le ministère de la défense bénéficiera en 2009 d'un report de crédits de 500 millions d'euros pour accélérer ses paiements.

Cette somme de 1,6 milliard d'euros sera financée pour 1 milliard par la cession de biens immobiliers et pour 600 millions par celle de fréquences.

J'ai pris personnellement à bras-le-corps le sujet de l'immobilier qui relève de mon champ de compétences afin de réaliser les recettes exceptionnelles prévues dans le budget de la défense. Le ministre de la défense a déclaré à plusieurs reprises qu'il jugeait ces cessions parfaitement légitimes : dès lors que la défense bénéficie d'un effort financier sans précédent de la Nation, il est normal qu'elle y contribue en abandonnant certains bâtiments qu'elle occupe. De plus, j'ai accepté, à sa demande, d'assouplir les règles de gestion du compte d'affectation spéciale (CAS) « Immobilier » et de lui garantir un retour du produit des cessions à 100 % pour la durée de la LPM.

Fin février, nous avons déjà signé un contrat de bail de dix ans avec la société nationale immobilière (SNI) pour les 11 000 logements domaniaux. Ce dispositif garantit que la défense pourra continuer à disposer de ces logements au profit de ses personnels, ce qui est indispensable pour accompagner ses restructurations. Il en améliore considérablement les conditions d'utilisation par rapport à la précédente convention établie en 1972 qui garantissait une rente au gestionnaire du parc. Je ne prendrai qu'un exemple : auparavant, le coût de l'entretien était entièrement payé par l'État, avec des frais complémentaires de 8 % ; il est désormais partagé, dans les conditions du code civil, entre l'État et le preneur à bail, ce qui représente à peu près 40 % pour l'État et 60 % pour la SNI et l'occupant. Cette seule opération a généré 221 millions d'euros, encaissés au profit de la défense, en totale cohérence avec les prévisions de la LPM. Si on y ajoute des reports de 86 millions d'euros, la défense dispose d'ores et déjà de 307 millions d'euros pour ses dépenses d'infrastructures en 2009, sans compter le plan de relance.

Il me semble donc que le ministère de la défense peut être relativement serein, il n'y pas de sujet d'inquiétude immédiat en ce qui concerne le financement de cette LPM.

PermalienPhoto de Guy Teissier

Nous avons noté l'effort que le plan de relance consacre aux créations d'emplois pour la défense. Mais cet effort n'est-il pas affecté par les conditions difficiles d'entrée en gestion du budget 2009, faute d'une adoption de la LPM avant avril ou mai ?

PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Les difficultés financières seront sans doute moins importantes pour la défense que pour les autres ministères ; nous nous sommes efforcés de préserver l'équilibre prévu par le projet de loi. L'entrée en gestion bénéficie de conditions plus favorables, ne serait-ce qu'en raison d'une inflation moins forte que prévue. Les 600 millions d'euros prévus pour compenser une inflation à 2 % pourraient ainsi être ramenés à 120 millions d'euros puisque l'inflation ne devrait pas dépasser 0,4 %. Pourtant, nous avons choisi de ne pas réduire ce montant, ce devrait permettre de compenser d'éventuelles difficultés pour les cessions immobilières.

Par ailleurs, les 500 millions d'euros de reports de crédits permettent assez bien d'absorber le flux de factures parvenant au ministère de la défense.

Les dépenses d'investissement de la défense ont été intégralement dégelées. Les OPEX sont budgétées à un niveau de 510 millions d'euros, alors qu'elles étaient limitées à quelque 150 millions d'euros en 2006. Nous avons essayé de mettre fin à la sous-budgétisation chronique sur ce point.

La baisse du prix du pétrole doit se traduire par 150 à 200 millions d'euros d'économies pour la défense, sans oublier la baisse du prix de l'acier.

Je ne pense donc pas que l'entrée en gestion du budget 2009 soit problématique pour la défense nationale. Bien au contraire.

PermalienPhoto de Yves Fromion

Des esprits chagrins trouveront sûrement le projet de loi insuffisant. Il contient pourtant nombre de mesures positives, il faut avoir l'objectivité de le reconnaître. Le texte s'appuie sur des bases financières robustes et bénéficie d'une volonté commune de transparence, le ministre du budget venant même s'exprimer devant notre commission sur ces aspects.

Pour la première fois, nous avons procédé à un état des lieux de la précédente LPM afin d'identifier ses faiblesses. Je note également, et c'est une nouveauté, que le ministère de la défense gardera à son profit la totalité des économies réalisées dans le cadre de sa réorganisation. Enfin, je relève que les dispositions financières du projet de loi sont sécurisées, avec une prise en compte de l'inflation et avec l'intégration, pour la première fois, des retards de la programmation antérieure.

Pour autant, le projet de loi fait état des crédits de paiement mais pas des autorisations d'engagement. Si la cohérence entre ces deux agrégats ne s'opère pas, cela risque de se traduire par de la cavalerie budgétaire. Qu'en pensez-vous ?

Par ailleurs, notamment en raison de la crise, le déficit budgétaire de la France va très sévèrement s'aggraver, ce qui suscite quelques inquiétudes parmi nous. Quel impact cette situation aura-t-elle sur la deuxième partie de l'année 2009 ?

PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

La défense a longtemps été considérée comme une variable d'ajustement. Ce n'est plus le cas, même si elle n'est pas exempte des problèmes budgétaires liés à la crise, à l'instar des autres ministères mais probablement un peu moins qu'eux.

Vous m'interrogez sur les autorisations d'engagement. La soutenabilité de la programmation est certaine mais, sur six ans, en réalité, seuls comptent les crédits de paiement, surtout quand existe une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, qui couvre trois exercices. Celle-ci intègre la LPM pour les trois prochaines années, euro par euro, dans le cadre des 377 milliards, avec une progression comme l'inflation jusque 2011 puis une hausse annuelle supplémentaire au-delà de l'inflation de 1 % à compter de 2012. Cette programmation me semble rassurante pour la défense.

La situation économique générale a évidemment une influence mais je ne me livrerai pas à un exercice de prévision car nul ne sait quand nous atteindrons le bas du cycle. L'incertitude repose sur les ressources extrabudgétaires, sujettes aux effets de la crise, contrairement aux crédits budgétaires. Il faut donc s'interroger sur leur utilité. Elles servent d'abord, à hauteur de 600 millions d'euros, à couvrir l'inflation qui, au moins pour 2009, a presque disparu. Cette baisse représente un impact budgétaire de près de 500 millions d'euros. Ces ressources extrabudgétaires servent également, à hauteur d'un milliard d'euros, à couvrir les factures antérieures. Même si les ventes de fréquences ou les ventes immobilières étaient reportées, nous mobiliserons 500 millions de reports pour faire face à ces obligations. Par conséquent, même si l'immobilier s'effondre et même si nous ne parvenons pas à céder les fréquences dans les délais prévus, la défense ne connaîtra pas de difficultés de gestion en 2009.

Les ressources extrabudgétaires ne sont pas des concepts mais correspondent à des actifs possédant une véritable valeur. L'hypothèse la plus réaliste est que la crise s'arrêtera dans un an ou un an et demi et que l'immobilier repartira, d'autant que les plans de relance joueront alors leur rôle. Il n'est pas exclu que nous vendions nos actifs en 2009. L'opération avec la SNI a déjà rapporté quelque 220 millions d'euros. La défense peut attendre jusqu'à l'été sans remettre en cause sa programmation. La question porte sur les 700 millions d'euros restants. Les nouvelles dont je dispose à cet égard sont assez bonnes : nous devrions faire la jonction tant du point de vue de la gestion de la bosse que de celui de l'inflation.

PermalienPhoto de Patrick Beaudouin

Je me félicite des éléments que vous nous apportez sur les recettes exceptionnelles et sur leur éventuelle compensation car nous craignions que ces ressources ne soient amoindries par la crise, voire remises en cause dans leur principe.

Il était prévu de créer une société de portage destinée à assurer à la défense qu'elle percevrait l'ensemble des recettes immobilières escomptées. Ce mécanisme est-il confirmé ? Si ces recettes ne sont pas au rendez-vous, une compensation sera-t-elle apportée par le budget général ?

La vente des fréquences de FELIN et de RUBIS devrait rapporter environ 600 millions d'euros environ, mais encore faut-il que les armées disposent d'autres fréquences avant de pouvoir les céder. Un retard dans ce domaine risque de perturber la perception de recettes exceptionnelles. Peut-on envisager de sanctuariser ces recettes en recourant une société de portage ? Comment les dépenses liées à l'acquisition de nouvelles fréquences sont-elles prises en compte?

Les crédits supplémentaires inclus dans le plan de relance sont-ils compris dans l'enveloppe des 377 milliards d'euros annoncée dans le Livre blanc ou s'y ajoutent-ils ?

Dans le cadre de la réforme du ministère de la défense, il est prévu, à terme, d'externaliser des fonctions de soutien, notamment d'habillement et de restauration, ce qui conduirait le ministère à payer la TVA sur ces prestations. Comment neutraliser cet effet induit ?

Nous sommes également très préoccupés par le pilotage et le suivi des programmes d'armement, convaincus qu'il faut éviter les dérapages. Dans le passé, une structure unique d'arbitrage a cruellement manqué. Pensez-vous que la création du comité ministériel d'investissement améliorera la situation ? Les relations entre les ministères de la défense et du budget seront-elles plus efficaces ? On peut penser que le comité financier devrait permettre de normaliser ces relations et optimiser le lancement des programmes.

Enfin, la Cour des comptes relève que le coût initial des programmes est généralement sous-évalué de 20 à 30 %. Elle suggère la constitution d'une provision pour risque à hauteur de ce taux. Cette solution est-elle viable ?

PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

L'essentiel du produit des cessions immobilières vient des emprises parisiennes au sein de l'objectif global de un milliard d'euros en 2009. Nous avons déjà engrangé environ 300 millions d'euros ; il reste donc 700 millions d'euros environ à collecter. Même s'il existe des incertitudes, je suis relativement serein ne serait-ce qu'en raison de l'implantation parisienne des sites. Je précise que l'hôtel de Brienne et l'hôtel de la marine ne seront pas vendus. Pour l'hôtel de la marine, l'idée est de conclure un bail de longue durée.

Nous ne sommes pas sûrs de créer une société de portage. Un comité commun aux ministères du budget et de la défense se réunit tous les quinze jours pour assurer un suivi très précis de ce sujet. Vaut-il mieux partager les cessions en plusieurs lots ou vendre en bloc ? Faut-il procéder par appel d'offres ou transfert à une société de portage ? Tout dépend des conditions du portage qui ont beaucoup évolué depuis l'an dernier. Pour autant, si les 700 millions d'euros n'étaient pas collectés en 2009, les opérations qu'ils devaient couvrir seraient financées par d'autres moyens. En tout cas, je ne veux pas que l'État brade ses actifs fonciers. J'ajoute que nous devons avoir un dialogue ouvert avec la mairie de Paris sur ces opérations.

Je pense qu'il existe un risque que les fréquences ne soient pas vendues cette année, mais elles ont indéniablement une valeur et la cession interviendra probablement courant 2010. L'autorité de régulation des communications électroniques et des postes lance d'ailleurs en ce moment les procédures de consultation.

En ce qui concerne le réaménagement du spectre, il ne sera pas financé par la défense mais par un fonds spécifique porté par l'agence nationale des fréquences. En ce qui concerne la fréquence de FELIN, elle ne peut d'ailleurs pas être vendue seule : pour qu'elle ait une valeur commerciale, il faut la joindre à des parties de fréquences qui seront libérées par les télévisions lors du passage au tout-numérique. L'externalisation des deux satellites de télécommunications devrait avoir lieu en 2010 ou 2011.

Les crédits du plan de relance s'élèvent à 1 milliard d'euros pour cette année et à 1,7 milliard d'euros au total. Sur cette somme, un milliard d'euros de crédits viendront en plus de l'enveloppe de la LPM 2009-2014.

Quant à la TVA, une réunion interministérielle se tient ce soir pour examiner cette question. Nous sommes d'accord pour que la TVA soit neutralisée, mais nous avons besoin de vérifier les modalités de cette mesure avec le ministère de la défense, notamment pour ce qui concerne les mises à disposition de personnels qui nécessiteront peut-être une disposition législative.

Le comité ministériel d'investissement améliorera très certainement le pilotage des programmes d'armement. Le ministère du budget n'y participe pas mais il est associé au comité financier. Pour éviter les dérapages que nous avons constatés par le passé, il est nécessaire que les deux ministères entretiennent de bonnes relations. Depuis un an et demi, nous avons entrepris un très important travail de clarification avec la défense.

Enfin, s'agissant des provisions pour risque, je ne suis pas sûr que nous ayons les moyens d'effectuer des provisions dans tous les domaines.

PermalienPhoto de Guy Teissier

C'est un vrai changement de pied : nous avions la quasi-certitude qu'un portage interviendrait pour assurer une rentrée d'argent immédiate. Le ministre de la défense nous avait présenté le portage par la société SOVAFIM comme un apport indispensable à l'équilibre de son budget. Or vous semblez indiquer aujourd'hui que d'autres recettes exceptionnelles compenseront un éventuel manque à gagner.

Vous avez également indiqué que 300 millions d'euros étaient déjà engrangés, mais nous sommes encore loin du compte. Personne ne sait si le bout du tunnel de la crise apparaîtra en 2010. Le cours de l'immobilier ne semble pas baisser pas dans les grandes villes que ce soit à Paris ou à Marseille. N'est-il pas risqué d'attendre des jours meilleurs qui ne viendront pas ? À Marseille, par exemple, des casernes désaffectées, mises en vente à des prix prohibitifs, dépérissent et voient leur valeur patrimoniale diminuer. La bonne gestion imposerait de revoir leur prix, ce qui pourrait alors intéresser les collectivités territoriales.

PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Lorsque le ministre de la défense a évoqué la société de portage et l'importance des recettes exceptionnelles, il ignorait que l'inflation serait moins forte que prévu, que 500 millions d'euros seraient reportés et qu'un plan de relance serait adopté. La seule exigence est que le ministère de la défense puisse exécuter son programme 2009 ; la réponse apportée sur le plan financier le permettra. Cela doit être de nature à vous rassurer.

L'immobilier parisien ne baisse guère, vous avez raison. Il importe de ne pas brader et de ne pas sous-évaluer nos biens, ce qui ne signifie aucunement qu'il ne faudra jamais vendre, ni que nous ne le ferons pas en 2009. La SNI, la Caisse des dépôts et consignations et la SOVAFIM devaient s'associer pour reprendre ces actifs immobiliers. Or la Caisse des dépôts est désormais engagée dans de nombreux autres domaines et dispose de moins de marges de manoeuvre avec la crise.

En ce qui concerne le calendrier et la date effective de vente, des réponses doivent être apportées avant l'été. Le comité de suivi que j'évoquais précédemment surveille tout particulièrement l'évolution du marché. Nous devons retenir la solution qui nous permettra de valoriser au mieux nos actifs. Je n'ai aucune inquiétude sur le financement des programmes de la défense, les actifs du ministère constituant une garantie réelle de revenus. Le délai de collecte du produit des cessions peut varier, mais je suis convaincu de la valeur de ces biens.

Pour les collectivités locales dans les zones de restructuration de Défense, nous prévoyons des clauses d'intéressement sur les plus-values réalisées dans les cas où les acquisitions servent à réaliser des projets privés et non des équipements publics.

PermalienPhoto de Jean-Claude Viollet

Quelles sont les perspectives concernant la construction du site de Balard, qui était présentée comme un projet en partie lié à la vente des emprises parisiennes ? Quel est le montage envisagé ?

Tout repose sur la manoeuvre ressources humaines, c'est-à-dire sur la suppression, à terme, de 54 000 emplois. Ces départs vont générer l'ouverture d'un grand nombre de droits à pension. Qui en prendra la charge ? Selon quel échéancier ?

Nous tenons à ce que des solutions soient trouvées en ce qui concerne l'exonération de TVA pour les externalisations, ce qui constituerait un facteur incitatif décisif.

Le projet de loi n'évoque guère le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN qui devrait concerner 800 à 1000 personnes. Quel en sera le coût ? La question se pose également pour la défense européenne, ces deux aspects allant de pair.

J'observe enfin que le texte concerne la défense mais aussi la sécurité nationale. D'autres ministères sont donc concernés, qu'il s'agisse de l'intérieur, de la santé, de la justice ou des affaires étrangères. Pourriez-vous nous donner des indications sur les moyens qui seront débloqués pour financer les projets dans les différents ministères ?

PermalienPhoto de Jean Michel

J'aimerais bien vous croire, Monsieur le ministre, mais l'expérience est là : l'exécution de la LPM 1993-1997 a été catastrophique ; celle de la LPM 1997-2002 n'a pas été très bonne, c'est le moins qu'on puisse dire. Et pour celle qui a directement précédé, le ministère de la défense nous disait chaque année que les engagements étaient tenus, alors que l'exécution était marquée par des reports de crédits, des intérêts moratoires ou l'arrivée tardive d'autorisations d'engagement en cours d'année. La réalité ne correspond généralement pas aux prévisions.

Le projet de loi prévoit de dégager 1,6 milliard d'euros de recettes exceptionnelles. Or nous savons que nous ne récupérerons pas les 600 millions correspondant aux cessions de fréquences et je suis certain que nous ne récupérerons pas plus de 500 millions sur les cessions de biens immobiliers en 2009. Par conséquent, sur le 1,6 milliard prévu, près de 1,2 milliard ne sera pas réalisé. Cela risque de mettre en péril l'exécution budgétaire de l'année en cours et donc d'affecter la crédibilité de la nouvelle programmation.

Michèle Alliot-Marie, lorsqu'elle était ministre de la défense, niait l'existence d'une bosse budgétaire. Or elle existe et il faut faire face aux engagements pris. Je suis donc relativement pessimiste sur le respect des engagements de cette nouvelle LPM.

Rapporteur des crédits du titre V de 1997 à 2002, je m'étais aperçu des contradictions permanentes entre les propos du ministre de la défense et l'avis des services du ministère du budget : dans un cas, on me disait qu'il n'y avait plus d'autorisations de programme disponibles ; dans l'autre, que les autorisations de programmes n'étaient pas utilisées par la défense. J'insiste donc pour que nous puissions procéder le plus rapidement possible à l'examen de l'exécution budgétaire.

PermalienPhoto de Guy Teissier

Votre voeu sera exaucé puisque deux réunions seront organisées sur ce thème d'ici à la fin du mois.

PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Le projet de Balard n'est pas remis en cause, pas plus que son calendrier ni la volonté de construire un bâtiment de très grande qualité architecturale. Un partenariat public-privé fait actuellement l'objet d'une étude d'opportunité et la livraison devrait avoir lieu, comme prévu, en 2014 au plus tard. Je regarderai tous les éléments : le coût, le respect de la norme de 12 m2 par agent, etc. Il n'y a pas de raison pour que les ressources nécessaires ne soient pas réalisées. Je relève d'ailleurs que les relations entre les ministères de la défense et du budget sur ce sujet ont été d'une transparence exemplaire.

Quant au débat sur la bosse, il est derrière nous ; les malentendus sont désormais dissipés.

Les pensions ne pèseront pas sur les marges d'intervention de la défense car elles sont prises en charge par le budget général et non par celui du ministère de la défense.

Les externalisations sont positives. Au ministère de la défense de déterminer comment il externalise. Le mécanisme de TVA sera pour cela neutralisé.

Les dépenses liées à l'OTAN doivent être intégrées au budget de la défense. Il s'agit d'un choix opérationnel qui ne relève pas du ministère du budget.

Les dépenses concernant les autres ministères sont intégrées dans leurs budgets respectifs. L'intérêt de la programmation pluriannuelle est de rendre systématique, même en temps de crise, les discussions avec chaque ministère sur les politiques à mener et sur leur coût respectif. De la sorte, nous travaillons sur une base négociée, même s'il peut y avoir des ajustements ultérieurs.

Je retiens que le pessimisme de M. Jean Michel est relatif. Au terme de plusieurs mois de travail, nous avons bien clarifié la situation avec le ministère de la défense et nous travaillons désormais en étroite collaboration, ce qui constitue un progrès considérable. Pour 2009, il n'y a pas de risque. Pour 2010 et 2011, il y a des actifs qu'il faudra valoriser au mieux. La question qui peut se poser est celle d'un report entre 2009 et 2010. Dans une perspective pluriannuelle, je vois mal ce qui pourrait fragiliser la défense nationale, car une chute forte de l'immobilier n'est pas envisagée, même si actuellement il est plus difficile de vendre.

PermalienPhoto de Gilbert Le Bris

Il n'en demeure pas moins que vous allez vous trouver tiraillé entre des ambitions gouvernementales antagonistes : valoriser comme il se doit le patrimoine de la défense tout en favorisant le logement social grâce à des prix bas. La valorisation foncière des emprises de la défense risque de s'en trouver minorée. Des arbitrages ont-ils été rendus entre ces deux options, l'une et l'autre apparaissant parfaitement légitime ?

PermalienPhoto de Jean-Louis Bernard

Le chiffre de la programmation dont je disposais était de 198 milliards d'euros et non, comme vous l'avez dit, de 185 milliards d'euros. Pouvez-vous préciser ces chiffres ?

L'an dernier, les OPEX ont coûté environ 850 millions d'euros. Et pour 2009, les chefs des états-majors ont évalué à un milliard d'euros le coût de ces opérations. En dépit des efforts financiers consentis, il y a un trou financier important qu'il faudra combler.

La diminution des effectifs prévue est considérable. C'est l'avenir de nos armées qui se joue. Malgré un certain nombre d'incitations au départ comme le pécule pour les militaires, ou les aides au départ volontaire pour les ouvriers de l'État, pensez-vous que, dans le contexte actuel, les armées parviendront à réduire leurs effectifs, sachant que c'est la condition sine qua non pour dégager des ressources permettant de financer les équipements dont nous avons besoin ?

PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Nous avons déjà appliqué, par rapport à l'estimation des Domaines, une décote de l'ordre de 30 % à une partie des surfaces qui seraient transformées en logements sociaux. La province est davantage concernée que Paris ; or les 700 millions d'euros dont il est question sont essentiellement situés dans la capitale. Il n'y a donc pas de risque de minoration foncière, sauf si le marché évolue de façon très significative.

Il s'agit bien de 185 milliards d'euros jusqu'en 2014, qui se décomposent en 101 milliards d'euros pour l'équipement et 84 milliards d'euros pour le fonctionnement, hors pensions et hors plan de relance. Si on intègre ce dernier, ce sera 186 milliards d'euros sur 2009-2014.

Le coût des OPEX a toujours été sous-estimé. Les crédits atteindront tout de même 630 millions d'euros en 2011, ce qui est un progrès considérable. Par ailleurs, il est question de faire passer les effectifs déployés en OPEX de 13 000 à 10 000 hommes. Enfin, nul ne peut dire si le nombre des OPEX va continuer à croître. Au reste, nous n'avons jamais renoncé, quand l'intérêt de la France était en jeu, à une opération extérieure pour des motifs budgétaires. En période de crise, une OPEX imprévue se traduit simplement par du déficit supplémentaire ; sinon, hors période de crise, nous devons diminuer un autre poste de dépense d'une somme équivalente.

Le ministère de la défense juge possible de procéder à 54 000 départs. Ce chiffre n'est pas remis en cause, et heureusement, car c'est un élément essentiel du modèle économique retenu. Dans la programmation militaire, ce sont les équipements qui sont gagnants.

PermalienPhoto de Guy Teissier

Avant la création d'une ligne budgétaire OPEX, la totalité de cette dépense était prise sur les équipements de la défense nationale. Le ministre de la défense a affirmé que ce temps est révolu et que le différentiel restant sera prélevé sur la réserve interministérielle. Le confirmez-vous ?

PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Je vous le confirme. L'année dernière, 768 millions d'euros de surcoûts OPEX nets ont été consommés, pour 460 millions d'euros budgétés, sachant qu'en définitive seuls 80 millions d'euros ont réellement pesé sur les crédits d'équipement du ministère. Nouvelle ère, nouvelle règle : en cas de dépassement, le prélèvement sera désormais effectué sur la réserve interministérielle, qui s'élève aujourd'hui à quatre milliards d'euros. Mais ne pas dépenser cette enveloppe serait une bonne nouvelle !

PermalienPhoto de Guy Teissier

Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre, pour tous ces éclaircissements.

La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq