Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Joseph Grimaud, président du pôle Enfant, et M. Patrick Blondeau, directeur général.
Messieurs, la Mission vous accueille aujourd'hui dans une formation inhabituelle, puisque ce seront les deux coprésidents qui vous entendront. Je souhaite présenter les excuses de nos rapporteurs, que des empêchements ne permettent pas d'être présents. En tout état de cause, nous représentons l'un la majorité, l'autre l'opposition, ce qui, conformément aux règles usuelles de la MEC, manifeste le caractère non partisan de nos travaux.
La MEC bénéficie traditionnellement de la participation de la Cour des comptes, et je remercie de sa présence M. Jean-Yves Marquet, conseiller référendaire à la deuxième chambre. Je précise que la Cour reste muette durant nos entretiens puisqu'elle a un contrôle en cours sur les pôles de compétitivité et que son rapport n'est pas encore contredit.
La Mission souhaite recueillir le point de vue de responsables de pôles, sur les réussites de l'expérience vue de l'intérieur et sur ses voies d'amélioration.
Nous avons été attentifs au fait que le pôle Enfant – sur lequel nous avons reçu une lettre du député-maire de Cholet –, dans l'audit rendu en juin 2008, était classé dans la catégorie des pôles n'ayant pas suffisamment atteint leurs objectifs.
Pour présenter les principales caractéristiques de ce pôle et connaître les corrections apportées depuis l'audit, qui vous permettront de sortir de cette « zone rouge », je vous propose donc que nous regardions le document visuel que vous avez préparé, avant d'engager la discussion.
Merci de nous avoir invités et de nous recevoir.
Je suis le président du pôle Enfant depuis sa naissance. En tant que directeur général, Patrick Blondeau vous en expliquera le fonctionnement. Je vais vous parler de la genèse de ce pôle un peu particulier.
Le pôle Enfant est né au sein de la chambre de commerce et d'industrie de Cholet, qui elle-même n'existe plus à la suite de la fusion des trois chambres du département Maine-et-Loire : Saumur, Angers et Cholet. J'étais président de la CCI de Cholet et suis aujourd'hui vice-président de la chambre du Maine-et-Loire.
Avant même les années 2000, la chambre de commerce et d'industrie de Cholet a réfléchi aux pôles d'excellence susceptibles d'être diagnostiqués dans le Grand Choletais. Après une longue période pendant laquelle le textile et la chaussure firent les beaux jours de tous nos villages du sud du Maine-et-Loire et du nord de la Vendée, puis après les importantes délocalisations opérées dans ces métiers de main-d'oeuvre, nous avons rapidement constaté qu'un certain nombre d'entreprises travaillaient partiellement ou totalement sur des produits autour de l'enfant et représentaient 10 000 emplois dans la région choletaise. Nous avons alors commencé à créer une dynamique entre les entreprises de différents secteurs professionnels travaillant toutes autour de l'enfant, par le biais de journées d'expertise, de rencontres, de clubs d'entrepreneurs, pour les sensibiliser sur l'enjeu et la chance qu'elles pouvaient avoir à se regrouper. En 2004-2005, lorsque l'État a lancé l'idée des pôles de compétitivité, nous avons eu le culot de postuler. En juillet 2005, à notre grand bonheur, le pôle Enfant figurait parmi les 65 pôles labellisés.
À cette époque, le pôle Enfant était toujours piloté par la chambre de commerce et d'industrie de Cholet.
Début 2008, nous avons été audités par un cabinet que vous connaissez. C'était la période où nous fusionnions nos trois chambres du Maine-et-Loire, et le directeur de la chambre de Cholet, animateur du pôle Enfant pour la partie opérationnelle, postulait pour le poste de directeur de la chambre départementale. Vous le comprendrez : lors de l'audit, nous n'étions pas du tout dans de bonnes conditions, ce qui explique que nous n'avons pas récolté les points espérés.
À l'époque, nous avions déjà pris en considération les futurs besoins du pôle Enfant et, avec l'accord du conseil général du Maine-et-Loire et du président de la région, nous avons trouvé le financement pour recruter un directeur – pièce maîtresse pour animer à la fois les équipes, les entreprises et le projet même d'un pôle. C'est ainsi que j'ai recruté Patrick Blondeau, arrivé au mois de mars 2008.
Nous avions identifié une quarantaine d'entreprises pouvant, d'emblée, être membres du Pôle Enfant – ce nombre est aujourd'hui supérieur.
Aujourd'hui, notre équipe est restreinte en termes d'animation du pôle, mais Patrick Blondeau fait un excellent travail avec sa petite équipe. Nous avons toujours, et plus que jamais, l'appui de la DRIRE, du département et de la région et, depuis peu, celui de l'agglomération de Cholet. Au départ, votre collègue nous avait regardés avec un air curieux : le pôle Enfant n'était pas son projet, nous disait-il. Il fallait qu'il épouse le projet que la collectivité préparait pour cette région. Par notre sérieux, par notre travail, nous avons démontré que nous pouvons apporter à la collectivité quelque chose d'intéressant.
En conclusion, au moment de l'audit, notre dynamique n'était pas suffisante, mais, entre fin 2007 et aujourd'hui, nous avons fait des progrès et nous pouvons encore faire mieux.
Patrick Blondeau va vous présenter les activités actuelles du pôle et vous démontrer que, à présent, nous travaillons bien.
Elles étaient très défavorables. La création de la chambre unique du département n'a pas été une mince affaire. La CCI de Cholet était libre de se regrouper ou non mais, par sagesse politique en ce début du XXIe siècle, la décision a été prise. Mon directeur et moi-même avons été totalement accaparés par ce travail, et l'audit du pôle Enfant a souffert de notre indisponibilité pendant cette période.
En partie : le pôle Enfant ne disposait pas d'une équipe totalement attitrée et son activité dépendait donc de la disponibilité du réseau consulaire. Aujourd'hui, nos tâches sont réparties de façon très claire et sans conflit entre les équipes de la CCI et l'équipe du Pôle Enfant. Si je suis président du pôle Enfant, je ne le suis plus de la CCI de Cholet.
Même s'il est né à Cholet, le pôle Enfant réunit des adhérents de l'ensemble de la région Pays de la Loire et même au-delà. C'est un des sept ou huit pôles ligériens actuellement en activité. Son slogan, « Innover pour mieux grandir », est tourné vers les entreprises.
Les partenaires financiers qui soutiennent aujourd'hui le pôle sont l'État en région à travers la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, maintenant Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), la région Pays de la Loire – très active et impliquée depuis longtemps dans le soutien des filières professionnelles –, la CCI du Maine-et-Loire, le département de Maine-et-Loire, l'agglomération du Choletais et le Syndicat mixte des Mauges, deux partenaires locaux qui caractérisent bien l'esprit entrepreneurial dans notre région.
À mon arrivée au pôle, aucune stratégie n'avait été véritablement définie. Nous avons alors défini que le pôle devait faire émerger de nouveaux projets de recherche et développement dans les trois axes thématiques prioritaires suivants.
Premier axe : le bien-être, la santé et l'hygiène de l'enfant. Cela concerne la nutrition, l'alimentation de l'enfant – l'industrie agroalimentaire étant largement représentée dans notre région. Nous touchons la santé non pas sous l'angle pharmaceutique, mais sous celui du confort de l'enfant. C'est un axe considérable sur lequel nous venons de déposer au Fonds unique interministériel (FUI) à la direction générale de la Compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) un dossier sur les allergies alimentaires.
Deuxième axe : la sécurité et le confort dans l'équipement de l'enfant. Cela concerne les chaussures, l'habillement, le jeu, l'environnement, l'enfant dans le transport, dans l'urbanisme, la sécurité de l'enfant, que nous aborderons à travers les problématiques de nouveaux matériaux.
Troisième axe – plutôt inédit, mais qui fait vraiment sens en termes d'accueil et d'éveil de l'enfant – : l'appui aux services de la petite enfance. Nous avons un projet d'envergure et prometteur, la réalisation de nouveaux concepts de garderie d'enfants, pour à la fois répondre aux carences dans ce domaine dans notre pays et voir un jour mis en place le fameux droit opposable à la garde d'enfant. Ce sujet nous tient à coeur.
En marge de la partie recherche et développement, le pôle Enfant, parce qu'il est issu de la chambre de commerce, a mis en oeuvre des centres de ressources, des outils de services qui visent à favoriser l'émergence de projets. Ce terme « émergence » est au coeur de chacune de nos actions. À mon arrivée il y a un an, on parlait de « journées techniques » ; je préfère « journées d'émergence », conférences animées par des professionnels sur des thématiques diverses, dont la finalité est de déboucher sur un projet de programme collaboratif de recherche et développement.
Le pôle a également mis en place des Focus tours. Notre domaine étant très transversal – chaussure, agroalimentaire, décoration, mobilier, habillement, services, entre autres –, les entreprises doivent se connaître et avoir envie de collaborer. À l'inverse des autres pôles, issus de filières existantes – automobile, santé ou cosmétique – et travaillant depuis des années sous la forme de projets collaboratifs, nous avons démarré de zéro. Les deux ans écoulés ont principalement été consacrés à créer ces liens, ce désir de collaborer, d'où sans doute un effet pervers de l'audit. Les Focus tours sont des visites d'entreprises destinées aux membres du Pôle Enfant, sur des thématiques données. Chez Charal, un des leaders de la viande qui consacre une partie de son chiffre d'affaires et de ses produits à l'enfant, nous avions choisi le thème de la traçabilité, et, autour de la table, étaient présents des gens de la chaussure, de l'habillement, du cadeau de naissance, confrontés aux mêmes problématiques en matière de traçabilité et de logistique. Nous venons de réaliser un deuxième Focus tour sur le thème de l'éco-conception chez Gautier, membre du pôle Enfant, leader européen de la chambre d'enfant. Le troisième Focus tour se tiendra chez Brioche Pasquier.
Un de nos progrès saillants est là : notre volonté de mettre en marche l'organisation pour développer des projets collaboratifs transversaux.
Je reviens sur les outils de services pour parler de veille stratégique. Les observatoires du monde de l'enfant sont des occasions pour les entreprises de dialoguer entre elles, de « benchmarquer » leurs activités. La veille d'opinion est importante : avec l'arrivée des blogs, on peut décoder les positions des consommateurs sur tel ou tel concept. Nous avons également commencé à aborder la démarche d'exportation, non sous l'angle de l'aide à l'export aux entreprises, ce qui n'est pas le rôle d'un pôle de compétitivité, mais sous celui du rapprochement de clusters existants, comme en Allemagne et en Espagne. J'ai récemment reçu une délégation espagnole qui envisage de créer un pôle Enfant en Catalogne. J'aurai prochainement un contact avec le Portugal dans le même sens.
Quelques projets structurants ont été réalisés l'année dernière :
– une mise en perspective de l'attractivité de notre territoire au niveau des écoles, notamment de l'École de design, pour de jeunes créateurs avec un trophée « Design international » qui a fonctionné dans le monde entier et réuni des candidatures de 80 pays ;
– une cellule prospective, mise en place avec Prospect'Kid, visant à éclairer l'avenir des enfants dans vingt ans, à développer des concepts et à permettre aux entreprises de se projeter dans les courants qui apparaissent aujourd'hui : prédominance de l'écran, socialisation inversée, développement durable ;
– une activité à laquelle le pôle Enfant s'est associé : la création de la Cour de création, qui est un incubateur, une pépinière d'entreprises destinée à accueillir à partir du mois d'octobre prochain de jeunes créateurs, afin de rompre leur isolement et de les ancrer sur notre territoire.
J'en viens aux points de progrès, pour tenter de répondre par avance à vos questions.
Nous avons donné au pôle Enfant trois grandes directions de progrès.
Première direction : mettre en place une organisation de gouvernance visible et indépendante, à laquelle a été ajouté l'objectif de dimensionnement durable de l'équipe permanente et du budget.
Deuxième direction, figurant dans la conclusion de l'audit : élargir la base des adhérents entreprises et des partenaires recherche. J'ai proposé de passer dès 2009 de 40 à 70 adhérents, dont 50 entreprises. Nous avons également souligné l'importance de valoriser, à chaque fois, la synergie entre acteurs : entreprises et recherche.
Troisième direction, la plus importante : faire émerger de nouveaux projets de R&D, l'un des principaux retards du pôle. À mon arrivée, j'ai été étonné de constater qu'on avait négligé la vraie destination d'un pôle de compétitivité, à savoir l'émergence de programmes R&D. Peut-être était-on trop impliqué dans l'historique centre de ressources que constituait la chambre de commerce et d'industrie. De ce point de vue, l'audit était pertinent. J'ai pris l'engagement de développer cette année quatre nouveaux programmes, dont un fera l'objet d'une demande de financement par le FUI. Ils sont aujourd'hui labellisés par le pôle et soumis actuellement à examen des jurys, et j'espère qu'ils seront financés. À chaque fois, nous nous sommes efforcés d'expliciter ces programmes par rapport aux axes thématiques exposés plus haut et de définir leur contenu.
Notre objectif est de conserver ce label de pôle de compétitivité ! C'est une obsession pour l'ensemble de l'équipe, nous y arriverons et démontrerons que ce Pôle Enfant « tient la route » et fait sens.
En premier lieu, il s'agit de mettre en place une nouvelle organisation de la gouvernance du Pôle.
Aujourd'hui, l'équipe permanente d'animation est totalement indépendante de la CCI du Maine-et-Loire. Nous avons élu un vice-président, David Soulard, dirigeant des meubles Gautier, entreprise leader dans le mobilier pour enfant ; il prendra la succession de M. Grimaud au plus tard début 2010.
Nous avons redimensionné l'équipe permanente d'animation, en la ramenant de sept à cinq collaborateurs. Dans la période actuelle, où il faut cumuler des aspects d'organisation, de prospection de nouveaux partenaires et de nouveaux projets, on ne peut pas la réduire encore, mais elle aujourd'hui suffisante. Le budget a été réduit en conséquence.
Nous avons mis en place des conventions de partenariats formalisées avec chaque partenaire. Écrites, signées, elles définissent clairement les relations de partenariats ou de fournisseurs-clients.
M. Grimaud et moi-même avons totalement revu l'organisation juridique, administrative et financière de l'association. Nous avons révisé les statuts avec l'appui d'un cabinet spécialisé. J'ai mis en place une comptabilité analytique – chaque euro investi mérite d'être contrôlé. Nous avons mis en place une mission de commissariat aux comptes. Tout est aux normes : c'était une de mes exigences en arrivant.
Restent quelques points à régler s'agissant de la gouvernance, notamment le comité scientifique, pas encore opérationnel, la transversalité d'activités du pôle Enfant rendant la notion même de comité scientifique complexe. Nous le mettrons en place dans les tout prochains jours : une première réunion se tiendra d'ici à la fin du mois de juin.
En deuxième lieu, il importe d'élargir la base des adhérents entreprises et partenaires recherche. Recruter des adhérents ne se décrète pas, il faut une méthodologie pour progresser. La croissance se fait par des entrées, mais aussi des sorties. Avec diplomatie, mais avec fermeté, nous allons éconduire des gens présents dans le pôle Enfant, venus sur une fausse idée et qui n'ont donc pas de raison d'y rester. L'objectif est maintenant d'entrer dans une phase offensive de recrutement.
La première méthode consiste à définir les axes thématiques que j'ai exposés – bien-être, santé, hygiène ; sécurité et confort dans l'équipement ; appui des services à la petite enfance –, ce qui permet d'identifier les partenaires à rechercher dans ces axes.
D'où la deuxième méthode : le « ciblage recrutement ». Pour ce faire, nous avons mis en place le « top 200 », la liste des 200 entreprises que je rêvais de voir rejoindre le pôle Enfant dans un délai raisonnable. Un certain nombre d'entre elles va nous rejoindre. Elles ont toutes des compétences dans le marché de l'enfant. Des compétences sur les technologies clés que nous voulons mettre en oeuvre au sein du pôle dans nos points de progrès et de recherche. Elles ont soit un leadership en termes de capacité d'attractivité pour d'autres, soit une taille d'entreprise nous permettant de les accueillir au vrai sens d'un pôle – je pense aux PME. Nous avons également cherché à élargir notre territoire, car il n'y avait aucun sens à vouloir garder un drapeau choletais au-dessus du pôle Enfant, alors que notre démarche est au minimum nationale : elle s'inscrit même dans un marché global, mondial.
Troisième méthode : nous avons mis en place un plan de communication et de prospection. Tous les jours, moi-même, Joseph Grimaud et nos collaborateurs, en particulier celui chargé du développement et de la promotion, rencontrons des entreprises, des partenaires techniques, des universitaires, pour porter la bonne parole et les faire rejoindre nos équipes.
Ce plan prend la forme de réunions collectives d'information, de contacts individuels, de présences dans des salons professionnels, d'événements animations comme la cellule de prospective dont j'ai parlé et de rencontres avec d'autres pôles de compétitivité – aspect très important eu égard au carrefour que représente le pôle Enfant par rapport à certains secteurs d'activité, comme l'agroalimentaire.
Aspect très important, dont je fais un point fort : chaque nouvel entrant dans le pôle Enfant est immédiatement et obligatoirement – cela fait partie de son contrat d'adhésion – dirigé vers un groupe de projet thématique. Des réunions s'y tiennent sur chacun des thèmes de travail. Au contact des autres, une entreprise, ou un partenaire, favorisera l'émergence d'un programme, et donc d'un projet de recherche.
J'en viens aux résultats.
Je vous ai indiqué l'objectif pour 2009 : augmenter de trente le nombre de nos adhérents, pour le porter à soixante-dix à la fin de l'année. Fin avril, nous avons quinze nouveaux adhérents, dont neuf hors du territoire choletais, soit déjà 50 % de l'objectif atteint. Je suis pratiquement assuré aujourd'hui que l'objectif des soixante-dix membres à la fin de l'année sera atteint, voire dépassé.
Je voudrais insister sur la qualité de ces entreprises.
Notre panel est représenté, entre autres, par Eram, poids lourd dans le monde de la chaussure ; Gautier ; le groupe Lactalis, qui vient de nous rejoindre à l'occasion du projet sur les allergènes ; Bébé confort, leader mondial de la puériculture ; New Man ; Charal. Autant de grosses entreprises !
Nous avons également des entreprises plus petites : Concepts et créations, jeune entreprise qui travaille sur le concept original de vêtements pour enfants prématurés ; CWF, leader dans la mode ; Candide ; CREA Composite qui s'intéresse aux aires de jeux extérieurs pour enfants ; Body Nature, notamment.
Certains prospects n'en sont plus : le Groupe Royer, leader de la chaussure avec Kickers notamment, vient de rejoindre le pôle ; Sodebo est en train de nous rejoindre ; ainsi que Ludendo, avec la Grande Récré et Jouetland, grand distributeur de jouets et de produits de puériculture. Vous le voyez : nous avons des entreprises, mais aussi des distributeurs. Last but not least, Mac Donald souhaiterait se rapprocher de nous, ce à quoi nous réfléchissons car si cette entreprise est très vertueuse, notamment en termes de qualité, cela peut poser problème pour notre image.
Le panel des partenaires scientifiques comprend ESEO, l'École supérieure d'électronique de l'Ouest ; le groupe ESSCA ; AUDENCIA ; l'IFTH, l'Institut français du textile et de l'habillement ; le CTF, le Centre technique du cuir ; l'École de design de Nantes ; les universités de Nantes, d'Angers, de Caen. Nous venons de conclure un accord avec le CEPE à Angoulême, la seule véritable école de formation au marketing de l'enfance, avec laquelle nous allons essayer de créer des échanges. D'autres sont en train d'entrer, comme l'École supérieure de l'agriculture. Le succès en amène d'autres et notre travail depuis quelques mois est en train de payer.
Il s'agit, en troisième lieu, de faire émerger de nouveaux programmes de recherche et développement.
Les trois axes thématiques ont été choisis parce qu'ils ont une véritable orientation de R&D, permettant de concilier la démarche filière ou une démarche transversale. Quand on parle d'allergies alimentaires, il s'agit d'une filière, mais quand on parle de sécurité pour l'enfant, on se situe bien dans une démarche transversale.
Point très important : ces trois axes permettent de concilier la notion de R&D et celle d'innovation marketing. Les pôles de compétitivité ont été placés sous l'angle du développement de programmes de recherche et de développement. Moi qui viens du monde de la pharmacie, je sais ce que veut dire recherche et développement. Dans nos métiers, l'innovation d'usage ou l'innovation marketing est beaucoup plus importante encore, car c'est de l'investissement court, parfois moins coûteux, et ce sont des parts de marché immédiatement acquises et durables. Si je vous dis, demain, que des entreprises du vêtement, de la puériculture ou du mobilier travaillent ensemble sur la « convergence électronique » et sont capables d'intégrer de l'électronique dans les objets quotidiens de l'enfant – pour laquelle il n'y a pas de verrou technologique majeur, car tout cela existe aujourd'hui –, elles créent de la différenciation qu'aucun concurrent étranger n'a encore osé mettre sur le marché.
J'insiste beaucoup sur cet axe de progrès pour la conception des pôles de compétitivité en général : l'intégration de l'innovation d'usage, et non pas uniquement la R&D, dans sa dimension la plus noble, mais également la plus longue et la plus coûteuse.
Le ciblage « 200 » a eu lieu. À partir de là, nous avons développé le plan d'animation « Émergence », dont je vous ai parlé. Puis nous avons mis en place sept groupes de travail thématique.
Le premier est intitulé « Nutrition santé » et a donné naissance au projet MANOE – maîtrise des allergènes dans la nutrition de l'enfant –, de très grande envergure et très original. Deux voies existent pour travailler demain sur cet axe de création d'une gamme de produits sans allergènes ou avec allergènes contrôlés chez l'enfant : une voie industrielle, qui vise à identifier les allergènes dans les ingrédients ; une voie clinique avec les CHU de France travaillant sur l'allergologie, qui vise à définir les seuils d'allergènes pour les enfants. Je revendique aujourd'hui, car cela mérite d'être souligné, qu'il s'agit là du premier vrai projet qui associe à la fois des industriels et l'ensemble des CHU de France sur l'allergologie, et il est né modestement en Pays de la Loire.
Deuxième groupe : « L'enfant et le transport ». Deux projets sont en train d'émerger et j'espère qu'ils seront soumis à financement avant la fin de l'année : un sur les véhicules de crèche et un sur les sièges auto. Troisième groupe : « Convergence électronique », dont j'ai déjà dit un mot. Quatrième groupe : « Les matériaux souples ». Il porte sur les nouveaux textiles, les textiles intelligents. Cinquième groupe : « L'appui aux services de la petite enfance », avec le projet « crèche modulaire modulable ».
Sixième groupe : « Emballage filière chaussure ». Un projet vient de faire l'objet d'une réponse à un appel à projet de la DGCIS en mars 2009, Kidpack, qui vise à travailler avec une démarche d'éco-conception sur les emballages des chaussures. Comme malheureusement, la plupart des chaussures sont désormais fabriquées, mais aussi conditionnées, en Asie, on transporte pendant un mois et demi en mer sur des containers du vent, ce qui coûte très cher et est contraire au développement durable. Nous travaillons sur cette démarche pour remplacer, demain, les packagings de chaussures d'enfants et peut-être, au-delà, d'adultes.
Un dernier groupe de travail est en train de naître : il s'appellera « Naturalité ». Il vise à travailler sur l'émergence de produits toujours plus naturels, avec des liaisons sur le végétal, la cosmétique et les produits d'entretien, qui peuvent être source de bien-être pour l'enfant.
Le tout s'inscrit dans notre charte globale d'éthique, qui existe depuis le départ et qui fixe notre cadre fondamental d'action : le bien-être des enfants.
De notre point de vue, nous continuons de travailler pour créer les conditions aptes à faire grandir le pôle : une gouvernance visible et autonome ; un recrutement ciblé, mais organisé et on going ; des groupes de travail sur des thématiques prioritaires avec, systématiquement, la participation de tout nouvel entrant à l'un des groupes ; des projets R&D – de trois dossiers historiques à mon arrivée, nous sommes passés à huit dossiers déposés aujourd'hui, et trois ou quatre le seront avant la fin de l'année, ce qui est un progrès notable –; des pistes de réflexion et de progrès sur nos nouveaux groupes thématiques. Franchement, l'international ne peut pas être considéré comme une priorité pour le pôle Enfant aujourd'hui, mais cela ne signifie pas qu'il ne faille pas s'y intéresser dès à présent.
Je vais maintenant vous projeter un petit film, reprenant des extraits d'interviews réalisées lors d'une matinée pour les jeunes créateurs de la mode. Beaucoup de micro-entreprises ont besoin d'être aidées, soutenues, et vous allez entendre des témoignages de jeunes créateurs accueillis dans le pôle Enfant.
(Le film est projeté.)
Vous le voyez, le pôle Enfant fait sens et est une magnifique aventure. Il y a une âme, des entreprises se projettent dans l'avenir et commencent à travailler ensemble.
Dans les réponses au questionnaire que vous nous aviez adressé, j'ai écrit que deux points essentiels méritent l'attention de votre Mission.
Sur la forme, la communication réalisée au mois de juin 2008 sur les résultats de l'audit a été particulièrement maladroite, car elle nous a amenés pendant quinze jours à « faire les pompiers », alors que nous étions précisément au travail pour faire progresser les choses. Mais ce n'est pas le sujet.
Premier point : si, sur le fond, je ne conteste pas l'audit, car il était assez pertinent et l'électrochoc qu'il a produit nous a permis de progresser, il faut garder à l'esprit que les pôles de compétitivité sont à géométrie variable. Les pôles qui travaillaient depuis longtemps en mode pôle de compétitivité, sans être appelés ainsi, continuent de le faire, sans qu'on sache véritablement aujourd'hui ce qui relève du pôle de compétitivité ou de l'expérience de filière préexistante, et eux-mêmes le reconnaissent. En ce qui nous concerne, la vie a véritablement démarré à partir du moment où l'objectif de mutualisation a été fixé.
La pression exercée aujourd'hui sur le pôle Enfant a des vertus, mais il nous faut du temps ! Deux ans dans la vie d'une entreprise, ce n'est rien. Aujourd'hui, cette organisation est mise en mouvement et n'a pas, de mon point de vue, de retard. Aller trop vite risquerait de nous faire sauter les étapes, de passer à côté de belles opportunités. Il ne faut surtout pas casser cette dynamique, car cela coûterait beaucoup plus cher à tout le monde que de l'avoir lancée ! J'insiste pour qu'on nous laisse vivre. Certes, nous ne pouvons pas aujourd'hui vous parler du développement économique induit, des parts de marché, du chiffre d'affaires. Néanmoins, il y en aura, c'est évident, car ce projet foisonne d'innovations. Le monde de l'enfant, le monde de ces métiers est une richesse fabuleuse ! J'y crois beaucoup.
Second point : ne considérons pas le développement uniquement sous l'angle recherche et développement. J'en ai dit un mot tout à l'heure, je le redis en conclusion. Pensons aussi à l'aspect innovation, en particulier à ce que j'appelle « l'innovation d'usage ».
Si, demain, je place un récupérateur d'énergie dans les roues d'une poussette et un chargeur de téléphone dans la canne de la même poussette pour recharger le téléphone de la maman pendant ses courses, je crée de l'innovation sans verrou technologique, cette technologie existant déjà. Et elle fera sacrément la différence sur le marché !
Si, demain, les enfants, qui aujourd'hui disposent de leur premier ordinateur dans leur chambre à quatre ans, ont un bureau avec des systèmes d'ajustement, comme dans les automobiles, pour remplacer tous les fils qui traînent jusqu'aux prises de courant et de téléphone, on aura à la fois répondu à un besoin et à une exigence de sécurité. Encore une fois, ce n'est pas de la technologie : c'est de l'innovation !
Voilà quelques éléments qui plaident particulièrement en faveur de ce genre de démarche. Chez Airbus ou dans les grands pôles de la santé ou de l'automobile, on ne raisonne pas de la même façon. Le pôle Enfant est bien sûr un tissu économique, et même socio-économique, où le développement et le marché sont très importants. La crise ne touche pas le monde de l'enfant comme elle touche d'autres secteurs.
Je vous rassure : nous ne sommes pas le comité d'audit du pôle Enfant, mais souhaitons simplement avoir une vision globale des pôles de compétitivité, en particulier grâce aux critiques que vous pourriez émettre.
Nous avons auditionné plusieurs responsables de pôle divers et, quelle que soit leur place dans le classement au regard de l'audit réalisé, tous sont dans une situation qui bouge, qui se modifie !
Avez-vous engagé une démarche de comparaison avec d'autres pôles pour éventuellement vous en inspirer ? Avez-vous étudié la possibilité de vous rapprocher, voire de fusionner avec d'autres pôles ? Jusqu'à quel point pouvez-vous concevoir la notion d'élargissement, dont vous avez parlé, s'agissant de l'ancrage territorial du pôle Enfant ?
Concernant les comparaisons, nous avons eu des contacts avec d'autres pôles. Les Pays de la Loire comptant six ou sept pôles labellisés, nous pouvons faire du benchmarking.
Nous avons à côté de nous, dans le Maine-et-Loire, le pôle à vocation mondiale Végépolys, avec lequel nous avons des contacts permanents. Ma société est membre du pôle Atlantic Biothérapies, dont Franck Grimaud est vice-président.
Au-delà, nous sommes allés voir à plusieurs reprises Vitagora, à Dijon, où nous avons emmené nos élus et nos responsables d'entreprises. Nos PME ont alors été bluffées de voir comment, collectivement et avec la R&D des universités ou des écoles, on pouvait réaliser d'importants progrès ! Pour en faire la meilleure démonstration, il suffit de montrer à ses dirigeants ce que l'on peut faire ailleurs !
Nous avons commencé l'élargissement géographique. Pour moi, il n'y a pas de limite à s'enrichir réciproquement, si ce n'est celle de pouvoir venir à des rencontres, à des groupes de travail. Nous sommes en contact avec une entreprise marseillaise qui fabrique des crayons de couleur, mais pour qui se rendre à des Focus tours, à des journées d'expertise, à des groupes de travail n'est pas évident.
Je crois donc à un développement concentrique. On peut dépasser très largement les Pays de la Loire – je pense à la région Poitou-Charentes – dans un rayon raisonnable de deux à trois heures en voiture. Au-delà, je crains l'absentéisme.
Joseph Grimaud a raison : il est difficile de faire partager aux entreprises la même vie. Pour autant, nous agissons quand même ! Bébé 9, situé à Bordeaux, participe à nos travaux.
Dans la région Pays de la Loire, j'ai organisé des réunions auxquelles j'ai invité les autres pôles. C'est une démarche à la fois diplomatique et intéressée car ils sont, quant à eux, en train de travailler sur leur contrat de performance. En ce qui nous concerne, nous sommes dans la « catégorie trois », celle des mauvais de la classe, mais avec un sursis jusqu'à l'été prochain, du moins, je l'espère. Des réunions régulières se tiennent maintenant, où nous échangeons sur ces sujets.
Du coup, nous avons développé des projets avec le pôle Automobile haut de gamme, nous travaillons avec Végépolys et, potentiellement, avec Atlantic biothérapies sur l'aspect santé. Au-delà, je suis allé voir un pôle magnifique : le pôle MAUD, un des recalés du premier audit, mais qui bouge beaucoup sur un certain nombre de projets susceptibles de nous rapprocher, notamment sur les packagings. Récemment, je me suis rendu en Alsace, au pôle Fibres Grand Est. Nous devons nous déplacer à Lyon pour visiter Techtera et Plastipolis.
En termes de recrutements, nous avons aujourd'hui quelques entreprises parisiennes, pour lesquelles il est moins difficile de venir, car les gens peuvent prendre un TGV, comme nous le faisons nous-mêmes pour venir vous voir. Pour les autres régions, c'est un peu plus difficile.
Enfin, sur le rapprochement, honnêtement, je ne vois pas la valeur ajoutée qu'il y aurait aujourd'hui à fusionner. D'ailleurs, je ne vois pas comment on pourrait fusionner le pôle Enfant avec d'autres. La seule chose que nous puissions faire consiste à nous rapprocher d'un pôle agroalimentaire si nous touchons un projet agroalimentaire !
Au-delà des explications que vous nous avez données tout à l'heure, la taille modeste de votre pôle a-t-elle été une des raisons fondamentales du classement ?
Non, la raison principale a été l'originalité de notre pôle, qui surprend aujourd'hui.
Aujourd'hui, à part quelques exceptions, la plupart des pôles qui ont montré une avancée spectaculaire étaient principalement axés sur des filières traditionnelles. Les principaux pôles qui affichent des records en nombre de dossiers étaient déjà sur des filières établies.
Notre pôle se situe dans une démarche transversale. La question est de savoir si l'on y croit, si l'on veut essayer d'imaginer tout ce qu'il peut y avoir derrière. Ne me parlez pas de modestie : que je sache, les pôles de compétitivité sont là pour aider les PME, pas Airbus !
J'ai très bien saisi les perspectives qui vous ont conduit à modifier l'organisation générale du pôle, mais je vous interroge précisément sur ce point eu égard à ce que nous avons entendu des autres personnalités auditionnées. Si je vous comprends bien, pour vous, la taille n'est pas un handicap au regard des critères mis en place dans l'évaluation…
À mon avis, non. Mais la taille a épousé la réalité du territoire. Autrement dit, nous avons composé le pôle avec des entreprises toutes « modestes ». Si Eram comprend 1 500 salariés, sa dimension enfant est minoritaire dans l'ensemble de son activité.
Notre handicap n'est pas là. En tant qu'élus, vous devez savoir que la difficulté est d'arriver à mobiliser les entrepreneurs eux-mêmes. Les petites et moyennes entreprises n'ont pas toujours la possibilité de libérer quelqu'un, d'avoir une personne disponible pour travailler sur la R&D avec une école, une université. Je vous jure que c'est nouveau, mais c'est aussi bigrement porteur ! C'est le sens même d'un pôle, mais cela donne de la modestie en termes de taille. J'aurais peine à comprendre qu'on puisse être sanctionné à cause de cela.
Pouvez-vous nous préciser la participation des universités et centres de recherche aux activités du pôle ? Quelle est la part des grands groupes et celle des PME ?
Le conseil d'administration, qui vient d'être redéfini à l'occasion de la révision des statuts, compte 17 postes.
Huit sont occupés par les entreprises. C'est un progrès car cette majorité n'était pas aussi nette au départ ; nous avons voulu qu'elle soit beaucoup plus marquée. Un collège « partenaires techniques et formation » comprend quatre personnes. Nous avons conservé un collège « CCI », qui comprend deux personnes. La chambre de commerce et d'industrie joue en effet toujours un rôle en tant que partenaire financier, et il paraissait opportun d'avoir un lien avec les autres organisations économiques de la région.
Trois postes sont octroyés soit à des chefs d'entreprise sortis d'activité, soit à des personnes qualifiées ou à des experts qui ne sont plus en activité, mais à parité entre l'entreprise et l'enseignement. D'où une majorité d'entreprises et une place considérable pour les laboratoires.
Au départ, la participation directe des universités et centres de recherche aux activités du Pôle était, de mon point de vue, insuffisante en termes quantitatifs, car nous sommes à Cholet, pas à Angers ou à Nantes ! Du reste, en demandant à une petite PME de Cholet ce qu'il était possible de faire avec l'École des mines à Nantes, elle nous répondait que cette école était inaccessible ; et l'École des mines elle-même ne parvenait pas à se mettre à la portée de la PME en question ! D'où l'intérêt de pôles de compétitivité comme le nôtre.
Je vous ai montré tout à l'heure la croissance dans ce domaine. Aujourd'hui, l'intégration se fait très clairement dans les groupes de travail. Le projet Convergence fédère l'École supérieure d'électronique d'Angers, DOREL, Gautier, et tout cela fonctionne merveilleusement au stade de la conception des idées.
Je ne dispose pas de chiffres précis sur la part respective des grandes entreprises et des PME. Sur 70 membres, il y a tout de même plus de petites entreprises que de grandes – deux tiers contre un tiers.
Les entreprises à l'origine des programmes de recherche que nous développons actuellement sont plutôt les plus grosses. Honnêtement, elles ont un exemple à montrer, comme DOREL, Brioche Pasquier, Fleury Michon qui commencent à faire partie des entreprises leaders, par opposition à de toutes petites entreprises, comme celle de cette jeune femme que vous avez aperçue dans le petit film, parlant de son projet à Montpellier, lequel s'est brutalement accéléré au moment de son installation à Cholet.
Cela étant dit, le développement actuel s'opère principalement vers des structures plus petites.
Vous nous avez décrit tout à l'heure vos axes prioritaires dont le troisième, l'appui aux services à la petite enfance, nous fait nous interroger. Ce domaine est-il porteur d'un fort contenu de recherche-développement ?
Je pense que oui, mais il s'agit de la recherche-développement en amont, pas au sens industriel du terme.
En collaboration avec l'Université de Nantes et l'Université de Caen, deux projets ANR (Agence nationale de la recherche) très intéressants pour l'avenir viennent d'être déposés.
Le premier concerne l'autoévaluation, par les enfants eux-mêmes, de leur qualité de vie. C'est très intéressant, car cela touche au mobilier, à l'enfant dans l'urbanisme, dans le transport, et peut amener à travailler, demain, sur les conditions d'aménagement de l'urbanisme, mais également de l'habitat.
Le second projet, ENFAUTO (Enfant et autonomie), est développé par les universités de Rouen, Caen et Rennes, que nous avons nous-mêmes approchées. Leurs chercheurs ont identifié le fait que des phénomènes de rupture, comme la découverte de l'école, de la première association sportive, mais aussi les ruptures familiales, la mobilité géographique des parents, ont un impact sur la vie du jeune enfant. Dans le cadre d'un travail de recherche en amont, nous sommes en train de réfléchir à la définition d'éléments de prévention qui viseraient à en tenir compte. Là encore, cela touche entre autres à l'environnement de l'enfant, aux matériaux, aux couleurs.
Dès lors que l'on parle du bien-être de l'enfant, tout ce qui est lié à l'approche de la petite enfance très en amont de la définition même de produits et de services constitue un axe prioritaire. Aucune région de France ne peut aujourd'hui revendiquer avoir travaillé sur ce thème. Le pôle Enfant commence, lui, à le faire.
Permettez-moi de vous parler du projet « Crèche modulaire modulable ».
Dans notre région, des jeunes couples ne peuvent plus se loger en centre-ville pour des raisons financières, et vont s'installer à cinquante kilomètres de Nantes ou d'Angers dans de petites communes du milieu rural, où ils peuvent bénéficier de terrains et de constructions moins chers. Ils expriment alors auprès de leur municipalité des exigences légitimes en termes de transports, de services, de commerces et de garderies d'enfants. Le maire a du terrain partout, mais n'a pas le premier euro à y consacrer ! Aujourd'hui, nous travaillons avec les entreprises qui font du local modulaire dans la région – ce que l'on appelle traditionnellement l'« Algeco », mais qui a terriblement évolué en termes de technologie. Avec nos plasturgistes – mis au chômage à Saint-Nazaire où l'on ne construit plus de bateaux ! – et nos architectes, nous travaillons sur un concept de crèches modulaires dans une démarche de crèches proprement dites, y compris d'entreprise, mais aussi dans une démarche événementielle, car installer une garderie d'enfants au centre de Cholet, d'Angers ou de Nantes au moment des fêtes de fin d'année ou du départ du Vendée Globe aux Sables-d'Olonne est une idée intéressante. Ce marché a un vrai retentissement international. L'Allemagne, qui, traditionnellement, gardait les mamans à la maison pour s'occuper des enfants, fait aujourd'hui exactement comme la France en mettant les femmes au travail – pour autant qu'il y ait du travail pour elles – et vient observer nos méthodes, car nous avons beaucoup d'avance en matière de garde d'enfants. Demain, j'en fais le pari, une ou plusieurs entreprises dans les Pays de la Loire, et sans doute ailleurs, concevront des structures de ce type, en tenant compte de données ignorées jusqu'à ce jour lorsqu'on rénove ou installe une crèche dans un bâtiment existant : je pense notamment aux matériaux, au son et au traitement de l'air. On voit arriver des concepts nouveaux, comme la notion de couches lavables, résultant sans doute d'un effet de mode lié au mouvement écologique, mais qui est très important. Cela amène de nouveaux services et de nouvelles contraintes dans les crèches : il faut prévoir des systèmes d'accès aux fournisseurs et aux partenaires extérieurs.
L'occasion de travailler sur ce concept de crèche nous conduit à faire de la recherche, pas de la recherche fondamentale sur des matériaux nouveaux, mais dans le sens du progrès économique pour l'ensemble des consommateurs : enfant, famille et personnel d'encadrement des jeunes enfants.
Nous avons bien intégré vos arguments. Comment préparez-vous le nouvel audit et, dans le cadre de cette préparation, bénéficiez-vous d'un soutien de la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) ou de la direction générale de la Compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) ?
Quelles difficultés éventuelles rencontrez-vous dans la perspective de cet audit ?
Nous avons créé les conditions d'une collaboration avec l'État en région, avec la DREAL. Les gens de la DREAL ou de la région auraient pu vous présenter le pôle de la même façon que moi, si ce n'est avec le même enthousiasme, du moins avec les mêmes arguments car ils connaissent très bien le sujet et nous avons depuis longtemps avec eux des groupes de travail très interactifs qui fonctionnent très bien.
Nous avons avec la DGCIS des contacts réguliers – je me rends régulièrement à Bercy. À partir du moment où l'on prend le temps, le dialogue s'instaure plus facilement. Au départ, nos interlocuteurs étaient très loin du pôle Enfant et du monde des entreprises, mais aujourd'hui chacun a fait un peu de chemin et cela fonctionne bien entre nous.
Nous sommes en train de programmer une réunion avec Fabrice Leroy, qui gère les pôles de compétitivité, pour voir comment le pôle Enfant abordera la phase du « plan de performance ». Je vous le dis franchement, cela m'inquiète. La montagne de technocratie que cela représente est totalement déraisonnable – mes collègues qui ne font pas partie des « derniers de la classe » en perdent même leur latin ! Je suis content de ne pas en faire partie, sinon j'aurais loupé mon rendez-vous : si l'on m'avait contraint à élaborer cette phase dès maintenant, tout ce que nous sommes en train de faire de concret ne serait pas là ! Dieu merci, l'échéance sera un peu retardée pour moi, du moins je l'espère.
Nous avions un certain nombre d'étapes, la dernière étant le 23 avril à Paris pour le grand oral devant la DGCIS et la DIACT, qui s'est très bien passé, me semble-t-il. Vous nous avez invités à venir vous voir aujourd'hui. Entre-temps, nous avons eu d'autres contacts avec l'État en région et le département pour attester de notre action. Mon menu de l'été est maintenant d'entrer dans la deuxième phase. Mais, je vous le répète, le contenu de ce dossier est redoutable. Je sais ce qui nous attend, mais nous réussirons !
En cas de « délabellisation », quelles seraient les perspectives de développement et d'évolution en dehors de la structure « pôle de compétitivité » ? Quelle définition donneriez-vous aujourd'hui à la valeur ajoutée de cette structure par rapport à des projets similaires qui auraient les mêmes intérêts, la même actualité et sans doute la même mobilisation pour nous, mais ne bénéficiant pas du même label ?
Je n'imagine pas un tel scénario, qui provoquerait de nombreux dégâts collatéraux, et pas seulement pour le pôle Enfant. Il serait extrêmement mal interprété, ce qui serait légitime.
Il est certain que la région et le département soutiendront le pôle Enfant car ils perçoivent quant à eux la dynamique qui est en train d'apparaître. Depuis longtemps, je dis qu'on peut faire autrement que de créer les premiers, les deuxièmes et les troisièmes de la classe. On aurait pu imaginer beaucoup plus facilement, deux ou trois ans après le début de l'expérience, de distinguer les pôles à haute valeur technologique et internationale des pôles plus socio-économiques à valeur nationale ou transversale. Je ne me reconnais pas dans Aerospace Valley ou MINALOGIC : nous ne jouons pas dans la même cour. J'ai en revanche un dialogue plus facile avec d'autres pôles.
Quelle est aujourd'hui la valeur ajoutée du pôle en tant que tel dans le contexte actuel ?
Il y a cent cinquante ans, le textile, avec le tissage, la confection et la chaussure ont fait les beaux jours du Maine-et-Loire. Puis, ces métiers ont été délocalisés. Sans en porter le nom, ils étaient de vrais « pôles d'excellence ». En 2005, l'État a créé ce label « pôle de compétitivité ».
Si, d'aventure – car nous avons démarré plus lentement que d'autres –, nous perdions ce fameux label, et même dans le cas où la région et le département continueraient à nous accompagner de la même façon, comme ils nous l'ont assuré, nous perdrions aux yeux de nos partenaires et de nos membres une grande partie de notre crédit, non seulement sur le plan financier, mais aussi sur le plan moral, car la dynamique interne que nous passons encore beaucoup de temps à instaurer se casserait.
L'intensité de votre motivation est évidente. Au-delà des questions de financement, la structure de pôle est donc, pour vous, indispensable au projet ?
Si nous n'étions pas un « pôle labellisé », nous serions un « pôle d'excellence », dit-on. Auparavant, le pôle SPL (Système productif local) qui existait dans le Choletais n'était rien : il n'y avait pas d'équipe ! Or, pour que les choses fonctionnent, il faut non seulement un pilote à bord, mais aussi une équipe d'hommes, de femmes et d'entrepreneurs qui s'y retrouvent. Nous avons créé une dynamique extraordinaire et transversale entre des gens qui font de la chaussure, de l'alimentaire, de la santé, du textile, ce qui est unique.
Concilier le développement économique du territoire et des entreprises, ce qui est le rôle des pôles de compétitivité, avec le respect total de l'enfant est passionnant ! Les membres du pôle ont passé des mois à écrire notre charte éthique qui respecte totalement l'enfant en permettant un développement économique. Cela n'était pas évident, mais nous avons identifié les dénominateurs communs. Je trouverais bigrement dommage de casser maintenant un tel projet !
Enfin, et, en tant qu'élus, vous le savez comme moi, dans le contexte de crise économique mondiale que nous connaissons, il serait regrettable de nous enlever cet outil !
Nous accueillons aujourd'hui les dirigeants de trois sociétés d'assurance-crédit majeures – M. Jérôme Cazes, directeur général de la COFACE, M. Michel Mollard, président du directoire de Euler-Hermès, et M. Éric Lenoir, directeur des risques pour l'Europe du Sud d'Atradius – pour faire le point avec eux sur la place et l'évolution de l'assurance-crédit dans notre économie à un moment particulièrement difficile pour les entreprises françaises.
Les premières manifestations de la crise financière ont focalisé l'attention sur les établissements bancaires, sur leur solvabilité, puis sur leur liquidité lorsque le crédit interbancaire a été quasiment paralysé. La crise s'est muée ensuite en crise économique et le financement des entreprises est devenu un enjeu primordial. L'assurance-crédit, dont on parle peu habituellement, est alors apparue comme un enjeu essentiel sur lequel les feux de l'actualité se sont braqués. Aux dirigeants de PME se plaignant que la diminution des couvertures d'assurance-crédit qu'ils subissaient les mettaient en péril, les sociétés d'assurance-crédit répondent qu'à défaut d'être vigilantes, voire exigeantes vis-à-vis de leurs clients, elles perdront le crédit qu'elles ont auprès des réassureurs. Comment justifier ce principe de précaution quand certaines entreprises disposent de données financières pourtant rassurantes – chiffre d'affaires stable, trésorerie abondante – à l'exemple de la société d'ameublement But, qui compte 6 000 salariés ?
De leur côté, les petites sociétés qui bénéficiaient jusqu'à présent de garanties de crédit collectives – octroyées, par exemple, aux entreprises d'un même pays – et automatiques via des comptes clients dits « non dénommés », ont été brutalement exclues du champ de l'assurance. Privées d'assurance pour certains clients, les entreprises n'ont guère d'autre choix que d'exiger d'eux un paiement au comptant, sinon de mettre fin à leurs relations commerciales. Quant aux clients « déréférencés », qui ne peuvent plus compter sur le crédit interentreprises et doivent payer comptant leurs fournisseurs, ils sont contraints de limiter leurs achats, donc leurs ventes.
Depuis le début de la crise, combien d'entreprises ont été victimes des restrictions de couverture d'assurance-crédit ? Quelles ont été les conséquences sur l'emploi, en particulier dans des filières exportatrices, comme l'agro-alimentaire ?
Le législateur est intervenu en autorisant l'État à apporter sa garantie à la Caisse centrale de réassurance, la CCR, pour ses opérations de réassurance de risques d'assurance-crédit portant sur des PME. Un système de partage des risques a été mis en place avec le complément d'assurance-crédit public, le CAP, par la loi de finances rectificative du 30 décembre 2008, et le CAP + par la deuxième loi de finances rectificative pour 2009 dont il convient d'évaluer l'efficacité.
À la suite de la réunion organisée par le Premier ministre le 12 mai dernier, quelles initiatives concrètes comptez-vous prendre pour informer en amont les entreprises d'une prochaine décote et les orienter vers des dispositifs d'assurance publics ou de cautionnement mutuel ?
Concernant la COFACE, des mesures ont été décidées en janvier 2008 par le secrétaire d'État Hervé Novelli pour alléger les règles exigeant des entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 75 millions d'euros, une part française minimale dans leurs exportations, avec pour conséquence que la fabrication peut être très majoritairement étrangère alors que la garantie est consentie par l'État français. Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 75 millions d'euros, il est prévu une incorporation automatique de la part étrangère à hauteur de 50 % pour tout contrat dont le montant est inférieur ou égal à 500 millions d'euros. Une telle règle ne favorise-t-elle pas les délocalisations puisqu'il est désormais possible que la garantie de l'État sur une exportation soit accordée à une entreprise qui ne ferait qu'importer les différents éléments nécessaires à la fabrication du produit et qui se contenterait de les assembler en France ?
Quand une entreprise vend à une autre entreprise, elle lui fait crédit. C'est la règle, même si la durée varie selon les métiers. Le Parlement s'est prononcé en faveur d'une réduction des délais de paiement pour les ramener à trente ou quarante jours en moyenne. Néanmoins, l'encours du crédit interentreprises est considérable, de l'ordre de 650 milliards d'euros. Les concours bancaires ne représentent que 20 % du crédit court terme des entreprises. De fait, les entreprises sont les banquiers de leurs clients et se posent les mêmes questions qu'eux : à qui faire crédit ? comment couvrir son risque ? comment récupérer son argent en cas de problème ? Entre 20 % et 25 % des entreprises s'adressent à des prestataires, les assureurs-crédit, qui les conseillent. Et s'ils se trompent, ils indemnisent, en général à hauteur de 90 % et aident leurs clients à recouvrer les sommes dues. Nous fournissons un service global couvrant l'ensemble du portefeuille clients de l'assuré.
En période de crise de crédit, des tensions se produisent sur le crédit interentreprises parce que les défaillances augmentent parallèlement au recul du crédit fournisseurs. Sur 100 000 entreprises, 20 000 n'en obtiennent pas en temps normal, et 30 000 en temps de crise. L'assureur-crédit n'est pas forcément en cause. Dans la majorité des cas, c'est l'entreprise elle-même qui ne veut plus faire crédit à son client parce qu'elle craint de ne pas être payée. Le principe de précaution se justifie pleinement. N'a-t-on pas rendu les banquiers responsables de la crise des subprimes parce qu'ils avaient prêté à des gens qui ne pouvaient rembourser ? Aucune entreprise n'accepte de vendre à un client qui ne la paiera pas.
La crise touche des entreprises qui perdent leur crédit mais qui pourraient s'en tirer si un coup de pouce public leur permettait de tenir jusqu'à la reprise. C'est sur ce constat que reposent les dispositifs CAP et CAP +, destinés à suppléer des entreprises jugées trop prudentes, sur le modèle des garanties mises en place pour encourager les banques à se faire crédit les unes aux autres.
S'agissant des mesures propres à l'exportation, la COFACE en est à l'origine. Notre but, conforme à la mission de service public que nous a déléguée l'État, consiste bien à aider les exportateurs. Mais les contrôles des parts étrangères conçus il y a très longtemps pour ne pas apporter d'aide publique à des entreprises étrangères ne correspondaient plus du tout à la réalité des petites entreprises qui s'approvisionnent un peu partout : les procédures que nous appliquions les décourageaient. Les importations que nous évitions étaient inférieures à ce qu'on perdait en exportations. La nouvelle approche consiste à distinguer les gros dossiers qui continuent de faire l'objet d'un contrôle du ministère de l'industrie des autres qui se voient appliquer le régime qui est celui de tous nos grands concurrents européens.
L'assurance-crédit, même si elle a été décriée, est un instrument anticyclique. Une défaillance d'entreprise sur quatre ou cinq provient de celle d'un de ses clients. C'est considérable. L'assurance-crédit est souscrite en général par des entreprises plutôt bien gérées, et d'une certaine taille, qui n'ont pas les moyens d'investir dans le credit management et qui veulent se prémunir contre les risques que les délais de paiement en usage les contraignent à prendre sur leurs clients. Nous avons un rôle très positif et beaucoup d'entreprises survivent parce que nous avons indemnisé un impayé.
La crise économique que nous traversons est la plus violente depuis l'après-guerre. Nous sommes les mieux placés pour en juger car, avant de cesser de payer son banquier, on commence par ne pas payer son fournisseur. Les impayés atteignent un plus haut historique, le double de l'année dernière, soit, pour nous qui avons entre 50 % et 60 % du marché en France, 1,2 milliard d'euros. Dans ce contexte, nos clients nous demandent de les prémunir contre les impayés et de les aider à se développer en vendant à des entreprises financièrement saines. Nous avons avec nos clients les mêmes débats qu'un directeur commercial, qui veut faire du chiffre d'affaires, avec un directeur financier, qui veut avant tout être payé. Nous leur rendons service en les poussant à prendre des positions plus restrictives. Mais le crédit fournisseurs se contracte au détriment des acheteurs.
Comme le système bancaire ne tourne pas à plein, des tensions peuvent apparaître dans la trésorerie. C'est la raison pour laquelle nous avons été amenés à mettre en place, avec les pouvoirs publics, des dispositifs destinés à répartir le risque. En effet, dans cette situation, il n'existe que trois possibilités : les assurés payent des taux de prime très supérieurs à ce qu'ils paient aujourd'hui ; ou bien les assureurs acceptent des pertes colossales, quitte à réclamer ensuite des injections de capital ; ou bien les pouvoirs publics décident de venir en aide pas tant aux assureurs qu'aux entreprises elles-mêmes. C'est la philosophie du CAP et du CAP +. Le premier couvre les réductions de couverture et, avec 3 000 entreprises « fournisseurs » assurées, 6 000 entreprises « acheteurs » couvertes, et 200 millions d'encours, c'est un succès. Dans un premier temps, nous avions mis en garde les pouvoirs publics contre un mécanisme dans lequel le secteur privé ne garderait pas une certaine part de risque. Puis la conjoncture a conduit à prendre en charge le risque « résiliation » par le biais du CAP + annoncé mi-mai par le Premier ministre. Les débuts sont intéressants : nous comptons 160 entreprises bénéficiaires pour un encours de 2 millions d'euros.
Compte tenu de la brutalité de la crise, les acheteurs se sont émus à juste titre de la manière dont ils apprenaient les décisions de réduction ou de résiliation. Mais nous ne sommes pas les seuls en cause. Nous formons, avec les fournisseurs et les acheteurs, un ménage à trois. Le fournisseur a une plus grande latitude contractuelle que celle dont il use généralement : il a tendance à appeler rapidement pour annoncer qu'on coupe les garanties. En quelques mois, nous avons fait notre révolution culturelle. Nous avons pris des engagements envers le Premier ministre sur l'information que nous donnons à l'acheteur. Ce que nous faisions jusqu'alors mérite d'être beaucoup plus formalisé. Nous souhaitons continuer sur la bonne voie et faire en sorte que les décisions prises à Matignon soient un succès.
À mon sens, le produit CAP ne répond pas encore aux attentes dans la mesure où il ne s'agit pas vraiment d'un outil de gestion de crise. Il donnera sa pleine mesure dans la durée, en permettant aux entreprises fragilisées de redémarrer plus rapidement, lors du retournement de crise.
Pouvez-vous nous éclairer sur la polémique, dont la presse s'est fait l'écho, concernant le point de savoir s'il s'agit d'une crise du crédit fournisseurs ou d'une crise du crédit acheteurs ?
En gros, de 20 % à 25 % des entreprises s'assurent auprès de nous. Face au problème du crédit fournisseurs, le Gouvernement a choisi d'intervenir par notre intermédiaire, et je m'en réjouis. Mais ceux qui souffrent aujourd'hui, ce ne sont pas tant les vendeurs que les acheteurs, qui perdent leur trésorerie. S'ils ont la chance d'avoir des fournisseurs qui sont assurés auprès de nous, le système gouvernemental fonctionne parfaitement. Mais, trois fois sur quatre, ce n'est pas le cas. Mission accomplie en ce qui nous concerne, donc, mais il reste deux points d'interrogation : le crédit interentreprises qui n'est pas assuré, et l'export, puisque CAP et CAP + ne s'appliquent pas aux entreprises étrangères.
Il ressort des nombreuses réunions que nous avons avec nos clients, que la situation pour les fournisseurs n'est pas dramatique. Ils se réorganisent, demandent à être réglés comptant ou trouvent d'autres clients. Les entreprises qui souffrent, et les services du Médiateur du crédit nous le confirment, ce sont, dans 90 % des cas, celles qui perdent leur crédit fournisseurs. C'est pourquoi on peut parler d'une crise d'acheteurs, au-delà des problèmes bien réels de débouchés. Certes, des systèmes existent, telle la contre-garantie de leurs crédits de trésorerie proposée par OSÉO aux banques. Mais les banques ne financent qu'un cinquième des crédits à court terme des entreprises en France. On ne peut pas leur demander, surtout en période de crise, de se substituer du jour au lendemain au crédit fournisseurs, qui représente des sommes considérables, même avec l'aide d'OSÉO. D'autres mécanismes sont nécessaires pour conforter temporairement des acheteurs fragiles, pour rassurer leurs fournisseurs. Nous avons suggéré de recourir à la caution fournisseurs, mais ce n'est qu'une solution parmi d'autres. En tout cas, si la conjoncture ne s'arrange pas, il faudra imaginer un dispositif à l'intention des acheteurs.
Je ne suis pas du tout d'accord. Si les assureurs-crédit ont été mis en cause, c'est bien qu'il y a un problème pour les acheteurs des fournisseurs qui sont assurés auprès de nous. Je n'ai pas vu d'acheteur se plaindre d'une restriction de son crédit auprès d'un fournisseur qui ne soit pas « assuré-crédit ». Par ailleurs, bien que l'assurance-crédit ne couvre aujourd'hui que 20 % du crédit fournisseurs en France, l'honnêteté oblige à reconnaître que, dans certains secteurs, le pourcentage est beaucoup plus élevé, quasiment de 100 %, même s'il est de 0 % dans d'autres. À ce stade, CAP et CAP + doivent pouvoir répondre à la demande.
Quant à la caution fournisseurs, nous la commercialiserons si elle voit le jour, mais je ne peux m'empêcher de frémir à l'idée d'un produit qui ouvrirait une sorte de droit à la caution : il risque de coûter extrêmement cher aux finances publiques. En cautionnant l'acheteur, outre que le système est complexe à gérer pour de très petites entreprises, le risque de fraude est très élevé car rien n'empêche d'aller montrer sa caution à plusieurs fournisseurs. Cela étant, notre responsabilité, c'est d'aider notre pays à traverser la crise le mieux possible. Si CAP et CAP + ne suffisent pas, il faudra inventer autre chose.
À mon avis, la priorité est aujourd'hui le « CAP Export », parce que ce qui est vrai en France est vrai ailleurs. En tant que leader mondial, nous avons vu notre encours passer de 700 milliards à 600 milliards d'euros. Autrement dit, une extension du CAP à l'export de manière transitoire aiderait les exportateurs français. Les mesures prises par les pouvoirs publics bénéficient aux entreprises ; les assureurs-crédit se contentent de distribuer. Nous sommes aujourd'hui, en quelque sorte, les avocats des entreprises.
Le débat sur la caution fournisseur est clos. Il faudrait sans doute que les assureurs-crédit réfléchissent à l'opportunité de mettre en avant un tel produit dans leur future stratégie commerciale.
En revanche, je rejoins Michel Mollard sur l'importance de proposer un CAP + à l'exportation. Même si les entreprises exportatrices sont relativement peu nombreuses, il est nécessaire de leur offrir très rapidement un soutien.
Nous, parlementaires, aurions tout à gagner à regarder de plus près les statistiques des sociétés d'assurance-crédit car elles sont la vigie de l'économie, elles ont des données que les autres organismes n'ont pas. Sur les six derniers mois, environ 57 % des PME ont perdu des garanties, et 20 % d'entre elles ont fait l'objet de résiliations. Les assureurs-crédit ne sont pas des philanthropes et ils ont demandé une garantie de l'État. Ils l'ont obtenue avec le dispositif CAP qui prend en charge 50 % du montant des risques garantis que les assureurs considèrent comme difficiles à assurer. Mais, selon les sondages, 29 % des entreprises seulement connaissent ce dispositif et, à ma connaissance, au 9 avril, CAP couvrait 100 millions d'euros. C'est dérisoire. Comment faire en sorte que la solution, qui est bonne, soit utilisée ?
Lors de la réunion du 12 mai avec le Premier ministre, les sociétés d'assurance-crédit se sont engagées sur deux points : une plus grande transparence vis-à-vis des acheteurs et un préavis d'un mois en cas de résiliation ou de réduction de l'encours. À cet égard, où en êtes-vous ? Pourriez-vous détailler le mécanisme CAP +, qui garantira, à hauteur de 5 milliards d'euros, des risques non couverts par les assureurs ?
Les Français ont été les premiers à mettre en place le dispositif CAP qui est copié par la Nouvelle-Zélande, Singapour, le Portugal, le Danemark, le Canada, ainsi que – c'est une première – par la Grande-Bretagne. Nous avons fait preuve d'une réactivité extraordinaire. Mais les grands débats d'idées ont pris le dessus et CAP n'a pas été porté sur les fonds baptismaux comme il aurait dû, si bien qu'il reste largement méconnu.
En ce qui concerne CAP +, c'est la même chose. La communication est un enjeu considérable et il nous faut le soutien effectif du Médiateur du crédit et des fédérations professionnelles. Tout le monde doit aller dans le même sens.
Monsieur Tardy, que 29 % des entreprises connaissent CAP ne vous semble pas suffisant. Mais c'est déjà remarquable puisque 20 % des entreprises sont assurées. Si vous organisiez des réunions dans votre circonscription pour annoncer CAP à son de trompe, 80 % de l'assistance ne seraient pas concernés. Je vous garantis que nos 15 000 assurés sont au courant depuis le premier jour. Et bon nombre d'entre eux nous ont dit que CAP ne servait à rien parce que, dans 80 % des cas, les assureurs conservent les plafonds ou résilient. CAP + a le grand mérite d'apporter une réponse en cas de résiliation, dans la limite de 100 000 ou 200 000 euros : il ne s'agit donc pas de très gros montants. Les solutions sont très bonnes, mais seulement pour ceux qui sont assurés crédit, et dans la limite des plafonds fixés. Je vous mets en garde contre les effets d'annonce.
Pour le moment, aucun pays au monde n'a en pratique adopté CAP. L'Angleterre en parle…
Les Anglais ont mis en place une procédure qui est effective, après les Portugais et les Danois.
Cela ne fonctionne pas plus qu'en France. Par ailleurs, il n'est pas vrai que, depuis le début de la crise, la COFACE ait diminué ses garanties. Tout le monde doit prendre des risques. L'État aide modestement, sur 20 % de la cible. Nos assurés sont contents de CAP +, mais je ne suis pas sûr que cela suffise.
La plupart des risques sont portés par les entreprises. Beaucoup de chefs d'entreprise sont réticents à l'idée de recourir à l'assurance-crédit, moi le premier. Mais il faut en passer par là pour bénéficier de CAP et CAP +. L'État n'ayant apparemment pas d'autre solution pour intervenir, comment aider les TPE à faire le pas, d'autant que, pour beaucoup d'entre elles, l'assurance-crédit, c'est presque honteux ? Je pense qu'il faudrait agir en amont, par l'organisation de réunions, car les services de l'État ne répondent que lorsqu'ils sont sollicités.
Il s'agit là d'un problème de fond. Nous avons intégralement assuré la communication autour de CAP et CAP +. Il nous faut maintenant des relais, que ce soit les fédérations professionnelles ou la médiation. Pourquoi ne pas réfléchir à un soutien que nous pourrions apporter ponctuellement dans les réunions que vous organiseriez localement, avec les entreprises de vos régions ? Nous y sommes quant à nous tout à fait disposés.
Concernant « CAP Export », avez-vous réfléchi aux limites de garantie et aux relais permettant les adaptations nécessaires ?
Il est très difficile d'expliquer à un assuré pourquoi ce qui existe pour le marché domestique n'existe pas à l'export. Les pouvoirs publics l'ont bien compris puisque M. Fillon a demandé à Mme Lagarde de faire des propositions. Mais il faudra obtenir l'accord de Bruxelles et celui du Parlement qui n'a autorisé la garantie de l'État qu'en faveur d'entreprises françaises. Sur le fond, plus c'est simple, mieux c'est : une transposition pure et simple de CAP et CAP + devrait suffire. L'État se protège en acceptant les signatures jugées seulement médiocres pour éviter de couvrir des défaillances inéluctables. Les systèmes de notation à l'export peuvent être plus compliqués, bien que la COFACE ait les mêmes en France et à l'export.
Le CAP Export permettra de redonner un « coup de jeune » à nos procédures export publiques. Le CAP, je le rappelle, a été conçu initialement pour ne rien coûter aux finances publiques. Avec CAP +, on a pris la décision d'engager des fonds budgétaires, ce qui constitue une sérieuse nuance.
L'exemple des exportateurs de vin, qui vendent à des grossistes russes ou britanniques dépourvus de fonds propres, est emblématique de ce qui se passe à l'exportation aujourd'hui. S'il y a deux ans on pouvait encore supporter des encours significatifs pour ces entreprises, aujourd'hui cela n'est plus le cas. De tels blocages apparaissent dans beaucoup d'autres secteurs. Il faut bien garder en tête que la crise est pire chez nos voisins, ainsi qu'en dehors de l'Europe.
C'est pourquoi, même si le dispositif « CAP Export » coûte peu, voire rien, aux finances publiques, pourvu que la tarification soit adaptée, et donne de l'air aux exportateurs français, l'extension du CAP + à l'export doit être envisagée avec une certaine prudence.
La question des fonds propres des TPE françaises est un vrai sujet. Je prendrai l'exemple tout à fait représentatif d'une entreprise artisanale de l'ouest de la France, dont les fonds propres s'élèvent à 3 000 euros. L'année dernière, nous garantissions 100 000 euros de crédit fournisseurs sur cette entreprise, couverture réduite à 50 000 euros pour cause de mauvais bilan ; notre engagement reste cependant dix-sept fois supérieur à celui des actionnaires, ce qui n'est pas normal. À force de faciliter, ces dernières années, la création d'entreprises, ce qui est en soi positif, on se retrouve aujourd'hui avec un problème de capitalisation insuffisante des TPE : celles-ci sont dépourvues du minimum de fonds propres nécessaire à enclencher un effet de levier, qu'il s'agisse du crédit bancaire ou du crédit fournisseurs. Je ne vois guère que l'arme fiscale pour résoudre ce problème essentiel.
Pouvez-vous nous dire un mot de votre propre situation financière ? Êtes-vous vous-même exposés ?
Si nos clients ne sont pas exposés, le groupe COFACE disposant de 400 millions d'excédents de fonds propres, nos résultats sont en baisse au quatrième trimestre 2008 et au premier trimestre 2009. Notre loss ratio en France – soit notre taux de sinistralité pour un euro de prime – qui est de 50 % les bonnes années, est actuellement de 140 % : c'est dire que nous jouons notre rôle citoyen, et même au-delà. Ces pertes traduisent l'augmentation de nos garanties de crédit aux entreprises françaises, 11 milliards d'euros depuis le début de la crise. Mais nous ne pouvons évidemment pas enregistrer indéfiniment des pertes : si cette crise dure, il faudra, soit inventer de nouveaux dispositifs, tels qu'un « CAP ++ », soit se résigner à voir beaucoup d'autres entreprises aller au tapis. En effet, si certaines entreprises peuvent tenir quatre ou six mois, plus la crise durera, plus ce sera difficile pour elles.
Notre analyse est que l'économie mondiale touchera le fond dans les prochaines semaines, mais peut-être nous trompons-nous. Dans ce cas, il ne faudra pas trop traîner à prendre la mesure de la gravité et de la durée de la crise, afin de soutenir les entreprises qui ne peuvent pas lui résister plus de dix mois.
Notre vision de la crise est significativement différente.
Dès janvier 2008 – Lionel Tardy peut en témoigner –, nous avions annoncé que l'économie mondiale allait connaître une crise très grave et nous avions pris des mesures en conséquence.
Nous considérons qu'un assureur-crédit n'a pas à faire de pertes. Après avoir réalisé 410 millions d'euros de profit en 2007, nous en avons réalisé 83 millions en 2008 et 16 millions au premier trimestre 2009. Ces chiffres traduisent l'ampleur de la crise. Mais si les assureurs-crédit devaient enregistrer des pertes durables, cela mettrait en péril la réassurance et d'une façon générale le fonctionnement de l'économie, au point de nécessiter l'intervention de la puissance publique, ce qui n'est pas forcément souhaitable en période de déficit budgétaire. Voilà pourquoi notre objectif minimal, cette année, est d'atteindre un résultat positif : c'est une ambition modeste, mais nécessaire dans la situation actuelle.
Atradius joue pleinement son rôle d'assureur-crédit en période de crise. Nous avons à ce titre beaucoup indemnisé les entreprises, notamment au cours du dernier trimestre 2008, ce qui se traduit par des baisses dans nos résultats. Ces pertes n'affectent pas nos clients, nos fonds propres représentant 300 % de ce que nous demandent les régulateurs.
Quels sont les effets concrets de la crise ? On a parlé tout à l'heure de l'augmentation des impayés : est-ce un phénomène que vous constatez encore aujourd'hui ? Apercevez-vous des perspectives de sortie de crise ?
Les résultats se sont un tout petit peu améliorés au mois d'avril, et une fenêtre d'opportunité pour l'économie mondiale se dessine pour les semaines qui viennent. Tous les chiffres publiés actuellement convergent vers l'hypothèse que la chute libre de la croissance mondiale depuis la faillite de Lehman Brothers s'arrêtera dans les semaines qui viennent, du fait de phénomènes tels que le restockage, ou liés à la psychologie collective : à un moment donné, on ne veut plus être pessimiste ! Nous sommes en effet en présence de la première crise de globalisation, qui a fait que 50 millions de chefs d'entreprise dans le monde ont pris, en octobre dernier, les mêmes décisions : ces chefs d'entreprise en ont aujourd'hui assez. Si nous avons la chance de ne pas connaître une nouvelle catastrophe financière dans les semaines qui viennent et de commencer à entendre une petite musique positive en provenance des États-Unis, nous pensons que la chute de la croissance mondiale cessera, donnant aux entreprises une base sur laquelle travailler, ce qui leur permettra de redémarrer leur activité.
Mais un autre scénario, noir celui-là, est aussi évoqué : cette crise, la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale, peut encore s'aggraver et la croissance mondiale, qui a déjà chuté de six points depuis 2007, risque de perdre encore deux points, soit une chute de huit points, quatre fois supérieure à celle du début des années 2000.
Il ne faut donc pas dissimuler le fait que notre scénario de base, qui voit la confirmation de l'embellie du mois d'avril, suppose que nous ayons de la chance car la faillite d'un pays suffirait à entraîner tout le monde dans une aggravation de la crise.
La bonne nouvelle, monsieur le président, est que la situation ne se dégrade plus depuis janvier. Il faut aussi souligner que la situation de la France n'est pas la pire, si on la compare à celle de l'Espagne, dont l'économie est fondée sur l'immobilier et le tourisme et quasiment dépourvue de base industrielle, à celle du Royaume-Uni, qui va extrêmement mal, ou de l'Allemagne, qui traverse une crise d'une ampleur considérable.
Mais l'honnêteté oblige à dire qu'on ne sait pas ce qui va se passer. Même si, sur le plan macro-économique, on constate un rebond technique au deuxième trimestre, cela n'empêchera ni les plans sociaux, ni les dépôts de bilan. C'est pourquoi il est urgent d'injecter dans l'économie les dépenses prévues dans le cadre du plan de relance. On devra aussi s'interroger dans les prochains mois sur l'opportunité de soutenir la consommation, qui est en temps normal le premier moteur de la croissance dans notre pays. Pour 2010, la question qui se pose est celle du financement de toutes ces mesures.
Je pense que la crise suivra une courbe en L. Nous ne devrions pas atteindre le point le plus bas avant septembre, et nous devrions nous maintenir à ce niveau jusqu'à la fin de l'année, avant d'entamer au début de l'année 2010 une reprise que j'espère très graduelle, faute de quoi nous serons confrontés à des problèmes plus graves encore que ceux que nous connaissons aujourd'hui.
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