L'assurance-crédit, même si elle a été décriée, est un instrument anticyclique. Une défaillance d'entreprise sur quatre ou cinq provient de celle d'un de ses clients. C'est considérable. L'assurance-crédit est souscrite en général par des entreprises plutôt bien gérées, et d'une certaine taille, qui n'ont pas les moyens d'investir dans le credit management et qui veulent se prémunir contre les risques que les délais de paiement en usage les contraignent à prendre sur leurs clients. Nous avons un rôle très positif et beaucoup d'entreprises survivent parce que nous avons indemnisé un impayé.
La crise économique que nous traversons est la plus violente depuis l'après-guerre. Nous sommes les mieux placés pour en juger car, avant de cesser de payer son banquier, on commence par ne pas payer son fournisseur. Les impayés atteignent un plus haut historique, le double de l'année dernière, soit, pour nous qui avons entre 50 % et 60 % du marché en France, 1,2 milliard d'euros. Dans ce contexte, nos clients nous demandent de les prémunir contre les impayés et de les aider à se développer en vendant à des entreprises financièrement saines. Nous avons avec nos clients les mêmes débats qu'un directeur commercial, qui veut faire du chiffre d'affaires, avec un directeur financier, qui veut avant tout être payé. Nous leur rendons service en les poussant à prendre des positions plus restrictives. Mais le crédit fournisseurs se contracte au détriment des acheteurs.
Comme le système bancaire ne tourne pas à plein, des tensions peuvent apparaître dans la trésorerie. C'est la raison pour laquelle nous avons été amenés à mettre en place, avec les pouvoirs publics, des dispositifs destinés à répartir le risque. En effet, dans cette situation, il n'existe que trois possibilités : les assurés payent des taux de prime très supérieurs à ce qu'ils paient aujourd'hui ; ou bien les assureurs acceptent des pertes colossales, quitte à réclamer ensuite des injections de capital ; ou bien les pouvoirs publics décident de venir en aide pas tant aux assureurs qu'aux entreprises elles-mêmes. C'est la philosophie du CAP et du CAP +. Le premier couvre les réductions de couverture et, avec 3 000 entreprises « fournisseurs » assurées, 6 000 entreprises « acheteurs » couvertes, et 200 millions d'encours, c'est un succès. Dans un premier temps, nous avions mis en garde les pouvoirs publics contre un mécanisme dans lequel le secteur privé ne garderait pas une certaine part de risque. Puis la conjoncture a conduit à prendre en charge le risque « résiliation » par le biais du CAP + annoncé mi-mai par le Premier ministre. Les débuts sont intéressants : nous comptons 160 entreprises bénéficiaires pour un encours de 2 millions d'euros.
Compte tenu de la brutalité de la crise, les acheteurs se sont émus à juste titre de la manière dont ils apprenaient les décisions de réduction ou de résiliation. Mais nous ne sommes pas les seuls en cause. Nous formons, avec les fournisseurs et les acheteurs, un ménage à trois. Le fournisseur a une plus grande latitude contractuelle que celle dont il use généralement : il a tendance à appeler rapidement pour annoncer qu'on coupe les garanties. En quelques mois, nous avons fait notre révolution culturelle. Nous avons pris des engagements envers le Premier ministre sur l'information que nous donnons à l'acheteur. Ce que nous faisions jusqu'alors mérite d'être beaucoup plus formalisé. Nous souhaitons continuer sur la bonne voie et faire en sorte que les décisions prises à Matignon soient un succès.