COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mardi 28 février 2012
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 15
Notre rapport s'intitulera : « l'impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense : un enjeu dont il faut se saisir d'urgence ».
Les données du rapport du GIEC - le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat - sont notre point de départ : elles prévoient une augmentation de la température de 3°C à 5°C au cours du XXIème siècle.
Si les conséquences du réchauffement climatique en matière de sécurité sont en premier lieu purement physiques, elles auront également de nombreuses conséquences à caractère socio-politique.
Certes, des incertitudes de plusieurs ordres caractérisent cette évolution : incertitudes sur les amplitudes, sur la géographie des effets et sur leur calendrier, sur le rythme du réchauffement. Mais il ne faut pas pour autant faire abstraction des risques. Et les risques potentiels sont tels qu'une analyse des impacts sécuritaires s'impose.
Ainsi, même si le réchauffement climatique ne fait pas spécifiquement apparaître de nouveaux risques environnementaux ou sociaux, il les exacerbe et augmente leur probabilité d'occurrence ainsi que leur impact.
Il faut également prendre en considération le fait que tous ces facteurs, liés aux changements climatiques et à la géopolitique, demanderont également des efforts d'adaptation importants à la Défense dans les années à venir, aux niveaux national, européen et international, en particulier dans l'approche admise d'un continuum défensesécurité. C'est pourquoi notre rapport comporte à la fois un volet « sécurité » et un volet « défense ».
Bien sûr, nous verrons que face à ce nouvel enjeu, l'Union européenne peut apporter des réponses ; elle gagnerait à la définition et à la mise en place d'une véritable politique européenne en la matière.
Analysons tout d'abord l'impact du changement climatique en matière de sécurité.
Rappelons avant tout que le quatrième rapport du (GIEC) a jugé que l'essentiel du réchauffement climatique de ces cinquante dernières années est imputable à des activités humaines et en particulier à l'utilisation de combustibles fossiles, avec une probabilité de plus de 90 %.
Les conséquences du changement climatique sont en premier lieu physiques, et se traduiront notamment par l'augmentation du niveau moyen des océans. Selon certaines estimations, la seule perte de masse de l'ensemble des glaciers mondiaux devrait faire monter le niveau de la mer de 80 centimètres d'ici à la fin du siècle, ce qui, en comptant la dilatation thermique des océans, porterait cette élévation à plus d'un mètre. Le prochain rapport du GIEC devrait préciser ces estimations.
On assistera à la fonte des glaciers. Il résultera de ces fontes l'ouverture de nouvelles routes maritimes. Ainsi, la fonte de la banquise arctique, dont la réduction en superficie a été clairement démontrée par les observations satellitaires, pourra ouvrir des zones de mer jusqu'alors inaccessibles aux activités d'exploitation humaine.
La modification des précipitations atmosphériques conduira à une augmentation des situations de pénurie d'eau et à la progressive désertification de certaines zones géographiques. La probabilité d'inondations majeures liées à la fonte des glaciers continentaux (par exemple, ceux de l'Himalaya ou des Alpes) sera accrue. Il y aura aussi des impacts sur la biodiversité marine et sur la disponibilité des ressources halieutiques. Le risque d'épidémies sera accru.
Enfin, d'une manière générale, l'occurrence d'événements climatiques extrêmes tels que tsunamis, ouragans, cyclones, inondations, devrait augmenter. Ces catastrophes naturelles seront vraisemblablement non seulement plus nombreuses, mais également plus dévastatrices.
Les conséquences du changement climatique seront également d'ordre socio-politique.
Tout d'abord, l'insécurité des moyens de subsistance se traduira par un stress nourricier. L'un des effets du changement climatique sur les sols pourrait être de favoriser des pays qui bénéficient déjà de positions avantageuses, au détriment de régions pour lesquelles l'agriculture constitue la principale source de revenus. Globalement, une évolution du climat pourrait mener à l'insécurité alimentaire dans certains pays, notamment dans ceux de l'hémisphère Sud. Pour un réchauffement compris entre 2 et 4°C, une baisse de la productivité agricole est à prévoir dans le monde entier.
Le stress sera aussi hydrique. Le stress hydrique est la question la plus critique pour l'ensemble des analystes. En 1995, 30,5 % de la population mondiale connaissait un stress hydrique fort. On prévoit que la proportion grimpera à 35 % en 2025. Il reste à savoir si la tension montera au point d'aboutir à des conflits…
Le troisième type de stress sera bien sûr le stress énergétique.
Le changement climatique aura aussi des conséquences géopolitiques, s'agissant des migrations climatiques tout d'abord. Selon les Nations unies, on dénombrera, d'ici 2020, des millions de migrants « environnementaux ». Ces migrations seront de trois types :
- les migrations internes aux États, susceptibles de créer des changements économiques positifs (apport de main d'oeuvre) ou négatifs (surpopulation). La capacité des États à faire face à de telles situations, tant sur un plan institutionnel que sur le plan économique, s'avérera déterminante pour la stabilité des pays concernés ;
- les migrations transfrontalières, susceptibles de déstabiliser des États mais aussi de générer des tensions internationales qui pourraient déboucher sur des conflits. L'histoire récente entre le Bangladesh et l'Inde montre que les populations déplacées peuvent faire l'objet de violences de la part des populations natives et induire des tensions entre pays voisins ;
- les migrations de niveau régional seront à l'origine de problématiques identiques. Ce type de migration est déjà bien connu en Europe, avec les migrations des pays du Sud vers les pays du Nord.
Les ressources naturelles peuvent elles aussi être sources de tensions ou de conflit.
Enfin, un phénomène de compétition pour les territoires risque d'émerger : des petits États, submergés par les eaux, seraient ainsi amenés à demander de nouveaux territoires, situation inédite sur le plan du droit international.
Une étude de la revue International Alert a estimé, en novembre 2007, « qu'il y a un risque réel pour que le changement climatique aggrave les risques de conflits violents ». L'étude identifie 46 pays (soit 2,7 milliards de personnes) dans lesquels les effets du changement climatique ont un risque élevé de se traduire par un conflit violent, suite à une interaction avec des problèmes économiques, sociaux et politiques.
Un deuxième groupe de 56 pays (soit 1,2 milliards de personnes) est caractérisé par des institutions gouvernementales ayant des difficultés à appréhender le changement climatique et à le traiter en priorité par rapport aux autres défis auxquels le pays est confronté. Dans ce groupe de pays, bien que le risque d'un conflit armé ne soit pas immédiat, l'interaction du changement climatique avec d'autres facteurs crée un risque élevé d'instabilité politique, avec un potentiel de conflits violents.
L'atténuation du changement climatique par la réduction des émissions de carbone dans le monde ne saurait constituer une solution suffisante, ni dans le groupe de 46 États présentant un risque de conflit (dont beaucoup d'entre eux sont actuellement ou ont récemment été touchés par un conflit violent), ni dans de nombreux pays du groupe des 56 confronté au risque d'instabilité. Dès maintenant, il est souhaitable d'aider ces États à gérer les défis du changement climatique.
Il ne faut pas non plus sous-estimer l'impact direct du changement climatique en matière de Défense.
Un certain nombre de phénomènes peuvent être à l'origine de nouveaux conflits, de tensions nécessitant l'intervention des armées, ou créer des conditions favorables au développement du terrorisme. La difficulté d'accès à certaines ressources comme l'eau, la survenue de phénomènes climatiques extrêmes, l'amplification des flux migratoires, sont autant de facteurs significatifs à prendre en compte dans la démarche prospective de la Défense.
Les changements climatiques modifieront également les conditions d'emploi, tant pour les équipements, les hommes, les structures, la logistique que les opérations.
Les différentes fonctions de la Défense devront donc être adaptées au changement climatique, qu'il s'agisse de la fonction prévention – soit l'ensemble des actions « permettant d'éviter l'apparition ou l'aggravation de menaces contre notre sécurité » –, de la fonction protection – qui « doit s'exercer face à deux types de risques : les agressions intentionnelles » (telles que les actes de terrorisme, les attaques informatiques majeures et les menaces balistiques) et « les risques non intentionnels » (tels que les crises sanitaires et les catastrophes naturelles ou technologiques) –, de la fonction intervention – qui doit permettre de garantir les intérêts stratégiques du pays et d'assumer ses responsabilités internationales –, ou de la fonction dissuasion – c'est-à-dire la possibilité pour le chef de l'État de disposer, de façon indépendante, de moyens adaptés à une grande diversité de situation.
Il est donc devenu urgent de traiter de l'enjeu de l'impact du changement climatique sur la sécurité et la défense.
Il existe cependant des freins à la prise de conscience, que l'on peut désigner sous le terme global de « climatoscepticisme ». La communauté scientifique mondiale, dans sa très grande majorité, s'accorde à dire qu'il y a un réchauffement climatique à l'échelle globale et que celui-ci, à la différence des réchauffements antérieurs qui se sont déjà produits, est très probablement dû à des causes anthropiques. Elle converge également pour dire que le phénomène s'accélérera, même si le taux de cette accélération fait encore l'objet de débats d'experts. On ne dispose pas encore, au niveau régional, des mesures permettant de prendre les bonnes décisions, ce qui constitue un frein à l'action. Certains auteurs n'hésitent pas à parler de « mythe ».
Certaines difficultés sont également liées aux incertitudes, qui relèvent, d'une part, de la complexité des interactions entre les nombreux facteurs qui jouent un rôle dans la « machine climatique » terrestre et, d'autre part, des difficultés dans la prévision des évolutions futures des activités humaines et des choix technologiques qui influencent ces facteurs, autant au niveau régional que sur une échelle globale.
Les pays réagissent différemment aux risques liés au changement climatique.
En la matière, les États-Unis sont en pointe. Le dernier examen quadriennal de la Défense, le QDR 2010, analyse notamment l'impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense. Pour la première fois, il cite le changement climatique en tant qu'enjeu stratégique « qui jouera un rôle majeur dans l'avenir de l'environnement sécuritaire ». Le Pentagone s'intéresse aussi de près à ce sujet depuis quelques années. Ainsi, aux États-Unis, le réchauffement climatique est d'abord un enjeu stratégique majeur.
Au sein de l'Union européenne, c'est le Royaume-Uni qui est le plus sensibilisé à ces questions, en particulier à l'effet multiplicateur du changement climatique sur les conflits. En 2006, la secrétaire d'État aux affaires étrangères avait souligné que « le réchauffement climatique n'est pas uniquement une question environnementale. C'est également un problème de Défense ». En 2007, elle disait que « refuser aujourd'hui d'admettre que le changement climatique est une affaire de sécurité, c'est, selon moi, suivre les pas de ceux qui, en 1920, ont refusé de reconnaître les conséquences des réparations sur l'avenir de l'Europe ». Un conseil de sécurité nationale a été créé après les dernières élections, afin d'analyser les menaces nouvelles, en particulier celles liées au changement climatique et à la sécurité énergétique.
En France, s'il s'efforce de lutter contre le réchauffement climatique et l'émission des gaz à effet de serre, le ministère de la Défense ne semble pas avoir pris en compte la problématique du changement climatique et de la sécurité dans toutes ses dimensions. Certes, il y a des frémissements, comme par exemple une étude du CHEM (Centre des hautes études militaires) publiée l'année dernière, ou encore une étude de l'IRSEM (Institut de recherche stratégique de l'École militaire), mais les membres du groupe de travail disent bien parler en leur nom, sans engager l'institution. La France semble donc être en retard.
Au niveau international, l'ONU a réaffirmé, en novembre 2011, par la voix de son secrétaire général, l'impact du changement climatique sur la sécurité internationale.
L'OTAN est quant à elle une instance peu appropriée à la problématique du changement climatique et de la sécurité.
L'Union européenne a inscrit, dès 2003 (doctrine Solana), dans sa stratégie de sécurité européenne, le changement climatique comment un élément à étudier. Le dossier est réapparu sur le devant de la scène en 2011, comme en témoignent les conclusions du Conseil du 18 juillet 2011. Et l'Union européenne dispose d'outils qui pourraient être mieux utilisés ou développés.
La Haute représentante pour la politique étrangère et de sécurité commune peut s'appuyer sur le Service européen pour l'action extérieure (SEAE), qui joue actuellement avant tout un rôle que l'on pourrait qualifier de « diplomatie climatique », encore à un stade pilote.
Mme Catherine Ashton étant également responsable de la politique de sécurité commune de l'Union européenne, elle pourrait porter cette politique de sécurité ; celle-ci suppose cependant une volonté politique de la part des Etats membres.
En outre, malgré un début de réflexion, la doctrine reste à construire au niveau de l'Union européenne. Le troisième volet du document de travail ayant servi à élaborer les conclusions du Conseil « Affaires étrangères » du 18 juillet 2011, portant sur la diplomatie en matière de climat menée par l'Union européenne, est susceptible de constituer une ébauche de doctrine.
Les deux axes d'action traditionnels à l'égard du changement climatique sont celui de l'atténuation (visant à réduire les causes anthropiques du phénomène, avec la limitation des émissions de GES) et celui de l'adaptation (visant à prendre en compte les effets du réchauffement afin d'en pallier les conséquences). Cependant, compte tenu des incertitudes qui demeurent à l'égard des évolutions futures, il est souhaitable de développer un autre axe d'action, celui de la prévision et de l'analyse des risques. Un renforcement des capacités européennes dans ce domaine pourrait permettre à l'Union européenne et aux pays membres de disposer, de façon plus autonome, de données scientifiques fiables, afin de mieux orienter les décisions et la planification opérationnelle des mesures d'atténuation et d'adaptation à adopter en priorité.
En tout état de cause, l'Union européenne gagnerait à la définition et à la mise en place d'une véritable politique européenne en la matière. Ainsi, Mme Catherine Ashton veille, en sa qualité de vice-présidente de la Commission européenne, à la cohérence et à la coordination de l'action extérieure de l'Union européenne, mais préside également le Conseil des affaires étrangères et conduit la politique étrangère et de sécurité commune : les aspects « diplomatie et sécurité », mais aussi « défense », du changement climatique peuvent donc aisément être réunis et développés en cohérence, d'autant plus que l'État-major européen (qui existe depuis 2003 et compte plus de 250 membres) est désormais intégré à l'organigramme du SEAE et sous la responsabilité de la Haute représentante. Les outils sont en place, il manque la volonté politique.
Les initiatives demeurent actuellement trop largement nationales ; dans l'immédiat, un système européen d'alerte précoce, grâce à la mutualisation des renseignements (militaires, ministères des affaires étrangères, agences humanitaires...), est souhaitable. De plus, dans l'attente d'un budget suffisamment développé pour le SEAE - qui est en train de monter en puissance -, il faudrait augmenter les mises à disposition de ressources humaines au SEAE par les Etats membres.
En conclusion, le changement climatique, bien que faisant sur la place publique l'objet de débats fort médiatisés, est une réalité, constatée au travers de données globales (augmentation de la température moyenne terrestre de 0,7°C en cinquante ans) comme à un niveau plus régional (division par deux de la calotte glaciaire arctique en cinquante ans).
S'il existe actuellement des incertitudes et divergences entre scientifiques quant au rythme de l'accélération du phénomène dans les cinquante à cent prochaines années, cela de doit pas freiner la prise en considération de l'impact des risques inhérents au changement climatique.
Les conséquences du changement climatique en matière de sécurité et de défense sont un enjeu fondamental, dont les pouvoirs publics doivent se saisir d'urgence. La stratégie en matière de défense doit également être repensée et adaptée de manière à faire face aux différents effets induits.
Si, aux États-Unis, le réchauffement climatique est devenu un enjeu stratégique majeur, cela n'est pas envisagé aussi clairement en Europe, où le débat demeure encore largement entre les mains des scientifiques. Or, anticiper et planifier le monde de demain relève bien de la responsabilité du politique.
Dans ce nouveau domaine, la mutualisation des renseignements et des actions est indispensable. L'Union européenne dispose des outils nécessaires pour définir et mettre en place une véritable politique européenne en la matière, traitant à la fois des aspects « sécurité » et « défense » du changement climatique.
Beaucoup de chiffres démontrent l'urgence de traiter la question. Un seul exemple, l'eau : 97,5 % de l'eau sur terre est salée et il existe seulement 3 % d'eau douce, dont seulement 0,1 % est directement utilisable.
Nous sommes des politiques et n'avons qu'une question à nous poser : quel monde voulons-nous laisser à nos enfants ?
Je vous remercie beaucoup pour ce rapport intéressant qui nous ouvre les yeux sur de nombreuses problématiques.
Nos collègues nous font en effet découvrir un aspect intéressant et original du changement climatique.
Les enjeux sont variés : l'accès à l'eau potable et aux terres arables, ou encore la désertification de territoires et la montée du niveau des océans, qui entraîneront des déplacements massifs de populations. Existe-t-il déjà des modèles anticipant ces phénomènes, qui s'inscrivent dans la durée, afin de trouver des réponses ?
C'est à l'évidence un sujet européen – on voit mal chaque pays conduire sa petite stratégie –, ce qui confère une mission supplémentaire au SEAE. Mais est-il en capacité de la porter ? Est-il formaté à cet effet ? Nous n'allons pas rouvrir le dossier du SEAE mais les enjeux, assez formidables, entraîneront des changements stratégiques dans les grands pays, voire au niveau continental. La Chine, par exemple, confrontée à des problèmes de sécheresse et de raréfaction de l'eau, ne resterait pas inerte.
La connotation du rapport est-elle plutôt d'ordre politique ou scientifique ? Quoi qu'il en soit, le changement climatique est-il uniquement dû à l'émission de gaz à effet de serre ? Si oui, il sera possible de lutter contre le phénomène en adoptant de nouvelles pratiques agricoles, industrielles et sociales. Si, en revanche, il est lié à l'évolution constante de l'univers, les mesures que nous prendrons, quelles qu'elles soient, auront assez peu d'effet. Sommes-nous en mesure de répondre aujourd'hui ?
Il est utile de sensibiliser les populations pour qu'elles fassent un peu évoluer leur comportement mais il ne faut pas tout mélanger. Le problème de l'accès à l'eau potable n'est pas imputable au changement climatique ; la quantité d'eau dans l'univers est constante mais la question est celle de la fourniture en eau propre.
Personnellement, sur ces affaires, j'aimerais que nous adoptions une approche mesurée et scientifique, afin de ne pas affoler les populations de manière excessive.
En tout cas, le problème n'est pas national mais européen et même mondial. S'il est démontré que le réchauffement climatique est dû aux activités humaines, la réponse doit être mondialisée, faute de quoi nous donnerions des coups d'épée dans l'eau.
Où en est l'Union européenne dans les grandes conférences internationales sur le changement climatique ? Par ailleurs, comment les grands pays européens essaient-ils d'harmoniser un peu leurs politiques ? D'autres États membres ont-ils mené des démarches analogues à celle du Grenelle de l'environnement ?
L'accord de Durban met en oeuvre les décisions prises à Cancun. Mais où en est la mise en place du Fonds Vert pour le climat ?
Je vous remercie pour l'appréciation que vous portez sur le rapport d'information et je précise qu'il contient les réponses à la plupart des questions que vous posez.
Nous parlons de changement climatique, pas uniquement de réchauffement climatique, et nous partons d'une hypothèse de réchauffement de 2 degrés. Parmi les personnes que nous avons auditionnées, certaines prévoient des conséquences et échafaudent des solutions, tandis que d'autres considèrent qu'il sera impossible de changer les choses et choisissent de ne pas être plus royalistes que le roi, en privilégiant leur propre modèle économique, par exemple fondé sur le charbon. Philippe Tourtelier et moi étions assez bien outillés sur ces thématiques car le Président Lequiller nous avait déjà confié des rapports relatifs aux questions énergétiques. Tous les changements climatiques auront évidemment un impact sur l'eau, donc sur l'alimentation, le Nord étant toujours avantagé par rapport au Sud. L'émission de gaz à effet de serre n'est donc pas le seul facteur considéré.
Qui fait quoi ? Nous avons récolté des réponses très diverses. Aux États-Unis, nous avons été surpris de constater que les meilleurs connaisseurs de la question, dans sa globalité, ne sont ni les politiques, ni les scientifiques, ni les experts indépendants mais les militaires, qui font office de service de référence. En France, très honnêtement, nous avons rencontré la « grande muette » : cela ne signifie pas qu'elle reste inactive, mais nous n'avons pas senti la même capacité de communication avec les autres parties prenantes.
Oui, il faut absolument mettre la démarche européenne en cohérence, pour être en mesure de formuler des prévisions en fonction des données connues. Du coup, nos services de défense doivent s'adapter, sur les quatre fonctions du Livre Blanc.
Le Fonds Vert pour le climat n'entre pas dans le champ de notre rapport. Je dirai simplement qu'il est créé en théorie mais pas abondé et que, si cela devient le cas un jour, ce fonds enlèvera un peu de pression en matière de changements climatiques et, par conséquent, facilitera la résolution des problèmes de sécurité et de défense.
Notre rapport n'était pas non plus consacré à la question de la responsabilité de l'homme dans le réchauffement climatique. Les sceptiques ne nient pas le changement climatique mais son origine anthropique ; tout le monde reconnaît que la terre se réchauffe mais il y a des désaccords sur les causes et sur le rythme. Nous ne nous sommes pas intéressés aux causes mais il est certain que l'échéance à laquelle se poseront les problèmes de sécurité dépend du rythme du réchauffement climatique.
La réponse scientifique est celle apportée par le GIEC, qui, avec ses imperfections, passe au crible, tous les quatre ans, l'ensemble des études publiées sur le sujet. Tout le monde peut demander que son analyse soit examinée ; pour l'anecdote, Claude Allègre ne l'a jamais demandé car chacun sait qu'il raconte des bêtises. Le GIEC évalue à 90 % la probabilité que le changement climatique soit d'origine anthropique.
Nous préconisons l'adaptation de l'outil de défense et de sécurité, qu'il s'agisse de l'eau, de l'alimentation, de l'agriculture ou des migrations.
S'agissant de l'Union européenne, la Haute représentante est en train de développer une diplomatie européenne commune sur les questions relatives au changement climatique. A Cancun puis à Durban, l'Union européenne a accompli de gros progrès pour parler d'une voix commune, alors que Copenhague, de ce point de vue, avait été catastrophique. Le SEAE démarre et s'intéresse à la diplomatie climatique mais ses attributions couvrent aussi les affaires étrangères, donc la sécurité et la défense. Son organigramme comporte une branche État-major européen, avec plus de 250 officiers et une grosse présence française. Il reste beaucoup de chemin à parcourir, notamment à élaborer une doctrine, mais les outils sont sur pieds.
La fonte des glaces dans l'Arctique modifiera la sécurité des routes maritimes et provoquera une élévation de 80 centimètres à 1 mètre du niveau de la mer, c'est-à-dire la submersion de milliers d'îles. Outre les déplacements de populations, la carte des eaux territoriales – y compris celles de la France – s'en trouvera fortement affectée. Nous avons le souci de sensibiliser l'Europe à ces questions ; c'est pourquoi ce rapport a été élaboré dans le cadre de la Commission des affaires européennes.
Le SEAE est très demandeur d'une mutualisation du renseignement afin de bénéficier d'une bonne vision des zones stratégiques pour l'Union européenne.
Parmi les conséquences concrètes du réchauffement climatique, des îles disparaîtront, d'où des modifications des limites des eaux territoriales, des inondations, des changements de cours fluviaux et par conséquent des modifications de frontières, des catastrophes naturelles plus fréquentes et plus aiguës. Or, qui est capable de réagir en urgence pour les évacuations par air et par mer, de rétablir un minimum d'infrastructures ou d'armer des hôpitaux de campagne ? Ce sont les militaires. Si ceux-ci apparaissaient comme la force avancée d'une sécurisation des populations civiles en situation d'urgence, les États membres de l'Union européenne auraient plus de facilité à faire adopter leurs budgets de la défense.
Je n'ai aucune raison de ne pas croire la grande majorité des scientifiques, qui estiment que le changement climatique est d'origine anthropique. Cela dit, la méthode consistant à corriger ses conséquences, multiples et graves, n'est pas bonne ; nous ne prenons pas le problème par le bon bout. Il convient plutôt de s'attaquer aux causes, et ce n'est pas trop tard : des changements interviennent en permanence ; des villes de notre littoral méditerranéen ou atlantique, qui furent naguère des ports, ne le sont plus.
Dans les films catastrophes d'Hollywood, la solution vient toujours de l'armée. Dans notre pays, les catastrophes, y compris naturelles, sont prises en compte dans le cadre d'une organisation globale, la sécurité civile, qui englobe d'autres éléments que l'armée, comme les pompiers. Le modèle français est-il susceptible d'être décliné au niveau européen ?
Ce rapport est intelligent. Les causes et les conséquences, comme toujours, sont interactives. Le sujet deviendra prégnant avec les flux migratoires, non seulement Sud-Nord mais aussi Sud-Sud. Nous devons garder constamment en tête cet enjeu primordial.
S'occuper de l'adaptation n'interdit pas de s'occuper de l'atténuation.
Les migrations interviennent en domino : à l'intérieur d'un pays, entre pays d'une même zone régionale et cela peut déborder en Europe. Dans le rapport, nous évoquons la gestion des flux migratoires et l'accueil des populations.
Enfin, le continuum entre défense et sécurité civile est incomplet. Après les inondations de la Somme, l'armée était en première ligne. Des catastrophes naturelles peuvent intervenir sur le territoire de l'Europe, voire dans des pays stratégiques pour ses intérêts, en Afrique ou en Méditerranée ; l'Union européenne aurait donc intérêt à mutualiser ses capacités de réaction.
Puis la Commission a autorisé la publication du présent rapport.
Les PME font l'objet aujourd'hui de toutes les sollicitations. C'est particulièrement vrai dans le discours tenu par la Commission européenne à travers l'acte pour le marché unique qui érige le soutien aux petites et moyennes entreprises au rang d'une « ardente obligation ».Bien que la notion de politique industrielle ne figure pas dans la culture de la Commission européenne, il serait injuste de ne pas reconnaître l'importance et les moyens qu'elle accorde à cette question. La Commission européenne considère que la stratégie Europe 2020 et l'économie européenne sont largement tributaires de la capacité des petites et moyennes entreprises (PME) à exploiter leur potentiel. Le « Small Business Act » (SBA), cadre stratégique de l'Union européenne visant à renforcer les PME pour leur permettre de se développer et de créer des emplois a conduit, entre 2008 et 2010, la Commission et les États membres de l'Union européenne à mettre en oeuvre des actions pour alléger les charges administratives et faciliter l'accès des PME au financement et aux nouveaux marchés. Deux actions majeures au sein du SBA ont été considérées comme prioritaires par l'Acte unique et figurent parmi les douze leviers pour stimuler la croissance et renforcer la confiance, définis par la Commission européenne en avril 2011 : un financement amélioré des PME et l'allègement de ce qu'on appelle le carcan administratif qui pèse sur elles. C'est donc sur ces deux mesures que se concentrera notre rapport.
Pour la Commission européenne, le « Small Business Act » est le premier cadre stratégique complet en faveur des PME élaboré par l'Union européenne et par ses États membres. Depuis son adoption en juin 2008, 100.000 PME ont bénéficié des instruments financiers prévus par le programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité et ont ainsi pu créer plus de 100.000 emplois.
Des progrès importants ont déjà été enregistrés :
- en vertu de la directive sur les retards de paiement, les autorités publiques sont désormais tenues de régler leurs factures auprès de leurs fournisseurs dans un délai de 30 jours, ce qui améliore le flux de trésorerie des entreprises dans la plupart des États membres de l'Union européenne ;
- le temps et les coûts nécessaires à la création d'une entreprise ont été considérablement réduits ;
- la simplification des procédures en ligne et les possibilités accrues de proposer des offres conjointes ont facilité la participation des PME aux marchés publics.
Dans le bilan qu'elle livre en début d'année, la Commission européenne indique vouloir donner un nouvel élan au SBA à travers les points suivants :
- le développement des « guichets uniques » dans les États membres, afin de faciliter les procédures administratives ;
- des objectifs quantifiés de réduction de la « sur réglementation », pour lutter contre la pratique des instances nationales qui consiste à aller au-delà des exigences de la législation de l'Union européenne lors de la transposition de celle-ci dans la législation nationale.
Pour tirer pleinement profit du marché unique, la Commission européenne indique qu'elle conduira également les actions suivantes :
- une proposition relative à une assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés ;
- des mesures destinées à faciliter le recouvrement des créances transfrontalières ;
- une nouvelle stratégie en faveur de réseaux et de pôles de compétences (« clusters ») compétitifs au niveau mondial ;
- une action spécifique sur le transfert interrégional des connaissances entre des experts de l'environnement et de l'énergie au sein du Réseau entreprise Europe.
Cinq actions sont plus spécifiquement destinées aux PME :
- l'amélioration de l'accès au financement pour permettre aux PME d'investir et de se développer par les mesures suivantes :
favoriser l'accès aux garanties de prêt pour les PME grâce à des mécanismes renforcés de garantie de prêts ;
mettre en oeuvre un plan d'action destiné à améliorer l'accès des PME aux financements, y compris l'accès aux marchés de capital-risque, ainsi que des mesures ciblées pour sensibiliser les investisseurs aux possibilités que leur offrent les PME ;
permettre à toutes les banques, quelle que soit leur taille, de mettre aisément en oeuvre les prêts de la BEI et les instruments de l'Union européenne.
Il va de soi que ces mesures n'auront qu'une pleine efficacité si des solutions sont apportées à la crise bancaire actuelle, qui conduit les banques à exiger des responsables des PME des garanties allant au-delà du raisonnable ;
- l'amélioration de la législation de l'Union européenne par l'utilisation d'un « test PME » pour les propositions législatives de la Commission, en prêtant une attention particulière aux différences entre micro, petites et moyennes entreprises. Toutefois cette action connaît des limites, comme nous l'analysions plus loin ;
- la révision du système européen de normalisation afin de rendre les normes européennes plus favorables et plus accessibles aux PME ;
- l'assistance aux PME à l'égard de l'utilisation des règles relatives à l'étiquetage d'origine ;
- l'aide aux PME pour relever les défis de la mondialisation et du changement climatique.
La première urgence est l'amélioration du financement des PME.
Les petites et moyennes entreprises représentent 99 % de l'ensemble des entreprises dans l'Union européenne, et emploient environ 100 millions de personnes. Malheureusement, les banques ne les considèrent pas comme des acteurs présentant suffisamment de garanties pour l'octroi de prêts et de crédits. Avec la crise financière, la situation s'est détériorée de façon significative. Les banques sont devenues beaucoup plus réticentes au risque et l'exigence de garanties qui en découle crée des difficultés pour toutes les PME, en particulier dans le secteur des entreprises innovantes. Par conséquent, de nombreuses entreprises sont confrontées à un manque de liquidités, bien que leurs carnets de commandes soient pleins.
Quelles sont les intentions de la Commission européenne ?
Le financement des PME fera l'objet d'un plan d'action qui concernera non seulement l'accès aux diverses sources de financement, mais aussi directement les outils de financement des PME et la création d'un environnement favorable au développement et à la croissance des PME.
La directive « Transparence », le règlement d'application de la directive « Prospectus » et la directive « Abus de marché » doivent aussi être modifiés afin de rendre plus proportionnées les obligations applicables aux PME cotées, tout en garantissant le même niveau de protection des investisseurs.
La Commission européenne a adopté, le 29 novembre dernier, une nouvelle mesure qui doit faciliter l'accès des PME au financement grâce aux Fonds structurels européens. Concrètement, elle a adopté un règlement qui a élargi le champ d'intervention d'instruments tels que JEREMIE (Joint European Resources for Micro to Medium Enterprises – Ressources européennes conjointes pour les PME et les micro-entreprises). Cet instrument développé en collaboration avec le Fonds européen d'investissement permet aux États d'investir une partie des Fonds structurels dans des fonds de capital-risque, des fonds de prêts et des fonds de garantie.
Quelle est notre analyse ?
Nous partageons l'analyse du Gouvernement français qui considère qu'il serait utile de créer un régime boursier proportionné aux besoins des PME et des entreprises de taille intermédiaire, afin qu'elles puissent améliorer leurs fonds propres. Un tel régime doit être envisagé dans le cadre de la révision des directives boursières (directive « Transparence », directive « Marchés d'instruments financiers », directive « Abus de marché » révisées en 2011). En effet, amasser davantage de fonds propres et de quasi-fonds propres est essentiel pour soutenir les jeunes pousses (start up) et les petites entreprises innovantes.
Nous ne pouvons que soutenir la Commission européenne lorsqu'elle propose une législation visant à permettre que les fonds de capital-risque qui sont établis dans un Etat membre puissent investir dans n'importe quel autre État membre, sans obstacle ou exigence supplémentaire. L'objectif sera que les PME qui veulent recourir au capital-risque puissent s'adresser à des fonds ayant l'expertise nécessaire à leur secteur spécifique, et disposant de la capacité d'offrir des capitaux à un prix attractif, car les 21 millions de PME de l'Union européenne constituent un atout majeur pour une croissance durable et la création d'emplois.
L'ampleur des avantages qu'apporte le marché unique dépend de la facilité avec laquelle les personnes, les produits, les services et les capitaux peuvent circuler librement d'un État membre à un autre. L'objectif des politiques du marché unique est de faciliter ces mouvements non seulement par l'abolition de barrières, mais aussi par la création d'un environnement réglementaire réduisant au minimum le fardeau administratif. Dans ses conclusions des 24-25 mars 2011, le Conseil Européen a souligné le besoin de réduire les contraintes réglementaires, notamment celles pesant sur les PME, tant au niveau européen que national.
La proposition de révision des directives comptables a pour but principal de réduire le fardeau administratif dû aux obligations comptables imposées aux micros et petites entreprises ayant la forme de société anonyme ou à responsabilité limitée. Les économies potentielles découlant de cette proposition se montent à 1,5 milliard d'euros par an pour 1,1 million de petites entreprises, et à 5,2 milliards d'euros par an pour 5,9 millions de micro-entreprises. Les économies proviendraient essentiellement d'une diminution des obligations de production de documents financiers pour ces micro et petites entreprises. Au-delà de cette simplification, la révision des directives aura aussi pour objectif d'améliorer la clarté et la comparabilité à travers l'Union européenne des états financiers des entreprises de taille petite à grande. En outre, la proposition de la Commission d'exempter les micro-entreprises des dispositions des directives comptables doit être adoptée par le Conseil et le Parlement.
Dans cette perspective, la Commission a indiqué qu'elle proposera une révision des directives sur les normes comptables afin de simplifier les obligations d'information financière et de diminuer les contraintes administratives, en particulier celles pesant sur les PME.
Dans le domaine numérique, deux dispositions pourraient voir le jour.
La constitution d'un réseau électronique regroupant l'ensemble des registres du commerce des vingt-sept États membres paraît souhaitable, dans la mesure où elle permettra d'améliorer l'accès aux informations légales sur les sociétés et renforcera, ce faisant, la protection des intérêts des associés et des tiers. Une telle approche permettrait de remédier au caractère lacunaire de l'EBR (European Business Register) qui ne regroupe pour l'heure que dix-huit États membres. Il conviendra toutefois de veiller, dans les discussions à venir, à ce que la réforme envisagée ne conduise pas à un appauvrissement du contenu de la publicité légale, ni ne remette en cause les spécificités des registres locaux et nationaux.
La question des normes est essentielle. Une des explications des performances de l'industrie allemande s'explique par son aptitude à jouer avec l'élaboration des normes à son profit. J'ai pu le mesurer lors de mon déplacement à Berlin.
La proposition de règlement pour un nouveau cadre européen de normalisation est en cours de discussion. L'exécutif européen a identifié la lenteur excessive du processus de création des normes comme un des problèmes majeurs et l'ensemble de sa proposition de règlement vise à y remédier.
Dans le secteur des technologies de l'information et de la communication, de nombreuses normes ne sont pas élaborées par des organismes européens de normalisation (OEN), mais par des forums et consortiums mondiaux (par exemple World Wide Web pour les normes associées à Internet) à cause d'un manque d'expertise très spécialisée. Une grande partie des travaux est donc réalisée en dehors du système officiel européen, ne permettant de s'y référer dans les marchés publics que très rarement.
Face au constat dressé par la Commission d'une sous-représentation des PME dans les activités de normalisation et d'une insuffisante prise en compte des opinions des acteurs sociétaux, la Commission européenne propose de verser des contributions financières aux organismes qui les représentent au niveau européen. Nous pouvons craindre que cette action ne soit pas suffisante, en particulier face aux grands organismes de normalisation.
Concernant l'aide à l'exportation, une étude publiée l'an dernier par la Commission a montré qu'un quart seulement des PME européennes vendent leurs produits au-delà des frontières nationales, et que seuls 13 % d'entre elles exportent en dehors de l'Union européenne. Pour aider ces entreprises à saisir les chances offertes par l'internationalisation, le commissaire Tajani propose d'étoffer l'offre actuelle de services de soutien gratuits aux entreprises. Toutefois nous émettrons une réserve : les États font beaucoup pour aider leurs entreprises à exporter, les régions font de même, les chambres de commerce et d'industrie peuvent également jouer un rôle important. Aussi pouvons-nous demander s'il convient de créer des services supplémentaires pour l'accès des PME à l'exportation ou, au contraire, si le rôle de l'Union européenne ne devrait pas être d'abord de mieux coordonner les actions existantes. Nous avons tendance à penser que les problèmes essentiels des PME aujourd'hui sont liés aux dévaluations compétitives en dehors de l'Union européenne et aux variations de taux de change qui rendent très compliquée l'élaboration de perspectives de moyen terme.
C'est pourquoi il nous semble nécessaire de demander à la Commission européenne d'engager une étude sur la coordination des différents mécanismes d'aide à l'exportation des PME existant en Europe.
La Commission va entreprendre une étude des services existants, en commençant par les pays candidats et les pays voisins. L'analyse, qui devrait être terminée d'ici la fin 2012, devra identifier les principaux obstacles rencontrés actuellement par les PME européennes désireuses de s'internationaliser. Il existe déjà des centres d'affaires européens en Chine et en Inde qui conseillent les entreprises européennes sur des sujets pertinents pour elles, comme l'accès au marché ou les règlements. La Commission envisage de créer davantage de centres dans le monde et d'augmenter leur rôle, en vue d'accroître la confiance des PME.
En conclusion, les petites et les moyennes entreprises n'ont pas la possibilité de disposer de lobbyistes actifs à Bruxelles. C'est pourquoi le « test PME » est devenu obligatoire en 2009 pour vérifier l'incidence des nouvelles législations européennes sur les PME.
Or, selon l'Association des chambres de commerce et d'industrie, la Commission n'a pas encore réussi à établir à cet égard un système qui garantisse « une application uniforme, transparente et efficace du test PME, car la moitié des propositions législatives de la Commission européenne concernant les petites entreprises n'en ont pas fait l'objet ».
La moitié des évaluations d'impact ne mesure pas l'impact sur les PME et l'analyse faite par les autres est essentiellement descriptive. « Le test PME reste une notion abstraite dans plusieurs départements de la Commission. [...] En conséquence, les décisions prises par la Commission restent souvent fondées sur une vision très limitée de l'impact potentiel sur 99 % des entreprises européennes ».
Nous partageons l'avis des membres du Parlement européen qui ont unanimement insisté, le 24 octobre dernier, sur les difficultés d'accès au financement que rencontrent les PME. En particulier le crédit bancaire, la bureaucratie, le flou autour des taux de TVA, le manque de lisibilité des subventions communautaires ont été cités comme obstacles au développement des PME. Nous partageons cette analyse et constatons qu'il reste encore beaucoup de travail pour favoriser le développement de nos PME, outil clé dans la lutte contre le chômage.
Nous rappelons l'importance des questions monétaires et la nécessité absolue d'achever l'extension de la zone euro. En effet comment parler de concurrence loyale lorsqu'un pays important de l'UE, par exemple la Pologne, peut dévaluer sa monnaie de 40 % tout en continuant à bénéficier des avantages du marché unique ?
Enfin, nous souhaitons :
- que la Commission européenne se penche sur l'harmonisation européenne des dispositifs d'aides à l'exportation car, aujourd'hui, les collectivités territoriales, les États et l'Union européenne veulent aider les PME à exporter et cette volonté est louable mais elle génère probablement des gaspillages considérables sur lesquels il convient de s'interroger ;
- que les travaux en cours sur l'harmonisation de l'assiette consolidées de l'impôt sur les sociétés aboutissent le plus vite possible ;
- qu'aboutisse le plus vite possible la création d'un fond de capital risque européen qui serait un précieux outil de relance économique.
Je suis toujours très sceptique quand on parle de « simplification » administrative en France… Est-ce que ces simplifications seront effectuées, avec des objectifs de résultats, par la Commission et seront donc contraignantes pour la France, ou celles-ci ne seront-elles qu'une autre façon d'accroître les contraintes sur les entreprises ?
Il existe en effet pour les entreprises, une compétitivité par les coûts et une autre par la qualité et l'innovation des produits, cette compétitivité étant fortement influencée par le poids des normes et des règlements.
Quelles sont donc les intentions de la Commission pour simplifier la vie des entreprises ? Comment pourront-elles accéder à la vraie simplification qu'elles souhaitent ou celle-ci sera-t-elle octroyée d'en haut ? Faut-il faire jouer la subsidiarité pour réaliser cette simplification ?
La Commission ne peut malheureusement rien imposer en la matière aux États qui restent maîtres de leurs démarches administratives. La Commission souhaite que chaque État ait cette démarche simplificatrice qu'on appelle tous de nos voeux. Chaque État prend ses décisions séparément, mais un suivi sera cependant fait par la Commission dans le cadre de sa démarche pour le développement des PME.
On dit toujours que l'Europe est compliquée mais c'est en fait notre État qui complique tout.
Il y a eu des progrès ces dernières années, certes insuffisants, ce qui motive l'intervention de la Commission. Il y a eu des améliorations réelles comme celles apportées par exemple par la directive sur les retards de paiements et par celles concernant le temps et les coûts en matière de création d'entreprise. Il y a eu aussi des simplifications des procédures en ligne pour les PME pour participer à des offres conjointes en matière de marchés publics.
La Commission a aussi mis en place le Centre pour les PME de l'Union européenne en Chine qui aide les PME à exporter vers la Chine, même si la grande exportation n'est sans doute pas la priorité principale des très petites entreprises.
Un nouvel élan va être donné au SBA avec le développement des guichets uniques, la réduction de la surréglementation, une proposition relative à une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés et des mesures destinées à faciliter le recouvrement des créances transfrontalières.
Les choses vont donc graduellement mieux, bien que les entreprises trouvent ce mouvement toujours trop lent, mais c'est une démarche assez pragmatique qui vise à créer un environnement plus favorable à l'activité des PME.
La Commission a prévu un suivi d'objectifs quantifiés, notamment en matière de réduction de la surréglementation.
M. Monti a supprimé d'un seul coup, de façon concrète et brutale, 430 dispositifs législatifs en Italie pour simplifier la vie des entreprises.
Compte tenu des contraintes budgétaires, le recours à la dette n'est plus envisageable et seul le soutien aux PME en supprimant le carcan réglementaire qui affaiblit leur dynamisme permettra de retrouver une croissance positive et durable. Il faut prendre conscience de cette nécessité dans notre pays, ce qui pose le problème du maintien de notre administration à son niveau actuel.
Je souhaite remercier les rapporteurs car ce sont des sujets concrets et importants.
Depuis juin 2008, 100 000 PME ont bénéficié des nouveaux instruments financiers en créant 100 000 emplois, mais combien en France ?
Les simplifications concernant les retards de paiements ne fonctionnent que moyennement en France à cause de notre administration. Les délais de paiement sont encore trop importants. Il y a encore beaucoup de progrès à faire.
Le même constat s'impose en matière de création d'entreprise, les délais sont encore trop longs en France malgré des volontés locales d'améliorer les délais.
Se posent également des problèmes très importants de financement des PME auxquelles il faut faciliter l'augmentation de leurs capitaux propres. Actuellement, les banques freinent au maximum leur accompagnement des trésoreries assez tendues des PME.
Concernant la simplification, j'ai le même avis que M. Bur. Je l'ai constaté dans l'agriculture où j'ai effectué un travail en coopération avec les agriculteurs. Celui-ci a été présenté à la Chambre d'agriculture qui s'est déclarée intéressée mais n'a pas donné suite à cause de réticences administratives.
Le secteur des transports m'inquiète particulièrement car les PME y subissent des pertes énormes qui vont certainement s'amplifier dans l'avenir compte tenu du développement du cabotage et de l'absence de contrôles au titre de la directive « temps de travail » dans les autres États membres.
Malgré un bon début, il y a donc encore beaucoup de travail à accomplir dans ce domaine et il ne faut pas lâcher prise.
Le chiffre des 100.000 PME est celui qui est donné par la Commission européenne. Pour ce qui concerne les délais de paiement, le problème n'est pas réglé et la situation est clairement dramatique en Espagne. En France, elle est réglée en droit mais elle est très délicate lorsque les délais légalement prévus ne sont pas tenus.
Pour ce qui concerne le secteur précis des transports, on voit que nombre d'entreprises en France subissent des distorsions de concurrence de la part des pays où il y a des pratiques de dumping social et où l'application des règles n'est pas contrôlée. Certaines d'entre elles ferment.
Une remarque pour faire simplement part de ma perplexité sur la simplification. C'est un mot que j'entends depuis le début de ma carrière parlementaire il y a trente ans et depuis lors les procédures et les formalités n'ont fait que se compliquer. Par ailleurs, alors que nous sommes dans l'Europe, je suis toujours étonné de constater que nous qualifions d'exportations nos ventes dans les autres États membres. C'est assez curieux surtout pour la zone euro.
C'est pour souligner le succès du marché intérieur et c'est le mot approprié puisque nous ne sommes pas dans un État fédéral.
Chaque État membre, y compris lorsqu'il appartient à la zone euro, calcule sa balance commerciale.
C'est vrai qu'il y a une difficulté car on tend encore à rattacher les affaires européennes aux affaires étrangères.
Puis, sous réserve des observations formulées ci-dessus, la Commission des affaires européennes a approuvé les documentsE 6736 etE 6904.
Cette proposition de directive présentée par la Commission européenne concerne les concessions de travaux, soumises à la directive 200418CE, et étend certaines de ses dispositions aux concessions de services, actuellement soumises aux principes généraux du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi qu'aux services d'utilité publique (d'une valeur égale ou supérieure à 500 000 euros).
Elle poursuit l'objectif de réduire l'incertitude qui entoure l'attribution des contrats de concession et de clarifier les exigences procédurales afin de pallier le manque de sécurité juridique et de garantir à toutes les entreprises européennes un meilleur accès à ces marchés.
Elle donne une définition plus précise de la notion de concession et incorpore des obligations du traité dans le droit dérivé.
Elle précise un certain nombre de contraintes procédurales (allant au-delà de celles existantes en droit français) que doivent respecter les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices : ils doivent communiquer les délais imposés, les critères de sélection, d'exclusion et d'attribution et les garanties procédurales aux soumissionnaires potentiels.
Le gouvernement français demande le rejet du texte car il considère le texte en l'état actuel comme inacceptable pour trois raisons principales :
- en terme d'encadrement de la négociation la proposition de directive va trop loin : « une législation européenne sur les concessions n'aurait que peu d'effets sur l'ouverture des marchés concessifs, voire pourrait la freiner si les conditions pour y recourir étaient trop encadrées » ;
- des critères fixés, hiérarchisés et pondérés institueraient un cadre normatif contraignant pour l'attribution des concessions selon le SGAE : « Les dispositions de la proposition de directive imposeraient un régime beaucoup plus contraignant pour l'attribution et l'exécution de ces contrats » ; « Ces rigidités procédurales, calquées sur la procédure applicable aux marchés publics ne sont pas adaptées aux contrats de concessions » ;
- une disposition de la proposition de directive ne respecte pas la subsidiarité : L'obligation de créer un organe de contrôle est « contraire aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, l'organisation administration interne et les modalités de surveillance et de contrôle des acheteurs publics relevant de la seule responsabilité des États (…) ».
Le Sénat s'oppose également au texte pour non-respect de la subsidiarité.
Nous ne sommes pas favorables au texte proposé, étant donné qu'il contient de nombreuses mesures relevant de la compétence nationale. Toutefois nous estimons que cette directive soulève plusieurs aspects pertinents :
- des aspects positifs peuvent émaner d'une unification des régimes de concession européens (par exemple des conditions de concurrence équitables entre opérateurs économiques et une mise en oeuvre effective du principe de non-discrimination) ;
- la mise en place d'une autorité administrative indépendante nous semble intéressante dans l'optique de rééquilibrer les rapports entre les grands groupes concessionnaires et les collectivités (hôpitaux, ville moyennes).
C'est la raison pour laquelle nous proposons d'adopter une résolution demandant que cette proposition de directive soit transformée en recommandation. En effet la diffusion des bonnes pratiques figure dans les missions de la Commission européenne et plusieurs dispositions nous paraissent intéressantes mais ne relèvent pas des compétences communautaires.
Puis la Commission a approuvé la proposition de résolution suivante, présentée par Mme Anne Grommerch et M. Régis Juanico :
« L'Assemblée nationale,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l'attribution de contrats de concession (COM [2011] 897 finaln°E 6989),
1. Souligne que de nombreuses mesures de ce projet relèvent de la compétence nationale ;
2. Considère néanmoins que des aspects positifs peuvent émaner d'une unification des régimes de concession européens, notamment des conditions de concurrence équitables entre opérateurs économiques et de la mise en oeuvre effective du principe de non-discrimination ;
3. Estime que la mise en place d'une autorité administrative indépendante semble intéressante dans l'optique de rééquilibrer les rapports entre les grands groupes concessionnaires et les collectivités (hôpitaux, ville moyennes) ;
4. Considère que ce projet devrait être transformé en recommandation car la diffusion des bonnes pratiques figure dans les missions de la Commission européenne. »
La Commission a approuvé la proposition de directive (documentE 6989) sous réserve des modifications demandées dans la proposition de résolution.
Dans sa communication du 13 avril 2011 intitulée « Acte pour le marché unique: douze leviers pour stimuler la croissance et renforcer la confiance », la Commission européenne a fait de l'extension du système européen de normalisation aux services une de ses douze actions clés que les institutions de l'Union européenne doivent adopter avant fin 2012.
La normalisation européenne est le fruit d'une coopération volontaire entre l'industrie, les pouvoirs publics et d'autres parties concernées collaborant au sein d'un système fondé sur l'ouverture, la transparence et le consensus. Pour l'industrie européenne, les normes reflètent les pratiques d'excellence dans un domaine spécifique, car elles synthétisent l'expertise collective des intervenants.
À l'avenir, la normalisation européenne jouera un rôle essentiel dans un éventail de domaines plus large qu'aujourd'hui, allant du renforcement de la compétitivité de l'Europe à la lutte contre le changement climatique, en passant par la protection du consommateur et l'amélioration de l'accessibilité pour les handicapés et les personnes âgées.
Le projet de règlement sur la normalisation européenne qui nous est soumis se propose de distinguer deux types de normes: les normes européennes élaborées à la demande de la Commission, sur la base d'un «mandat» invitant les OEN (Organismes européens de normalisation) à définir ces normes, et les autres normes européennes établies à l'initiative d'autres acteurs (entreprises, organismes nationaux de normalisation, parties prenantes…).
Cette proposition s'attaque ainsi à trois problèmes majeurs :
- Les normes doivent suivre le rythme soutenu du développement technologique. Le principal inconvénient de la lenteur actuelle est que l'on trouve toujours des normes nationales contradictoires, ce qui peut produire des obstacles techniques dans la chaîne logistique ou des entraves au commerce si la norme nationale est employée comme un instrument protectionniste ;
- Une autre conséquence est que, faute de normes harmonisées, les entreprises ne peuvent utiliser la norme adéquate pour conférer une présomption de conformité ;
- L'existence de normes nationales contradictoires ou l'absence de normes harmonisées débouchent sur une augmentation des coûts de transaction et des coûts unitaires. les PME rencontrent toute une variété de problèmes liés aux normes et à la normalisation. L'un des plus importants, selon de nombreuses parties prenantes, est le fait que les PME sont en général sous-représentées dans les activités de normalisation, notamment au niveau européen. L'idée de mieux associer les PME à la définition des normes en finançant leur participation aux organismes adéquats est tout à fait positive.
Nous devons soutenir ces avancées. Néanmoins trois points doivent être améliorés et un quatrième appelle notre vigilance.
En ce qui concerne la consultation formelle des comités de suivi des directives sectorielles, chaque directive technique sectorielle devrait être dotée d'un comité de suivi, ce qui est loin d'être le cas. En matière de normalisation, la consultation des comités de suivi des directives sectorielles, lorsqu'ils existent, est essentielle. En effet, c'est dans ces comités que siègent les experts de l'administration qui sont en mesure d'exprimer des avis pertinents sur les normes. Aujourd'hui, la consultation des experts, pour ce qui concerne la normalisation, est souvent faite dans des groupes informels (souvent dominés par les experts du même grand pays industriel de l'UE). Les comités sectoriels n'ont un rôle formel que pour les cas de décision par rapport aux actes d'exécution (comitologie), dont ne fait pas partie le suivi de la normalisation (examen des mandats et objection formelle). La France et un certain nombre d'autres États membres souhaitent intégrer la normalisation dans les missions de ces comités afin que l'extension des normes puisse bénéficier des garanties offertes par la procédure des actes délégués. Nous estimons que le règlement transversal sur la normalisation que nous examinons, doit indiquer la façon dont les comités des directives sectorielles doivent être impliqués dans le processus d'élaboration des normes qui servent à l'application de ces directives.
Ensuite il faut introduire un critère de cohérence (ou de hiérarchisation) dans le choix des spécifications techniques dans le domaine des technologies de l'information qui relèvent du domaine privé afin d'éviter tout conflit avec des normes existantes, qui relèvent de l'intérêt général et de la puissance publique. Nous savons tous en effet que dans ce domaine les firmes privées essayent d'imposer leurs standards. Aussi est-il important que la volonté publique puisse prévaloir.
Par ailleurs il est important de prévoir explicitement une publication des normes harmonisées au Journal officiel de l'Union européenne dans tous les cas sans qu'il soit nécessaire de le répéter dans chaque directive sectorielle. C'est la seule façon de rendre officiel le fait qu'une norme donne présomption de conformité à une réglementation européenne.
Enfin le respect du statut de langue de travail du français est essentiel. Il est respecté dans le texte proposé mais s'il venait à être remis en cause au cours de la discussion, nous invitons le Gouvernement français à indiquer qu'il reviendrait sur son accord sur ce projet de règlement et que ce point ne serait pas négociable.
Sous réserve de ces observations, la Commission a approuvé le documentE 6316.
La séance est levée à 17 h 30