Il est donc devenu urgent de traiter de l'enjeu de l'impact du changement climatique sur la sécurité et la défense.
Il existe cependant des freins à la prise de conscience, que l'on peut désigner sous le terme global de « climatoscepticisme ». La communauté scientifique mondiale, dans sa très grande majorité, s'accorde à dire qu'il y a un réchauffement climatique à l'échelle globale et que celui-ci, à la différence des réchauffements antérieurs qui se sont déjà produits, est très probablement dû à des causes anthropiques. Elle converge également pour dire que le phénomène s'accélérera, même si le taux de cette accélération fait encore l'objet de débats d'experts. On ne dispose pas encore, au niveau régional, des mesures permettant de prendre les bonnes décisions, ce qui constitue un frein à l'action. Certains auteurs n'hésitent pas à parler de « mythe ».
Certaines difficultés sont également liées aux incertitudes, qui relèvent, d'une part, de la complexité des interactions entre les nombreux facteurs qui jouent un rôle dans la « machine climatique » terrestre et, d'autre part, des difficultés dans la prévision des évolutions futures des activités humaines et des choix technologiques qui influencent ces facteurs, autant au niveau régional que sur une échelle globale.
Les pays réagissent différemment aux risques liés au changement climatique.
En la matière, les États-Unis sont en pointe. Le dernier examen quadriennal de la Défense, le QDR 2010, analyse notamment l'impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense. Pour la première fois, il cite le changement climatique en tant qu'enjeu stratégique « qui jouera un rôle majeur dans l'avenir de l'environnement sécuritaire ». Le Pentagone s'intéresse aussi de près à ce sujet depuis quelques années. Ainsi, aux États-Unis, le réchauffement climatique est d'abord un enjeu stratégique majeur.
Au sein de l'Union européenne, c'est le Royaume-Uni qui est le plus sensibilisé à ces questions, en particulier à l'effet multiplicateur du changement climatique sur les conflits. En 2006, la secrétaire d'État aux affaires étrangères avait souligné que « le réchauffement climatique n'est pas uniquement une question environnementale. C'est également un problème de Défense ». En 2007, elle disait que « refuser aujourd'hui d'admettre que le changement climatique est une affaire de sécurité, c'est, selon moi, suivre les pas de ceux qui, en 1920, ont refusé de reconnaître les conséquences des réparations sur l'avenir de l'Europe ». Un conseil de sécurité nationale a été créé après les dernières élections, afin d'analyser les menaces nouvelles, en particulier celles liées au changement climatique et à la sécurité énergétique.
En France, s'il s'efforce de lutter contre le réchauffement climatique et l'émission des gaz à effet de serre, le ministère de la Défense ne semble pas avoir pris en compte la problématique du changement climatique et de la sécurité dans toutes ses dimensions. Certes, il y a des frémissements, comme par exemple une étude du CHEM (Centre des hautes études militaires) publiée l'année dernière, ou encore une étude de l'IRSEM (Institut de recherche stratégique de l'École militaire), mais les membres du groupe de travail disent bien parler en leur nom, sans engager l'institution. La France semble donc être en retard.
Au niveau international, l'ONU a réaffirmé, en novembre 2011, par la voix de son secrétaire général, l'impact du changement climatique sur la sécurité internationale.
L'OTAN est quant à elle une instance peu appropriée à la problématique du changement climatique et de la sécurité.
L'Union européenne a inscrit, dès 2003 (doctrine Solana), dans sa stratégie de sécurité européenne, le changement climatique comment un élément à étudier. Le dossier est réapparu sur le devant de la scène en 2011, comme en témoignent les conclusions du Conseil du 18 juillet 2011. Et l'Union européenne dispose d'outils qui pourraient être mieux utilisés ou développés.
La Haute représentante pour la politique étrangère et de sécurité commune peut s'appuyer sur le Service européen pour l'action extérieure (SEAE), qui joue actuellement avant tout un rôle que l'on pourrait qualifier de « diplomatie climatique », encore à un stade pilote.
Mme Catherine Ashton étant également responsable de la politique de sécurité commune de l'Union européenne, elle pourrait porter cette politique de sécurité ; celle-ci suppose cependant une volonté politique de la part des Etats membres.
En outre, malgré un début de réflexion, la doctrine reste à construire au niveau de l'Union européenne. Le troisième volet du document de travail ayant servi à élaborer les conclusions du Conseil « Affaires étrangères » du 18 juillet 2011, portant sur la diplomatie en matière de climat menée par l'Union européenne, est susceptible de constituer une ébauche de doctrine.
Les deux axes d'action traditionnels à l'égard du changement climatique sont celui de l'atténuation (visant à réduire les causes anthropiques du phénomène, avec la limitation des émissions de GES) et celui de l'adaptation (visant à prendre en compte les effets du réchauffement afin d'en pallier les conséquences). Cependant, compte tenu des incertitudes qui demeurent à l'égard des évolutions futures, il est souhaitable de développer un autre axe d'action, celui de la prévision et de l'analyse des risques. Un renforcement des capacités européennes dans ce domaine pourrait permettre à l'Union européenne et aux pays membres de disposer, de façon plus autonome, de données scientifiques fiables, afin de mieux orienter les décisions et la planification opérationnelle des mesures d'atténuation et d'adaptation à adopter en priorité.
En tout état de cause, l'Union européenne gagnerait à la définition et à la mise en place d'une véritable politique européenne en la matière. Ainsi, Mme Catherine Ashton veille, en sa qualité de vice-présidente de la Commission européenne, à la cohérence et à la coordination de l'action extérieure de l'Union européenne, mais préside également le Conseil des affaires étrangères et conduit la politique étrangère et de sécurité commune : les aspects « diplomatie et sécurité », mais aussi « défense », du changement climatique peuvent donc aisément être réunis et développés en cohérence, d'autant plus que l'État-major européen (qui existe depuis 2003 et compte plus de 250 membres) est désormais intégré à l'organigramme du SEAE et sous la responsabilité de la Haute représentante. Les outils sont en place, il manque la volonté politique.
Les initiatives demeurent actuellement trop largement nationales ; dans l'immédiat, un système européen d'alerte précoce, grâce à la mutualisation des renseignements (militaires, ministères des affaires étrangères, agences humanitaires...), est souhaitable. De plus, dans l'attente d'un budget suffisamment développé pour le SEAE - qui est en train de monter en puissance -, il faudrait augmenter les mises à disposition de ressources humaines au SEAE par les Etats membres.