COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 1erfévrier 2012
La séance est ouverte à dix heures dix.
(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine, sur le rapport de M. Jacques Grosperrin, la proposition de loi relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres (n° 4151).
La proposition de loi relative à la modification de certaines dispositions encadrant la formation des maîtres, que nous examinons aujourd'hui, a été inscrite par le Gouvernement à l'ordre du jour de la séance publique du mercredi 8 février après-midi et soir.
Cette proposition de loi n'a qu'un but : la réforme dite de mastérisation ayant transféré la formation des enseignants à l'université, elle procède à quelques modifications des articles du code de l'éducation qui, dans leur rédaction actuelle, confient cette mission aux Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).
Dans le modèle antérieur de formation, les enseignants étaient recrutés au niveau de la licence, ou de la maîtrise pour les agrégés, parfois après avoir préparé le concours dans un IUFM, et effectuaient, pendant leur année de stage probatoire, une année de formation en alternance répartie entre les établissements et les instituts où ils étaient initiés, pendant les deux tiers de leur service, à la pratique de l'enseignement.
La réforme a prolongé et unifié la formation des maîtres : les professeurs des écoles et les professeurs de collège et de lycée, certifiés et agrégés, sont désormais recrutés à bac + 5, au niveau du master, diplôme obtenu, dans l'immense majorité des cas, à l'université. La France s'est ainsi mise au diapason européen, en faisant le pari que l'université, qui forme déjà, et fort bien, les médecins et les avocats, saura préparer les étudiants au métier d'enseignant. Depuis la rentrée 2010, les admis aux concours sont donc directement affectés en établissement et bénéficient, au cours de leur année de stage, d'une formation complémentaire, dite « continuée », organisée par l'université et représentant un tiers de leurs obligations réglementaires de service.
Mais, faute d'avoir été modifiés, les articles du code de l'éducation se réfèrent à l'ancien modèle de formation. L'article L. 625-1 dispose ainsi que la formation des maîtres est assurée par les instituts, qui accueillent à cette fin les étudiants préparant les concours et les stagiaires admis à ces concours. Dans le même esprit, l'article L. 721-1 indique que les IUFM « conduisent les actions de formation professionnelle initiale des personnels enseignants », cette disposition faisant référence à l'année de formation en alternance, qui n'est plus organisée.
Les modifications proposées ont donc un triple objet. Premièrement, affirmer que la formation des maîtres est désormais assurée par les universités, « notamment ». À ce titre, ces établissements accueillent les étudiants préparant les concours et participent à la formation complémentaire des enseignants stagiaires admis à ces concours. Dans mon esprit, l'adverbe « notamment » se réfère aux écoles ou autres établissements d'enseignement supérieur qui proposent des masters « Enseignement » et forment ainsi les futurs enseignants. Je n'ai jamais – je dis bien jamais – voulu confier la formation à d'autres établissements que ceux-là. Dès lors, pour lever tout risque d'ambiguïté, et à la suite des observations de la Conférence des présidents d'université (CPU) et de la Conférence des directeurs d'IUFM (CDIUFM), je vous proposerai une rédaction plus claire et faisant référence aux masters orientés vers les métiers de l'enseignement.
Le deuxième objectif est d'acter la suppression de l'année de formation en alternance, qui n'existe plus aujourd'hui.
Le troisième est de préciser que les IUFM « participent à la formation des personnels enseignants » et non plus à leur seule formation « continue ». C'est reconnaître que les universités s'appuient, aujourd'hui, sur les IUFM pour organiser les actions de formation des enseignants, que cette formation soit initiale, pour les étudiants, complémentaire, pour les enseignants stagiaires, ou continue, pour les titulaires. La rédaction proposée revient donc à étendre la compétence d'opérateur des IUFM à l'ensemble de la formation des enseignants.
Ces modifications conduisent donc à conforter la place des IUFM : c'est faire un faux procès à cette proposition de loi que d'affirmer qu'elle les démantèle. C'est ce qu'ont reconnu, d'ailleurs, les représentants de la CDIUFM que nous avons entendus mercredi dernier.
En outre, la proposition de loi sanctuarise deux des missions des IUFM, en ne modifiant pas les dispositions qui s'y réfèrent : la recherche en éducation et l'organisation des « périodes de formation professionnelle en faveur des étudiants ».
La formation des maîtres est actuellement encadrée par un cahier des charges auquel la proposition de loi prévoit de substituer un référentiel. Je voulais, par cette rédaction, tenir compte de la philosophie de la loi dite LRU du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, qui conforte l'autonomie pédagogique et scientifique des universités : un référentiel a un caractère moins prescriptif et détaillé qu'un cahier des charges. Mais, sensible aux inquiétudes exprimées par la CPU et la CDIUFM, je vous proposerai de revenir à la notion de cahier des charges, la formation des maîtres étant une mission régalienne qui, à ce titre, devrait être fortement encadrée.
Cette proposition de loi nous est parvenue un peu à l'improviste, mais, en la lisant attentivement, on constate qu'il ne s'agit manifestement que d'un ajustement technique nécessaire pour disposer d'un cadre juridique et réglementaire conforme. On peut certes s'indigner de devoir légiférer dans la précipitation ; mais il est des moments, mes chers collègues, où nécessité fait loi. Cette proposition de loi a précisément l'avantage d'éviter quelques désagréments en Conseil d'État.
Dans la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, dite loi Fillon, du 23 avril 2005, dont j'étais rapporteur, ce sont les articles 43 à 45 qui ont donné le plus de fil à retordre au moment des décrets d'application, notamment la disposition qui assimile les IUFM à des écoles faisant partie des universités. Puis la grande loi dite LRU et le recrutement des enseignants au niveau du master ont bouleversé le contexte de la formation des maîtres.
L'article L. 625-1 du code de l'éducation ne pouvait rester en l'état puisqu'il n'évoque que les IUFM en tant que tels. Il fallait préciser que la formation des maîtres était assurée « notamment » par les universités – ainsi que par les autres établissements d'enseignement supérieur. Cet adverbe est important et il était important de modifier le texte.
La Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale et de la recherche publique a présenté au Conseil d'État une requête pour excès de pouvoir afin de faire annuler l'arrêté du 12 mai 2010 portant définition des compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation pour l'exercice de leur métier. Le problème était l'emploi du terme de « référentiel » plutôt que de ceux de « cahier des charges ». J'avoue ne pas avoir bien saisi la nuance de prime abord. Mais il me paraît aujourd'hui cohérent de rétablir l'expression « cahier des charges », qui figure dans le texte initial du code de l'éducation.
Le Conseil d'État a annulé un article de l'arrêté au motif que le ministre de l'éducation nationale ne pouvait modifier ou abroger seul un cahier des charges établi conjointement avec le ministre de l'enseignement supérieur. La motivation est donc strictement technique. D'autre part, cette décision n'a pas d'effet immédiat, le Conseil d'État ayant sursis à statuer sur la date d'effet des annulations partielles.
Réécrire l'arrêté était une possibilité, mais, pour le faire, il faut d'abord actualiser le texte de loi. En effet, il faut tirer les conséquences de l'intégration des IUFM aux universités, puis de la « mastérisation » du recrutement – que beaucoup appelaient de leurs voeux –, deux réformes qui, avec la loi LRU dans son ensemble, ont profondément modifié le contexte. Voilà pourquoi il faut voter la proposition de loi, assortie des amendements du rapporteur.
Quatre-vingts jours avant le premier tour de l'élection présidentielle, pourquoi inscrire un texte d'initiative parlementaire à l'ordre du jour d'une semaine normalement réservée au Gouvernement ? Et pourquoi recourir à la procédure accélérée, qui ne laisse pas la moindre place à la plus élémentaire concertation ? Parce que ce texte a été dicté par le ministère de l'éducation nationale et parce que sans la procédure accélérée, une proposition de loi déposée le 10 janvier n'aurait pas pu être examinée avant le 21 février, ce qui, faute de temps pour la navette, aurait empêché son adoption. Je regrette vraiment que notre collègue Jacques Grosperrin se prête à cette tartufferie.
Au-delà de cette question de forme, la proposition de loi fait l'unanimité contre elle quant au fond. Car, malgré les propos rassurants du rapporteur, elle consacre le démantèlement et l'éradication des IUFM à moyen et à long terme, conformément à l'objectif des deux ministres de l'éducation nationale qui se sont succédé au cours de la législature. Le ministre Darcos parlait sans cesse de mastérisation sans rien nous dire de ce qu'il en serait de la formation ; quant à Luc Chatel, il a eu en commission des mots très durs pour les IUFM, que nous avons tous entendus.
Après le désastre de la mastérisation, qui a privilégié une formation universitaire fondée sur des savoirs académiques au détriment d'une véritable formation pédagogique, ce texte tend à supprimer du code de l'éducation toute référence aux IUFM, ce qui est extrêmement grave. Par le seul adverbe « notamment », que l'amendement à l'alinéa 2 de l'article 1er ne supprime pas, il introduit dans la rédaction de l'article L. 625-1 une ambiguïté qui est un véritable signal adressé aux instituts privés, le cas échéant catholiques, comme à Bordeaux.
Enseigner est un métier qui s'apprend. Cette évidence disparaît au profit d'un credo qui fait de l'enseignement un art, un don naturel fondé sur le mimétisme – celui des jeunes stagiaires à qui il suffirait d'observer un maître qualifié pendant une journée –, voire une science infuse. Le constat est unanime : notre système éducatif se porte mal et la formation initiale et continue des enseignants, qui est au coeur de ce système, méritait un meilleur sort. Les IUFM, en tant qu'écoles intégrées à l'université, ont démontré leur efficacité en créant des masters malgré le cadre qui leur était imposé par le ministère au niveau national ou par leurs universités d'accueil au niveau local.
Un projet ambitieux pour l'éducation doit faire toute sa place à une école universitaire à finalité professionnelle, dont les moyens seront garantis par l'État. Au contraire, ce texte faussement anodin est inspiré par une idéologie qui remet en cause les principes de l'école républicaine et le statut des enseignants. La précarisation de ce statut est la face cachée des réformes. Désormais, c'est indéniable, le recours à des non-titulaires – contractuels ou vacataires – pour pallier le manque structurel d'enseignants est devenu systématique. Hypocrite, incohérent, ce texte est aussi revanchard – on sait combien l'arrêt du Conseil d'État a blessé le ministre. Voilà pourquoi nous le repoussons résolument.
Où faut-il dispenser l'enseignement supérieur en France ? Cette question se pose depuis près de deux cents ans. La coexistence de l'université et des grandes écoles, spécificité française, doit-elle perdurer ? Nous avons des grandes écoles de bon niveau, qui forment de bons ingénieurs ; mais leurs effectifs sont restreints, elles coûtent cher et ne figurent même pas dans le classement de Shanghai. On peut se demander si certaines classes préparatoires ne pourraient pas être transférées du lycée à l'université. Il est en tout cas heureux que, grâce à notre action, les élèves de khâgne bénéficient désormais d'équivalences au lieu de perdre deux années d'une bonne formation.
Car il faut absolument ménager des passerelles avec l'université, dont la mission est triple : transmettre des savoirs, comme le disait M. de Sorbon ; piloter la recherche, surtout dans la crise que nous connaissons ; enfin, délivrer des formations professionnalisantes. Cette dernière mission, qui date de la fin du xxe siècle, doit être prise en considération au xxie. Le parcours LMD – licence, master, doctorat –, que j'ai défendu à une époque où certains d'entre vous y étaient résolument opposés, a favorisé les passerelles entre différentes formations. Certaines des formations professionnalisantes dispensées à l'université sont de bon niveau, dans les domaines de la santé – médecine, pharmacie, kinésithérapie – et du droit notamment. Nos enseignants doivent-ils bénéficier de ce type de formations ? Parce que l'enseignement supérieur est un enjeu majeur et parce que la formation des enseignants en fait partie, je suis tout à fait favorable à ce que cette formation réintègre entièrement l'université.
Je l'ai déjà dit, le groupe GDR est exaspéré de devoir travailler dans ces conditions. À moins d'un mois de la clôture de la session ordinaire qui mettra également fin à cette législature, nous sommes invités à débattre d'un texte déposé depuis à peine plus de vingt jours ! Preuve de précipitation, l'auteur et rapporteur du texte n'a réussi à rassembler derrière lui qu'une trentaine de ses collègues alors que les députés du groupe UMP ont coutume de signer en bloc. Cette improvisation ne nous change guère de la manière habituelle d'aborder ce dossier à droite de l'hémicycle et jusqu'au plus haut niveau de l'État. Je songe à l'annonce surprise par le Président de la République, le 2 juin 2008, de la réforme dite de mastérisation et au chaos qui s'est ensuivi.
Cette réforme n'est pas bonne. Nous le savons tous puisque nous avons lu le rapport de la mission sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants. En désaccord, je le répète, avec les propositions que formule la seconde partie, nous retenons de ce rapport les termes d'un bilan sans appel de la mastérisation : traduction budgétaire délicate, offre de formation insatisfaisante, accès réduit des étudiants d'origine modeste au master, déconnexion entre le diplôme et le concours, désorganisation de l'année de stage des professeurs recrutés et appauvrissement du vivier des candidats, démissions en augmentation dans le second degré. Il y a plus grave, et il faut le dire à toutes celles et tous ceux qui nous écoutent, en particulier aux parents d'élèves : cette réforme, que votre proposition de loi tend en réalité à conforter, permet de confier la responsabilité d'une classe aux lauréats des concours sans les avoir préalablement formés. Il leur suffira d'être titulaires d'un master, quel qu'il soit, par exemple en finance. Et je ne parle même pas du problème bien plus vaste des professeurs vacataires.
Monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas opposés à une élévation du niveau d'études requis pour devenir enseignant, bien au contraire. Mais elle suppose de donner véritablement à tous les moyens de mener des études longues. En revanche, nous ne transigerons pas sur les mesures qui s'imposent pour sortir de cette crise profonde : abandon de la réforme en cours et retour à une vraie formation professionnelle, entrée progressive dans le métier, plan pluriannuel de recrutement.
Vous vous réjouissez dans votre rapport que la mastérisation permette à la France de rompre avec le modèle traditionnel de recrutement de la fonction publique, selon lequel l'État employeur organise des concours pour recruter et former à ses métiers des diplômés eux-mêmes formés par l'université à des disciplines intellectuelles. Mais la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d'État, vous a manifestement ramené à la réalité en décidant le 28 novembre 2011, sur requête du SNES, du SNESUP, de Sauvons l'université, de SUD Éducation, de la FCPE et du SGEN-CFDT, d'annuler en partie l'arrêté du 12 mai 2010 définissant les compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation ainsi que l'arrêté de la même date fixant les modalités d'évaluation et de titularisation des professeurs agrégés stagiaires. Le Conseil d'État a ainsi signifié au ministre de l'éducation nationale qu'il ne respectait pas la loi et lui a enjoint de procéder à une concertation pour résoudre le problème.
Aujourd'hui, vous vous faites la plume du ministre pour contourner cette décision et modifier directement le code de l'éducation. Et votre texte est inscrit à l'ordre du jour d'une semaine gouvernementale ! En outre, le Gouvernement décidera probablement d'engager la procédure accélérée pour faire adopter le texte à marche forcée avant les échéances électorales. Permettez-moi de vous le dire, ce n'est pas sérieux ! En outre, vous avez procédé à quelques auditions le temps d'une soirée, mais vous avez une fois de plus omis d'entendre le premier syndicat de l'enseignement supérieur ! Vous vous êtes mis à dos toute la communauté éducative, au sein de laquelle, selon une dépêche récente, votre texte a suscité un véritable « tollé ».
Nous reviendrons sur le fond lors de l'examen des articles. D'ores et déjà, nous nous opposons résolument à la dissolution des missions des IUFM ; à la possibilité de privatiser la formation des enseignants ; au remplacement du cahier des charges régissant la formation des maîtres par un simple référentiel – même si vous nous proposez aujourd'hui un amendement sur ce point, ce qui prouve votre hâte. Enfin, nous refusons l'abrogation des références à la formation théorique et pratique, à la formation initiale et continue – car, je le répète, enseigner est un métier – et à l'obligation de formation après recrutement des enseignants des établissements d'enseignement général et d'enseignement technologique.
Après la suppression de dizaines de milliers de postes, la précarité accrue dans l'éducation, le saccage des RASED – réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté –, l'éducation nationale va très mal. Les enseignants l'ont encore dit hier. Nous défendrons donc par voie d'amendement la suppression des dispositions que je viens d'énumérer. Mais je vous le demande au nom des députés communistes et du Parti de gauche, des futurs enseignants, de nos enfants qui doivent prendre le chemin de l'école en étant assurés d'avoir face à eux des adultes formés, capables de les mener à la réussite et à l'épanouissement : monsieur le rapporteur, retirez votre proposition de loi !
Peut-on dire que les IUFM, et les écoles normales avant eux, donnaient entière satisfaction ? Pour être passé par ce système, je n'en suis pas absolument certain, si l'on excepte le contact avec les maîtres formateurs, qui nous apprenaient vraiment à enseigner.
Qu'en sera-t-il des IUFM départementaux ? Je pense surtout à la formation des professeurs des écoles. L'enseignement en milieu rural, dans des classes à plusieurs niveaux, voire dans des classes uniques, a ses spécificités. J'aurais donc aimé que la loi confiant aux universités la formation des maîtres précise l'avenir des IUFM départementaux et leur intérêt département par département. Premier vice-président de conseil général, j'aimerais aussi savoir comment seront utilisés les locaux de ces IUFM, qui nous appartiennent et que nous prêtons, comme le font beaucoup de conseils généraux.
Sur la forme, peut-on légiférer pour détourner un arrêt du Conseil d'État ? La méthode est pour le moins particulière. Dans son arrêt, le Conseil d'État annule l'arrêté du ministre afin de susciter une concertation sur la formation initiale. Le Gouvernement – car nous savons bien, cher monsieur Grosperrin, que vous êtes la plume du ministre, sinon son otage – lui répond par une proposition de loi discutée en urgence quelques semaines avant le premier tour de l'élection présidentielle ! Cela seul suffit à rendre le texte inacceptable.
Quant au fond, tout a été dit par Martine Faure, après l'ensemble des syndicats enseignants et la Conférence des directeurs d'IUFM, dont les représentants ne nous ont pas du tout tenu les propos que vous évoquez : attachés aux IUFM, ils voient avec horreur la suppression de fait de ces instituts ainsi que de la formation initiale et continue. Cette suppression est incluse dans la proposition de loi : vous avez supprimé le mot « continue » de l'un des articles du code et vous n'y revenez pas. Vous n'avez même pas tenu compte du rapport de Jean-Michel Jolion, président du comité de suivi master, rapport commandé par le ministre lui-même et qui indiquait clairement en octobre 2011 : « Le système actuel met les étudiants en situation d'échec par accumulation de contraintes au lieu de les mettre en situation de réussite. » À quoi bon demander des rapports si c'est pour les mettre au placard ?
Le véritable but de votre proposition de loi est de supprimer les stages et de faire payer à la formation des maîtres – essentielle de l'avis de tous, comme le confirmeront bientôt a contrario d'autres rapports sur sa suppression – les restrictions budgétaires portant sur plusieurs dizaines de milliers de postes ! Par cette proposition de loi, vous légalisez le crime. Je le regrette aussi pour vous, mon cher collègue.
Cette proposition de loi n'a rien d'anodin. Elle n'est – pardonnez-moi de le dire, monsieur le rapporteur – ni opportune ni urgente. Elle est même hors de propos après le rapport que vous avez signé. Vous le dites vous-même, tout le monde le dit : l'urgence est de revoir la formation initiale et continue des enseignants. Vous parlez dans votre rapport de masters problématiques, d'une professionnalisation insuffisante, voire inexistante, de stages virtuels, de parcours de formation incohérents : la logique commandait un texte de réforme. Le Président de la République avait lui-même déclaré qu'il fallait changer les choses.
S'agit-il de répondre au Conseil d'État ? Si tel est le cas, il faut le dire ; sinon, il faut le dire aussi, car le Conseil d'État a demandé plus de concertation sur la formation et sur la professionnalisation. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) J'aime beaucoup la conception que se font mes anciens collègues de l'UMP de la liberté de parole et d'expression. Je passe sur le fait que l'on me donne la parole en dernier alors que j'avais demandé à intervenir juste après les porte-parole des groupes. J'aimerais au moins poursuivre sans entendre des murmures hostiles, voire agressifs.
Monsieur Couanau, vous avez la parole pour deux minutes et, ne représentant pas un groupe, vous ne pouviez intervenir juste après les porte-parole des groupes.
Voici ce que je voulais dire : ce que ce texte ne dit pas est plus dangereux que ce qu'il dit. C'est un modèle de non-dit ! On veut cacher le fait qu'il aurait fallu maintenir les 16 000 postes d'enseignants stagiaires pour assurer la formation professionnelle. On les a supprimés, et on se contorsionne pour trouver des compensations ! En outre, le Gouvernement voulait tuer les IUFM. Un bon IUFM est un IUFM mort, comme aurait dit le général Custer s'il avait été ministre de l'éducation nationale. Il bouge encore : il garde un petit rôle. Mais tout est fait pour préparer la disparition des anciennes écoles normales et la suppression de toute formation professionnelle des futurs enseignants. Ce n'est pas admissible ! C'est plus qu'une erreur, c'est une faute.
Je suis quelque peu surpris d'entendre des discours aussi grandiloquents, des mots aussi excessifs. J'aimerais poursuivre jusqu'au bout, comme mon collègue de l'opposition René Couanau… Il s'agit non d'une discussion générale sur une loi-cadre relative à l'éducation, mais bien d'un ajustement technique nécessaire pour disposer d'un cadre juridique. Les propos idéologiques et caricaturaux de mes collègues ne laissent donc pas de m'étonner. Pourquoi ne pas le redire ? Nous sommes tous extrêmement attachés à l'élévation du niveau de formation des enseignants. Nous souhaitons tous que leur formation rejoigne les universités. Ce texte s'inscrit dans le cadre de la loi LRU, comme – je le rappelle cordialement à mes collègues du groupe SRC – les propositions de François Hollande, lequel veut même aller plus loin que la loi en renforçant l'autonomie des universités ! En disant que cette proposition de loi met en cause l'école républicaine et substitue à la formation des maîtres la science infuse et le mimétisme, on dénature donc les positions mêmes de l'opposition. Sans doute la période un peu éruptive que nous vivons ne laisse-t-elle guère de place à l'objectivité. Pour notre part, nous voterons ce texte sans état d'âme, car il n'a absolument pas les conséquences que vous avez énoncées.
Une fois de plus, nous ne pouvons que regretter la précipitation avec laquelle le Gouvernement a décidé d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour. Politique de Gribouille, si souvent dénoncée ? Tentative d'occupation de l'espace médiatique par la polémique ? Chacun jugera.
Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur : il s'agit de modifier le code de l'éducation à propos de l'organisation de la formation des enseignants, c'est-à-dire de l'adapter à l'intégration des IUFM aux universités. Dont acte. Cela étant, je considère avec mes collègues qu'enseigner est un métier qui s'apprend et que la formation des enseignants doit garantir la maîtrise des savoirs enseignés et des compétences permettant de les enseigner. Dès lors, l'enjeu est aujourd'hui d'articuler la formation à l'université et la formation en milieu scolaire. À cet égard, plusieurs points de votre proposition de loi nous ont alertés.
Je relève tout d'abord, à la suite de mes collègues, l'ambiguïté du mot « notamment », qui laisse supposer que d'autres voies sont possibles. Cela nous inquiète eu égard au service public d'éducation, malgré vos tentatives de clarification dans votre propos liminaire. Par ailleurs, nous craignons sinon une disparition programmée des IUFM, du moins un affaiblissement de leur rôle, déjà entamé par une intégration mal préparée et inégale selon les sites. À la suite des remarques de la CDIUFM et de l'arrêt du Conseil d'État, vous êtes revenu sur la rédaction initiale par voie d'amendement. Si je m'en félicite, je reste vigilante car la rédaction définitive du texte peut nous réserver d'autres surprises d'ici au 8 février.
Madame la présidente, mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver après une longue absence, mais je vois que le climat n'a guère changé. Mes chers collègues socialistes, si vraiment tout le monde était contre cette épouvantable proposition de loi, vous devriez la soutenir pour mieux nous nuire !
Ce texte n'est rien d'autre qu'un réajustement technique qui tend à repréciser, donc à réaffirmer, la place des IUFM dans la formation initiale et continue, théorique et pratique, des enseignants et des personnels d'éducation. En outre, plusieurs amendements précisent et améliorent le texte. En toute sérénité, le pédagogue que je suis – comme nombre d'entre vous – approuve donc cette proposition de loi sans réserve.
M. Couanau a très justement évoqué les non-dits de cette proposition de loi. Si elle n'est que technique, pourquoi la faire voter aussi vite en cette fin de législature ? Et pourquoi maintenir l'adverbe « notamment » ? Supprimez-le, et nous en aurons terminé !
Ce n'est pas le caractère éruptif de la période qui explique la tonalité de notre débat, mais un enchaînement catastrophique – même si nous avions des points d'accord sur la LRU, en dépit de nos divergences, et sur la mastérisation – qui a créé une situation intenable. Le rapporteur prétend que tout le monde est d'accord et qu'il suffit de procéder à de petits réajustements. Le bref document sur la formation des maîtres préparé par la CDIUFM, étudié par tous les candidats à l'élection présidentielle, montre clairement que celle-ci n'est pas acquise au texte, contrairement à ce que prétend le rapporteur. Quant à la formation initiale, où est-elle aujourd'hui ? Il n'y en a plus ! Le rapporteur pourrait-il nous dire précisément, puisqu'il y a fait référence, ce que sont aujourd'hui la formation initiale, la formation en alternance et la formation continue, dans quels établissements elles sont assurées et grâce à quels moyens ?
Nous assistons à l'acte II de la mise à mal de la formation des enseignants. L'acte I était la mastérisation : une formation pédagogique amoindrie au profit de savoirs académiques nécessaires, mais qui ne suffisent pas pour transmettre ce que l'on sait, comme nombre d'enseignants en font l'expérience ; l'affaiblissement des IUFM, dont le budget est devenu la variable d'ajustement des budgets des universités, de nombreux postes en IUFM étant supprimés pour pallier des manques au sein d'universités victimes de la loi LRU. Voici maintenant l'acte II : le coup de grâce, la disparition complète des IUFM, auxquels on ne fait plus référence nulle part. Vous rendez possible la formation des enseignants dans des établissements privés : l'amendement du rapporteur ne résout rien, puisqu'il dit que « la formation des maîtres est assurée par les établissements d'enseignement supérieur, notamment par les universités, … ».
Selon certains, la discussion serait purement technique. Il ne s'agit de rien de moins que la disparition de la formation des enseignants ! Et ce n'est pas parce que l'on sait beaucoup de choses que l'on est capable de les transmettre.
Mme Pécresse, elle aussi, nous a soutenu qu'il suffisait d'avoir des connaissances académiques pour être un bon enseignant : c'est faux ! Le savoir est nécessaire, naturellement, mais non suffisant : une formation pédagogique est indispensable.
Monsieur Herbillon, François Hollande a dit : « Je mettrai en place un pré-recrutement des enseignants avant la fin de leurs études. Pour tous, je rétablirai une formation initiale digne de ce nom. » Voilà la différence entre les propositions de François Hollande et votre suppression de la formation des maîtres !
Malgré l'habillage technique que lui confère son titre, cette proposition de loi vise moins à « encadrer » qu'à supprimer la formation des maîtres. Personne, bien entendu, n'est contre la formation intellectuelle des enseignants et l'élévation du niveau des diplômes ; de fait, dans les IUFM, beaucoup d'étudiants sont déjà titulaires d'un master.
Il n'en reste pas moins évident que les enseignants ont besoin de formation professionnelle et continue, laquelle, quoi que l'on en dise, disparaîtra si nous votons ce texte.
J'ajoute que la détresse des enseignants est telle que le nombre de candidats aux concours de recrutement ne cesse de diminuer.
Vous avez affirmé, monsieur Debré, que la pratique ne comptait guère au regard du savoir ; mais existe-t-il – et le chirurgien que vous êtes le sait bien – un métier où la formation ne dépend pas de la pratique et de la recherche ? Dans la pédagogie comme dans la médecine, les techniques de pointe sont en constante évolution ; c'est pourquoi les IUFM sont si nécessaires.
Enfin, monsieur Jardé, il y a bien longtemps que les élèves de khâgne ont des équivalences universitaires.
M. Grosperrin, pour qui j'ai la plus haute estime, n'aurait pas rédigé un tel texte à la va-vite si celui-ci ne portait que sur un ajustement technique : il s'agit de toute évidence d'un travail de fond, qui est loin d'être anodin ; et s'il l'est, il faudra plus de trois semaines pour en lever toutes les ambiguïtés.
Ce texte apparaît de surcroît décousu. J'espère donc qu'il ne traduit pas une certaine malhonnêteté intellectuelle ; en tout état de cause, son importance exige que nous prenions le temps de l'examen, afin de substituer la mise en perspective à la mise en scène, et de réfléchir, tous ensemble, à la formation de nos enseignants.
Il ne suffit pas d'avoir une tête bien pleine, monsieur Debré, pour être un bon médecin ou un bon enseignant.
Certes, mais la formation continue est tout aussi essentielle.
« Enseigner n'est pas un art, mais un métier qui s'apprend et dont la pratique doit aussi être accompagnée », écrit Jean-Michel Jolion dans son rapport. Or c'est précisément ce qui fait défaut à cette proposition de loi, dont l'objectif, de l'avis de beaucoup, est de régler leur compte – passez-moi l'expression – aux IUFM et de déréglementer le système de formation, pour des motifs purement idéologiques.
Que l'on ne se méprenne pas sur mes propos.
Mme Crozon dit craindre que la formation des maîtres ne relève plus de l'université. Mais on peut être issu de Polytechnique ou de HEC, par exemple, et faire un très bon enseignant ! Affirmer qu'il n'est point de salut hors des IUFM me paraît donc pour le moins réducteur. La formation des maîtres peut, comme dans tous les pays du monde, se faire par la pratique ou l'acquisition de connaissances plus théoriques. J'ajoute que, si nous ouvrons les portes, le recrutement n'en sera que plus facile.
Vous déplorez qu'il n'y ait plus assez de personnes dans les IUFM ; mais il en va de même dans les facultés de médecine : le problème concerne donc, plus généralement, certaines filières du supérieur.
Je ne rouvrirai pas le débat sur la réforme de la mastérisation : nous l'avons eu en juillet puis en décembre, et il a donné lieu à la publication, après près de cent auditions, d'un rapport d'information. Vous connaissez mon jugement à ce sujet ; je n'en ai pas changé.
À en croire certains, je serais incohérent car la proposition de loi entérinerait un dispositif que j'ai critiqué ; mais, pour que cela soit vrai, il faudrait que cette dernière supprime le principe même des stages. Or je crois vous avoir dit que l'article du code de l'éducation qui attribue aux IUFM l'organisation des actions de préparation professionnelle en faveur des étudiants n'est pas modifié. Il s'agit donc d'un faux procès.
On reproche aussi à la proposition de loi de supprimer la référence expresse à l'alternance de formation. Mais ne nous trompons pas de débat. Nous sommes tous en faveur de l'alternance ; la seule question est de savoir laquelle. Je défends l'idée de masters professionnels préparant aux métiers de l'enseignement, selon les préconisations de la mission d'information : organiser, pendant les deux années du master, des allers-retours entre l'université et les stages de pratique accompagnée et en responsabilités.
Le parti socialiste, lui, défend un dispositif d'alternance en deuxième année de master et pendant l'année de stage suivant le concours, dans le cadre de la formation continue. De son côté, Philippe Meirieu défend le principe d'une alternance qui évoluerait vers le modèle de l'internat de médecine.
Toutes ces options ont des avantages et des inconvénients : le choix qui sera fait après les futures grandes échéances politiques sera décisif pour notre système éducatif.
S'agissant de la décision du Conseil d'État, je rappelle qu'elle consiste à redonner cours à un arrêté de 2006 qui limite à un tiers de leur service les obligations d'enseignement des enseignants stagiaires. Certains se réjouissent à l'idée que le nouveau dispositif de formation et de recrutement pourrait s'effondrer sous l'effet des recours formés par les enseignants qui effectuent leur stage cette année. Pour ma part, tout en reconnaissant qu'il y a un lien indirect entre la proposition de loi et la décision du Conseil d'État, je souhaite éviter toute insécurité juridique pour les 3 300 professeurs des écoles et les 7 800 enseignants du second degré qui effectuent leur stage en 2011-2012. Souhaiter le contraire serait, à mon sens, faire preuve d'irresponsabilité.
En résumé, je vous invite à patienter quelques mois pour qu'une future majorité, quelle que soit sa couleur, reconstruise les modalités de la formation des maîtres. Dans l'immédiat, je vous propose de légiférer pour reconnaître la responsabilité première des universités dans cette dernière.
La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er : Rôle de l'université en matière de formation des maîtres
La Commission est saisie de trois amendements identiques, AC 1 de Mme Martine Faure, AC 5 de M. René Couanau et AC 9 de Mme Marie-Hélène Amiable, tendant à la suppression de l'article.
La formation est actuellement assurée par les IUFM au sein des universités. Alors qu'a déjà été supprimée l'année de formation professionnelle, la proposition de loi fait disparaître toute mention des missions des IUFM dans le code de l'éducation.
Elle supprime aussi le cahier des charges, pourtant garant d'un cadre national, au profit d'un référentiel beaucoup plus souple, qui permet certes davantage d'autonomie, mais pas au sens où nous l'entendons.
Le texte permettrait même à d'autres établissements que les universités d'organiser la formation des enseignants : nous avons déjà exprimé nos réserves à ce sujet.
L'examen précipité de ce texte est-il dû à la décision du Conseil d'État ? Le rapporteur n'a pas été très clair sur ce point.
En réalité, la proposition de loi n'apporte aucune réponse de fond ; du rapport d'information publié il y a quelques semaines, elle ne tire aucune conclusion, sinon pour s'y opposer ! Tout cela est ubuesque.
Contrairement à ce que l'on prétend, ce texte ne doit rien à l'improvisation : il traduit une volonté de supprimer les IUFM – à défaut de pouvoir les réformer –, au profit d'une formation purement universitaire, et ce au mépris de tous les acquis de la science pédagogique.
L'article 1er retire aux IUFM la responsabilité de la formation des maîtres pour la confier aux seules universités. Bref, il ne s'agit rien moins que de supprimer les IUFM, l'adverbe « notamment » ouvrant, de surcroît, la possibilité de confier cette formation à des organismes extérieurs, et pourquoi pas privés.
Je rappelle d'ailleurs que des établissements privés se sont déjà spécialisés dans la formation théorique des maîtres, tels ForProf, qui prépare au concours de professeur des écoles publiques, ou l'Institut libre de formation des maîtres, qui développe ses propres certifications et examens, lesquels donnent accès à l'enseignement au sein des écoles du réseau « Créer son école ». Par ailleurs, des entreprises, qui jouent sur la crainte des stagiaires d'être mal formés ou sur leur désarroi devant les classes, proposent une formation continue, appelée « coaching », pour tous les niveaux.
L'article 1er prévoit également de supprimer le cahier des charges relatif à la formation des maîtres, pour le remplacer par un simple référentiel : cette disposition marquerait la fin du cadrage national.
Enfin, l'article supprime l'obligation d'alterner formation théorique et formation pratique.
Voici les raisons qui nous conduisent à souhaiter sa suppression.
Ces amendements de suppression sont motivés par le fait que la proposition de loi supprimerait toute mention des IUFM dans le code de l'éducation, qui lui consacre vingt articles, ou exclurait ces instituts du nouveau dispositif de formation, ce qui est inexact. Avis défavorable.
La Commission rejette les trois amendements identiques.
Elle examine ensuite l'amendement AC 12 du rapporteur.
Cet amendement poursuit un double objectif.
Premièrement, l'adverbe « notamment » suscite des craintes quant à la mainmise d'opérateurs de toutes natures sur la formation des maîtres. J'ai entendu ces inquiétudes et vous propose, en conséquence, de nous référer aux « établissements d'enseignement supérieur, notamment […] les universités », catégorie juridique qui permet de viser tous les établissements habilités par l'État à délivrer des masters « Enseignement » : Écoles normales supérieures, École nationale de formation agronomique de Toulouse ou grands établissements, comme l'Université de Lorraine.
Si les universités jouent le premier rôle, la quasi-totalité d'entre elles participent à la mastérisation ; elles le font aux côtés d'autres acteurs qui accueillent des milliers d'étudiants, et qui ne sauraient être ignorés.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC 13 du rapporteur.
Je propose que le cadrage de la formation des maîtres soit assuré par un cahier des charges et non par un référentiel. Il m'avait semblé, au moment du dépôt de la proposition de loi, que la notion de « référentiel » était plus compatible avec l'esprit de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite LRU. Cette vision est sans doute juste sur le plan des principes, mais les auditions m'ont permis de constater qu'il existe une forte demande, de la part des responsables d'université et d'IUFM, en faveur d'un cadre plus détaillé et prescriptif de l'offre de formation. C'est ce que permettrait un cahier des charges, juridiquement plus adapté au caractère régalien de la politique de formation des maîtres.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 1er ainsi modifié.
Article 2 : Missions des instituts universitaires de formation des maîtres
La Commission examine trois amendements identiques AC 2 de Mme Martine Faure, AC 6 de M. René Couanau et AC 10 de Mme Marie-Hélène Amiable, tendant à la suppression de l'article.
La formation professionnelle, initiale comme continue, est indispensable pour permettre aux enseignants l'acquisition et la maîtrise des disciplines académiques.
Le rapport Jolion, comme nous l'avons dit, précise qu'« enseigner n'est pas un art, mais un métier qui s'apprend ». Or les IUFM assurent la formation professionnelle initiale des enseignants, formation qui comprend un tronc commun et des parties spécifiques à chaque discipline.
Or l'article élimine la notion de formation professionnelle, qu'elle soit initiale ou continue. Nous souhaitons donc le supprimer.
Qu'il faille réformer les IUFM, tout le monde en est d'accord. Mais ce texte vise purement et simplement à les supprimer. Cette solution est peut-être politiquement plus simple, mais je ne l'approuve pas.
La suppression du mot « continue », proposée à l'alinéa 3, ne règle rien puisque le texte ne définit pas le rôle exact des IUFM, ou de ce qu'il en restera, dans la formation des maîtres. Bref, le texte détricote un système sans en proposer un autre.
L'article 2 supprime les références à la formation initiale et continue des maîtres dans le code de l'éducation. Or nous pensons qu'enseigner est un métier qui, à ce titre, requiert ces deux types de formation.
La proposition de loi, je le rappelle, étend la participation des IUFM à l'ensemble de la formation des maîtres, alors que le code de l'éducation, dans sa rédaction actuelle, la limite à la formation continue.
La rédaction que je propose permettra donc aux IUFM de participer à la formation initiale et continue : en amont du concours de recrutement – c'est-à-dire pour les étudiants –, pendant l'année de stage, pour organiser des actions de formation complémentaires, et tout au long de la carrière des enseignants, au titre de la formation continue.
La proposition de loi reconnaît ainsi le rôle d'opérateur de formation désormais joué par les IUFM. Je rappelle aussi qu'elle n'empêchera pas les étudiants d'être au contact des élèves, puisqu'elle ne modifie pas la disposition du code de l'éducation qui confie aux IUFM l'organisation des actions de préparation professionnelle en faveur des étudiants. Elle ne modifie pas non plus l'article 18 de la loi Savary de 1984, repris dans le code, qui précise que la formation de tous les maîtres « inclut des contacts concrets avec les divers cycles d'enseignement ».
Enfin, en 2011, malgré les difficultés de mise en route des stages, le ministère de l'éducation nationale a rémunéré 28 600 semaines de stage en responsabilité à plein temps pour des étudiants inscrits en deuxième année de master.
Pour ces différentes raisons, j'émets un avis défavorable à ces amendements.
La Commission rejette les trois amendements identiques.
Elle adopte ensuite l'article 2 sans modification.
Article 3 : Coordination avec la formation des enseignants des établissements technologiques
La Commission examine trois amendements identiques, AC 3 de Mme Martine Faure, AC 7 de M. René Couanau et AC 11 de Mme Marie-Hélène Amiable, tendant à la suppression de l'article.
La proposition de loi supprime l'obligation de formation après le recrutement, par concours, des étudiants, stagiaires et personnels enseignants, et fait disparaître les IUFM du champ des possibles formateurs. Nous souhaitons donc la suppression de cet article.
Comme l'OCDE l'a récemment rappelé, notre système de formation est devenu particulier en Europe. L'Allemagne vient elle-même de réformer le sien en accordant une plus grande part à la formation professionnelle des enseignants. Tantôt on s'inspire de ce pays, tantôt on s'en éloigne : c'est toute la cohérence ambiante !
Nous souhaitons, nous aussi, la suppression de cet article qui signe la disparition des IUFM – dont vous aviez déjà entamé le démantèlement – du champ des formateurs.
Nous voulons également voir maintenue l'obligation de formation, après le recrutement, des enseignants des établissements d'enseignement technologique.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les trois amendements identiques.
Elle adopte ensuite l'article 3 sans modification.
Article 4 : Application de la loi en outre-mer
La Commission est saisie de deux amendements identiques, AC 4 de Mme Martine Faure et AC 8 de M. René Couanau, tendant à la suppression de l'article.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les deux amendements identiques.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AC 14 du rapporteur.
Elle adopte alors l'article 4 ainsi modifié.
La Commission adopte ensuite l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
Je regrette vivement que nos collègues de gauche n'aient pas compris, contrairement à ceux de la majorité, que je remercie, tout l'intérêt des dispositions de ce texte.
La séance est levée à onze heures vingt.