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Intervention de Marie-Hélène Amiable

Réunion du 1er février 2012 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Amiable :

Je l'ai déjà dit, le groupe GDR est exaspéré de devoir travailler dans ces conditions. À moins d'un mois de la clôture de la session ordinaire qui mettra également fin à cette législature, nous sommes invités à débattre d'un texte déposé depuis à peine plus de vingt jours ! Preuve de précipitation, l'auteur et rapporteur du texte n'a réussi à rassembler derrière lui qu'une trentaine de ses collègues alors que les députés du groupe UMP ont coutume de signer en bloc. Cette improvisation ne nous change guère de la manière habituelle d'aborder ce dossier à droite de l'hémicycle et jusqu'au plus haut niveau de l'État. Je songe à l'annonce surprise par le Président de la République, le 2 juin 2008, de la réforme dite de mastérisation et au chaos qui s'est ensuivi.

Cette réforme n'est pas bonne. Nous le savons tous puisque nous avons lu le rapport de la mission sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants. En désaccord, je le répète, avec les propositions que formule la seconde partie, nous retenons de ce rapport les termes d'un bilan sans appel de la mastérisation : traduction budgétaire délicate, offre de formation insatisfaisante, accès réduit des étudiants d'origine modeste au master, déconnexion entre le diplôme et le concours, désorganisation de l'année de stage des professeurs recrutés et appauvrissement du vivier des candidats, démissions en augmentation dans le second degré. Il y a plus grave, et il faut le dire à toutes celles et tous ceux qui nous écoutent, en particulier aux parents d'élèves : cette réforme, que votre proposition de loi tend en réalité à conforter, permet de confier la responsabilité d'une classe aux lauréats des concours sans les avoir préalablement formés. Il leur suffira d'être titulaires d'un master, quel qu'il soit, par exemple en finance. Et je ne parle même pas du problème bien plus vaste des professeurs vacataires.

Monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas opposés à une élévation du niveau d'études requis pour devenir enseignant, bien au contraire. Mais elle suppose de donner véritablement à tous les moyens de mener des études longues. En revanche, nous ne transigerons pas sur les mesures qui s'imposent pour sortir de cette crise profonde : abandon de la réforme en cours et retour à une vraie formation professionnelle, entrée progressive dans le métier, plan pluriannuel de recrutement.

Vous vous réjouissez dans votre rapport que la mastérisation permette à la France de rompre avec le modèle traditionnel de recrutement de la fonction publique, selon lequel l'État employeur organise des concours pour recruter et former à ses métiers des diplômés eux-mêmes formés par l'université à des disciplines intellectuelles. Mais la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d'État, vous a manifestement ramené à la réalité en décidant le 28 novembre 2011, sur requête du SNES, du SNESUP, de Sauvons l'université, de SUD Éducation, de la FCPE et du SGEN-CFDT, d'annuler en partie l'arrêté du 12 mai 2010 définissant les compétences à acquérir par les professeurs, documentalistes et conseillers principaux d'éducation ainsi que l'arrêté de la même date fixant les modalités d'évaluation et de titularisation des professeurs agrégés stagiaires. Le Conseil d'État a ainsi signifié au ministre de l'éducation nationale qu'il ne respectait pas la loi et lui a enjoint de procéder à une concertation pour résoudre le problème.

Aujourd'hui, vous vous faites la plume du ministre pour contourner cette décision et modifier directement le code de l'éducation. Et votre texte est inscrit à l'ordre du jour d'une semaine gouvernementale ! En outre, le Gouvernement décidera probablement d'engager la procédure accélérée pour faire adopter le texte à marche forcée avant les échéances électorales. Permettez-moi de vous le dire, ce n'est pas sérieux ! En outre, vous avez procédé à quelques auditions le temps d'une soirée, mais vous avez une fois de plus omis d'entendre le premier syndicat de l'enseignement supérieur ! Vous vous êtes mis à dos toute la communauté éducative, au sein de laquelle, selon une dépêche récente, votre texte a suscité un véritable « tollé ».

Nous reviendrons sur le fond lors de l'examen des articles. D'ores et déjà, nous nous opposons résolument à la dissolution des missions des IUFM ; à la possibilité de privatiser la formation des enseignants ; au remplacement du cahier des charges régissant la formation des maîtres par un simple référentiel – même si vous nous proposez aujourd'hui un amendement sur ce point, ce qui prouve votre hâte. Enfin, nous refusons l'abrogation des références à la formation théorique et pratique, à la formation initiale et continue – car, je le répète, enseigner est un métier – et à l'obligation de formation après recrutement des enseignants des établissements d'enseignement général et d'enseignement technologique.

Après la suppression de dizaines de milliers de postes, la précarité accrue dans l'éducation, le saccage des RASED – réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté –, l'éducation nationale va très mal. Les enseignants l'ont encore dit hier. Nous défendrons donc par voie d'amendement la suppression des dispositions que je viens d'énumérer. Mais je vous le demande au nom des députés communistes et du Parti de gauche, des futurs enseignants, de nos enfants qui doivent prendre le chemin de l'école en étant assurés d'avoir face à eux des adultes formés, capables de les mener à la réussite et à l'épanouissement : monsieur le rapporteur, retirez votre proposition de loi !

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